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OLLO - Comité permanent

Langues officielles


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES LANGUES OFFICIELLES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le lundi 6 juin 2022

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd’hui, à 17 heures (HE), avec vidéoconférence, pour étudier l’immigration francophone en milieu minoritaire.

Le sénateur René Cormier (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Avant de commencer, je vous rappelle, ainsi qu’aux témoins, que vous êtes priés de mettre votre micro en sourdine en tout temps, à moins que le président vous donne la parole.

[Traduction]

En cas de problème technique, surtout avec l’interprétation, veuillez aviser le président ou la greffière; nous allons tenter de le résoudre.

[Français]

Les participants doivent être conscients qu’ils doivent participer à la réunion dans une zone privée et être attentifs à leur environnement.

Nous allons maintenant commencer officiellement notre réunion. Je m’appelle René Cormier, sénateur du Nouveau-Brunswick, et je suis président du Comité sénatorial permanent des langues officielles.

J’aimerais vous présenter les membres du comité qui participent à cette réunion : la vice-présidente du comité, la sénatrice Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick; la sénatrice Raymonde Gagné, du Manitoba, membre du comité directeur; le sénateur Jean-Guy Dagenais, du Québec, membre du comité directeur; la sénatrice Bernadette Clement, de l’Ontario; la sénatrice Lucie Moncion, de l’Ontario; la sénatrice Marie-Françoise Mégie, du Québec; le sénateur Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick.

Chers collègues, je vous souhaite la bienvenue, ainsi qu’aux téléspectateurs de tout le pays qui nous regardent.

[Traduction]

Je tiens à souligner que la réunion d’aujourd’hui se tient sur le territoire traditionnel non cédé de la nation algonquine anishinabe.

[Français]

Aujourd’hui, nous poursuivons notre étude sur l’immigration francophone en milieu minoritaire. À titre d’information, après la comparution des témoins invités pour cette première heure et conformément à la décision du Sénat du Canada faisant suite de l’adoption de la motion no 41 la semaine dernière, nous allons faire une pause pour ce qui est de notre étude sur l’immigration francophone en milieu minoritaire pour entreprendre une étude préalable du projet de loi C-13, Loi modifiant sur la Loi sur les langues officielles, édictant la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale et apportant des modifications connexes à d’autres lois.

Aujourd’hui, nous accueillons par vidéoconférence des représentants de l’Association francophone des municipalités du Nouveau-Brunswick, soit Mme Michelle Barclay, directrice des politiques, ainsi que M. Kassim Doumbia, 2e vice-président au conseil d’administration, ainsi que des représentants de l’Association des municipalités bilingues du Manitoba. C’est Mme Annie Girard qui nous parlera au nom de cette association.

Mesdames et messieurs les témoins, merci beaucoup d’avoir accepté notre invitation et bienvenue parmi nous.

Kassim Doumbia, 2e vice-président au conseil d’administration, Association francophone des municipalités du Nouveau-Brunswick : Merci beaucoup, monsieur le président. Mesdames et messieurs les membres du comité, bonjour.

Au nom de l’Association francophone des municipalités du Nouveau-Brunswick et de ses 50 municipalités membres, je veux tout d’abord vous remercier de cette occasion de partager avec vous quelques réflexions sur les grands enjeux liés à l’immigration francophone en milieu minoritaire.

Je salue d’ailleurs l’intention du gouvernement fédéral d’élaborer une stratégie nationale ambitieuse d’immigration francophone partout au pays.

La province du Nouveau-Brunswick fait face à un défi démographie sans précédent. Le vieillissement de la population et l’exode des jeunes diplômés dans d’autres provinces ont pour conséquence de faire diminuer la population active de la province et de créer des problèmes de recrutement et de main-d’œuvre pour les entreprises. Les défis démographiques font que nos communautés ne peuvent pas se développer et elles voient leurs services essentiels réduits ou coupés en raison du manque de main-d’œuvre.

À ce rythme, des experts mentionnent qu’il faudrait au moins 10 000 nouveaux arrivants par année pour combler ce déficit. La quête de nouveaux arrivants, leur inclusion et leur rétention dans les communautés sont donc essentielles pour assurer une croissance durable de la population de la province. Puisque la population francophone de la province compte pour environ un tiers de la population, le gouvernement du Nouveau-Brunswick s’est fixé l’objectif d’atteindre 33 % d’immigrants francophones. Cependant, cette cible est sans cesse repoussée et à l’heure actuelle, malgré une augmentation importante au cours des dernières années, les immigrants francophones ne comptent plus que pour moins de 20 % des nouveaux arrivants dans la province.

Une attention particulière doit donc être accordée à la promotion et au soutien d’initiatives en immigration et aux efforts d’intégration des francophones. Cela permettrait de s’assurer qu’un soutien adéquat est offert aux communautés francophones, aux fournisseurs de services et aux nouveaux arrivants francophones.

Selon nous, les quotas d’immigration réservés au Nouveau-Brunswick doivent non seulement être augmentés de façon importante afin d’assurer une croissance démographique annuelle, mais la proportion d’immigrants d’expression française devra également être augmentée afin de respecter la spécificité linguistique de la province et de rattraper le décalage démographique qu’ont subi les francophones au Nouveau-Brunswick au cours des dernières décennies.

Cette spécificité se retrouve également dans la répartition géographique de nos communautés. Même si elles sont des communautés de langue officielle en situation minoritaire, nos communautés francophones sont très fortement majoritaires dans plusieurs régions. Une façon de rattraper ce décalage démographique serait de mettre en place le Programme de candidats municipaux, soit l’initiative qui figurait dans la lettre de mandat du ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté du Canada en 2019. Cette initiative permettrait aux communautés locales, aux chambres de commerce et aux associations locales de travail de parrainer directement des candidats à l’immigration pour combler les besoins spécifiques de leur région.

Il existe souvent un décalage entre les nécessités en matière de main-d’œuvre et les nouveaux arrivants. Les municipalités ont souvent une idée claire et continue des besoins en main-d’œuvre des employeurs au sein de leur communauté francophone et acadienne et peuvent mieux cibler les efforts de promotion et de recrutement, et les efforts liés au programme d’immigration aux besoins des francophones. Si les gens arrivent dans une région où un emploi leur est déjà réservé et où une communauté les attend et est prête à les recevoir, l’intégration s’en trouvera facilitée et, à terme, cela améliorera la rétention.

