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NFFN - Comité permanent

Finances nationales


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES FINANCES NATIONALES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 20 novembre 2024

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd’hui, à 18 h 46 (HE), pour étudier toute question concernant les prévisions budgétaires du gouvernement en général et d’autres questions financières, et pour étudier la pratique consistant à inclure des questions non financières dans les projets de loi exécutant les dispositions des budgets et des énoncés économiques.

Le sénateur Claude Carignan (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bonsoir. Avant de commencer, je voudrais demander à tous les sénateurs et aux autres participants qui sont ici de consulter les cartes sur la table pour connaître les lignes directrices visant à prévenir les incidents liés au retour de son. Veuillez tenir votre oreillette éloignée de tous les microphones à tout moment. Lorsque vous n’utilisez pas votre oreillette, placez‑la, face vers le bas, sur l’autocollant placé sur la table à cet effet.

Merci de votre coopération.

Bienvenue à tous les sénateurs et sénatrices, de même qu’aux gens qui nous regardent sur le site sencanada.ca. Mon nom est Claude Carignan. Je suis un sénateur du Québec et je suis président du Comité sénatorial permanent des finances nationales.

Je demanderais maintenant à mes collègues de se présenter, en commençant par ma gauche.

Le sénateur Forest : Bienvenue. Éric Forest, de la division du Golfe, au Québec

Le sénateur Loffreda : Bienvenue. Tony Loffreda, de Montréal, au Québec.

[Traduction]

La sénatrice MacAdam : Jane MacAdam, de l’Île-du-Prince-Édouard.

La sénatrice Ross : Krista Ross, du Nouveau-Brunswick.

[Français]

Le sénateur Smith : Larry Smith, de Montréal, au Québec.

Le président : Pour la première partie de notre réunion d’aujourd’hui, nous entendrons des représentants de Services publics et Approvisionnement Canada, qui nous donneront un aperçu des pratiques fédérales en matière de marchés publics, puis qui répondront à nos questions, en particulier celles qui sont liées aux préoccupations soulevées dans le rapport 5 de la vérificatrice générale concernant les contrats de services professionnels. J’imagine qu’on traitera également d’autres sujets qui touchent vos portefeuilles.

Nous sommes heureux d’accueillir M. Dominic Laporte, sous‑ministre adjoint, Direction générale de l’approvisionnement, et Mme Lysane Bolduc, directrice générale, Secteur des solutions transformatrices pour les services professionnels, Services publics et Approvisionnement Canada. Bienvenue.

Nous allons maintenant entendre les déclarations liminaires de M. Laporte, pour une durée de cinq à sept minutes. Par la suite, nous aurons des questions à vous poser.

Dominic Laporte, sous-ministre adjoint, Direction générale de l’approvisionnement, Services publics et Approvisionnement Canada : Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité. Permettez-moi d’abord de reconnaître que nous nous réunissons sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe.

Je suis accompagné de Mme Lysane Bolduc, directrice générale, Secteur des solutions transformatrices pour les services professionnels.

Je tiens à remercier le comité de nous avoir invités aujourd’hui à parler des conclusions des rapports déposés par l’ombud de l’approvisionnement et la vérificatrice générale du Canada relativement aux contrats de services professionnels.

[Traduction]

Services publics et Approvisionnement Canada, ou SPAC, est chargé de gérer l’approvisionnement et d’établir des contrats pour le compte des ministères et organismes. La valeur totale de ces contrats s’élève à 27 milliards de dollars par an.

Durant la pandémie, SPAC a joué un rôle essentiel pour permettre au gouvernement du Canada de poursuivre ses activités et d’apporter un soutien important aux provinces et aux territoires. Nous sommes particulièrement fiers de notre rôle dans l’achat urgent de fournitures essentielles et de vaccins vitaux.

Dans le cas d’ArriveCAN, tant la vérificatrice générale que l’ombud de l’approvisionnement ont ciblé des secteurs où nous devons resserrer notre contrôle, notamment en ce qui concerne la documentation et nos procédures de passation de contrats avec des experts-conseils en informatique.

Nous acceptons ces recommandations dans leur intégralité et nous avons d’ailleurs déjà mis en œuvre une série de mesures concrètes pour renforcer nos processus.

À la fin de l’année dernière, SPAC a pris la décision sans précédent de suspendre les pouvoirs délégués de tous les ministères et organismes relativement à l’approvisionnement en services professionnels jusqu’à ce qu’ils acceptent officiellement un nouvel ensemble de conditions plus rigoureuses et qu’ils puissent démontrer à SPAC qu’ils les respectent. À ce jour, 99 ministères et organismes, y compris l’Agence des services frontaliers du Canada, ont signé l’entente, qui exige d’eux qu’ils ajoutent à leurs demandes de soumissions des dispositions qui augmenteront la transparence des fournisseurs en ce qui concerne les prix et le recours à des sous-traitants.

Nous prenons également des mesures pour renforcer le contrôle et la surveillance des contrats de services professionnels, et plus particulièrement des autorisations des tâches. En effet, nous veillons maintenant à ce que les autorisations de tâches comprennent des tâches et à ce que l’initiative ou le projet auquel une ressource donnée travaillera y soit clairement indiqué.

Nous avons revu nos exigences en matière d’évaluation afin de confirmer plus efficacement que les sociétés possèdent les qualifications et l’expérience de travail éprouvée requises.

Nous savons que pour démontrer la bonne utilisation des fonds publics, nos processus et nos décisions doivent être documentés avec clarté. La transparence est au cœur de nos préoccupations.

[Français]

Ainsi, nous avons pris des mesures pour que les dossiers d’approvisionnement et la documentation soient tenus de manière plus rigoureuse. Nous demandons aux ministères clients d’obtenir des copies des curriculum vitæ et des grilles d’évaluation qui montrent que les ressources répondent aux exigences en matière de qualification et d’expérience. Nous demandons aussi des copies de factures accompagnées de feuilles de temps, ainsi que la confirmation qu’ils ont reçu la preuve des habilitations de sécurité avant le début de toute tâche, quelle qu’elle soit.

[Traduction]

Nous avons également établi de nouvelles exigences en matière de documentation afin d’améliorer le suivi de l’avancement des travaux et des délais de livraison, ainsi qu’une nouvelle liste de contrôle obligatoire qui doit être remplie pour chaque dossier de passation de contrats de services professionnels.

Nous avons mis sur pied le Bureau d’assurance de la qualité des contrats et de la conformité des dossiers, qui veille à ce que les politiques et les procédures d’approvisionnement soient respectées et à ce que les décisions soient correctement documentées. Jusqu’à présent, le Bureau a lancé des outils pour des examens entre les pairs de même que pour des examens de superviseurs ou de directeurs. Depuis avril, il a ainsi effectué trois cycles d’examen visant plus de 450 dossiers.

Nous tâchons en outre d’améliorer la formation et l’aide données aux autorités contractantes, tant à SPAC que dans les ministères clients.

En avril, nous avons créé un nouveau secteur dirigé par Mme Bolduc, l’objectif étant d’assurer une meilleure surveillance, une plus grande cohérence et un meilleur contrôle en ce qui concerne la passation de contrats dans toutes les catégories de services professionnels.

[Français]

En terminant, je sais que les médias et les comités parlementaires ont soulevé de nombreuses préoccupations concernant les marchés publics fédéraux et l’intégrité du système.

Nous avons les mêmes préoccupations et, en collaboration avec nos employés des marchés publics qui travaillent chaque jour avec diligence, nous continuerons d’œuvrer à l’amélioration et au maintien de l’intégrité du système de passation des marchés publics. Merci de votre attention. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Laporte et madame Bolduc. Nous allons commencer la ronde de questions avec le sénateur Forest.

Le sénateur Forest : Mes questions visent à mieux comprendre ce qui s’est passé, car effectivement, beaucoup d’inquiétudes ont été soulevées.

Un des problèmes importants que la vérificatrice générale a identifiés, c’est que, dans environ 95 % des cas, les ministères ne justifiaient pas le recours à des contrats non concurrentiels. Comment peut-on expliquer la méconnaissance d’une règle qui, à mon avis, est élémentaire lorsqu’on accorde un contrat de gré à gré?

M. Laporte : Merci pour la question. Je pense qu’on faisait vraiment référence aux conclusions de la vérificatrice générale dans l’affaire McKinsey.

Un des enjeux qui ont été soulevés, c’est que les offres à commandes nationales étaient non concurrentielles. Par le fait même, depuis ce temps, l’approche de Services publics et Approvisionnement Canada a été revue, mais comme on faisait affaire avec McKinsey et d’autres fournisseurs qui détenaient des droits de propriété intellectuelle sur leur méthodologie, on avait une offre à commandes non concurrentielle, par laquelle les ministères utilisaient des ressources qualifiées.

Bien entendu, une des conclusions à laquelle sont arrivés la vérificatrice générale et l’ombud, c’est qu’à chaque émission d’une autorisation de tâche, la vérification de tâche elle-même aurait dû faire l’objet d’une justification.

Nous avons pris des mesures et ces outils d’approvisionnement non concurrentiels ont été abolis. Je dirais que cette pratique, qui existait depuis 1995, ne favorisait pas uniquement un fournisseur, mais elle était ouverte à six différents fournisseurs qui avaient ces appels d’offres non concurrentiels. Cette pratique devait cesser et nous l’avons arrêtée.

Depuis lors, lorsqu’il y a des justifications, en premier lieu, c’est la compétition qui est la norme. Deuxièmement, nous nous assurons que les contrats sont bien documentés.

Le sénateur Forest : Dans le cas de ces appels non concurrentiels, est-ce qu’il y avait un devis qui était soumis, ou y avait-il un contrat de gré à gré, et on constatait le résultat en fin de course?

M. Laporte : Pour ces contrats de services professionnels qu’on appelait des « contrats de benchmark », chaque fournisseur documentait son catalogue de services. Des prix et des services de consultation étaient établis et c’était comme utiliser un catalogue dès le début.

Par contre, chaque fois qu’un ministère client utilisait un de ces outils d’approvisionnement, ce qui est vraiment l’exception, ce qui manquait, c’était une justification qui expliquait pourquoi, pour chaque autorisation de tâche, on avait besoin d’avoir recours à un processus non concurrentiel.

Le sénateur Forest : Un des problèmes que vivent beaucoup d’organisations, c’est que, dans le domaine informatique, lorsqu’elles commencent avec une gamme de logiciels, à un moment donné elles n’ont pas le choix de poursuivre avec le même fournisseur de services informatiques.

À l’échelle du gouvernement fédéral, j’imagine que les investissements dans ce domaine sont énormes. Est-ce que des mesures sont prises pour empêcher d’être piégé avec la même solution informatique à la vie à la mort?

M. Laporte : C’est une très bonne question et je vais me tourner vers Mme Bolduc pour qu’elle complète ma réponse.

Premièrement, on part toujours du principe que la compétition est la norme. Je pense qu’il y a beaucoup de conscientisation dans le système, qui fait en sorte qu’on ne se retrouve pas prisonnier d’une marque de commerce en particulier parce qu’on a beaucoup investi dans cette gamme de logiciels.

Je ne vous cacherai pas que nous fournissons les solutions d’approvisionnement, mais nous ne sommes pas le client; chaque ministère arrive avec ses besoins. Par ailleurs, je crois que c’est lorsqu’on lance des appels d’offres concurrentiels et qu’on définit les besoins d’un ministère, non pas par rapport à une solution d’une compagnie en particulier, mais de manière générique, qu’on peut justement s’éloigner d’une solution de laquelle on risque de devenir otage au cours des années, parce qu’on aura beaucoup investi dans cette solution.

Je vais me tourner vers Mme Bolduc, qui pourra compléter ma réponse.

Lysane Bolduc, directrice générale, Secteur des solutions transformatrices pour les services professionnels, Services publics et Approvisionnement Canada : J’aimerais ajouter que pour les solutions complexes liées aux technologies de l’information, les processus d’approvisionnement pour de nouveaux contrats sont planifiés plusieurs années d’avance. Les contrats contiennent des dispositions qui font en sorte que la compagnie qui détient le contrat doit absolument prévoir une période de transition avec la compagnie qui gagnera le contrat. C’est quelque chose de prévu dans les contrats.

Lorsqu’on change de technologie, il y a évidemment une complexité de plus, et il existe des mécanismes contractuels qui permettent de faire une transition.

