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OLLO - Comité permanent

Langues officielles


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES LANGUES OFFICIELLES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le lundi 21 mars 2022

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd’hui, à 17 heures (HE), avec vidéoconférence, pour étudier l’application de la Loi sur les langues officielles ainsi que des règlements et instructions en découlant, au sein des institutions assujetties à la loi.

Le sénateur René Cormier (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Honorables sénatrices et sénateurs, avant de commencer, je vous rappelle, ainsi qu’aux témoins, que vous êtes priés de mettre votre micro en sourdine en tout temps, à moins d’être reconnus par le président.

[Traduction]

En cas de difficultés techniques, notamment en matière d’interprétation, veuillez le signaler au président ou à la greffière, et nous nous efforcerons de résoudre le problème. Si vous rencontrez d’autres difficultés techniques, veuillez contacter le Centre de services de la DSI en composant le numéro fourni dans la confirmation de réunion.

Les participants doivent savoir qu’ils doivent participer dans un endroit privé et être attentifs à leur environnement.

[Français]

Nous allons maintenant commencer officiellement notre réunion.

Je m’appelle René Cormier, sénateur du Nouveau-Brunswick, et je suis président du Comité sénatorial des langues officielles.

J’aimerais vous présenter les membres du comité qui participent à cette réunion : la sénatrice Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick, vice-présidente du comité; la sénatrice Raymonde Gagné, du Manitoba, membre du comité directeur; le sénateur Jean-Guy Dagenais, du Québec, membre du comité directeur; la sénatrice Bernadette Clement, de l’Ontario; la sénatrice Lucie Moncion, de l’Ontario; la sénatrice Marie-Françoise Mégie, du Québec; le sénateur Pierre Dalphond, du Québec; le sénateur Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick.

Je souhaite la bienvenue à mes collègues ainsi qu’aux téléspectateurs de tout le pays qui nous regardent. Je tiens à souligner que les terres à partir desquelles je vous parle font partie du territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe.

[Traduction]

Aujourd’hui, en vertu de l’ordre de renvoi général qui nous a été confié par le Sénat le 14 décembre dernier, nous recevons, par vidéoconférence, la ministre des Langues officielles, l’honorable Ginette Petitpas Taylor, par ailleurs ministre responsable de l’Agence de promotion économique du Canada atlantique.

[Français]

La ministre sera avec nous pour la première heure de notre réunion aujourd’hui. Elle est accompagnée de trois de ses fonctionnaires qui demeureront avec nous pour continuer de répondre à nos questions au cours de la deuxième heure.

Nous accueillons, de Patrimoine canadien, Mme Isabelle Mondou, sous-ministre, Mme Julie Boyer, sous-ministre adjointe, Langues officielles, patrimoine et régions, et Mme Sarah Boily, directrice générale, Langues officielles.

Bienvenue parmi nous et merci d’avoir accepté notre invitation. Nous sommes prêts à entendre vos remarques préliminaires qui seront suivies d’une période de questions des sénateurs et sénatrices. Sans plus tarder, la parole est à vous, madame la ministre.

Ginette Petitpas Taylor, c.p., députée, ministre des Langues officielles : Merci beaucoup, monsieur le président. Ça me fait plaisir d’être avec vous, chers membres du comité. Merci de l’invitation.

J’aimerais d’abord souligner que je me trouve sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe.

Je suis très heureuse d’être accompagnée de ma sous-ministre, Isabelle Mondou, de Julie Boyer, sous-ministre adjointe des Langues officielles, patrimoine et régions, et de Sarah Boily, directrice générale des Langues officielles.

C’est un plaisir de vous rencontrer dans mon nouveau rôle en tant que ministre des Langues officielles.

Quand le premier ministre m’a confié ce mandat, j’ai été profondément touchée. Après avoir été nommée, j’ai appris que suis la première Acadienne à occuper ce poste, ce qui n’a fait qu’ajouter à l’honneur. En effet, en tant que fière Acadienne, je sais ce que c’est que de grandir dans une communauté de langue officielle en situation minoritaire, ce qui, à mon avis, m’a bien équipée pour ce rôle. Comme bon nombre d’entre vous, qui venez également de communautés similaires à travers le Canada, je me sens privilégiée d’avoir vécu l’expérience de ce que signifie la dualité linguistique au Canada.

C’est cette expérience, ainsi que celle de millions de Canadiens qui vivent dans des communautés de langue officielle en situation minoritaire d’un océan à l’autre qui ont façonné le projet de loi C-13, qui a été déposé par notre gouvernement le 1er mars dernier.

Cependant, notre projet de loi est né du travail de nombreuses autres personnes, y compris le travail de ce comité. Vos efforts au cours des dernières années pour considérer ce qu’est une loi sur les langues officielles modernisée ont été inestimables. Je dois également souligner l’excellent travail de ma prédécesseure, la ministre Joly, dont les efforts ont mené au document de réforme intitulé Français et anglais : Vers une égalité réelle des langues officielles au Canada. Ce document de réforme énonçait des actions concrètes pour moderniser le régime des langues officielles du Canada, et je suis heureuse de dire que le projet de loi que nous avons déposé le 1er mars est une étape importante vers la réalisation de notre vision.

Notre projet de loi élargit le projet de loi présenté lors de la session précédente du Parlement, le projet de loi C-32. Comme le projet de loi C-32, le projet de loi C-13 vise à protéger et à promouvoir le français partout au pays, y compris au Québec, tout en soutenant les communautés de langue officielle en situation minoritaire d’un océan à l’autre de notre beau pays.

Cependant, nous avons aussi donné plus de mordant au projet de loi. Nous avons entendu des intervenants d’un océan à l’autre, y compris plusieurs sénateurs de ce comité, dire que nous devions renforcer les pouvoirs du commissaire aux langues officielles. Nous avons entendu dire que nous avions besoin d’une agence centrale chargée de superviser la Loi dans l’ensemble du gouvernement. Nous avons entendu dire qu’il fallait mieux définir les mesures positives. Nous avons entendu dire qu’il fallait une politique d’immigration francophone forte pour maintenir le poids démographique des francophones. Je suis fière de dire que nous avons répondu à chacun de ces besoins, et plus encore.

Comme nous l’avons toujours dit, l’objectif de notre gouvernement est de protéger le français partout au Canada, y compris au Québec, parce que nous comprenons que le français est menacé et parce que nous comprenons que la dualité linguistique du Canada fait partie intégrante de ce que nous sommes en tant que Canadiens et Canadiennes. Cela se reflète non seulement dans notre projet de loi, mais aussi dans le fait que je l’ai déposé depuis à Grand-Pré, un endroit qui nous rappelle la fragilité de notre communauté de langue officielle en situation minoritaire et les batailles que nous avons menées pour protéger notre belle langue.

Nous avons déposé un projet de loi avec plus de mordant en investissant dans les institutions qui appuient les communautés de langue officielle en situation minoritaire, en offrant à plus de Canadiens la possibilité d’apprendre le français et en veillant à ce que les francophones du Québec et d’autres régions à forte présence francophone puissent travailler et être servis dans la langue officielle de leur choix. Nous appuyons les Canadiens et les communautés de langue officielle aujourd’hui, tout en veillant à ce que davantage de Canadiens puissent parler français à l’avenir.

J’ai bien hâte de travailler avec vous, et avec tous ceux qui aiment nos belles langues officielles et les communautés minoritaires qui enrichissent tant nos vies. Je vous assure que de mon côté, je vais continuer de mettre en œuvre les engagements de notre gouvernement, notamment ceux qui font partie de ma lettre de mandat.

Encore une fois, je vous remercie de cette invitation aujourd’hui.

Je suis maintenant disposée à répondre à vos questions. Merci, monsieur le président.

Le président : Je vous remercie de votre déclaration, madame la ministre.

Nous allons maintenant passer à la période des questions.

J’invite les sénatrices et sénateurs à utiliser la fonction main levée dans Zoom pour demander la parole. Les sénateurs présents ici dans la salle peuvent signaler leur intention à la greffière. N’hésitez surtout pas à attirer notre attention si nous ne vous confirmons pas que vous avez été inclus dans la liste.

Chers collègues, je suis conscient du temps à notre disposition et du vif intérêt soulevé par les propos de la ministre, donc je propose que 5 minutes soient accordées à chacun pour un premier tour de table, incluant la question et la réponse.

Nous ferons un deuxième tour de table si le temps nous le permet.

La sénatrice Poirier : Merci, madame la ministre, d’être parmi nous.

J’ai quelques questions qui ne touchent pas le projet de loi comme tel, mais qui s’adressent plutôt à votre ministère.