Il est donc nécessaire que les communautés aient un droit de regard sur le choix des nouveaux arrivants qui viendront s’implanter dans leurs régions, puisqu’elles connaissent leurs besoins mieux que quiconque. Le programme des Communautés francophones accueillantes, une initiative fédérale dont l’objectif est de soutenir l’accueil des personnes nouvellement établies, est un autre outil permettant aux communautés francophones de planifier l’accueil et la rétention des nouveaux arrivants. Ce projet pilote communautaire, déjà instauré dans la région du Haut-Saint-Jean, vise à favoriser le sentiment d’appartenance des nouveaux arrivants d’expression française pour les aider à s’intégrer et à s’épanouir dans la région. Il vise également à sensibiliser toutes les parties prenantes pour stimuler la croissance démographique, économique et culturelle.

Je me permets de souligner que ce projet, géré par l’AFMNB depuis la fin de l’année 2020, obtient de très bons résultats. Le commissaire aux langues officielles, M. Raymond Théberge, l’a d’ailleurs souligné dans son rapport intitulé Plan d’action pour les langues officielles — 2018-2023 : Investir dans notre avenir. Cette initiative devrait être renouvelée dans les autres communautés francophones de la province en suivant un modèle qui a fait ses preuves.

Je terminerai mon intervention ici. Je serai très heureux de vous apporter davantage de contexte en répondant à vos questions. Le sujet de l’immigration francophone en milieu minoritaire est très complexe. Il est étroitement lié à un grand nombre d’autres enjeux municipaux qui dépassent la portée de votre étude, ce qui exige des solutions innovantes par et pour nos communautés des régions francophones du Nouveau-Brunswick.

Notre association poursuivra ses efforts de sensibilisation et d’accompagnement auprès de ses membres en matière d’accueil et de rétention des nouveaux arrivants afin d’assurer l’épanouissement des communautés et des citoyens francophones de notre province.

Je vous remercie de votre écoute attentive et je vous souhaite bon succès dans votre travail. Merci.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Doumbia.

Je donne maintenant la parole à Mme Annie Girard, de l’Association des municipalités bilingues du Manitoba.

Annie Girard, associée, Dossier municipal de l’immigration, Association des municipalités bilingues du Manitoba : Merci beaucoup.

Monsieur le président et honorables sénatrices et sénateurs du Comité sénatorial sur les langues officielles, et les partenaires de l’Association francophone des municipalités du Nouveau-Brunswick, je suis heureuse de comparaître devant vous aujourd’hui.

D’abord, permettez-moi de vous transmettre les salutations de M. Justin Johnson, chef de la direction de l’Association des municipalités bilingues du Manitoba (AMBM), qui est sincèrement désolé de n’avoir pu s’adresser à vous en direct aujourd’hui, pour des raisons de force majeure qui sont tout à fait hors de sa volonté.

Je m’appelle Annie Girard, et c’est avec honneur que je représenterai M. Johnson en tant qu’associée au dossier municipal de l’immigration à l’AMBM.

Je m’adresse à vous à partir de la ville d’Ottawa, située sur le territoire non cédé de la nation algonquine anishinabe. De son côté, l’AMBM a son siège social dans le quartier Saint-Boniface de la ville de Winnipeg, situé sur le territoire visé par le traité no1, qui fait partie du territoire traditionnel des peuples anishinabe, cri, oji-cri, dakota et déné, ainsi que de la patrie de la nation métisse.

L’AMBM tient à féliciter votre comité de mener la présente étude sur l’immigration francophone en milieu minoritaire. Nous sommes heureux de cette occasion de vous rencontrer et de vous transmettre la perspective de nos membres sur cette question cruciale à l’épanouissement et au développement de nos communautés francophones en situation minoritaire, les CFSM.

L’AMBM est la voix du leadership municipal bilingue dans la province du Manitoba. Elle compte 15 municipalités qui ont adopté une politique de prestation de services dans les deux langues officielles, soit la capitale, Winnipeg, ainsi que 14 municipalités rurales. En collaboration avec M. Johnson et grâce au soutien d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, je coordonne depuis 2020 un projet visant à définir le rôle, les responsabilités, les atouts et les besoins des municipalités bilingues du Manitoba pour stimuler l’immigration francophone et bilingue sur leur territoire, en complémentarité avec les autres acteurs en immigration.

Plusieurs activités de consultation, de recherche et de renforcement des capacités ont été menées depuis deux ans. De plus, l’AMBM participe activement à la Communauté francophone accueillante de la Rivière-Seine comme partenaire municipal.

À court terme, au cours des prochaines semaines, l’AMBM publiera sa Stratégie 2022-2025 de soutien à l’immigration économique dans les municipalités bilingues du Manitoba, dont je partage avec vous quatre principes fondamentaux : premièrement, aborder l’immigration selon une approche linguistique inclusive valorisant le bilinguisme, en cohérence avec l’engagement de nos municipalités en matière de langues officielles, tout en appliquant une importante lentille francophone et régionale. Cela dit, nous voulons préciser que, en matière d’immigration francophone, la cible du gouvernement du Manitoba est de 7 %, alors que celle du gouvernement fédéral était de 4,4 % jusqu’à tout récemment.

À ce titre, l’AMBM appuie la proposition de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, visant à rehausser significativement la cible fédérale pour atteindre 20 % dans les communautés francophones en situation minoritaire en 2036. Nous croyons qu’il en va de l’intérêt de l’ensemble du peuple canadien.

Le deuxième principe est le suivant : miser sur une immigration qui correspond au tissu économique local et régional en ce qui a trait aux talents recherchés et aux besoins en entrepreneuriat, comme le préconise notre stratégie de relance économique.

Troisièmement, il faut renforcer les capacités de nos membres dans le respect de leurs enjeux, de leurs besoins et de leurs objectifs en immigration, puisque tout n’est pas symétrique, mais plutôt asymétrique.

Enfin, il faut unir nos efforts avec les deux autres ordres de gouvernement afin de contribuer activement à la définition et à l’atteinte des cibles en immigration, en plus de participer à l’élaboration des stratégies, tant en matière d’immigration en général que d’immigration francophone.