Le président : J’aimerais poser une question pour clarifier un point. Vous avez dit que, dans le cas de McKinsey, ils utilisaient ce processus lorsqu’une entreprise a une propriété intellectuelle à détenir. J’ai peut-être mal compris, mais si c’est le cas, quelle était la propriété intellectuelle particulière de McKinsey? On parle d’une firme de consultants. Ce ne sont pas des licences de logiciels.

M. Laporte : Je peux peut-être préciser.

McKinsey mettait à la disposition de tous ses clients, tant privés que gouvernementaux, des outils de recherche basés sur des données qu’elle avait collectées par rapport à différentes entreprises ou différents gouvernements à travers le monde.

Disons par exemple que, dans le domaine de la santé, un ministère cherchait à créer un nouveau programme et à se situer par rapport à ses pairs; des questionnaires étaient remplis et beaucoup d’informations étaient fournies par les clients, et McKinsey jouait un rôle de benchmarking.

C’était une méthodologie propre à McKinsey, mais d’autres compagnies étaient aussi impliquées dans ces services professionnels.

Mme Bolduc : Comme l’a expliqué M. Laporte, ce sont vraiment des données que ces compagnies avaient acquises au fil des ans.

Je peux ajouter un élément de réponse à la question sur les coûts lorsqu’on recevait une soumission de ces compagnies. Le ministère a une unité qui permet de vérifier que, dans le cas d’une source unique, dans le cas d’une augmentation de la valeur d’un contrat qui est également une source unique ou dans le cas de la réception d’une seule soumission, le prix qui nous est offert est comparable à ce qui serait obtenu ailleurs sur le marché, par exemple auprès d’une compagnie privée. Il y a des gens dont la fonction est de vérifier que les coûts soumis au gouvernement sont compétitifs ou normaux par rapport au marché.

[Traduction]

Le sénateur Smith : J’ai une question pour laquelle je vais faire une mise en contexte.

L’examen de SPAC par l’ombud de l’approvisionnement en 2023 a soulevé de nombreuses préoccupations, y compris des problèmes liés à des critères obligatoires et des documents d’appel d’offres peu clairs ou incomplets. Par exemple, dans certains cas, des termes peu clairs ont été utilisés, ce qui a entraîné une réduction de la concurrence.

Pouvez-vous nous parler des mesures prises par SPAC pour s’assurer que les critères d’évaluation sont clairement définis et que les pratiques d’approvisionnement cohérentes sont également transparentes?

M. Laporte : C’est une très bonne question.

Nous souscrivons également aux préoccupations soulevées par le Bureau de l’ombud de l’approvisionnement.

En ce qui concerne les responsabilités de SPAC, le client définit généralement ses exigences techniques. Notre objectif, et c’est l’une des leçons que nous avons tirées des rapports de l’ombud de l’approvisionnement et du Bureau de la vérificatrice générale, est que SPAC fasse un meilleur travail lorsqu’il s’agit de questionner le client.

Souvent, le client n’a pas d’exigences et est confronté à un délai serré. Désormais, nous nous efforçons davantage de dire au client : « Vous recherchez telle ou telle exigence. » Nous lui demandons, par exemple : « Y a-t-il un moyen de structurer votre marché ou votre spécification technique de manière à ce qu’elle soit plus générique? » C’est l’une des choses pour lesquelles nous redoublons d’efforts, et nous offrons une formation supplémentaire à notre personnel. Cette semaine encore, nous avons organisé une formation pour veiller à ce que le personnel s’acquitte de cette fonction de questionnement.

En ce qui concerne les critères d’évaluation, nous voulons nous assurer que lorsqu’il s’agit de services professionnels, nous ne regardons pas seulement les ressources et la personne qui sera affectée à un contrat précis. Nous allons consacrer beaucoup plus de temps et d’énergie à l’examen de la structure de l’entreprise du soumissionnaire et de son expérience passée, au lieu de nous appuyer peut-être trop fortement sur le CV d’une ressource, ce qui a été l’une des conclusions de l’ombud de l’approvisionnement dans certains de ses audits. C’est un point que nous sommes en train d’améliorer.

Nous devons également nous assurer que lorsqu’une autorisation de tâche est émise, elle est assortie d’intervalles de tâches clairs. Du point de vue de la responsabilité, ce que nous devons faire est très clair.

Le sénateur Smith : Si je comprends bien, ce que vous dites, c’est que vous passez du temps à renforcer auprès de vos employés l’importance de poser les bonnes questions aux soumissionnaires, afin que les informations sur les offres entre vous et les partisans potentiels ou les personnes qui veulent ces contrats soient plus claires. Est-ce exact?

M. Laporte : En ce qui concerne la stratégie d’approvisionnement, nous nous assurerions, par exemple, que si un client avait des exigences trop restrictives, nous exercerions cette fonction de questionnement. De même, si l’un de nos clients souhaite faire appel à une source unique et non concurrentielle, nous avons l’obligation de veiller à ce que le client soit questionné sur ce point.

Par ailleurs, l’une des conclusions de l’étude est qu’il manquait de la documentation. Nous voulons insister sur le fait que la stratégie d’approvisionnement doit figurer en bonne place dans le dossier. Dans ma déclaration liminaire, j’ai parlé de la nécessité de redoubler d’efforts en matière d’assurance qualité. C’est ce que nous faisons : non seulement nous questionnons, mais nous veillons à ce que, en termes de critères d’évaluation, les raisons pour lesquelles nous avons choisi une méthode plutôt qu’une autre soient correctement documentées.

Le sénateur Smith : L’examen de SPAC par le Bureau de l’ombud de l’approvisionnement en 2023 a soulevé des préoccupations concernant les retards dans l’évaluation des soumissions, ainsi que l’absence d’informations relatives aux contrats attribués. C’était particulièrement vrai dans les domaines d’approvisionnement à haut risque, tels que les équipements de défense et les infrastructures d’une valeur élevée.

Pouvez-vous nous expliquer comment SPAC s’efforce de remédier à ces retards afin de garantir la divulgation en temps utile, mais aussi complète, des résultats des contrats à haut risque et de grande valeur? Quelles sont les mesures prises pour atténuer ce risque? Existe-t-il des mécanismes de responsabilisation en cas d’absence de réponse à ce problème?

M. Laporte : Puis-je vous demander de répéter la première partie de la question?

Le sénateur Smith : Le rapport de la vérificatrice laisse entendre qu’il y a eu des retards dans la divulgation complète et en temps voulu des résultats pour les contrats à haut risque ou de grande valeur; en d’autres termes, cela nous ramène à la question que j’ai soulevée précédemment, qui concerne la relation entre votre groupe et les tiers entrepreneurs. Il semblait y avoir un vide. Un élément manquant créait de la confusion.

Si des contrats ont été attribués et que toutes les informations ne vous ont pas été communiquées à SPAC, il pourrait y avoir des fuites et des problèmes liés à la perception de l’équité dans ce qui s’est passé.

J’essaie d’aborder l’ensemble de la relation, et la clarté de cette relation, entre vous-mêmes et les tiers; si des tiers obtiennent ces contrats et que l’on a l’impression qu’il y a une lacune dans les questions et les informations, alors vous verrez des gens dire qu’il s’agit d’un accord biaisé et que ce n’est pas juste. Vous risquez alors de vous attirer des ennuis.

M. Laporte : Oui, je vais laisser Mme Bolduc répondre à cette question. Nous avons travaillé avec le Conseil du Trésor du Canada, ou SCT, afin de sensibiliser davantage nos clients, ainsi que tous les propriétaires d’entreprises qui contribuent également au processus d’approvisionnement, à la définition du budget et de leurs besoins et afin de vérifier, par exemple, s’ils ont un besoin précis — comme je l’ai mentionné précédemment —, que ce besoin est essentiellement pris en compte, en s’assurant qu’on ne peut pas le combler avec des ressources internes. C’est la première étape, et le SCT a publié de nouvelles directives à ce sujet.

Nous disposons également d’un comité de surveillance pour les marchés à haut risque et de grande valeur. Au sein de SPAC, au sein de notre groupe, ces approvisionnements feront l’objet d’une évaluation basée sur le risque qui sera examinée par un comité de directeurs généraux qui formulera des analyses critiques. Ce comité examinera également le processus, en veillant à ce que les points faibles soient passés en revue et à ce que le client en soit informé. C’est ce qui se passe dans notre ministère.

Je vais demander à Mme Bolduc de répondre.

Mme Bolduc : Je vais simplement m’appuyer sur la réponse de M. Laporte.

Les approvisionnements les plus importants pour les projets les plus importants sont en fait souvent effectués par SPAC. Au sein de notre propre ministère, nous avons des clients qui réalisent ces projets.

Comme l’a dit M. Laporte, il existe plusieurs niveaux de gouvernance, y compris de nouveaux niveaux de contrôle qui ont été établis pour tous les contrats au sein des ministères, y compris les grands contrats d’infrastructure.

Pour compléter ce qui a été dit, afin d’appuyer les clients, les autres ministères et nos propres clients internes, nous avons également publié un certain nombre de modèles qui aident nos clients à définir leurs besoins et à préparer leurs offres, ce qui était l’un des problèmes relevés par la vérificatrice générale et l’ombud de l’approvisionnement. Je vous remercie de votre attention.

La sénatrice Ross : Je remercie nos témoins d’être présents ce soir.

J’ai consulté le rapport annuel de l’ombud de l’approvisionnement. Il y est question de la complexité et de la difficulté pour les entreprises ou les organisations de soumissionner dans le cadre de la procédure d’approvisionnement.

Que faites-vous pour simplifier les choses ou faciliter la participation au processus d’approvisionnement pour les entreprises qui n’ont peut-être pas eu l’occasion de le faire dans le passé?

M. Laporte : En ce qui concerne la complexité de l’approvisionnement, c’est très clair pour moi. Il n’est pas facile de s’y retrouver, en particulier lorsqu’il s’agit de services professionnels en informatique centrés sur les tâches, ou SPICT, et de marchés publics spécialisés. Ce ne sont pas nécessairement des instruments faciles.

Nous devons faire mieux en matière de rationalisation du processus d’approvisionnement.

Nous disposons de Soutien en approvisionnement Canada. Il s’agit d’une équipe spécialisée qui me fait rapport et dont le rôle est de démystifier l’approvisionnement, de parler aux petites et moyennes entreprises, ou PME, de se rendre dans leurs collectivités et de participer à des foires commerciales. Nous travaillons également beaucoup avec les entreprises autochtones pour encourager les jeunes entrepreneurs à nous rejoindre et leur fournir l’accompagnement dont ils ont besoin pour devenir fournisseurs — pas nécessairement pour soumissionner, mais pour savoir comment devenir fournisseur du gouvernement du Canada et comment augmenter ses chances de remporter des appels d’offres. Tous ces éléments sont essentiels et un certain nombre de séances sont organisées dans tout le Canada, d’un océan à l’autre. Je pense qu’il y en a généralement 200 à 300 par an, ce qui signifie que les PME bénéficient d’un soutien important dans ce domaine.

La sénatrice Ross : Pourriez-vous me donner une idée du nombre de nouveaux fournisseurs qui entreront dans le système dans un délai donné?

M. Laporte : C’est une très bonne question. Je n’ai pas de données sur le nombre de nouveaux fournisseurs. Par l’entremise de SPAC, nous acquérons pour 27 milliards de dollars de biens et services, de nombreuses nouvelles entreprises se joignent donc à nous chaque année. Le gouvernement du Canada est également un acheteur complexe. Nous voulons travailler avec les petites entreprises et les accompagner dans leur parcours. Elles peuvent commencer par de petits contrats. Nous avons de nombreux petits contrats de fournitures pour lesquels une nouvelle entreprise serait peut-être mieux adaptée. Puis, à mesure qu’elles se développent et maîtrisent mieux les processus d’appel d’offres et de passation de contrats, elles peuvent fournir des biens et des services dans le cadre d’un autre volet — par exemple, le mécanisme d’approvisionnement.

La sénatrice Ross : Faites-vous la plupart de l’approvisionnement de manière centralisée ou dans les différentes régions du pays?

M. Laporte : Plus de 1 000 employés travaillent en approvisionnement, et ils sont répartis dans différentes régions. Une partie de l’approvisionnement — par exemple, lorsqu’il s’agit de biens immobiliers ou d’actifs maritimes — s’effectue dans la même région, où nous sommes plus proches du client. Par exemple, dans le Pacifique, un grand nombre de projets sont liés à ce type de marché. À Ottawa, on parle davantage de marchés publics de portée nationale.