Ma question porte sur l’entente que votre gouvernement a conclue avec les provinces au sujet des garderies. Dans cette entente, on ne trouve pas un nombre proportionnel de places en garderie pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Dans un tel contexte, on pourrait forcément se trouver dans une situation où la province décide d’utiliser les fonds pour des places unilingues anglophones au détriment des places pour les élèves francophones. Cela pourrait faire en sorte que les coûts de garderies soient plus élevés pour les élèves francophones.

Selon le commissaire Raymond Théberge, il s’agit d’un autre exemple où on n’a pas tenu compte des besoins des communautés francophones en situation minoritaire, comme il est prévu dans la partie VII. Madame la ministre, on risque de se retrouver à nouveau en situation de rattrapage d’ici quatre à cinq ans. Pourquoi n’y a-t-il pas de clause linguistique dans l’entente?

Mme Petitpas Taylor : Merci beaucoup pour la question. Vous êtes au courant que cela fait à peu près cinq mois que je détiens les responsabilités en tant que ministre des Langues officielles, et puis on travaille d’arrache-pied pour s’assurer de présenter un projet de loi qui va de l’avant. Aussi, je comprends absolument votre question à propos de la question des ententes bilatérales avec les provinces et les territoires au sujet de l’enseignement.

Notre gouvernement reconnaît l’importance du continuum dans l’éducation de la petite enfance au postsecondaire, dans la langue de la minorité, et nous nous sommes engagés à le renforcer dans nos documents de réforme.

La petite enfance, comme on le sait tous, joue un rôle critique pour favoriser la transmission de la langue, la construction identitaire et le maintien du poids démographique des francophones au pays. Je vais travailler d’arrache-pied avec la ministre responsable pour m’assurer que nous pouvons tout faire et travailler avec les provinces et les territoires pour nous assurer qu’il y ait les places disponibles dans les provinces et territoires pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire. C’est très important dans le projet de loi que nous ayons pris le temps de bien définir ce que sont des mesures positives, puisqu’on veut s’assurer que toutes les décisions du gouvernement feront l’objet d’une analyse pour comprendre les impacts de cette décision sur les communautés de langue officielle en situation minoritaire.

La sénatrice Poirier : Comme votre collègue, Mme Fortier, vous mentionnez des dispositions qui seront disponibles. Est-ce qu’elles seront obligatoires ou encouragées? Si oui, quels recours avons-nous pour assurer qu’elles sont respectées? Je parle encore de la petite enfance.

Mme Petitpas Taylor : Encore une fois, il sera important pour la ministre de travailler avec les provinces et les territoires quand ces ententes seront négociées. On veut s’assurer qu’il y a des places disponibles pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Je sais, sénatrice Poirier, que vous venez du Nouveau-Brunswick; donc on connaît cette réalité chez nous aussi. On veut s’assurer que dans tous les endroits au pays où il y a des communautés de langue officielle en situation minoritaire, il y aura des places disponibles pour elles. On reconnaît l’importance du continuum de l’éducation et de la petite enfance. C’est pourquoi nous avons mis sur pied un plan ambitieux pour les services de garderie abordables pour tous les Canadiens anglophones et francophones. C’est pour cette raison qu’on a fait des investissements forts intéressants dans ce domaine.

La sénatrice Poirier : Je comprends que les négociations ont déjà eu lieu. Ça n’en faisait pas partie. C’est pour cela que je le demande. C’est encouragé, mais il n’y a aucune obligation dans le projet de loi ni dans les négociations au Nouveau-Brunswick, mais je comprends ce que vous dites; mais il n’y a pas d’obligation de leur part.

Mme Petitpas Taylor : À ce point-ci, toute la question du projet de loi C-13, la définition de mesures positives — nous avons travaillé d’arrache-pied pour nous assurer que la rédaction de la partie VII était vraiment claire. C’est pourquoi on a pris le temps de s’assurer de bien définir quelles sont les mesures positives. On veut s’assurer que le projet de loi C-13 va combler les besoins des membres des communautés de langue officielle en situation minoritaire.

Le sénateur Dalphond : Merci, madame la ministre, d’être avec nous aujourd’hui. C’est un important projet de loi que vous pilotez et je pense qu’il y a beaucoup de gens à travers le pays qui applaudissent les réformes qui sont proposées. Je partage les objectifs du gouvernement, notamment de promouvoir l’utilisation et l’égalité du français par le fait que les traités, les règlements et les jugements de la cour fédérale doivent être dans les deux langues officielles, mais je note que la loi est toujours silencieuse quant au fait qu’il n’y a toujours pas de version française des documents constitutionnels, dont la Loi constitutionnelle de 1867, le texte le plus important du pays, qui n’existe essentiellement qu’en anglais.

Madame la ministre, est-ce que cet oubli du projet de loi peut être corrigé avant d’aller plus loin? Le temps n’est-il pas venu d’obliger le gouvernement à faire rapport périodiquement sur les efforts qui sont déployés pour adopter une Constitution qui soit dans les deux langues officielles, comme on oblige le président du Conseil du Trésor à faire rapport chaque année sur les mesures qu’il a prises pour mettre en œuvre les objectifs de la loi à laquelle les fonctionnaires sont assujettis? Aussi, on impose l’obligation, dans le projet de loi, au ministre du Patrimoine de déposer, lui aussi, périodiquement des rapports sur la stratégie gouvernementale pour donner suite aux objectifs en matière de bilinguisme.

Mme Petitpas Taylor : Merci beaucoup, monsieur le sénateur, pour cette question fort importante. Notre gouvernement s’est engagé à faire en sorte que les Canadiens aient accès à la justice dans nos deux langues officielles et dans la langue de leur choix. De nombreuses parties de la Constitution, comme vous le savez très bien, dont la Charte canadienne des droits et libertés, sont officiellement bilingues. Cependant, je reconnais qu’il reste plusieurs documents tout aussi importants, dont la Loi constitutionnelle, qui ont été adoptés en anglais et dont la version française n’a pas force de loi. Mon collègue le ministre David Lametti reconnaît qu’il y a un devoir de préparer et de proposer une version française des lois constitutionnelles qui ne sont pas encore officielles dans cette langue. Ce travail se poursuit avec le ministre de la Justice.

Il a déclaré qu’il est pleinement engagé à faire en sorte que les travaux de comité de rédaction de la constitution française soient connus du public et facilement accessibles. Il s’est engagé à s’assurer que ce travail va continuer. Moi, en tant que ministre des Langues officielles, je vais continuer à l’appuyer pour m’assurer que ce travail se fait dans les plus brefs délais.

Le sénateur Dalphond : Je partage ces engagements qui semblent davantage des vœux pieux et qui deviendraient plus concrets s’ils étaient prévus dans la loi. Ne considérez-vous pas qu’il serait utile de prévoir dans la loi que le procureur général ou le premier ministre fasse rapport périodiquement au Parlement des efforts qui ont été faits pour que les textes qui existent depuis plus de 20 ans soient enfin adoptés?

Mme Petitpas Taylor : Monsieur Lametti s’est engagé à s’assurer que ce travail de rédaction soit fait. On veut s’assurer que les lois seront disponibles dans les deux langues officielles; on en reconnaît l’importance. Le ministre a dit clairement qu’il s’est engagé à faire en sorte que le travail de rédaction soit fait. J’espère encore une fois que nous allons voir du progrès très bientôt.

Le sénateur Dagenais : Bonjour, madame la ministre. J’ai entendu récemment la ministre responsable des Relations canadiennes et de la Francophonie canadienne, Mme Sonia LeBel, qui réagissait à la télévision sur votre projet de loi sur les langues officielles en parlant de l’ingérence d’Ottawa dans le champ de compétence des provinces. Pourquoi votre gouvernement persiste-t-il à donner le choix aux entreprises fédérales œuvrant au Québec de se soustraire à la législation provinciale, soit la loi 101, en matière de langue du travail? Je comprends qu’elles ont le choix entre votre projet de loi et la loi 101. Je pense qu’il est plus facile pour les entreprises de se conformer à votre projet de loi. Pourquoi est-il permis de se soustraire à la législation provinciale sur la langue de travail?

Mme Petitpas Taylor : Merci pour cette question. Je vais commencer par dire que le gouvernement fédéral a la responsabilité de protéger et promouvoir le français au Québec et partout au Canada. C’est pourquoi nous allons de l’avant pour nous assurer que dans notre projet de loi, les Québécois et les Québécoises, les Canadiens et les Canadiennes ont le choix de travailler ou de se faire servir en français. À l’extérieur du Québec, je vais préciser que ce sont des régions à forte présence francophone. Comme ministre fédérale, je veux m’assurer que ces mêmes droits vont être applicables pour les Québécois, mais je veux aussi m’assurer que les gens des régions à forte présence francophone auront aussi cette option. Pour les gens du Nouveau-Brunswick dans les régions à forte présence francophone, je vais veiller à ce qu’ils aient ces choix. Lorsqu’on parle des entreprises fédérales qui auront le choix d’appliquer la loi du Québec ou notre loi, je dois vous dire que notre loi a vraiment été fondée sur la loi du Québec. Les régimes sont pareils ou très, très semblables et les obligations sont pareilles. On veut travailler avec la province du Québec. Encore une fois, je pense qu’on a toute la responsabilité de promouvoir nos deux belles langues au pays, et c’est pour cette raison que le gouvernement fédéral prend ses responsabilités pour s’assurer qu’il fait son travail aussi.