Au départ, la personne immigrante choisit sa province ou son territoire d’adoption, mais c’est dans nos municipalités qu’elle s’établira, qu’elle vivra au quotidien et qu’elle recevra ses services de proximité. En matière d’immigration francophone, Winnipeg fait partie des villes championnes à l’échelle canadienne et nous en sommes très fiers. Dans les 14 autres municipalités bilingues qui sont davantage rurales, la priorisation de l’immigration est plus récente et leurs capacités restent à bâtir, particulièrement en ce qui a trait à quatre éléments fondamentaux, mais surtout par rapport à la planification et à l’attraction d’une immigration économique en cohérence avec les besoins locaux, ce qui implique de travailler avec les employeurs et de développer la capacité de municipalités rurales — qui sont souvent très humbles — à promouvoir leurs atouts.

En matière d’accueil, il faut préparer nos communautés et nos administrations municipales. Les Manitobains sont des gens accueillants, solidaires, bienveillants et généreux, mais c’est en connaissant toute l’information et en comprenant bien les enjeux qu’ils pourront se montrer ouverts et participer activement à l’accueil des nouveaux arrivants.

On parle également d’établissement, c’est-à-dire qu’on veut assurer l’accès à un logement convenable et abordable, à des services de transport en commun régionaux et interrégionaux, à une connectivité Internet fiable et à de la formation linguistique en anglais ou en français.

Enfin, en ce qui concerne l’inclusivité, on veut assurer la mise en place d’outils et de mécanismes régionaux pour développer des partenariats et des solutions durables répondant aux besoins des personnes immigrantes. L’AMBM est aussi propriétaire de deux filiales à vocation économique, soit le Conseil de développement économique des municipalités bilingues du Manitoba (CDEM) et Éco-Ouest Canada.

En plus d’offrir une vaste programmation, le CDEM coordonne le sous-volet stratégique francophone, qui s’appelle Invitation au Manitoba et qui est lié au Programme Candidats du Manitoba, qui se fait en collaboration avec la province. De son côté, Éco-Ouest offre aux municipalités canadiennes des services-conseils en matière de transition et d’efficacité énergétique. Nos deux filiales présentent de grands atouts stratégiques pour soutenir nos membres dans la réussite de l’immigration sur leur territoire. À ce titre, le CDEM accomplit déjà des progrès fulgurants avec ses partenaires pour rehausser la connectivité en milieu rural.

De plus, Éco-Ouest déploie présentement un projet structurant de mobilité rurale dans le sud-est de la province. Ce sont deux exemples. Vous l’aurez constaté, dans nos municipalités rurales, tout est à bâtir en matière d’immigration. Toutefois, l’intérêt et l’enthousiasme sont au rendez-vous, et l’AMBM travaille activement au renforcement des capacités de ses membres. Par exemple, d’ici mars 2023, nous tiendrons la première édition d’un forum municipal en immigration à Winnipeg et nous développerons aussi, au courant de l’année, une trousse bilingue d’outils sur les collectivités accueillantes, assortie d’un programme de formation.

Au Manitoba, l’AMBM représente l’ordre de gouvernement le plus proche des citoyens et des communautés francophones en situation minoritaire par l’intermédiaire de ses 15 institutions membres démocratiques et bilingues. C’est dans nos collectivités que les enjeux liés à l’accueil, à l’établissement, à l’inclusivité et à la rétention de la personne immigrante prennent tout leur sens et nécessitent la mise en place de solutions concrètes et durables. Voilà la raison de l’importance suprême d’offrir les efforts et les ressources des trois ordres de gouvernement, d’unir ces efforts et de faire en sorte que toutes les parties en ressortent gagnantes, à commencer par la personne immigrante qui nous choisit comme terre d’accueil.

Cette personne arrive remplie d’espoir, de rêves et d’aspirations. Nous avons le devoir de l’aider à s’épanouir et, du même coup, nous contribuerons à bâtir des collectivités francophones et bilingues fortes, prospères et vibrantes, où il fait bon vivre ensemble. Merci de votre attention.

Le président : Merci beaucoup, madame Girard. Nous allons donc passer à la période des questions. Je rappelle à mes collègues que nous nous donnons une période de cinq minutes de questions et de réponses pour chacune des interventions. Je vous rappelle aussi de dire à qui s’adresse votre question, si elle s’adresse à quelqu’un en particulier.

La sénatrice Poirier : Merci aux témoins d’être avec nous ce soir; c’est grandement apprécié. Ma première question s’adresse à l’Association francophone des municipalités du Nouveau-Brunswick. Dans le mémoire que vous avez présenté au comité en mai dernier, vous proposez, dans votre troisième recommandation, d’augmenter la cible de l’immigration francophone au Nouveau-Brunswick entre 30 % à 40 %. Comment en êtes-vous arrivés à ce chiffre? De plus, sur le plan de la nouvelle cible et de la politique en matière d’immigration, que doit faire le gouvernement fédéral pour maintenir le poids démographique dans les communautés acadiennes?

M. Doumbia : Merci de la question, madame la sénatrice. Pour ce qui est du chiffre de 33 %, comme vous le savez et comme on l’a mentionné tout à l’heure, le poids démographique du Nouveau-Brunswick représente un tiers de la population, donc 33 %. Donc, si l’on veut maintenir ou augmenter cette cible démographique, il faut qu’on arrive à attirer beaucoup plus d’immigrants francophones dans nos régions.

Jusqu’à présent, les cibles provinciales n’arrivent pas à attirer le nombre d’immigrants francophones requis pour maintenir ou dépasser les cibles francophones pour la province. Il est impératif de demander une augmentation des quotas en immigration afin de rattraper ce déficit démographique et de continuer d’aller vers l’avant. L’immigration francophone est un impératif pour le bien de nos communautés, tant sur le plan de la main-d’œuvre que des services et du maintien de la langue française que nous chérissons tant.

La sénatrice Poirier : Selon vous, est-ce faisable d’avoir une cible nationale et une cible régionale, comme vous le proposez? Si oui, comment?

M. Doumbia : Étant donné que le Nouveau-Brunswick ne gère pas son immigration, il faut passer par le gouvernement fédéral. Si on veut que le fédéral puisse atteindre les cibles que la province s’est données, il faut tout de suite augmenter les cibles fédérales pour justement permettre d’attirer des francophones vers le Nouveau-Brunswick. Il est impératif que le fédéral augmente ses cibles; de plus, nous espérons que cela aura un impact sur les cibles provinciales que nous nous sommes fixées.