La sénatrice Ross : Selon votre plan ministériel, la région de l’Atlantique mène un projet pilote d’approvisionnement pour soutenir les artistes autochtones émergents et établis dans le Canada atlantique. Pouvez-vous nous en dire plus sur le déroulement de ce programme et sur l’ampleur des activités d’approvisionnement?

M. Laporte : Malheureusement, je n’ai pas cette information sur ce programme. Nous travaillons avec des entreprises autochtones. C’est essentiel, et nous voulons que 5 % de la valeur totale des contrats soient attribués à des fournisseurs autochtones.

Mme Bolduc souhaite peut-être s’exprimer sur le programme si elle en sait davantage.

Mme Bolduc : Je ne connais pas ce programme. Je peux toutefois ajouter quelque chose à ce que M. Laporte a dit sur la simplification des appels d’offres pour les fournisseurs.

En ce qui concerne les services professionnels, on peut soumettre une offre pour les méthodes d’approvisionnement proposées par SPAC — il y en a sept — une fois par trimestre. Nous recevons continuellement des propositions, et nous publions chaque trimestre les soumissionnaires retenus dans nos méthodes d’approvisionnement.

Pour encourager les fournisseurs qui travaillent bien avec le gouvernement du Canada, le ministère vient de lancer un nouveau système de gestion du rendement des fournisseurs.

La sénatrice Ross : En quoi consiste-t-il?

Mme Bolduc : En gros, les bons fournisseurs peuvent, au prochain cycle d’évaluation, recevoir des points additionnels pour faire encore mieux.

La sénatrice Pate : Ma question va dans le même sens que celle de la sénatrice Ross. J’aimerais connaître les processus proactifs ou les nouvelles mesures qui sont en place pour que le Canada tienne ses engagements sur des questions clés, comme la réconciliation, les droits de la personne et la durabilité, avec les objectifs de développement durable, la Commission de vérité et réconciliation ainsi que les appels à l’action et à la justice sur les femmes et filles autochtones disparues et assassinées, sans donner l’impression d’un conflit d’intérêts.

M. Laporte : Je suis fier de dire que cette année, pour la première fois, nous avons publié notre rapport préparé en vertu de la Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement. Le premier rapport sur le travail forcé vise à ce qu’aucun bien ou service issu du travail forcé n’entre dans la chaîne d’achat du gouvernement. Le rapport a été publié cette année.

Nous voulons sensibiliser le ministère et étudier les biens — par exemple, les textiles — plus susceptibles d’être produits par le travail forcé. Nous prenons des mesures importantes à cet égard.

En ce qui concerne l’écologisation des marchés publics, lorsque j’ai commencé à m’occuper des marchés publics, c’était assez simple. Auparavant, on consultait deux ou trois accords commerciaux pour confirmer qu’on respectait les règles. Les marchés publics sont devenus un outil social et politique qui nous permet de faire beaucoup de choses. Dans le cas de l’écologisation, par exemple, on peut penser à un projet de construction que nous allons écologiser avec l’achat de ciment écologique. Ce sont donc des exigences obligatoires qui se retrouveront dans nos documents d’appel d’offres.

En ce qui concerne la réconciliation avec les Autochtones, j’ai parlé de l’engagement de 5 %. Nous voulons que 5 % de la valeur totale de nos contrats soient attribués à des entreprises autochtones. Il reste encore beaucoup à faire pour atteindre cette cible de 5 %. Toutefois, je dirais qu’il faut, par exemple, s’assurer que l’approvisionnement comporte un plan de participation, ce qui signifie que si le gouvernement du Canada dépense de l’argent pour un territoire, il faut s’assurer que des emplois sont créés au sein de cette communauté. Voilà quelques exemples de ce que nous faisons.

Par ailleurs, la diversité des fournisseurs fait l’objet d’un engagement important afin d’amener, par exemple, les entreprises appartenant à des personnes issues de minorités ou à des femmes à soumissionner pour des marchés publics. Des progrès ont été réalisés dans ce domaine.

[Français]

Le sénateur Loffreda : Bienvenue au Comité sénatorial permanent des finances nationales. L’un des défis qui existent et la priorité, c’est le contrôle des coûts; je pense que vous êtes d’accord là-dessus. Comment votre ministère veille-t-il à mieux gérer les dépassements de coûts dans les grands projets d’approvisionnement? De nouvelles mesures de protection sont-elles mises en œuvre? Quelles mesures sont prises pour améliorer l’efficacité, la transparence et l’équité du processus d’approvisionnement fédéral, particulièrement dans les domaines jugés problématiques dans le rapport de la vérificatrice générale? C’est une question générale, sans qu’elle soit pointue. Qu’avez‑vous pris comme mesures à cet effet?

M. Laporte : Je vous remercie de la question. Une façon de contrôler les coûts, qu’on a beaucoup vue au cours des dernières années et qui a été soulevée par l’ombudsman concernant les marchés publics, c’est la façon dont le gouvernement du Canada peut obtenir des services professionnels. On va embaucher des entrepreneurs qui fourniront des services ayant trait à ce qu’on appelle la méthode centrée sur les tâches. Ce qu’on veut faire, c’est orienter nos clients vers une solution et faire en sorte que le fournisseur de services prenne un certain de risque et ne fournisse pas uniquement des ressources payées à l’heure ou à la journée au gouvernement du Canada. En visant une solution plutôt que d’ajouter du personnel, cela fait une différence et cela permet de réduire les coûts.

En ce qui concerne les différents projets, le contrôle des coûts est important. À SPAC, quand on regarde nos projets, on s’occupe du processus de passation des marchés. Le client est responsable de ses coûts. Tout ce qu’on peut faire pour faire en sorte que les coûts soient réduits, ce sont des mesures qu’on veut mettre en œuvre. Mme Bolduc parlait d’un système de gestion du rendement des fournisseurs qui nous permettra aussi de tenir compte de la capacité d’un fournisseur de livrer ce qu’il doit livrer à temps et à l’intérieur de son budget.

Donc, éventuellement, chaque fournisseur aura son bulletin. On commencera avec les services professionnels, et on a lancé l’exercice cette semaine. Pour plusieurs de nos nouveaux contrats, le fournisseur obtiendra une note basée sur différentes composantes, par exemple sa capacité historique à livrer les projets à temps, mais aussi sa capacité à respecter le budget alloué initialement.

Lorsqu’on arrivera à ce fournisseur, on fera alors un deuxième appel d’offres, avec une évaluation qui tiendra compte de ces paramètres et de son historique de performance. Mon but, c’est que l’on commence, dès le mois de janvier, à intégrer cet exercice dans nos projets d’infrastructure. C’est un changement de procédure et beaucoup de communication doit se faire avec nos fournisseurs de services professionnels et de biens immobiliers. C’est un pas dans la bonne direction en vue de réduire et contrôler les coûts et de faire en sorte que le fournisseur ait avantage à réduire les coûts qu’il réclame au gouvernement.

Mme Bolduc : On a entendu de la vérificatrice générale et de l’ombud de l’approvisionnement qu’il était nécessaire de bien définir dès le départ la portée de ce que l’on achète. C’est vrai pour les grands projets d’infrastructure, mais également pour tous les types de projets, y compris ceux en informatique. Lorsqu’on a bien défini les attentes et la portée dès le départ, il est plus facile d’évaluer la qualité des projets au moment où ils sont livrés, de déterminer le rapport qualité-prix et de savoir si on a obtenu la meilleure valeur possible pour les Canadiens. Il a été clair de la part des vérificateurs qu’il faut bien définir la portée de chacun des contrats lorsqu’on fait un appel d’offres.

Le sénateur Loffreda : Excellent. Merci.

Le président : Ma question va un peu en ce sens, madame Bolduc. Quand on parlait d’accorder un pointage au respect du délai, de l’échéancier et du budget, il y a aussi le contrôle de qualité qui devrait faire partie du système de pointage; cela va de soi. Il ne suffit pas de respecter le budget et l’échéancier; si on a livré quelque chose qui est complètement déficient ou non optimal, on doit aussi accorder une note en conséquence.

M. Laporte : Je vous remercie pour la question. Bien sûr, cela fera partie de notre suivi sur la performance des fournisseurs. J’ai mentionné le budget et le fait de livrer les projets à temps, mais il y a aussi la qualité des services reçus, la satisfaction du client et le respect des exigences du contrat. Je tiens pour acquis que les exigences de base du contrat et les dispositions contractuelles sont respectées.

Beaucoup de changements ont été apportés depuis le mois de novembre 2023 pour avoir plus de transparence quant aux coûts qui nous sont facturés. On doit s’assurer, par rapport aux sous-traitants, qu’on a accès aux ressources pour savoir qui va travailler sur un contrat. On demande cette information et aussi celle qui concerne les marges de profit. Cela permet d’avoir une meilleure idée de ce qui est payé aux sous-traitants et cela ajoute beaucoup de transparence. Cette transparence nous permettra aussi de mieux contrôler les coûts et de voir avec le client où on peut réaliser des économies.

[Traduction]

La sénatrice MacAdam : Je vous remercie de votre présence. Lorsque la vérificatrice générale a témoigné devant notre comité, elle a déclaré :

Ce qu’il faut retenir de ces rapports, c’est que lorsque la gouvernance n’est pas adéquate, la solution n’est pas forcément de mettre en place de nouveaux processus, d’augmenter les effectifs ou de dépenser plus d’argent. Il s’agit plutôt d’appliquer les règles existantes et d’avoir en poste les personnes qui ont l’expertise voulue pour faire le travail à accomplir.

Vous avez indiqué avoir pris certaines mesures pour améliorer vos processus et votre conformité afin de garantir l’application efficace des règles. J’aimerais vous entendre davantage à ce sujet.

Vous avez mentionné la création d’un nouveau bureau. S’agit‑il d’une mesure prise en réponse à ces derniers rapports sur les marchés publics? Vous avez parlé de modalités plus rigoureuses. Celles-ci sont-elles destinées aux ministères et aux organismes en vue d’une plus grande rigueur dans leur partie de la procédure d’approvisionnement?

Vous avez parlé d’un comité de surveillance. Vous avez mentionné l’expansion des processus d’assurance qualité. Je me demandais, tout d’abord, si vous pouviez nous en dire davantage au sujet du nouveau bureau et sur les points que j’ai évoqués. Y a-t-il aussi d’autres éléments? Certaines de ces choses me semblent assez élémentaires. Je suis surprise que ces modalités et le renforcement des contrôles soient nouveaux.

M. Laporte : Je vous remercie pour la question. Je demanderai peut-être à Mme Bolduc d’étoffer davantage ma réponse.

Nous avons pris de nombreuses mesures. Je suis tout à fait d’accord avec la vérificatrice générale lorsqu’elle dit qu’il y a beaucoup de règles. L’ajout de règles aux règles existantes n’est pas toujours la solution.

Nous devons également garder à l’esprit que l’approvisionnement est décentralisé au sein du gouvernement du Canada. En tant que prestataire de services communs, SPAC joue un rôle et a ses clients, mais de nombreux ministères procèdent à des achats sous leur propre autorité. Ils peuvent avoir leurs propres règles et façons de faire. Je me concentre davantage sur la manière dont nous travaillons avec nos clients et les mesures prises par SPAC.

Tout d’abord, l’une des principales conclusions de la vérificatrice générale et de l’ombud de l’approvisionnement concerne le manque de documentation à l’appui de décisions clés. Je suis entièrement d’accord : c’est essentiel. La tenue de dossiers devrait être rigoureuse.

À cet effet, nous avons créé en avril un nouveau poste au sein de l’organisation, celui de chef du Bureau d’assurance de la qualité des contrats et de la conformité des dossiers. Nous voulons nous assurer que des contrôles sont effectués et que les directeurs rendent des comptes, qu’ils examinent leur situation, qu’ils travaillent avec leurs équipes et qu’ils procèdent à des vérifications. Jusqu’à présent, plus de 500 examens d’assurance de la qualité ont été effectués.

Il ne s’agit non seulement de savoir si tous les renseignements sont consignés, mais aussi de déterminer si la stratégie d’approvisionnement appropriée a été suivie. De plus, de nouvelles listes de contrôle ont été mises en place, garantissant que nous travaillons avec le client.

