LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES LANGUES OFFICIELLES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le lundi 6 février 2023
Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd’hui, à 17 h 5 (HE), avec vidéoconférence, pour son étude sur l’application de la Loi sur les langues officielles ainsi que des règlements et instructions en découlant, au sein des institutions assujetties à la loi, et pour son étude sur l’immigration francophone en milieu minoritaire.
La sénatrice Rose-May Poirier (vice-présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La vice-présidente : Honorables sénateurs, bonsoir. Je m’appelle Rose-May Poirier, je suis vice-présidente du Comité sénatorial permanent des langues officielles et je réside au Nouveau-Brunswick. Avant de commencer, j’inviterais les membres du comité présents aujourd’hui à se présenter, en commençant par ma gauche.
Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.
La sénatrice Gagné : Raymonde Gagné, du Manitoba.
La sénatrice Clement : Bernadette Clement, de l’Ontario.
Le sénateur Dalphond : Pierre Dalphond, De Lorimier, Québec.
La sénatrice Mégie : Marie-Françoise Mégie, du Québec.
La sénatrice Moncion : Lucie Moncion, de l’Ontario.
[Traduction]
La vice-présidente : Je souhaite la bienvenue à vous tous et à ceux et celles qui nous regardent des quatre coins du pays. Je souligne que je participe à la présente séance sur le territoire traditionnel non cédé de la nation algonquine anishinabe.
La séance d’aujourd’hui comprend deux parties d’une heure chacune environ.
[Français]
Honorables sénateurs, nous accueillons Ginette Petitpas Taylor, ministre des Langues officielles, pour nous informer au sujet du Rapport annuel sur les langues officielles de 2020-2021. Nous accueillons également la ministre dans le cadre de notre étude sur l’immigration francophone en milieu minoritaire. Elle est accompagnée de fonctionnaires de Patrimoine canadien, soit Isabelle Mondou, sous-ministre, Julie Boyer, sous-ministre adjointe, Langues officielles, et Jean-François Roussy, directeur principal, Politiques et recherche, Direction générale des langues officielles.
Bonsoir et bienvenue parmi nous. Merci d’avoir accepté notre invitation, madame la ministre et vos adjoints. Nous sommes prêts à entendre vos remarques préliminaires, qui seront suivies d’une période de questions des sénateurs et des sénatrices. Madame la ministre, la parole est à vous.
L’honorable Ginette Petitpas Taylor, c.p., députée, ministre des Langues officielles : Merci beaucoup, madame la sénatrice. C’est avec plaisir, comme toujours, que je me retrouve ici parmi vous. Honorables sénateurs, j’aimerais aussi souligner que nous sommes réunis sur le territoire traditionnel des Algonquins anishinabes.
Je vous remercie de m’avoir invitée à comparaître au sujet du .
Je profite de ma présence aujourd’hui pour aborder quelques dossiers d’intérêt dans le cadre de votre travail fort important pour l’avenir de nos deux langues officielles.
D’abord, il est essentiel de s’intéresser au rapport annuel sur les langues officielles, car il brosse un portrait exhaustif des réalisations du gouvernement fédéral au titre de la partie VII de la Loi sur les langues officielles. C’est donc un de nos meilleurs outils pour rendre compte de nos investissements en matière de langues officielles. Dans ce rapport, on aborde entre autres les efforts mis de l’avant pour assurer l’épanouissement des communautés de langue officielle en situation minoritaire et la promotion du français et de l’anglais.
[Traduction]
L’année 2020-2021 a été tout sauf ordinaire, puisque nous étions au pire d’une crise sanitaire mondiale.
[Français]
Les institutions fédérales se sont mobilisées rapidement, afin de bien cerner les besoins de nos communautés. À ce titre, près de 500 organismes ont reçu un appui financier par l’entremise du Fonds d’urgence relatif à la COVID-19 pour soutenir les organismes chargés de la culture, du patrimoine et du sport. Un total de 9,6 millions de dollars a été versé à ces organismes, ce qui a fait une réelle différence sur le terrain. Par ailleurs, n’oublions pas les 4 millions de dollars supplémentaires versés pour appuyer les étudiants et les nouveaux diplômés faisant face à des défis uniques.
[Traduction]
Depuis ma nomination à titre de ministre des Langues officielles, à l’automne 2021, nous avons lancé quelques projets d’envergure. Nous avons élaboré et déposé le projet de loi C-13, qui vise à moderniser la Loi sur les langues officielles, et avons mené des consultations à l’échelle du pays sur le prochain plan d’action en matière de langues officielles. Les travaux relatifs à ces grandes priorités se poursuivent aujourd’hui.
[Français]
L’été dernier, je suis allée à la rencontre des Canadiens et des Canadiennes aux quatre coins du pays.
J’ai participé à 22 rencontres, 15 en présentiel et 7 en virtuel, pour connaître les réalités, les défis et les priorités de la population canadienne en matière de langues officielles. Nous avons reçu plusieurs propositions intéressantes qui présentaient des idées concrètes et innovantes grâce à la participation de plus de 6 500 Canadiens.
Avec toutes ces réflexions en tête, nous sommes maintenant passés à la prochaine étape, c’est-à-dire l’élaboration du nouveau plan d’action de 2023-2028. L’objectif de ce nouveau plan d’action est de financer des initiatives qui prennent en considération les besoins sur le terrain, en plus d’assurer la vitalité de nos communautés de langue officielle en situation minoritaire. Le nouveau plan d’action de 2023-2028 permettra aussi d’appuyer la mise en œuvre du projet de loi C-13, qui vise à moderniser et à renforcer la Loi sur les langues officielles.
[Traduction]
Je sais que vous avez réalisé votre étude préliminaire du projet de loi pendant l’été et l’automne, et que vous avez déjà déposé votre rapport. Je voudrais prendre un instant pour remercier le comité de tout le travail qu’il a accompli à l’avance jusqu’à maintenant concernant ce projet de loi. Sachez que nous travaillons fort à l’autre chambre pour vous renvoyer le projet de loi le plus rapidement possible.
[Français]
On le sait : il faut agir rapidement pour freiner le déclin du français et rétablir le poids démographique des francophones d’un bout à l’autre du pays.
L’une des façons d’y arriver est l’immigration francophone. Il y a deux semaines, le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, M. Sean Fraser, était à Sturgeon Falls, dans le Nord de l’Ontario, pour souligner les progrès réalisés dans ce dossier.
En 2022, l’immigration francophone au Canada hors Québec a été près de cinq fois plus élevée. C’est un scénario que l’on n’avait pas observé depuis 15 ans. Le nombre d’immigrants francophones est passé d’environ 2 800 en 2006 à plus de 16 300 nouveaux arrivants résidents permanents francophones en 2022.
Cependant, on ne doit pas s’arrêter là; on sait qu’on doit en faire plus.
[Traduction]
Aujourd’hui, je voudrais vous assurer de nouveau de mon entière collaboration et vous remercier du travail que vous effectuez pour assurer l’égalité réelle des deux langues officielles au pays. Je répondrai avec plaisir à vos questions.
[Français]
Encore une fois, madame la vice-présidente, merci de m’avoir permis de faire ces quelques commentaires.
La vice-présidente : Merci beaucoup, madame la ministre, pour votre déclaration d’ouverture.
[Traduction]
Avant que les sénateurs et sénatrices commencent à vous poser des questions, je demanderais aux membres du comité qui sont dans la salle d’éviter de trop s’approcher de leur microphone ou de retirer leur oreillette s’ils le font. Cela évitera les retours de son qui pourraient être préjudiciables pour le personnel du comité dans la salle.
Honorables collègues, vu le temps dont nous disposons, je propose d’accorder à chaque sénateur cinq minutes pour les questions et les réponses au cours du premier tour.
[Français]
La sénatrice Mégie : Madame la ministre, bienvenue au Sénat. Dans la revue de février 2023 de l’Association canadienne des détaillants agricoles, on souligne que 60 % des entreprises agricoles au Canada affrontent des pénuries de main-d’œuvre et que ces pénuries occasionnent des pertes de plusieurs milliards de dollars en ventes. Depuis tout ce temps, soit presque 60 ans, le programme de la main-d’œuvre immigrante temporaire cherche à endiguer ces pertes. Un des cinq piliers du Cadre stratégique national sur la main-d’œuvre pour l’agriculture et la fabrication d’aliments et de boissons porte sur l’immigration et les travailleurs immigrants étrangers.
L’une des questions que je voudrais soulever, qui relève des programmes de votre ministère, est la suivante. On sait que ces travailleurs viennent de plusieurs pays différents et certains témoins nous ont dit que le problème de la langue, quand ils arrivent ici et ne la parlent pas, diminue leur productivité. Est-ce que, dans votre plan stratégique, on a mentionné quelque part que l’on devrait leur apprendre la langue avant qu’ils arrivent au Canada ou après qu’ils sont arrivés? Il faudrait qu’ils apprennent l’anglais ou le français, parce qu’ils viennent de pays où certains ne parlent ni l’anglais ni le français.
Mme Petitpas Taylor : Merci de votre question, madame la sénatrice.
Au cours de la dernière année durant laquelle nous avons fait des consultations pancanadiennes, nous avons beaucoup entendu parler de la pénurie de main-d’œuvre d’un bout à l’autre du pays et de la nécessité de s’assurer que nos travailleurs, qui sont ici parmi nous, peuvent converser et communiquer dans l’une des deux langues officielles.
Il est important pour le gouvernement de s’assurer d’outiller les personnes pour qu’elles puissent communiquer de manière adéquate. Je pense que le gouvernement a une responsabilité. On ne peut pas non plus oublier que les employeurs ont eux aussi une responsabilité de s’assurer que ces services sont offerts aux employés pour qu’ils puissent faire leur travail. Comme vous l’avez dit, particulièrement dans le domaine de l’agriculture, nous reconnaissons qu’il y a une pénurie de main-d’œuvre incroyable. Il faut donc s’assurer, encore une fois, de les accommoder de manière juste et équitable pour qu’ils puissent communiquer dans leur langue.
La sénatrice Mégie : Merci. J’ai une question un peu plus courte.
J’ai parlé du secteur agricole. Pour ce qui est des personnes mieux nanties et scolarisées qui arrivent à occuper de hautes fonctions, qui ont vécu ici très longtemps, mais n’ont jamais appris le français, dans le cadre des études sur l’immigration francophone, quelle place la stratégie va-t-elle accorder à la connaissance des langues officielles lorsqu’il s’agit de la nomination d’un personnage important? On pense par exemple à un gouverneur en conseil, au président de la Banque Royale du Canada ou à des gens comme ça. Quelle place occupe l’exigence de connaître les deux langues officielles pour occuper des fonctions aussi importantes?