La sénatrice Poirier : Merci. Ai-je le temps de poser une autre question?

Le président : Oui, absolument.

La sénatrice Poirier : Ma question s’adresse aux deux témoins. Pouvez-vous nous décrire le mécanisme de consultation entre IRCC et les municipalités, et est-ce que ces consultations doivent être améliorées? Si oui, comment?

Le président : Qui aimerait répondre à cette question?

La sénatrice Poirier : La question s’adresse aux deux témoins.

Mme Girard : Je peux commencer. Merci pour la question, sénatrice. Concerne-t-elle les consultations menées par IRCC ou par notre association dans le cadre du projet?

La sénatrice Poirier : J’aimerais que vous décriviez les mécanismes de consultation d’IRCC auprès des municipalités, que vous me disiez si ces consultations doivent être améliorées et à quelle fréquence on devrait les tenir. Bref, j’aimerais connaître la relation entre les deux.

Mme Girard : D’accord. Les consultations menées par l’AMBM en 2020 et 2021 découlaient du projet financé par IRCC. Ces consultations n’ont pas été faites par IRCC, mais elles étaient commanditées par le ministère. Nous avons eu carte blanche pour mener ces consultations auprès de nos membres. Nous avons également consulté des partenaires en immigration et en immigration francophone.

M. Doumbia : Pour ma part, il n’y a pas eu de consultation entre IRCC et l’association et ses membres. Il y a un manque à ce niveau. Si on parle d’immigration, on parle de communautés. Il est important que les municipalités soient au cœur de ces consultations, étant donné que les nouveaux arrivants s’établissent dans nos communautés. IRCC mène des consultations avec des partenaires qui travaillent en immigration, que ce soit des organismes d’accueil ou des organismes qui militent dans le dossier de l’immigration. Par contre, en ce qui concerne directement les municipalités, cela n’a pas encore été fait.

La sénatrice Poirier : Merci.

La sénatrice Gagné : Bienvenue à nos témoins. Je suis très contente de vous revoir. Je voulais tout simplement essayer de comprendre la relation qui existe entre les municipalités, vos associations et le gouvernement fédéral. Sur le plan de l’organisation, s’il y a une stratégie nationale, qu’est-ce qu’on doit mettre en place, comme mécanismes et processus, pour s’assurer que cette stratégie se rend sur le terrain, soit dans les municipalités? Comme vous l’avez mentionné, madame Girard, les municipalités sont les premiers répondants, si vous voulez. Elles sont proches de la population et connaissent très bien les besoins de celle-ci. J’essaie de comprendre, parce que les municipalités sont de compétence provinciale, mais l’immigration est une compétence partagée avec les provinces. Comment est-ce qu’on peut s’assurer de bien synchroniser tout cela?

Mme Girard : Merci pour la question, sénatrice Gagné. Effectivement, vous avez soulevé l’un des enjeux les plus importants que défend l’AMBM pour les raisons que j’ai évoquées. Les municipalités sont l’ordre de gouvernement le plus proche des citoyens, même si les municipalités sont des créatures des provinces. Il s’agit tout de même de l’un des trois ordres de gouvernement. Nous souhaitons que plus de municipalités soient invitées à la table des décisions avec les deux autres ordres de gouvernement. Il y a tout un aspect de connexion avec le terrain et, justement, un aspect de livraison de services à des gens qui vont habiter dans ces municipalités au jour le jour. Sans les municipalités, c’est comme s’il manquait un élément très important, tant dans la planification que dans la mise en œuvre du plan en matière d’immigration. Donc, quel mécanisme doit-on privilégier? Il faudra en discuter, mais nous préconisons que les trois ordres de gouvernement travaillent ensemble. C’est l’une de nos priorités.

La sénatrice Gagné : Si vous me le permettez, j’aimerais ajouter une autre dimension à ma question. Dans le projet de loi C-13, on veut quand même examiner la possibilité d’instaurer une politique en matière d’immigration. Est-ce que vous croyez que les municipalités devraient être incluses dans cette politique, monsieur Doumbia?

M. Doumbia : Merci, sénatrice. Oui, effectivement, je pense que les municipalités devraient être incluses dans cette politique, d’où notre proposition liée au Programme de candidats municipaux. Étant donné que, comme on l’a dit, la municipalité est l’ordre de gouvernement le plus proche du citoyen, il y a un droit de regard sur les candidats qui immigrent dans nos communautés. Cela nous permettrait de mieux cibler les besoins en main-d’œuvre pour nos entrepreneurs dans la région, ainsi que les autres secteurs en développement. Il est primordial que toute stratégie développée par le gouvernement fédéral inclue un volet municipal pour faciliter cet échange entre le fédéral et le municipal.

Le président : Madame Girard, voulez-vous ajouter quelque chose?

Mme Girard : Oui, merci beaucoup. J’abonde dans le même sens que mon collègue M. Doumbia pour ce qui est du Programme de candidats municipaux qui a été annoncé. De plus, du côté du Manitoba, nous avons la chance de faire équipe avec la province dans le cadre du Programme Candidats du Manitoba. Cependant, nous voudrions aller plus loin et avoir davantage d’influence sur le recrutement et sur les choix en matière d’immigration. Du côté du Manitoba, on connaît les perspectives économiques pour l’ensemble de la province, si l’on veut, mais elles ne correspondent pas forcément aux milieux ruraux. Un volet spécial au sein de ce programme nous permettrait de mieux gérer notre immigration en fonction du tissu économique local. Ce serait un autre élément qui nous permettrait de travailler aux côtés des ordres de gouvernement à ce niveau.

Le président : Merci.

Le sénateur Dagenais : Ma question s’adresse aux deux témoins. Je me pose des questions sur l’efficacité du ministère fédéral de l’Immigration pour ce qui est de l’acceptation et de l’intégration des immigrants francophones.