Le sénateur Dagenais : Le gouvernement du Québec a rendu publique sa politique et son plan d’action pour la francophonie canadienne, j’imagine que vous en avez pris connaissance avant de nous rencontrer.

J’aimerais savoir si vous adhérez aux mesures énoncées par Québec, qui m’apparaissent plus mobilisatrices que ce que contient votre mouture du projet de loi sur les langues officielles. Pouvez-vous répondre simplement si oui ou non vous y adhérez?

Mme Petitpas Taylor : J’oserais dire que notre projet de loi sur les langues officielles est très ambitieux et a du mordant; nous sommes allés beaucoup plus loin que le projet de loi C-32. En tant que nouvelle ministre, j’ai eu le privilège de rencontrer plusieurs intervenants qui ont œuvré dans le domaine pendant des années. J’ai aussi eu le privilège de rencontrer des sénateurs et des députés qui m’ont fait part de ce qu’ils espéraient voir dans le projet de loi.

Le projet de loi que nous avons déposé il y a trois semaines, comme je l’ai déjà dit, a du mordant et il fera une réelle différence dans la vie des Canadiens et Canadiennes, ainsi que des Québécois et Québécoises.

J’ai hâte de suivre les débats en Chambre, mais je demeure convaincue que ce projet de loi fera une différence notable dans la vie des gens.

Le sénateur Dagenais : Merci beaucoup, madame la ministre.

La sénatrice Mégie : Je vous ai entendue parler, tout à l’heure, de l’analyse de l’impact.

Serait-ce une obligation de la part du gouvernement fédéral de faire cette analyse d’impact pour toutes les décisions prises par les institutions fédérales?

Est-ce une obligation que le gouvernement se donne?

Mme Petitpas Taylor : Merci beaucoup de cette importante question, madame la sénatrice.

La partie VII de la Loi sur les langues officielles est une partie dont nous reconnaissons tous l’importance. Les mots choisis lors de la rédaction l’ont été de manière spécifique.

Je dis toujours que je prends un pas de recul. Alors, si on regarde le document de réforme déposé par la ministre Joly l’année passée et le projet de loi C-32, ainsi que le projet loi C-13, leur dénominateur commun est l’atteinte de l’égalité réelle du français et de l’anglais.

Pour atteindre cette égalité réelle, on doit s’assurer que le gouvernement fédéral fera une analyse de toutes les décisions qu’il prendra. On doit ensuite analyser l’impact de ces décisions sur les communautés de langue officielle en situation minoritaire.

Quand on regarde le langage de la partie VII, qui a été rédigé — comme je l’ai dit, chaque virgule, article et déterminant ont été considérés — afin de nous assurer qu’on aurait tout le pouvoir requis. C’est effectivement ce que nous avons fait pour nous assurer que l’analyse sera faite pour toutes les décisions du gouvernement, pour savoir quels sont leurs impacts sur les communautés de langues officielles en situation minoritaire.

La sénatrice Moncion : La nouvelle mouture de la Loi sur les langues officielles propose ce qui suit, à l’article 23 du projet de loi :

i) prévoir que le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration est tenu d’adopter une politique en matière d’immigration francophone qui comprend notamment des objectifs, des cibles et des indicateurs;

elle indique également ce qui suit :

que l’immigration est l’un des facteurs qui contribuent au maintien ou à l’accroissement du poids démographique des minorités francophones du Canada.

La disposition ne prévoit pas que la politique doit avoir pour effet d’augmenter le poids démographique du Canada français.

Pourriez-vous nous confirmer que l’intention du législateur est toutefois de créer une politique qui aurait pour effet d’accroître le poids démographique des francophones hors Québec?

Dans l’affirmative, pourriez-vous nous expliquer de quelle manière la politique le présentera?

Mme Petitpas Taylor : Merci beaucoup de cette question fort importante, madame la sénatrice. Elle touche un point où plusieurs intervenants — parce que je les ai rencontrés — voulaient vraiment voir un langage plus fort sur les questions d’immigration francophone.

On reconnaît que l’immigration francophone est essentielle à l’épanouissement des communautés de langues officielles en situation minoritaire. C’est pour cette raison que j’étais très contente de travailler avec le ministre Fraser pour nous assurer d’avoir une politique ambitieuse pour toute la question de l’immigration francophone hors Québec. On veut s’assurer que cette stratégie inclura des cibles, des objectifs ainsi que des indicateurs.

Si on regarde le poids démographie au Canada, en 1971, la population francophone hors Québec était de 6,6 %. Selon les projections, d’ici 2036, le taux sera de 3 %. On voit une perte démographique de 3,6 %, c’est énorme. Pour réparer ce poids démographique, il est essentiel de s’assurer que l’immigration est un véhicule essentiel pour aller de l’avant. Vu son importance, on a inséré cet aspect dans notre projet de loi. On veut s’assurer que cette stratégie fait une réelle différence pour la question de l’immigration de francophones hors Québec.

Finalement, j’aimerais ajouter que le gouvernement fédéral a un rôle essentiel à jouer et une responsabilité dans l’immigration francophone hors Québec, mais aussi les provinces et les territoires; on doit travailler de pair avec eux, car ils ont leur rôle à jouer.

J’irais même plus loin : je le vois dans ma région de Moncton, on a accueilli plusieurs immigrants au cours des années, mais pour réussir à les garder dans notre province, il faut s’assurer que la population et la communauté vont les encadrer et les aider à s’intégrer dans la communauté. Avec le fédéral, la province, les communautés, et tout le monde, nous avons tous un rôle à jouer pour nous assurer d’augmenter les taux d’immigration de francophones hors Québec.

Comme je l’ai dit, j’étais bien contente de travailler avec le ministre Fraser et nous allons continuer à travailler ensemble pour chapeauter le succès de cette initiative extrêmement importante.

La sénatrice Gagné : Le mois de mars est le mois de la Francophonie et hier était la Journée internationale de la Francophonie.

Je pense qu’il faudrait prendre un instant pour constater que la francophonie canadienne se chiffre à plus de 10 millions de francophones d’un bout à l’autre du pays. Je pense qu’il est important de pouvoir le souligner et le célébrer. J’espère que vous avez tous pu passer une belle Journée internationale de la Francophonie hier.

Ma question porte sur le projet de loi C-13; il prévoit un ajout à son objet que je trouve vraiment important. L’objet du projet de loi énonce un troisième principe qui doit guider son interprétation, c’est-à-dire le « caractère réparateur » des droits linguistiques.

Seriez-vous en mesure de nous expliquer pourquoi le gouvernement a choisi d’inclure l’obligation de réparation en vue d’atteindre l’égalité de statut de droit et de privilèges des deux langues et pourquoi c’est important?

Mme Petitpas Taylor : Merci beaucoup de cette importante question, madame la sénatrice.

Comme je l’ai mentionné tout à l’heure « on vise l’égalité réelle, mais nous savons qu’il reste encore beaucoup de travail à faire ».

Toute la question de bien définir les mesures positives et de s’assurer que le gouvernement, encore une fois, fera l’analyse de toutes les décisions qu’il prendra est d’une grande importance. Le facteur réparateur, on doit le prendre en considération, car à la fin de journée, c’est notre objectif de se rendre à l’égalité réelle.

Pour ce faire, cela prendra du temps, mais aussi une loi ambitieuse. Avec cet outil que nous avons depuis 52 ans maintenant, on veut s’assurer que notre loi aura du mordant et qu’elle fera une réelle différence dans la vie des Canadiens et Canadiennes, et des Québécois et Québécoises.

La sénatrice Gagné : Il y a beaucoup de discussions autour d’une agence centrale. Dans le projet de loi, il y a Patrimoine canadien qui coordonne, et la mise en œuvre qui sera prise en charge par le Conseil du Trésor; c’est une garde partagée finalement.

Je me demandais, maintenant, quels sont les mécanismes de gouvernance qui régissent la relation entre le Conseil du Trésor et Patrimoine canadien compte tenu de l’ajout des mesures à l’échelon du Conseil du Trésor. Comment est-ce que cela pourrait améliorer la relation qu’il peut y avoir avec le Conseil du Trésor, précisant les obligations de chacun des ministères pour s’assurer que la gouvernance permettra une coordination et une mise en application rigoureuse de la loi?

