LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES LANGUES OFFICIELLES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le lundi 28 novembre 2022
Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd’hui, à 17 h 21 (HE), avec vidéoconférence, pour effectuer une étude sur l’immigration francophone en milieu minoritaire.
Le sénateur René Cormier (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Chers collègues, je m’appelle René Cormier, sénateur du Nouveau-Brunswick, et je suis le président actuel du Comité sénatorial permanent des langues officielles.
Avant de commencer, j’inviterais les membres du comité présents aujourd’hui à se présenter, en commençant par ma gauche.
La sénatrice Gagné : Raymonde Gagné, du Manitoba.
La sénatrice Clement : Bernadette Clement, de l’Ontario.
Le sénateur Dalphond : Pierre Dalphond, du Québec.
La sénatrice Mégie : Marie-Françoise Mégie, du Québec.
La sénatrice Moncion : Lucie Moncion, de l’Ontario.
Le président : Merci et bienvenue, chers collègues. Nous souhaitons aussi la bienvenue aux téléspectateurs et téléspectatrices du pays qui nous regardent. Je tiens à souligner que les terres à partir desquelles nous vous parlons aujourd’hui font partie du territoire traditionnel non cédé du peuple anishinabe algonquin.
Aujourd’hui, nous poursuivons notre étude sur l’immigration francophone en milieu minoritaire. Notre réunion se divisera en deux parties d’environ 75 minutes chacune. En première partie, nous sommes heureux d’accueillir des représentants des réseaux en immigration francophone. Nous accueillons d’abord le Réseau de soutien à l’immigration francophone de l’Est de l’Ontario (RIF), représenté ici par Brigitte Duguay Langlais, coordonnatrice.
Ensuite, nous avons le Réseau en immigration francophone de la Saskatchewan (RIF-SK), représenté par Ferdinand Bararuzunza, coordinateur du programme.
Nous accueillons également, du Réseau en immigration francophone de la Nouvelle-Écosse (RIFNÉ), Emmanuel Nahimana, gestionnaire.
Enfin, nous avons le Réseau en immigration francophone des Territoires du Nord-Ouest, représenté par la directrice générale de la Fédération franco-ténoise, Audrey Fournier.
Bienvenue à vous tous et toutes, mesdames et messieurs les témoins. Merci d’avoir accepté notre invitation. Nous sommes prêts à entendre vos remarques liminaires, qui seront suivies d’une période de questions de la part des sénateurs et des sénatrices. La parole est à vous, madame Duguay Langlais.
Brigitte Duguay Langlais, coordonnatrice, Réseau de soutien à l’immigration francophone de l’Est de l’Ontario : Merci beaucoup. Monsieur le président, sénateur Cormier, mesdames et messieurs les membres du Comité sénatorial permanent des langues officielles, merci de l’invitation et de nous donner la chance de venir vous parler ce soir.
Si mon témoignage peut vous aider dans vos travaux futurs, afin d’améliorer le dossier de l’immigration francophone au Canada, j’en serai absolument ravie. Tout d’abord, permettez-moi de vous expliquer qui je suis, ce qui vous permettra notamment de me poser diverses questions par la suite, car je suis à votre entière disposition pendant cette comparution et après, au besoin.
Je suis employée depuis un peu plus de huit ans au Conseil économique et social d’Ottawa-Carleton (CESOC), le seul organisme d’établissement en immigration francophone de l’Est de l’Ontario, à l’exception de Kingston, qui a son propre service. Je suis gestionnaire au sein de cet organisme et je suis responsable de trois programmes importants financés par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), soit le Réseau de soutien à l’immigration francophone de l’Est de l’Ontario, comme l’a mentionné le président un peu plus tôt. Nous couvrons le territoire d’Ottawa à Kingston et de Cornwall à Hawkesbury.
Je suis aussi gestionnaire des programmes de la Communauté francophone accueillante (CFA) de Hawkesbury et du Point d’accueil francophone d’Ottawa. Au cours des huit dernières années, j’ai été témoin des pas de géant qui ont été faits dans le dossier de l’immigration francophone par IRCC, et j’ai surtout été témoin du virage d’IRCC en 2020 sur la question de l’immigration francophone. Beaucoup d’efforts et de changements de culture se sont opérés dans certains services du ministère, et ce fut très agréable d’y collaborer, mais il reste encore du travail à faire, et c’est pourquoi je suis ici ce soir.
Pour ma présentation, je tiendrai pour acquis que vous avez déjà une bonne connaissance des doléances en matière d’immigration francophone et de langues officielles. Je m’attarderai donc plus précisément sur certaines solutions. Je vais tenter de respecter le temps de parole prescrit — on m’a dit que j’avais environ cinq minutes —, mais je suis disponible pour répondre à toute autre question par la suite.
J’aimerais d’abord vous donner ma perception ou ma vision sur l’atteinte des cibles. Pour moi, il faut que les décisions s’harmonisent. On a beau tenir des discours politiques à Ottawa, avoir de grandes visions et rêver de changements, mais je pense que la solution réside dans le fait que ces visions, ces discours, ces impressions doivent se rendre jusque sur le terrain. Pour moi, c’est là où le bât blesse dans toute la structure.
Lorsqu’on parle d’immigration francophone et de priorisation de l’immigration francophone, il faut que cela se rende jusqu’à nos employés dans les ambassades du Canada à l’étranger, dans les bureaux de recrutement et aux gens qui font du recrutement dans les camps de réfugiés. Il faut repenser les pays dans lesquels on fait du recrutement. Il faut repenser le positionnement des bureaux de recrutement à l’étranger. Ils se trouvent pratiquement tous dans des pays anglophones ou à allégeance anglophone. Il faut que la chaîne aille jusqu’au bout lorsqu’il y a une volonté politique dans ce domaine. Voilà mon point de vue.
Vous avez mentionné que vous vouliez avoir des opinions sur ce que seraient les facteurs favorisant l’immigration francophone et toute la question de la communauté francophone, de la pérennité, etc. Je sais que je n’aurai pas l’air originale, mais le mot-clé est « investissement ». L’initiative des communautés francophones accueillantes (CFA) représente un bel exemple d’investissement réussi de la part du gouvernement fédéral en matière d’accueil et de rétention des immigrants francophones dans nos communautés.
Je suis gestionnaire de la CFA de Hawkesbury et on a un succès incroyable, qu’on n’aurait même jamais pu imaginer. Les gens partent de leur pays d’origine pour s’installer à Hawkesbury. Pour ceux qui connaissent cette communauté, c’est tout petit. On délaisse les grands centres et on part de notre pays d’origine pour venir s’installer là. Pour moi, c’est une marque de réussite. Je parle de notre CFA et je sais qu’il y a également d’autres réussites dans d’autres provinces et territoires. Nous souhaitons que la CFA passe de projet pilote à programme permanent à IRCC. Il faudra aussi trouver d’autres projets de cette envergure et de cette qualité.
Les facteurs qui peuvent nuire à toute la question — et j’ai beaucoup d’exemples —, j’en ai simplement choisi quelques-uns pour vous. Parmi les facteurs qui peuvent être nuisibles, il y a toute la question de la lourdeur administrative. Je ne m’attarderai pas à faire mes doléances à cet effet, car vous en entendez sûrement parler depuis très longtemps. On se plaint sur le terrain de la lourdeur administrative qui existe dans tous les ordres de gouvernement.
Quand le gouvernement fédéral s’engage dans différentes stratégies d’urgence, comme en Afghanistan et en Ukraine, il doit aussi prendre en compte les investissements en matière de ressources humaines. Au cours de l’année qui vient de s’écouler, on a vu que notre pays s’est engagé dans des crises urgentes à l’échelle internationale. C’est bien, mais en même temps, on a ressenti que nos ressources ont été réinvesties ailleurs. Quand on s’investit dans des situations de crise, il faut utiliser les ressources qui viennent avec et laisser sur le terrain les ressources avec lesquelles on travaille et qui nous aident à régler cette question.
Il y a un autre facteur. Je ne sais pas à quel point vous pouvez apporter des changements, mais quand on parle de problèmes en matière de logement au Canada — et là aussi cela aura l’air redondant —, je peux vous donner plusieurs exemples qui montrent que les problèmes de logement nuisent à tout le processus d’immigration. Que ce soit dans nos CFA ou dans d’autres projets, il faut se pencher sur le problème du logement en tenant compte de l’immigration.
Le ministre de l’Immigration doit faire preuve de leadership auprès de ses collègues. Souvent, on se fait dire par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada qu’ils ne financent pas le logement, mais il y a des collègues de M. Sean Fraser qui s’occupent de la question des logements. Il faut que cette question soit traitée par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada.
Le président : Je vous suggère de conclure bientôt. Vous avez amplement dépassé votre temps de parole. Vous aurez l’occasion d’ajouter des éléments au moment de la période des questions. Je vous laisse conclure.
Mme Duguay Langlais : Merci. La seule chose que je voudrais voir, c’est la question de l’immigration francophone traitée de façon longitudinale par le gouvernement. C’est un projet de société qui appartient à tous les ministères. On ne peut plus se tourner vers le ministère du Travail, du Développement social ou de la Santé et dire que le dossier de l’immigration appartient à IRCC. Ce n’est pas vrai. Il faut cesser de politiser ce dossier. Merci.
Le président : Merci beaucoup. Nous allons poursuivre avec M. Bararuzunza, du Réseau en immigration francophone de la Saskatchewan.
Ferdinand Bararuzunza, coordinateur du programme, Réseau en immigration francophone de la Saskatchewan : Merci de me donner la parole. Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, c’est un grand plaisir de partager avec vous ces différents défis que nous allons présenter pour la Saskatchewan. Je m’appelle Ferdinand Bararuzunza et je suis coordinateur du programme au Réseau en immigration francophone de la Saskatchewan (RIF-SK).
Le Réseau de soutien en immigration francophone de la Saskatchewan est une table de concertation en immigration francophone rassemblant 18 organismes communautaires francophones, qui sont tous engagés à fournir des services directs ou indirects liés au recrutement, à l’accueil, à l’établissement et à l’intégration de nouveaux arrivants francophones, bien entendu, dans la perspective de les retenir comme un fondement de la vitalité des communautés francophones de la province.
Plusieurs secteurs sont couverts, y compris les dossiers politiques, l’accueil et l’établissement, la santé, l’accès aux emplois, l’enseignement, l’encadrement de la jeunesse, les services juridiques, le soutien aux enfants et aux parents, la culture et les services aux aînés.
Quelle est la situation des immigrants francophones en Saskatchewan? Elle peut se résumer à un certain nombre de défis majeurs. Je pourrais vous parler de six principaux défis. Premièrement, l’immigration francophone connaît une baisse de natalité naturelle en Saskatchewan à cause du vieillissement général de la population. Deuxièmement, la province souffre d’un taux de mortalité lié au vieillissement de la population qui pèse également sur le poids démographique. Troisièmement, la communauté fransaskoise subit un exode assez élevé lié à l’attraction exercée par d’autres provinces.
Quatrièmement, la communauté connaît le phénomène de l’assimilation linguistique en raison de la force d’attraction de la langue anglaise. Cinquièmement, nous observons un grand nombre d’étudiants qui se voient refuser des visas pour la principale raison qu’ils ne justifient pas suffisamment qu’ils vont retourner chez eux après leurs études. Sixièmement, le traitement des dossiers d’immigration pour nos clients francophones, qui était déjà lent en période normale, est encore plus ralenti en raison des dossiers des nouveaux arrivants ukrainiens, ce qui pourrait créer de la frustration.
En conclusion, pour que l’immigration puisse exercer un impact concret, il faudrait que la Saskatchewan reçoive beaucoup plus d’immigrants francophones qu’elle ne le fait actuellement.
Les étapes ayant trait à l’immigration sont essentielles et doivent être entretenues afin d’assurer le succès de l’immigration francophone. Recrutement à l’international, appui prédépart, octroi de visas, services d’accueil à l’arrivée et services d’intégration, toutes ces étapes doivent être bien livrées, sinon le processus peut échouer. L’enracinement à long terme dépend de plusieurs facteurs : la capacité à gagner sa vie avec dignité; l’accès au logement adéquat dans les milieux sociaux favorables aux enfants et aux jeunes; le développement de liens sociaux et politiques dans la communauté d’accueil.
Le Réseau de soutien en immigration francophone de la Saskatchewan est convaincu que l’immigration francophone est un outil déterminant pour continuer à développer la francophonie en Saskatchewan. La communauté, avec son réseau d’organismes francophones, œuvre en ce sens depuis près de 20 ans. Nos organismes sont engagés auprès de la population immigrante. L’Assemblée communautaire fransaskoise, le Service d’accueil et d’inclusion francophone de la Saskatchewan, la communauté francophone accueillante et tous les membres du RIF-SK sont prêts à collaborer avec le gouvernement du Canada pour mettre en œuvre les recommandations suivantes.