Vous êtes pleins de bonne volonté et nous reconnaissons vos efforts, mais les autorités municipales sont généralement beaucoup mieux placées et plus proches des préoccupations citoyennes que peut l’être Ottawa. Estimez-vous que le gouvernement fédéral vous utilise à votre juste valeur ou pourriez-vous en faire davantage? Quel genre de responsabilités supplémentaires pourriez-vous assumer pour que les dossiers des immigrants francophones débloquent plus rapidement dans vos communautés? S’il y a un blocage dans ce que vous proposez, où est ce blocage?

Le président : Qui veut répondre à cette question?

M. Doumbia : Pour répondre à votre question, oui, je pense que les municipalités pourraient jouer un rôle beaucoup plus important dans tout le dossier de l’immigration. Je pense également que si tout le dossier était géré par IRCC, comme vous l’avez dit, il y aurait des blocages, mais si on mettait les municipalités au cœur de cette démarche, on pourrait accélérer le processus de sélection en imposant des balises spécifiques qui devraient être comblées afin de sélectionner des candidats beaucoup plus rapidement.

On sait que le processus d’immigration est complexe qu’il prend du temps. Quand on a des besoins immédiats, c’est tout de suite qu’il faut y répondre, et pas dans l’avenir. S’il faut six à huit mois avant que les immigrants viennent s’établir chez nous, ce n’est pas bon de faire attendre nos milieux et les entreprises. Je crois que si l’on incluait les municipalités, avec un cadre bien réglementé et les ressources nécessaires, on pourrait jouer un rôle d’appui dans la présélection qui est faite par IRCC et, ainsi, mieux cibler les candidats pour nos communautés.

Mme Girard : J’abonde dans le même sens. Nous sommes faits pour nous entendre, monsieur Doumbia.

Plus tôt, j’ai partagé avec vous nos réalités au Manitoba. Winnipeg fait très bonne figure, mais nos municipalités rurales en sont vraiment au début. Ce qui a été recensé, c’est que les municipalités sont toutes d’accord pour avoir plus d’autonomie sur le plan de la sélection de leur immigration. Elles veulent plus d’autonomie, mais sans avoir plus de bureaucratie à gérer autour de cela. C’est pour cela que, dans la mesure du possible, on voudrait rendre plus autonome le programme ou le sous-volet, qui était précédemment géré par le CDEM, qui relève de l’AMBM, afin de correspondre encore mieux aux réalités et aux besoins de nos municipalités.

Pour ce qui est de savoir si on nous utilise à notre plein escient, non, évidemment. Je pense que les gouvernements de proximité sont l’un des secrets les mieux gardés. Je vous en ai parlé tout à l’heure, mais nos plus grands défis se trouvent sur les plans de la connectivité, du logement, de la mobilité régionale et interrégionale. Donc, nous devons avoir des ressources requises pour nous permettre de développer les capacités de nos municipalités afin de vraiment faire débloquer des projets et de les faire avancer rapidement.

C’est là où nous en sommes.

La sénatrice Clement : Bonjour et merci beaucoup à tous nos témoins.

J’aimerais poursuivre sur la question que vous avez soulevée, madame Girard, soit le logement. J’aimerais qu’on examine le sujet plus en détail.

Je suis une ancienne mairesse de Cornwall, dans l’Est ontarien. Nous n’avons pas été choisis comme communauté accueillante, car c’est la Ville de Hawkesbury qui a bénéficié de ce programme. J’aimerais avoir plus de commentaires, monsieur Doumbia : pourquoi ce genre de programme a-t-il fonctionné, et qu’est-ce que les municipalités qui n’ont pas reçu cet encadrement ont fait?

Ensuite, madame Girard, j’aimerais que vous alliez un peu plus loin dans votre commentaire sur le logement. De quoi avez-vous besoin en particulier de la part des autres ordres de gouvernement pour remédier à cette situation qui est vraiment une crise? On ne peut pas aller plus loin si on ne règle pas cette question-là.

Mme Girard : Je peux commencer, si vous le souhaitez.

Chose certaine, avant même d’examiner le facteur « immigration », il y a déjà une crise du logement dans nos municipalités bilingues. Si on veut accueillir davantage d’immigrants en milieu rural, car il y a vraiment des besoins à ce niveau, nous avons besoin de construire des logements à très court terme, mais aussi à moyen terme et long terme. Il faut donner des options et encourager la municipalité, car elle n’est pas là pour endosser toutes les responsabilités à ce niveau, mais pour mettre en place un environnement favorable pour régler ce genre de gestion.

Est-ce qu’il y aurait des programmes qui pourraient nous aider? Des ressources humaines pourraient aider les municipalités à trouver des solutions durables à mettre en place, de même que les partenaires du secteur privé et les partenaires associatifs qui sont nécessaires. Il faudrait vraiment pouvoir accompagner ces municipalités dans la mise en place d’un environnement favorable au moyen de ressources financières, de programmes fédéraux, provinciaux, et cetera, pour qu’on puisse avoir les ressources humaines requises pour soutenir le tout et que l’engrenage s’enclenche. Il faut donc mettre les choses en place et il faut que les solutions soient justement déployées à court terme.

On n’en est plus à l’étape de la planification; il faut répondre à une crise, donc il faut réagir rapidement. Tant et aussi longtemps qu’on n’a pas des solutions qui sont mises en place sur le plan du logement, cela nous paralyse dans l’avancement et dans la mise en œuvre de stratégies en matière d’immigration.

La sénatrice Clement : Merci de cet ajout, madame Girard. Monsieur Doumbia, pouvez-vous réagir à cela, mais aussi répondre à la question sur les Communautés francophones accueillantes? Pourquoi ce programme fonctionne-t-il?

M. Doumbia : Merci beaucoup, sénatrice Clement.

Pour ce qui est de la crise du logement, c’est un fait, on est là-dedans. Les programmes qui existent présentement ne répondent pas aux besoins des communautés rurales. Si on prend un programme et qu’on demande d’avoir le transport en commun, ce n’est pas forcément le même transport en commun qu’on va retrouver dans les grands centres. Il faut s’adapter aux réalités régionales et qui sont propres à nous. On peut avoir un système de déplacement ou de covoiturage, mais cela peut ne pas être considéré comme du transport en commun. C’est pourtant un modèle qui fonctionne et qui peut s’adapter à nos communautés. Je pense que les différents programmes, comme les programmes de logement, devraient prendre ces facteurs en considération pour les régions rurales.