Mme Petitpas Taylor : Je vous remercie de votre excellente question, madame la sénatrice. D’abord, de nombreux intervenants ont parlé de l’importance d’avoir une agence centrale. Le Conseil du Trésor joue ce rôle et ce n’est pas une garde partagée. C’est vraiment le Conseil du Trésor qui se chargera de la mise en œuvre du projet de loi, en plus de jouer son rôle de surveillance et de coordination.

Dans l’énoncé économique de l’automne dernier, nous avons reçu 16 millions de dollars. Grâce à cette somme, nous allons nous assurer que le ministère aura les ressources nécessaires pour faire le travail et agir comme agence centrale.

C’est bien beau d’avoir une belle loi qui a du mordant, mais s’il n’y a pas de mise en œuvre du projet de loi, s’il n’y a ni surveillance ni coordination, cela ne vaut pas grand-chose. C’est pourquoi le rôle d’agence centrale que jouera le Conseil du Trésor est vraiment très important.

Je travaille en collaboration avec la ministre Fortier, et ensemble, nous espérons que le débat en Chambre commencera rapidement, que le projet de loi recevra la sanction royale et que, à partir de là, nous pourrons commencer à élaborer les règlements. Nous savons qu’il y a encore beaucoup de travail à faire.

La sénatrice Clement : Bonjour, madame la ministre. C’est bien de vous avoir parmi nous. C’est une bonne chose de voir la définition des mesures positives. Les organismes sont très heureux de cette belle avancée.

J’aimerais revenir sur la question des clauses linguistiques dont a fait mention la sénatrice Poirier. De façon plus large, si on va au-delà de la petite enfance en Ontario et qu’on examine d’autres secteurs communautaires, les Franco-Ontariens ne sont pas toujours convaincus que les provinces vont dépenser les fonds.

Comment aborder cette question des clauses linguistiques? Cette question, presque tous les organismes francophones que j’ai rencontrés, ici en Ontario, l’ont soulevée. Comment expliquer et comment aller plus loin avec cette question?

Mme Petitpas Taylor : C’est une très bonne question. Je sais que le projet de loi est à la fois très complexe et très spécifique. Il y a la question de la partie VII, la définition des mesures positives et le rôle du Conseil du Trésor et de l’agence centrale. J’ai mentionné plus tôt que l’objectif du projet de loi, c’est l’atteinte de l’égalité réelle. On veut être là pour protéger les droits des communautés de langue officielle en situation minoritaire.

Avec la partie VII, on veut aussi s’assurer que toutes les décisions que prend le gouvernement, qu’il s’agisse d’ententes bilatérales ou de n’importe quelle autre décision, doivent faire l’objet d’une analyse. C’est la responsabilité du gouvernement de faire cette analyse pour voir quel est l’impact sur les communautés de langue officielle en situation minoritaire.

Il y a également certaines mesures positives qui doivent être prises pour s’assurer qu’on peut atteindre l’objectif. Pour toutes les décisions du gouvernement, on veut s’assurer que cette analyse est faite.

Durant de récentes entrevues avec les médias, je le compare beaucoup à l’analyse comparative entre les sexes ou les genres. Je sais qu’en 2015, lorsqu’on a formé le gouvernement, on ne parlait pas toujours de cette analyse, mais maintenant, madame la sénatrice, je peux vous dire qu’au Cabinet, lorsqu’il y a des mémoires au Cabinet qui se présentent chez nous, la question est toujours posée et on voit dans nos documents que l’analyse a été faite.

Je dirais même qu’en 2015-2016, la ministre responsable soulevait toujours ces points. Aujourd’hui, il n’y a pas que la ministre qui soulève ces points, tous les intervenants le font, et on veut s’assurer que l’analyse est prise en considération.

La même chose s’applique pour la question des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Je veux que nous fassions toujours cette analyse pour voir si d’autres mesures positives sont nécessaires pour être certains d’atteindre notre objectif.

La sénatrice Clement : J’ai une autre question qui porte sur le financement des établissements postsecondaires en français. En Ontario, nous avons reçu de mauvaises nouvelles concernant l’Université Laurentienne. Pouvez-vous nous parler du projet de financement potentiel dans ce secteur?

Mme Petitpas Taylor : Est-ce que vous parlez spécifiquement du nord de l’Ontario ou en général?

La sénatrice Clement : C’est l’exemple [Difficultés techniques], mais maintenant on parle aussi en général.

Mme Petitpas Taylor : Comme vous le savez probablement, l’année dernière dans le budget de 2021, nous avons annoncé une somme de 120,3 millions de dollars alloués au secteur postsecondaire pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Les annonces vont commencer sous peu avec des enveloppes à distribuer. Dans notre plateforme électorale, on veut s’assurer qu’en allant de l’avant, on bonifie ces sommes à hauteur de 80 000 $ par année. Parce que si on veut maintenir la vitalité de nos communautés de langue officielle en situation minoritaire, on doit appuyer nos établissements postsecondaires et nos organisations communautaires, car ils constituent les lieux de rassemblement.

Aujourd’hui, j’étais à l’Université Saint-Paul pour faire une annonce d’infrastructure et je remarque que cela fait une réelle différence pour la communauté francophone, non seulement pour les étudiants, les éducateurs et les professeurs, mais aussi pour le public qui pourra assister à des rencontres dans une salle rénovée.

Ces investissements sont importants et ils font partie de notre stratégie. La ministre Joly a été très claire et j’ai été très claire aussi, à savoir qu’il faut continuer de travailler avec les provinces et les territoires. Nous reconnaissons la compétence des provinces et des territoires. Le gouvernement fédéral est prêt à travailler avec les provinces afin de s’assurer que les investissements sont faits.

Un autre bon exemple est l’Université de l’Ontario français. On a vu que le gouvernement fédéral a fait des investissements pour les premiers quatre ans et que le gouvernement de l’Ontario en a fait pour les quatre années suivantes. Je pense que le fédéral ne veut pas empiéter sur les compétences provinciales comme telles, mais qu’il peut quand même faire preuve de créativité en fournissant les fonds nécessaires aux universités et aux établissements en question.

Le sénateur Mockler : Madame la ministre, j’aimerais profiter de l’occasion pour vous féliciter pour vos responsabilités ministérielles et surtout pour la modernisation de la Loi sur les langues officielles.

Ma question concerne la façon de trouver de l’information au sujet de certains éléments comme le mordant de la Loi sur les langues officielles. Nous constatons que le projet de loi C-13 ne prévoit pas de mécanisme officiel de consultation des provinces et des territoires, contrairement à ce qui avait été proposé, non seulement par le gouvernement du Québec, mais par toutes les provinces et les territoires.

Dans le cadre du Conseil des ministres sur la francophonie canadienne, tous ont demandé pourquoi le gouvernement fédéral ne consultait pas ses homologues provinciaux et territoriaux sur une question aussi importante que celle des langues officielles du Canada, pour y ajouter le mordant dont vous parlez.

Mme Petitpas Taylor : D’abord, je vous remercie de votre question. En tant que ministre des langues officielles, j’ai la chance de parler à plusieurs de mes homologues des provinces et des territoires. Je sais qu’à l’époque, la ministre Joly parlait fréquemment à ses homologues aussi, pour s’assurer d’avoir leur point de vue quant à ce qu’on allait présenter dans le projet de loi.

Pour moi, le fait de travailler en étroite collaboration est vraiment important. Les gens qui me connaissent savent que je suis une femme du peuple, je suis une femme qui aime bâtir des relations. Je pense aussi que toutes les provinces et tous les territoires ainsi que le gouvernement fédéral ont la responsabilité de protéger et de promouvoir nos belles langues, et ce, spécialement dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Nous allons continuer à travailler avec eux, et comme je l’ai dit, nous devons tous contribuer à ce que ce travail se fasse.

Le sénateur Mockler : Merci, madame la ministre. J’aurai certainement l’occasion de revenir sur cette question.

Certains disent que le paragraphe 2(2), auquel vous avez ajouté que vous allez favoriser l’épanouissement des minorités anglophones, sème de l’inquiétude et de la confusion, tout comme l’ajout, à l’article 3, « d’appuyer le développement des minorités [...] anglophones en vue de les protéger ».

Madame la ministre, comment les personnes et les tribunaux vont-ils interpréter les deux signaux que vous envoyez, soit celui de protéger le français, langue minoritaire, tout en protégeant l’anglais, langue de la majorité?

Mme Petitpas Taylor : Encore une fois merci de cette question fort importante. Premièrement, vous allez trouver le projet de loi C-32 dans son entier dans le projet de loi C-13. Nous y avons apporté des modifications afin de nous permettre d’avoir plus de mordant et de pouvoir.

On reconnaît qu’il y a un déclin du français au Québec et dans le Canada entier. Les statistiques que je vous ai fournies le démontrent très bien. À titre de gouvernement fédéral, nous devons veiller à prendre nos responsabilités afin de répartir ce poids démographique.

