LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES FINANCES NATIONALES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mardi 4 octobre 2022
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd’hui, à 9 heures (HE), avec vidéoconférence, pour étudier toute question concernant les prévisions budgétaires du gouvernement en général et d’autres questions financières, tel que précisé à l’article 12-7(5) du Règlement.
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Bienvenue à tous les sénateurs et sénatrices ainsi qu’à tous les Canadiens qui nous regardent sur sencanada.ca.
[Traduction]
Je m’appelle Percy Mockler, je suis sénateur du Nouveau-Brunswick et président du Comité sénatorial des finances nationales. Je vais demander à chaque sénateur de se présenter, en commençant par ma gauche.
Le sénateur Forest : Éric Forest, du Québec.
La sénatrice Pate : Kim Pate. Je suis d’ici, sur les rives de la rivière Kitchisippi, sur le territoire non cédé des Algonquins Anishinabes.
La sénatrice Omidvar : Ratna Omidvar, de l’Ontario.
La sénatrice Audette : [Mots prononcés en langue autochtone] Michèle Audette, du Québec.
Le sénateur Loffreda : Tony Loffreda, du Québec.
Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.
La sénatrice Bovey : Patricia Bovey, du Manitoba.
La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.
Le président : Merci, honorables sénateurs.
[Français]
Honorable sénatrices et sénateurs, nous nous réunissons aujourd’hui pour accueillir la vérificatrice générale du Canada, Karen Hogan.
[Traduction]
Madame Hogan, je vous remercie d’avoir pris le temps de venir nous rencontrer aujourd’hui. Nous avons très hâte de discuter de certains de vos rapports et de vous poser des questions sur l’avenir. Je tiens également à vous remercier publiquement de la récente discussion que j’ai eue avec vous au téléphone au sujet des travaux de notre comité et des rapports qui pourraient sans aucun doute nous intéresser. La discussion a été productive, et je vous remercie beaucoup d’avoir pris le temps alors que nous nous rendions à Ottawa.
[Français]
Mme Hogan est accompagnée aujourd’hui de M. Andrew Hayes, sous-vérificateur général du Canada, M. Martin Dompierre, vérificateur général adjoint et M. Philippe Le Goff, directeur principal.
[Traduction]
Merci de vous joindre à la vérificatrice générale ce matin. Bienvenue à toutes et à tous. Merci encore d’avoir accepté notre invitation. Il ne fait aucun doute qu’à l’avenir, nous vous demanderons de nous accompagner lors de l’élaboration des programmes.
Nous allons maintenant entendre la vérificatrice générale, Mme Hogan.
Karen Hogan, vérificatrice générale du Canada, Bureau du vérificateur général du Canada : Monsieur le président, je vous remercie de nous donner l’occasion de discuter de certains de nos rapports qui ont été déposés récemment au Parlement. Je tiens à reconnaître que cette audience se déroule sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe.
C’est la première fois que je me présente devant ce comité depuis que j’ai été nommée vérificatrice générale. L’une des priorités de mon bureau est d’établir des relations significatives avec nos principales parties prenantes. Nous reconnaissons que notre pertinence repose sur la valeur que nous apportons aux parlementaires et aux comités comme le vôtre. Je vais commencer par vous donner un aperçu des audits qui ont porté sur la réponse du gouvernement à la pandémie de COVID-19, et je passerai ensuite à d’autres rapports récents qui pourraient intéresser le comité.
Depuis mars 2021, j’ai présenté neuf rapports qui portent sur la réponse du gouvernement à la pandémie. Ces rapports ont porté sur un large éventail de sujets, notamment la préparation et la réponse initiales du gouvernement, plusieurs programmes de soutien financier, l’obtention d’équipement de protection individuelle et d’instruments médicaux, les ressources en santé pour les collectivités autochtones, les travailleurs étrangers temporaires et la protection du système alimentaire canadien.
Il ne fait aucun doute que la pandémie de COVID-19 a déclenché une situation d’urgence à l’échelle mondiale. Les gouvernements ont dû se mobiliser pour répondre rapidement aux répercussions sociales, économiques et de santé publique de la pandémie. Le Canada n’a pas fait exception. Nous avons constaté que le gouvernement n’était pas aussi prêt qu’il aurait pu l’être pour affronter une pandémie de cette envergure. Malgré cela, la fonction publique s’est mobilisée, elle a mis la priorité sur les besoins de la population canadienne et elle a livré rapidement soutien et services.
Les ministères et les agences ont démontré que, lorsqu’ils sont confrontés à une crise, ils sont capables d’être agiles et réactifs. Toutefois, nos audits ont également montré que le gouvernement doit agir pour résoudre les problèmes persistants et connus, tels que le manque de collaboration entre les ministères, les systèmes et méthodes dépassés et les problèmes de planification et de gestion des réserves d’équipement. De plus, le gouvernement ne doit jamais perdre de vue son devoir de protéger la santé et la sécurité des populations vulnérables et de la population canadienne en général.
Mes prochains audits liés à la pandémie seront déposés plus tard cet automne, et ils porteront sur les vaccins contre la COVID-19 et sur les prestations liées à la COVID-19, comme l’exige le projet de loi C-2, Loi visant à fournir un soutien supplémentaire en réponse à la COVID-19.
Je vais maintenant aborder brièvement deux autres rapports récents qui pourraient intéresser le comité.
[Français]
Je vais d’abord parler de mon rapport sur le plan Investir dans le Canada, qui a été déposé en mars 2021. Dans le cadre de cet audit, nous avons constaté qu’Infrastructure Canada n’était pas en mesure de présenter un portrait complet des résultats atteints et des progrès réalisés en ce qui concerne le plan. Nous avons constaté que les rapports préparés par le ministère excluaient près de la moitié de l’investissement du gouvernement, parce qu’ils ne tenaient pas compte de plus de 92 milliards de dollars engagés avant que le plan ne soit lancé en 2016. En l’absence de rapports clairs et exhaustifs, il est difficile pour les parlementaires et la population canadienne de savoir si des progrès sont réalisés, compte tenu des objectifs du plan.
Je vais maintenant passer à mon audit sur l’accès aux prestations pour les populations difficiles à joindre, qui a été déposé au mois de mai dernier. Nous avons constaté que l’Agence du revenu du Canada et Emploi et Développement social Canada n’ont pas de vue d’ensemble précise et complète des personnes qui n’accèdent pas aux prestations, notamment à l’Allocation canadienne pour enfants, à l’Allocation canadienne pour les travailleurs, au Supplément de revenu garanti et au Bon d’études canadien. L’agence et le ministère ignoraient aussi si la plupart de leurs activités de sensibilisation ciblées avaient contribué à faire augmenter le taux d’utilisation des prestations parmi les populations difficiles à joindre. De plus, ils n’avaient pas de plan exhaustif pour aider les gens à avoir accès aux prestations. Par conséquent, ils ne parviennent pas à améliorer les conditions de vie de certaines personnes et familles qui pourraient avoir le plus besoin de ces prestations.
Le commissaire à l’environnement et au développement durable ne peut être parmi nous aujourd’hui, car il présente son rapport annuel qui sera déposé ce matin. Toutefois, si le comité veut inviter le commissaire à comparaître pour discuter de ces rapports, il sera heureux de le faire.
Enfin, j’aimerais souligner que mon bureau effectue chaque année un audit des états financiers consolidés du gouvernement fédéral, dont les résultats sont publiés dans les Comptes publics du Canada. Nous préparons également un commentaire qui souligne les résultats des audits financiers effectués par mon bureau au cours de l’exercice financier. Notre commentaire sur les audits financiers de 2021-2022 sera déposé en même temps que les Comptes publics du Canada, plus tard cet automne. De plus, cet automne, nous allons présenter un rapport sur la cybersécurité des renseignements personnels dans le nuage.
Monsieur le président, je termine ainsi ma déclaration d’ouverture. Nous serons heureux de répondre aux questions que les membres du comité pourraient avoir sur ces rapports et sur tout autre rapport qui pourrait les intéresser. Merci beaucoup.
[Traduction]
Le président : Merci, madame Hogan. Vous recevoir ici aujourd’hui est certainement un honneur, outre que le comité va ainsi pouvoir se concentrer sur ses quatre principaux objectifs, soit la transparence, la reddition de comptes, la fiabilité et la prévisibilité.
Je souhaite préciser aux sénateurs que chacun disposera d’un maximum de cinq minutes pour la première série de questions et d’un maximum de trois minutes pour la seconde. Je vous invite à poser vos questions directement et je demanderais aux témoins de répondre brièvement. La greffière me fera un signe de la main pour m’indiquer que le temps est écoulé.
La sénatrice Marshall : Bienvenue, madame Hogan, à vous et à vos fonctionnaires.
Vous avez parlé des comptes publics dans votre déclaration liminaire. Nous avons attendu assez longtemps que le gouvernement publie les comptes publics l’an dernier, ce qui a posé problème à l’époque où nous examinions les demandes de financement du gouvernement. La vérification des comptes publics de 2022 est-elle terminée?
Mme Hogan : Oui, elle est terminée. Nous avons respecté les délais traditionnels, comme nous l’avons fait par le passé et même pour l’année précédente. Nous avons signé l’audit, fin août, début septembre. Nos rapports sont habituellement déposés à la Chambre en octobre.
La sénatrice Marshall : C’était justement ma prochaine question. Ils ont été signés en août?
Mme Hogan : Au début septembre, plus précisément.
La sénatrice Marshall : Merci. L’an dernier, nous avons attendu neuf mois pour avoir ces documents. Je sais que la date limite prévue dans la Loi sur la gestion des finances publiques est le 31 décembre, mais si cette date devait être reportée au 30 septembre, cela poserait-il un problème pour votre bureau?
Mme Hogan : Pour effectuer un audit de l’ampleur de celui qu’exigent les Comptes publics du Canada, il faut une bonne collaboration entre mon bureau, les organismes centraux, ainsi qu’un grand nombre de ministères et de sociétés d’État. Tant que le gouvernement devance son échéance afin que nous puissions tous agir de concert, et tant qu’il ne contracte pas le temps dont disposent les auditeurs. Je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas y arriver. Toutefois, la collaboration s’impose, parce que la consolidation des états de 101 ministères et de toutes les sociétés d’État représente une tâche énorme.
La sénatrice Marshall : Si la loi était modifiée et que le gouvernement et les différents organismes coopéraient, disposez-vous des ressources nécessaires à votre bureau pour respecter l’échéance du 30 septembre?
Mme Hogan : Oui. Comme je l’ai mentionné, nous signons habituellement au début de septembre. Nous serions prêts à avancer notre calendrier de quelques semaines, au besoin, afin de respecter toutes les échéances de publication.
La sénatrice Marshall : C’est très bien. Merci. J’ai d’autres questions au sujet des comptes publics. L’an dernier, j’ai apprécié les renseignements qui ont été fournis au sujet de la perte de 19 milliards de dollars subie par la Banque du Canada à cause du rachat d’obligations, mais il y a deux ou trois articles qui traitent d’aspects à propos desquels j’aimerais connaître les répercussions sur les résultats financiers du gouvernement.
Premièrement, le Financial Post a publié un article indiquant que la Banque du Canada perdra de l’argent si elle affiche un déficit cette année. Par rapport à la consolidation des comptes publics, ce déficit se répercute-t-il sur les résultats nets du gouvernement, dollar pour dollar?
Mme Hogan : Comme vous le savez, puisque vous êtes comptable, la comptabilité des sociétés ou des entités d’État est complexe. Pour certaines sociétés d’État qui sont autosuffisantes, qui ne comptent pas sur le gouvernement pour financer leurs activités quotidiennes, les règles de consolidation sont différentes de celles des autres sociétés d’État. Dans certains cas, cela se fait ligne par ligne et dans d’autres, seul le résultat final apparaît. Les transactions se présentent donc sous la forme d’investissements, mais tout déficit ou excédent signalé en tant que tel sans faire l’objet d’une analyse détaillée comme cela se fait pour d’autres entités de la Couronne, ligne par ligne. Alors, effectivement, les comptes de la banque sont consolidés au niveau de ceux du gouvernement du Canada.
La sénatrice Marshall : L’autre article qui a été publié dans les médias — et j’ai la même question à poser quant à l’effet net sur le déficit gouvernemental — portait sur le Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes, ou CUEC, ce programme de prêts aux petites entreprises pour lequel on prévoit une radiation de 5 milliards de dollars.
J’ai consulté Exportation et développement Canada et les comptes publics de l’an dernier, mais cela se répercute-t-il sur le résultat net, dollar pour dollar? Je suis en train de me préparer pour la publication des comptes publics et de ce que je vais devoir fouiller.