Voici un exemple simple : lorsque nous recevons des CV, nous nous assurons que la ressource peut attester et fournir des preuves à l’appui de ses références et de son expertise. Ces nouvelles exigences n’étaient pas nécessairement toujours respectées. Nous voulons nous assurer que des processus rigoureux et des listes de contrôle sont en place pour que les dossiers soient complets sur ce plan.

En matière de rigueur, Mme Bolduc parlait de l’autorisation des tâches. Dans le cas d’ArriveCAN, nous avons souvent vu des descriptions de tâches très vagues et très larges. Il était très difficile de savoir à quel projet elles étaient liées. Pour nous, il s’agit de travailler avec le client. Depuis novembre 2023, nous nous assurons que les clients respectent ces règles et qu’un contrôle est effectué.

Nous sommes très heureux d’avoir également créé un nouveau secteur pour garantir l’uniformité et la cohérence de notre travail et de l’approvisionnement en services professionnels. Je vais demander à Mme Bolduc de nous donner un peu plus de contexte à ce sujet.

Mme Bolduc : Je vous remercie, monsieur Laporte. Je crois que vous avez parlé d’ajouter des règles. En fait, la vérificatrice générale a dit la même chose : ce n’est pas nécessairement la solution. M. Laporte vient d’expliquer qu’il faut se concentrer sur les domaines qui nécessitent notre attention, et non sur l’ajout de règles.

Vous avez posé une question sur la gouvernance. Auparavant, la gouvernance entourait les grands projets et les grandes acquisitions. Il y a une concentration accrue — essentiellement plus de hauts fonctionnaires qui supervisent les dossiers plus importants qui comportent plus de matériel, si vous voulez.

Là encore, il s’agit d’aider les fonctionnaires en suivant les listes de contrôle plutôt qu’en alourdissant les procédures. Les responsables des achats peuvent ainsi passer en revue la liste de contrôle et dire qu’ils ont fait tout ce qu’ils devaient faire. Les règles n’ont pas changé; c’est juste qu’ils peuvent maintenant vérifier qu’ils ont tout fait.

La sénatrice MacAdam : Vous faites donc preuve de plus de diligence dans le processus. Vous avez mentionné le comité de surveillance pour les contrats plus importants. Est-ce également une nouveauté ?

M. Laporte : Non, il s’agit d’un comité qui est en place depuis de nombreuses années. Il joue ce rôle d’examen. Par ailleurs, les agents d’approvisionnement disposent d’une délégation de pouvoir. En général, ils agissent dans le cadre de cette délégation. Ils sont également soumis à des contrôles et à des mécanismes supplémentaires. Nous voulions nous assurer que pour ces grands projets, il y a une possibilité de contester le recours à une stratégie d’approvisionnement. Dans le cas particulier de grandes infrastructures, il y a de nombreuses façons de procéder à l’approvisionnement, de réaliser un grand projet de construction. C’est également une opportunité.

Si les choses sont plus risquées — par exemple, si un client souhaite recourir à un processus non concurrentiel, pour lequel des raisons valables sont prévues au règlement —, nous disposons également d’un cadre permettant de contester les décisions et de les documenter de manière appropriée.

La sénatrice MacAdam : Je souhaite poser une question sur la relation entre les ministères et Approvisionnement Canada. Les demandes de contrats sont initiées par les ministères et les sociétés d’État. Vous avez parlé de préciser les attentes. Je pense que si la portée totale du projet et les attentes ne sont pas clairement définies, votre personnel peinera à s’assurer que les choses sont bien gérées.

Approvisionnement Canada doit renforcer la fonction d’examen, n’est-ce pas? Il faut interpeller les ministères lorsqu’ils veulent octroyer un contrat afin que sa portée soit clairement définie du début à la fin et qu’il n’y ait pas d’imprécision quant aux besoins. Faudrait-il aussi renforcer cet aspect?

M. Laporte : Je crois que c’est juste. Je dirais que c’est ce que nous faisons. Nous mettons davantage au défi les ministères clients.

Par ailleurs, si l’on considère le cycle de vie de l’approvisionnement, il s’agit en fait de revenir à un rôle de gestion de base en veillant à ce que la planification soit correcte. Il ne faut pas que l’approvisionnement se retrouve à la fin du processus pour ensuite se rendre compte que l’on doit afficher la demande de proposition pendant 40 jours, sinon le processus prendra quelques mois. Nous devons travailler avec les propriétaires d’entreprises.

Le SCT a publié de nouvelles lignes directrices, notamment en ce qui concerne les services professionnels. Devons-nous recourir à des services professionnels? Disposons-nous de ressources internes? Nous devons nous assurer de certaines choses. Ni les propriétaires d’entreprises ni un seul ministère au sein du gouvernement du Canada ne sont bien équipés pour mener cette réflexion proactive et s’assurer que nous avons suffisamment de temps pour mettre en place une stratégie d’approvisionnement appropriée.

[Français]

Le président : Merci. J’ai une question. On a vu dans les médias récemment — je pense que c’est la semaine dernière — qu’il y a eu trois autres dossiers de surfacturation qui ont été envoyés à la GRC. Est-ce qu’on peut avoir des détails sur les ministères impliqués et l’ordre de grandeur?

M. Laporte : Merci pour la question. Malheureusement, je ne serai pas en mesure de vous donner plus de détails, parce qu’il y a un secteur spécifique, étant donné la sensibilité de ces enquêtes, qui s’occupe de ces dossiers. Comme vous le mentionnez, cela a aussi été référé à la GRC, mais cela me fera plaisir de faire le suivi avec le comité sur le nombre de dossiers qui ont été transmis jusqu’à maintenant.

Le président : On parlait de trois dans les médias. Est-ce qu’il y en a plus?

M. Laporte : C’est une situation qui évolue et ce n’est pas moi qui suis impliqué dans la gestion de tout cela. Je sais que c’est possible qu’il y en ait d’autres. Selon ce qu’on m’a dit, il est possible que d’autres dossiers émergent au fur et à mesure qu’on travaille sur les enquêtes, mais il serait difficile pour moi de vous donner le nombre spécifique de dossiers.

Le président : Donc, serait-il possible de nous envoyer par écrit le nombre de dossiers, les ministères impliqués et les sommes en jeu? Dans les reportages, on a vu aussi que vous travaillez à récupérer les sommes qui ont été surfacturées.

M. Laporte : Oui, certainement. Cela nous fera plaisir de vous transmettre cette information.

Le président : Parfait. Évidemment, on fait référence à des articles dans les médias, mais dans votre réponse, vous semblez dire que c’est une situation qui évolue. Il semble y en avoir d’autres. Évidemment, s’il y en a d’autres, on veut savoir, avec une mise à jour au moment de la note, combien il y a de dossiers qui sont référés.

M. Laporte : Très bien.

Le président : Est-ce que ce genre de dossier fait suite au rapport de la vérificatrice générale, ou est-ce que votre ministère et d’autres ministères ont commencé à regarder l’ensemble des dossiers et à identifier d’autres cas? Ou est-ce quelque chose qui est arrivé de façon impromptue?

M. Laporte : Non, c’est quelque chose qui se faisait déjà. C’est de la collecte de renseignements, donc du croisement de données, qui se faisait depuis plusieurs années. Cela n’a pas fait suite au rapport de la vérificatrice générale. C’est une de mes collègues qui est sous-ministre adjointe qui travaille sur ces enquêtes. Je dirais que c’est un travail de longue haleine : compiler l’information, faire le croisement de données, aller chercher les renseignements des autres ministères. C’est un effort qui a commencé depuis plusieurs années, mais qui ne faisait pas suite aux conclusions de la vérificatrice générale.

Le président : Qu’est-ce qui fait qu’ils arrivent aujourd’hui avec des cas et qu’il n’y en avait pas avant?

M. Laporte : Je ne pourrais pas faire de commentaires, car ce n’est pas mon dossier. Je n’essaie pas du tout d’éviter les questions, mais ce n’est pas moi qui suis responsable des enquêtes. C’est vraiment Mme Catherine Poulin qui s’occupe de ces enquêtes et qui travaille avec le personnel d’enquête. Je ne pourrais pas dire que cela n’arrivait pas non plus par le passé. Cette fois-ci, les cas ont été plus médiatisés, mais comme ce sont des cas très sensibles, des dossiers qui ne sont pas nécessairement publics, je ne suis pas en mesure de vous fournir l’information. Ce n’est pas de l’information qui a été partagée avec moi par le passé.

Le président : Est-il possible de nous faire part du nombre de dossiers de surfacturation des ministères qui ont été référés à la GRC au cours des cinq dernières années?

M. Laporte : D’accord. Oui, je serai heureux de faire le suivi avec le comité.

Le président : Merci.

Le sénateur Forest : Si je comprends bien, sur le plan du protocole pour faire un appel d’offres, les lignes directrices sont établies par le Conseil du Trésor. Je vais donner l’exemple d’une municipalité au Québec. Dans le cas d’une municipalité, quand elle fait un appel d’offres, il y a un système à deux enveloppes pour les services professionnels où l’on fait une évaluation de l’offre qui répond à un devis. Si la personne ou l’organisme se classe, il y a une deuxième enveloppe, qui est le prix. Chez vous, il n’y a pas de protocole d’appel d’offres comme tel? Chaque ministère est libre de fonctionner selon ses propres règles?

M. Laporte : Je dirais que, peut-être à l’exception des sociétés d’État, qui ont souvent leurs propres règles et qui ne sont pas assujetties à la même réglementation, pour tous les ministères fédéraux, le règlement sur la passation des marchés publics prévoit des règles selon lesquelles on peut faire un marché non concurrentiel pour ce qui est des valeurs et des exceptions qui prévalent. On peut ajouter à cela l’ensemble des accords commerciaux qui ont été signés par le Canada et qui incorporent aussi différentes règles par lesquelles nos partenaires commerciaux auront la possibilité de participer au marché public d’État. Je dirais que oui, il y a des règlements; nous y sommes assujettis. Il y a aussi des politiques du Secrétariat du Conseil du Trésor sur le plan des marchés publics.

Le sénateur Forest : Merci. Sur les grandes politiques, je pense notamment à la politique d’approvisionnement maritime, où il y a des milliards de dollars en jeu et où, d’une part, il y avait deux fournisseurs — on a enfin pu ajouter un autre fournisseur — et où il y a des dépassements de coûts et un non‑respect des échéanciers, d’autre part. Il semblerait même que l’on sous-traite à l’extérieur du Canada. Est-ce que SPAC a une certaine autorité quant à la surveillance de ce type de contrat où il y a des sommes faramineuses qui sont en jeu?

M. Laporte : Les contrats d’approvisionnement maritime ne tombent pas sous ma compétence. C’est mon collègue Simon Page qui est le sous-ministre adjoint qui s’occupe de la défense et de ces contrats, donc je ne pourrais pas répondre au comité à ce sujet, mais je serais heureux de faire un suivi.

Le sénateur Forest : Parce qu’il me semble que le bateau prend l’eau quand on regarde ces contrats.

[Traduction]

La sénatrice Ross : L’une des choses que j’ai lues, c’est que la vérificatrice générale a constaté qu’il y avait beaucoup de variations dans les processus d’approvisionnement en matière de conflits d’intérêts, qu’il y avait beaucoup de progrès à faire et que certaines sociétés d’État n’avaient pas de dispositions en matière de conflits d’intérêts. Je me demande ce que vous avez mis en place ou ce que vous faites pour améliorer les procédures à cet égard.

M. Laporte : Merci pour la question. En ce qui concerne les sociétés d’État, je ne suis pas responsable de la règle concernant leurs conflits d’intérêts. Toutefois, le rapport de la vérificatrice générale a souligné l’absence de symétrie, ce qui a été bien noté.

Ce que nous avons fait et que nous voulons garantir à SPAC, c’est que, lorsque vous commencez comme employé et si vous travaillez dans le domaine de l’approvisionnement, vous êtes lié — comme tous les employés — par le Code de valeurs et d’éthique. C’est fondamental. Il y a un dialogue renouvelé autour des valeurs et de l’éthique dans l’ensemble du gouvernement, ce qui est bienvenu. Donc, premièrement, nous exigeons que tous les employés adhèrent au Code de valeurs et d’éthique.