Au Québec, la communauté de langue officielle en situation minoritaire est représentée par les Québécois d’expression anglaise. La loi est là pour protéger les communautés de langue officielle en situation minoritaire, et on veut s’assurer, par notre réforme du projet de loi, que les Canadiens seront mieux outillés pour devenir bilingues. C’est une belle initiative puisque plus les Canadiens seront bilingues, mieux notre pays se portera.

On veut s’assurer d’aborder le déclin du français au Canada tout en respectant les droits des communautés de langue officielle en situation minoritaire. On peut le faire de pair.

Le sénateur Mockler : Madame la ministre, j’aimerais que l’on se rappelle l’épisode choquant du discours de M. Rousseau, président-directeur général d’Air Canada, devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.

Pourquoi le projet de loi C-13 ne prévoit-il pas l’obligation, pour les hauts dirigeants des sociétés d’État assujetties à la Loi sur les langues officielles, comme Air Canada, d’avoir une certaine connaissance du français?

Mme Petitpas Taylor : Sénateur Mockler, comme vous, j’ai été choquée des propos de M. Rousseau, lors de ma première semaine à titre de ministre des Langues officielles. Je ne pouvais pas en croire mes oreilles.

Nous avons parlé au commissaire des langues officielles, M. Théberge, ainsi qu’à plusieurs intervenants. Le message que m’a fait parvenir M. Théberge est qu’il voulait veiller à ce que la Loi sur les langues officielles ait plus de mordant, spécialement quant aux sanctions d’Air Canada, afin de garantir que les clients puissent être servis dans la langue de leur choix.

On a donné beaucoup d’outils à M. Théberge, notamment la possibilité d’imposer des sanctions pécuniaires administratives. Avant le dépôt du projet de loi, pour lequel on espère avoir la sanction royale, le seul outil qu’avait le commissaire était de faire des enquêtes et de publier un rapport. On va maintenant plus loin. Le commissaire peut faire de la médiation informelle, les décisions rendues à la suite de ces enquêtes peuvent être rendues publiques, il peut conclure des ententes de conformité avec les institutions déjà assujetties à la Loi sur les langues officielles, comme Air Canada, et il a également un pouvoir d’ordonnance et finalement, les sanctions pécuniaires.

Avec les outils qu’on lui a donnés, le commissaire aux langues officielles sera bien équipé pour faire son travail afin de préserver nos belles langues.

Le président : Je vais à mon tour vous poser quelques questions qui s’inscrivent dans la continuité des questions du sénateur Mockler.

Considérant la haute fonction publique fédérale, quelles solutions proposez-vous afin d’améliorer la place accordée aux langues officielles, à la tête dirigeante des hautes institutions fédérales? Est-ce vous croyez, par exemple, que les sous-ministres devraient être bilingues au moment de leur nomination?

J’ai posé la question à votre collègue, la présidente du Conseil du Trésor, et je ne veux pas mal la paraphraser, mais elle m’a indiqué au sujet du bilinguisme des sous-ministres que si on continue de gravir les échelons de l’appareil gouvernemental, les sous-ministres sont d’abord passés par des postes de sous-ministres adjoints, et les postes de sous-ministres adjoints sont bilingues.

À votre avis est-ce une réponse qui remplit les considérations que devraient avoir les différents ministères à l’échelon de la haute fonction publique?

Mme Petitpas Taylor : La présidente du Conseil du Trésor est en train d’évaluer la formation linguistique que les employés de la haute direction ainsi que tous les autres employés de la fonction publique doivent avoir. On veut s’assurer que les outils de travail qu’on offre aux employés sont valables. Pour la question du bilinguisme, comme la ministre Fortier l’a dit, les sous-ministres ont l’obligation d’être bilingues.

Je vais demander à ma sous-ministre, Mme Mondou, de le confirmer, mais je crois que les sous-ministres doivent être bilingues pour atteindre ces postes.

Isabelle Mondou, sous-ministre, Patrimoine canadien : En fait, ce que la présidente du Conseil du Trésor vous disait est tout à fait exact, c’est-à-dire qu’à partir de postes débutants — en fait, les premiers postes de gestion importants —, les employés doivent être bilingues pour y accéder.

À partir du moment où ils ont des postes de gestion à ce niveau, ils doivent maintenir leur bilinguisme en tout temps, et par conséquent, lorsqu’ils accèdent à des postes de niveau supérieur dans la fonction publique, ces exigences doivent être maintenues. Étant donné que 99 % des sous-ministres viennent de la fonction publique, ils ont déjà acquis ces compétences au cours de leur carrière.

Le président : Merci. Une deuxième question pour vous, madame la ministre. Pourquoi, depuis 2018, le gouvernement délègue-t-il par décret les responsabilités qui incombent au ministre du Patrimoine canadien en vertu de la Loi sur les langues officielles à la ministre des Langues officielles? Est-ce que le projet de loi C-13 tient compte de cette réalité?

Mme Petitpas Taylor : Très bonne question. Encore une fois, j’assume des responsabilités qui m’ont été assignées par le ministre du Patrimoine canadien, mais comme c’est une question très technique, je vais demander à ma sous-ministre d’y répondre.

Mme Mondou : Effectivement, le dossier des langues officielles incombe au ministère du Patrimoine canadien. Lorsqu’il y avait un seul ministre, c’était le ministre du Patrimoine canadien qui en était responsable. Maintenant, le gouvernement a décidé, depuis quelques années, de confier à différents ministres des responsabilités particulières, et ces pouvoirs sont délégués par le ministre du Patrimoine canadien. Dans les faits, la ministre des Langues officielles occupe pleinement tous les pouvoirs relatifs aux langues officielles et assume tous les pouvoirs exercés auparavant par le ministre du Patrimoine canadien.

Le président : Je vous remercie. Si c’est le cas, cela nous rassure, madame la ministre. Merci, madame Mondou.

Mme Petitpas Taylor : J’aimerais ajouter que les responsabilités de la ministre des Langues officielles sont un emploi à plein temps. Il serait difficile pour le ministre du Patrimoine canadien d’accomplir toutes ces tâches puisque c’est un dossier où il y a toujours quelque chose de chaud qui se passe.

Le président : Merci, madame la ministre. Sénatrice Poirier?

La sénatrice Poirier : Ma question touchait l’immigration et on y a déjà répondu.

Le sénateur Dagenais : Madame la ministre, je vous ai entendue dire que le projet de loi offre à tous les Canadiens la possibilité d’apprendre le français. On va parler de ce qui se passe sur le terrain.

Comment cette possibilité peut-elle se réaliser de façon concrète grâce à votre projet de loi pour quelqu’un qui est né, a grandi et vit à Calgary, l’éducation étant un champ de compétence provinciale?

Mme Petitpas Taylor : C’est une très bonne question. Vous avez raison de dire que l’éducation est de compétence provinciale, mais on veut s’assurer que la population canadienne aura facilement accès à l’apprentissage d’une deuxième langue.

C’est la première fois que le gouvernement fédéral encourage cet accès et on veut s’assurer que grâce à des investissements importants, la possibilité de l’immersion française et l’apprentissage d’une deuxième langue peut leur être offerte.

C’est sûr que dans des régions à forte présence francophone, ce sera plus facile, mais on veut s’assurer que grâce aux investissements, le gouvernement fédéral prend ses responsabilités pour que nous ayons un rôle à jouer. On veut s’assurer que les investissements sont faits d’une bonne manière pour que les gens aient cette possibilité.

Le sénateur Dagenais : Merci beaucoup.

Le sénateur Dalphond : Madame la ministre, je suis un juriste, alors j’ai beaucoup de questions à connotation juridique, je m’en excuse.

Ma question concerne l’article 11 du projet de loi qui amende l’article 16 de la Loi sur les langues officielles, et qui va maintenant se lire comme suit, et je cite : « Il incombe aux tribunaux fédéraux de veiller à ce que celui qui entend l’affaire : »

— parle la langue des justiciables. On enlève les mots « autres que la Cour suprême », ce qui fait en sorte que les juges de la Cour suprême devront être capables d’entendre des auditions sans interprétation en français ni en anglais. Donc, est-ce que cela veut dire que les personnes qui seront nommées à la Cour suprême devront faire la preuve qu’ils sont bilingues avant d’être nommés et non pas prendre l’engagement d’apprendre l’autre langue officielle après leur nomination?

Mme Petitpas Taylor : Depuis 2016, les trois juges nommés à la Cour suprême du Canada étaient parfaitement bilingues. C’est un droit fondamental de s’assurer que les Canadiens ont accès à un système judiciaire dans les deux langues officielles. C’est pour cette raison que nous avons inséré cela dans notre projet de loi. Depuis 2015, nous avons nommé trois juges bilingues. C’est un engagement que nous avons tenu pour chacune de nos trois nominations. De plus, avec notre modernisation de la Loi sur les langues officielles, nous consacrons cette pratique pour les générations à venir. Encore une fois, c’est un droit fondamental de s’assurer que les gens ont accès à un service dans leur langue, spécialement au niveau juridique, et c’est pourquoi nous l’avons inséré dans notre projet de loi.