Mme Hogan : Les prêts au titre du CUEC ont été, comme vous vous en souvenez sûrement, accordés à des entreprises. Si une entreprise rembourse son prêt d’ici le 31 décembre 2023, une partie sera radiée et le reste devra être reversé. Sinon, l’entreprise devra payer des intérêts sur le solde dû, et la ristourne ne sera plus accordée. La totalité de l’emprunt devra être remboursée.
Bien que le CUEC soit administré par Exportation et développement Canada, les prêts accordés sont consolidés au niveau du gouvernement du Canada, ligne par ligne. Le gouvernement doit évaluer la recouvrabilité de chaque prêt accordé et, dans ce cas-ci, il doit estimer le nombre d’entreprises susceptibles de se prévaloir de la ristourne offerte. Donc, une partie de la réserve établie correspond à la ristourne qui sera radiée des comptes, parce que les prêts seront effectivement remboursés. Il demeure que certains prêts pourraient être déclarés irrécouvrables. Encore une fois, nous ne le saurons vraiment qu’après décembre 2023, quand les remboursements seront dus.
La sénatrice Marshall : C’est bon à savoir. Ma prochaine question concerne l’audit d’Infrastructure Canada, qui était très intéressante parce que le Comité des finances avait en fait mené une étude sur le financement des infrastructures. Nous avons publié deux rapports en 2017. Vos conclusions étaient à peu près les mêmes que les nôtres.
Cette fois-ci, dans votre conclusion, vous dites que le ministère n’a pas pu démontrer que son plan était en voie de réalisation pour atteindre les résultats et les objectifs attendus. Quand pensez-vous pouvoir poser un jugement plus définitif? Pour le moment, vous déclarez que le ministère n’a pas pu faire la preuve de son efficacité d’action. À quel moment serez-vous en mesure de dire s’il a ou non atteint ses objectifs?
Mme Hogan : Vous parlez de l’audit du plan Investir dans le Canada que nous avons effectué. À la façon dont il a été structuré, le plan Investir dans le Canada comporte des programmes du budget de 2016, du budget de 2017 ainsi que des programmes qui existaient auparavant.
Les anciens programmes représentent environ la moitié du financement du plan Investir dans le Canada. À l’origine, il n’était pas prévu d’harmoniser les constats relatifs à ces programmes avec les autres rapports portant sur les objectifs du plan Investir dans le Canada. Quand ce plan a été élaboré, aucune nouvelle instruction n’a été émise pour que les rapports soient établis de façon différente. Tant que le gouvernement n’aura pas trouvé un meilleur mécanisme pour rendre compte des résultats de ces anciens programmes, il est peu probable que la moitié du plan fasse l’objet de rapports utiles.
Je n’ai pas l’intention de revenir en arrière et d’examiner le plan Investir dans le Canada. Nous avons adressé des recommandations détaillées au gouvernement pour qu’il corrige la situation, et c’est vraiment à lui qu’il incombe d’harmoniser tous les rapports pour être en mesure de démontrer les résultats obtenus.
[Français]
Le sénateur Forest : Merci beaucoup d’être présents parmi nous pour nous éclairer sur des questions qui nous préoccupent. J’ai passé 26 ans dans le monde municipal. Il est clair que je veux avoir un peu plus d’information sur le programme d’infrastructure. En lisant vos recommandations et en regardant la réponse du gouvernement, mon inquiétude, c’est qu’on mette encore plus de pression sur les municipalités, parce que ces programmes sont assurés pour un tiers par le gouvernement fédéral, pour un tiers par le gouvernement provincial et pour un tiers par les municipalités. On met beaucoup de pression sur l’organisme qui livre les projets, qui sont les municipalités.
Voici ma première question, et je fais un peu référence au passé : quand on regarde le programme de 2007-2011, le premier programme d’infrastructure, au-delà de l’analyse du circuit financier et de la reddition de comptes financière, est-ce que vous faites une analyse de l’impact des normes et des règles rattachées au programme?
Dans le cadre de ce programme, qui visait à créer des infrastructures d’aqueducs et d’égouts, il fallait que tout soit terminé le 31 mars 2011. Cela a créé une surchauffe, des conditions où il y a eu de la corruption et des répercussions très négatives sur les fonds publics. Au-delà de l’aspect financier, faites-vous également une analyse de l’impact des règles et des normes liées au programme?
Mme Hogan : Lors de l’audit sur le plan Investir dans le Canada, nous ne sommes pas allés aussi loin que ça. On a choisi un échantillon de programme pour regarder si la reddition de comptes était faite d’une façon cohérente, mais on n’a pas examiné les répercussions de cette reddition de comptes sur le gouvernement.
Cependant, on a constaté durant l’audit que les fonds n’avaient pas été dépensés aussi rapidement que prévu et qu’une des explications était que les municipalités, les tierces parties, n’avaient pas encore demandé de remboursement ou n’avaient pas fait avancer leur projet aussi vite qu’elles l’auraient souhaité.
Le sénateur Forest : Il y a plusieurs facteurs qui peuvent faire que les projets n’avancent pas aussi rapidement. Vous parliez du commissaire à l’environnement, mais on peut parler d’autorisations dans chacun des territoires et dans chacune des provinces sur le plan environnemental, selon la nature des projets, ce qui peut avoir des répercussions sur le fait qu’on ne peut pas livrer le projet dans les délais. Cela peut créer des conditions difficiles pour les municipalités.
Mme Hogan : Je suis bien d’accord pour dire qu’il y a plusieurs raisons pour lesquelles les projets peuvent subir des délais.
La pandémie en est une. Il y a également des aspects environnementaux, comme vous le mentionniez. Cela dit, nous ne sommes pas allés jusque-là. L’audit a commencé à cause d’une motion de la Chambre qui nous a demandé de vérifier si Infrastructure Canada était en mesure de montrer si le plan avançait au bon rythme et pouvait atteindre les objectifs. On n’a pas examiné les projets spécifiques pendant notre audit.
Le sénateur Forest : Est-ce que vous avez, dans votre mandat, l’autonomie nécessaire pour dire oui et faire éventuellement une analyse? Il y a trois partenaires, y compris le gouvernement fédéral, qui définit des normes en collaboration avec les provinces. Est-ce que vous avez l’autonomie nécessaire pour dire : « Oui, on pourrait pousser plus loin et regarder l’impact de certaines règles qui peuvent être modifiées »? Dans l’exemple du CO2 que je vous ai donné, le délai était le 31 mai 2011. S’il avait plutôt été le 31 octobre 2011, est-ce que cela aurait changé l’environnement qui aurait permis de réaliser ce projet? On s’entend pour dire que faire des aqueducs et des égouts au mois de février, c’est très coûteux. Est-ce que vous avez l’autonomie nécessaire pour demander des expertises à ce niveau-là?
Mme Hogan : J’ai l’autonomie nécessaire pour faire un suivi de l’argent et examiner s’il y a des ententes de financement entre le gouvernement et les tierces parties, mais du côté des conditions, je ne pense pas qu’on irait jusqu’à ce niveau. On s’occupe plutôt de la gestion de l’entente et de l’examen de l’utilisation des fonds pour s’assurer qu’ils sont utilisés pour les bonnes raisons, plutôt que de voir si les conditions sont raisonnables.
Le sénateur Forest : Même chez vos employés, à un moment donné, il y a eu des problèmes sur le plan des relations de travail. Est-ce que le financement de votre bureau est adéquat? Est-ce qu’on peut améliorer l’aspect financier? Est-ce que cela vous permet de réaliser pleinement votre mandat?
Mme Hogan : Oui. Comme vous l’avez mentionné, on a reçu une augmentation de notre financement permanent. Oui, cela nous permet d’améliorer les services fournis au Parlement. On continue quand même d’avoir des mandats qui nous sont confiés. Le commissaire à l’environnement et au développement durable a obtenu un nouveau mandat. On a eu un nouveau mandat pour une société d’État sans financement. C’est comme cela qu’on a eu des problèmes il y a plusieurs années. On garde un œil aigu sur les nouveaux mandats qui viennent sans financement pour s’assurer qu’on ne se retrouve pas dans la même situation, mais en ce moment, ça se passe bien, merci.
Le sénateur Forest : En fait, vous êtes un peu comme les municipalités : elles vont recevoir plusieurs nouvelles responsabilités au mandat sans financement.
Mme Hogan : Je ne sais pas si on peut se comparer à une municipalité, mais oui, de temps en temps, on trouve un nouveau mandat dans une loi qu’on n’attendait pas. C’est pour cela que je vais continuer à demander un mécanisme indépendant pour notre financement. Ce serait un peu plus flexible que de suivre le processus général que suivent tous les ministères. C’est un projet à plus long terme, mais c’est quand même quelque chose que je garde en tête et dont je vais commencer à discuter.
Le sénateur Forest : Je peux peut-être vous appuyer dans ce sens-là.
Le président : La sénatrice Audette remplace le sénateur Gignac.
La sénatrice Audette : Merci. J’ai toute une paire de mocassins à chausser en représentant mon collègue le sénateur Gignac. Bien sûr, nous travaillons ensemble.
Comme vous le savez, je viens d’une belle région, le Nitassinan, la Côte-Nord, où de belles nations cohabitent ensemble : le peuple innu et la nation québécoise. Pendant la pandémie, nous avons été en mesure de voir une vieille approche pour plein de peuples autochtones, une approche holistique, dans laquelle chaque milieu, chaque endroit a son expertise et à laquelle on peut contribuer, tandis qu’on voit avec le temps que les gouvernements — peu importe l’ordre — ont mis en place une culture en silo.
La pandémie, comme vous l’avez dit dans votre présentation, nous a permis de voir que des agences et des ministères peuvent innover, être créatifs et faire les choses autrement. Pensez-vous que, une fois que la pandémie nous lâchera — et j’ai hâte —, on nous laissera en héritage cette approche où le gouvernement fédéral, la province de Québec, les municipalités du Nitassinan et de la Manicouagan et la nation innue, dans ce cas-ci, auront sauvé et accompagné des vies pendant la pandémie et auront prouvé qu’on peut travailler ensemble? J’espère qu’on pourra voir cela.
Pensez-vous aussi qu’on peut dire qu’on n’est pas vulnérable, mais que ce sont plutôt des situations qui nous rendent vulnérables, et ce, peu importe que l’on habite au centre-ville de Montréal ou à Pakuashipi, sur la Côte-Nord?
C’est un commentaire et une question : comment le rôle que vous jouez peut-il permettre que nous puissions garder certains acquis importants de collaboration avec nous, sénateurs et sénatrices?
Nous allons vous appuyer s’il le faut, mais il faut que cela se fasse.
Mes autres questions seront plus pointues et porteront sur les projets et les programmes que vous avez cités dans vos rapports.
Mme Hogan : Vous avez raison. On a constaté durant la pandémie que le gouvernement fédéral a vraiment mis l’accent sur le service au lieu de mettre l’accent sur le processus. L’approche qu’il a prise était un peu différente. Par contre, cela vient avec un coût. On l’a vu dans les programmes de soutien financier, où il y avait peu de contrôle préalable au paiement avec un accent sur les contrôles postpaiement. Cela prend du temps et cela coûte cher de faire ces vérifications après le paiement, alors il faut trouver le juste milieu entre les deux points. Il ne faut pas toujours mettre l’accent sur un processus, mais toujours tenir compte des résultats et du service.
Oui, moi aussi j’ai espoir que le gouvernement va supprimer des processus, sans oublier qu’il faut assurer une reddition de comptes sur les fonds publics.
La sénatrice Audette : En parlant de reddition de comptes, sur bien d’autres aspects, comment pensez-vous que le gouvernement fédéral envisage de modifier ses mécanismes de prestation, afin que ces prestations soient disponibles pour tout le monde, qu’on habite dans une région éloignée ou dans un centre-ville, qu’on soit Atikamekw ou Montréalais, pour que tout le monde puisse être considéré? Comment envisagez-vous cela?
Mme Hogan : On a produit un rapport sur les prestations pour les populations difficiles à joindre pour voir exactement si le gouvernement avait changé sa façon de faire et avait trouvé une bonne façon de rejoindre ces populations. On a constaté que le gouvernement avait, en premier lieu, de la difficulté à identifier les personnes qui n’avaient pas accès aux prestations et, en second lieu, à adopter une approche vraiment axée sur la personne.
Chaque individu a une raison pour laquelle il est plus difficile que d’autres d’avoir accès aux prestations. Parfois, c’est la langue, la situation, l’absence d’Internet. Il y a tellement de raisons pour lesquelles une personne ne peut pas avoir accès à des prestations. Il faut commencer en apprenant à connaître ces personnes. Le gouvernement devrait se pencher un peu plus sur les données. Il a besoin d’information en premier lieu pour identifier les personnes les plus vulnérables, pour ensuite modifier sa façon de faire pour mieux les rejoindre. Pour faire cela, il faut de l’information, mais c’est souvent ce qui manque. C’est ce qu’on retrouve notamment dans nos audits.