Deuxièmement, nous voulions nous assurer qu’il n’y avait pas de situation réelle d’apparence de conflits d’intérêts. Nous avons demandé à l’ensemble des 20 000 employés du ministère de remplir un questionnaire spécifique et ponctuel pour s’assurer qu’il n’y avait pas de situation de double emploi pouvant donner lieu non pas nécessairement à une situation réelle de conflit d’intérêts, mais à une apparence de conflit d’intérêts. Cette mesure a été prise.

Je sais que Mme Bolduc prend des mesures supplémentaires. Je peux peut-être lui demander de compléter ma réponse.

Mme Bolduc : Oui. Les entrepreneurs sont désormais tenus d’adhérer à des clauses qui les obligent à respecter un code de conduite pour tous les contrats établis par SPAC en réponse également à l’audit.

La sénatrice Ross : Est-ce que ces informations seraient mises à jour chaque fois qu’ils sont engagés dans un type d’approvisionnement, et est-ce que ce serait la même chose pour les employés? Y aurait-il des informations supplémentaires à fournir en cas de changement important dans leur situation?

M. Laporte : Ils sont tenus, en vertu de leur déclaration, de nous informer de tout changement important.

Toutefois, lorsque nous avons affaire à un agent d’approvisionnement, par exemple, si vous travaillez sur plusieurs centaines de contrats chaque semaine, ce que nous voulons faire, c’est voir s’il y a un moyen d’automatiser cela pour que cela fasse partie du processus.

Nous avons également une mesure stricte selon laquelle si vous faites partie d’un comité d’évaluation, vous devez attester que, bien entendu, vous n’avez pas de conflit d’intérêts, que vous ne connaissez pas l’entreprise et que vous n’avez pas de relations personnelles pertinentes. Une formation supplémentaire est en cours.

Mme Bolduc a mentionné le Code de conduite pour l’approvisionnement. C’est quelque chose aussi où il y a une plus grande sensibilisation de nos fournisseurs. Nous avons envoyé un rappel à tous nos fournisseurs au printemps pour leur faire savoir qu’il y a de vraies conséquences à cet égard. Si vous ne respectez pas ce code ou si vous n’y adhérez pas, vous risquez d’être exclus de la possibilité de soumissionner dans le cadre d’appels d’offres gouvernementaux.

[Français]

Le sénateur Loffreda : Comment SPAC renforce-t-il les mesures de cybersécurité pour les systèmes informatiques, particulièrement à la lumière des observations de la vérificatrice générale sur les vulnérabilités?

M. Laporte : Je serais en mesure de vous dire que notre système, qui s’appelle le portail de solution d’achats électroniques, ou SAE, est notre plateforme de gestion des appels d’offres qui permet aux soumissionnaires d’afficher tous les appels d’offres qui sont là. Par le passé, aux fins de transparence, on avait beaucoup de communications qui arrivaient sous différents formats; cela pouvait être des courriels, de la correspondance papier, des documents ou des télécopies. Tout cela a été consolidé dans une seule et unique plateforme, pour s’assurer qu’un dossier est complet. Cela nous aide. Du point de vue de la cybersécurité, malheureusement, ce n’est pas mon domaine d’expertise pour le système SAE, donc je ne voudrais pas m’aventurer à faire des commentaires à cet effet, mais je sais qu’on respecte les normes en matière de sécurité.

Le président : Merci. On attend vos précisions sur vos engagements d’ici le mercredi 4 décembre. C’est mon anniversaire, donc allez-y avec le plus d’information possible. Ce sera mon cadeau. Soyez généreux avec l’information. Merci.

[Traduction]

Pour la deuxième partie de notre réunion, nous reprendrons notre étude de la pratique consistant à inclure des questions non financières dans les projets de loi mettant en œuvre les dispositions des budgets et des énoncés économiques.

Nous accueillons Louise Pratt, sénatrice de l’Australie-Occidentale et présidente du comité des finances et de l’administration publique (législation). Nous avons beaucoup de chance de vous avoir parmi nous, en personne. Je vous remercie de votre présence. Je ne sais pas quelle heure il est en Australie, mais c’est un autre jour et un long voyage. Je vous remercie de votre présence.

La parole est à vous si vous souhaitez faire une déclaration liminaire, et nous vous poserons des questions par la suite.

Louise Pratt, sénatrice de l’Australie-Occidentale et présidente du comité des finances et de l’administration publique (législation), à titre personnel : Merci, monsieur le président, si je peux vous appeler ainsi. Quelle est la formule de politesse appropriée à l’égard du président de votre comité?

Le président : Monsieur le président.

Mme Pratt : Merci monsieur le président.

Je suis ravie de me joindre à vous en personne pour témoigner devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales. Je ne suis pas venue au Canada depuis une quinzaine d’années. Le hasard a voulu que le soir où je devais témoigner en ligne soit un soir où j’étais littéralement en transit à Ottawa, ce qui m’a permis de faire une brève visite ici, avant de me rendre à l’Assemblée parlementaire de l’OTAN. Je suis ravie d’être ici. Je vous remercie beaucoup.

Compte tenu de ma propre expérience, j’ai entendu des milliers d’heures de témoignages au Sénat devant des comités et, avant cela, au sein de l’Assemblée législative de mon propre État, l’Australie-Occidentale. Cependant, je n’ai jamais témoigné devant un comité parlementaire. C’est donc un grand privilège, d’autant plus qu’il me donne l’occasion de réfléchir au rôle, bien sûr, de mon propre comité.

Comme vous l’avez déjà évoqué dans vos délibérations, que j’ai examinées, nous sommes tous deux des systèmes de Westminster, et vous avez une discussion ce soir sur les moyens potentiels de modifier vos propres procédures, vos ordres permanents et votre culture afin de traiter de projets de loi omnibus, mais aussi, de façon générale, sur la manière dont vous examinez le budget.

L’un de vos sénateurs a souligné qu’une partie de ce que vous cherchez à faire pourrait être fondée sur les règles et une autre sur le comportement. Bien entendu, le Sénat australien a évolué de la même manière, en examinant ses propres règles, sa propre culture, si vous voulez, et son comportement. En effet, lorsque l’un de vos sénateurs a dit à juste titre qu’il s’agit d’une combinaison des deux, un changement de règles et un changement de comportement, je suis tout à fait d’accord avec lui.

Je vais vous expliquer comment certaines règles et résolutions de notre Sénat affectent notre comportement. Dans les faits, nous fixons les normes et les orientations de notre comportement dans les règles et les résolutions du Sénat.

Notre Sénat a modifié ses règles, son comportement et sa culture concernant les prévisions budgétaires du Sénat de manière assez spectaculaire vers 1997, mais en tout cas, c’est ici dans le guide définitif du Sénat australien, Odgers, et je vous l’offrirai, monsieur le président, comme cadeau d’anniversaire.

Avant cela, les prévisions budgétaires du Sénat se composaient d’un seul comité, un peu comme ici, et d’une seule chambre, et ils faisaient également l’objet d’un débat au sein de la chambre. Je crois que la plupart de vos débats ont lieu ici et pas tellement à la Chambre.

Cela ressemble à ce que nous faisons maintenant au Sénat australien. Nous avons des discours sur le budget, mais les délibérations sur le budget ont lieu dans tous nos comités législatifs permanents. Je sais que certains examens sont renvoyés à différents comités, mais je ne suis pas vraiment sûre de l’intensité de ces examens ou de leur caractère délibéré sur le plan du calendrier et de la séquence.

Par exemple, lorsque nos projets de loi budgétaires et nos états budgétaires des portefeuilles sont présentés à la chambre basse, ils sont le même jour déposés au Sénat et renvoyés à huit comités permanents distincts, portefeuille par portefeuille. Je pense que ces procédures sont à peu près équivalentes aux vôtres.

Dans une certaine mesure, ce que le Sénat a fait en 1997 en modifiant son règlement a réellement retiré au comité des finances le pouvoir d’arbitrer la façon dont le budget est examiné et a habilité, portefeuille par portefeuille, tous les comités du Sénat.

Nous nous réunissons maintenant quatre semaines par an pour faire les prévisions budgétaires du Sénat, pendant deux semaines, une semaine après le budget, une semaine à la fin de l’année et une semaine au début. Bien entendu, notre budget est présenté en mai pour un exercice financier qui commence le 1er juillet.

La nature de nos délibérations se situe à peu près dans la même fenêtre temporelle que la vôtre. Nous subissons les mêmes pressions de la part du gouvernement qui veut faire passer son budget au Sénat.

Je dois dire que je pense que l’art et la force du budget des dépenses du Sénat ne viennent pas du fait qu’un sénateur puisse poser une question particulière ou d’une journée particulière d’audiences. Il s’agit en fait d’une culture qui s’est développée au fil du temps et qui consiste à disposer de ces quatre semaines par an, ce qui signifie quatre semaines pour chaque comité siégeant dans le cadre des délibérations budgétaires. Bien sûr, nos comités du budget des dépenses du Sénat ne font pas que les délibérations budgétaires. Nous utilisons les projets de loi budgétaires et le fait que nous sommes tenus, selon le mandat du Sénat, d’enquêter sur ces projets pour interroger le gouvernement sur l’ensemble de ses activités et de ses programmes.

En fait, en tant que présidente, j’ai lu quelques mots qui s’apparentent à ce qui suit :

Rien dans le règlement du Sénat n’empêche un sénateur de poser n’importe quelle question aux bureaucrates qui comparaissent devant nous dans le cadre du budget des dépenses du Sénat, pour autant qu’elle concerne les programmes de l’organisme financé.

Permettez-moi d’évoquer quelques-uns des sujets que j’ai abordés au fil des ans. Par exemple, pendant de nombreuses années, j’ai posé des questions au comité des communications pendant les prévisions budgétaires du Sénat sur le déploiement de notre réseau national à large bande. Au fil des mois, j’ai acquis une certaine expertise dans ce domaine. D’autres années, j’ai travaillé sur la sécurité sociale, en examinant les défauts de paiement et les amendes imposées aux personnes qui ont perdu leur sécurité sociale dans des groupes démographiques particuliers qui avaient été affectés par cette situation. La raison pour laquelle nous sommes en mesure de procéder de cette manière particulière avec une telle diversité de sujets est non seulement parce que tout est réparti entre tous les comités, mais aussi parce que tous les sénateurs peuvent participer à tous les comités.

Lorsque nous aurons nos quatre semaines, vous constaterez que les sénateurs de l’opposition et les sénateurs indépendants courent d’un comité à l’autre. Ils attendent que le prochain programme qui les intéresse soit mis à l’horaire. Pendant ce temps, un sénateur du gouvernement et un président comme moi occuperont les bancs et maintiendront les chiffres dans la salle, si vous voulez, pour le gouvernement pendant que les questions sont posées.

J’ai eu plusieurs fois l’occasion d’être dans l’opposition. Par exemple, lorsque j’ai posé cette série de questions sur le réseau national à large bande, ou sur la sécurité sociale, c’était pendant des périodes où je faisais partie de l’opposition.

Aujourd’hui, nous sommes au gouvernement. Nous avons tendance à céder la parole beaucoup plus librement pour permettre cette période d’examen.

Je suis tout à fait consciente que vous avez une structure de nomination différente pour le Sénat, mais je pense que certains des principes dont nous parlons seraient facilement applicables une fois que vous aurez examiné ce que votre propre règlement vous permet de faire en tant que comité, mais aussi au sein de vos divers autres comités.

Notre constitution prévoit certaines limites qui font que nous ne pouvons pas recevoir de projets de loi omnibus avec n’importe quoi en annexe. Les éléments doivent correspondre au titre, mais ces limitations constitutionnelles nous aident à résoudre certains des problèmes que vous rencontrez, de sorte que nous n’avons pas le même problème de la même manière en ce qui concerne les projets de loi omnibus.

La principale raison pour laquelle nous examinons les budgets n’a rien à voir avec le fait que le gouvernement n’est pas autorisé à nous imposer ce type de véhicules. C’est bien plus lié à notre culture et à nos pratiques générales en tant que Sénat dans la manière dont nous traitons nos comités.

Merci.

[Français]

Le sénateur Forest : Nous sommes honorés de votre présence aujourd’hui. À la suite de l’adoption de l’article 111, est-ce que ces changements font en sorte que vous avez maintenant suffisamment de temps pour étudier l’ensemble des projets de loi de nature financière?