Le sénateur Dalphond : Merci.

La sénatrice Mégie : Madame la ministre, vous avez mentionné tantôt en réponse à la question de la sénatrice Moncion que la loi tient à favoriser l’immigration francophone. Pourtant, il y a eu un article dans Le Devoir, au mois de février dernier, qui mentionnait que le Conseil du Trésor a autorisé le financement d’un programme appelé Chinook qui a eu comme effet de rejeter systématiquement les demandes d’étudiants étrangers africains francophones.

J’ai posé la question à la ministre du Conseil du Trésor, qui m’a répondu qu’effectivement, elle connaissait les barrières et qu’elle fera son possible pour faciliter l’accès de ces étudiants aux établissements postsecondaires. Cependant, qui s’en occupera? Le ministre des Affaires étrangères devra promouvoir l’usage des deux langues officielles et surtout la promotion du français à l’étranger, donc c’est une partie de son rôle, et aussi le rôle du ministre d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada. Donc, c’est un rôle partagé. Pensez-vous qu’on peut apporter une correction à ce problème? Tous ceux qui sont d’origine africaine et francophone sont, alors qu’on recherche à promouvoir l’immigration francophone, automatiquement rejetés. Avez-vous une idée de ce qui pourrait être fait?

Mme Petitpas Taylor : Merci beaucoup pour cette importante question.

Le ministre Fraser est vraiment prêt à étudier cette situation problématique qui lui tient à cœur. Il travaille d’arrache-pied pour régler cette situation.

L’immigration francophone hors Québec est extrêmement importante, c’est pourquoi on l’a mis dans notre projet de loi; on veut s’assurer que cette stratégie a sa place dans la loi pour faire notre juste part pour augmenter le nombre d’immigrants francophones qui s’installeront à l’extérieur du Québec, et au Québec également. Nous devons faire notre travail pour veiller à ce que les ministères travaillent pour enlever ces barrières.

Le ministre Fraser — qui est un collègue très cher — travaille fort pour corriger la situation.

La sénatrice Mégie : Merci.

La sénatrice Gagné : Le projet de loi C-13 est seulement une partie du processus que le gouvernement entreprendra pour accomplir son plan de réforme. Seriez-vous en mesure de décrire les actions que vous proposez en ce qui a trait à l’élaboration de politiques, de règlements et de la gestion des programmes administratifs qui découleraient du projet de loi C-13? Avez-vous un échéancier et une séquence d’activités que vous prévoyez entreprendre?

Mme Petitpas Taylor : Merci pour la question. On a encore beaucoup de pain sur la planche. Parfois, les gens pensent que quand le projet de loi est déposé, le travail est terminé. En fait, il vient de débuter. Il y a tout un processus pour se rendre au Sénat et ensuite à la sanction royale. Ensuite, les consultations vont commencer; le gros du travail sera d’élaborer les règlements qui sont si importants pour s’assurer que le projet de loi aura plus de spécificité et de mordant.

Durant ces consultations, on veut rencontrer les Canadiens et les Canadiennes d’un bout à l’autre du pays. Elles commenceront dès que la sanction royale sera accordée. De plus, les consultations sur le prochain plan d’action commenceront également. On espère le refaire très bientôt.

Encore une fois, il y a beaucoup de rencontres avec beaucoup d’intervenants et plusieurs d’entre vous, parce que l’on veut voir une bonne loi avec du mordant, des règlements et aussi un plan d’action concret, puisque cela va de pair.

Le président : Madame la ministre, ma question fait suite à celle de la sénatrice Gagné concernant le plan d’action sur les langues officielles. Croyez-vous que le plan d’action devrait cibler de nouvelles institutions et de nouveaux secteurs de développement des communautés? Devrait-il comprendre des initiatives pour renforcer la place des langues officielles dans la fonction publique fédérale?

Mme Petitpas Taylor : Ce sont ces conversations qu’on doit avoir avec des gens d’un bout à l’autre du pays.

J’ai rencontré plusieurs intervenants et beaucoup d’entre vous au cours des derniers mois, cela a alimenté mes réflexions quant à ce que je voulais voir dans le projet de loi. Ce n’est pas mon projet de loi, c’est le projet de loi de tous les intervenants qui ont œuvré dans le domaine depuis plusieurs années. On voulait s’assurer que le projet de loi allait refléter ces demandes. Encore une fois, pour ce qui est du plan d’action, mon approche sera de continuer à parler aux Canadiens et Canadiennes, et aux Québécois et Québécoises pour entendre leur point de vue et savoir ce qui devrait être inséré.

Le président : Ma prochaine question porte directement sur le projet de loi C-13. Dans un rapport de 2019, le Comité sénatorial permanent des langues officielles avait soumis des recommandations. Nous souhaitions qu’il y ait plus de cohérence entre les différentes parties de la loi, et cela ne semble pas être inclus dans le projet de loi C-13. Comment votre gouvernement peut-il assurer une mise en œuvre plus cohérente des différentes parties de la Loi sur les langues officielles, en particulier les parties IV, V et VII?

Mme Petitpas Taylor : Encore une fois, l’agence centrale va jouer un rôle clé dans la mise en œuvre du projet de loi. C’est bien beau d’avoir une belle loi, mais s’il n’y a pas de mise en œuvre concrète assortie d’un pouvoir de surveillance, la mise en œuvre et l’évaluation ne valent rien. Le rôle de l’agence centrale du Conseil du Trésor sera déterminant; on veut s’assurer que le Conseil du Trésor aura des ressources additionnelles pour accomplir ce travail si important. La ministre Fortier et moi-même travaillons de pair pour y arriver, pour que les outils soient là et que le projet de loi ait les pouvoirs nécessaires pour que les gens puissent faire leur travail.

Le président : Pour conclure, madame la ministre, êtes-vous d’accord pour dire que l’offre des services fédéraux bilingues contribue au développement et à l’épanouissement des communautés de langue officielle en situation minoritaire?

Mme Petitpas Taylor : Oui.

Le président : Merci beaucoup de cette réponse claire.

Madame la ministre, ceci conclut le temps que nous avions avec vous. Nous vous remercions beaucoup de votre présence, de vos réponses et de votre engagement à l’égard des langues officielles dans notre pays. En tant qu’Acadien, je tiens à saluer le fait que vous être la première Acadienne à occuper le poste de ministre des Langues officielles. Je crois que mes collègues sont d’accord pour dire que nous sommes fiers de cela.

Nous allons rester en présence de vos collaborateurs et collaboratrices, qui continueront de répondre à nos questions.

Merci beaucoup madame la ministre. Nous allons certainement vous revoir dans un autre contexte très bientôt.

Les fonctionnaires de la ministre sont disponibles pour répondre à des questions supplémentaires.

La sénatrice Moncion : La ministre a répondu à la question de la sénatrice Gagné au sujet de la gouvernance de la loi. Elle parle du rôle accentué du Conseil du Trésor. Il semble y avoir des nuances dans le projet de loi. Je voudrais entendre vos commentaires au sujet de cette partie.

La nouvelle mouture ne prévoit pas la désignation d’une seule agence centrale responsable de la mise en œuvre de toute la loi. Selon l’article 25.1 du projet de loi, le Conseil du Trésor peut continuer de déléguer ces responsabilités et est chargé seulement de la coordination de certaines sections de la loi. On parle des parties IV, V et VI et du paragraphe 41(5). En parallèle, à l’article 4 du projet de loi, on attribue à Patrimoine canadien un rôle de premier plan en ce qui a trait à la mise en œuvre de la loi et lui attribue un rôle de coordination et je cite :

Il suscite et encourage, en consultation avec les autres ministres fédéraux, la coordination de la mise en œuvre de la présente loi […].

Pourriez-vous nous préciser où on en est avec cela? Tout à l’heure, la ministre semblait nous indiquer que c’est vraiment le Conseil du Trésor qui aura le gros du travail à faire. Cependant, la loi semble nous présenter des nuances.

J’aimerais entendre ce que vous avez à dire là-dessus.

Mme Mondou : Merci madame la sénatrice.

Je pense que la réponse de la ministre était aussi liée au rôle de l’agence centrale. Les communautés ont demandé un rôle fort pour l’agence centrale. Cette agence est le Conseil du Trésor qui voit ses pouvoirs renforcés. Comment ses pouvoirs sont-ils renforcés? Avant le projet de loi C-13, certaines de ses obligations étaient facultatives ou discrétionnaires, alors qu’elles sont maintenant obligatoires.