La sénatrice Audette : J’ai une dernière question : seriez-vous d’accord pour dire qu’il y a déjà des gens ou des organisations dans notre région qui détiennent cette richesse ou ces données, et que le gouvernement fédéral a une responsabilité de collaborer avec ceux et celles qui vivent ce quotidien ou représentent ces personnes au quotidien?
Mme Hogan : Je suis bien d’accord avec vous. Il y a Statistique Canada, mais il y a aussi les communautés autochtones qui pourraient aider. Souvent, les communautés des Premières Nations sont un peu réticentes d’interagir avec le gouvernement. Peut-être que ce partage d’information se ferait plus facilement entre communautés. Par contre, même au sein du gouvernement fédéral, le partage d’information entre ministères ne se fait pas assez souvent pour faciliter l’accès aux programmes.
La sénatrice Audette : Merci.
[Traduction]
Le sénateur Smith : Bonjour tout le monde. Veuillez m’excuser pour mon retard. Nous sommes revenus du Nunavut hier soir. Nous avons passé quatre jours à rencontrer des représentants du gouvernement et des gens d’affaires, et ce fut une expérience assez révélatrice pour quelqu’un du Sud, comme moi. Je suis très heureux d’être parmi vous ce matin.
Madame Hogan, je voulais revenir sur votre point 7, je crois — dont il a été question plus tôt —, qui porte sur la question de la collaboration ou des possibilités de collaboration. Vous dites que les ministères ont encore du mal à collaborer efficacement. Tout récemment, nous avons étudié le premier projet de loi du gouvernement sur la modernisation de la réglementation. Nous avons trouvé des cas où certaines modifications de lois proposées dans le projet de loi auraient préséance sur le travail des ministères déjà en cours. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet et nous donner des exemples de ministères qui n’obtiennent pas les résultats escomptés, mais peut-être aussi des cas où vous voyez de l’espoir et où les choses commencent à s’améliorer?
Mme Hogan : En fait, cette question comporte beaucoup d’aspects. Nous avons vu des exemples à la fois positifs et d’autres moins, alors je vais peut-être commencer par le fait que le gouvernement doit agir sur des enjeux connus de longue date. La crise sanitaire liée à la pandémie a mis en lumière le fait que bon nombre des problèmes dont le gouvernement était au courant après les épidémies de H1N1 et de SRAS, en ce qui a trait à la collaboration avec ses homologues provinciaux pour s’occuper des mesures de santé, n’avaient pas été réglés.
Le bon moment pour prendre le temps de s’occuper de ces choses est entre les crises ou les urgences, et non pas lorsqu’il faut réagir en situation d’urgence. Cela dit, c’est sur cet aspect-là que nous avons vu des résultats positifs, n’est-ce pas? Même s’il n’y a pas eu d’entente définitive sur les types de renseignements sur la santé qui seraient partagés ou sur la façon dont ils le seraient, nous avons certainement vu les gouvernements fédéral et provinciaux faire de leur mieux tout au long de la pandémie et s’adapter, afin que cette information soit mise à la disposition du gouvernement fédéral pour éclairer la réponse à la pandémie. Il y a donc eu des aspects positifs et des aspects négatifs. Mais je pense qu’il ne faut pas oublier que c’est entre deux crises qu’il faut s’occuper de toutes ces questions et non pas en pleine crise.
Le programme de la Subvention salariale d’urgence en est un autre exemple. L’Agence du revenu du Canada disposait d’information qui aurait dû lui permettre de faire une sorte de vérification avant d’accorder des subventions salariales, ne serait-ce que pour vérifier l’admissibilité des entreprises, et elle n’a pas utilisé toute l’information dont elle disposait. Elle n’a pas partagé l’information entre les divisions, ce qui aurait facilité la lourde tâche que représente maintenant la vérification postérieure au paiement.
Monsieur Le Goff ou monsieur Hayes, auriez-vous un autre exemple? Quelqu’un d’autre veut-il intervenir? Ce sont les deux exemples qui me viennent en tête.
Le sénateur Smith : Lorsque vous avez commencé à occuper votre poste, je vous ai posé une question semblable. Essentiellement, maintenant que vous avez eu du temps et que vous avez vu la situation dans son ensemble — je sais qu’il y a beaucoup d’autres choses que vous voulez faire et que vous découvrirez —, quelles sont les trois principales priorités qui vous semblent être les éléments les plus importants que vous devez aborder dans le cadre de votre travail à ce moment-ci?
Mme Hogan : Mes trois principales priorités à l’heure actuelle — comme vous l’avez peut-être remarqué dans certains de mes rapports — sont de m’occuper de ceux qui sont souvent oubliés, afin d’éviter que leur situation empire. Par conséquent, bon nombre de mes rapports porteront sur des aspects liés à l’équité, à la diversité et à l’inclusion. J’ai demandé à toutes les équipes d’audit de se concentrer là-dessus, parce que si nous pouvons intégrer cette discussion, elle deviendra une seconde nature dans la conception des politiques et la mise en œuvre des programmes. Cela s’ajoute au suivi déjà en cours des objectifs de développement durable. Je crois qu’un grand nombre d’entre eux ont un lien avec ces aspects. Pour moi, la première priorité serait de veiller à ce que des aspects importants de l’équité, de la diversité et de l’inclusion soient inclus dans les politiques gouvernementales et dans les modifications qui seront apportées à l’avenir.
Je crois que bon nombre de mes prédécesseurs ont parlé des données. Il est grand temps que le gouvernement recueille des données, mais pas seulement des données aléatoires — des données désagrégées. Les responsables devraient savoir quelles données ils veulent, pourquoi ils les veulent et ce qu’ils veulent en faire. Ils devraient les analyser, puis les utiliser pour éclairer les changements et ne pas avoir peur, une fois qu’ils ont vu comment la population réagit à un programme ou une politique, de les ajuster pour les améliorer. Ce sont donc mes deux principales priorités.
Pour la troisième priorité, je pense qu’il serait négligent de ne pas penser à la cybersécurité. Comme le gouvernement agit de façon beaucoup plus virtuelle dans ses interactions avec les Canadiens, la cybersécurité est quelque chose dont tout le monde doit être plus conscient.
Le sénateur Smith : Merci beaucoup.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Bonjour, madame Hogan. Je vais vous parler du programme d’infrastructure le plus important pour le Canada. Je crois qu’il y aura un suivi d’ici 2028. Veuillez me corriger si je me trompe. Nous parlons d’un programme de 33 milliards de dollars. En 2028, cela me semble une aberration. Savez-vous qui a pris cette décision sur ce programme, et savez-vous s’il y a des retards ou si le coût dépasse les estimations? Est-ce une décision qui vient des fonctionnaires du ministère ou est-ce une décision politique?
Mme Hogan : Le directeur principal qui a travaillé sur ce mandat n’est pas avec nous aujourd’hui. Je n’ai pas de réponse à cette question. Cependant, nous pourrions vous revenir avec une réponse.
Le sénateur Dagenais : Je l’apprécierais beaucoup. Vous pouvez également envoyer votre soumission ou votre réponse par écrit. Vous parlez dans votre rapport de certains projets dont le décaissement pourrait être reporté à l’exercice financier suivant. Cela me semble inquiétant, parce qu’on ne peut pas dire s’il y a un suivi concret sur l’impact de ces décisions. Pourriez-vous nous dire ce que cette absence de suivi peut avoir comme impact dans l’examen des comptes publics? Ce manque d’information ne permettrait-il pas à certains politiciens de faire des annonces d’investissement avec le même argent qui n’a pas nécessairement été décaissé?
Mme Hogan : Oui, vous avez mentionné des retards et nous avons observé qu’environ la moitié des dépenses sont maintenant envisagées pour les cinq dernières années du plan Investir dans le Canada. Il y a plusieurs raisons à ce retard, comme nous l’avons brièvement évoqué. L’une des raisons, c’est que les tiers n’ont pas encore fourni d’information, que l’argent n’est pas déboursé jusqu’à ce qu’un tiers démontre qu’il a bien dépensé l’argent. Il peut s’agir d’une municipalité ou d’organisations qui réalisent des projets d’infrastructure.
Du point de vue des comptes publics, seul l’argent dépensé sera inclus, ce qui a pour effet de repousser les dépenses aux années suivantes. Nous étions préoccupés par le fait que personne n’avait fait de suivi sur les impacts globaux pour l’ensemble du plan en ce qui a trait à l’atteinte de ses objectifs, en poussant tout cela ou en faisant les dépenses pour les années ultérieures. Il est alors difficile de démontrer que les objectifs ont été atteints. Du point de vue financier, on peut le faire une fois que l’argent est dépensé, mais lorsqu’il s’agit d’observer et d’analyser les résultats attendus, il faut une faire analyse plus rigoureuse et régulière du suivi.
Le sénateur Dagenais : Je vais maintenant revenir sur une question soulevée par la sénatrice Audette. Vous avez observé une augmentation de l’efficacité des services fournis pendant la pandémie, mais lorsqu’il s’agit de délivrer des passeports ou de traiter des questions d’immigration, pouvons-nous conclure que l’efficacité n’est pas au rendez-vous ou qu’il y a un relâchement dans le contrôle des coûts?
Mme Hogan : Pourriez-vous répéter la question?
Le sénateur Dagenais : Il y a des services qui doivent être fournis et qui ne le sont pas, par exemple la délivrance de passeports. Pensez-vous qu’il y a un relâchement du contrôle des coûts de ces dépenses? Des services et des ressources humaines ont été ajoutés, mais y a-t-il un élément de contrôle des coûts qui entre en jeu?
Mme Hogan : En ce qui concerne les passeports, ce n’est pas un sujet que j’ai étudié en détail, donc je ne pourrais pas faire de commentaires sur la gestion des coûts pour les passeports ou sur le ministère dont c’est la responsabilité.
Le sénateur Dagenais : Merci beaucoup, madame.
[Traduction]
La sénatrice Pate : Merci, madame Hogan, et merci à tous les fonctionnaires pour le travail incroyable que vous faites quotidiennement pour tous les Canadiens.
J’aimerais revenir sur certaines des questions posées par mes collègues au sujet des personnes qui ne reçoivent pas de services. Je vous ai entendu dire que vous cherchez de meilleures données désagrégées, alors j’aimerais que vous me disiez ce que vous savez au sujet de ces personnes, comment vous voyez les choses pour l’avenir, et quelle a été la réponse du gouvernement canadien à vos recommandations pour améliorer l’accès aux prestations à l’avenir.
Mme Hogan : Lorsque nous avons examiné les populations difficiles à joindre, comme je l’ai mentionné plus tôt, nous avons constaté que, premièrement, le gouvernement n’était pas en mesure de déterminer de qui il s’agissait. On a souvent recours aux déclarations de revenus comme étant la meilleure source de renseignements. On estime qu’environ 10 % de la population ne produit pas de déclaration de revenus, cette dernière étant habituellement la porte d’entrée vers un grand nombre de ces prestations.
Certaines de nos recommandations visaient à trouver une approche plus holistique pour rejoindre les particuliers, car ce n’est pas tout le monde qui est à l’aise ou même obligé de produire une déclaration de revenus. Le fait de comprendre les obstacles d’abord aide à concevoir les programmes de sensibilisation.
Nous avons constaté que ces programmes visaient surtout à encourager les gens à produire une déclaration de revenus pour avoir accès aux prestations. L’absence de données sur les raisons pour lesquelles une personne n’a pas accès à une prestation fait en sorte que l’on répète les mêmes activités de sensibilisation. Nous encourageons donc les responsables à penser à des façons plus créatives de joindre les gens.
La sénatrice Pate : J’aimerais savoir ce que vous pensez du taux de participation, mais je veux aussi vous poser une question au sujet des avis d’ébullition de l’eau. Dans le cadre d’audits antérieurs, vous avez examiné la salubrité de l’eau potable dans les collectivités des Premières Nations et vous avez fait des commentaires sur l’absence de progrès dans ce domaine, même si les objectifs du gouvernement allaient dans le sens de l’élimination de ces avis.
Je suis curieuse de savoir quels sont, selon vous, les plus grands obstacles, au-delà, évidemment, des questions de politique. Quels sont les principaux obstacles qui empêchent le gouvernement d’atteindre l’objectif d’éliminer les avis concernant la qualité de l’eau potable?
Mme Hogan : Je suis fière de ce rapport. J’espère vraiment qu’il entraînera des changements significatifs pour les collectivités des Premières Nations.
Je pense aux quelques éléments que je soulignerais comme faisant partie de ce que nous pensions être les plus grandes préoccupations, dont un mécanisme de financement désuet, qui n’avait pas été examiné depuis près de 30 ans, et qui n’a donc pas été mis à jour pour tenir compte des nouvelles technologies, ne serait-ce que pour l’augmentation des coûts d’entretien et d’exploitation.