[Traduction]

Mme Pratt : C’est une très bonne question. La réponse est, bien sûr, non, en particulier parce que de nombreux sénateurs estiment que leur priorité, dans le temps important que nous mettons de côté, franchement, est parfois de discuter d’autres sujets et non des projets de loi eux-mêmes. Je pense qu’il s’agit là d’une caractéristique de notre système politique partisan, dans lequel les sénateurs s’efforcent de marquer des points pour servir l’ordre du jour du gouvernement ou s’y opposer. Mais je considérerais que le fait de réserver un temps suffisant comme ça, ou, en fait, de regarder le règlement de notre comité sur l’étendue des questions qu’il peut examiner, et de vous mandater en tant que Sénat aurait un effet différent, si vous voulez, de ce qu’il est en Australie, parce que, comme je l’ai dit, nous avons des motivations différentes lorsque nous nous présentons.

Mais, bien sûr, lorsqu’il y a des questions clés et majeures dans le budget, elles seront très bien ventilées si les gens ont lu leurs documents budgétaires dans les deux semaines qui précèdent l’annonce du budget et les deux semaines qui s’écoulent lorsque nous en discutons en détail dans le cadre des comités.

[Français]

Le sénateur Forest : Un des problèmes que l’on peut anticiper — c’est le cas avec une situation que l’on vit actuellement au Canada —, c’est d’avoir un gouvernement minoritaire avec les travaux de la Chambre qui sont bloqués depuis une certaine période. Comment est-ce que cela peut se passer dans un contexte de gouvernement minoritaire, quand il y a des mesures dilatoires et le gouvernement et la Chambre ne parviennent pas à respecter leurs échéances?

[Traduction]

Mme Pratt : Cela pourrait provoquer une crise constitutionnelle, comme cela s’est produit dans le passé lorsque les projets de loi de finances n’ont pas été adoptés en temps voulu. En effet, la question serait alors renvoyée à la gouverneure générale, etc. pour qu’elle intervienne, mais cela ne s’est pas produit depuis très longtemps.

Dans ce contexte, il s’agit toujours d’une question politique : comment faire avancer les choses au mieux, aussi pénible que cela soit, et aussi pénible que cela puisse être pour le Canada de faire face à ces situations.

J’ai fait partie d’un gouvernement minoritaire sous la première ministre Gillard, et la façon de naviguer dans cette situation était vraiment d’accomplir le travail au Sénat et à la chambre basse pour faire avancer notre programme malgré le fait que le gouvernement n’avait pas le nombre nécessaire dans l’une ou l’autre chambre. La dynamique de cette situation peut être très variée.

Il n’y a pas de grandes solutions pour vous, si ce n’est qu’il s’agit de la culture de la manière dont vous vous y prenez pour obtenir les votes pour n’importe quel texte législatif, ainsi que du leadership et du dévouement qui y sont associés, et, j’ose le dire, de chercher à ne pas trop s’en plaindre, mais de s’y atteler et d’essayer d’y parvenir.

Le sénateur Smith : Merci beaucoup, sénatrice Pratt, d’être ici. J’aimerais revenir en arrière et recueillir vos commentaires.

L’article 111 du règlement a été adopté en 1997, comme vous l’avez dit. Au fil du temps, dans quelle mesure cet article a-t-il été efficace pour empêcher le gouvernement de faire adopter des projets de loi omnibus sans examen suffisant? Pourriez-vous nous en donner un aperçu chronologique? Est-il parvenu à mettre un frein à cette pratique? Pourriez-vous nous donner un aperçu du contexte?

Mme Pratt : Nous disposons de pouvoirs constitutionnels assez forts et de notre propre règlement intérieur pour empêcher les projets de loi omnibus. Cela a fonctionné en grande partie, parce que nous recevons des projets de loi qui sont des projets de loi de mise en ordre, mais ils doivent généralement rester dans le domaine de leur portefeuille et dans la loi qu’ils modifient — à moins, bien sûr, qu’il ne s’agisse d’une loi qui combine des lois. Nous ne les avons donc tout simplement pas. Nous sommes constitutionnellement habilités à le faire, mais nous avons également le règlement que vous avez mentionné qui facilite cela.

Tandis que nous disposons de ce soutien constitutionnel supplémentaire, je pense qu’il n’y a rien de mal à ce que vous créiez votre propre règlement précisant la manière dont le Sénat traitera de tels projets de loi et à ce que vous suiviez cette voie.

J’ai examiné certains des témoignages d’un autre sénateur qui a dit qu’il n’y avait pas de véritable raison de vous empêcher de rédiger vos propres règles sur la manière dont vous choisissez de le faire et d’examiner la législation. Bien entendu, la réponse de la Chambre des communes à cette question est à la fois une question politique et une question juridique si les tribunaux veulent l’examiner.

En Australie, lorsque ces questions ont été soulevées devant nos tribunaux, ces derniers ont franchement estimé qu’il s’agissait d’une affaire entre les deux chambres. En effet, cela signifie également que la chambre des représentants ne peut pas prendre le pas sur le Sénat et sur la manière dont nous choisissons de mener nos propres affaires.

Est-ce que cela a du sens?

Le sénateur Smith : Oui, c’est le cas. Il est intéressant que vous parliez de quelqu’un qui fait partie de notre sphère d’activité. L’un de nos témoins précédents a été à la fois greffier du Sénat et de la Chambre des communes, et vous l’avez mentionné en passant. Il a souligné qu’il n’y avait pas d’interdiction explicite dans le Règlement du Sénat en ce qui concerne la division de grands textes législatifs.

Il a toutefois souligné l’importance de rechercher l’accord de la Chambre des communes pour plusieurs raisons, y compris les principes constitutionnels.

Pourriez-vous nous dire si la pratique consistant à scinder les grands projets de loi est courante au Sénat australien, en particulier ceux qui comprennent à la fois des éléments financiers et non financiers? Existe-t-il des règles qui l’interdisent?

Mme Pratt : Nous ne l’interdisons pas, mais c’est souvent la pression politique qui est toujours là, si je puis dire, pour faire adopter quelque chose. Nous prendrons notre temps sur ces questions, mais si un parti n’aime pas certaines dispositions d’un projet de loi ou d’un projet de loi budgétaire, les dispositions non financières seront retirées du projet de loi, car nous avons le pouvoir de le faire.

Le sénateur Smith : Notre défi est qu’il y a des éléments non financiers qui essaient d’être imposés, et c’est l’un des sujets que nous essayons de traiter : comment gérer cela et comment changer les attitudes et les cultures?

Mme Pratt : Vous avez plusieurs options. L’une est d’insister pour que cela ne se produise pas, mais l’autre est de fournir un processus plus robuste pour le cas où cela se produirait.

Par exemple, de la même manière que nous avons notre processus d’établissement des grandes dépenses, j’ai examiné, par exemple, la manière dont vous devez diviser les projets de loi et présenter une motion au Sénat, pour ensuite les renvoyer à tous les comités différents. À mon avis, je ne vois aucun inconvénient à ce que l’un de vos propres articles du règlement prévoie automatiquement que tout projet de loi omnibus soit renvoyé à tous les comités. Une semaine après le budget, tous les fonctionnaires chargés de la mise en œuvre de ces mesures se présenteraient devant les comités sénatoriaux pour discuter de ces dispositions, et vous pourriez intensifier considérablement les délibérations à ce sujet avant de faire votre rapport.

Nous devrions normalement — lorsqu’il s’agit de mesures non budgétaires dans un projet de loi — toujours attendre le rapport du comité sénatorial avant de terminer le vote sur un projet de loi. Je remarque que vous avez eu quelques problèmes avec cela.

Dans l’ensemble, nos délibérations et nos rapports sur les prévisions budgétaires ont lieu avant que le budget ne soit adopté par le Sénat. Cependant, nos rapports à ce sujet ne sont pas particulièrement importants. Ce qui est important, c’est l’examen public et la visibilité de ces discussions, ainsi que l’interrogation des fonctionnaires à ce moment-là.

Je suis désolée, je n’ai pas de solution facile à vous proposer à cet égard, si ce n’est d’élever le niveau de contrôle. Si vous n’avez pas le pouvoir de régler le problème comme vous le souhaitez, vous devez utiliser les outils dont vous disposez, c’est-à-dire élever le niveau de contrôle autour de ces questions et indiquer dans votre règlement la manière dont vous allez traiter immédiatement ces questions.

Le sénateur Smith : Je ne sais pas s’il existe une baguette magique.

Mme Pratt : Il n’y en a certainement pas.

Le sénateur Smith : Merci.

[Français]

Le sénateur Dalphond : Bienvenue au Sénat.

[Traduction]

Je regarde votre constitution, et elle dit que les pouvoirs du Sénat sont limités aux questions financières. L’article 53 stipule que le Sénat ne peut pas amender les projets de loi imposant des taxes ou les projets de loi affectant des recettes ou des fonds au service annuel ordinaire du gouvernement. Chaque année, vous consacrez quatre semaines à l’examen minutieux de ces textes, mais vous ne pouvez pas les amender. Je vois que vous pouvez envoyer un message ou des suggestions à l’autre chambre, qu’elle devra prendre en considération. Pourriez-vous expliquer un peu ce processus?

Mme Pratt : Oui, c’est bien cela. Nous pourrions, par exemple, créer une crise constitutionnelle et ne pas adopter le budget du tout ou nous pouvons envoyer un message. C’est une stratégie du bras de fer, si vous voulez, que d’envoyer ce message, en disant que nous aimerions que la chambre envisage d’amender le budget d’une manière précise.

Il faut souligner que lors du processus d’étude du budget des dépenses, nous avons constaté que même s’il est basé sur le budget, il y a beaucoup plus à dire une fois que l’on se donne la liberté de discuter de tous les programmes et activités du gouvernement. Il est possible qu’un volet particulier du budget soit ou non un élément principal à mentionner lorsque vous examinez différents programmes gouvernementaux.

Par exemple, nous avons huit comités permanents. Pendant la période budgétaire, chaque comité se réunit pendant une semaine. Nous commençons à 9 heures du matin et nous nous réunissons jusqu’à 22 ou 23 heures. Nous étudions chaque agence l’une après l’autre. Tous les organismes financés sont examinés. Les sénateurs choisissent ceux qui devront comparaître. Nous devons négocier collectivement notre temps pour dire : « D’accord, quels organismes voulons-nous mettre en priorité? Quels sont ceux que nous ne voulons pas mettre en priorité? ». Chaque sénateur peut appeler n’importe quel organisme à comparaître. En tant que présidente, je suis obligée de les appeler à comparaître. Le seul pouvoir que j’ai en tant que présidente issue du parti ministériel est d’utiliser nos chiffres pour établir l’ordre des organismes, mais pas pour déterminer quels organismes devront comparaître. Chaque organisme créé en vertu d’une loi doit se présenter dans les quatre jours s’il est convoqué.

Je ne peux pas mettre fin à la période de questions et passer à l’organisme suivant tant que toutes les questions n’auront pas été posées. Donc, s’il y a un gros scandale, un gros problème ou un élément important dans le budget, vous pourriez techniquement rester assis toute la journée à débattre de ce seul sujet et ne pas passer à d’autres organismes.

Le sénateur Dalphond : Au cours des dernières années, combien de messages avez-vous envoyés du Sénat à la chambre basse, qui disaient : « Nous étudions ceci, et nous vous suggérons de l’amender »?

Mme Pratt : Honnêtement, je ne me souviens pas d’un seul message. C’est principalement parce qu’il s’agit de questions liées aux subsides et qu’elles seront réglées lors des négociations. Le gouvernement, par exemple, peut amender ses propres projets de loi, etc. Cependant, je ne me souviens pas que nous ayons amendé notre propre budget ou que l’opposition ait eu le pouvoir d’amender le budget, à moins, bien sûr, qu’il ne s’agisse de mesures budgétaires mises en œuvre plus tard par l’entremise d’autres mesures législatives. Il se peut que ce soit simplement la manière dont le budget de l’époque présentait ces mesures, mais que leur mise en œuvre, telle que présentée dans le budget, était un enjeu distinct qui n’était pas présenté dans le cadre du budget.

J’imagine que vous recevez autre chose. Vous obtenez des mesures regroupées et intégrées dans le budget lui-même alors que nous avons peut-être plus de luxe en ce qui concerne la séparation de ces questions.

Le sénateur Dalphond : L’article 55 de notre projet de loi sur l’impôt limite la loi aux questions fiscales seulement. Il est même plus précis. Il doit s’agir d’un type d’imposition précis. Ainsi, il ne peut traiter des droits de douane et de l’impôt sur le revenu. Il doit s’agir de deux projets de loi distincts.