Parfois, quand un programme est mis sur pied, on parle de logements qui doivent être construits rapidement dans une période de 12 mois, mais j’aimerais voir combien de régions rurales pourront bénéficier de ces nouveaux programmes mis en place par la Société canadienne d’hypothèques et de logement ou le ministère de l’Infrastructure. Ces programmes sont souvent beaucoup plus ciblés pour les grands centres.

Pour revenir à la question des Communautés francophones accueillantes, effectivement, au Nouveau-Brunswick, il y a une seule communauté qui a été retenue dans le Haut-Saint-Jean. Pour les autres communautés qui n’ont pas été retenues, par la force des choses, elles n’ont pas eu le choix de continuer. Les employeurs qui avaient besoin de main-d’œuvre ont continué d’aller chercher la main-d’œuvre nécessaire.

Ce sont des communautés où l’employeur ou la chambre de commerce se sont mobilisés pour aller dans les communautés faire cette sensibilisation auprès des gens et leur dire pourquoi la démarche en immigration a été faite, en raison du besoin de nouveaux arrivants pour nos communautés, pour nos entreprises et pour le développement de ces collectivités. C’est un travail qui est laissé à des bénévoles qui n’ont pas forcément d’accompagnement ni les outils nécessaires, mais ils font ce travail avec ce qu’ils ont dans le cœur. C’est avec ce message qu’ils vont briser des portes et s’assurer que les communautés sont prêtes à accueillir de nouveaux arrivants.

La sénatrice Clement : Merci à vous deux.

La sénatrice Mégie : Merci à nos témoins. Ma première question s’adresse à M. Doumbia.

On sait que, pour que le Canada attire les immigrants francophones, il doit faire la promotion du Canada à l’extérieur. Étant donné que le Nouveau-Brunswick est officiellement bilingue — et je ne sais pas si vous avez cette donnée —, est-ce qu’il est favorisé par les immigrants francophones en raison de cette particularité, comparativement aux autres provinces?

M. Doumbia : Je vous dirais, madame la sénatrice, que la particularité du Nouveau-Brunswick en tant que province bilingue est un plus pour les immigrants. On sait que les immigrants d’expression française souhaitent s’établir dans une communauté où ils peuvent communiquer dans la langue qu’ils parlent, mais pour apprendre ensuite la seconde langue, qui est l’anglais, étant donné que c’est la langue du marché du travail.

Le fait que le Nouveau-Brunswick ait deux langues officielles lui donne, selon moi, une position stratégique avantageuse pour ce qui est d’attirer les immigrants francophones à venir s’établir au Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Mégie : Si je comprends bien, vous êtes le deuxième concurrent après le Québec, avec qui vous êtes en compétition pour la recherche des immigrants francophones, par rapport aux autres provinces qui sont unilingues anglophones?

M. Doumbia : Exactement. Il faut souligner le fait que le Québec exerce un contrôle un peu plus serré sur son immigration, que le Nouveau-Brunswick n’a pas. Si on pouvait avoir plus de mécanismes, tant provinciaux que municipaux, pour gérer notre immigration, cela donnerait, à mon avis, de meilleurs résultats.

La sénatrice Mégie : Merci. Ma deuxième question s’adresse aux deux témoins. Avez-vous des données sur la provenance des immigrants francophones de vos municipalités? Est-ce qu’ils viennent des programmes normaux d’immigration ou du processus de mobilité interprovinciale?

Mme Girard : Si vous parlez des immigrants d’expression française, nous avons au Manitoba des données colligées par le gouvernement provincial. Au-delà de tout programme, c’est vraiment le Programme Candidats du Manitoba qui remporte la palme comme facteur d’intégration. Je n’ai pas les chiffres avec moi, mais ce sont des données que je pourrai vous faire parvenir à la suite de notre intervention d’aujourd’hui, si vous le souhaitez.

M. Doumbia : Comme pour le Nouveau-Brunswick, ces données sont colligées par le ministère sur le plan de l’employabilité. Si on veut avoir des renseignements sur la question des francophones ou la langue d’expression française chez les citoyens, Statistique Canada est en mesure de nous fournir ces données.

Comme ma collègue l’a dit, nous pouvons vous faire parvenir ces données, si vous le désirez.

La sénatrice Mégie : D’accord, merci, ce serait bien apprécié.

Mme Girard : J’aimerais préciser que c’est le Programme Candidats du Manitoba, avec son volet Invitation au Manitoba, qui est géré par le CDEM, une filiale de l’AMBM, qui permet d’identifier des personnes immigrantes et de proposer leur candidature à la province. La province envoie la lettre d’invitation et le CDEM organise la visite exploratoire au Manitoba.

C’est vraiment par ce moyen qu’arrivent la plupart des immigrants de langue française au Manitoba.

Le président : Merci de cette précision.

La sénatrice Moncion : Ma première question concerne justement les programmes touchant les candidats municipaux. Ceux qui font partie du projet pilote sont avantagés dans le choix des personnes ou des municipalités où les gens vont s’établir. Je comprends ce que veut dire la sénatrice Clement quand elle mentionne que Cornwall n’a pas été choisie, mais que Hawkesbury l’a été. Donc, lorsque vous faites partie de ces programmes, il y a un avantage certain dans le fait d’être reconnu comme premier choix de municipalité où l’on va diriger les immigrants.

M. Doumbia : Pour le Nouveau-Brunswick, je ne pourrais pas vous dire s’il y a un avantage compétitif pour la région qui a pu bénéficier du programme, mais il est certain que la région a pu recevoir les ressources nécessaires pour faciliter l’accueil de ces immigrants dans sa région et faire les liens nécessaires avec la communauté.

Il y a donc beaucoup plus de ressources qui favorisent justement tout le processus de démystification pour les arrivants qui viennent s’installer au pays.

Il est évident que, dans la publicité, on peut affirmer que la région tire un avantage du fait qu’elle a été choisie pour faire partie du programme, et c’est un avantage que d’autres régions n’ont pas. Cela aide les immigrants à faire un choix entre un endroit et un autre.

La sénatrice Moncion : Madame Girard?

Mme Girard : Du côté du Manitoba, aucun de nos membres n’a fait partie du projet pilote, donc je n’ai pas nécessairement de données relatives à cette question.