Cela a également contribué, je crois, au deuxième problème, à savoir le manque d’opérateurs qualifiés dans un grand nombre de collectivités pour travailler dans les usines de traitement de l’eau. Les pourcentages m’échappent, mais de nombreuses collectivités n’ont pas un seul opérateur qualifié, ni même un opérateur auxiliaire. Quand on sait que seulement les deux tiers des réseaux d’aqueduc dans les collectivités des Premières Nations font partie de réseaux publics, le fait de transmettre ces connaissances à une collectivité profitera beaucoup plus à la collectivité qu’au réseau proprement dit. Elle pourra utiliser ces connaissances pour aider à soutenir les réseaux d’aqueduc privés.
Le financement est vraiment un élément important, mais il s’agit réellement de donner aux collectivités des Premières Nations les moyens d’acquérir les compétences nécessaires pour intervenir de façon plus soutenue dans le dossier de l’eau.
La sénatrice Pate : Quel est votre pronostic quant à l’orientation que nous prenons? Est-il probable que ces problèmes seront réglés, d’après votre expérience avec le gouvernement jusqu’à maintenant?
Mme Hogan : Je sais qu’elle a été examinée, mais nous ne nous sommes pas penchés sur la nouvelle formule de financement.
Je pense que l’accent mis sur les avis à long terme concernant la qualité de l’eau potable est vraiment restrictif, parce que pour répondre à la définition d’avis à long terme sur la qualité de l’eau potable, l’avis doit remonter à plus d’un an. Au cours de notre audit, nous avons constaté que pour de nombreuses collectivités qui faisaient l’objet d’avis à court terme sur la qualité de l’eau potable, cela faisait six ou dix ans qu’elles faisaient l’objet d’un tel avis la majeure partie du temps. À l’heure actuelle, on ne leur accorde pas d’attention parce qu’elles ne sont pas visées par un avis à long terme. Il faut trouver une solution différente. Il ne suffira pas de se concentrer sur un seul aspect.
Je pense que c’est l’un de ces cas où l’argent ne suffit tout simplement pas. Il faut que ce soit plus holistique. Qu’en est-il des infrastructures? Qu’en est-il de la formation? Il ne s’agit pas seulement de financement.
La sénatrice Pate : Merci.
La sénatrice Omidvar : Merci, madame Hogan, d’être parmi nous.
Mes questions porteront sur le plan Investir dans le Canada et l’un de ses thèmes, soit les infrastructures vertes. Cela tombe à point nommé, compte tenu de la dévastation qu’ont connue les Canadiens dans les Maritimes. Les scientifiques ont dit que ce genre de dévastation pourrait, en fait, se produire plus souvent, parce que les tempêtes qui se dissipaient normalement au-dessus de l’océan Atlantique ne le feront plus, et nous pourrions en voir davantage.
L’atténuation des changements climatiques fait-elle partie du plan Investir dans le Canada et, le cas échéant, qu’a révélé votre audit?
Mme Hogan : Donc, l’un des objectifs du plan Investir dans le Canada est d’assurer la transition vers une économie axée sur une croissance propre, mais notre audit a révélé que les rapports et les mesures concernant la réalisation de ces objectifs ne sont pas uniformes. Donc, une année, Infrastructure Canada présente des rapports sur certaines mesures, mais l’année suivante, ces rapports portent sur des mesures différentes. Il a été impossible de voir si des progrès avaient été réalisés par rapport à certains des objectifs, en raison du manque d’uniformité dans les rapports au fil des ans. Nous n’avons pas pu arriver à des conclusions sur aucun des projets que nous avons examinés, ni déterminer si le ministère a même été en mesure de démontrer qu’il était en voie d’atteindre les objectifs qu’il s’était fixés.
La sénatrice Omidvar : À votre connaissance, madame Hogan, y a-t-il eu des projets qui sont prévus ou dans lesquels on a investi qui portent sur l’atténuation des changements climatiques plutôt que sur les infrastructures vertes?
Mme Hogan : Je vais demander à M. Hayes de répondre. Avant qu’il ne le fasse, je tiens à mentionner que le commissaire à l’environnement et au développement durable a publié un rapport sur les leçons tirées des changements climatiques, et l’une d’entre elles portait sur le manque de projets résistants aux changements climatiques.
Je vais voir si M. Hayes veut ajouter quelque chose.
Andrew Hayes, sous-vérificateur général du Canada, Bureau du vérificateur général du Canada : Merci, oui.
Les dépenses de la phase 1, les composantes de la phase 1, comprenaient les mesures d’atténuation. Ce financement a été annoncé dans le budget de 2016. Il s’agissait de 14,4 milliards de dollars.
L’une des constatations que nous avons faites dans le rapport, c’est qu’il y a eu des retards dans l’affectation de cet argent. Je ne peux pas vous dire s’il s’agissait de projets d’atténuation ou non, mais c’était inclus dans la phase 1.
La sénatrice Omidvar : Merci.
Madame Hogan, vous avez comparu devant le Comité sénatorial des affaires sociales dans le cadre de notre étude sur l’analyse comparative entre les sexes plus, ou l’ACS plus. Vous avez dit vous-même, de façon très éloquente, je crois, que vous voulez concentrer votre travail sur les laissés-pour-compte, ceux qui ne font pas partie de la majorité. J’aimerais savoir si votre bureau a effectué une analyse comparative entre les sexes plus dans le cadre de son audit du plan Investir dans le Canada. Si oui, qu’avez-vous trouvé?
Mme Hogan : Donc, mon engagement à examiner l’ACS plus dans chaque audit a commencé très peu de temps après ma nomination. Le plan Investir dans le Canada découle d’une motion présentée avant que je devienne vérificatrice générale. Je viens d’avoir le privilège de présenter les résultats. Cet audit était bien amorcé et ne portait pas sur l’ACS plus, mais c’est un engagement que nous avons pris pour l’avenir, vous avez raison.
La sénatrice Omidvar : Est-ce que cela signifie que la prochaine fois que vous effectuerez un audit — et je ne sais pas quand cela aura lieu pour le plan Investir dans le Canada — une optique d’ACS plus sera appliquée?
Mme Hogan : Oui, nous nous sommes engagés à tenir compte de cet aspect dans tous nos audits de gestion et tous nos examens spéciaux.
Le sénateur Loffreda : Madame Hogan, bienvenue à votre première comparution devant le Comité des finances. Nous sommes très satisfaits de vos réponses jusqu’à maintenant, alors je vous remercie d’être ici, et je peux constater votre compétence et l’analyse approfondie que vous avez effectuée. Nous avons de la chance de vous avoir.
Vous avez mentionné, et vos audits l’ont démontré, que le gouvernement doit prendre des mesures pour régler des problèmes connus et de longue date, comme le manque de collaboration interministérielle — dont nous avons parlé brièvement —, les systèmes et les pratiques désuets et les problèmes liés à la planification et à la gestion des stocks d’équipement.
Vous avez mentionné vos principales priorités, soit l’équité, la diversité et l’inclusion, les populations difficiles à joindre — je suis le parrain du projet de loi C-30 au Sénat et je reviendrai plus tard sur ce dont nous avons discuté avec les représentants du gouvernement —, et vous avez également mentionné que la collecte de données était l’une de vos principales priorités, afin d’améliorer ce que nous mesurons. Nous savons tous que si nous ne mesurons pas une chose ou si nous ne sommes pas en mesure de le faire, nous ne pouvons pas améliorer cette chose. C’est extrêmement important.
Il y a un sujet dont nous n’avons pas encore discuté et que j’aimerais aborder, à savoir la cybersécurité. Vous avez mentionné que c’était l’une de vos trois grandes priorités. Je reviens aux systèmes et aux pratiques désuets. Nous avons parlé du traitement de l’eau. Mais comment évalueriez-vous notre cybersécurité et pouvez-vous nous en dire davantage concernant les rapports que vous publiez à ce sujet? Avons-nous des systèmes et des pratiques désuets en matière de cybersécurité? Pouvez-vous rassurer les Canadiens en leur disant que ce domaine est bien couvert et bien pris en charge à l’heure actuelle, en ce qui concerne les processus, les systèmes et les pratiques?
Mme Hogan : Le comité a mis ma mémoire à l’épreuve en me faisant remonter aussi loin dans le temps, mais je suis heureuse d’avoir pu répondre à toutes vos questions.
En fait, un rapport sur la protection des renseignements personnels hébergés dans le nuage sera publié dans quelques semaines. Malheureusement, je vais réserver mes commentaires sur les aspects cybernétiques jusqu’à cette publication. Un autre rapport est prévu sur la cybercriminalité. Nous n’avons encore reçu aucun de ces rapports jusqu’à maintenant, alors je n’ai rien à vous dire à ce sujet pour l’instant.
Cependant, au cours des dernières années, nous avons parlé du vieillissement des infrastructures au sein du gouvernement et des perspectives concernant la modernisation de celles-ci. Nous avons effectué un audit des systèmes de TI complexes du gouvernement et de la nouvelle approche visant à moderniser bon nombre d’entre eux. À l’instar de notre bureau, le gouvernement a négligé d’investir dans ce domaine. Comme vous le savez, avec l’infrastructure de TI, lorsqu’on prend du retard, la situation ne fait que s’aggraver, et il faut beaucoup de temps pour régler les problèmes. Ce que nous constatons dans ces audits, c’est qu’on accorde beaucoup d’attention à l’éclairage et à la sécurité, mais pour ce qui est des cyberattaques, on ne peut jamais se croiser les bras, n’est-ce pas? Leurs auteurs sont très créatifs et modifient constamment leur façon de faire, et le gouvernement ne peut donc pas se permettre de perdre cela de vue. J’espère que vous apprécierez certains des rapports que nous vous présenterons sous peu.
Le sénateur Loffreda : Je sais qu’ils sont toujours éclairants pour moi. Pour poursuivre dans la même veine, y a-t-il un échéancier pour corriger les investissements en TI? C’est une question très importante, et nous recommandons à tous les Canadiens, comme le milieu des affaires, de mettre à jour leurs investissements en TI. Pourquoi le gouvernement ne l’a-t-il pas fait? Y a-t-il un échéancier maintenant? Il me semble que c’est assez urgent, n’est-ce pas?
Mme Hogan : Eh bien, le gouvernement est en train de procéder à une modernisation complète des systèmes qui servent au versement de prestations aux Canadiens, alors il est certain que l’on accordera beaucoup d’attention à cela à l’avenir. Je ne pense pas que ce soit un manque d’investissements. Comme nous l’avons fait, vous investissez dans des endroits judicieux, et le cyberespace n’en a jamais fait partie. L’une des choses que nous avons mentionnées dans les commentaires financiers, c’est que certaines des entités que nous vérifions sur le plan financier ont été attaquées au cours des dernières années, et nous avons constaté dans quelle mesure les cyberplans mis en place par le gouvernement étaient efficaces et à quel point ce dernier avait bien réagi. Même s’il y a eu des retards et si le gouvernement a parfois perdu de l’information, il disposait toujours des mécanismes et des plans nécessaires pour réagir adéquatement. Mais comme je l’ai mentionné, cela ne nous permet pas de nous asseoir sur nos lauriers.
Le sénateur Loffreda : Vous êtes convaincue que le mécanisme de réponse est bien en place et que nous ne devrions pas nous inquiéter de la cybersécurité, mais pour en revenir à l’échéancier, quel est-il? Compte tenu de l’environnement géopolitique dans lequel nous nous trouvons, je pense que c’est extrêmement important. Avez-vous fait une recommandation concernant l’échéancier pour corriger les systèmes de TI et faire en sorte que les investissements soient mis à jour de toute urgence?
Mme Hogan : J’étais satisfaite des réponses des entités que nous avons examinées. Je veux être claire. Je ne suis pas certaine que mes propos s’appliquent à l’ensemble de la fonction publique fédérale. Ils concernent uniquement les quelques entités qui ont répondu à des cyberattaques.
Je n’ai pas encore fait de recommandations. Comme je l’ai dit, mes rapports sur la cybersécurité s’en viennent. Je ne connais pas les délais qui doivent être respectés pour corriger la situation, mais bon nombre des travaux pour mettre à jour et moderniser les systèmes de TI à l’échelle du gouvernement sont des projets à long terme. On parle de systèmes comme la Sécurité de la vieillesse et l’assurance-emploi. Cela touche tellement de Canadiens. Il est important de bien faire les choses et d’y mettre le temps qu’il faut.
La sénatrice Bovey : C’est un véritable plaisir d’être ici aujourd’hui en remplacement de ma collègue, la sénatrice Gerba. Madame Hogan, c’est un plaisir de vous revoir après votre comparution, il y a environ une semaine, devant le Comité des affaires sociales. Je tiens à vous remercier, vous et votre personnel, pour le travail que vous faites.