Mme Pratt : C’est exact. Nous avons des débats substantiels à savoir si ces types de mesures fiscales sont justifiées, etc.

Le sénateur Dalphond : Là encore, vous ne pouvez qu’accepter, pas modifier. Mais vous pouvez envoyer des messages.

Mme Pratt : Oui, mais ce serait franchement inhabituel. Par exemple, lorsque nous modifions les mesures relatives à l’impôt sur le revenu, elles ne peuvent pas être modifiées dans le budget, car il s’agit de crédits et de dépenses. S’il faut un changement législatif pour modifier les seuils d’imposition, il s’agit alors d’un projet de loi distinct qui doit être débattu séparément.

Nous avons donc le pouvoir de modifier l’impôt sur le revenu et ce type de mesures en envoyant des messages, etc.

La sénatrice MacAdam : Merci beaucoup d’être ici.

Mme Pratt : C’est un plaisir, même si je ressens un peu le décalage horaire.

La sénatrice MacAdam : Je voudrais revenir sur le règlement de 1997. Pourriez-vous nous dire ce qui a incité à agir sur cet enjeu? Comment les sénateurs se sont-ils réunis pour trouver une solution, et quel type de consultation ont-ils eu avec la chambre des représentants pour que tout cela fonctionne? J’essaie de me renseigner sur la manière dont les choses se sont déroulées. En retour, nous pourrions en tirer des leçons.

Mme Pratt : Il en sera question dans Odgers, mais je peux vous dire qu’il s’agissait de circonstances très similaires à celles d’ici : un manque de considération, d’examen et de temps pour examiner le budget en profondeur. Mais les études sur le budget des dépenses du Sénat ont évoluées et vont maintenant au-delà de l’examen du budget en raison de l’ampleur des questions que nous avons le droit de poser pendant ce processus. C’est notamment le cas pour des enjeux techniques comme le National Broadband Network, ou NBN, ou le nombre d’avis de violation de la sécurité sociale. Nous avons le droit de poser des questions sur n’importe quel domaine d’activité du gouvernement et sur la qualité de son exécution. De plus, toutes les questions sur la reddition de comptes sont recevables.

Nous disposons également de centaines de questions en annexe qui seront posées au cours de cette période.

La sénatrice MacAdam : Y a-t-il eu une résistance de la part de la chambre des représentants à l’époque? J’essaie simplement de comprendre comment vous avez réussi à faire adopter ce règlement.

Mme Pratt : Après avoir lu sur la dynamique de l’époque, je présume que le gouvernement devait être en mesure de renvoyer des questions au Sénat et qu’il devait, si l’on veut, accepter que le Sénat puisse modifier ses propres règles à cet égard.

Mais nous nous considérons, tout comme vous, comme une chambre très indépendante, même si la main qui me nourrit est celle du parti travailliste en ce qui concerne la façon dont nous travaillons ici.

La sénatrice MacAdam : Merci.

Mme Pratt : Je ne suis pas certaine d’avoir entièrement répondu à votre question, mais je dois dire que je suis arrivée au Sénat en 2008, et non en 1997. Je ne sais plus très bien comment cela s’est passé.

La sénatrice Pate : Merci encore, sénatrice, d’être ici. J’ai quelques jours d’avance sur vous en ce qui concerne le décalage horaire, mais je vous comprends.

Le projet de loi C-69, qui était notre loi d’exécution du budget, a été utilisé comme un exemple de projet de loi budgétaire récent qui incluait des mesures non financières. Ces questions comprenaient des peines plus sévères pour le vol de voitures ainsi que la détention d’immigrants dans les prisons fédérales, qui sont des prisons où les gens purgent une peine de deux ans ou plus, contrairement à vos prisons fédérales. Dans les deux cas, ces peines présentent toutes deux le risque d’avoir une incidence disproportionnée sur les groupes marginalisés dans ce pays, en particulier ceux d’ascendance autochtone et africaine. Ces conséquences potentielles ont été signalées par les comités sénatoriaux qui ont étudié les projets de loi. Ceux-ci ont souligné que l’ajout de ces mesures dans les projets de loi budgétaire signifiait que les comités ne pouvaient pas les étudier et les examiner de manière approfondie.

Compte tenu de l’article 54 de la Constitution australienne, je suis curieuse de savoir si, d’après votre expérience, l’exclusion de ces questions périphériques empêche ce genre d’abus dans votre processus législatif et si elle protège la capacité du Sénat à évaluer et à analyser de manière plus complète et plus adéquate les répercussions et les effets des projets de loi lorsqu’il les examine. Si vous pouviez donner des exemples à ce sujet, ce serait formidable.

Mme Pratt : En bref, ma réponse est oui. Je pense qu’en tant que sénatrice du parti travailliste, j’estimerais que certaines des questions liées à cette mesure sont tout aussi draconiennes. Elles seraient examinées en dehors du processus budgétaire. Le Sénat peut réussir à modifier des lois de ce type en fonction de l’équilibre des pouvoirs sur ces questions particulières.

J’aimerais vous demander si vous avez le pouvoir de dire qu’il ne s’agit pas de questions liées aux subsides et de mesures budgétaires et que vous ne voyez pas l’obligation de les examiner dans le cadre d’un calendrier budgétaire.

La sénatrice Pate : Pardonnez-moi si je suis lente à comprendre, mais je présume que si vous recevez un projet de loi d’exécution du budget et qu’il contient l’une ou l’autre de ces dispositions, c’est le processus que vous suivriez. Vous le renverriez simplement en disant que cet élément du projet de loi n’est pas approprié?

Mme Pratt : Oui.

La sénatrice Pate : Pouvez-vous nous expliquer comment vous procédez? En quoi consisterait le processus?

Mme Pratt : Eh bien, le projet de loi serait divisé, car nous avons le pouvoir de le faire; les gouvernements savent qu’ils ne doivent pas faire cela. Il m’est assez difficile de me rappeler un exemple précis où cela s’est produit, tout simplement parce que ce n’est pas notre coutume et notre pratique d’inclure ce genre de mesures dans un projet de loi, sauf dans un projet de loi autonome plutôt qu’un projet de loi budgétaire.

Je suppose que pour vous, la question est de savoir comment vous créez dans vos propres procédures un règlement comme le nôtre qui décrit comment vous examinerez de telles mesures quand elles figurent dans le budget, sans avoir peur d’exploiter vraiment l’étendue de vos pouvoirs potentiels, que ce soit ceux que vous avez déjà ou ceux que vous pouvez vous donner pour faire ce travail correctement.

Je dois aussi mentionner quelque chose que nous faisons dans nos processus budgétaires. À titre de présidente du Comité des finances et de l’administration publique, je préside le Comité interministériel des affaires autochtones, au sein duquel des représentants des ministères de la Santé et de l’Éducation et du Procureur général se réuniront, et nous poserons à tous ces organismes des questions sur leur rendement dans le domaine des affaires autochtones plutôt que de procéder séparément entre divers comités. C’est donc autre chose. Vous avez probablement déjà un comité qui travaille de cette façon en examinant les choses dans divers organismes, mais nous, bien entendu, le faisons dans le cas de tous les projets de loi d’exécution du budget qui concernent les membres des Premières Nations.

Le sénateur Loffreda : Sénatrice Pratt, c’est un honneur et un privilège de vous recevoir. J’espère que vous pourrez rapidement vous débarrasser de votre décalage horaire. Quand je voyage, le temps que je m’en débarrasse, il est temps de rentrer à la maison, alors j’espère que vous aurez beaucoup plus de succès.

Mme Pratt : La circonscription où je vis est aussi éloignée que Vancouver l’est d’Ottawa. On vit donc avec un léger décalage horaire de toute façon.

Le sénateur Loffreda : Bienvenue devant le Comité des finances. Je crois comprendre que contrairement au Sénat canadien, les sénateurs australiens sont toujours affiliés à des partis politiques. Comme vous le savez peut-être, plus de 80 % des sénateurs canadiens siègent maintenant à titre d’indépendants, moi y compris. Par conséquent, je ne me sens pas nécessairement obligé de faire avancer le programme du gouvernement et d’adopter rapidement ses projets de loi omnibus à moins que je ne les parraine; j’ai parrainé les deux derniers projets de loi d’exécution du budget, alors je veux être authentique à cet égard. Je n’ai pas non plus l’obligation ou le désir de m’opposer automatiquement à ses politiques comme le feraient les sénateurs de l’opposition. Vous pouvez voir où je veux en venir.

Cela dit, d’après votre expérience, dans quelle mesure la partisanerie dicte-t-elle le travail du comité que vous présidez lorsqu’il est saisi de projets de loi de crédits? J’imagine qu’il y a bien des intérêts concurrents quand on traite avec les partis politiques. Personnellement, je pense qu’en raison de la nature partisane de la Chambre des communes, aucun parti au pouvoir ne voudra se débarrasser des projets de loi omnibus, ce qui pourrait expliquer pourquoi le Sénat canadien indépendant est saisi de cette question et se préoccupe de cet exercice.

Encore une fois, je ne pense pas qu’un parti au pouvoir veuille se débarrasser des projets de loi omnibus. Pourquoi le ferait-il? Si on regarde le gouvernement Harper, on constate qu’il a présenté de nombreux projets de loi omnibus. Pour sa part, le gouvernement actuel en a déposé beaucoup. J’ai des notes sur le dernier que j’ai parrainé. Le simple fait de passer le document en revue est une tâche en soi.

Mme Pratt : Si vous êtes en position de rapport de forces, par exemple, sur ces questions, vous devez alors vous demander ce pour quoi vous êtes prêt à tracer une limite.

Au Sénat, nous sommes très partisans, mais nous désapprouvons également les marchandages sur certaines questions, même si certains partis s’y adonnent parfois. Les indépendants négocieront en proposant d’adopter un projet de loi si le gouvernement accorde plus d’argent pour le logement et ainsi de suite. Même si les partis n’ont pas le pouvoir d’influencer les mesures budgétaires, ce genre de tractations peut se produire et se produit.

Je pense toutefois que ce dont vous parlez au sujet de la partisanerie n’est peut-être pas la question principale ici. Oui, en tant que sénatrice du gouvernement, je dois encore donner à l’opposition et aux indépendants ce qu’ils veulent dans une certaine mesure, et ce, parce que notre règlement a évolué de telle manière que nos règles ne favorisent pas un côté ou l’autre, contrairement à la chambre basse. C’est là que nous avons, je crois, plus de points communs en tant que Sénat. Par exemple, le vôtre compte de nombreux indépendants, mais vous avez aussi des carrières à long terme qui ne sont pas aussi imbriquées dans la politique de parti dans votre Sénat.

À cet égard, il y a plus de similitudes que vous ne le pensez. Par exemple, les sénateurs du gouvernement posent très peu de questions sur le budget des dépenses pendant le processus budgétaire. Nous agissons ainsi en partie pour nous assurer que le budget est examiné attentivement, parce que nous aurions supposément la possibilité d’influencer le budget. C’est aussi parce que personne ne pourrait jamais rentrer à la maison autrement.

Le sénateur Loffreda : Il en va de même ici.

Mme Pratt : Oui. Nous ne sommes donc pas si différents.

Le sénateur Loffreda : Merci. Je veux m’attarder plus précisément à l’article 111 du règlement de 1997, qui impose une date limite pour recevoir les projets de loi de la Chambre. Pour être plus précis, l’article 111 prévoit qu’un projet de loi reçu de la Chambre des représentants est reporté à la prochaine période de séance à moins qu’il ne soit reçu par le Sénat dans les deux premiers tiers de la période en cours.

Je comprends que vous n’étiez pas sénatrice en 1997 quand le règlement a été adopté, mais vous avez peut-être des témoignages empiriques sur la résistance qui s’est manifestée lors de son adoption. Si ce n’est pas le cas, c’est correct. Je voudrais savoir quels sont le sentiment et l’opinion à ce sujet. Le changement est toujours difficile. J’imagine qu’il y a eu une certaine résistance et quelques difficultés d’adaptation, et 1997, c’est loin, mais pendant les 27 années qui se sont écoulées depuis son adoption, le règlement a-t-il été respecté et le calendrier législatif a-t-il été modifié à l’avenant?

Mme Pratt : Oui. Le règlement est respecté. On peut toutefois y déroger si une majorité en décide ainsi. Ici encore, tout dépend du rapport de forces et de l’importance de la question.