Mme Petitpas Taylor : Premièrement, les hauts dirigeants devraient absolument montrer l’exemple lorsqu’il est question du bilinguisme dans ce pays. Je pense qu’on s’y attend réellement. Oui, ils devraient montrer l’exemple.
Qu’on le veuille ou non, je pense que, comme ministre des Langues officielles, quand j’ai eu des contacts avec les Canadiens d’un bout à l’autre du pays durant la dernière année, ils m’ont dit qu’ils veulent s’assurer de recevoir des services dans la langue de leur choix. Finalement, c’est cela qui est important pour eux : avoir des services et pouvoir travailler dans la langue de leur choix.
Avec le projet de loi C-13 et toute la question des entreprises privées de compétence fédérale... C’est pour cette raison que nous avons créé cette nouvelle loi : pour s’assurer que les employés au Québec et dans les régions à forte présence francophone à l’extérieur du Québec auront le droit de travailler et de se faire servir en français.
Pour répondre plus spécifiquement à votre question sur les hauts fonctionnaires, je pense qu’ils devraient montrer l’exemple. Quand j’entends parler les Canadiens d’un bout à l’autre du pays, ce qu’ils me disent vraiment est qu’ils veulent être en mesure de se faire servir et de travailler en français.
La sénatrice Mégie : Même si le grand patron ne parle pas un mot de français?
Mme Petitpas Taylor : Comme je l’ai dit, je pense vraiment que les hauts fonctionnaires et dirigeants devraient montrer l’exemple. Quand je parle aux Canadiens, ce qu’ils me disent, c’est que leur priorité est de se faire servir en français et de travailler en français.
La sénatrice Mégie : Merci beaucoup.
La sénatrice Moncion : Bienvenue, madame la ministre, et bienvenue aux personnes qui vous accompagnent.
Ma question touche le recrutement à l’étranger et les communautés accueillantes; ce programme a été cité à plusieurs reprises quand le comité a rencontré des témoins. Plusieurs nous ont parlé du succès de ce programme. C’était quand même un projet pilote que vous avez mis en place dans 14 communautés. Quel est l’avenir de ce programme dans la prochaine feuille de route?
Mme Petitpas Taylor : Il y a eu de beaux résultats avec le projet pilote. J’espère réellement qu’on verra une expansion de ce programme puisque, ultimement, on a pu obtenir des résultats très positifs. Nous continuons de travailler en étroite collaboration avec nos partenaires clés pour nous assurer d’aller de l’avant et de poursuivre ce travail essentiel.
La sénatrice Moncion : Il y a encore d’énormes défis, puisqu’on a parlé de la question des logements et de la reconnaissance des acquis académiques. On a beaucoup axé les efforts sur les professeurs dans les programmes d’enseignement en français. Je voudrais savoir à quel point ce programme prendra de l’expansion ou s’il sera plus limité.
Mme Petitpas Taylor : Vous avez soulevé des enjeux qui nous touchent tous, bien sûr.
Si l’on parle de taux d’immigration, de logement abordable et de reconnaissance des acquis, il arrive trop souvent, quand j’arrive à Ottawa durant la semaine où je siège à la Chambre, qu’un chauffeur de taxi qui me conduit à mon hôtel me dise qu’il était auparavant médecin ou dentiste. Nous étudions actuellement le dossier de la reconnaissance des acquis.
Encore une fois, dans le cadre de nos ententes et du travail que nous faisons de concert avec les provinces et les territoires, je peux affirmer que le ministre Fraser veut s’assurer d’établir des ententes avec les provinces et les territoires qui pourront l’aider à régler la situation.
Qu’on le veuille ou non, souvent, la reconnaissance des acquis ne relève pas du gouvernement fédéral. Toutefois, nous avons tous la responsabilité de travailler avec les associations professionnelles pour trouver une méthode et aller de l’avant, et pour nous assurer que le travail est fait.
En novembre 2022, le ministre Fraser a annoncé l’attribution de crédits de plus de 80 000 $ pour aider les provinces et les territoires à mettre sur pied des programmes afin de développer les compétences et de reconnaître les acquis de nos immigrants. Nous continuons de déployer des efforts dans ce secteur afin de régler la situation.
Plusieurs de mes collègues ont dit que si l’on veut attirer des professionnels qui ont de grandes compétences dans des professions spécifiques, il faut aussi s’assurer qu’ils pourront travailler dans leur domaine. Pour ce faire, nous devrons donner des incitatifs. Nous voulons nous assurer que les provinces, les territoires et les associations feront le travail nécessaire pour faire face à cette situation.
En ce qui concerne la question du logement, le ministre Fraser l’a bien dit : on veut s’assurer de choisir des immigrants qui viendront au Canada. Il y a différentes catégories d’immigrants qui viendront ici. Bien sûr, nous avons une pénurie de main‑d’œuvre dans certains domaines, comme dans le métier de charpentier. On veut s’assurer de conclure des ententes qui faciliteront l’accueil de ces immigrants ici, au Canada.
Cela dit, il est évident qu’on fait face à des enjeux. Je préférerais travailler sur des enjeux en vue d’augmenter la population plutôt que de voir celle-ci diminuer. Personne ne veut voir de fermetures d’hôpitaux en raison d’une baisse de la population. Au contraire, on veut s’assurer de pouvoir faire face aux enjeux avec une population grandissante.
La sénatrice Moncion : J’ai une question au sujet du taux d’immigration. Cette année, je pense que l’Ontario a été la seule province à atteindre son taux d’immigration francophone. Quels sont vos objectifs par rapport au taux d’immigration pour le reste de la francophonie canadienne?
Mme Petitpas Taylor : En janvier dernier, j’étais bien contente d’annoncer que nous avons enfin atteint la cible de 4,4 % de francophones hors Québec. Il a fallu 15 ans pour atteindre cette cible. Toutefois, même si nous avons atteint cette cible, nous devons être plus audacieux et avoir des objectifs plus ambitieux pour nous assurer d’augmenter cette cible.
Dans les données du recensement publiées en août et à l’automne 2022, on constate une diminution du poids démographique. En tant que gouvernement fédéral, nous avons du travail à faire pour nous assurer de remédier à cette diminution du poids démographique.
Je suis très contente de pouvoir travailler avec le ministre Fraser, car ce dossier lui tient tout autant à cœur. Nous voulons absolument tout faire pour régler cette diminution du poids démographique. Nous voulons nous assurer d’avoir une stratégie d’immigration ambitieuse avec des cibles et des indicateurs.
Il y a un autre exemple de programme qui vise à favoriser l’immigration francophone : c’est le Centre d’innovation en immigration francophone, qui a ouvert ses portes l’automne dernier dans ma région, à Dieppe, au Nouveau-Brunswick. Nous voulons absolument savoir quels sont les enjeux et les défis auxquels font face les gens qui viennent chez nous et comment nous pouvons les attirer ici.
Dans le cadre de cette initiative, j’ai espoir que nous pourrons non seulement attirer des gens ici, mais que nous pourrons aussi les garder dans nos circonscriptions et dans nos régions. Il ne s’agit pas seulement des grandes villes, mais aussi des régions à l’extérieur du Québec. Nous voulons les garder au Québec, bien sûr, mais nous voulons nous assurer que nous pourrons aussi les accueillir et les retenir dans toutes nos régions.
Je dis souvent que nous avons tous un rôle à jouer. Les gouvernements à l’échelle municipale, provinciale et fédérale ont un rôle à jouer. Les organismes à but non lucratif font un travail extraordinaire sur une base régulière pour accueillir les immigrants. En tant qu’individus, nous avons aussi un rôle à jouer. Les immigrants doivent s’intégrer dans nos communautés, mais nous devons aussi nous intégrer dans leur vie, dans leur quotidien. Nous avons tous un rôle à jouer pour nous assurer de bien accueillir les immigrants et faire en sorte qu’ils resteront chez nous.
La vice-présidente : Merci, madame la ministre. Je rappelle à tous qu’il ne faut pas dépasser le temps de parole de cinq minutes.
La sénatrice Gagné : Bienvenue, madame la ministre. Merci de nous avoir transmis le rapport. C’est bien de voir les graphiques, puisqu’il n’y a pas eu beaucoup de fluctuations pendant une dizaine d’années. On a commencé à voir dernièrement une augmentation du financement.
Je dois avouer que, lorsque je retourne en arrière, j’ai vécu ces années difficilement, parce que lorsqu’il n’y avait pas d’augmentation du financement, cela voulait dire qu’il y avait une baisse, en réalité. Il faut comprendre que lorsque les coûts augmentent et que le financement est toujours maintenu au même niveau, c’est extrêmement difficile de pouvoir offrir la même qualité de services aux membres de la communauté et, pour ma part, aux étudiants de l’Université de Saint-Boniface. C’est important de le souligner.
Il est aussi important de pouvoir annoncer assez rapidement le financement du nouveau Plan d’action pour les langues officielles de 2023-2028. Plus on attend, plus les communautés et les établissements sont appelés à réajuster le tir. Elles espèrent avoir de bonnes nouvelles. Je vais peut-être poser la question qui tue, si je peux m’exprimer ainsi : est-ce que le Plan d’action pour les langues officielles de 2023-2028 est conditionnel à l’adoption du projet de loi C-13, ou est-ce qu’on s’attend à ce qu’il soit adopté? L’étude du projet de loi C-13 prend plus de temps que ce à quoi je m’attendais et je suis certaine que c’est le cas pour vous aussi.
Mme Petitpas Taylor : C’est une très bonne question.
Premièrement, il est évident que, dans le cadre des derniers plans d’action, il y a eu une bonification des enveloppes d’environ 20 %. Il n’y avait pas eu de bonification depuis des années. Les organisations ont plaidé leur cause et ont dit qu’il leur fallait une augmentation. Nous étions donc bien contents de voir que les enveloppes avaient été bonifiées.
Lors des dernières consultations sur le prochain plan d’action de 2023-2028, nous avons encore entendu parler haut et fort de la question de la bonification des enveloppes. Ce ne sont pas que les Canadiens qui affrontent l’inflation. Bien sûr, les coûts pour les organismes à but non lucratif, partout au pays, sont plus élevés. Les loyers coûtent beaucoup plus cher et les organismes veulent pouvoir payer leurs employés. Souvent, les employés changent de secteur. Ils quittent leur emploi pour aller travailler dans un autre milieu afin de toucher un meilleur salaire. Lors de nos consultations, plusieurs thèmes ont été abordés, et la question de la bonification des enveloppes a été soulevée à toutes nos tables rondes.