Premièrement, l’accroissement de la capacité d’IRCC à traiter les demandes de visa et d’immigration dans les pays francophones. Deuxièmement, la création d’un volet francophone pour la catégorie de parrainage familial. Troisièmement, l’établissement d’une passerelle vers la résidence permanente pour les travailleurs temporaires et les diplômés francophones. Il y a des travailleurs temporaires et des diplômés de collèges et d’universités du Canada qui subissent des délais déraisonnables avant d’obtenir leur statut de résident permanent. Quatrièmement, nous proposons la levée de certaines barrières pour faciliter la venue d’un grand nombre d’étudiants internationaux francophones.
Cinquièmement, il est important que les provinces et territoires donnent un volet francophone à leurs programmes de nomination. Par exemple, la Saskatchewan joue un rôle majeur au moyen de ses programmes de nomination, mais elle n’a aucune cible pour l’immigration francophone et n’a pas de mécanisme visant à mettre les immigrants francophones en contact avec les ressources de la communauté. Sixièmement, il faudrait établir un programme d’immigration économique francophone arrimé aux besoins des communautés. Septièmement, il faudrait donner un meilleur appui à la réinstallation des réfugiés provenant de pays africains francophones. Huitièmement, il faudrait appuyer les communautés d’accueil dans leurs efforts en matière d’immigration. Cet appui prend plusieurs formes : la promotion de la province à l’étranger, la mobilisation des employeurs envers le recrutement, le rôle des communautés dans la sélection des immigrants, le remboursement des services d’accueil et d’établissement déjà en place, l’arrimage des programmes des communautés francophones accueillantes, et ainsi de suite.
Enfin, nous proposons d’augmenter le nombre de facultés francophones à l’Université de Regina, afin de répondre aux besoins en formation universitaire des lauréats des diverses écoles secondaires francophones...
Le président : Je vais vous demander de conclure, s’il vous plaît.
M. Bararuzunza : C’était ma dernière recommandation. Je vous remercie et je suis ouvert à répondre à diverses questions.
Le président : Merci, monsieur Bararuzunza. Vous aurez l’occasion de donner plus d’information pendant la période des questions.
Monsieur Nahimana, la parole est à vous. Puisque vous n’avez pas de casque d’écoute adéquat pour le service d’interprétation — vous allez faire votre présentation en français —, il n’y aura pas d’interprétation en anglais.
On m’informe que s’il n’y a pas d’interprétation, on ne peut pas recevoir votre témoignage.
Je suis désolé, monsieur Nahimana. Malheureusement, vous n’avez pas le casque d’écoute et il le faut absolument pour avoir l’interprétation dans les deux langues officielles. Nous ne pourrons donc pas recevoir votre témoignage. Nous vous encourageons à envoyer au comité par écrit vos recommandations, vos commentaires et votre témoignage. Vous pouvez cependant rester en ligne avec nous pour entendre ce que diront vos collègues.
Je donne maintenant la parole à Mme Audrey Fournier, directrice générale de la Fédération franco-ténoise du Réseau en immigration francophone des Territoires du Nord-Ouest.
Madame Fournier, bienvenue parmi nous. La parole est à vous.
Audrey Fournier, directrice générale, Fédération franco-ténoise, Réseau en immigration francophone des Territoires du Nord-Ouest : Bonsoir et merci beaucoup de l’invitation. J’aimerais saluer tous les membres du comité sénatorial.
Je suis directrice générale de la Fédération franco-ténoise. Nous sommes l’organisme responsable du Réseau en immigration francophone des Territoires du Nord-Ouest.
Le réseau a été créé en 2010 et agit comme table de concertation auprès des 14 membres qui travaillent en immigration francophone de façon directe ou indirecte dans les Territoires du Nord-Ouest. On s’occupe d’améliorer le continuum de services en immigration francophone chez nous. Il y a déjà beaucoup de choses que vous avez entendues, j’en suis certaine. Je vais essayer de faire ressortir le contexte particulier du Nord et des régions éloignées, comme celles dans laquelle nous sommes.
Nous avons des défis liés à la taille, puisque notre communauté est très petite, et au coût de la vie très élevé par rapport à d’autres régions du Canada. Comme à plein d’autres endroits au Canada, il y a un très grave manque de logements qui nuit à l’immigration et à tous nos projets.
À ce sujet, je pense qu’on aimerait voir davantage de souplesse dans la façon dont les communautés et les organismes communautaires peuvent utiliser les fonds qui proviennent d’IRCC pour réaliser leur mandat. On aimerait notamment être en mesure de les utiliser non seulement auprès des résidents permanents, mais aussi des travailleurs temporaires. Comme je le disais, la communauté est petite, et on ne peut pas se permettre de répondre à une toute petite portion de ceux qui arrivent chez nous. Il y a même une bonne demande d’immigrants à l’intérieur du Canada. Pour réussir à s’intégrer chez nous, cela représente un défi.
On aimerait aussi voir des améliorations en ce qui concerne la charge de travail demandée aux organismes, comme sur le plan de la reddition de comptes. On pense que l’impact sur le terrain pourrait facilement être multiplié si l’on réduisait la lourdeur administrative imposée aux organismes qui travaillent en immigration.
Ensuite, de façon plus large, il y a un nouveau programme dans les Territoires du Nord-Ouest qui a été mis en place par le gouvernement territorial et qui cible les francophones. C’est vraiment une avancée que l’on salue dans les Territoires du Nord-Ouest, et on a hâte de voir l’impact de tout cela. Par contre, il faut beaucoup de temps pour voir les résultats sur le terrain. Pour l’instant, on parle d’à peu près 10 mois à presque un an pour le traitement des dossiers. On aimerait voir, du côté d’IRCC, une augmentation de la capacité à traiter les demandes et une réduction du délai de traitement, pour qu’il y ait un impact réel chez nous et pour aider à gérer la pénurie de ressources humaines.
Enfin, on pourrait donner du soutien aux employeurs; c’est quelque chose qui est absent pour le moment chez nous.
Je vais m’arrêter ici. Je suis certaine qu’il y aura d’autres moments pour parler des particularités qui existent chez nous.
Le président : Merci aux trois témoins. Vous avez fait des présentations claires. Les défis sont identifiés clairement et les recommandations sont assez claires également.
Nous allons passer à la période des questions.
La sénatrice Gagné : Merci, mesdames et messieurs, d’être avec nous ce soir. Je veux vous remercier aussi de vos présentations, car je considère que vous avez une belle vue d’ensemble de ce qui se passe sur le terrain. Pour nous, c’est très utile d’entendre vos perspectives, afin d’être en mesure de rédiger ensuite un rapport qui les reflète.
Ce que j’entends, c’est que le défi est grand. Actuellement, le Canada a eu beaucoup de difficulté à atteindre ses cibles. Ce qui est prévu, c’est 4,4 % d’immigrants d’expression française à l’extérieur du Québec d’ici 2023, et nous en sommes presque à 2023.
La FCFA recommande d’établir des cibles de rattrapage croissantes et plus ambitieuses, qui vont de 12 % en 2024 à 20 % en 2036. Je crois que le ministre d’IRCC a quand même mentionné que le gouvernement canadien veut augmenter à 500 000 le nombre d’immigrants pour l’an prochain.
Est-ce que vous êtes prêts à accueillir un nombre grandissant d’immigrants si on réussit à respecter les cibles, ou encore là, si le gouvernement est prêt à établir des cibles de rattrapage croissantes, comme je l’ai mentionné plus tôt, soit de 12 % en 2024, puis de 20 % en 2036?
J’aimerais vous entendre à ce sujet.
Mme Duguay Langlais : Je peux peut-être y aller avec une réponse très claire.
Pour nous, la réponse est oui. Je travaille surtout dans des milieux ruraux de la région. Nos écoles sont menacées, la pérennité de notre francophonie est menacée, donc oui, nous sommes prêts.
Cependant, il y a un bémol : c’est oui tant et aussi longtemps que le gouvernement fédéral traitera parallèlement le dossier du logement. C’est tout aussi important ou c’est très tributaire, et c’est là que réside la réussite de l’immigration. Il faut que le dossier du logement soit abordé très sérieusement au Canada, parce que cela nuit à tout le reste.
Si nous sommes prêts, si nos infrastructures sont là, nos écoles, notre communauté et tout cela, moi, dans mon coin de pays, dans l’Est de l’Ontario, je dis oui.
Mme Fournier : C’est la même chose de notre côté; je dirais que oui.
Je pense que la FCFA propose une cible progressive qui laissera aux communautés le temps de s’organiser pour répondre à la demande.
De notre côté, il y a le Centre interculturel TNO, qui regroupe les services en immigration tant francophones qu’anglophones. C’est vraiment un atout incroyable sur lequel nous pourrons bâtir, qui nous permettra d’augmenter notre capacité et de répondre à cette demande.
J’ajouterais que, étant donné que nous avons une Loi sur les langues officielles dans les Territoires du Nord-Ouest, le français est une langue officielle, donc le gouvernement a une obligation de fournir des services.
Nous partageons un objectif commun avec le gouvernement territorial, qui est d’avoir accès à des ressources humaines bilingues. C’est très important pour que le gouvernement soit en mesure de répondre à ses obligations et d’offrir des services en français.
Je pense que si l’arrivée d’immigrants se produisait, non seulement les communautés seraient capables de s’organiser, mais je pense que le gouvernement territorial serait aussi en mesure d’appuyer cette nouvelle demande.
Je veux aussi appuyer ce que ma collègue Mme Duguay Langlais a dit par rapport au logement. De toute évidence, je suis tout à fait d’accord pour dire que c’est un enjeu qui doit être réglé parallèlement.
Je dirais aussi qu’il est important de collaborer avec les prestataires de services fédéraux sur le terrain. On a besoin de voir un maillage et une collaboration ancrée sur le terrain pour que le continuum se déroule comme prévu. Merci.
M. Bararuzunza : L’accroissement de la population francophone, notamment grâce à l’immigration francophone, est un rêve pour le Réseau en immigration francophone de la Saskatchewan.
Nous comptons effectivement favoriser l’épanouissement de la population francophone, y compris les immigrants francophones et les nouveaux arrivants francophones, à partir de cet élément.
À la question de savoir si nous sommes prêts à accueillir ces personnes, si c’est possible, bien entendu, nous répondons oui. Naturellement, cette réussite pourrait se produire conjointement avec l’accroissement de l’investissement de la part d’IRCC et du gouvernement de la Saskatchewan, mais aussi avec un plus grand engagement politique fédéral. Je vous remercie.
La sénatrice Mégie : On parle beaucoup des cibles qui ne sont pas atteintes et tout cela. Selon vous, à quelle fréquence la cible devrait-elle être établie, annuelle ou pluriannuelle? Est-ce qu’elle devrait être adaptée à la réalité de vos provinces? Si oui, quelle est cette réalité? La personne qui répondra pourrait parler de la réalité de sa province.
M. Bararuzunza : La raison pour laquelle la cible annoncée de 4,4 % n’est pas atteinte n’est pas liée au fait qu’elle est programmée de façon pluriannuelle. Le fait de la programmer annuellement en soi n’est pas non plus une solution. La grande question est la suivante : pourquoi n’a-t-on pas atteint cette cible, et qu’est-ce qu’on pourrait faire pour l’atteindre?
Je dirais franchement que le gouvernement fédéral et IRCC pourraient en faire beaucoup dans le recrutement international à travers les programmes pour les étudiants internationaux et pour nous aider à les retenir au pays une fois qu’ils ont fini leurs études. Dans le cas de la Saskatchewan, nous disons que les étudiants internationaux qui terminent leurs études, nous avons envie de les retenir comme fondement de la vitalité des communautés francophones.
Le fait de ne pas atteindre cette cible pourrait plutôt se corriger au moyen des programmes que nous avons déjà proposés, comme le recrutement international et probablement le recrutement des réfugiés. Il y a des ressources dans certains pays où l’on pourrait effectivement aller chercher un nombre remarquable de réfugiés francophones qui sont hautement qualifiés dans des pays en situation de guerre, comme les pays de la région des Grands Lacs. Ce serait possible d’amener beaucoup de personnes et d’atteindre cette cible.
À partir de cet engagement politique, mais aussi à partir des actions concrètes que nous avons déjà proposées, Mme Fournier, Mme Duguay Langlais et moi, on peut programmer la cible de façon pluriannuelle, mais l’ajuster chaque année en évaluant ce que nous aurons déjà fait. On ne peut pas attendre trois ou quatre ans pour évaluer le programme.
Mme Duguay Langlais : Pour moi, tout cela a très peu d’importance : annuel, pluriannuel, provincial, fédéral, consultation... Chaque province a sa cible et le gouvernement fédéral a sa cible. Il faut juste arrêter de politiser l’immigration francophone et la voir plutôt comme un projet de société, peu importe le parti politique, le gouvernement et l’ordre de gouvernement. Il faut que tout le monde voie ce dossier comme une responsabilité personnelle ou une responsabilité de son ministère.
Je suis très heureuse d’être ici aujourd’hui, parce que je me dis qu’un groupe de sénateurs a décidé de se pencher sur la question de l’immigration francophone. Cela fait partie aussi de vos responsabilités; il s’agit de l’avenir de notre Canada, de notre francophonie.