La sénatrice Moncion : D’accord. J’ai une sous-question qui a justement trait au fait qu’il y a des municipalités qui sont choisies. Ces municipalités ont accès à des fonds qui leur permettent de mettre les infrastructures en place pour offrir un meilleur accueil aux immigrants et mieux les intégrer dans les communautés. Il y a donc un avantage important à faire partie de ce programme.

Je crois que cette initiative devrait être étendue à toutes les municipalités canadiennes, afin que des fonds soient disponibles un peu partout pour faciliter l’immigration.

Je sais que le ministre de l’Immigration a reçu le mandat d’aller de l’avant avec ce programme.

Ma question touche le bassin de candidats potentiels. En ce qui concerne l’immigration francophone, il y a 10 provinces qui se battent pour recevoir des immigrants francophones, afin d’augmenter le poids démographique des francophones dans chacune des provinces.

Quelle est votre implication dans le choix des personnes qui arrivent au pays? Êtes-vous consultés pour déterminer qui ira dans vos provinces respectives? Si vous êtes consultés, à quel moment l’êtes-vous?

J’aimerais que vous nous expliquiez un peu mieux le programme par rapport au ministère de l’Immigration à Ottawa.

Mme Girard : Merci de votre question. En ce qui concerne le Manitoba, comme je l’expliquais plus tôt, nous travaillons en collaboration avec la province pour tout ce qui touche le Programme Candidats du Manitoba. Il y a donc une consultation qui se fait et le CDEM a la responsabilité de choisir les candidats à l’immigration.

On peut penser que les immigrants de langue française vont choisir le Québec d’emblée, mais chaque année, le CDEM se retrouve avec une énorme banque de candidats à l’immigration. Nous n’avons pas les ressources nécessaires pour traiter le dossier de chacune de ces personnes et les accueillir au Manitoba pour une visite exploratoire.

On n’a pas de difficulté à attirer des gens qui veulent venir chez nous. Le problème, c’est d’avoir les ressources nécessaires pour gérer la banque de candidats et les accueillir par la suite.

Cela dit, comme je le mentionnais, les municipalités bilingues du Manitoba souhaitent avoir davantage d’autonomie quant à la sélection de leurs immigrants. Le Programme Candidats des municipalités est certainement un programme qui sera examiné attentivement lorsqu’il sera déployé.

La crainte que nous avons implique la bureaucratie qui vient avec l’administration d’un tel programme. Qu’est-ce qui serait le plus simple dans le fait d’obtenir cette autonomie sur notre immigration? Est-ce qu’il faudrait obtenir davantage d’autonomie auprès de la province pour administrer le Programme Candidats du Manitoba? Ou est-ce que cela peut se passer au moyen du Programme Candidats des municipalités? Ou un mélange des deux?

C’est là où nous en sommes dans nos réflexions. Je suis heureuse d’apprendre que le ministre ira de l’avant avec ce programme, parce que nous nous y intéressons énormément.

M. Doumbia : Je vous dirais que le ministre fédéral ne fait pas de consultation directe avec les membres au Nouveau-Brunswick.

L’organisme qui est le plus proche de nous et qui nous sollicite, c’est probablement le Réseau de développement économique et d’employabilité (RDÉE Canada), qui participe à des missions exploratoires quand il s’agit de la question du recrutement. Le seul moment où une municipalité peut voir de nouveaux arrivants, c’est lors des visites exploratoires, quand les partenariats établis avec certains centres d’accueil ou avec des personnes dans la communauté recevant ces nouveaux arrivants les dirigent vers la municipalité, pour qu’ils puissent prendre connaissance des différents services offerts. À part cela, il n’y a vraiment pas de liens; il s’agit plutôt de traits pointillés qui existent entre les municipalités et le gouvernement fédéral — soit IRCC — à cet effet.

Mme Girard : Pour faire une précision, dans le processus en matière de promotion et de recrutement, le Conseil de développement économique des municipalités bilingues du Manitoba (CDEM) participe aux salons de Destination Canada. Le CDEM accompagne toujours la province et s’assure de faire la meilleure promotion possible auprès des immigrants potentiels d’expression française.

Le président : Merci beaucoup. À mon tour de poser quelques questions, puisque je ne vois plus de questions de la part de mes collègues.

Comme vous le savez sans doute, le mandat du ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté stipule qu’il doit mettre en œuvre une stratégie nationale ambitieuse en matière d’immigration francophone. En vous écoutant et en écoutant les témoins que nous avons accueillis au cours des dernières séances, on a pu constater qu’il y a beaucoup de joueurs en immigration à divers échelons. Certains ont recommandé de décentraliser ou de régionaliser l’immigration.

À titre de municipalités, j’aimerais vous entendre sur la collaboration avec les autres partenaires locaux et régionaux. Est-ce qu’en fait, cette stratégie nationale devrait favoriser une mise en commun sur le plan régional? En d’autres mots, et peut-être que cela existe déjà, est-ce qu’il devrait y avoir du financement pour favoriser la coordination de l’immigration dans les régions, en tenant compte des particularités des régions et des partenaires qui sont directement touchés? Ma petite expérience au Nouveau-Brunswick me dit que les joueurs travaillent souvent en silo. Je ne sais pas quel est votre point de vue à cet effet, et comment le ministère pourrait vous aider à être plus stratégiquement coordonnés avec vos partenaires à l’échelle régionale et locale. La question s’adresse à tous.

M. Doumbia : Monsieur le sénateur, vous avez totalement raison. Comme vous l’avez dit, il y a beaucoup de joueurs dans le secteur de l’immigration, que ce soit des centres d’accueil, des organismes de défense et bien d’autres qui tentent justement d’obtenir du financement pour que les immigrants adhèrent à leur cause. Je vous dirais que la collaboration est un élément clé dans tout cela. Je ne pense pas qu’un programme qui permettrait de mettre tous ces joueurs en commun existe encore. Peut-être graviteraient-ils autour des municipalités, pour leur dire qu’ils veulent travailler dans le domaine de l’immigration et les conseiller sur ce dont les municipalités et les communautés ont besoin pour accueillir des immigrants.