Nous espérons tous — et je suis impatiente, tout comme les autres intervenants d’un bout à l’autre du pays — de voir le projet de loi C-13 adopté prochainement. Le projet de loi est encore à l’étude en comité parlementaire. Si l’adoption du projet de loi ne se fait pas dans l’immédiat, nous pouvons quand même passer au dépôt du plan d’action de 2023-2028.
Je tiens à souligner que les intervenants nous demandent aussi de déposer le plan d’action plus tôt que tard. Les organismes à but non lucratif n’ont pas de marge de crédit après le 31 mars. On doit être aussi sensible à cette cause. Idéalement, ce serait bien que le projet de loi soit adopté prochainement. Cela nous permettrait de tout faire de pair. En revanche, si ce n’est pas le cas, nous pouvons quand même mettre en œuvre le plan d’action.
La sénatrice Gagné : Je suis certaine que les communautés seront heureuses d’entendre cela.
En ce qui concerne toute la question de l’immigration, vous avez atteint la cible de 4,4 %. On sait quand même que la cible de 4,4 % était basée sur le recensement de 2001, je crois. On n’a pas atteint cette cible pendant toutes ces années, mais il y a de l’espoir.
Si l’on a réussi à atteindre la cible, on est peut-être en mesure de faire encore mieux l’année prochaine. À toutes fins utiles, est‑ce que le fait d’être en mesure d’atteindre la cible veut dire que nous sommes maintenant en mesure d’établir des cibles plus élevées pour enfin combler le manque à gagner de toutes ces années-là?
Mme Petitpas Taylor : C’est une bonne question. Je pense que nous devons être ambitieux. Si nous constatons toute la perte démographique dans ce pays année après année, il est important d’avoir une stratégie ambitieuse. Nous avons tous vu les données du recensement du mois d’août l’année dernière. Encore une fois, nous voyons le déclin du français. Pour remédier à cette perte démographique, l’immigration francophone doit être un élément clé.
Encore une fois, je suis très contente d’avoir l’appui de mon collègue l’honorable Sean Fraser, ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, pour travailler d’arrache-pied afin de nous assurer d’être ambitieux. Il faut non seulement fixer une cible — un chiffre, c’est un chiffre —, mais il faut également faire le travail nécessaire pour l’atteindre. Nous sommes engagés à nous assurer que le travail nécessaire sera fait. Encore une fois, nous voyons les chiffres diminuer chez nous en Acadie, et cela m’inquiète. Nous devons faire notre juste part du travail nécessaire pour fixer des cibles et les atteindre.
Le sénateur Dalphond : Bienvenue encore une fois au comité, madame la ministre. Il y a quelque chose qui m’inquiète un peu sur la vision du gouvernement. Vous avez préparé le plan d’action pour les années à venir, qui doit être assez complet. Les consultations s’achèvent. En même temps, on voit le comité parlementaire qui a modifié une partie importante du projet de loi, puisque la responsabilité sera désormais renvoyée au Secrétariat du Conseil du Trésor pour la supervision générale de l’activité gouvernementale plutôt qu’à votre ministère.
Est-ce un plan B que le gouvernement envisageait? Est-ce que le gouvernement est prêt à agir en conséquence, ou est-ce une impasse qui fera en sorte que l’adoption de la loi ou de votre plan d’action sera retardée? Est-ce qu’on prépare un plan B pour dire que si c’est le Secrétariat du Conseil du Trésor qui s’occupe de la supervision, on est prêt à travailler avec lui pour qu’il assume cette fonction?
Mme Petitpas Taylor : Premièrement, quand nous avons déposé le projet de loi C-13, nous avons été clairs en disant que ce projet de loi allait plus loin que le projet de loi C-32 pour ce qui est de concrétiser le rôle du Secrétariat du Conseil du Trésor, car ce dernier a un rôle clé à jouer. En concrétisant ce rôle, nous avons élargi ses pouvoirs pour lui donner des pouvoirs d’évaluation, de vérification et de surveillance. Cela signifie que nous continuons de surveiller de près le travail qui se fait au Parlement. Encore une fois, je suis convaincue qu’on aura finalement une loi qu’on pourra mettre en vigueur. À ce point-ci, on surveille les travaux parlementaires de près. Les membres du comité sont autonomes et ils vont partager leurs opinions et leurs points de vue. À ce point-ci, on continue de surveiller ce qui se passe.
Le sénateur Dalphond : Il est peu probable que le projet de loi soit adopté pour le 30 mars prochain. Le gouvernement — votre ministère en particulier et l’activité gouvernementale en général — prévoit donc un plan d’intervention pour les cinq prochaines années en fonction des grands paramètres du projet de loi, indépendamment de qui aura la responsabilité de faire rapport de la mise en vigueur, si je comprends bien?
Mme Petitpas Taylor : C’est exact. Notre prochain plan d’action pour 2023-2028, c’est vraiment une feuille de route, un plan de travail pour les cinq prochaines années. Il y a plusieurs éléments. Oui, il est sûr que la mise en œuvre de la loi nécessitera des fonds pour avoir les ressources nécessaires pour la mise en œuvre. Encore une fois, j’ai bien hâte de continuer à foncer pour m’assurer d’avoir les fonds et les ressources nécessaires pour être en mesure de faire le travail pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire d’un bout à l’autre du pays, qui nous ont lancé un cri du cœur et nous ont dit qu’elles avaient besoin d’aide pour faire le travail nécessaire.
Le sénateur Dalphond : Bien sûr, le financement du plan quinquennal requiert des fonds importants. Cela veut dire que le Secrétariat du Conseil du Trésor devra être impliqué de toute façon. Je présume que vous travaillez en collaboration avec eux?
Mme Petitpas Taylor : Oui.
Le sénateur Dalphond : Quant à la question de l’immigration et à la capacité d’attirer des immigrants, je suis assez heureux de voir que l’Ontario a atteint la cible de 4,4 %. Dans un sens, la situation de l’Ontario n’est-elle pas particulière? C’est le pôle économique le plus fort au Canada. Si l’on vient d’ailleurs, de l’Afrique francophone ou de l’Europe, on sait qu’en Ontario, il y aura plus de possibilités d’emplois et de carrière et plus de services.
Dans les programmes qu’on est en train de concevoir, ne faudrait-il pas trouver un moyen d’équilibrer les choses pour ce qui est de cette attractivité que les autres provinces n’ont peut‑être pas par rapport à l’Ontario?
Mme Petitpas Taylor : Nous avons tous une responsabilité de faire le travail nécessaire pour promouvoir nos régions. Je peux parler comme Acadienne. Chez nous, nous avons des stratégies de développement économique non seulement pour attirer les francophones chez nous, mais aussi pour leur donner la possibilité de découvrir l’Acadie et de voir qu’on peut y vivre et y travailler en français.
Oui, il est sûr qu’il y a une masse importante en Ontario, mais il y a aussi des masses importantes dans d’autres régions du pays. Lorsqu’on parle de la question du développement économique — je vais porter mon chapeau de ministre responsable de l’APECA —, il y a là une composante qui est importante et intéressante. Je vois dans ce cas que les langues officielles et mon dossier de développement économique vont de pair. Les investissements nécessaires doivent être faits pour attirer ces gens et pour assurer une forte présentation francophone dans nos communautés.
La sénatrice Clement : Bienvenue à la ministre et à ses collègues.
Les sénateurs et sénatrices m’ont souvent entendue parler des municipalités, parce que j’ai été la mairesse de Cornwall. Je crois vraiment que l’immigration, l’intégration et l’accueil se font dans la municipalité. C’est là que cela se passe. Je vais être critique face au gouvernement fédéral, très critique. Il y a souvent un manque de communication entre le gouvernement fédéral et les municipalités. Nous parlons toujours de partenariat, mais souvent, les municipalités ne se sentent pas vraiment partenaires à parts égales. Par contre, le développement économique et social, l’intégration et l’accueil se font dans les municipalités.
J’aimerais vous poser une question — et vous avez sûrement rencontré des représentants des municipalités durant vos consultations. Comment voyez-vous le rôle d’une municipalité? Cornwall n’a pas été choisie comme communauté accueillante. C’est très bien, nous ne sommes pas rancuniers. Nous nous sommes pris en main. En fait, c’est l’ACFO locale qui était une agence des plus efficaces à cause de la survie de la communauté francophone. Il fallait être efficace pour attirer et retenir les gens. En marchant ici de mon bureau de l’édifice de l’Est, j’ai rencontré un réfugié brillant qui était à Cornwall et qui est maintenant à Ottawa, parce que même en Ontario, les petites régions perdent les gens qui déménagent vers Toronto, Ottawa et Kingston. Il y a un manque d’information et un manque de communication.
C’est vrai que les provinces jouent un rôle, mais nous, en tant que municipalités, nous ne nous sentons pas toujours partenaires à parts égales. J’aimerais savoir quelle est votre vision du rôle d’une municipalité. Comment voyez-vous de meilleures communications se développer entre les municipalités et le gouvernement fédéral? Le recrutement, l’attraction et la rétention se font une municipalité à la fois; Cornwall et les municipalités qui ont une francophonie sont là. Nous attendons. Nous voulons être des partenaires à parts égales.
Mme Petitpas Taylor : C’est une très bonne question. Merci beaucoup, sénatrice. Encore une fois, je peux parler de mes expériences. Ma mairesse, à Moncton, est une championne de l’immigration francophone.
La sénatrice Clement : [Difficultés techniques].
Mme Petitpas Taylor : Nous avons développé des relations de grande proximité pour nous assurer de bien comprendre les enjeux et les possibilités pour les gens de la région. C’est chez nous.
Nous avons des échanges et des rencontres non seulement avec les gens de la municipalité, la mairesse et les conseillers de la ville, mais aussi avec la province et le gouvernement fédéral. On se rencontre régulièrement pour discuter de différents enjeux, que ce soit l’immigration francophone, l’immigration en général et le reste.
Vous avez absolument raison de dire, comme je l’ai dit tout à l’heure, que nous avons tous un rôle à jouer pour nous assurer d’attirer et de retenir les gens dans notre région. Les municipalités jouent un rôle clé. Qu’on le veuille ou non, elles accordent du financement pour soutenir toutes les activités de la communauté. Cela se fait souvent par l’entremise des partenariats avec les municipalités, les provinces et le fédéral.
Nous avons tous un rôle à jouer pour nous assurer qu’on peut mieux s’aligner sur les priorités des provinces et des municipalités.
La sénatrice Clement : Qu’est-ce que vous avez entendu de la part des municipalités lors de votre tournée?