J’aimerais revenir sur certaines choses qui ont déjà été dites, en particulier la question de la sénatrice Omidvar au sujet des projets prévus dans le plan d’investissement pour l’atténuation des changements climatiques. Vous avez parlé d’appliquer une analyse plus large qu’uniquement financière à vos travaux. Vous avez mentionné la planification des crises. Vous avez parlé de collaboration à l’échelle du gouvernement, ainsi qu’avec des tierces parties, pour les projets que vous avez examinés.
J’aimerais parler davantage de collaboration et de renseignements croisés. Si j’ai bien compris, bon nombre des projets d’investissement devaient être prêts à démarrer pour que les tierces parties soient admissibles. Je sais aussi que, non seulement de nombreux projets prêts à démarrer pour lesquels des demandes ont été présentées n’ont pas reçu d’investissements, mais que certains d’entre eux n’ont même pas reçu de réponse. Je me demande si votre audit s’est penché sur le besoin exprimé par les tierces parties à l’égard de ce financement et sur les besoins auxquels on n’a pas répondu.
M. Hayes : Nous ne sommes pas allés aussi loin. Je suppose que ce que nous pourrions dire à ce sujet, c’est qu’en ce qui concerne le retard du financement, il est en partie bureaucratique. Cela concerne en partie le processus et l’information qui est analysée par le gouvernement.
Comme nous l’avons mentionné, 20 % du financement prévu au début du plan Investir dans le Canada a été réaffecté aux années à venir. Cela met en péril l’atteinte des objectifs à long terme. Cela nous préoccupe nous aussi.
La sénatrice Bovey : Merci. Je pense que je suis la seule personne autour de cette table qui vient de l’Ouest canadien et qui connaît le climat des Prairies, alors j’aimerais parler du transport en commun et de l’atténuation des changements climatiques. La route qui mène au coin où j’habite doit être l’une des pires au Canada. Je sais que la ville de Winnipeg a de réels problèmes d’infrastructures et de routes. Pour ce qui est de l’atténuation des changements climatiques, de l’hydrogène, du transport et de tout le reste, j’aimerais vous poser une question au sujet des autobus et du transport en commun dans diverses régions du pays.
Avez-vous examiné ce qui se passe pour essayer de changer les habitudes de la société, afin que les citoyens participent à cette atténuation, et que l’on ne se préoccupe pas seulement des nids-de-poule qui sont — je ne sais pas combien de personnes que je connais ont eu des problèmes majeurs avec leur voiture au cours des dernières années, le problème ne cessant de Je me demande si vous vous êtes penchés sur ces questions en ce qui concerne les mesures d’atténuation.
M. Hayes : Je peux ajouter que nous allons effectuer un audit — je crois que le rapport sera déposé au printemps — sur le transport accessible, et j’espère que cela permettra d’accroître le transport disponible pour les Canadiens.
Pour répondre à votre question sur l’atténuation, je pense que l’envers de la médaille, c’est l’adaptation. L’une des grandes leçons que le commissaire à l’environnement a tirées au sujet des changements climatiques et qu’il a présentées à l’automne portait sur la nécessité de faire des investissements importants dans l’adaptation aux changements climatiques pour faire face aux graves conséquences. On en a vu dans l’Est. Nous l’avons constaté aussi dans l’Ouest, avec les feux de forêt et les inondations. L’adaptation est donc aussi un élément important.
La sénatrice Bovey : J’attends cela avec impatience. Monsieur le président, cela montre mon ignorance des travaux du comité, puisque je n’agis que comme remplaçante aujourd’hui, mais vous avez mentionné certains de vos audits futurs.
Avez-vous l’intention d’examiner la sécurité à la frontière? Cela fait suite au problème des passeports, mais je m’intéresse particulièrement à la formation du personnel chargé de la sécurité frontalière et aux problèmes sociétaux contemporains dont il faut tenir compte. Avez-vous examiné la situation au cours des dernières années, ou avez-vous l’intention d’examiner les questions frontalières et la formation?
Mme Hogan : Nous avons examiné la sécurité à la frontière et la formation lorsque certaines des mesures de contrôle frontalier étaient en vigueur pendant la pandémie. Bien qu’il s’agisse d’une situation unique, nous avons constaté de grandes mesures d’adaptation et une réponse aux problèmes émergents liés à la gestion de la frontière pendant la pandémie.
Nous avons un audit à venir sur le racisme systémique au sein de certaines organisations, et l’Agence des services frontaliers du Canada est l’une des entités incluses dans cet audit. Je ne sais pas s’il portera uniquement sur le contrôle frontalier et la sécurité à la frontière, mais j’imagine que cela pourrait vous intéresser et être lié au sujet que vous avez soulevé.
J’aime toujours prendre connaissance des sujets qui préoccupent les sénateurs et les députés, car ils alimentent notre sélection des audits à entreprendre.
La sénatrice Bovey : Mon intervention rejoint ce que le sénateur Loffreda a dit au sujet de la cybersécurité. Je suis préoccupée par le fait que le Canada a la réputation d’avoir une frontière facile à franchir pour le commerce illicite et l’importation de biens volés et de fausses œuvres d’art, et qu’il s’agit d’une porte d’entrée pour le commerce de la drogue. Je ne vois pas comment les responsables de la sécurité frontalière peuvent faire face à cela s’ils n’ont pas la formation nécessaire pour savoir ce qu’ils doivent chercher.
La sénatrice Marshall : J’aimerais parler davantage de votre audit du plan Investir dans le Canada. Ce qui m’a frappée lorsque j’ai lu votre rapport, c’est à quel point il reflétait ce que nous avions signalé en 2017. J’ai dit que le Comité des finances avait publié deux rapports. Votre rapport a été publié l’an dernier, c’est-à-dire quatre ans plus tard. Comme il était très semblable à ce que nous avions constaté, j’ai eu l’impression que le ministère n’avait pas vraiment fait de progrès pour ce qui est d’apporter des changements positifs.
Quel genre de levier avez-vous pour encourager les ministères à faire des changements? En ce qui concerne l’audit des comptes publics, vous pouvez émettre une opinion avec réserve. Vous avez une certaine influence. Mais pour ce qui est des audits des programmes, quel pouvoir avez-vous pour encourager les ministères à apporter des changements?
Mme Hogan : J’admets que c’est un défi que nous devons relever dans le cadre de chaque audit. Nous avons discuté avec les ministères et les organismes lorsqu’ils ont donné suite à nos recommandations. Nous faisons des remises en question lorsque la réponse qu’ils nous donnent commence par « D’accord. Nous continuerons de faire ce que nous faisons. » À mon avis, cela signifie qu’ils ne voient pas la nécessité de s’adapter en fonction des conclusions du rapport d’audit. Nous avons vraiment insisté pour obtenir de meilleures réponses.
Je suis heureuse de voir que le Comité des comptes publics, ainsi que le Comité de l’environnement, à qui mes rapports et ceux du commissaire sont habituellement renvoyés, exigent maintenant que chaque ministère présente un plan d’action détaillé. Les pressions constantes de notre bureau et des comités, y compris tous ceux qui pourraient les inviter à mettre à jour leur plan d’action, contribueront au changement.
Nous avons lancé un nouveau produit. Il n’est disponible que sur notre site Web. Il s’agit d’un suivi des mesures des résultats, c’est-à-dire des mesures que nous avons relevées lors d’audits antérieurs. Nous commencerons également à inclure un suivi des mesures recommandées. Il s’agira d’une base de données qui pourra être interrogée pour voir les progrès réalisés par les ministères.
Ce produit continue lentement, mais sûrement, de prendre de l’expansion. Il est limité à l’heure actuelle, mais nous espérons qu’il continuera de croître. Nous espérons que cela exercera des pressions supplémentaires.
Nous n’avons pas le pouvoir d’obliger les ministères et les organismes à faire quoi que ce soit. Il s’agit donc de veiller à ce que nos recommandations soient judicieuses et à ce que des mesures soient prises pour favoriser de meilleurs changements. Nous insistons donc pour que l’accent soit mis sur les résultats, et non pas sur le processus, mais sur les progrès.
La sénatrice Marshall : Des représentants d’Infrastructure Canada ont témoigné devant notre comité en juin. C’était au sujet du Budget supplémentaire des dépenses. Même s’il avait reçu des rapports négatifs de votre bureau et du Comité des finances, le ministère disposait encore d’une somme importante à dépenser.
J’ai trouvé cela très décourageant. Étant donné qu’il n’y avait pas de contrôle adéquat sur l’argent qui avait été dépensé jusqu’alors — il n’y avait pas de reddition de comptes, très peu de rapports ou de mauvais rapports —, j’ai été surprise qu’on leur ait donné des milliards de dollars supplémentaires à dépenser, compte tenu du fait qu’ils n’avaient apporté aucun changement.
J’aurais pensé que, parce que le Bureau du Conseil privé et le Conseil du Trésor participent aux programmes horizontaux comme le programme d’infrastructures, le gouvernement aurait eu un effet de levier et aurait pu dire au ministère : « Vous ne recevrez plus d’argent tant que vous n’aurez pas mis en place les contrôles appropriés. » Pensez-vous que c’est une solution ou que cela pourrait être un levier? J’aimerais avoir votre opinion là-dessus.
Mme Hogan : C’est un choix politique, alors je vais laisser les décideurs choisir la façon dont ils aimeraient procéder pour favoriser le changement. Le commentaire que je ferais au sujet des initiatives horizontales en est un qui remonte à loin et que nous avons vu dans quelques-uns de nos programmes.
Lorsqu’un ministère est désigné comme responsable de rendre compte des progrès d’une initiative horizontale, la qualité des rapports et de la reddition de comptes dépend de l’information qu’il reçoit. Ce qu’on entend souvent, c’est qu’un administrateur général ne peut pas obliger un autre administrateur général à faire quoi que ce soit, à faire rapport d’une façon ou d’une autre ou à se concentrer sur un projet. L’organisation responsable fait rapport uniquement de ce qui a été porté à son attention.
Par conséquent, le fait de prendre du recul avant de lancer une initiative horizontale et de veiller à ce qu’il y ait reddition de comptes et un point de vue collectif pour démontrer l’atteinte des objectifs de cette initiative devrait mener à un changement meilleur que si on laissait chaque ministère se concentrer sur la gestion de petits projets, sans tenir compte des résultats généraux attendus des initiatives horizontales.
La sénatrice Marshall : Je trouve qu’il faut améliorer la gouvernance et la reddition de comptes dans le cadre des programmes du gouvernement représentant plusieurs milliards de dollars. À l’heure actuelle, je me concentre sur le programme des garderies. C’est un programme de 30 milliards de dollars. Un objectif a été fixé pour décembre de cette année; un objectif dont on a dit qu’il serait atteint.
Votre bureau a-t-il l’intention d’effectuer une vérification de ce programme à un moment ou à un autre? Il s’agit d’un programme de 30 milliards de dollars.
Mme Hogan : C’est une excellente question, et je me ferai un plaisir de l’ajouter à l’ensemble des sujets que nous examinons. Nous venons de terminer la planification des audits de 2023-2024, mais nous essayons toujours d’être souples pour nous adapter aux nouveaux enjeux. Je vous remercie de votre suggestion.
La sénatrice Marshall : Je ne pense pas que ce sera aussi difficile que l’audit des infrastructures, mais ce sera un bon sujet. On parle de 30 milliards de dollars et d’un projet qui touche tous les gouvernements provinciaux et territoriaux. Merci.
[Français]
Le sénateur Forest : Merci encore de vos réponses qui nous éclairent.
J’aimerais vous poser une question de suivi; 10 % des Canadiens — donc plusieurs millions de Canadiens — ne font pas leur déclaration d’impôt. C’est énorme. Un gouvernement se doit d’être inclusif et solidaire, particulièrement parce que, parmi ces 10 % de Canadiens, la très grande majorité — j’imagine — est composée de gens fragiles sur le plan économique et, dans beaucoup de cas, ils ne savent tout simplement pas comment remplir les formulaires. Est-ce qu’il n’y aurait pas lieu que vos recommandations spécifient que le gouvernement devrait amorcer une vaste opération avec les différents ministères ou agences afin d’être en mesure de repérer ces gens, d’essayer de les accompagner et de leur faire comprendre l’importance, pour eux, de remplir ces formulaires de déclaration d’impôt?
Mme Hogan : Lors de notre audit, qui portait sur la façon de rejoindre les populations difficiles à rejoindre, nous avons mentionné que le fait que plusieurs personnes ne remplissent pas de déclaration d’impôt est un obstacle, puisque c’est la manière d’avoir accès aux bénéfices dont ils ont besoin.