J’ai assisté à d’autres forums où j’ai été témoin et où on a utilisé mes propos pour se lancer des fleurs ou pour dénigrer un autre parti politique. On a un peu l’impression d’être ballotté ou utilisé, et c’est presque frustrant. Je veux que cela cesse, ces guerres de partis et de politique. Arrêtez tout cela.
Chaque ministère doit avoir son champion en matière d’immigration francophone qui doit dire : « J’ai un mandat. » Le premier ministre devrait l’inclure dans les lettres de mandat qui doivent aider M. Sean Fraser à atteindre ses objectifs, puis ses cibles. Seul, le ministère n’y arrivera jamais et la région n’y arrivera pas. Si ce n’est pas un projet de société, peu importe les cibles, la FCFA et tous les rapports que vous voudrez... Il faut que tout le monde travaille ensemble.
M. Bararuzunza : J’ajouterais que, dans le cas de la Saskatchewan — on le dit très souvent et on n’arrête pas de le dire —, il y a un autre problème spécifique lié au départ des jeunes francophones qui terminent l’école secondaire. L’Université de Regina n’est pas véritablement bilingue. Il y a une Faculté des lettres, comme vous le savez. Cependant, il faudrait y ajouter beaucoup d’autres facultés, comme les sciences économiques, le droit et la médecine, comme on le voit à Ottawa, pour que nos lauréats puissent penser à étudier en Saskatchewan dans le but de travailler en Saskatchewan.
Le sénateur Dalphond : Merci beaucoup à nos invités. C’est toujours très utile, car ils sont sur le terrain et nous apportent des connaissances que nous n’avons pas.
Ma question s’adresse à Mme Duguay Langlais, mais avant d’y arriver, je voudrais juste poursuivre sur la réponse qui vient d’être donnée par M. Bararuzunza, qui parlait des étudiants francophones qui ne peuvent pas aller à l’université.
Donc, où vont-ils? En Colombie-Britannique en anglais, à Ottawa en français ou au Québec? Que font-ils? Vont-ils au Nouveau-Brunswick?
M. Bararuzunza : À gauche, à droite, en Alberta, en Ontario, au Québec, partout où ils s’inscrivent, avec le risque d’y rester, bien sûr.
Le sénateur Dalphond : Ma question s’adresse maintenant à Mme Duguay Langlais.
Vous êtes dans une situation un peu privilégiée par rapport à vos collègues des autres provinces. Vous êtes dans l’Est de l’Ontario, une région où il y a une masse francophone critique. Est-ce que vous avez les mêmes problèmes que ceux qu’ont décrits les autres régions?
Vous avez parlé aussi de beaux projets qui ont su attirer de l’intérêt à l’étranger; pourriez-vous nous en dire plus?
Mme Duguay Langlais : Je vais commencer par votre deuxième question, parce qu’elle est plus rapide et que c’est plus facile d’y répondre.
En fait, lors de la deuxième partie de la réunion d’aujourd’hui, certains de mes collègues de partout au pays vont venir vous parler des communautés francophones accueillantes; c’est exactement de ce projet dont je parle.
L’initiative des communautés francophones accueillantes est un projet pilote qui a été mis sur pied par IRRC dans 14 communautés partout au pays. Dans ma région, on a choisi Hawkesbury. Il s’agit vraiment d’investir de l’argent dans la communauté pour qu’elle devienne une communauté accueillante en ce qui a trait à l’immigration francophone.
C’est un projet pilote de trois ans qui a été prolongé d’une année à cause de la pandémie. Cela fonctionne très bien. Chez nous, en tout cas, on a vu des succès.
Vous parliez d’une masse francophone; en fait, je suis de la région de l’Ontario.
Le sénateur Dalphond : Quand vous dites que vous avez vu des succès, pourriez-vous nous donner des chiffres? Est-ce 10 personnes, une centaine de personnes? De quelle magnitude parle-t-on?
Mme Duguay Langlais : Vous voulez savoir de quelle ampleur il s’agit?
En fait, nous avons déjà accueilli des gens. L’objectif du projet n’était pas d’accueillir des gens. Nous n’étions pas dans le recrutement. Nous étions en train de préparer notre communauté pendant trois ans pour qu’elle devienne une communauté qui accueille des gens. L’objectif du projet n’était pas le recrutement. Toutefois, étant donné qu’on a un bon système de communication, le projet a permis de recruter des gens sans nécessairement y accorder trop d’attention.
Il est intéressant de voir que les gens qui croient à l’immigration depuis longtemps sentent qu’il y a un accueil, une acceptation, qu’ils ont moins peur de l’étranger et de la différence. Ils osent la maladresse, si je peux m’exprimer ainsi. J’utilise souvent cette expression, « oser la maladresse ». On peut parler, on peut poser des questions, on est curieux de savoir qui est notre voisin, qui est cette nouvelle personne qui est venue s’installer dans notre communauté. Nous avons beaucoup été témoins de cela.
Le centre culturel a développé une programmation multiculturelle. Beaucoup d’initiatives ont été réalisées, ce qui fait que les gens qui arrivent dans ces communautés sont heureux. C’est une toute petite région, mais l’emploi ne pose pas de problème, malgré le fait qu’il y a une grande pénurie d’emplois même dans cette petite région. J’ai l’impression que vous allez entendre parler davantage des CFA tout à l’heure. Vous constaterez à quel point c’est crucial et important.
J’aimerais prendre quelques minutes pour vous répondre au sujet de la masse critique francophone. En effet, j’ai les mêmes problèmes, parce que notre grande masse critique francophone se trouve à Ottawa. Ottawa est l’une des villes avec lesquelles nous travaillons, mais nous travaillons aussi avec des villes comme Cornwall, par exemple. En passant, je fais un petit coucou à madame la sénatrice Clement, qui était notre alliée depuis toujours à Cornwall.
À Cornwall, il y a du travail à faire pour ce qui est de l’augmentation et de la solidification de la francophonie. Kingston fait aussi partie de notre territoire. Ottawa offre beaucoup de services, mais pour tout le reste de notre territoire, nous avons énormément de travail à faire. J’ai les mêmes défis que mes collègues, à l’exception de ce que M. Bararuzunza a dit tantôt. En ce qui a trait à l’éducation, nous sommes très choyés dans notre région. Nous avons des établissements postsecondaires francophones de qualité.
Le président : Quelqu’un d’autre veut-il répondre au sénateur Dalphond? Ça va? D’accord.
La sénatrice Moncion : Ma question concerne surtout la planification qui se fait autour de l’immigration.
Quel genre de planification faites-vous? En effet, c’est bien beau de vouloir accueillir des francophones qui arrivent dans nos villes, mais si on n’a pas de logements pour eux, si on n’a pas de place pour eux, où va-t-on les accueillir?
Je voudrais savoir quel genre de planification se fait. Le ministre d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada dit qu’il va attirer 500 000 immigrants ici, au Canada, mais est-ce qu’on fait une planification? Est-ce qu’on détermine, par exemple, qu’on a besoin de 25 personnes dans telle ville, de 40 dans une autre et de 75 dans une autre? Est-ce qu’on fait ce genre de planification ou est-ce qu’on envoie des fonds dans les communautés sans savoir si les besoins et les capacités des différentes communautés sont suffisants?
J’aimerais savoir si une étude a été menée sur les besoins et les capacités de chacune des communautés, afin que l’immigration soit non seulement ciblée, mais qu’elle se fasse de façon stratégique.
Y a-t-il une étude ou un travail qui a été fait en ce sens dans vos différents regroupements?
Le président : Qui veut répondre à cette question?
Mme Duguay Langlais : Je vais tenter d’y répondre. Je vais demander l’aide de mes collègues. Je sais qu’une étude a été publiée à ce sujet. Je ne sais pas si mes collègues sont au courant de cette étude.
Une étude qui va dans le même sens que le point que vous avez soulevé a été publiée récemment, sénatrice Moncion.
Je vais faire des recherches et j’enverrai cette étude à la greffière pour qu’elle vous la transmette. J’ai un trou de mémoire quant à la provenance de cette étude.
Peu importe l’étude, cela dépend de la façon dont sera évaluée notre capacité d’accueil. Si on décide d’évaluer notre capacité d’accueil par rapport aux besoins, nous n’avons pas de capacité en matière de logement. C’est effrayant, parce que nous avons des besoins à cet égard. Je mets les deux choses sur le même pied. Je ne sais pas à qui il faut le dire, mais il faut que l’immigration s’associe au logement, parce qu’on ne réussira pas nos projets de société. On ne réussira pas nos projets d’immigration.
Je travaille beaucoup dans le milieu rural et nos communautés sont extraordinaires. Elles sont innovatrices. Vous ne pouvez pas imaginer la gymnastique qu’elles font pour trouver des façons d’accueillir et de loger ces gens. C’est beau à voir, mais cette responsabilité ne relève pas des municipalités ou des individus de la communauté.
Nous pensons à toutes sortes de solutions, mais à un moment donné, nous sommes épuisés par rapport aux diverses solutions que nous pouvons apporter. Cela nous fait peur. Nous sommes prêts à accueillir ces gens, mais nous n’avons pas suffisamment de logements.
Le président : Merci, madame Duguay Langlais. Madame Fournier, avez-vous des commentaires à ajouter?
Mme Fournier : En fait, notre organisation a mené deux études, dont une qui a été publiée récemment. Cette étude n’aborde pas, comme vous l’avez dit, les enjeux de planification, mais elle vise à faire connaître le parcours des nouveaux arrivants dans notre région et les tendances actuelles en matière d’immigration francophone dans les Territoires du Nord-Ouest.
Une autre étude sera publiée au printemps prochain. Cette étude vise l’ensemble des Prairies, soit les régions de l’Ouest et du Nord, notamment le Manitoba, l’Alberta, la Saskatchewan et le Nunavut, qui est plus à l’est, mais qui fait partie du Nord. L’étude traitera de données qui seront très intéressantes.
Le point que vous avez soulevé est tout à fait pertinent. Je pense que, effectivement, il n’y a pas de planification à l’échelle canadienne. C’est un peu ce que l’on reproche à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, c’est-à-dire la façon dont le ministère gère l’immigration actuellement. Il y a des programmes généraux d’immigration qui essaient simplement d’aller chercher le plus de francophones possible ou d’ajouter une partie francophone en traduisant des documents, par exemple. Les programmes ne sont pas du tout stratégiques et ils ne sont pas ciblés en fonction des besoins et des priorités de chaque région et de l’ensemble du Canada. C’est vraiment quelque chose qui devrait être fait également.
Je vous appuie donc dans vos démarches.
Le président : Est-ce que M. Bararuzunza veut intervenir? Monsieur Bararuzunza, la parole est à vous.
M. Bararuzunza : En fait, j’aimerais ajouter que des études sont disponibles en Saskatchewan, dont une qui a été menée l’année dernière. C’est une étude qui traitait de la région des Prairies et des Territoires du Nord-Ouest.
Cette année, il y a aussi une étude en cours, mais je dois vous dire que la plupart des études qui ont été publiées à partir de 2018 traitent du recrutement, de l’établissement, de l’intégration et de la rétention des francophones dans nos provinces.
La planification, au sens large du terme, y compris la planification du logement, c’est une question qui devrait être intégrée dans des études menées conjointement avec un certain nombre de ministères. Ce n’est pas seulement une étude qu’IRCC devrait être le seul à étudier. La question du logement va se traiter en collaboration avec les autres ministères qui ont cette question dans leurs responsabilités.
Vos préoccupations sont donc fondées. Il faut qu’il y ait une planification conjointe. Comme Mme Duguay Langlais l’a dit, la planification n’est pas seulement du ressort d’IRCC. Il faut qu’IRCC soit appuyé par d’autres ministères, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux.
Le président : Madame Duguay Langlais, vous vouliez ajouter un commentaire?
Mme Duguay Langlais : C’est exactement ce que M. Bararuzunza vient de dire. D’autres ministères ont une responsabilité dans ce genre d’étude.
Le président : Merci beaucoup.
La sénatrice Clement : Tout d’abord, bonjour à tous les témoins. Je vous remercie d’être des nôtres.
Je fais un petit coucou à Mme Duguay Langlais. Je ne suis pas du tout surprise de vous voir ici comme témoin experte. J’ai une première question qui s’adresse à vous, madame Duguay Langlais.
J’aurai ensuite une question pour les trois témoins.
Madame Duguay Langlais, vous avez dit dans vos commentaires qu’on devrait peut-être repenser le positionnement des bureaux à l’international, mais vous avez aussi dit qu’on devrait repenser les pays que l’on vise dans le programme de recrutement. J’aimerais avoir plus de détails là-dessus.
Ma deuxième question s’adresse à tous les témoins sur le plan des réseaux. Vous avez toutes sortes de partenaires et certains ont plus de ressources que d’autres. Si on parle d’investissements, où devrait-on mettre ces investissements exactement? Qui a besoin de plus de ressources dans ces réseaux?