Je vais vous donner deux exemples. Le Conseil du Trésor doit élaborer des politiques et des directives relatives au règlement de la partie IV, de la partie V et des mesures positives du paragraphe 41(5). En tant qu’agence centrale, le Conseil du Trésor a le mandat très fort d’encadrer, de superviser et de surveiller les ministères pour qu’ils remplissent leurs obligations en vertu de la loi. Le ministère du Patrimoine canadien joue un rôle complètement différent. Il joue un rôle complémentaire. Le ministère du Patrimoine représente le contact avec les communautés. C’est l’interlocuteur privilégié des communautés parce que, contrairement aux agences centrales situées à Ottawa, le ministère du Patrimoine canadien a des bureaux régionaux partout au pays et a une longue histoire de collaboration avec les communautés. Cela signifie que le ministère du Patrimoine continuera d’être là pour être un interlocuteur privilégié des communautés, mais aussi, contrairement aux agences centrales, pour administrer des programmes de contribution, comme on le fait depuis plusieurs années.

La ministre a parlé de plusieurs programmes de contribution qui visent à soutenir l’enseignement postsecondaire, l’enseignement dans la deuxième langue, les infrastructures, etc. Le ministère du Patrimoine a une grande expertise à cet égard, contrairement aux agences centrales, qui n’ont pas nécessairement le rôle de verser des contributions, comme je viens de le mentionner. C’est un rôle complémentaire en plus d’un rôle renforcé comme agence centrale, comme l’a mentionné la ministre.

La sénatrice Moncion : Merci beaucoup.

La sénatrice Gagné : Je remercie la sénatrice Moncion d’avoir posé cette question à des fins de clarification. Votre réponse vient clarifier davantage ce point, à savoir la différence entre l’agence centrale et le rôle de coordination que joue Patrimoine canadien.

Dans le rapport annuel, on trouve une liste de certaines initiatives menées par les institutions fédérales au titre de la partie VII. Dans le cadre de ce rapport, on a quand même une bonne idée des actions positives, des bons coups. Toutefois, comment se font l’évaluation et l’analyse critique en ce qui concerne la performance des institutions?

Mme Mondou : Merci beaucoup de la question, madame la sénatrice.

Cela se fait à différents niveaux. D’abord il y a un exercice exhaustif où on écrit à tous les ministères pour leur demander de faire rapport sur tous les aspects de leur mandat. Cela comprend les bonnes initiatives et les défis liés à ces initiatives. Toute cette information est analysée et compilée. Ensuite, un rapport est présenté, et on retourne aux institutions pour leur dire que leurs actions étaient formidables, mais qu’il y a encore du travail à faire dans tel ou tel domaine. Patrimoine canadien reçoit toute l’information de tous les ministères, ce qui l’aide à faire cette analyse. Il est donc possible de voir qui a vraiment très bien performé dans certains secteurs, mais peut-être moins bien dans d’autres. Cela permet de les comparer à d’autres ministères qui ont des mandats semblables à cet égard. Il s’agit vraiment d’analyser toute la banque de données et de voir les bons coups de chaque ministère et dans quels secteurs il y a lieu d’apporter des améliorations.

Le sénateur Dalphond : Ma question me permettra d’éclairer certains points. Je vois que cet important projet de loi est parrainé par la ministre des Langues officielles, mais son titre n’apparaît nulle part dans le texte de loi. On mentionne le commissaire aux langues officielles, le ministre du Patrimoine canadien, la présidente du Conseil du Trésor. Le sénateur Cormier et la sénatrice Gagné ont posé des questions sur la façon dont tout cela va s’imbriquer. Où trouve-t-on la définition du rôle officiel de la ministre des Langues officielles? Il n’est pas dans la Loi sur les langues officielles. Est-ce que cette désignation se fait uniquement par décret du gouverneur en conseil?

Mme Mondou : Merci de la question. Effectivement, cela fait suite à la question du président. Le projet de loi définit le rôle du ministère du Patrimoine canadien. Il y a un article qui dit que la ministre ou le ministre sont désignés par le gouverneur en conseil. Au fil des ans, la combinaison des rôles a parfois été un peu différente. C’est au niveau du Cabinet que se fait la désignation du ministre responsable. Dans le cas de la ministre Petitpas Taylor, elle est ministre des Langues officielles et ministre responsable de l’Agence de promotion économique du Canada atlantique. Cette désignation se fait par décret. Cependant, les responsabilités du ministre sont bien définies dans la loi puisque les responsabilités de ce ministre à être désigné sont bien définies dans la loi.

Le sénateur Dagenais : Merci, madame Mondou.

Pour protéger le français, qui est encore l’une des deux langues officielles au Canada, encore faut-il donner aux gens le goût de la parler. Est-ce que je me trompe si je dis que le projet de loi contient plus de contraintes pour forcer l’appareil gouvernemental à offrir un service bilingue que de mesures qui entraîneraient une certaine fierté à parler les deux langues?

Mme Mondou : Merci beaucoup, monsieur le sénateur. Vous avez raison de dire qu’il faut donner aux gens le goût d’apprendre.

En fait, on sait selon les statistiques et selon les demandes — notamment pour l’immersion française — qu’il y a un intérêt, un engouement, pour apprendre la deuxième langue. Malheureusement, il n’y a pas toujours de disponibilité. Comme la ministre le mentionnait, cela explique que des sommes sont investies pour augmenter la capacité d’apprendre la deuxième langue ou de parfaire notre langue dans les communautés minoritaires.

Il y a aussi des choses à faire pour accrocher les gens. Par exemple, Radio-Canada/CBC a développé le Mauril, qui est un instrument permettant à quiconque d’aller en ligne et d’apprendre la langue. Ce qui est formidable avec cet outil, c’est qu’il est bâti pour apprendre la culture française et la culture canadienne. Les gens peuvent être à la fois sensibilisés à apprendre une autre langue, tout en apprenant des choses sur la culture canadienne. Cela combine l’intérêt d’apprendre la langue ainsi que l’avantage d’être attiré par une initiative qui vient chercher les éléments culturels canadiens.

Le président : J’aimerais revenir sur la question des clauses linguistiques. Il y a eu des réponses données, mais pour bien comprendre, quels sont les obstacles de l’inclusion des clauses linguistiques dans les ententes fédérales, provinciales et territoriales? Il y a un historique derrière tout cela, il y a des champs de compétences, mais je pense qu’il s’agit de questions qui se posent fréquemment encore aujourd’hui pour bien comprendre pourquoi le gouvernement ne peut pas ajouter de clauses linguistiques dans ses ententes.

Mme Mondou : Merci de la question. Il y a plusieurs éléments de réponse à votre question. D’abord, il y a déjà une politique en place pour encourager les ministères à inclure ce genre de clause. Est-ce qu’il y a davantage d’efforts à faire pour s’assurer — un peu comme la ministre le faisait dans l’exemple qu’elle donnait pour l’analyse comparative entre les sexes — que cette politique est vraiment mise en œuvre de façon systématique et que les ministères sont vraiment sensibilisés à l’importance d’inclure ces clauses?

À cet égard, dans les mesures administratives, l’un des rôles de la ministre — et c’est un rôle qu’elle a vraiment à cœur — est de s’assurer auprès de ses collègues du Cabinet, à l’aide de toutes sortes d’outils et auprès de sa collègue, la présidente du Conseil du Trésor, qu’il y a une meilleure sensibilisation dans tous les ministères pour que cela devienne vraiment un réflexe, à savoir si la réflexion a été faite lors des négociations.

La deuxième chose qu’elle a mentionnée et qui est importante aussi est la suivante : en renforçant le langage de la partie VII, dont on a beaucoup parlé, cela renforcera encore le message selon lequel non seulement les communautés doivent être consultées lors de la prise de mesures par le gouvernement, mais aussi il faut que les conséquences des mesures soient analysées et au besoin, que des mesures soient prises pour remédier à des conséquences négatives. Donc on va déjà beaucoup plus loin dans cette analyse. L’ensemble de ces mesures, législative et administrative, avec une meilleure sensibilisation et davantage d’éducation autour de cet enjeu, devrait renforcer de façon assez importante la question des clauses linguistiques et l’environnement dans lequel elles sont élaborées.

Le président : Puis-je me permettre de vous poser la question à vous, puisque vous êtes à l’intérieur de l’appareil gouvernemental? Vous vivez au quotidien la réalité des langues de travail, la mise en œuvre de la partie V de la loi. Quels sont les obstacles? On entend quand même parler de l’existence de défis de pouvoir travailler dans sa langue dans l’appareil gouvernemental fédéral. Qu’est-ce que vous pouvez nous dire de cette réalité que vous vivez, en fait, tous trois au quotidien?