C’est une question de politique; c’est l’approche sur laquelle ils doivent se pencher. Nous avons aussi remarqué qu’il y a beaucoup d’autres facteurs, comme les langues officielles. Plusieurs nouveaux arrivants au Canada ont de la difficulté à comprendre l’anglais ou le français et ils ont besoin d’aide pour remplir les formulaires de déclaration d’impôt.
Vous avez raison; il s’agit de les accompagner. Plusieurs tierces parties appuient le gouvernement pour tenter de rejoindre ces individus, mais un des obstacles que nous avons notés, c’est que c’est très difficile, car on peut avoir un numéro d’assurance sociale avec un ministère, mais cela arrête là. Il faut contacter un autre ministère pour être en mesure de remplir une déclaration d’impôt. Le fait d’avoir un vrai service, du début à la fin, pour un citoyen est donc un des points à considérer, et c’est dans ce sens que nous avons recommandé de penser avec un peu plus de créativité aux façons de rejoindre les personnes qui sont difficiles à rejoindre.
Le sénateur Forest : Il faudrait peut-être avoir un guichet unique, car on a tout de même été créatif dans le cadre de la pandémie et on est capable de l’être.
Je vais maintenant passer des plus marginalisés aux plus favorisés, pour parler de la taxe de luxe. Quand le gouvernement a instauré cette taxe, nous l’avons fortement mis au défi en lui demandant s’il avait évalué les coûts et bénéfices et s’il avait mesuré l’impact d’une taxe de luxe pour les travailleurs, par exemple. Il faut se demander s’il y aura des commandes annulées, s’il y aura des impacts sur le commerce et les exportations.
On n’a jamais été capable de répondre à nos questions, et je trouve totalement irresponsable qu’on présente ce type de politique sans en avoir mesuré l’impact. On dirait que c’est uniquement une question de bénéfice politique, plutôt que d’avoir pour objectif de poser un geste visant à améliorer les revenus du gouvernement. On ne pouvait pas mesurer si les revenus allaient dépasser nos pertes sur les plans de l’emploi et des commandes.
Mme Hogan : Nous n’examinons pas les nouvelles mesures fiscales qui sont émises et imposées. Je n’ai donc pas vraiment de commentaires à faire à ce sujet, mais je suis d’accord avec vous sur le fait qu’il faut être en mesure de connaître l’objectif d’une nouvelle loi ou d’une nouvelle mesure fiscale et de pouvoir en mesurer la raison d’être et l’impact. Ce sont des éléments fondamentaux quand on effectue des changements fiscaux.
Philippe Le Goff, directeur principal, Bureau du vérificateur général du Canada : Ce que nous pouvons faire, c’est nous pencher sur la rigueur de l’analyse faite par le ministère des Finances pour analyser si les bénéfices et les coûts dont vous parlez pour l’économie canadienne sont bien pris en compte dans la mesure. Ce sont des choses que l’on fait régulièrement.
Le sénateur Forest : Vous aurez de la difficulté à trouver de la rigueur dans ce cas-là.
J’ai une dernière question. Mon collègue vous parlait de la sécurité informatique. Le gouvernement fédéral compte plusieurs propriétés et infrastructures; je pense notamment aux quais, pour lesquels on parle d’érosion et d’impact environnemental. Certaines de ces infrastructures sont carrément laissées à l’abandon et leur mise à jour n’est pas assurée. Cela a pour résultat des impacts majeurs pour beaucoup de communautés; je pourrais vous en nommer plusieurs, tant sur la Côte-Nord que du côté de l’Est ou de l’Ouest du Canada.
Vous pencherez-vous éventuellement sur le parc immobilier canadien? Le gouvernement a une responsabilité. Je pense que les municipalités qui ont de faibles moyens doivent maintenir à jour leurs infrastructures, et on dirait que le gouvernement fédéral laisse ces infrastructures se détériorer, particulièrement les quais ou les havres de pêche. Dans d’autres cas, il s’agit d’autres types d’infrastructures.
Est-ce qu’il existe une responsabilité gouvernementale à ce sujet? En plus, ils ne paient même pas pleinement leurs taxes; ils devraient au moins maintenir leurs infrastructures à niveau pour qu’elles soient sécuritaires et pour éviter des phénomènes comme l’érosion.
Mme Hogan : Nous avons fait un audit en 2018, je crois.
Martin Dompierre, vérificateur général adjoint, Bureau du vérificateur général du Canada : Nous avons fait un audit sur la conservation des biens patrimoniaux fédéraux. Nous nous sommes penchés sur les façons dont Patrimoine canadien s’assurait que le patrimoine existant est maintenu et que les investissements prévus sont faits.
Nous avons examiné certains échantillons, mais pas nécessairement toutes les infrastructures qui étaient en désuétude ou en péril sur le plan de la structure.
Le sénateur Forest : C’est le ministère des Pêches et des Océans, particulièrement pour les havres de pêche et les petits quais. C’est un problème majeur sur le territoire canadien. C’est moins le cas à Winnipeg, mais beaucoup plus pour les côtes.
M. Dompierre : Je ne peux pas vous dire si c’est un élément qui figurait dans le rapport, mais le rapport de 2018 vous donnerait ces informations.
La sénatrice Audette : Merci beaucoup. C’est ma première expérience. Je célèbre ma première année à titre de sénatrice; je suis maintenant de ce côté-ci, alors que c’était plus facile pour moi d’être témoin de votre côté.
Je remarque que vous apportez des points importants sur votre arrivée, votre leadership et votre équipe, ainsi que sur la place des femmes et des hommes et sur l’impact de tout cela pour le gouvernement ou la démocratie.
Avez-vous réfléchi, ou avez-vous des réponses sur ce qui suit? Nous, les sénateurs, n’avons peut-être pas le pouvoir de contraindre, mais nous avons peut-être un autre pouvoir; d’autres auront d’autres pouvoirs afin que nos enfants, qui prendront un jour notre place, puissent s’assurer que le gouvernement travaille et coordonne de façon concertée des stratégies et des façons de faire pour que tout le monde se parle.
Est-ce qu’une loi peut entraîner cela? Est-ce que le fait d’accorder plus de pouvoirs à vous et vos collègues, qui font le même exercice de reddition de comptes, pourrait faire en sorte que cela oblige cette responsabilité au sein du gouvernement fédéral de travailler ensemble?
Mme Hogan : Je ne pense pas que je me suis vraiment penchée sur la façon de régler cet aspect. Je sais que le commissaire à l’environnement et au développement durable l’a mentionné et qu’une des leçons apprises avait trait à l’aspect intergénérationnel des décisions et des mesures.
Je pense qu’on oublie souvent tout cela et que chacun a une responsabilité d’en tenir compte lors de la prise de décisions.
Aussi, l’aspect politique fait en sorte que, souvent, il s’agit de décisions ou d’horizons à court terme en raison du cycle des élections. Il revient au gouvernement de penser à long terme et de ne pas l’oublier, mais c’est très difficile, car il y a parfois un clivage entre les demandes et les besoins. C’est vraiment au service public ainsi qu’aux comités de s’assurer qu’on n’oublie pas de penser à long terme, parce que ce sont les décisions prises à court terme qui ne tiennent pas compte de l’effet d’entraînement des décisions.
[Traduction]
Le sénateur Smith : Je veux faire suite à la question que la sénatrice Pate a posée plus tôt. Lorsque nous sommes allés dans le Nord au cours des quatre ou cinq derniers jours, les gens du Nunavut nous ont constamment dit que les politiques touchant les Inuits doivent être élaborées dans le Nord, par le Nord et pour le Nord.
En entendant comment les Autochtones ont été manipulés — je ne dirai pas traités —, il est clair qu’il ne suffit pas de dépenser de l’argent pour régler les problèmes auxquels font face leurs collectivités. J’essaie de comprendre. Que pouvons-nous faire pour assurer cette approche holistique? Est-ce une question de paramètres que les ministères utilisent pour mesurer le succès? Je me demande comment nous pouvons travailler en coordination plus étroite avec les divers électeurs. Nos peuples autochtones font bien sûr partie des électeurs, et nous avons pris des engagements verbaux envers eux. Serons-nous en mesure de respecter ces engagements? Serons-nous en mesure d’obtenir la preuve que les résultats se démarquent, qu’ils sont tangibles et qu’ils mènent à des progrès économiques et sociaux continus?
Mme Hogan : C’est l’un des aspects fondamentaux de la réconciliation. Il y a tellement de mesures découlant de la Commission de vérité et réconciliation dont on parlait encore récemment, au lieu d’avoir donné suite au rapport initial.
Je peux vous donner un exemple. Dans le cadre de notre rapport intitulé Accès à une eau potable salubre dans les collectivités des Premières Nations, une politique a été mise en place, mais de nombreuses collectivités des Premières Nations estimaient qu’elles n’avaient pas suffisamment participé à son élaboration. Il faut maintenant revenir en arrière et revoir la question. Comme vous le dites, les Premières Nations ont le droit de se gouverner elles-mêmes, et elles devraient avoir une influence significative sur l’établissement de ces règles et règlements. Elles devraient avoir accès aux mêmes niveaux d’application de la loi et de sécurité que n’importe quelle collectivité au pays, mais cela doit se faire en collaboration avec elles. Je pense qu’il s’agit en fait de prendre du recul et d’adopter cette approche, au lieu de se contenter de publier une politique et d’espérer qu’elle sera respectée.
Le sénateur Smith : Comment pouvons-nous faire progresser les relations au point où les ministères ne se contentent plus d’être condescendants avec les peuples et les communautés autochtones et de faire des annonces les concernant? Comment pouvons-nous passer à l’étape suivante — je ne parle pas de la réconciliation proprement dite, mais peut-être de ce qui précède — c’est-à-dire établir des relations qui mènent à une véritable réconciliation? Oui, le ministre des Affaires du Nord a fait une annonce hier. Ce qui était vraiment intéressant — parce que j’écoute toujours les gens; je ne suis pas technicien, mais je crois comprendre les gens —, c’est qu’il était très heureux, heureux d’annoncer que le gouvernement investira 122 millions de dollars au cours des huit prochaines années.
Ma réflexion a été la suivante : parlons-nous aux gens sur un pied d’égalité ou sommes-nous condescendants avec eux? « Parce que nous sommes le gouvernement et que c’est nous qui prenons les décisions, et même si vous avez des droits [...] » Vous savez que je plaisante, mais je pense qu’il y a là un point important. Comment pouvons-nous créer ces relations? Selon vous, comment votre bureau peut-il intervenir dans certains de ces enjeux et de ces mesures de soutien clés?
M. Hayes : Au fil de décennies d’audits, nous avons constaté qu’il est nécessaire d’établir un lien de confiance avec les communautés des Premières Nations et les organisations autochtones. Je dirais qu’une chose que nous encouragerions fortement et que nous rechercherons dans nos audits, c’est une mobilisation précoce et une consultation significative. Si nous ne renforçons pas la confiance, nous ne parviendrons jamais à ce niveau de participation et à cette relation de collaboration.
[Français]
Le sénateur Dagenais : J’aimerais faire suite au témoignage de représentants de Services aux Autochtones Canada, qui ont comparu devant le comité en juin. Ils ont parlé des milliards de dollars de financement accordés aux communautés autochtones, et c’est tout à fait correct. J’ai été un peu surpris lorsque j’ai appris que ce serait un fiduciaire qui allait administrer cet argent, car je croyais que c’était le ministère qui en avait la responsabilité. J’ai demandé au représentant du ministère s’il pouvait nous donner le nom du fiduciaire qui gérera les fonds. Il ne pouvait pas me répondre, puisque les négociations étaient en cours. Je lui ai demandé de nous revenir avec une réponse dès la fin des négociations. Il faut croire que les négociations sont encore en cours, puisque je n’ai pas encore reçu de nom.
Cela dit, est-ce que vous assurez un suivi pour les contrats accordés aux fiduciaires qui administrent des fonds publics et les coûts qui y sont rattachés? Le fiduciaire doit facturer les coûts associés au ministère. Il est donc toujours très surprenant de voir que ce n’est pas le ministère qui administre l’argent, mais un fiduciaire dont on ne veut pas nous donner le nom parce que des négociations sont en cours. Nous parlons de fonds publics. Lorsque vous faites vos vérifications, avez-vous les noms de ces fiduciaires et connaissez-vous les coûts qui y sont associés?
Mme Hogan : Lorsqu’on vérifie un programme de financement, on a accès à cette information. Mon bureau a vraiment un accès très large à de l’information privilégiée. On ne peut pas toujours le mentionner dans nos rapports, mais on peut voir cette information. Si on vérifie une telle entente, on pourrait connaître les coûts payés au fiduciaire et s’assurer qu’il y a une reddition de comptes pour en faire part au gouvernement.
Le sénateur Dagenais : Si vous connaissez le nom, j’aimerais que vous me le donniez, parce que je crois que le ministère ne veut pas me le donner. Merci beaucoup, madame.