Ce sont vraiment des organismes communautaires. Vous avez parlé de tout le travail de reddition de comptes. Que devrait-on viser pour les investissements? Je comprends la question du logement, mais j’aimerais exclure le logement de ma question.
Mme Duguay Langlais : Jusqu’à 2020, il n’y avait qu’un seul programme d’appui consacré à la réinstallation des réfugiés francophones au Canada, un seulement comparativement à plusieurs dizaines de programmes anglophones partout au pays. À Cornwall, depuis 2020, il y a un deuxième programme d’appui à la réinstallation des réfugiés francophones. Cela a été une célébration, on était heureux, je dis « on », parce que c’est mon organisation hôte, le Conseil économique et social d’Ottawa-Carleton (CESOC), qui coordonne ce projet.
Après un an et demi d’ouverture, il y avait un port francophone à Cornwall et nous n’avons reçu aucun réfugié francophone. On s’est demandé ce qui se passait. On a fait une intervention auprès d’IRCC et on dirait qu’on a réveillé des gens qui étaient sur le terrain et qui ne savaient probablement pas que nous parlions français à Cornwall.
Ils recrutaient dans des camps de réfugiés ailleurs. Depuis ce temps, on a des dizaines de personnes, notamment du Congo, des gens qui viennent de camps de réfugiés. Il faut que tout cela soit repensé en priorité par le gouvernement fédéral. Il faut comprendre la nouvelle culture qui existe, sinon le bureau de recrutement continue de fonctionner comme si on était en 1990 ou 2005. Il faut faire la connexion sur le terrain avec le choix des pays et l’endroit où ces bureaux sont installés. On m’a dit que le Canada a 23 bureaux de recrutement à l’étranger et un seulement est situé dans un pays francophone. Je ne sais pas si c’est exact, mais je sais que la proportion est réaliste. Aujourd’hui, avec la nouvelle philosophie du gouvernement fédéral et d’IRCC, ça ne peut plus être comme ça. Est-ce que quelqu’un a pensé à une révision?
Je peux peut-être en profiter pour poursuivre avec la deuxième question, et après je laisserai mes collègues intervenir. En fait, vous savez qu’IRCC a mis en place le parcours d’intégration francophone. On prend le nouvel arrivant dès le prédépart. Il y a un nouveau projet francophone où l’on offre un service avant même l’arrivée au Canada à des immigrants francophones qui veulent s’installer au Canada jusqu’à la citoyenneté. Selon les régions du Canada, le parcours est plus ou moins fractionné. Le sénateur le disait tout à l’heure en parlant de ma région.
Je suis très chanceuse chez nous. Dans l’Est ontarien, mon parcours n’est pas très fractionné. En fait, je veux dire que j’ai des services offerts en français à chacun des petits arrêts dans le parcours : l’établissement, l’employabilité, le logement et l’éducation des enfants. J’ai de belles écoles, j’ai tout cela dans mon territoire.
Cependant, il y a des régions au Canada où le parcours fait pitié et où il y a un ou deux services entre le prédépart et l’obtention de la citoyenneté. On devrait investir pour que le parcours soit le moins fractionné possible partout au Canada.
Il faut qu’il y ait des services prioritaires pour chacune des étapes du parcours qui sont financés par IRCC.
Le président : Merci pour ces réponses à ces questions.
Mme Fournier : Je trouvais la question difficile, parce que quand on demande de prioriser, il faut faire des choix et éliminer certaines choses. Finalement, je me disais que c’est difficile. C’est trop difficile parce que vraiment, comme vous l’avez dit, Mme Duguay Langlais, c’est effectivement tout le continuum de services au complet. On parle de la petite enfance, parce que quand les gens arrivent, ils ont besoin de services en garderie, ils ont besoin de placer leur enfant à l’école francophone, ils ont besoin d’être outillés pour se trouver un emploi.
Il faudrait peut-être même faire de la formation et faire de l’accueil avec les services d’intégration au niveau postsecondaire. Chez nous, il s’agit presque entièrement de services portés par la communauté. Bien sûr, il faut outiller et appuyer ces organismes pour qu’ils continuent à faire leur travail et à développer davantage de lieux de service, comme des places supplémentaires en garderie et des écoles plus grandes qui seraient capables de répondre à la demande. Chez nous, il y a des listes d’attente; c’est dommage de le voir, mais ce sont des gens qui retournent vers le système anglophone.
La sénatrice Clement : Je comprends, merci.
M. Bararuzunza : Je dirais que les besoins des francophones dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire comme en Saskatchewan sont dans une perpétuelle dynamique. En ce moment, les ressources sont réputées stables à travers le temps. Les ressources financières accordées aux organismes qui s’occupent de l’accueil, de l’établissement et de l’inclusion de francophones sont stables dans le temps, mais nos besoins ne cessent d’augmenter.
J’ai la certitude que tous les organismes francophones qui sont en Saskatchewan souffrent d’un manque de ressources pour jouer pleinement leur rôle. Je suis tenté de dire que, dans tous les secteurs, il y a vraiment un besoin d’accroître les ressources financières, d’une part et, d’autre part, les autres ressources qui accompagnent l’aspect financier. Je veux parler du logement. On ne peut pas garantir l’accueil d’un nombre accru de personnes si on manque de logements. En Saskatchewan, je vais répéter qu’il faut traiter la question de la priorité de la formation universitaire. Actuellement, on ne peut pas envisager la création d’une autre université. Probablement que la solution la moins chère serait de diversifier l’Université de Regina et d’y ajouter un certain nombre de facultés. Cela se ferait certainement de façon progressive, mais il faudrait la rendre vraiment bilingue, comme les universités que l’on a en Ontario, comme l’Université d’Ottawa.
La sénatrice Clement : Merci.
Le président : Merci beaucoup de ces réponses. À mon tour de vous poser des questions. J’aimerais rester sur la question du parcours d’intégration. Madame Duguay Langlais, vous avez dit que l’immigration est un projet de société. De fait, on constate qu’il y a énormément d’intervenants et il faut s’assurer qu’il n’y a pas de mailles dans le filet et qu’il n’y a pas d’interruption dans le parcours d’intégration... Il y a beaucoup de joueurs. Je pense à la politique d’immigration francophone qui serait éventuellement mise en place.
Qui, au sein de vos communautés, assure cette espèce de coordination multisectorielle pour arriver à établir de façon stratégique, comme l’a dit la sénatrice Moncion, des objectifs par rapport à l’immigration?
Il y a beaucoup de joueurs; on a toujours constaté cela en immigration. D’abord, est-ce qu’il y a un mécanisme de coordination qui est soutenu adéquatement? Cela devrait-il se faire autrement? La responsabilité devrait-elle être davantage précisée? J’aimerais vous entendre à ce sujet. En effet, on a l’impression que tout le monde est impliqué en immigration, mais en fait, la coordination de tout cela sur le terrain n’est peut-être pas aussi évidente qu’on le voudrait. Je pense toujours à la politique d’immigration francophone. Si vous avez des recommandations en ce sens... Je vais commencer par Mme Fournier.
Mme Fournier : Comme je l’ai mentionné au début de ma présentation, le Réseau en immigration francophone des Territoires du Nord-Ouest (RIFTNO) joue le rôle d’une table de concertation, sous les auspices de la Fédération franco-ténoise, qui est l’organisme porte-parole de la communauté francophone auprès des différents ordres de gouvernement. Donc, il y a ce comité ou ce groupe qui fait ce travail, mais cela n’exclut pas qu’il y en ait d’autres. Il y a aussi des comités de travail au sein du gouvernement territorial qui, souvent, va compter un peu les mêmes membres. On revoit toujours les mêmes visages, mais ce n’est pas complètement inutile non plus. Il y a des objectifs différents pour chacun.
De plus, il y a des groupes qui assurent la coordination sur le plan panterritorial ou par région, comme certains groupes qui vont assurer la coordination pour la région de l’Ouest et celle du Nord. Pour revenir aussi à ce que je disais sur la charge imposée aux organismes, chez nous, on est vraiment dans la microgestion. On a un employé, en fait il y a un employé au réseau et très peu de ressources humaines pour porter tout cela; évidemment, il y a une multiplication des couches de coordination, et je ne pense pas qu’il y ait un manque, mais est-ce efficace? On pourrait en reparler.
Je dirais cependant qu’il est peut-être nécessaire de préciser les mandats ou les rôles ou de donner davantage de ressources à ceux qui jouent le rôle de coordonnateurs, parce que, pour l’instant, je pense que ces organismes n’ont pas les moyens de leurs ambitions. Ils essaient de regrouper tout ce monde à leur table, mais ils ont très peu à leur offrir, à part leur propre salaire. Il y a donc très peu de moyens pour faire la promotion du travail de leurs membres, d’en faire plus que de les faire participer à une réunion une fois tous les trois mois. Encore là, c’est une question de ressources.
Le président : Merci. Madame Duguay Langlais?
Mme Duguay Langlais : Je vais aller complètement à l’opposé de ma collègue Mme Fournier. Chez nous, c’est le Réseau de soutien à l’immigration francophone de l’Est de l’Ontario qui coordonne tout cela. Nous avons plus de 75 partenaires qui travaillent de près ou de loin sur le dossier de l’immigration francophone. Il y a des sous-groupes et des sous-comités. Lorsque le dossier des réfugiés est arrivé, on a créé un comité pour les réfugiés avec des membres qui étaient intéressés à y participer.
C’est toujours comme cela, car j’ai une masse de partenaires et il faut absolument que tout soit coordonné. Vous avez tout à fait raison, sénateur Cormier, il faut avoir cette synergie qui englobe tout le monde et qui crée ce mouvement et cet écosystème. Le réseau chez nous crée un écosystème qui fait que, quand il y a des questionnements au sein d’IRCC ou du gouvernement fédéral, ça passe toujours par le réseau. On envoie des représentants sur le terrain et on s’assure d’aller chercher les bons joueurs. J’ai l’embarras du choix, contrairement à ma collègue Audrey. Chez nous, il faut que ce soit fait comme cela.
De plus, chez nous il y a une grande confiance envers le réseau; on s’occupe de faire cela et de voir comment le parcours peut être le moins fractionné possible.
M. Bararuzunza : Il y a une bonne partie des réponses qui ont déjà été données par mes prédécesseurs. J’ajouterais tout simplement un élément sur la grande question liée au respect du principe « par et pour les francophones ». En Saskatchewan, je dois dire que le logement est géré par les anglophones. Quand il y a de nouveaux arrivants, ce sont les anglophones qui les accueillent, qui leur donnent un logement et des chèques pour les premiers besoins financiers.
À partir de là, les nouveaux arrivants ont l’impression que la structure d’accueil la plus parlante est la structure anglophone, qui a ces ressources, et c’est là que commence le phénomène de l’assimilation linguistique, parce qu’à leur arrivée, ils se voient accueillis, financés, logés et nourris par les anglophones. Ensuite, les francophones s’occupent de l’accueil sur le plan de ce que l’on appelle les liens communautaires, les relations sociales. Cependant, vous comprendrez que, des deux types d’accueil, l’un semble plus réel pour les gens qui en ont besoin que l’autre.
Je dirais donc que le système de coordination du parcours d’intégration devrait, en amont et en aval, respecter le principe du « par et pour ». Donner des ressources aux francophones, loger les francophones qui viennent d’arriver, les nourrir, les former, les établir, les inclure, pour qu’ils puissent sentir que les organismes francophones ont la capacité de bien s’occuper d’eux. Voilà donc l’élément nouveau que je voulais apporter à cette table.
Le président : Je vais laisser Mme Duguay Langlais répondre à ce commentaire, mais à titre de sous-question, avez-vous des recommandations à faire sur la question des ententes fédérales-provinciales-territoriales? On sait que ces transferts d’argent sont importants. Y a-t-il des choses qui, à votre avis, sont incontournables? Que devraient contenir ces ententes pour que les provinces tiennent justement compte de tout ce que vous venez de dire sur la question de l’attribution des ressources? Est-ce qu’il y a un lien à faire? Voilà ma sous-question, mais je vais d’abord laisser Mme Duguay Langlais parler, car elle voulait faire un commentaire sur la question précédente.
Mme Duguay Langlais : Permettez-moi de ne pas répondre à votre dernière question. C’est un dossier encore politisé pour moi. Je vais m’en tenir à mes convictions et je n’y répondrai pas. Je pourrais peut-être dire des choses qu’il ne faudrait pas que je dise. Je vais vous donner un exemple.
C’est tellement vrai ce que Ferdinand a dit. Se faire accueillir par des francophones, par une organisation francophone, ça change tout. J’ai toujours dit que le plus grand drame d’une communauté francophone, c’est lorsqu’elle perd sa garderie francophone. C’est le plus grand drame d’une communauté, et il ne faudrait jamais qu’une communauté francophone perde sa garderie.