Mme Mondou : Merci beaucoup. Je pourrais laisser répondre mes collègues, mais il y a plusieurs éléments à la réussite d’une fonction publique parfaitement bilingue. On a franchi des pas de géant grâce à la Loi sur les langues officielles parce qu’on me dit que dans les années 1960 — et la Commission Laurendeau-Dunton l’a démontré —, la fonction publique n’était pas bilingue. Je suis une sous-ministre bilingue qui exerce un rôle important dans la fonction publique. Il y a eu des progrès significatifs, mais il reste encore du travail à faire et comme la ministre l’a mentionné, quant à notre soutien aux employés pour apprendre une deuxième langue et à la facilité d’accès à la formation.

Maintenant, avec les instruments numériques, on peut probablement avoir accès à de la formation de qualité plus facilement. Cela nécessite aussi de valoriser le bilinguisme. C’est-à-dire qu’on crée des postes bilingues où l’on valorise la maîtrise des deux langues officielles. Ce n’est pas une solution, malheureusement, mais bien un ensemble de solutions, et si le comité a eu la chance de consulter le rapport de Borbey et Mendelsohn, il y avait des pistes de solutions. Dans la réforme administrative, on met de l’avant chacune de ces pistes, et la ministre du Conseil du Trésor est en train de se pencher sur certains de ces aspects.

La sénatrice Clement : Merci, monsieur le président, de revenir sur les clauses linguistiques. J’allais le faire. J’ai beaucoup aimé la réponse de Mme Mondou. Il faut avoir plusieurs pistes de solutions entourant le tout, alors j’étais vraiment fière de la réponse. Je vais poser une autre question. La dualité linguistique existe en même temps que la pluralité des langues autochtones. Est-ce que vous avez envisagé cette conversation? Comment entamer cette conversation qui, je crois, est très importante et très difficile aussi à entamer?

Mme Mondou : Merci beaucoup de la question, madame la sénatrice. Par hasard, je suis aussi dans le ministère qui a adopté, avec les partenaires autochtones, la Loi sur les langues autochtones. À l’intérieur du ministère, nous avons ces deux mandats. J’aurais deux ou trois choses à mentionner. D’abord, nous avons tenu beaucoup de discussions à cet effet, et en tant que championne au sein de la fonction publique, je pense que la dualité est une richesse qui nous permet d’accommoder d’autres diversités.

Tous les outils, tous les instruments, tous les réflexes qu’on développe, on peut maintenant les appliquer dans le contexte d’une pluralité de langues, comme les langues autochtones. Il s’agit là d’acquis, et il faut s’appuyer là-dessus. Le projet de loi C-13 renforce le fait, en particulier, que la Loi sur les langues officielles ne vient pas du tout diminuer les pouvoirs, les acquis qui sont mentionnés dans la Loi sur les langues autochtones. On commence à réconcilier les deux projets de loi et on prend connaissance de cette réalité qui est très importante aussi.

Finalement, sur le terrain, pour le ministère, c’est intéressant, car on travaille avec les communautés pour rebâtir, et dans certains cas revitaliser ou maintenir les langues autochtones. Certains apprentissages faits dans les minorités linguistiques sont vraiment utiles pour comprendre ce qui fonctionne, comment créer un nid pour permettre d’avoir suffisamment de personnes qui parlent une langue pour créer ce bassin qui peut ensuite se déployer et s’agrandir. C’est un peu ma réponse à cette question. Évidemment, on est encore en train de travailler là-dessus pour l’avenir. On est très conscients, dans la fonction publique, de veiller sur le bilinguisme tout en ayant à l’esprit les langues autochtones. C’est pour cette raison que dans les règlements pour les entreprises, il y aura des exceptions pour les conseils de bande, par exemple. On ne veut pas qu’ils soient soumis à ces exigences. Il s’agit de travailler en étroite collaboration pour que les obligations de la Loi sur les langues officielles existent dans le respect et en toute connaissance de cause de la Loi sur les langues autochtones.

La sénatrice Moncion : Je vais vous amener ailleurs, soit dans la section où l’on parle des sanctions administratives pécuniaires. Quand on regarde l’article 65.2 et que l’on parle de l’application, on dit ce qui suit :

Les articles 65.3 à 65.95 s’appliquent aux sociétés d’État — ainsi qu’aux personnes morales assujetties à la présente loi en application d’une autre loi fédérale — qui remplissent les conditions suivantes :

a) elles sont désignées par règlement

b) elles ont des obligations à titre de la partie IV;

c) elles exercent leurs activités dans le domaine des transports;

d) elles offrent des services aux voyageurs et communiquent avec eux.

Ne trouvez-vous pas que cette section est très limitative, ou est-ce que je lis mal cette section et qu’elle est beaucoup plus large que ce que je pense y lire?

Mme Mondou : Effectivement, les pénalités mentionnées à l’article 65.2 doivent satisfaire aux quatre critères que vous venez de mentionner. Pour revenir sur un point clé énoncé par la ministre, le commissaire s’est vu doté, en vertu du projet de loi C-13, d’une série de nouveaux pouvoirs. Je pense qu’il y en a cinq. J’aimerais attirer votre attention sur un pouvoir important dans ce contexte : celui de l’ordonnance.

Le pouvoir d’ordonnance est l’obligation pour quelqu’un de faire quelque chose. Si cette obligation n’est pas remplie, elle peut être mise en œuvre par une cour de justice. À l’effet d’une espèce de gradation de sanctions, je dirais que le pouvoir d’ordonnance est le plus sévère. Même le pouvoir sur les pénalités pécuniaires, on l’a vu dans d’autres contextes — parfois les gens choisissent de payer la pénalité. Or, une ordonnance peut être mise en œuvre par une cour et il n’y a pas de choix. À cet effet, ce pouvoir s’applique à toutes les obligations des parties IV et V. Le commissaire pourra exercer ces fonctions.

En ce qui a trait au contexte ajouté pour les pénalités pécuniaires, dans l’ensemble des plaintes, le commissaire trouvait que le continuum des voyageurs était un domaine où il y avait beaucoup de difficulté avec ses anciens pouvoirs. Cela n’a pas été testé avec ses nouveaux pouvoirs, mais par le passé, il avait de la difficulté avec ce continuum. Évidemment, certaines de ces compagnies ne respectaient pas toujours les recommandations. Voilà pourquoi l’accent a été mis, en particulier, sur cet outil et pour ces organismes.

La sénatrice Moncion : Quant à la somme inscrite à 25 000 $, on s’entend que pour une entreprise qui fait des milliards de dollars, ce n’est pas matériel. Cela va leur coûter plus cher en frais juridiques que de payer les 25 000 $. Combien de fois va-t-on revenir à la charge avec les mêmes pénalités? Cela peut devenir illusoire de penser qu’avec des pénalités comme celles-là, les comportements vont changer.

Mme Mondou : Merci pour la question. Quelques éléments que vous soulevez sont très importants. D’abord, les pénalités peuvent être cumulatives. En une même journée, il peut y avoir un incident au Nouveau-Brunswick, un autre à Winnipeg et un troisième à Montréal. On ne le souhaite pas, mais cela pourrait être possible. À ce moment-là, la compagnie pourrait se retrouver avec des plaintes et des pénalités de 75 000 $ en une même journée, car il s’agit de trois événements différents. Ce ne serait pas 25 000 $ par semaine ou par mois. Cela pourrait être cumulatif dans la même journée. À partir du moment où les gens sont au courant qu’il y a de tels recours, ils vont formuler des plaintes, car il y en avait déjà un nombre important.

Deuxièmement, il faut revenir au point dont je parlais plus tôt, celui du pouvoir d’ordonnance. Le commissaire a un menu. Il se dit qu’il va donner des pénalités. Mon Dieu! Il réalise après deux mois que malgré qu’il ait donné des pénalités de plus en plus importantes — 75 000 $ par semaine, 100 000 $, peu importe — cela ne change pas vraiment le comportement. Il a un pouvoir d’ordonnance qu’il va exercer et il ordonnera à l’organisme X de faire Y. À ce moment-là, la seule porte de sortie pour cet organisme est de contester l’ordonnance du commissaire devant les tribunaux.

La sénatrice Moncion : Merci beaucoup.

Le président : Je ne vois pas d’autres questions qui vous sont destinées. Mesdames Mondou, Boyer et Boily, je vous remercie de votre présence ici et de votre travail au sein de la fonction publique. Votre soutien au travail de la ministre et du gouvernement est extrêmement important. Cette nouvelle loi qui nous arrive sera déterminante pour les communautés partout au pays. Nous vous remercions énormément pour votre travail et votre temps aujourd’hui.

Je tiens à remercier mes collègues de leurs questions, ainsi que le personnel et les interprètes qui nous soutiennent dans notre travail. Cela met fin à notre réunion aujourd’hui. Si tout va comme prévu, chers collègues, notre prochaine réunion aura lieu lundi prochain, le 28 mars, à 17 heures, et nous lancerons notre étude spéciale sur l’immigration francophone en milieu minoritaire. Merci, bonne soirée et à bientôt.

(La séance est levée).

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