Mme Petitpas Taylor : Premièrement, les municipalités cherchent d’autres personnes. La question de l’immigration...
La sénatrice Clement : Par rapport à la compétition, l’une contre l’autre?
Mme Petitpas Taylor : J’oserais dire que oui, un peu. On examine la question de la pénurie de main-d’œuvre et de la pénurie d’enseignants; je pourrais même nommer tous les professionnels en tant que tels.
Nous avons entendu haut et fort, de la part de toutes les régions et les municipalités qui ont participé à nos tables rondes, que la demande est forte pour avoir plus d’immigrants francophones chez eux et pour avoir les services nécessaires afin de bien les accueillir. Cela a été soulevé à maintes reprises.
Il y a 10 ans, lorsque j’ai commencé à faire de la politique, on n’entendait pas beaucoup parler d’immigration francophone, du moins pas chez nous. Maintenant, toutes les municipalités et les provinces que je consulte, que ce soit en région rurale ou urbaine, cherchent à recruter et à attirer des immigrants, et particulièrement des immigrants francophones dans les régions à haute présence francophone.
Donc, oui, c’est peut-être une compétition, mais on doit s’assurer non seulement que l’on sera en compétition, mais qu’une fois que les immigrants arriveront chez nous, on va bien les appuyer et les encadrer, puisqu’on veut qu’ils restent chez nous.
La sénatrice Clement : Merci.
Le sénateur Dagenais : Bonjour, madame la ministre. Je vais continuer sur le dossier de l’immigration.
On sait qu’il y a environ 4,8 millions de demandes actuellement et que 700 000 dossiers environ ont été traités. Évidemment, on n’a pas examiné tous les rapports au comité, mais il y a quand même un déséquilibre qui s’accentue, et ce, principalement au Québec. Cela m’amène à vous parler du trou béant à notre frontière, le chemin Roxham.
Évidemment, je considère que le chemin Roxham est une menace pour l’immigration au Québec. De plus, on vient d’apprendre cet après-midi que le maire de New York finançait le transport pour les immigrants qui veulent se rendre vers ce trou à notre frontière. Le 14 décembre, le ministre de la Sécurité publique, le ministre Marco Mendicino, a dit qu’un accord avait été conclu avec les Américains au sujet du chemin Roxham.
Il y a une dizaine de jours, le ministre de l’Immigration, M. Sean Fraser, a dit le contraire. Avez-vous une autre version de la situation? Vous savez qu’actuellement, le chemin Roxham est un sérieux problème, tant pour le Québec... C’est surtout le cas de la ville de Montréal, car la place Dupuis déborde, on ne sait plus où les loger et on parle même d’ouvrir le Stade olympique. De plus, ces gens rentrent tout de même illégalement au pays.
Avez-vous une réponse à nous donner aujourd’hui sur l’immigration et le trou béant à notre frontière? C’est bien beau de parler d’immigration, mais il faut quand même bien accueillir et bien traiter ces immigrants. Actuellement, quand on constate tous les problèmes dans les hôpitaux et dans les écoles et quand on voit le manque de logements, je ne suis pas certain qu’on peut bien les traiter comme on voudrait le faire au Québec.
Mme Petitpas Taylor : Merci de la question, monsieur le sénateur. J’aimerais bien pouvoir vous donner une longue réponse à cette question...
Le sénateur Dagenais : Elle peut être courte, madame la ministre.
Mme Petitpas Taylor : Encore une fois, je pense que ce serait une question à poser aux ministres Fraser et Mendicino.
Je reconnais que ce sont des dossiers qui sont saisis ensemble, puisque c’est une question de droit. On veut s’assurer que les gens sont bien accueillis chez nous une fois qu’ils arrivent au Canada et au Québec. Cependant, je pense que les deux ministres responsables pourraient mieux répondre à la question.
Le sénateur Dagenais : J’aimerais revenir sur le projet de loi C-13.
Pouvez-vous nous expliquer pourquoi on a retiré, dans le texte du préambule, l’extrait qui reconnaissait au Québec le principe d’une « langue commune »?
Ne sommes-nous pas en train de préparer le terrain pour que le premier ministre livre une bataille au Québec sur les droits linguistiques?
Mme Petitpas Taylor : Premièrement, il n’y a pas eu de retrait du tout, à moins que j’aie mal compris la question.
Le sénateur Dagenais : Je croyais qu’on avait fait un retrait dans le texte du préambule qui reconnaissait au Québec le principe d’une langue commune. On me dit que ces mots avaient été retirés.
Mme Petitpas Taylor : Non, c’est tout à fait le contraire. C’est un amendement qui a été présenté au comité lors de la réunion du 3 février, vendredi dernier, et cet amendement n’a pas été adopté.
Le sénateur Dagenais : Merci beaucoup, madame la ministre, vous me rassurez.
Pour revenir à l’immigration, on dit qu’évidemment, elle est essentielle à la sauvegarde du français. Pouvez-vous m’expliquer, en résumé, comment on pourra sauvegarder le français avec la recrudescence de l’immigration? En effet, ces gens ne parlent pas tous le français.
Mme Petitpas Taylor : Non, mais je crois que si on regarde les données de l’an dernier, on voit qu’on a su attirer 16 300 immigrants francophones à l’extérieur du Québec. On doit quand même s’assurer d’avoir des politiques en matière d’immigration pour attirer les gens, et aussi pour s’assurer qu’ils sont francophones.
Le ministre Sean Fraser viendra à votre comité et il pourra peut-être vous donner plus de détails, mais je vais quand même vous donner un exemple. Ce printemps, avec le programme Entrée express, vous aurez des points en extra si vous parlez français. On veut s’assurer non seulement qu’on va attirer des immigrants, mais qu’ils seront francophones.
Je pense que si on peut mettre sur pied des programmes de ce genre, cela fera une réelle différence. Il y a des bureaux d’immigration qui ont ouvert dans différents pays africains, encore une fois, pour s’assurer qu’on peut recruter des candidats dans le bassin des francophones pour les attirer au Canada. Il n’y a pas une seule solution magique pour répondre à tout cela, mais je peux vous dire que le ministre et ses fonctionnaires sont saisis du dossier de toute la question de l’immigration francophone; c’est une priorité.
Je crois que vous avez déjà reçu le ministre Sean Fraser ici, et vous avez sûrement constaté qu’il veut absolument perfectionner son français lui aussi. C’est quelqu’un qui ne parlait pas beaucoup français il y a un an. On voit que cela lui tient à cœur. On a de très bonnes relations de travail et on veut foncer et aller de l’avant ensemble pour nous assurer d’atteindre les cibles. Ce n’est pas juste un chiffre; il faut réellement atteindre les cibles que nous allons nous fixer.
Le sénateur Dagenais : Merci beaucoup, madame la ministre.
La vice-présidente : Avant de passer au deuxième tour, j’ai une petite question, si vous me le permettez; je n’en poserai qu’une seule.
Madame la ministre, merci d’être de nouveau parmi nous. Je l’apprécie grandement, et c’est un plaisir de vous revoir. Ma question porte sur la deuxième recommandation du commissaire aux langues officielles qui figure dans son rapport annuel de juin 2022, et je cite :
Je recommande à la ministre des Langues officielles de s’assurer que les institutions fédérales sont bien informées de leurs obligations sous la partie VII de la Loi sur les langues officielles et les mettent en œuvre à la lumière du jugement du 28 janvier 2022 Canada (Commissaire aux langues officielles) c. Canada (Emploi et Développement social) de la Cour d’appel fédérale.
Pourriez-vous partager avec le comité les progrès réalisés pour ce qui est de cette recommandation?
Mme Petitpas Taylor : Ce sont de bonnes nouvelles et cela figure dans notre projet de loi. On veut s’assurer qu’on va absolument traiter cette recommandation.
La vice-présidente : Merci.
La sénatrice Moncion : La question que je vais poser est au nom du sénateur Cormier. Donc, c’est comme si je ne comptais pas dans le deuxième tour.
La vice-présidente : D’accord, j’accepte.
La sénatrice Moncion : Le 31 janvier dernier, le Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes a modifié le préambule du projet de loi C-13, en y ajoutant que le gouvernement fédéral, et je cite :
[…] reconnaît l’importance de l’immigration francophone pour favoriser l’épanouissement des minorités francophones, notamment en assurant le rétablissement et l’accroissement de leur poids démographique;
En répondant à une question posée par un membre du comité, M. Alain Desruisseaux, directeur général, Politiques en immigration francophone et langues officielles au sein de votre ministère, a indiqué ce qui suit, et je cite :
[…] en utilisant le mot « assurant », on inscrit une obligation de résultat dans le projet de loi. Or, il s’agit ici d’un domaine de compétence partagée, où les provinces et territoires ont aussi une contribution marquée à apporter. […] Alors, il y aurait un risque, puisque le gouvernement fédéral ne contrôle pas tous les paramètres, ici.
Le sénateur Cormier demande si vous êtes d’accord avec votre collègue. Le cas échéant, il vous demande de préciser davantage la nature et la portée de ce fameux risque dont parle M. Desruisseaux.
Mme Petitpas Taylor : Vous remercierez le sénateur Cormier de sa question. Je vais céder la parole à notre sous-ministre, Mme Mondou, qui pourra expliquer la partie technique de cette question.
Isabelle Mondou, sous-ministre, Patrimoine canadien : Peut-être que ma collègue Julie Boyer, qui était au comité, pourra compléter ma réponse.
M. Desruisseaux est un collègue du ministère de l’Immigration; il est donc un spécialiste de ces questions. Il a voulu dire que lorsqu’on s’assure de quelque chose, normalement, c’est qu’on met en évidence qu’on a le contrôle sur la façon de s’en assurer, et donc qu’on a tous les instruments entre nos mains, parce que le mot « assurer » vient avec une obligation de résultat.
Il voulait donc dire qu’en matière d’immigration, les provinces ont un rôle à jouer, tout comme les municipalités. On en a parlé plus tôt. Il y a plusieurs joueurs. Pour cette raison, il trouvait que le terme « s’assurer » créait une obligation de résultat pour un des joueurs, alors que plusieurs joueurs ont un rôle à jouer. C’est pour cela qu’il parlait d’un risque. On vient créer une obligation sur laquelle on n’a pas pleinement le contrôle au gouvernement fédéral, alors qu’il faut vraiment établir un partenariat avec les différents joueurs. C’est le risque auquel il faisait allusion.
La sénatrice Moncion : J’aime beaucoup le fait qu’il y ait une obligation de résultat. On utilise souvent le mot « assurer » à la légère et on a très peu l’occasion d’assurer ou même de concrétiser des résultats. Merci beaucoup.