Je vous donne l’exemple du projet Pearson. Depuis des années, on réclamait un kiosque francophone à l’aéroport Pearson pour accueillir les immigrants francophones qui arrivent au pays et leur donner de l’information sur la francophonie canadienne. On se battait avec IRCC, parce que le réseau qui était là, qui offrait des services à Pearson... Les dernières statistiques disaient à IRCC qu’il y avait 11 francophones qui avaient immigré chez nous, donc est-ce que cela valait la peine d’avoir un kiosque francophone? Onze personnes à l’aéroport Pearson sur un total de combien d’immigrants qui arrivaient? C’était ridicule et IRCC vivait avec ces statistiques.
À un moment donné, IRCC a pris le risque, « Build it and they will come ». C’est là qu’IRCC a fait le grand pas en 2020, et je lui lève mon chapeau pour cela. IRCC a mis sur pied le programme francophone et, dans la première année, ce programme a réussi à recruter plus de 2 000 francophones qui sont passés à leur kiosque. Savez-vous jusqu’où IRCC est allé aujourd’hui? Je lui lève mon chapeau devant vous; IRCC a offert au Centre francophone du Grand Toronto (CFGT) tout le service d’accueil de l’aéroport Pearson. Cela veut dire qu’il accueille les francophones, les anglophones et les allophones. Voilà un projet à succès. Nous sommes capables aussi d’accueillir les anglophones et de les référer à leur bande, mais il faut arrêter de toujours leur mettre l’anglophonie au premier plan. Voilà un succès d’IRCC à Pearson.
Le président : Je vais vous poser une dernière petite question à tout le monde. Je sais que nous n’avons pas énormément de temps, parce que nous devons conclure. Cette question est importante pour moi.
Le 11 novembre dernier, le Réseau en immigration francophone du Centre-Sud-Ouest de l’Ontario a présenté une nouvelle application mobile gratuite afin de renforcer le parcours d’intégration des francophones en Ontario. Parmi les fonctionnalités de cette nouvelle application nommée GuideMoi figure une carte interactive des services francophones de la région.
Avez-vous pris connaissance de cette nouvelle application et, le cas échéant, croyez-vous qu’une telle application serait un outil nécessaire pour renforcer le parcours d’intégration? Comment l’utilisation du numérique et d’Internet peut-elle faciliter le parcours d’un nouvel arrivant? Qu’avez-vous à nous dire à ce sujet? Rapidement, puisque nous en sommes à la fin de notre séance.
Mme Duguay Langlais : Je vais vous dire que ce sont mes collègues. Nous avons trois réseaux en Ontario. Le Centre Sud-Ouest, c’est mon collègue, le Nord, c’est mon collègue aussi. On a travaillé avec eux là-dessus et on y croit beaucoup. Je trouve cela très bien que vous le nommiez comme une belle histoire à succès. On fait également partie de l’application GuideMoi. Nos ressources sont là aussi pour l’Est de l’Ontario et on finira par l’avoir dans tout l’Ontario. On adore cette initiative. On collabore et on va poursuivre cette collaboration. Je crois que c’est l’avenir. C’est une solution parmi tant d’autres.
Le président : Merci. Monsieur Bararuzunza?
M. Bararuzunza : Je dirais que nous connaissons cette application. Elle est vraiment très utile. Félicitations à ceux qui y ont pensé. C’est une bonne initiative.
En Saskatchewan, nous avons le livret du nouvel arrivant, où on explique pendant le service de prédépart ce qu’on offre aux futurs arrivants au Canada. Le livret du nouvel arrivant contient les mêmes informations. Les gens sont informés quand ils arrivent. La grande question viendrait probablement d’ailleurs que de l’information que l’on donne aux futurs arrivants.
Mme Fournier : Je ne connaissais pas cette application. Merci de me mettre la puce à l’oreille. Je vais regarder cela. Si je peux revenir à votre autre question, de façon générale, comme pour toutes les ententes, on appuie le fait d’ajouter des dispositions linguistiques aux ententes conclues entre le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires et de prendre assurément la bonne habitude de consulter les communautés francophones en amont de la signature de ces ententes.
Voilà. Sinon, je n’ai rien à ajouter sur l’utilisation de la technologie.
Le président : Merci beaucoup. Madame Duguay Langlais, madame Fournier, monsieur Bararuzunza, merci beaucoup de vos interventions et de vos réponses. Vous avez éclairé nos débats de façon très efficace. Cela nous aidera certainement à rédiger notre rapport sur cette étude que nous menons au sujet de l’immigration francophone.
Je vous remercie. Chers collègues, nous allons faire une pause, le temps de recevoir nos prochains témoins.
Bonne fin de soirée à vous, monsieur et mesdames.
Nous reprenons nos travaux. Nous avons maintenant avec nous les représentants de deux communautés francophones accueillantes. Nous accueillons ce soir, de la Communauté francophone accueillante de Moose Jaw et Gravelbourg, en Saskatchewan, Mme Chantal Morin, coordinatrice, et Mme Sandrine Lebon, chargée de projets. Nous accueillons également, de la Communauté francophone accueillante de Yellowknife, dans les Territoires du Nord-Ouest, Mme Lisa Boisneault, coordonnatrice, et M. Jean-Marie Mariez, directeur des programmes, Enseignement en français.
Je vous souhaite la bienvenue à notre comité et je vous remercie d’avoir accepté notre invitation. Nous allons entendre vos témoignages, puis nous passerons à la période des questions. Je rappelle à mes collègues qui sont dans la salle de ne pas se pencher trop près des microphones ou de retirer leur oreillette afin de ne pas nuire à l’interprétation.
Nous allons commencer par Mme Morin. La parole est à vous. [Difficultés techniques] Nous ne pouvons pas vous entendre, madame Morin. Le temps que vous régliez ces problèmes techniques, nous allons commencer avec Mme Boisneault et M. Mariez.
Lisa Boisneault, coordonnatrice, Communauté francophone accueillante de Yellowknife : Bonsoir. Je suis accompagnée de Jean-Marie Mariez, qui est membre de mon comité consultatif communautaire. Merci de nous donner cette occasion de témoigner sur les réalités du Grand Nord.
Tout d’abord, je voudrais faire une rapide présentation démographique pour faire mieux comprendre la réalité du territoire.
Les Territoires du Nord-Ouest comptent environ 40 000 habitants. La population migrante totale est de 3 700 personnes, la population francophone est de 1 290 personnes et la population immigrante francophone est de 160 personnes.
C’est comme l’a précédemment dit ma collègue Audrey, du RIFTNO, il s’agit d’une petite communauté. Cependant, à la différence des autres CFA, c’est Yellowknife, la capitale, et les nouveaux arrivants arrivent ici.
Les Territoires du Nord-Ouest attirent les nouveaux arrivants en raison de l’emploi, c’est-à-dire que les gens viennent ici s’ils ont un emploi. Il faut bien sûr avoir un emploi, mais il y a aussi un besoin de connexions communautaires et d’activités sociales et récréatives. C’est là que la CFA intervient, puisque la CFA s’insère dans le parcours d’intégration et d’établissement francophone. Nous sommes situés dans le Centre culturel des Territoires du Nord-Ouest, qui est un centre bilingue qui regroupe tous les services en intégration et en établissement dans les Territoires du Nord-Ouest. Il s’agit quand même d’une grande aide d’avoir tous les services regroupés au même endroit, en tout cas pour le parcours d’un nouvel arrivant.
Les nouveaux arrivants francophones viennent chez nous s’ils ont un emploi, mais ils cherchent aussi l’aventure nordique. Je pensais que c’était important de le mentionner pour vous faire comprendre notre public et la nature des activités que nous proposons.
Avec la CFA, on organise notamment une douzaine d’activités par année, qui vont de la chasse aux aurores boréales à la randonnée, à la pêche et à la création de mitaines de fourrure. On organise beaucoup d’activités typiques du Grand Nord et de l’aventure. Ce sont les activités réclamées par la communauté et qui ont du succès. La raison, c’est que ce sont des activités habituellement assez coûteuses. La vie est chère dans les Territoires du Nord-Ouest et nous pouvons rendre ces activités accessibles et, surtout, les tenir en français. Il y a très peu d’activités en français à Yellowknife.
Rapidement, en 2021-2022, nous avons reçu 40 nouveaux arrivants francophones et 40 citoyens. Nous travaillons également sur un volet en vue de sensibiliser les employeurs; c’est très important. Nous organisons une conférence d’employeurs dans le cadre de la Tournée de liaison panterritoriale provinciale du Conseil de développement économique des Territoires du Nord-Ouest. On s’y met à plusieurs, avec le Nunavut, le Yukon et Terre-Neuve-et-Labrador, puisqu’on a des enjeux communs pour attirer des immigrants, des difficultés liées à l’employabilité et des défis pour retenir les nouveaux arrivants.
Nous avons également un gros enjeu lié à l’accessibilité des services en français. Je pense que nous ne sommes pas les seuls, mais nous intervenons aussi de ce côté.
Nous avons lancé un guide santé en format papier et en format numérique accessible en ligne. Nous planifions aussi une journée annuelle pour les nouveaux arrivants et nous avons un guide papier pour eux, parce que c’est assez difficile en général d’avoir accès à certains services en français ici; ils existent, mais cela ne veut pas dire qu’on y a accès.
Au-delà d’IRCC, le dossier de l’immigration concerne d’autres services et, au moyen de certaines initiatives, la CFA s’occupe d’autres enjeux.
Je passerai maintenant aux défis que nous pouvons affronter.
Tout d’abord, la CFA ne peut offrir ses services qu’aux nouveaux arrivants qui ont la résidence permanente. C’est le cas pour la plupart des services d’établissement. C’est un enjeu puisque, dans le Nord, de nombreux nouveaux arrivants sont des travailleurs et des travailleuses temporaires qui ne peuvent pas avoir accès à nos services, alors que ces personnes en auraient besoin. Elles auraient besoin des services, de connexions communautaires et de ces ressources.
Comme je le disais précédemment, les gens arrivent avec un emploi, mais n’ont pas accès aux services. Ils sont dans un environnement assez rude qui comporte des difficultés pour le logement. Nous n’avons pas d’université, alors on ne peut pas vraiment avoir d’étudiants.
Parfois, des services de santé sont disponibles, mais on a du mal à les obtenir en français. Ce n’est pas suffisant et on risque de perdre les nouveaux arrivants; on a déjà du mal à les retenir, alors on essaie de mettre toutes les chances de notre côté, car les gens ne vont pas simplement partir dans une autre ville des Territoires du Nord-Ouest — puisque nous sommes la plus grosse ville —, ils vont carrément quitter le territoire.
Au-delà du besoin communautaire, les CFA, c’est une belle initiative qui encouragera les gens à rester ici à long terme. L’idée, c’est de bâtir un pont dans le parcours d’immigration entre la résidence temporaire et la résidence permanente.
Il y a même une étude produite par le RIFTNO sur le portrait des nouveaux arrivants francophones; la CFA est l’une des initiatives qui ont motivé certains des nouveaux arrivants à rester au pays et à demander la résidence permanente.
Pour nous, selon nos discussions avec des homologues des CFA dans tout le pays, une des pistes de solutions intéressantes serait d’envisager l’élargissement des clients des CFA.
Le second défi concerne les activités de jumelage. Celles-ci ont été d’abord conçues de manière à jumeler un citoyen à un nouvel arrivant à long terme. Sur le plan de la mobilisation, cela a été difficile, surtout pour le roulement, car il n’y a pas tant de gens qui restent plus de cinq ans ici, ou même plus de deux ou trois ans. On a donc eu du mal à pérenniser ce format. On a dû adapter le jumelage à notre réalité, et on jumelle donc les gens par activité.
L’essentiel de ce point, c’est qu’il est important de laisser une marge de manœuvre aux CFA et aux organismes en général qui connaissent et qui vivent leur réalité, car ils savent finalement ce qui fonctionne ou non sur le terrain.
De plus, nous nous sommes rendu compte que les enjeux pour les différentes CFA sont très différents. Le Canada est un grand pays — je l’ai compris —, et nos enjeux et nos publics, à Yellowknife du moins, ressemblent plus aux autres CFA du Nord, comme la CFA du Nunavut et du Yukon. De fait, on échange beaucoup entre nous, les CFA du Nord. Je pense que c’est une bonne pratique que de se réunir entre CFA qui ont des enjeux communs.
Enfin, notre dernier défi, c’est notre mission, à savoir proposer des services et des activités, et ce, en français, bien sûr. En revanche, la réalité, c’est qu’il y a davantage de prestataires anglophones ici. De même, dans notre plan communautaire, nous organisons des activités de nature autochtone pour faire découvrir ces cultures aux nouveaux arrivants, y compris l’histoire, les traditions et les langues, mais il faut aussi tenir compte du fait que ces derniers parlent leur langue. Les Autochtones ici parlent déné, inuktitut, esclave du Nord et anglais, mais rarement français.
Quelque chose n’avait pas été prévu dans les budgets, et c’est le poste budgétaire pour l’interprétation. C’est de mon devoir de vous faire part de cet ajustement nécessaire, et je pense que cela revient à mon point précédent, à savoir qu’il faut laisser une marge de manœuvre et écouter les besoins des CFA, qui peuvent faire part de ce qui se passe sur le terrain.
Voilà pour ce qui est des défis.