Le règlement et la disposition sur la limite des deux tiers permettent aux comités de s’informer sur divers projets de loi et de prendre le temps de le faire. Si un projet de loi était urgent et qu’il était dans l’intérêt national de l’adopter d’urgence, le Sénat dérogerait à cet article du Règlement en procédant à un vote.

Le sénateur Loffreda : Merci de cette explication.

Je souhaite parler de l’étude préalable des projets de loi. Pourrions-nous examiner la question de ce que nous appelons ici, au Sénat, les études préalables des projets de loi d’exécution du budget? Nous en examinons souvent, et nous n’avons jamais assez de temps, surtout quand 400 milliards de dollars sont en jeu.

Je dois dire que les lois d’exécution du budget ne couvrent pas le budget dans son intégralité. J’aime dire qu’elles sont presque responsables sur le plan financier, puisque nous imposons les banques et une myriade d’autres entités. Tous les grands postes ne sont pas inclus.

Je crois comprendre que l’Australie adopte une approche semblable lorsque des détails sur certaines dépenses proposées dans le cadre de projets de loi de crédits sont renvoyés aux comités sénatoriaux compétents alors que le projet de loi est encore à la Chambre des représentants. Nous procédons de manière très semblable. Ces études préalables sont évidemment utiles pour permettre aux sénateurs d’examiner rapidement les dépenses proposées avant que le projet de loi ne soit adopté par la chambre. Une fois que le projet de loi est officiellement envoyé au Sénat, une bonne partie du travail est déjà fait et il peut généralement passer par le processus législatif beaucoup plus rapidement.

Contrairement à la chambre des représentants de l’Australie, je remarque que seuls les sénateurs interrogeront directement les fonctionnaires dans le cadre de leurs études préalables des projets de loi de crédits. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi? Pourquoi la Chambre se limiterait-elle à un débat à la chambre? Je pense que nous en avons brièvement parlé, mais à quelle fréquence des sénateurs ont-ils soulevé, dans le cadre d’études préliminaires, de sérieuses questions que la Chambre ne pouvait ignorer et à la suite desquelles elle a amendé des projets de loi de crédits? Vous avez déjà abordé certains de ces points, mais peut‑être pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet.

Ce n’est pas quelque chose de courant, à ce que j’entends. Est‑ce comme au Canada, où les projets de loi d’exécution du budget sont rarement modifiés? Nous envoyons parfois des observations et des recommandations, évidemment. Nous le faisons aussi, surtout au Comité des finances. Nous avons bien souvent formulé des observations et des recommandations. Pourriez‑vous nous en dire plus à ce sujet?

Mme Pratt : La chambre des représentants ne fait pas le même genre d’examen. Cela s’explique par le fait que le gouvernement a les chiffres et, au fil du temps, il est apparu que la chambre ne fait pas ce genre de travail. Entretemps, le Sénat s’est employé à se donner les moyens de s’adapter au fait qu’il a un rôle constitutionnel plus restreint, si l’on peut dire, en tant que chambre d’examen, et a vraiment cherché à se donner du pouvoir dans sa culture en ce qui concerne la façon dont il délibère sur le budget, mais aussi scrute le gouvernement en général.

Je tiens à souligner que lorsque nous examinons le budget des dépenses du Sénat, nous parlons de tout. Ce n’est peut-être pas pour expliquer pourquoi un montant a augmenté ou diminué. Il peut discuter de la raison d’une mesure dans un programme ou du déploiement d’une mesure qui n’a pas changé dans le budget depuis de nombreuses années, mais qui n’est plus considérée comme aussi efficace qu’avant. Nos débats sont très variés à cet égard.

Maintenant, en raison de mon décalage horaire, vous devrez probablement répéter la partie de la question que je n’ai pas saisie. Je suis désolée, sénateur.

Le sénateur Loffreda : Le temps est écoulé. Peut-être en parlerons-nous au cours d’un deuxième ou d’un troisième tour, si vous effectuez quelques tours. Je vous remercie.

[Français]

Le sénateur Forest : Est-ce que vous avez un Budget principal des dépenses dans votre processus budgétaire? Est-ce que par la suite, vous avez un Budget supplémentaire des dépenses (A), (B) et (C)? Est-ce la même réalité chez vous?

[Traduction]

Mme Pratt : Oui.

[Français]

Le sénateur Forest : Y a-t-il une période déterminée pour faire l’étude de chacun de ces budgets supplémentaires?

[Traduction]

Mme Pratt : Oui, mais ici encore, je veux vous donner une citation. Au chapitre 16 de Odgers, l’étude des budgets est décrite comme suit :

[...] cette étude occupe une partie importante du calendrier du Sénat et constitue un élément clé de son rôle d’examinateur de gouvernement. Le processus budgétaire offre au Sénat une occasion majeure d’évaluer le rendement de la fonction publique et sa gestion des politiques et des programmes gouvernementaux. Depuis les premiers efforts déployés par les sénateurs pour obtenir de l’information de base sur les dépenses gouvernementales afin d’étayer leurs décisions sur les projets de loi de crédits, cet exercice est devenu un examen exhaustif des dépenses avec une attention croissante portée au rendement. Son effet est cumulatif, en ce sens qu’une question donnée peut ne pas avoir d’incidence notable, mais la somme des questions et le processus dans son ensemble, tel qu’il s’est développé, contribuent à obliger le gouvernement au pouvoir à rendre des comptes et à divulguer publiquement de nombreuses informations [...]

Donc, oui, le processus budgétaire occupe quatre semaines par année, deux en réponse au budget principal, une pour le budget additionnel et une pour le budget supplémentaire. Cependant, nous ne nous embourbons pas dans les documents budgétaires à moins qu’un sénateur ne le veuille. Les sénateurs voudront peut‑être réagir à ce qui se trouve dans ces documents, mais ce n’est pas vraiment là que le Sénat joue l’essentiel de son rôle dans l’examen du gouvernement.

C’est dans la délibération libre et cumulative sur de longs thèmes qui oblige le gouvernement à rendre des comptes. Cela répond-il à la question?

[Français]

Le sénateur Forest : Oui, très bien, merci.

[Traduction]

Le sénateur Dalphond : Donc, essentiellement, le rôle du Sénat consiste à assurer la transparence et à poser des questions sur la façon dont l’argent est utilisé.

Mme Pratt : Oui.

Le sénateur Dalphond : Est-ce sans le pouvoir de décider si cet argent devrait être utilisé différemment?

Mme Pratt : Nous n’avons pas bloqué d’appropriations, mais la tension entre les deux chambres est bien réelle quand le gouvernement rencontre un problème avec ses dépenses.

Le budget devient un vaste domaine de débat et d’examen public, où la différence entre les partis et les chambres génère son propre élan, si l’on peut dire, plutôt que de se limiter à la position du Sénat par rapport à celle de la chambre des représentants.

Nous n’exerçons pas souvent ces pouvoirs, mais il est encore important d’envoyer un message à la chambre des représentants. À titre de sénateurs du gouvernement, nous n’avons pas les chiffres. Ce sont les indépendants et l’opposition qui les ont. S’ils veulent faire passer un message, ils peuvent le faire.

Le sénateur Dalphond : En raison de votre situation sur le plan des chiffres. Vous réunissez-vous en caucus avec des membres de la Chambre basse?

Mme Pratt : Oui.

Le sénateur Dalphond : À titre de travaillistes?

Mme Pratt : Oui.

Le sénateur Dalphond : Vous pouvez donc transmettre des messages et dire que quelque chose ne va pas au Sénat, ou que le gouvernement devrait apporter des assouplissements ou effectuer un changement ici ou là?

Mme Pratt : Nous avons actuellement quatre ministres au Sénat, dont trois sont membres du Cabinet. Évidemment, c’est une dynamique particulière pour nous aussi.

Je pense que vous devez utiliser votre propre pouvoir pour établir vos propres règles et la culture que vous voulez à cet égard. Je ne m’encombrerais pas trop...

Le sénateur Dalphond : Il existe des moyens formels et informels qui semblent importants.

Mme Pratt : Oui.

Le sénateur Dalphond : Le Sénat a-t-il utilisé, à quelque moment que ce soit, son...

Mme Pratt : J’ai examiné les procédures de financement de votre gouvernement et les nôtres. Il importe de se rappeler que certaines des choses dont vous parlez ont créé des procédures dans d’obscurs services du gouvernement dont vous ignorez l’existence. Je ne savais pas comment ils fonctionnent dans notre gouvernement, où le ministère des Finances stipule qu’il faut écrire quelque chose d’une certaine façon. Cela est dû à la façon dont les chambres du Parlement procèdent. Cela signifie que vous devriez aussi engager un dialogue assidu avec les bureaucrates sur la façon dont ils vous présentent l’information et essayer de changer les choses là aussi.

La sénatrice Pate : J’aimerais avoir des éclaircissements, s’il vous plaît. Vous avez mentionné que le règlement est respecté, mais qu’on peut y déroger si la majorité le veut.

Mme Pratt : Oui.

La sénatrice Pate : Comme vous étiez là, pouvez-vous donner quelques exemples de cas où vous avez dérogé du règlement?

Mme Pratt : Oui. Il y a une décision de la Haute Cour que le gouvernement n’a pas aimée. Nous avons fait savoir qu’il s’agissait d’une question de sécurité nationale et que nous allions adopter rapidement une loi pour la modifier. Habituellement, c’est pour des questions de sécurité nationale. Je pense que la crise financière mondiale et la COVID sont des situations où nous aurions dérogé du règlement.

Le sénateur Loffreda : Je crois comprendre que le Parlement australien n’a pas coutume de présenter des projets de loi omnibus sur les budgets. Ces projets de loi sont précis et ciblés plutôt que de nature omnibus afin d’assurer la transparence et la reddition de comptes dans le cadre du processus d’examen parlementaire.

J’aimerais savoir ce que vous pensez de ce qui suit : ici, au Canada, le dernier projet de loi d’exécution du budget comptait 600 pages, divisées en quatre parties comportant 44 sections distinctes. C’est à ce sujet que je veux votre jugement, car tout le monde a une opinion, mais je veux un jugement fondé sur vos données, vos recherches et votre expérience quant à l’orientation adoptée par l’Australie. Le gouvernement justifiera cette approche en faisant valoir que toutes les mesures non financières de son projet de loi d’exécution du budget figurent, d’une façon ou d’une autre, dans son document budgétaire, notamment dans les annexes. Est-ce que c’est aussi parfois le cas en Australie? Votre gouvernement présentera-t-il des mesures dans les annexes du budget, puis les inclura dans un projet de loi non financier? Il ne le fera pas, n’est-ce pas?

Mme Pratt : Non. Il ne lui est pas possible de le faire.

Le sénateur Loffreda : Cela a-t-il une incidence sur l’attention accordée aux projets de loi de crédits ou au budget lui-même?

Mme Pratt : Le budget lui-même contiendra beaucoup de détails dans les états budgétaires du portefeuille sur ce que le gouvernement propose de faire, précisant parfois la manière dont cela pèsera sur les décisions législatives futures. Il n’est pas rare qu’une partie du budget soit écartée ou ne soit pas mise en œuvre comme prévu parce que le Sénat n’a pas adopté le projet de loi relatif à cette disposition.

Le sénateur Loffreda : Avez-vous un pouvoir absolu, comme au Canada? Le Sénat a-t-il un pouvoir absolu?

Mme Pratt : De bloquer quelque chose?

Le sénateur Loffreda : Oui.

Mme Pratt : Oui.

Le sénateur Loffreda : Ce n’est pas comme à la Chambre des lords. Vous avez un pouvoir absolu. D’accord

Le président : Merci beaucoup, sénatrice Pratt. Ce fut un réel plaisir de vous entendre. Nos autres parlementaires avaient une dégustation de vins australiens sur la rue Queen, mais nous étions ici avec vous, alors nous ressentons un peu l’Australie...

Nous vous remercions au nom des autres sénateurs.

Nous avons une réunion la semaine prochaine le 26 novembre. Merci à tous.

Nous aurons l’occasion de vous voir à Montréal le week-end prochain. Merci.

Mme Pratt : Merci beaucoup. C’était un vrai plaisir de vous rencontrer. J’espère avoir fait bonne figure malgré mon décalage horaire. Merci.

Le président : Je vous remercie.

(La séance est levée.)

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