La sénatrice Gagné : Je vais revenir aussi à la question des cibles de rattrapage, pour ce qui est de l’immigration.
On estime que techniquement, pour être en mesure de se rattraper, on a besoin de cibles quand même assez importantes : 12 %, en 2024 et jusqu’à 20 % en 2036. Ces cibles ont été mises de l’avant par la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada. Est-il réaliste de penser que l’on peut atteindre ces cibles? Est-ce qu’il y a l’espoir?
En effet, techniquement, on voit quand même un pourcentage de la francophonie se faire pratiquement éliminer. C’est un grand défi. Finalement, la question est de savoir ceci : comment peut‑on s’assurer de faire un rattrapage afin de ne pas perdre ce poids démographique, qui est déjà sensiblement affaibli, et de dynamiser nos communautés au Canada?
Mme Petitpas Taylor : C’est une très bonne question, et elle n’est pas simple. Premièrement, il est bien sûr très important d’établir une cible ambitieuse. Toutefois, pour moi, ce n’est pas juste un chiffre. On doit quand même s’assurer que les objectifs sont clairs — pas seulement les chiffres, mais aussi les manières d’atteindre ces objectifs.
Encore une fois, je reviens au fait qu’il est important de s’assurer que le gouvernement fédéral fasse sa juste part, qu’il fait les investissements nécessaires afin de recruter et de retenir les immigrants, mais il faut aussi que les provinces, les municipalités et toutes les communautés fassent leur part.
Je répète : ce n’est pas seulement la cible qui est importante, mais les actions concrètes qui seront portées. Le Centre d’innovation en immigration francophone, qui vient d’ouvrir chez nous, veut se pencher sur les enjeux et sur la façon d’avoir un plus vaste bassin d’immigrants francophones qui feront des demandes pour venir s’établir chez nous. C’est une grosse partie du travail essentiel à faire.
Oui, le gouvernement fédéral doit jouer le rôle de chef de file. On doit faire les investissements nécessaires et travailler en étroite collaboration avec tous nos partenaires pour s’assurer que tous participent afin de régler cette situation.
Tout comme vous, cela m’inquiète énormément. J’ai vu les cibles proposées par différents groupes communautaires. C’est important. Mais encore une fois, ce qui est le plus important, c’est le concret, c’est ce qu’on peut faire pour s’assurer qu’on peut aller chercher ces gens et qu’ils vont s’intégrer dans nos communautés, y rester et devenir Canadiens.
La sénatrice Gagné : Est-ce que les universités et les collèges sont aussi engagés dans cette stratégie de recrutement? Ce sont des endroits où les gens peuvent s’adapter, où ils sont encadrés. Ils peuvent contribuer et ensuite choisir de rester. Même si l’on voit une migration à l’intérieur des différentes provinces, ils restent au moins ici, au Canada.
Mme Petitpas Taylor : C’est un bassin très important de nos communautés de langue officielle en situation minoritaire. Nous avons une multitude d’étudiants internationaux sur le campus, à l’Université de Moncton. Ils y passent quatre, six ou huit ans, ils s’intègrent chez nous et ensuite, ils veulent rester chez nous. Encore une fois, c’est un bassin important. Ce n’est quand même pas le seul bassin, car on s’est fixé des cibles ambitieuses afin d’attirer des gens ici, au Canada. Cela ne peut pas être seulement des étudiants internationaux, mais pour ce qui est de la francophonie, je crois qu’on va réaliser que c’est quelque chose de vraiment précieux et que c’est un bassin fort intéressant pour atteindre nos objectifs.
Le sénateur Dalphond : Pour faire suite aux questions de la sénatrice Gagné, il y a l’idée que le programme ne peut pas réussir sans que les provinces embrassent elles-mêmes ces programmes. Par exemple, je vois que dans votre province, le Nouveau-Brunswick, la cible était de 33 % en 2022. Selon votre rapport, on a plutôt atteint 22,7 % . On est encore loin de la cible.
Je vois aussi qu’au Manitoba, selon un article de Radio-Canada paru en décembre dernier, le gouvernement du Manitoba a abandonné la cible de 7 %.
Est-ce qu’il y a eu lieu de s’inquiéter du manque de collaboration des provinces, qui explique quelque peu le fait que nos cibles ont l’air irréalistes?
Mme Petitpas Taylor : Encore une fois, il est important de s’assurer qu’on travaille en étroite collaboration avec tous les joueurs. Je rencontre souvent des entrepreneurs qui cherchent à recruter des gens. Il y a énormément de demandes, et ils cherchent dans tous les programmes afin d’engager des gens le plus rapidement possible. On a un rôle important à jouer pour s’en assurer. Les provinces ont un rôle clé à jouer et c’est très important de s’assurer qu’on fera le travail nécessaire pour augmenter le taux d’immigration francophone, non seulement dans les grands centres, mais aussi dans les régions rurales.
Lors de nos consultations pancanadiennes l’année dernière, j’étais dans une région de Terre-Neuve-et-Labrador où la population de francophone est vraiment petite. Pourtant, ils sont fiers d’être francophones, ils veulent s’assurer de tout faire pour préserver et promouvoir leur langue et pour le faire, ils veulent attirer des immigrants francophones.
Encore une fois, on a tous un rôle de chef de file à jouer et on a tout à gagner avec l’immigration francophone. Il s’agit non seulement de combler et de répartir le poids démographique, mais le fait d’avoir une population francophone bilingue est aussi un avantage socioéconomique.
Chez nous à Moncton, au Nouveau-Brunswick, on n’a peut‑être pas atteint nos cibles et nos objectifs l’année dernière, mais lorsqu’on regarde la question du bilinguisme de notre province... Comment se fait-il que nous soyons en train d’attirer certains centres et différentes entreprises qui sont prêtes à s’installer chez nous? C’est grâce à notre main-d’œuvre bilingue. Je répète qu’il faut promouvoir cet avantage, car c’est un avantage économique et essentiel.
Le sénateur Dalphond : Je voulais plutôt savoir si vous êtes satisfaite de la collaboration des provinces, notamment votre province, le Nouveau-Brunswick, ou encore le Manitoba.
Mme Petitpas Taylor : Je répète : il reste du travail à faire pour ce qui est d’augmenter les cibles d’immigration, et il faut continuer de travailler avec nos provinces et territoires pour faire avancer ce dossier qui me tient à cœur.
Le sénateur Dalphond : Merci de répondre directement à la question.
Le sénateur Dagenais : Madame la ministre, pendant la réunion du comité, j’ai lu un article publié dans Le Journal de Québec. On peut y lire que le projet de loi C-13, dans le préambule, reconnaissait que le français constituait la « langue commune » du Québec, et qu’Ottawa accordait au Québec toute la latitude requise pour son aménagement linguistique prévu dans la Charte de la langue française.
On dit dans l’article que tout cela a disparu du texte du projet de loi cette semaine. Un amendement a été défendu par les députés Marc Garneau et Anthony Housefather. On dit aussi que toute référence à la Charte de la langue française était prétendument nécessaire.
Il semble qu’un problème soit survenu avec le projet de loi no 96, ce qui a mené au retrait de l’amendement du préambule du projet de loi C-13 qui était défendu par les députés Marc Garneau et Anthony Housefather. Je vous invite à les contacter. Vous avez dit que l’amendement avait été rejeté, mais on fait tout de même référence au fameux projet de loi no 96 du Québec dans l’article.
Mme Petitpas Taylor : Si vous le permettez, Mme Boyer pourra éclaircir ce point.
Le sénateur Dagenais : On m’a fait parvenir cet article rédigé par Antoine Robitaille, du Journal de Québec, qui rapporte que l’amendement a été retiré du préambule et que tout cela fait référence au projet de loi no 96 — qui fait beaucoup de bruit, si je peux m’exprimer ainsi.
Julie Boyer, sous-ministre adjointe, Langues officielles, Patrimoine canadien : C’est avec plaisir que je répondrai à votre question. J’ai le projet de loi C-13 sous les yeux, ainsi qu’un cartable qui contient les amendements qui ont été adoptés et rejetés.
Madame la ministre avait raison lorsqu’elle a dit que rien n’avait été retiré du projet de loi C-13. En fait, il est question de la Charte de la langue française du Québec, qui stipule que le français est la langue officielle du Québec. C’est bel et bien inscrit dans le projet de loi; cela a été adopté.
Ce qui a été rejeté, c’est un amendement proposé par le Bloc québécois, qui ajoutait la mention « la langue officielle et commune du Québec », et qui n’a pas eu l’appui du comité. À part cela, rien n’a été retiré du projet de loi, qui décrit fort bien l’aménagement linguistique conféré par la Charte de la langue française au Québec, charte qui reconnaît le français comme étant la langue officielle.
Le sénateur Dagenais : Merci beaucoup, madame Boyer. J’apprécie la précision.
La vice-présidente : Ma dernière question s’adresse à la ministre. Depuis 2013, aucun sénateur ne représente les Acadiens de la Nouvelle-Écosse.
En 2022, la province a accueilli 795 immigrants qui identifient le français comme étant la langue avec laquelle ils sont le plus à l’aise. Il s’agit d’un ajout de 180 immigrants par rapport à 2021. C’est une bonne nouvelle, puisque la Nouvelle-Écosse a pour objectif de doubler sa population pour qu’elle atteigne deux millions d’habitants d’ici 2060.
Dans le contexte actuel, y aurait-il lieu de s’inquiéter? Comment prévoyez-vous d’appuyer l’immigration francophone dans le cadre de la stratégie de croissance démographique de la Nouvelle-Écosse?
Mme Petitpas Taylor : Évidemment, ce sont de bonnes nouvelles pour ce qui est de toute la question de l’immigration en Nouvelle-Écosse. Cependant, il faut y porter une attention particulière et s’assurer qu’il n’y aura pas une autre perte démographique dans cette province. Avec la stratégie mise sur pied pour attirer l’immigration francophone, nous devons travailler en étroite collaboration avec la province pour nous assurer que celle-ci fasse sa juste part pour attirer des immigrants francophones.
J’ai eu la chance de m’entretenir avec le ministre responsable de la francophonie et je sais qu’il est, lui aussi, très passionné par la question de l’immigration francophone. Il ne veut pas voir une décroissance démographique au pays. Quant aux Acadiens francophones de la Nouvelle-Écosse, ils veulent eux aussi s’assurer que leur communauté pourra continuer de s’épanouir au cours des années à venir.
La vice-présidente : Merci beaucoup, madame la ministre. Je remercie également nos témoins de leur comparution grandement appréciée. Nous allons suspendre la réunion pendant quelques minutes pour attendre l’arrivée de notre deuxième groupe de témoins.