[Traduction]
La sénatrice Pate : Dans votre Rapport 9 — Le plan Investir dans le Canada, vous avez parlé du manque de rapports sur une partie du financement des programmes déjà existants, et je remarque que bon nombre des appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation, ainsi que les appels à la justice de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, concernent ces rapports et l’obligation pour le gouvernement de rendre compte de ses agissements.
Je me demande si votre analyse comparative entre les sexes plus comprendra une évaluation ou une série d’évaluations sur ce que fait le Canada relativement aux appels à l’action et aux appels à la justice, respectivement.
Mme Hogan : Nous venons de terminer un audit de l’ACS plus, qui n’est pas allé aussi loin. Nous avons pris les premières mesures pour voir si le gouvernement avait donné suite aux recommandations précédentes. Malheureusement, nous avons constaté que nombre d’entre elles n’ont pas été suivies. Dans tout audit, nous pouvons examiner l’ACS plus. Nous allons nous pencher sur les évaluations que font les ministères, mais ce que nous avons constaté dans notre audit à ce sujet, c’est que tout le monde se situe à un endroit différent. Certaines personnes ne font que le strict minimum, ne recueillent pas de données et ne font rien, ce qui fait qu’il est très difficile pour nous de procéder au genre d’évaluation dont vous parlez s’il n’y a pas d’information disponible.
Cela fait partie de notre objectif — de vraiment pousser les ministères —, comme nous le demandons dans chaque audit sur chaque sujet de l’ACS plus, de même que l’angle qui est adopté et la nécessité de mettre l’accent sur les données, afin que nous puissions, espérons-le, provoquer un changement. Malheureusement, je ne peux travailler qu’avec l’information dont dispose le gouvernement, alors nous devons l’aider à aller de l’avant, et il doit se joindre à moi pour faire de cela une priorité.
La sénatrice Pate : Dans le même ordre d’idées, votre bureau envisage-t-il d’effectuer une analyse et un audit de la mise en œuvre des appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation et des appels à la justice de l’Enquête sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées?
Mme Hogan : Ce n’est pas dans les plans d’examiner l’ensemble des appels à l’action. J’espère que nous ciblerons certains aspects ou des appels à l’action individuels dans le cadre de certains de nos travaux.
La sénatrice Pate : Je tenais à le préciser parce que toutes les lettres de mandat des ministres portent sur la réconciliation. Toutes font également référence aux appels.
Je veux revenir sur la question soulevée par la sénatrice Marshall au sujet des fonds non comptabilisés ou du financement des programmes déjà existants, qui représentent environ la moitié des 188 milliards de dollars, c’est-à-dire selon nos calculs, environ 92,2 milliards de dollars qui n’ont pas été intégrés aux trois principaux objectifs, soit créer des emplois, lutter contre les changements climatiques et promouvoir l’inclusion sociale et l’accessibilité pour les personnes handicapées. Dans l’intérêt de la transparence du gouvernement, je me demande comment vous allez pouvoir rendre compte de cette dépense importante. Comment allez-vous vous y prendre pour que le gouvernement rende compte de cette dépense importante? Que nous recommandez-vous d’examiner pour nous assurer que nous comprenons où va près de la moitié de cet engagement prévu au budget et s’il est conforme aux objectifs établis par le gouvernement?
Mme Hogan : C’est l’un des défis que nous avons relevés dans le cadre de cet audit, car le plan Investir dans le Canada comprenait des annonces très précises dans le budget de 2016 et celui de 2017, qui étaient assez claires et faciles à relier au plan. Mais il y avait aussi un grand nombre de programmes déjà existants qui ont été inclus. Comme je l’ai mentionné plus tôt, lorsqu’ils ont été conçus, on ne pensait pas qu’ils feraient l’objet de rapports dans le cadre du plan Investir dans le Canada. Donc, rien de tout cela n’est recueilli ni même déclaré, et c’est pourquoi nous avons recommandé que le gouvernement envisage une façon d’intégrer ces programmes déjà existants, afin de pouvoir démontrer que les résultats ont été atteints.
Nous avons vu qu’une liste a été créée et élargie et qu’on y a inclus ces projets, alors c’est un pas dans la bonne direction, mais c’est une question d’extrants n’est-ce pas, de pouvoir mesurer le nombre de programmes qui existent. Il faut maintenant se concentrer sur les résultats réels attendus. C’était l’une de nos recommandations, alors j’espère qu’on y donnera suite.
La sénatrice Omidvar : J’ai oublié de mentionner que je ne siège habituellement pas à ce comité. Je remplace ma collègue, la sénatrice Pat Duncan, qui connaît beaucoup mieux ces questions.
Mais ma présence ici me fait me rendre compte de l’intersectionnalité entre les travaux de nos comités. Nous parlons de l’intersectionnalité des données, mais je pense qu’à un moment donné, les comités doivent se réunir pour déterminer cette intersectionnalité entre eux. Je vais continuer de me concentrer sur l’ACS plus.
Ma question s’adresse à M. Hayes. Vous avez mentionné que l’un de vos prochains audits portera sur le transport en commun dans le cadre du plan Investir dans le Canada. Puis-je supposer que l’ACS plus sera intégrée à cet audit? Le transport en commun permet aux gens de vivre pleinement leur vie ou les empêche de le faire, lorsqu’il est déficient. J’aimerais mettre l’accent sur la prévention.
M. Hayes : Absolument, l’ACS plus fera partie de cet audit, c’est certain.
La sénatrice Omidvar : Encore une fois, comme je ne suis pas membre de ce comité, il me manque des connaissances institutionnelles. J’aimerais maintenant parler de la Banque de l’infrastructure du Canada, qui fait également partie de notre écosystème d’infrastructures. Le Bureau du vérificateur général a-t-il mené un audit de la Banque de l’infrastructure du Canada? Sinon, prévoyez-vous en mener un?
Mme Hogan : La Banque de l’infrastructure du Canada est une société d’État. Nous avons été désignés comme vérificateurs financiers et nous effectuons les audits financiers depuis la création de la Banque de l’infrastructure.
Je crois que l’année dernière, il n’y avait pas encore beaucoup d’initiatives financées par la Banque de l’infrastructure. Donc, sur le plan financier, il ne se passe pas grand-chose. Comme il s’agit d’une société d’État mère, elle fera l’objet d’un examen spécial, c’est-à-dire l’équivalent d’un audit de gestion des outils, des pratiques et des processus liés à la protection des actifs et à la réalisation du mandat, une fois tous les 10 ans. Je pense qu’il est vraiment trop tôt pour faire cela maintenant, alors qu’il n’y a pas vraiment beaucoup d’activité. Mais à un moment donné, nous arriverons à faire cet examen spécial avant cet horizon de 10 ans.
La sénatrice Omidvar : Avez-vous déjà fait un audit de la gouvernance des sociétés d’État? Qui sont les gouverneurs, ont-ils des compétences, représentent-ils les Canadiens, les régions, les minorités, et cetera...?
Mme Hogan : Je vais demander à M. Dompierre de répondre. Toutefois, dans chaque audit financier, nous examinons toujours la gouvernance et la composition du conseil d’administration. Je vais laisser M. Dompierre vous en parler davantage.
M. Dompierre : Je n’ai pas grand-chose à ajouter à ce que Mme Hogan vient de dire, à savoir qu’il s’agit de l’un des points centraux de l’audit que nous effectuons. Nous examinons la gouvernance, la composition du conseil et la façon dont il est nommé, les cycles de nomination, et cetera. C’est certainement quelque chose que nous examinons dans chaque rapport d’examen spécial que nous produisons.
La sénatrice Omidvar : Cela se limite à chaque société d’État individuellement, par opposition à un audit global de la gouvernance, ce que je vous recommanderais de faire. Merci.
Mme Hogan : Si vous me le permettez, monsieur le président, cela se fait de façon cloisonnée parce que nous examinons chaque société d’État chaque année. Nous avons préparé un résumé de certains de nos examens spéciaux à venir. Ils résumeront les thèmes communs des derniers examens — je crois qu’il y en a une douzaine —, et la gouvernance fait partie des sujets de préoccupation. Je pense que cela sortira en novembre.
M. Hayes : Je ne me souviens pas quand sera produit le prochain, mais la dernière fois, des questions ont été soulevées au sujet de la gestion des risques, de la détermination des risques, de la nomination des membres, des nominations par le gouverneur en conseil et des problèmes généraux de gouvernance que nous avons constatés.
Le président : Sénatrice Omidvar, je constate que vous vous débrouillez bien au sein du Comité des finances.
Le sénateur Loffreda : Ma question porte sur votre priorité absolue, à savoir, comme vous l’avez mentionné, l’équité, la diversité et l’inclusion, ainsi que les Canadiens difficiles à joindre. Je suis surpris d’apprendre que près de 10 % des Canadiens ne produisent pas de déclaration de revenus et sont difficiles à joindre. Je suis surpris parce que lors de ma récente séance d’information avec des représentants du gouvernement, puisque je suis le parrain du projet de loi C-30 au Sénat, il avait plutôt été question de 5 à 6 %. Je pensais déjà que c’était un pourcentage important. Je suppose que cela accentue la nécessité de suivre ce chiffre, de le mesurer, si c’est possible, surtout compte tenu de notre importante stratégie d’immigration.
Je fais de nouveau appel à votre mémoire. Depuis combien de temps cela dure-t-il? Nous n’avons pas abordé cet aspect. Quelle est la tendance? Est-ce un pourcentage qui augmente? S’agit-il d’un pourcentage qui diminue?
Dans ma vie professionnelle, j’ai toujours aimé comparer les services et les pratiques exemplaires. Je disais à mon équipe qu’on pouvait avoir la meilleure stratégie au monde, mais qu’une autre banque nous copierait dans 15 minutes, 15 jours ou 15 mois. Pourquoi n’avons-nous pas examiné les pratiques exemplaires d’autres pays? Que font-ils? Est-ce un problème répandu au Canada parce que nous sommes un si grand pays, ou est-ce que d’autres pays ont un problème semblable? Est-il possible d’avoir un plan solide pour rejoindre tous les Canadiens, ou sommes-nous en train de rêver en couleurs en ce moment, ce pourcentage demeurant toujours autour de 10 %, sans que nous puissions rien y faire?
J’ai écouté attentivement ce que vous avez dit. Il me semble que c’est un problème difficile à corriger.
Mme Hogan : Je vais demander à M. Le Goff de compléter ma réponse. La seule chose que je dirais, c’est que c’est l’Agence du revenu du Canada qui estime que 10 % des Canadiens ne produisent pas de déclaration de revenus, pas nous.
Le sénateur Loffreda : Donc, 37 % des Canadiens ne paient pas d’impôt et 10 % ne produisent pas de déclaration de revenus. Nous approchons de la moitié de la population canadienne.
Mme Hogan : Je ne suis pas certaine de connaître toutes ces statistiques, mais je vous crois, honorable sénateur.
Le sénateur Loffreda : Vous pouvez vérifier. C’est ainsi.
Mme Hogan : Je pense que, par définition, les personnes difficiles à joindre le sont bel et bien, alors il s’agit vraiment de déterminer de qui il s’agit. Il y en a probablement plus que 10 % qui ne produisent pas de déclaration de revenus. Je ne sais pas. Monsieur Le Goff, pouvez-vous ajouter quelque chose à certains des commentaires du sénateur?
M. Le Goff : Il y a diverses raisons pour lesquelles les gens ne produisent pas de déclaration de revenus. Dans certains cas, c’est un problème d’éducation. Dans d’autres cas, il s’agit de fraudeurs. C’est ainsi depuis de nombreuses années.
Le sénateur Loffreda : Quelle est la tendance? Est-ce que cela augmente? Est-ce un problème croissant? Vous avez parlé des fraudeurs, n’est-ce pas? C’est un énorme problème que nous ne pouvons pas régler en quelques minutes. Nous devrions examiner cela de plus près.
Quel genre de plan pourrions-nous mettre de l’avant pour assurer un suivi, surtout en ce qui concerne la stratégie d’immigration que nous avons pour l’avenir? Nous accueillerons 1,3 million de Canadiens au cours des trois prochaines années. Vous avez mentionné que la communication est un problème. Est-ce quelque chose que nous pouvons corriger ou quelque chose qui est impossible à faire? On parle de 10 % de 38 ou 40 millions de personnes, soit 4 millions de Canadiens. C’est énorme.
Mme Hogan : Il existe de nombreuses solutions possibles. Vous en avez peut-être à suggérer, monsieur Le Goff. Dans l’un de nos rapports, celui sur la subvention salariale, nous avons parlé d’un identificateur personnel pour les particuliers, qui viendrait s’ajouter au numéro d’assurance sociale. Il s’agit donc de quelque chose qui favoriserait l’interaction avec votre gouvernement et qui permettrait un meilleur partage entre les ministères, et ce serait alors considéré comme un mécanisme pour aider les particuliers qui ne remplissent pas les formulaires d’impôt requis ou pour leur permettre d’accéder à toutes les prestations auxquelles ils ont droit. Cet identificateur électronique unique pour les Canadiens pourrait donc être une solution pour régler bon nombre des problèmes soulevés.