En tant qu’institution, comment pouvez-vous jouer un rôle pour nous aider à combler nos besoins? Peu importe qu’il s’agisse ou non du Programme de candidats municipaux, ultimement, si je prends l’exemple d’un organisme voué à la défense des droits des francophones, celui-ci voudra avoir des immigrants francophones parce que cela augmente le poids de ses revendications auprès des gouvernements. Chacun a un rôle ou une mission auprès des nouveaux arrivants. Puisque c’est dans les municipalités que les nouveaux arrivants viennent s’établir, nous avons un rôle fédérateur à jouer pour amener les joueurs à satisfaire en premier lieu des besoins qui sont propres à nos communautés; ensuite, il faut combler d’autres besoins dans les autres organismes de la communauté.

Mme Girard : Vos conclusions semblent fort pertinentes et intéressantes. La régionalisation de l’immigration est incontournable et fait partie des grandes visées de l’Association des municipalités bilingues du Manitoba (AMBM).

Les municipalités sont l’ordre de gouvernement et les institutions démocratiques qui sont les plus proches du citoyen. Elles ont cette aura parce qu’elles sont des organisations démocratiquement élues, avec un leadership qui est le leur. Elles sont habituées à fédérer d’autres organisations. Du côté du Manitoba, c’est écrit un peu partout qu’elles ne peuvent se déployer qu’en comptant sur la complémentarité des joueurs clés du continuum en immigration. L’AMBM fait déjà partie de la communauté francophone accueillante de la Rivière-Seine comme partenaire municipal. Je pense que votre affirmation de tout à l’heure, monsieur le président, était fort pertinente pour ce qui est de réussir une immigration francophone et régionale, du moins dans la province du Manitoba.

Le président : Est-ce que le financement est le principal frein, ou y a-t-il d’autres facteurs qui font que c’est plus difficile de travailler en collaboration et en concertation?

Mme Girard : Nous en sommes au début dans la plupart des municipalités bilingues rurales. Le fait est que tout est à bâtir, ce qu’il faut mettre en place est énorme, y compris les ressources financières et les ressources humaines. L’une des choses que nous préconisons, c’est d’avoir des ressources humaines décentralisées. Nous envisageons d’avoir des bureaux satellites à l’échelle régionale. Nos municipalités sont de petite taille, donc c’est comme si elles avaient une montagne devant elles. Il s’agit donc d’avoir une structure qui peut les accompagner dans l’établissement de partenariats. Il faut aller chercher des partenaires du secteur privé; je pense au logement, à la connectivité, à Internet et à tout cela. Il s’agit donc d’être des chefs d’orchestre, si l’on veut; oui, on parle de ressources, mais à plusieurs niveaux.

M. Doumbia : Si je peux renchérir, effectivement, les ressources humaines et financières sont un enjeu. Ultimement, si on veut avoir cette aura, il faut des ressources pour aller rencontrer ces personnes et pour avoir des discussions avec les entreprises et la communauté pour créer ces partenariats. Sans ressources, si on met le fardeau uniquement sur les épaules de la municipalité, cela crée une pression sur les ressources qui existent déjà dans nos municipalités, et encore plus dans les municipalités rurales. Comme vous l’avez dit, les ressources financières pourraient être un outil d’accompagnement.

Le président : Merci beaucoup. Je vais maintenant donner la parole au sénateur Dagenais, qui posera sans doute la dernière question de cette séance qui prendra fin bientôt.

Le sénateur Dagenais : Je vais revenir sur un sujet particulier auprès de Mme Girard. On sait qu’Ottawa a fixé des objectifs en pourcentage d’immigration francophone, mais ces objectifs ne sont pas nécessairement en relation avec les particularités provinciales du pays.

Au Manitoba, les immigrants francophones qui choisissent de s’établir dans une municipalité qui compte une communauté francophone sont-ils assurés, peu importe la ville, d’obtenir des services municipaux en français pour qu’ils puissent vivre en français? Si vous avez observé des lacunes, où se trouvent-elles et comment peut-on résoudre la situation? Je sais que ce n’est pas une question facile, mais je vous la pose quand même.

Mme Girard : Je vous remercie de la question. La réponse simple est non. Maintenant, je vais nuancer ma réponse. Les municipalités bilingues du Manitoba sont, avant tout, des municipalités anglophones.

Elles sont avant tout des municipalités anglophones qui ont décidé d’être sensibles au fait français et à leur population francophone et qui ont l’objectif de déployer le plus possible de services municipaux dans les deux langues officielles. Est-ce parfait? Non. Est-ce que cela fonctionne à 100 %? Non. L’un des grands dossiers de l’AMBM est d’ailleurs d’accompagner ces municipalités dans l’augmentation constante de cette prestation de services municipaux dans les deux langues officielles. Présentement, nous travaillons sur un modèle de maturité de services municipaux avec un projet de résolution et un plan d’action pour chacune des municipalités pour l’année à venir. Chacune des municipalités se comparera à elle-même sur plusieurs points spécifiques qui figurent dans le modèle de maturité et se donnera un horizon de temps.

L’AMBM met ce modèle en place pour pouvoir permettre de cheminer, afin que, dans cinq ans, espérons-le, nous soyons à des années-lumière de l’endroit où nous nous trouvons actuellement.

Certaines municipalités sont plus avancées que d’autres. L’Association des municipalités bilingues du Manitoba, depuis au moins 15 ans, offre également des services de traduction. Beaucoup de documents des municipalités sont traduits instantanément. La plupart de nos membres ont les procès-verbaux des séances des conseils municipaux traduits et disponibles dans les deux langues officielles. Il y a encore beaucoup à faire, donc nous assurons cet accompagnement pour offrir davantage sur le plan de la prestation de services. C’est donc là où nous en sommes. Nous sommes toujours en progression, lentement, mais sûrement.

Le président : Madame Girard, madame Barclay, monsieur Doumbia, merci beaucoup de vos interventions et de vos réponses claires à nos questions. Surtout, merci pour le travail que vous faites dans vos régions pour assurer que l’immigration francophone fait partie des stratégies. Nous vous remercions énormément de vos témoignages aujourd’hui.

Chers collègues, je vous remercie d’avoir été là. Je demande aux membres du comité directeur de rester en ligne, puisque nous tiendrons une réunion par la suite. Comme vous le savez, nous allons entreprendre notre étude préalable du projet de loi C-13; le comité directeur va donc se réunir pour proposer une programmation aux membres du comité.

Sur ce, merci beaucoup, bonne fin de journée à tous et à bientôt.

(La séance est levée.)

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