Pour conclure, je voudrais dire que la CFA est une belle initiative que nous espérons pérenniser comme projet permanent d’IRCC.
Précédemment, Mme Duguay Langlais a mentionné que, la clé, ce sont les investissements. J’ajouterais même que ce sont les investissements aux bons endroits, soit les investissements stratégiques en concordance avec les besoins sur le terrain qui sont importants. Il faut tenir compte de la réalité et du coût de la vie dans le Nord, qui est assez élevé.
Par ailleurs, j’ajoute qu’en 2021-2022, nous avons injecté 42 440 $ dans l’économie locale, soit 91 % du budget alloué aux activités de 35 organisations installées à Yellowknife. Je vais conclure ma présentation là-dessus. La CFA est une initiative qui bénéficie non seulement aux nouveaux arrivants, mais à la communauté tout entière, du moins à Yellowknife.
Le président : Merci pour cette présentation, madame Boisneault. Nous allons passer à Mme Morin et à Mme Lebon.
La parole est à vous, madame Morin.
Chantal Morin, coordinatrice, Communauté francophone accueillante de Moose Jaw et Gravelbourg : Bonsoir. Nous sommes heureuses d’être parmi vous aujourd’hui.
Je suis Chantal Morin, coordinatrice pour la Communauté francophone accueillante en Saskatchewan, et je suis accompagnée de ma collègue Sandrine Lebon, chargée de projets.
La CFA en Saskatchewan favorise l’inclusion et propose des activités d’accueil tout en développant le leadership communautaire. L’initiative s’emploie à encourager la participation aux activités communautaires et cherche des occasions de tout genre pour les nouveaux arrivants de Moose Jaw et de Gravelbourg.
Au début des années 2000, le gouvernement canadien a compris que, pour maintenir le poids démographique de la francophonie canadienne en milieu minoritaire, une cible minimale d’admission devrait être respectée.
Le poids démographique, à ce moment-là, était de 4,4 % en moyenne partout au pays.
Depuis, le nombre d’immigrants francophones n’a jamais atteint cette cible, bien que le Canada continue de recevoir chaque année un nombre croissant d’immigrants. Selon les dernières statistiques, le poids démographique des personnes qui ont le français comme première langue au pays se situe à environ 3,8 %. Le poids démographique des personnes dont la première langue est le français en Saskatchewan est au niveau le plus bas de son histoire, soit à 1,1 %.
L’immigration francophone est essentielle au développement de la communauté fransaskoise. Comme mon collègue du RIF l’a mentionné, la communauté fransaskoise a une population vieillissante. Elle assiste à un exode de ses membres; souvent, les plus jeunes quittent les provinces vers d’autres provinces et la communauté vit le phénomène de l’assimilation linguistique. Pour que l’immigration puisse exercer un impact réel, il faudrait que la Saskatchewan reçoive beaucoup plus d’immigrants francophones qu’à l’heure actuelle.
En 30 ans, le poids démographique des habitants de la Saskatchewan dont la première langue est le français est passé de 2,3 % à 1,1 %. Cela dit, le nombre de personnes parlant français en Saskatchewan est resté plutôt inchangé au cours de la même période, soit à environ 5 %. Selon le recensement de 2021, 52 000 personnes peuvent converser en français en Saskatchewan.
Le projet de loi C-13 contient un article touchant l’immigration francophone. Avec cet article, les administrateurs et les fonctionnaires d’IRCC ne perdront pas de vue nos communautés dans l’exercice de leurs fonctions. L’article exige que le ministère se dote d’une politique sur l’immigration francophone. Cette politique devrait prévoir des cibles réparatrices qui vont bien au-delà de la cible de 4,4 % qui avait été identifiée il y a plus de 15 ans déjà.
Une étude récente préparée par la FCFA propose un plan visant à augmenter progressivement les cibles pour atteindre 20 % en 2036. Selon cette étude, la langue française continuera de décliner au Canada.
Nous demandons au gouvernement fédéral de développer une politique en matière d’immigration francophone tout en présentant des programmes et des mesures spécifiques pour corriger la situation dans laquelle évoluent les communautés en situation minoritaire.
Nous avons besoin de mesures qui seront créées par et pour les francophones, au lieu d’exiger des francophones qu’ils essaient de fonctionner à l’intérieur des programmes prévus pour la majorité et dont les critères sont souvent impossibles à respecter.
Un exemple de ceci est illustré par toute la question des régions de services qui ont été désignées pour la majorité, mais qui ne s’appliquent pas aux communautés francophones — surtout en Saskatchewan —, qui sont souvent éloignées les unes des autres.
La nouvelle politique devrait inclure la mise en place d’un programme d’immigration économique francophone distinct arrimé aux besoins des communautés et des employeurs francophones. La mise en place d’un volet francophone pour la catégorie de parrainage familial ainsi que l’augmentation du nombre de réfugiés en provenance de pays francophones devraient aussi être dans les plans du ministère.
Selon nous, les programmes de nomination provinciaux doivent aussi posséder un volet francophone pour guider la sélection des immigrants. En Saskatchewan, la question du peuplement dans les régions rurales est plus prononcée, car il existe une pénurie de personnes actives pour assurer les services de base dans ces régions, comme les services en enseignement, en santé, dans les commerces, en agriculture, etc. En multipliant le nombre de projets comme les CFA dans les milieux éloignés et ruraux, nous croyons pouvoir augmenter le taux d’attraction et de rétention des immigrants francophones dans ces régions.
Plusieurs facteurs touchent l’ensemble du processus d’accueil et ont des conséquences à long terme sur les nouveaux arrivants et la réussite de l’établissement. L’un de ces facteurs est la capacité restreinte d’IRCC. Nous avons vu à quel point les crises internationales ont accaparé nos agents de programme au sein d’IRCC. Le déplacement des populations provoqué par la guerre civile en Syrie, le départ de l’armée canadienne de l’Afghanistan et plus récemment l’invasion de l’Ukraine, pour ne nommer que ceux-là, a considérablement amputé la capacité des fonctionnaires de livrer les programmes qui nous touchent; tout cela retarde l’immigration francophone.
Notre point n’est pas que le Canada ne devrait pas réagir aux crises humanitaires; au contraire. Nous voulons cependant souligner que le ministère doit avoir la capacité et les ressources nécessaires pour répondre aux urgences sans que cela compromette complètement ses activités régulières.
Nous reconnaissons que l’absence de ressources et de services dans les milieux ruraux a des conséquences sur l’établissement dans les régions éloignées. Le transport en commun est un bon exemple. Depuis six ans, la Saskatchewan n’a plus de service d’autobus en milieu rural. Cette absence de transport abordable fragilise la capacité d’attirer et de retenir les gens. La population s’est organisée pour offrir un transport d’urgence, mais cela ne remplace pas des services fiables de transport abordable.
Les services de santé, les événements culturels et les points de service gouvernementaux se trouvent concentrés dans les plus grands centres. La question du logement abordable est aussi un enjeu qui touche les gens qui n’ont pas nécessairement la capacité de se loger dès leur arrivée.
Nous sommes cependant d’avis que l’immigration francophone dirigée vers les régions éloignées a le potentiel de répondre aux aspirations de bien des individus qui cherchent à s’établir au Canada. Diriger certains nouveaux arrivants vers des endroits plus petits peut offrir des occasions enrichissantes pour beaucoup de gens. Le défi exigera de repenser la manière dont on fait connaître ces milieux et dont on prépare les communautés d’accueil.
En conclusion, nous sommes convaincus que l’immigration francophone est déterminante pour le développement continu de la francophonie en Saskatchewan. La communauté, avec son réseau d’organismes francophones, œuvre en ce sens depuis près de 20 ans. L’ACF, le SAIF-SK, les CFA et les membres du RIF-SK sont prêts à collaborer avec le gouvernement du Canada pour mettre en œuvre le plan d’action d’IRCC pour la francophonie canadienne.
Mes recommandations sont identiques à celles de mon collègue du RIF-SK. Je m’abstiendrai donc de les répéter. Merci beaucoup.
Le président : Nous sommes prêts à passer à la période des questions, en commençant par la sénatrice Mégie.
La sénatrice Mégie : Ma question s’adresse aux deux témoins. Je vous remercie d’être avec nous aujourd’hui.
J’ai cru comprendre, d’après la présentation de Mme Boisneault, que l’initiative des communautés francophones accueillantes a bien réussi. Cependant, j’ai entendu qu’il n’y avait que 14 communautés francophones accueillantes partout au pays.
Devrait-on étendre davantage cette initiative des communautés francophones accueillantes? Savez-vous si le financement de chacune de vos communautés accueillantes sera reconduit ou est-ce un souci pour vous?
Mme Boisneault : Pour ce qui est du premier point de votre question, effectivement, ce serait excellent d’étendre l’initiative des communautés francophones accueillantes. On y voit de bons résultats. Bien sûr, il y a des choses à améliorer, à mettre en place et à ajuster. C’est pourquoi nous sommes là. C’est encore un projet pilote. C’est le bon moment pour le faire.
Effectivement, ce serait très intéressant d’avoir d’autres communautés dans d’autres provinces et territoires. Il y a quelques francophones en dehors de Yellowknife, donc pourquoi ne pas développer cela? Par exemple, à Hay River, qui se situe à cinq heures de voiture de Yellowknife, on ne peut pas faire l’aller-retour en une journée. Ce n’est pas possible. Ce serait donc une bonne initiative d’avoir des activités pour les nouveaux arrivants dans leur communauté. Je ne connais pas forcément tout le Canada, mais dans les Territoires du Nord-Ouest les villes sont éloignées; on fait très rarement l’aller-retour dans la journée. La ville la plus proche est à trois heures, et la grande ville la plus proche, c’est Edmonton, qui se trouve à 1 500 kilomètres. Il y a le facteur isolement. Les communautés francophones accueillantes seraient une bonne idée.
En ce qui concerne le deuxième point de votre question, pourriez-vous le répéter, s’il vous plaît?
La sénatrice Mégie : Est-ce que votre financement est menacé ou êtes-vous persuadée que le financement viendra régulièrement?
Mme Boisneault : Je n’ai pas exactement la réponse à cette question. En tout cas, pour le long terme, notre financement est assuré jusqu’à la fin du projet pilote. Ensuite, il me semble que le sujet est encore en discussion.
Peut-être que Chantal pourra confirmer cela, mais ce sont les informations que j’ai de mon côté.
La sénatrice Mégie : Quelle est la date de la fin du projet pilote?
Mme Boisneault : Ce sera en mars 2024. Cela devait se terminer en mars 2023, mais le projet a été prolongé d’un an.
Mme Morin : Pour faire suite à ce que Mme Boisneault vient de mentionner, pour ce qui est des communautés francophones et de la volonté de croissance, il faut comprendre que c’est différent selon les provinces. Je sais qu’ici, en Saskatchewan, on n’a pas le nombre suffisant pour avoir seulement une communauté. Ce que j’aimerais voir, personnellement, ce sont des régions de communautés francophones accueillantes au lieu d’une seule région. Nous avons des communautés qui sont situées à 45 minutes de chez nous et nous sommes la communauté francophone accueillante la plus proche, mais ces communautés ne sont pas dans notre région. Cela se fait plutôt par communauté, alors c’est à l’extérieur de notre district. On ne peut pas les accueillir.
C’est peut-être différent en Ontario ou en Alberta. Je ne peux pas parler pour les autres provinces, mais je sais qu’en Saskatchewan nous sommes de petites communautés francophones qui sont un peu plus éloignées les unes des autres.
La sénatrice Mégie : Votre projet pilote se termine-t-il à la même date que celui de Mme Boisneault?
Mme Morin : C’est bien cela; en mars 2024.
La sénatrice Mégie : Parfait. Merci.
La sénatrice Gagné : Bienvenue aux témoins. C’est un plaisir de vous accueillir ici ce soir.
J’essaie de comprendre les collaborations que vous établissez avec vos communautés, mais aussi avec les municipalités. On a énuméré une série de défis ayant trait à l’amélioration des infrastructures de transport et de connectivité. Je pense également au dossier du logement qui a été mis en évidence par d’autres témoins. On n’a qu’à lire les nouvelles jour après jour pour se rendre compte que c’est un grand défi pour nos communautés.
Faites-vous un lien avec les municipalités, de façon à collaborer pour mieux servir les nouveaux arrivants, les immigrants ou les travailleurs temporaires qui se présentent dans vos communautés ou dans vos villes? J’aimerais vous entendre à ce sujet, s’il vous plaît.
Mme Boisneault : C’est un très bon point, effectivement, ce lien avec la municipalité. Vous avez mentionné les travailleurs temporaires, qui ne peuvent pas normalement bénéficier des services et des activités de la CFA. Il faut mentionner que c’était peut-être un enjeu pour lequel il y avait une piste d’amélioration. En revanche, nous sommes assez satisfaits, parce que nous parvenons à collaborer avec la ville.