[Traduction]
Honorables collègues, nous recevons maintenant des représentantes d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, soit Mmes Christiane Fox, sous-ministre, et Catherine Scott, sous-ministre adjointe, Établissement et intégration. Bienvenue et merci de témoigner.
Madame Fox, je vous laisserai la parole pour que vous fassiez votre allocution d’ouverture. Nous demandons à tous de respecter la durée maximale de cinq minutes pour les exposés et les questions et réponses pour que tout le monde puisse intervenir.
[Français]
Je remercie mes collègues. Madame Fox, la parole est à vous.
Christiane Fox, sous-ministre, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada : Merci beaucoup. Bonsoir et merci de m’accueillir aujourd’hui. J’aimerais commencer par souligner que je me trouve actuellement sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe.
L’immigration contribue sans contredit à combler les besoins économiques immédiats du Canada, en plus de nous aider à renverser notre tendance démographique à la baisse, à préserver nos langues officielles et à accomplir notre devoir humanitaire en tant que membre de la communauté mondiale.
En 2019, IRCC a annoncé la mise en place de la Stratégie en matière d’immigration francophone, visant à atteindre une cible de 4,4 % pour l’année 2023. Cette cible a été définie en consultation avec des intervenants communautaires. En plus de la cible de 4,4 %, la stratégie favorise l’intégration et la rétention réussies des nouveaux arrivants francophones et renforce la capacité des communautés francophones en situation minoritaire.
Je suis très heureuse d’annoncer que nous avons atteint la cible de 4,4 % d’immigration francophone admise à l’extérieur du Québec avant la fin de 2022, soit un an plus tôt que prévu. Cependant, nous savons que le travail doit continuer.
En 2022, le Canada a accueilli plus de 16 300 nouveaux arrivants francophones à l’extérieur du Québec, soit trois fois plus qu’en 2018. Il s’agit du plus grand nombre d’immigrants francophones admis à l’extérieur du Québec depuis 2006. Cette augmentation est notamment attribuable à la Stratégie en matière d’immigration francophone.
Ces nouveaux arrivants francophones ont déjà commencé à enrichir leurs nouvelles communautés. Ils aideront à préserver la langue française et à combler la pénurie de main-d’œuvre qui sévit partout au Canada, ce qui sera bénéfique pour la croissance démographique et la prospérité économique des communautés francophones en situation minoritaire à l’extérieur du Québec.
Nous avons atteint notre cible en prenant des mesures concrètes, y compris en attribuant des points supplémentaires aux candidats francophones et bilingues dans le cadre du système Entrée express en 2020, en ajoutant la voie d’accès de la résidence temporaire à la résidence permanente, qui n’avait aucun plafond en 2021, et en améliorant les activités de promotion au Canada et à l’étranger, y compris l’événement Destination Canada Forum Mobilité.
Les investissements financiers réalisés dans le cadre du Plan d’action pour les langues officielles de 2018-2023 prévoyaient presque 500 millions de dollars sur cinq ans pour soutenir les langues officielles, y compris 40,7 millions de dollars pour les initiatives en matière d’immigration francophone.
Nous voulons en faire encore plus au cours des prochaines années. Nous commençons à réfléchir à une nouvelle politique d’immigration francophone, y compris de nouvelles cibles d’admission qui seront ambitieuses et réalistes. Nous avons mis sur pied un groupe de travail, coprésidé par la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, pour orienter les travaux visant à élaborer la nouvelle politique et les activités de consultation connexes.
Nous avons également proposé un ensemble d’initiatives pour le Plan d’action pour les langues officielles de 2023-2028 à venir. Ces initiatives font suite aux conseils formulés par les intervenants et aux propositions législatives énoncées dans le projet de loi C-13 qui renforcent la Loi sur les langues officielles modernisée.
Nous continuerons de collaborer étroitement avec nos partenaires afin d’offrir aux communautés francophones en situation minoritaire les outils dont elles ont besoin pour accueillir et retenir les personnes qui veulent s’y établir.
En terminant, j’espère avoir donné aux membres du comité une bonne idée de ce que mon ministère a accompli pour encourager les nouveaux arrivants à s’installer dans l’une des communautés, même si l’on sait que l’on doit en faire encore plus pour atteindre des objectifs plus ambitieux en travaillant avec les provinces et les territoires, les organisations de partout au Canada et les autres organisations au sein du gouvernement fédéral, pour avoir un aperçu complet des besoins et des stratégies afin de combler ces besoins. Sur ce, je serai heureuse de répondre aux questions du comité ce soir.
Le sénateur Dalphond : Bienvenue au comité. D’abord, je me réjouis du fait qu’on a atteint la cible de 4,4 % d’immigration francophone hors Québec. Vous dites qu’il s’agit de trois fois plus qu’en 2018. Ce sont aussi des chiffres intéressants. Est-ce qu’une analyse détaillée a été faite pour voir ce qui peut expliquer cette recrudescence de l’immigration francophone?
Par exemple, pendant la pandémie, des dossiers ont-ils été retardés pendant un an ou deux, donc il y aurait eu moins d’immigration, puis il y aurait eu une accumulation et tout d’un coup, plusieurs immigrants arrivent au pays? Deuxièmement est‑ce que cette hausse s’explique par le programme Entrée express ou la bonification des points? A-t-on fait une analyse fine qui permettrait de voir s’il s’agit d’un phénomène sporadique, ou est-ce une tendance?
Mme Fox : Merci de la question. Je dirais qu’il s’agit d’une série de mesures qui ont influencé quelque peu le fait qu’on a pu atteindre la cible de 4,4 %. Cela a commencé en 2019 avec le développement de la stratégie. Au sein de notre ministère, quand on a une stratégie et des objectifs, nos équipes travaillent ensemble pour tenter d’atteindre ces objectifs, non seulement dans le secteur responsable de l’immigration francophone, mais aussi dans les secteurs des opérations et des politiques. C’est l’une des raisons pour lesquelles on a vu une augmentation.
La deuxième raison peut être attribuée aux points bonifiés du programme Entrée express : on a vraiment été en mesure d’aller chercher des immigrants francophones. Avec les nouvelles approches plus souples apportées par le projet de loi, qui entreront en vigueur au printemps 2023, nous pourrons aller chercher les immigrants francophones dans le bassin. Voilà deux éléments qui nous ont beaucoup aidés.
La dernière raison, c’est le cheminement des résidents temporaires vers la résidence permanente. Nous avons pu constater une hausse en ce qui concerne les cheminements au sein de nos programmes. Pour vous donner une idée, pour les admissions en 2022 au total, on a examiné le cheminement de la résidence temporaire à la résidence permanente, et l’on parle de 37 000 personnes au total, dont 3 700 étaient francophones. Ce sont des mesures collectives qui ont permis d’atteindre la cible, mais on a dû mettre l’accent sur les stratégies.
Enfin, je dirais qu’il y a un autre élément, soit notre présence et le travail de promotion que nous faisons à l’étranger et au Canada. On a présenté Destination Canada, où l’on a vraiment privilégié l’enseignement à la petite enfance et les secteurs qui avaient des besoins en immigration francophone. Si on veut être plus ambitieux, il nous faudra poursuivre ces efforts.
Le sénateur Dalphond : Je vous remercie de ces réponses. Je vais prendre l’exemple de l’Ontario, qui a atteint sa cible de 4,4 %. La moyenne est atteinte, contrairement au Manitoba et au Nouveau-Brunswick. La cible est peut-être trop ambitieuse pour l’instant.
Une analyse plus détaillée a-t-elle été faite pour savoir si les gens qui sont venus en Ontario sont tous allés dans la grande région de Toronto? Se sont-ils plutôt répartis dans toute la province? Des gens sont-ils allés à Cornwall? Ma collègue fait remarquer que Toronto et Ottawa ne sont pas les seules villes ontariennes... Est-ce que certains se sont installés dans le Nord de l’Ontario? Est-ce que cette immigration francophone va dans des milieux où elle peut espérer vivre en français ou plutôt dans une grande ville où le français est moins important?
Mme Fox : On travaille de près avec les provinces qui ont établi des cibles qui leur sont propres. Les ententes fédérales, provinciales et territoriales sont une façon de renforcer le tout entre le Canada et les provinces et territoires. De plus, pour le Nouveau-Brunswick et l’Ontario, on a ajouté une annexe à l’entente qui fait en sorte de présenter les cibles en matière d’immigration francophone. Cela nous permet de travailler ensemble.
Effectivement, de façon plus générale, il y a une tendance selon laquelle l’immigration se fait dans les grandes villes comme Toronto, Montréal et Vancouver. Il faut faire des efforts pour régionaliser l’immigration, et ce n’est pas limité aux francophones. Des données indiquent où les gens s’établissent. On a augmenté à 14 les communautés qui offrent des services d’intégration complets. Cela nous permet de pousser un peu l’immigration dans ces villes, mais on devra faire plus d’efforts de ce côté, car on se retrouve avec des gens qui ont des liens familiaux ou des emplois qu’ils comptent occuper et qui sont situés dans les grandes villes. Il faudra faire un effort non seulement en matière d’immigration francophone, mais au-delà de cela.
La sénatrice Moncion : Ma question porte sur le choix que font les immigrants. Vous avez mentionné que vous avez des initiatives comme Destination Canada Forum Mobilité, que vous faites du recrutement à l’étranger, et cetera. Qu’est-ce qui fait que les immigrants choisissent les grandes villes? Vous avez parlé de la régionalisation de l’immigration. Quels critères expliquent que les immigrants vont choisir une province plutôt qu’une autre?
Mme Fox : Il y a beaucoup de motivations. Ce pourrait être la réunification familiale, une offre d’emploi ou le fait de bien connaître Toronto ou Vancouver, par exemple. Il faut faire un effort plus grand pour parler réellement des autres options. Je dirais qu’on a certains programmes pilotes et d’autres programmes qui sont devenus permanents pour promouvoir les régions du Canada. Par exemple, le Programme d’immigration au Canada atlantique est un projet pilote permettant d’avoir un cheminement vers la résidence permanente et d’assurer une meilleure coordination entre l’employeur, la communauté, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux.
Comment peut-on influencer les choix? En travaillant de concert avec les autres partenaires pour faire en sorte que lorsque les gens font leur choix, ils comprennent qu’ils ont des possibilités avec des employeurs intègres qui participent aux programmes. Les motivations sont différentes, mais on est dans une situation où le logement abordable dans les grandes villes comme Montréal ou Toronto est problématique. On veut encourager les employeurs et on travaille avec eux pour améliorer cette situation.