Le sénateur Loffreda : Lors de la séance d’information, des représentants du gouvernement m’ont dit que près de 37 % des Canadiens ne paient pas d’impôt. Ils produisent une déclaration de revenus, mais ne paient pas d’impôt. Si on ajoute les 10 %, c’est énorme. Je pense que c’est une question que nous devons régler rapidement, surtout si parmi les 10 %, il y a des Canadiens qui sont tenus d’en payer. Bonne chance. Faites-nous savoir si vous avez besoin de notre aide.
La sénatrice Bovey : Je suis intéressée par tout ce que j’ai entendu ce matin. C’est un comité très intéressant. Je suis heureuse d’avoir eu l’occasion d’être avec vous aujourd’hui.
Vous avez parlé des répercussions à long terme des programmes, pas seulement des répercussions à court terme. Vous avez dit que vous cherchiez des éléments, non pas seulement le rendement monétaire ou le rendement des dollars dépensés, mais plus que cela.
Dans une vie antérieure, je recevais des subventions de programme. Nous répondions à chaque projet. Nous fournissions tous les chiffres : l’argent, le nombre de personnes rejointes, le nombre de programmes exécutés. Nous étions très bons dans les chiffres. Toutefois, on ne nous a jamais posé de questions sur les répercussions sociales.
À mon avis, si je regarde ce qui s’est passé au cours des décennies, les répercussions sociales étaient beaucoup plus importantes que les chiffres que nous devions fournir, alors je pense que c’est un défi pour l’avenir. Comment allons-nous prendre connaissance de ces perspectives à plus long terme et des répercussions réelles des programmes?
Cela m’amène aux examens spéciaux. J’ai eu le privilège de participer à trois d’entre eux à titre d’examinatrice experte, il y a quelques années. J’ai trouvé ces exercices — la gestion des risques et la définition des risques lorsque l’organisation n’atteignait pas ses objectifs — très utiles. Je crois qu’à ce moment-là — et je suis vieille maintenant —, les sociétés d’État faisaient l’objet de ces examens tous les cinq ans, et je sais que maintenant, c’est tous les 10 ans.
À l’avenir, au fur et à mesure que la confiance et la mobilisation précoce se développeront, pour reprendre vos mots, comment allez-vous déterminer les répercussions sociales à long terme, au-delà des chiffres, qui sont importantes, je le sais? Et pour ce qui est de gérer les risques — cela revient au gouvernement —, comment allez-vous envisager de réunir tout cela dans les audits futurs? Je pense que c’est vraiment important.
Mme Hogan : Le défi que vous soulevez en est un que nous avons relevé dans l’audit concernant la sensibilisation des personnes vulnérables, qui comportait un bon suivi du nombre de séances d’information tenues ou du nombre de communautés autochtones visitées. Il s’agit de suivre une mesure, un extrant, absolument. À ce moment-là, le gouvernement n’a pas été en mesure de nous démontrer si ces initiatives avaient réellement permis d’accroître le taux d’accès aux prestations pour les personnes auxquelles elles étaient les plus susceptibles d’être destinées.
C’est donc un défi. Ne vous méprenez pas, j’adore les chiffres et je ne veux pas que l’on cesse de faire le suivi de certaines mesures, mais il s’agit de passer à l’étape suivante, qui consiste à déterminer comment mesurer si ce résultat se produit réellement.
La sénatrice Bovey : Pour ce qui est des économies réalisées grâce à ces mesures, je peux donner l’exemple d’une jeune femme qui est venue me voir et qui parlait d’un projet que nous avions mené. La personne à laquelle ce projet était destiné s’était suicidée. Cette jeune femme est venue me voir en me disant qu’elle allait à l’exposition de cet artiste tous les jours et qu’elle avait été perturbée d’apprendre qu’il s’était suicidé. Puis elle m’a montré ses poignets. Au premier cycle du secondaire, elle avait tenté de se suicider à plusieurs reprises, mais c’est ce projet particulier qui l’a amenée à se rendre compte qu’elle ne voulait pas le faire. Lorsque je l’ai rencontrée à ce moment-là, des années plus tard, elle avait une maîtrise en travail social, et les clients qu’elle servait étaient des adolescents qui avaient tenté de se suicider ou qui songeaient à le faire.
Si on pense en termes de dollars — si vous voulez revenir aux chiffres — économisés par ce projet, je n’aurais pas pu faire de rapport à ce sujet, parce que je n’avais pas eu cet impact; l’effet s’était produit en aval. Je ne sais pas comment nous pouvons saisir cela, mais je pense que nous devons le faire en tant que société. Merci.
Le président : Merci, sénatrice Bovey. Je demande l’indulgence de tous les sénateurs pour me permettre de poser une question.
Votre bureau — pas vous, madame Hogan, mais l’ancien vérificateur général — a dit un jour, lorsque nous parlions de Phénix, que c’était :
Un échec incompréhensible.
C’est ainsi que nous avons décrit le projet Phénix dans notre rapport d’audit sur la création et la mise en œuvre du système de paie Phénix.
Signé : le regretté M. Michael Ferguson.
Par le passé, le comité a examiné le système de paie partout au Canada, et nous avons déposé un rapport en juillet 2018. Récemment, en fait, lorsque j’ai participé à une table ronde dans le Nord-Ouest du Nouveau-Brunswick, il y a environ un mois et demi, les fonctionnaires qui y ont participé m’ont posé une autre question au sujet de Phénix.
Maintenant qu’environ 60 000 de nos employés sont de nouveau aux prises avec des problèmes liés à Phénix, pour résumer, avez-vous l’intention de nous fournir un rapport sur ce qui se passe avec Phénix? C’est dans le même esprit que ce que le sénateur Loffreda a dit lorsqu’il a parlé du système de TI et de sa modernisation. Qu’en pensez-vous, madame Hogan?
Mme Hogan : Chaque année, nous prenons le temps d’examiner Phénix et ses répercussions sur les dépenses salariales du gouvernement du Canada.
Comme je l’ai mentionné dans ma déclaration préliminaire, mon bureau émet un commentaire financier lorsque les comptes publics sont déposés. La version de 2022 sera publiée cet automne, lorsque les comptes publics seront déposés, mais la version de 2021 est certainement disponible.
Nous y faisons le suivi du nombre de demandes d’intervention de paie en suspens, du nombre de fonctionnaires touchés et du nombre de fonctionnaires dont la paie comporte encore des erreurs à la fin de l’exercice. Cela était resté assez stable pendant un certain temps. Nous nous penchons là-dessus.
Nous nous tournons également vers la prochaine génération, c’est-à-dire ce qui remplacera le système de paie Phénix à l’échelle du gouvernement. Nous insistons beaucoup sur le fait que le gouvernement doit s’assurer que les données du système de paie sont exactes, parce que peu importe le système, si les données que vous utilisez comportent des erreurs, il y aura des erreurs de paie. Le système ne va pas régler le problème. Nous devons corriger les données dans le système.
Le rapport dont vous parlez mentionne deux raisons pour lesquelles le problème de Phénix s’est produit. Je ne suis pas certaine que ces deux raisons ont été abordées. Je pense que l’une d’elles est la décision d’accorder la priorité aux coûts et aux échéanciers, plutôt que de penser aux répercussions plus générales. Il y a eu une réduction du nombre de conseillers en rémunération, ce qui a entraîné de nombreux problèmes. Un système ne peut pas régler tous les problèmes dont un conseiller en rémunération est responsable, mais il y a aussi la culture qui consiste à ne pas dire la vérité aux hautes sphères lorsque quelque chose ne fonctionne pas bien. Nous voyons encore ces préoccupations pour d’autres aspects, qu’il s’agisse de projets de TI ou d’autres programmes. Je continue de penser que les observations de M. Ferguson sont tout à fait pertinentes pour tout projet ou programme que nous examinons actuellement.
Le président : En ce qui concerne nos fonctionnaires, qui sont au nombre d’environ 300 000 à l’échelle fédérale, sans compter les fonctionnaires provinciaux et territoriaux, songez-vous à examiner la façon dont les services étaient offerts dans l’ensemble du Canada avant la pandémie? Aujourd’hui, nous avons beaucoup plus de services qui utilisent des systèmes hybrides et aussi le travail à domicile. Avez-vous l’intention d’examiner ces questions pour voir quels sont les avantages, le cas échéant, par rapport à ce qui existait avant la COVID?
Mme Hogan : Je pense que c’est un problème auquel sont confrontées toutes les organisations, et non pas seulement la fonction publique fédérale. Quelqu’un m’a dit récemment qu’il s’agissait de la phase appelée « messy middle » en anglais, c’est-à-dire la transition des modalités de travail d’avant la pandémie de COVID-19 à celles qui s’appliquent maintenant, après que tout le monde soit demeuré à la maison pour s’isoler. À quoi ressemblera la société au fur et à mesure que nous émergerons? À quoi ressemblera la fonction publique fédérale au moment où nous nous dirigeons vers une nouvelle façon de travailler?
Je n’ai pas vraiment réfléchi à ce à quoi cela ressemblera, ni déterminé si nous devrions vérifier cela. Je pense que notre organisation essaie de comprendre, comme toutes les autres organisations. J’entends les deux côtés de la médaille dans cette situation. De nombreuses personnes se sont épanouies et ont très bien travaillé de la maison pour de nombreuses raisons, parce qu’elles n’avaient pas besoin de se déplacer ou qu’elles évitaient de se trouver dans un milieu de travail où elles avaient l’impression de subir des microagressions, tandis que de nombreuses autres disent que le travail à la maison n’a vraiment pas été bon pour elles du point de vue de la santé mentale, du point de vue social. Certaines personnes ont dit : « Mon milieu de travail était mon environnement social. »
Il s’agit de trouver un juste milieu où tout le monde peut s’épanouir dans l’environnement dans lequel il se trouvera. Je pense que la fonction publique fédérale devra en savoir un peu plus sur ce à quoi cela ressemblera avant que nous puissions intervenir. Je pense que c’est très particulier à chaque organisation en fonction des services qu’elle offre aux Canadiens dans l’ensemble de la fonction publique.
Le président : Il ne fait aucun doute que le document du greffier du Conseil privé et secrétaire du Cabinet intitulé Vingt-neuvième rapport annuel au premier ministre sur la fonction publique du Canada intéresserait certainement votre bureau et concerne vos responsabilités.
Avant que nous levions la séance, madame Hogan, avez-vous des observations finales à faire?
Mme Hogan : Je remercie tous les honorables sénateurs de nous avoir invités. Ce fut un plaisir. Le temps a passé très vite. Je suis très heureuse de voir que vous vous intéressez à notre travail. Je vous encourage à nous réinviter, de même que le commissaire à l’environnement et au développement durable. Vous pourriez peut-être vous concentrer sur un rapport au lieu de 10 ou 11, mais la profondeur et l’étendue de vos travaux sont entièrement à votre discrétion. C’est toujours un plaisir pour nous.
Je pense que la participation et l’intérêt du comité à l’égard de notre travail ajoutent à la pression de provoquer un changement significatif. Je vous remercie donc de votre intérêt et j’espère que vous nous inviterez de nouveau.
Le président : Merci, madame Hogan, et merci au personnel pour vos interventions. C’était intéressant, instructif et éclairant.
Avant de lever la séance, je remarque que le sénateur Dagenais avait une question et que vous avez accepté d’envoyer la réponse par écrit. Il y avait aussi la question du sénateur Loffreda, lorsqu’il a parlé de TI, et celle du sénateur Forest, lorsqu’il a parlé des impôts et de la question de savoir s’il y avait un cadre, si le gouvernement avait terminé une analyse des avantages et des défis de cela. Madame Hogan, nous apprécierions que la réponse écrite puisse être remise au greffier le lundi 17 octobre, avant la fin de la journée. Sommes-nous d’accord là-dessus?
Mme Hogan : Oui.
Le président : Sur ce, merci beaucoup.
Honorables sénateurs, nous avons épuisé notre ordre du jour, mais avant de lever la séance, je viens d’apprendre qu’une décision a été prise. Nous venons de recevoir les documents officiels par l’entremise de la greffière et du comité qui font de la sénatrice Bovey un membre permanent du Comité des finances. Merci beaucoup et bienvenue dans l’équipe.
Le sénateur Forest : Une fière représentante de l’Ouest, la première de l’Ouest. C’est très important.
Le président : Nous devrions aussi envisager d’inviter un sénateur des Premières Nations. Merci.
(La séance est levée.)