J’ai mentionné dans ma présentation la journée annuelle pour les nouveaux arrivants. Il s’agit d’un partenariat avec la ville. Une fois par an, on réunit tous les services communautaires pour les nouveaux arrivants en un même lieu. Souvent, cela se fait dans un parc — s’il ne fait pas trop froid — qui nous est prêté par la municipalité. La ville est présente et nous soutient. Cela permet aux nouveaux arrivants d’avoir accès à des services communautaires. Il y a la garderie, le sport, la bibliothèque, etc. La ville nous soutient beaucoup sur ce plan.
Jean-Marie, voudrais-tu parler davantage du lien municipalité-école? Jean-Marie est membre de mon comité et habite à Yellowknife depuis assez longtemps.
Jean-Marie Mariez, directeur des programmes, Enseignement en français, Communauté francophone accueillante de Yellowknife : Nous avons une excellente relation avec la Ville de Yellowknife. La mairesse et l’ancien maire étaient de fervents alliés des nouveaux arrivants, qu’ils viennent d’autres provinces ou d’autres pays.
Nous avons une ville qui continue à se développer énormément et nous faisons face à un problème majeur de logement. C’est un problème que l’on retrouve partout au pays, mais le coût de la vie est cher. La première année est toujours assez difficile pour les nouveaux arrivants, peu importe d’où ils viennent, que ce soit d’autres pays ou de n’importe où au Canada.
Nous faisons donc face à cela. De plus, c’est l’hiver, alors c’est autre chose.
Mme Boisneault : Il est vrai que la mairesse est très accessible. C’est peut-être un gros avantage par rapport à d’autres régions.
M. Mariez : Elle parle français.
Mme Boisneault : Oui, elle est ravie de parler français quand elle prononce des discours pour la CFA, effectivement. C’est un avantage.
M. Mariez : Il y a une grande ouverture de la part de la ville.
Mme Morin : Pour répondre à votre question, il est impératif que tous les ordres de gouvernement soient à la table de discussion. Par exemple, nous sommes dans une région majoritairement anglophone. Nous n’avons pas le choix d’avoir des partenariats avec les chambres de commerce, les municipalités et d’autres partenaires anglophones. Il y a aussi le projet Rural and Northern Immigration Pilot à Moose Jaw. Pour que ce soit un succès, on n’a pas le choix de travailler en partenariat avec tous les joueurs.
Le président : Merci de votre réponse.
La sénatrice Moncion : Ma question comporte quelques volets. Premièrement, madame Morin, vous avez parlé du poids démographique des francophones qui diminuait, mais est-ce que le poids démographique des anglophones a augmenté? En fait, le poids démographique des francophones est à peu près le même, mais l’immigration anglophone a-t-elle plutôt affecté les chiffres, ou avez-vous des informations indiquant que les gens quittent la Saskatchewan pour aller s’établir ailleurs?
C’est ma première question. J’aurai ensuite une question complémentaire.
Mme Morin : En ce moment, la population augmente. La population anglophone n’a pas connu de déclin. Les immigrants qui arrivent en Saskatchewan sont, pour la plupart, anglophones ou allophones. Très peu d’immigrants francophones arrivent dans la province.
La sénatrice Moncion : Ils viennent probablement pour occuper un emploi et s’établir avec leur famille.
Ma prochaine question s’adresse à vous et je la poserai aussi aux représentants de la Communauté francophone accueillante de Yellowknife. Je comprends que les défis liés notamment au climat et à la distance sont différents. Devez-vous travailler fort pour attirer et retenir les nouveaux arrivants ou pour ce qui est d’offrir des services aux personnes qui se présentent soit en Saskatchewan, dans les Territoires du Nord-Ouest ou à Yellowknife?
Mme Morin : Les trois, essentiellement. Premièrement, il faut les faire venir, donc les attirer. Quand on fait la promotion du Canada comme pays, les personnes entendent souvent parler des villes comme Toronto, Vancouver et Montréal. Ils entendent très peu parler de la Saskatchewan. Il faut vraiment rendre toutes les régions du pays attrayantes pour que les immigrants qui arrivent puissent faire un choix éclairé pour décider où ils veulent aller. Voilà qui répond à la première partie de la question.
Pour ce qui est de la rétention, si on n’a pas les services en place pour accueillir les immigrants... Le transport est un facteur majeur pour la rétention des immigrants qui arrivent ici. Si on les fait venir à Gravelbourg, qui est l’une de nos communautés, la ville la plus proche est située à une heure de route. Sans permis de conduire, ces personnes dépendront d’un voisin ou d’amis pour les conduire en ville, par exemple, à leurs rendez-vous médicaux, à l’aéroport ou pour faire leurs achats. Gravelbourg offre tout de même des services de base. Toutefois, le transport est un facteur majeur pour la rétention.
La sénatrice Moncion : En fait, je pense que c’est le défi pour toutes les communautés en milieu rural et dans les régions éloignées des grands centres.
Sandrine Lebon, chargée de projets, Communauté francophone accueillante de Moose Jaw et Gravelbourg : Je répondrai à la deuxième question. Je me trouve davantage sur le terrain et j’ai constaté que plusieurs résidants de Moose Jaw ont quitté la région pour le Québec. Les principales raisons, ce sont le salaire, le manque d’emplois et la reconnaissance des diplômes, qui est vraiment un enjeu important. Malheureusement, beaucoup de membres de ma famille sont partis. Ce sont les trois principales raisons pour lesquelles ils l’ont fait. Je tenais à ajouter cela à la réponse de Chantal.
Mme Boisneault : J’ai mentionné dans ma présentation que la CFA est intégrée au Centre interculturel des Territoires du Nord-Ouest, un centre bilingue qui regroupe tous les services en intégration et établissement.
Je me concentre beaucoup sur la rétention. Nous avons une personne qui se consacre à l’attraction et une autre à l’accueil, donc aux services directs. La CFA intervient pour ce qui est de la rétention. Nous sommes aujourd’hui à la troisième année. Il ne reste presque plus personne qui était ici à la première année. Plusieurs sont partis. Il n’y a pas que nous qui sommes en cause; il y a le froid et le manque de logements. Le problème de la reconnaissance des diplômes et des compétences est un facteur important. Plusieurs ne peuvent pas exercer leur profession de base ici, notamment dans le secteur médical.
On voit donc un roulement très important. C’est pourquoi la CFA se concentre sur la rétention. Elle le fait grâce à des activités et à du travail communautaire, surtout quand il fait froid. Cette semaine, le mercure va baisser à -40 degrés. Je n’aurai pas envie de sortir. Toutefois, s’il y a des activités et si on tente de regrouper les gens, on essaie de se dire qu’il se passe des choses ici malgré tout. C’est la raison pour laquelle on se concentre surtout sur la rétention.
La sénatrice Moncion : J’aimerais mieux comprendre la réalité dans votre coin. Au cours des dernières années, avez-vous constaté un plus grand intérêt du côté des francophones, ou les choses sont-elles restées à peu près stables? Le fait que des services francophones soient accessibles à une population qui pourrait être intéressée vous aiderait-il à accueillir plus d’immigrants francophones à l’heure actuelle? Ou alors, la demande fluctue-t-elle en fonction des saisons, des emplois et des logements? Ma question s’adresse à Mme Boisneault.
Mme Boisneault : Jean-Marie voudra peut-être ajouter quelque chose, puisqu’il est là depuis bien plus longtemps que moi. Jean-Marie a une vue globale. Je vais le laisser répondre.
M. Mariez : Je suis ici depuis une trentaine d’années. On a vu les choses évoluer. On n’avait pratiquement rien sur le plan des services en français. On avait une population francophone qui se chiffrait à 800 ou 900 personnes dans les territoires. Or, on en compte maintenant environ 1 200 ou 1 300.
Un tas de services ont été ajoutés à la demande des francophones. On peut penser au secteur de la santé, par exemple. Cela a vraiment donné le goût de rester plus longtemps ici, à Yellowknife. Bien sûr, les gens peuvent déménager pour des raisons familiales ou pour retourner au bercail. En ce moment, il y a de l’emploi à peu près partout au Canada. Il est donc plus difficile pour nous de les attirer. Les immigrants arrivent et c’est pour eux une sorte de transition de venir ici, à Yellowknife. Certains vont rester un bout de temps, un an ou deux, puis se dirigeront vers le Sud. C’est souvent une question de climat et de coûts. Quand on est prêt à payer 2 000 $ pour un loyer, on peut se trouver un loyer plus convenable et du travail dans le Sud. Ces facteurs ont un impact. On est dans le Nord, on est isolé et on est loin. Toutefois, le fait d’avoir davantage de services francophones a permis d’avoir plus de francophones et d’atteindre une meilleure stabilité. Par contre, notre région demeure très transitoire et le monde ne fait qu’y passer.
Je travaille dans le domaine de l’éducation et je vois que les gens ne restent pas très longtemps. C’est une question de services. L’intégration est très importante. Il y a aussi les accompagnements que l’on doit faire dans tous les domaines. Lisa a parlé des services. On avait, il y a quelque temps, une personne qui s’occupait notamment des permis de conduire. Ces choses sont très banales pour nous, mais elles sont très importantes pour faciliter l’intégration. Bâtir un réseau d’amis et un réseau social est très important. À partir de là, on espère que les immigrants vont rester un peu plus longtemps. C’est ce que je peux dire. Nous avons une belle communauté.
La sénatrice Moncion : Et la température à -40 ne semble pas vous déranger.
M. Mariez : Absolument pas. C’est une question de cerveau. Le cerveau efface aussitôt l’information, alors voilà.
La sénatrice Moncion : Merci beaucoup.
Le sénateur Dalphond : Ma première question s’adresse justement à Mme Boisneault ou à M. Mariez. Vous avez dit que les gens restent plus longtemps. Il y a le froid, les loyers et les difficultés liées à l’emploi. On a parlé de cinq ans au maximum. Est-ce que c’est une situation qui est propre aux francophones, ou est-ce la même chose pour les anglophones? Est-ce que cela s’est accentué chez les francophones à cause des services qui sont plus limités?
Mme Boisneault : J’ai un élément de réponse, et je pense que M. Mariez voudra développer ensuite.
M. Mariez : Non, non.
Mme Boisneault : Je voulais juste préciser que les nouveaux arrivants anglophones et francophones, ici, ne sont pas du tout les mêmes et n’ont absolument pas les mêmes besoins. C’est très différent, ce ne sont pas les mêmes profils. Déjà, sur le plan économique, c’est difficile de comparer les deux. Si vous voulez poursuivre, monsieur Mariez, c’est ce que je voulais ajouter.
M. Mariez : Je trouve qu’il y a du côté anglophone de plus grosses familles qui arrivent et qui s’intègrent davantage. On dirait que c’est plus facile pour eux d’avoir un réseau social. On voit cela dans nos écoles. J’ai parlé de l’immigration anglophone. En ce qui me concerne, que ce soit des communautés religieuses ou musulmanes ou que ce soit des gens qui viennent de différents pays et qui ont des cultures vraiment différentes, ils trouvent le moyen de s’intégrer et de rester plus longtemps. On voit cela avec les enfants, parce qu’on retrouve les enfants pour chaque année scolaire, ce qu’on voit moins chez les francophones.
Chez les francophones, dans le secteur de l’éducation, on retrouve plus de célibataires, car c’est plus facile pour eux de bouger après.
Le sénateur Dalphond : Il y a la Communauté francophone accueillante de Moose Jaw et Gravelbourg, avec Mme Morin et Mme Lebon. Je vois dans les chiffres que nous ont préparés les analystes de la Bibliothèque du Parlement que 19 % de la population de Gravelbourg a le français comme première langue officielle. Aussi, 37 % de la population a une connaissance des deux langues officielles. Par contre, à Moose Jaw, seulement 1 % de la population a le français comme langue maternelle et il y a un peu plus de 5 % qui a une connaissance des deux langues officielles. Est-ce que votre stratégie, lorsque vous accueillez des gens en Saskatchewan, c’est de les installer à Gravelbourg plutôt qu’à Moose Jaw, parce qu’il y a plus de services? Il y a une école et des médecins qui offrent des services en français alors qu’il n’y en a pas dans d’autres régions?
Mme Morin : Actuellement, il y a des services dans les deux communautés. Évidemment, il y a les écoles francophones à Gravelbourg et on peut avoir des services en santé en français aussi. Ils sont majoritairement anglophones, par contre, mais Moose Jaw a aussi une école francophone. On peut y trouver des services en français aussi, mais ils sont majoritairement anglophones.
On ne va pas choisir... Les gens ne vont pas choisir la communauté à cause du pourcentage de francophones, mais surtout pour le travail. Cela dépend du domaine dans lequel ils sont. C’est sûr que, comme dans les autres régions du Canada, il y a une pénurie d’emplois en éducation, en santé et dans nos commerces. Les gens y vont surtout pour le travail. À Gravelbourg, par contre — je sais que Mme Morin en a parlé —, on accueille des étudiants de l’international parce qu’on a une école postsecondaire. On les accueille quand même, mais on ne peut pas les compter dans les chiffres. Ce sont des gens qui veulent rester. Ils viennent de pays comme le Congo, le Burundi et différents pays d’Afrique et ils veulent absolument rester au pays, mais on ne peut pas les compter dans nos chiffres parce qu’ils sont soit des résidants temporaires ou des élèves à l’international.