L’intégration dans la communauté fait en sorte qu’on a des résultats positifs sur le plan de la rétention. Il faut avoir des programmes autorisant l’épouse ou l’époux à avoir aussi un permis de travail. Si les deux membres de la famille sont établis et si les enfants vont à l’école, cela permet une rétention différente. On voit cela au Nouveau-Brunswick. On travaille avec six grands employeurs, comme le Groupe Savoie inc., Cooke Aquaculture et J.D. Irving, pour voir comment on peut retenir ces populations dans des villes qui sont souvent en situation minoritaire pour ce qui est des francophones.
La sénatrice Moncion : On a aussi rencontré des représentants des collèges et des universités qui nous ont parlé des défis qu’ils avaient, car eux aussi recrutent des étudiants à l’étranger. Quand il est temps de les retenir — car ils veulent souvent rester après leurs études —, ils ont énormément de problèmes. On a identifié ce problème au Québec — et cela avait fait les manchettes — et les différents intervenants qu’on a rencontrés en ont parlé.
Pourriez-vous nous parler des défis associés à la rétention ou à l’intégration de ces jeunes étudiants francophones qui viennent étudier ici? Quelles sont les solutions qui ont été mises en place pour corriger la situation ou pour faire face aux défis pour ce qui est de les garder ici? Il y a sûrement des enjeux politiques entre pays.
Mme Fox : Évidemment, depuis mon arrivée au ministère, le dossier des étudiants internationaux a été très important. J’ai eu beaucoup de conversations avec les intervenants, car c’est un dossier très complexe. Il y a une énorme demande d’étudiants internationaux qui souhaitent venir au Canada. L’an dernier, on a traité 739 000 demandes pour des permis d’études au Canada, soit de nouvelles demandes et des demandes d’extension aux demandes existantes.
Le système est sous pression pour traiter ces demandes. Le premier défi, c’est vraiment le volume, et il faut également décider d’un système qui mettra l’intégrité au premier plan. On l’a vu dans les médias. Il y a aussi des abus pour ce qui est des programmes d’études, ce qui pose des défis pour le gouvernement fédéral, les institutions et les étudiants qui se retrouvent dans une situation complexe qui les rend vulnérables. On doit tout d’abord examiner l’intégrité du système et travailler de près avec les institutions crédibles qui ont prouvé leur intégrité, afin d’avoir un système qui fonctionne bien pour les étudiants et pour le pays.
On doit également examiner l’élément qui se trouve dans la législation en matière d’immigration pour ce qui est de la double intention — par exemple, un étudiant qui vient au pays de façon temporaire, mais qui aimerait rester de façon permanente. Il faut voir ce qui fait en sorte que parfois, des décisions au sein du ministère semblent négatives à l’égard d’un dossier, car la double intention est prise en compte par l’agent de l’immigration. On devrait examiner le problème de près et voir si des changements sont nécessaires, car un étudiant étranger qui étudie au Canada pendant quatre ans et qui peut travailler au sein d’une communauté est un candidat prometteur pour l’avenir de l’immigration et pour la rétention. Voilà un deuxième défi.
S’il y a un modèle qui m’intéresse énormément — et vous en entendrez peut-être parler —, c’est celui de la Nouvelle-Écosse, qui a un programme appelé EduNova, qui vise l’intégration des étudiants. Il y a des appuis une fois qu’un étudiant arrive au sein d’une institution académique. Ensuite, il y a des appuis pour jumeler les étudiants et les employeurs et pour offrir des services linguistiques et différentes technologies, comme des applications qui assurent une intégration au sein de la communauté et une connexion avec d’autres étudiants.
L’ensemble des programmes d’intégration et de rétention est un autre élément qui doit être examiné au sein du pays, mais c’est un modèle intéressant. Évidemment, il faut faire des investissements si on veut garder ces gens à long terme. Il faut aussi regarder les données sur les succès obtenus, pour voir quelle est la population qui a obtenu plus de succès et pourquoi, et baser nos décisions sur les données qui existent au sein du ministère. Ce ne sont pas des dossiers faciles. Il y a des complexités et on devra peut-être réviser nos programmes et nos politiques pour voir comment certains éléments peuvent être modifiés pour garder les étudiants au Canada.
La sénatrice Moncion : Merci beaucoup.
La sénatrice Gagné : Dans la réponse que vous avez donnée au sénateur Dalphond, vous avez mentionné que vous aviez une annexe pour l’Ontario et le Nouveau-Brunswick dans les ententes de collaboration. Je remarque que le Manitoba ne fait pas partie de cette annexe. Je suis Manitobaine et je suis bien consciente que la cible d’immigration fixée par le Manitoba était de 7 %. On a fait une demande pour obtenir plus de renseignements et depuis, c’est le silence radio.
Comment cela se passe-t-il lorsqu’une province contribue aux efforts d’immigration, et comment sommes-nous en mesure d’identifier une cible et d’appuyer une province dans l’atteinte de cet objectif, qui est la cible de 7 % au Manitoba?
Mme Fox : Effectivement, il y a des annexes pour deux provinces. Les ententes entre les différentes provinces viennent à échéance à des dates différentes. C’est peut-être le moment où l’on renouvelle une entente qui nous donne la possibilité d’ajouter cette annexe. Effectivement, le Manitoba a noté que la cible de 7 % était son objectif.
Comment peut-on travailler ensemble pour atteindre les objectifs? En premier lieu, ce qui nous donne un peu plus de flexibilité, ce sont les changements à Entrée express et le programme de nomination au sein des provinces. Les provinces ont un programme qui leur permet de nommer des candidats. Avec la flexibilité du programme Entrée express, cela fera en sorte qu’une province pourra faire plus de sélection sur le plan des catégories, comme des ressources en santé et en technologies informatiques. Une province peut choisir de cibler le secteur de la construction, par exemple, mais elle peut aussi cibler l’immigration francophone.
De notre côté, il sera encore plus important de travailler avec les provinces et les territoires, parce qu’on augmente nos cibles et nos seuils d’immigration d’année en année. On a présenté notre plan pluriannuel et, pour l’année 2023, on en est à 465 000 immigrants permanents, ce qui représente une hausse de 25 000 par rapport à cette année. C’est quand même considérable. D’ici 2025, le plan a une cible de 500 000 résidents permanents. Avec ce volume, ce sera encore plus important de travailler avec les provinces pour ce qui est des programmes de nomination provinciale et des programmes à l’échelle fédérale pour mieux cibler nos efforts.
Une idée a aussi été évoquée avec les provinces et les territoires. Il y a beaucoup de missions économiques conjointes et de promotions, mais peut-on être plus précis quand on fait la promotion de l’immigration francophone? Par exemple, s’il y a des besoins en matière de construction partout au pays à cause de la pénurie de main-d’œuvre et si l’on peut parrainer des pays comme le Liban au moyen d’une cible d’immigration francophone, on pourrait développer des stratégies. Une collaboration fédérale-provinciale à cet égard pourrait nous aider à atteindre nos objectifs.
La sénatrice Gagné : D’accord. Est-ce que vous engagez des conversations avec les communautés francophones dans les différentes provinces, comme la Société de la francophonie manitobaine, le Conseil de développement économique et l’Association des municipalités bilingues? Tous ces organismes, en fin de compte, soutiennent beaucoup d’immigrants, tout comme des étudiants, l’Université de Saint-Boniface et ainsi de suite. Je sais que cette relation est une relation fédérale-provinciale, mais il faut, en pratique, avoir la communauté à la table; est-ce que cela se fait, et comment cela se fait-il?
Mme Fox : Absolument. On a essayé de faire un effort dans les dernières années, non seulement avec le degré d’investissement — à ce point-ci, on investit au-delà de 60 millions de dollars pour des groupes communautaires qui peuvent nous aider avec l’intégration. De plus, au cours des trois dernières années, on est passé d’environ 50 organisations à 80 organisations partout au pays; ce sont des organisations francophones où on a une relation directe sur le plan de l’investissement. Cela permet de créer des liens non seulement en faveur de l’immigration francophone économique, mais aussi dans notre réponse à des crises humanitaires partout au pays.
Souvent, dans une crise, comme on le sait, on doit avoir un réseau et un écosystème qui peuvent réagir rapidement. Bonifier nos relations avec les gens sur le terrain nous permettra d’être mieux équipés pour le faire. Est-ce qu’on peut en faire davantage? Je pense qu’avec nos réflexions sur le plan d’action de 2023-2028, on pourra renforcer ces efforts, mais on ne se fie pas nécessairement seulement aux provinces et aux territoires pour entamer ces discussions.
La dernière chose que j’ajouterai est que, avec un des projets pilotes dans les sections rurales et du Nord, dans des villes comme Sudbury et Timmins, il peut y avoir des liens. On essaie de voir ce qui fonctionne bien entre nous, la municipalité, les employeurs et les groupes communautaires, afin d’intégrer les gens et d’avoir du succès de ce côté.
Il y a différentes stratégies, mais cela reste un défi. Ce n’est pas facile, mais on essaie d’amplifier nos efforts.
Catherine Scott, sous-ministre adjointe, Établissement et intégration, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada : Tout le travail qui se fait sur le plan des services d’établissement se fait en collaboration avec les communautés. Nous tenons plusieurs tables de consultation ou de codéveloppement.
Dans le cas du Manitoba, par exemple, la Société de la francophonie manitobaine travaille de très près avec nous pour offrir des services d’établissement et elle a développé une expertise sur le plan de l’accueil des réfugiés. Elle a accueilli plus de 500 réfugiés à Winnipeg au cours de la dernière année. C’est quand même un exploit important. Ce ne sont pas nécessairement des réfugiés francophones, mais des gens qui vont s’établir dans la province et qui ont reçu des services de la part d’un organisme francophone.
La sénatrice Gagné : Merci beaucoup.
La sénatrice Clement : Bienvenue à Mme Fox et à Mme Scott. Je vais continuer sur le thème des communautés et des municipalités en particulier.
Madame Scott, vous avez dit des choses très intéressantes. L’immigration — et l’immigration francophone — est un projet fondamental de société. Il s’agit de la construction d’une nation.
Dans cette intégration, l’accueil se fait surtout dans les municipalités. Le rôle d’un conseil municipal, d’une mairesse, d’un maire, c’est puissant, c’est fondamental. Cependant, les municipalités ne sont pas toujours perçues comme un partenaire à part entière par le gouvernement fédéral. Nous sommes des créatures des provinces, alors cela complique la communication entre le fédéral et les municipalités.