C’est une bonne porte d’entrée, et ce sont des gens qui veulent absolument rester ici, parce qu’ils ont la chance de trouver de l’emploi dans leur domaine. Nous avons des cours en soudure et nous avons une grosse manufacture de remorques. C’est bien. On pourrait les garder; ce ne sont pas nos clients, mais on les accueille quand même.
Le sénateur Dalphond : Merci.
Mme Boisneault : La question ne s’adressait pas à moi, mais j’aimerais ajouter que nous recevons aussi à Yellowknife des personnes immigrantes dont la langue maternelle n’est ni le français ni l’anglais. Il est intéressant de voir que ces personnes sont au courant des possibilités qu’offre la francophonie et qu’ils savent qu’il existe une communauté francophone accueillante. On a organisé un événement. C’était une soirée cinéma où il y avait des francophiles dont la langue n’est pas le français, mais qui s’y intéressaient. Ils ont dit qu’ils allaient participer parce qu’il se passait quelque chose et que c’était un film grand public. Je voulais montrer que la communauté francophone accueillante et la francophonie sont une richesse, comme je le disais dans ma présentation tout à l’heure, pour toute la communauté, pas seulement pour les francophones, mais un peu au-delà également.
Le président : Merci de cet ajout, parce que vous ouvrez la porte à la question que je voulais vous poser. Depuis le début, on vous entend parler des besoins de base des immigrants, des gens qui viennent souvent pour l’emploi et qui ont donc besoin de logements. Vous avez énuméré un certain nombre de besoins de base. J’aimerais vous entendre sur les enjeux culturels, parce qu’intégrer des gens dans nos communautés, cela passe évidemment par tous les services dont on a parlé, mais aussi par cette capacité de faire en sorte qu’ils s’identifient, sur le plan culturel, aux communautés auxquelles ils adhèrent.
Tout d’abord, est-ce que vous disposez de ressources culturelles suffisantes pour faire ce travail? Quels sont les enjeux que vous vivez? Avez-vous à votre disposition les ressources culturelles adéquates pour aider au travail de connexion dont Mme Boisneault nous a beaucoup parlé depuis le début? J’aimerais vous entendre à ce sujet.
Mme Boisneault : C’est vrai qu’à l’heure actuelle, avec les activités, on touche majoritairement des personnes qui viennent de la France et de la Belgique. Quand on fait le jumelage avec les citoyens, il y a beaucoup de personnes du Québec. On s’ouvre beaucoup, et ça se passe par la nature de nos activités, que nous rendons les plus inclusives possibles pour tous, pour qu’il y ait un échange et pour qu’on parle non pas de la francophonie, mais des francophonies, et qu’on ait tous ces français différents.
Ensuite, comme l’a mentionné M. Mariez, il y a des communautés qui existent ici, comme la communauté africaine, la communauté musulmane et asiatique, par exemple, qui restent beaucoup entre elles, et c’est normal. On essaie de nouer des liens et cela passe par la nature de nos activités. Je parlais plus tôt de ma séance cinéma; j’avais choisi un film avec des témoignages de femmes musulmanes au Canada. J’ai contacté le Centre musulman de Yellowknife. Lors de la journée d’accueil, on a essayé de contacter tous les organismes culturels pour travailler ensemble et dire : « Travaillons ensemble et montrons ce que nous pouvons proposer, ce qui existe à Yellowknife, la diversité des services et des activités. » Peut-être que M. Mariez pourrait compléter ma réponse.
M. Mariez : Selon le pays d’où viennent les personnes, elles peuvent avoir une plus grande facilité d’intégration que d’autres. On a remarqué cette année des immigrants qui essayaient de trouver tout de suite — probablement pour se sécuriser — des gens qui venaient de leur pays, de leur région. On peut penser parfois qu’ils vont se ghettoïser. Je crois qu’ils cherchent la sécurité au départ et notre travail est d’essayer d’étendre leur réseau grâce à toutes sortes d’activités.
Je voudrais parler de la question de l’intégration. Il y a un autre comité qui s’appelle SWIS en anglais et qui travaille autant avec des migrants francophones qu’anglophones ou allophones pour aider les familles. Il n’y a rien de compétitif avec la CFA. Ce sont des compléments. Tout est complémentaire.
Enfin, en éducation, certains n’ont pas d’expérience en ce qui a trait aux pratiques pédagogiques du système scolaire, particulièrement une personne qui arrive avec un bagage d’enseignant. Les finissants de nos universités qui ont fait un baccalauréat en éducation ont étudié deux ans et ont fait un stage de trois mois. Ce n’est pas suffisant pour faciliter leur intégration dans le système. Il en est de même pour les médecins. Il faut un certain temps pour qu’ils puissent fonctionner et développer les pratiques pédagogiques requises afin d’être compatibles avec notre façon de faire. Tout le monde a son propre bagage, avec la façon dont il a été éduqué ou dont les choses fonctionnent dans son pays. Dieu sait qu’il y a beaucoup de finissants qui ont étudié en enseignement et nous en engageons. À mon avis, il manque peut-être un accompagnement ou un court enseignement après le baccalauréat en éducation.
Mme Morin : J’aimerais parler de notre réalité. Nous avons commencé en pleine pandémie. Plusieurs de nos activités se faisaient en ligne; c’étaient des activités de réseautage et différents ateliers. Lors des activités qui impliquaient les familles ou les enfants, d’un atelier à l’autre, les gens commençaient à se reconnaître et les enfants se disaient bonjour, même s’ils venaient d’une communauté différente. Pour vous situer, Moose Jaw est à une heure et quart de route de Gravelbourg. Les jeunes ne se connaissaient pas parce qu’ils ne vont pas à la même école et que ce sont des communautés différentes, mais après certaines activités, ils commençaient à se reconnaître.
Maintenant, nos activités se font en présentiel. Les gens ont la chance de se voir en personne et c’est vraiment beau de voir les liens qui se créent. On a quand même de beaux succès. On crée des liens et si on crée des liens, les gens voudront rester.
Si tous les gens se confinent en petits îlots, ils ne resteront pas ici. Ils ont besoin d’un sentiment d’appartenance et de communauté. Je ne parle pas seulement de la CFA de Moose Jaw-Gravelbourg, mais des CFA de partout au pays. On crée des communautés où les gens se sentent accueillis.
Mme Lebon : J’aimerais ajouter quelque chose aux propos de Mme Morin. Il y a une belle diversité de cultures en Saskatchewan, pas juste à Moose Jaw ou à Gravelbourg. Parmi toutes les activités qu’on a organisées, on a vu la beauté des différentes cultures. Les gens sont là, ils commencent à créer des liens, peu importe leur pays d’origine. Il y a plus de liens qui se créent, mais c’est plus facile de créer des liens quand les gens viennent du même pays.
Comme Mme Morin l’a mentionné plus tôt, c’est vrai que c’est très important d’avoir toutes sortes de cultures. Il ne faut quand même pas oublier que cela vient des enfants, en quelque sorte. Les enfants, même s’ils ne se connaissent pas, vont se parler. Les enfants créent des liens et cela permet de créer des liens avec les parents. Parmi nos activités, il y a des étudiants du Collège Mathieu, un établissement postsecondaire, qui ont obtenu des emplois ici et que j’ai aidés à créer des liens avec d’autres personnes du même pays d’origine. Quand on fait des activités, on voit tous ces rassemblements et cette beauté qui existe. C’est un vrai succès.
Le président : Je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche, mais au même titre qu’on a des stratégies de développement économique dans nos communautés, j’imagine que les stratégies de développement culturel qui permettent de tisser des liens sont importantes. J’utilise le mot « stratégie » et j’entends qu’il y a des choses qui se font naturellement. Il y a une coordination de différentes activités qui peut se faire et qui permet d’assurer une meilleure intégration sur le plan culturel.
La sénatrice Clement : Merci à tous les témoins du travail qu’ils font. C’est critique. Mme Duguay Langlais, du groupe de témoins précédent, a décrit l’immigration comme un projet de société. Est-ce que les CFA ont pour mission un travail d’antiracisme? Si on parle d’un projet de société, cela inclut tout le monde. Les communautés doivent être accueillantes, mais parfois, on doit apprendre à être accueillant et faire face à des défis sur le plan des attitudes, des préjugés et du racisme. Est-ce que les CFA doivent faire ce genre de travail aussi?
Mme Morin : Absolument. C’est l’une de nos priorités en ce moment. Une de nos activités consistait à se rendre dans les écoles de Moose Jaw et à l’école de Gravelbourg. On a fait venir un spécialiste; un professeur d’université a parlé aux jeunes d’antiracisme, de discrimination et de stéréotypes. Il faut commencer avec les jeunes, car ils ne connaissent pas ce qu’ils ne connaissent pas.
J’ai grandi dans la région sud de la Saskatchewan. Il n’y avait pas de gens d’autres pays qui y venaient. On ne connaissait pas ce qu’on ne connaissait pas. Personnellement, c’est en voyageant que j’ai pu apprécier les cultures des autres et que j’ai eu envie d’en apprendre davantage. C’est la même chose avec les enfants s’ils sont éduqués et si on ouvre les discussions. Ouvrir les discussions est ce qui est le plus difficile. Les gens ont peur de dire de mauvaises choses.
Il faut leur donner accès à un endroit sécuritaire pour qu’ils puissent tenir ces discussions. On doit commencer avec les jeunes. Cela dit, il y a eu aussi un atelier pour les adultes et les discussions ont été très riches. Elles ont été plus riches avec les enfants, il faut l’admettre. Les enfants savaient qu’ils avaient un endroit sûr pour parler et les discussions ont été extrêmement riches et productives.
Mme Boisneault : Ce qu’a dit Mme Morin est très intéressant et je vais m’approprier ses propos.
De notre côté, jusqu’à maintenant, nous n’avons pas encore organisé d’ateliers consacrés aux enjeux de justice sociale, au racisme, et cetera. Effectivement, les dossiers en matière d’immigration doivent être menés de front, en faisant un travail sur le racisme systémique. Comme je suis moi-même une personne racisée, je peux l’affirmer.
Cela doit passer par des activités, car il est important de créer des espaces bienveillants. Je suis en formation sur le sujet, pour apprendre comment être accueillante avec tout le monde. On aurait peut-être aussi besoin de soutien, comme on le disait précédemment, sur le plan des différences culturelles, car il est vrai qu’on manque de ressources à cet égard.
Lorsqu’on parle de racisme, on fait beaucoup d’activités sur des sujets autochtones. Les nouveaux arrivants ne sont pas au courant de ce qui se passe avec les traditions, le racisme systémique envers les Autochtones, les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, les pensionnats, et cetera. Ils ne sont pas forcément au courant et c’est normal.
C’est pourquoi je considère qu’il est de notre devoir de les informer quand on parle de l’histoire du Canada et de leur dire que l’histoire autochtone en fait aussi partie. Notre approche sur le plan de la lutte antiraciste est une approche active avec les nouveaux arrivants.
M. Mariez : J’aimerais ajouter que Yellowknife est une ville très particulière. C’est probablement l’une des villes les plus accueillantes de toute l’humanité. On y compte 26 différentes cultures, et il y a des activités qui permettent de regrouper ces gens qui viennent de différents pays. Il y a des écoles qui offrent des activités et des dîners multiculturels. Les jeunes et les parents s’habillent avec les costumes de leur pays et préparent des mets de leur pays.
Pour ce qui est du racisme à Yellowknife, selon ma perception, cela n’existe pas vraiment entre les immigrants ou les personnes racisées. Lorsque cela se passe, c’est surtout du racisme envers les Autochtones et c’est vraiment ce sur quoi on travaille actuellement. Toute l’histoire est là pour le prouver, car les choses s’améliorent.
Toutefois, comme l’a mentionné Mme Boisneault, ce serait bien que les immigrants puissent acquérir cette connaissance de l’histoire et du racisme qui existe dans les territoires, à Yellowknife et au Canada.
Le président : Merci beaucoup. Sur ce, madame Boisneault, monsieur Mariez, mesdames Morin et Lebon, merci beaucoup de votre présence, de vos témoignages et de vos réponses claires et franches. Comme l’a dit ma collègue la sénatrice Clement, merci surtout pour le travail que vous faites sur le terrain, qui est essentiel pour les nouveaux arrivants, pour ces gens qui veulent adopter notre pays, mais aussi pour les citoyens canadiens, parce que, par le travail que vous faites, vous offrez une ouverture sur le monde qui est très importante. Vos propos vont certainement nous aider à rédiger notre rapport au sujet de cette étude que nous menons sur l’immigration francophone.
Merci à vous. Il est peut-être tôt dans l’année pour le faire, mais je vous souhaite de très joyeuses Fêtes, étant donné qu’elles approchent à grands pas. Joyeuses Fêtes à vous. Chers collègues, on se retrouve la semaine prochaine. Merci et au revoir.
(La séance est levée.)