Je vais donner un exemple concret. À Cornwall — justement, madame Scott, vous avez parlé d’un réfugié —, nous avons maintenant des centaines et des centaines de réfugiés, parce que nous avons un centre de conférence qui peut les accueillir. Il n’y a pas eu de communication entre IRCC et la communauté, soit les gens de Cornwall. C’est un projet de société et on est content que cela se passe, mais le gouvernement fédéral ne parle pas directement aux maires ou aux gens qui sont sur le terrain. Je rentre à la maison les fins de semaine et les gens se demandent ce qui se passe.
Comment voyez-vous le rôle d’une municipalité, et comment allez-vous faire pour améliorer les communications directes avec un partenaire aussi important dans ce projet de société?
Mme Fox : Merci beaucoup de la question. En fait, cela me rappelle un peu mon rôle précédent. J’étais à Services aux Autochtones Canada et souvent, lorsqu’il y avait des évacuations des communautés autochtones dans le Nord, on se servait du centre situé à Cornwall, étant donné qu’il y a des espaces communautaires, des espaces pour les enfants, des logements et une cafétéria. C’est un très beau centre. En ce moment, vous avez tout à fait raison, il y a des demandeurs d’asile et des réfugiés qui sont à Cornwall.
Qu’est-ce qu’on peut faire pour améliorer les choses? Évidemment, on a beaucoup de conversations actives avec les gens qui font fonctionner le centre et avec les groupes qui appuient les demandeurs d’asile. Vous avez parlé de conversations avec le maire et les villes en question. Souvent, je dois dire... Dans certaines provinces, pour être honnête, il y a toujours des préoccupations lorsque le fédéral transige directement avec les municipalités parce que, pour ces provinces, c’est important d’avoir une coordination. Cela ne devrait pas empêcher qui que ce soit de contacter un maire en même temps que le gouvernement de l’Ontario. On peut avoir des communications. Je prends note de cela parce que c’est un très bon point.
Je suis tout à fait d’accord quand vous dites que les municipalités jouent un rôle clé. Quand on regarde notre projet avec ses seuils ambitieux d’immigration et avec la capacité d’absorption, on sait que ce sont les communautés qui vont vraiment le vivre. Ont-ils des logements, du transport municipal, des services? Ont-ils les infrastructures requises?
Donc, ce sont des conversations que l’on veut avoir avec les municipalités. Il y en a parfois avec la Fédération canadienne des municipalités (FCM) et d’autres groupes, mais parfois les communications directes sont importantes. J’en prends note.
La sénatrice Clement : Merci beaucoup.
Le sénateur Dagenais : Merci, madame Fox. Je l’ai déjà mentionné à la ministre : en 2022, il y a eu 4,8 millions de demandes d’immigration, mais seulement 700 000 dossiers ont été traités. C’est quand même moins de 20 % de performance.
N’y a-t-il pas une incohérence dans les seuils d’immigrants que l’on veut accueillir? Qui fixe les seuils d’immigration? Est‑ce que ce sont les politiciens ou est-ce la haute fonction publique, qui devient en quelque sorte responsable du débordement de travail chez les fonctionnaires?
Mme Fox : Évidemment, on a eu des défis avec nos systèmes et les demandes qu’on a reçues; je pense que la pandémie de COVID-19 et la fermeture des frontières ont eu un impact sur le volume.
Il y a peut-être deux stratégies ou deux faits que je présenterais; le premier, ce sont les résidents permanents et notre habileté à atteindre les seuils identifiés dans notre plan et dans nos seuils d’immigration. C’est un processus qui fait en sorte que les fonctionnaires donnent des conseils; le Cabinet prend ensuite une décision sur le seuil d’immigration pour l’année et ces décisions sont présentées à la Chambre. Cela nous permet de faire une planification financière au sein du ministère. Cela fait en sorte que, l’année dernière, on a atteint nos cibles. Donc, 440 000 personnes se sont établies au pays et on a traité toutes ces demandes.
Au-delà de cela, ce qui est plus problématique pour le ministère, c’est la résidence temporaire, parce qu’on n’a pas de contrôle sur le nombre d’étudiants et le nombre de visiteurs. On a aussi parfois des demandes humanitaires. Par exemple, en ce qui concerne l’Ukraine, on a quand même traité près de 500 000 demandes et on en est à plus de 100 000 personnes qui se sont établies au Canada de façon temporaire. Donc, cela fait en sorte qu’il y a de beaucoup de pression sur le système. On étudie de notre côté comment on pourrait se servir de systèmes plus flexibles en matière de technologie et d’informatique, et comment on pourrait modifier nos politiques afin de les assouplir.
On a pris des mesures qui font en sorte qu’on travaille à faire du rattrapage par rapport au traitement des demandes; on a fait de gros progrès, mais on doit continuer.
Ce qui me donne confiance, c’est que, pour la résidence permanente, on est en mesure d’atteindre le volume du plan établi, parce qu’on est financé et qu’on peut planifier les arrivées. Pour vous donner un exemple, pour se rendre à 440 000 personnes, on doit traiter presque 500 000 demandes, parce qu’on ne peut pas nécessairement toujours prédire quand quelqu’un décidera de déménager; est-ce que ce sera au mois de novembre ou au mois de février? Il y a un peu de science et de prédiction pour déterminer tout cela.
Effectivement, on doit continuer d’examiner comment traiter les demandes de façon plus efficace. Pour l’instant, on a engagé plus d’employés pour nous aider, mais à long terme, il faut examiner les processus et les technologies qui nous aideront à traiter les demandes.
Le sénateur Dagenais : J’aimerais revenir sur un sujet abordé par la sénatrice Clement. Comment évaluez-vous les coûts pour une province ou une municipalité sur le plan des décisions que vous prenez? Quel genre de discussions avez-vous à ce sujet, notamment avec le Québec? Je pense notamment au trou béant du chemin Roxham, qui amène énormément de réfugiés dans la région de Montréal, et cela coûte très cher à la province de Québec. Il y a même des retards dans les remboursements, parce que c’est le gouvernement fédéral qui doit payer.
J’aimerais vous entendre sur l’évaluation des coûts pour les municipalités et les provinces pour ce qui est des décisions prises par votre ministère.
Mme Fox : Je vous remercie de cette question. On travaille avec les provinces et les territoires afin d’évaluer le plan d’immigration. Il y a un forum présidé par l’honorable Sean Fraser, où les provinces et les territoires se rencontrent pour déterminer les besoins et parler des enjeux liés à l’immigration.
Ce qu’on a décidé cette année, c’est qu’au lieu de regarder le plan d’immigration dans une perspective annuelle, on s’est dit que pour le Canada, les provinces et les territoires et les municipalités, on allait donner un aperçu pour une période de trois ans, ce qui permettra d’avoir une meilleure idée des arrivées et d’obtenir le soutien et les appuis nécessaires. C’est donc un outil de planification.
Je dirais que les ministres se rencontrent, mais on a des conversations très régulières au sein du ministère avec les provinces et les territoires pour faire cette planification. Je pense que de ce côté-là, c’est important. On regarde aussi parfois les réalités régionales, qui sont très différentes. Le plan d’immigration dans l’Atlantique nous a permis d’examiner les enjeux liés à l’immigration et aux changements démographiques dans les provinces atlantiques, car il était très différent du plan de l’Ontario. On essaie quand même d’avoir des approches flexibles.
Le Canada et le Québec ont conclu un accord séparé en matière d’immigration et on travaille de près avec eux. En fait, les ministres se sont parlé vendredi dernier au sujet de la situation des demandeurs d’asile, afin de voir comment on peut continuer à collaborer et à travailler ensemble.
Effectivement, le Québec a pris note des pressions sur les services sociaux et on travaille avec eux à ce sujet. Du côté fédéral, nous avons des hôtels partout au Québec et en Ontario afin d’offrir un logement sécuritaire aux demandeurs d’asile. On a décidé de s’assurer — il y a une pénurie de main-d’œuvre au Québec — qu’on peut devancer la délivrance de permis de travail pour les demandeurs d’asile, afin qu’ils contribuent à la province sur le plan économique. Ce sont des enjeux extrêmement sensibles.
Évidemment, on a l’intérêt des gens vulnérables à cœur. Je suis allée au chemin Roxham; ce sont des situations très difficiles. Il y a un système au sein du gouvernement fédéral et on travaille avec nos partenaires — la GRC, entre autres — et avec la province de Québec. Je dirais que nous avons des conversations régulières sur les demandeurs d’asile; on veut non seulement appuyer ces demandeurs d’asile, mais également travailler de près avec le Québec.
La sénatrice Mégie : J’ai eu une première réponse sur le délai de traitement des visas. Je vais donc poser une autre question.
J’ai compris, en étudiant les documents reçus, qu’il existe un conseil d’experts chargé de réfléchir sur l’immigration francophone hors Québec. Qui compose ce groupe d’experts? Est-ce que ce conseil restera en poste tant qu’on n’aura pas atteint les cibles, ou est-il là temporairement pour soumettre ses réflexions concernant la stratégie?
Mme Fox : Merci pour la question. Mme Scott voudra peut-être ajouter quelque chose ensuite.
On a élaboré une stratégie en matière d’immigration en 2019 qui nous a permis de faire le travail. On sait que l’on doit non seulement examiner nos initiatives en matière d’immigration francophone dans le cadre du plan des langues officielles, mais aussi établir une nouvelle cible avec nos partenaires.
Donc, ce groupe d’experts nous permettra d’examiner ce que le fédéral doit faire en matière de cibles et de flexibilité dans nos programmes — comme le programme Entrée express —, afin de s’assurer d’avoir les moyens d’encourager l’immigration au Canada, puis d’aller chercher ces gens dans le bassin. Il faut s’assurer d’avoir des demandes qui alimenteront nos cibles. La question des cibles sera très importante et intéressante, parce qu’on doit être réaliste dans notre approche, par rapport à ce qui est possible et quand c’est possible. Les groupes d’experts pourront nous dire où sont les défis et comment on peut adapter nos programmes et nos politiques pour répondre à ces défis et éliminer certaines barrières existantes.
Madame Scott, voulez-vous ajouter quelque chose?
Mme Scott : On s’appuie beaucoup sur les études qui ont été faites sur les cibles par le commissaire aux langues officielles et par la FCFA. Comme la sous-ministre l’a mentionné, un groupe de travail s’est penché pas seulement sur la question de la cible, mais sur l’ensemble des mesures nécessaires pour atteindre une cible plus ambitieuse.
En ce moment, nous avons un groupe de travail avec la FCFA qui commence un travail sur le développement d’une nouvelle politique qui servira de cadre pour établir les objectifs du ministère, les façons de mesurer et les façons de rendre compte de nos progrès. Ce travail est extrêmement important, car c’est la politique qui encadrera le travail qui sera effectué pour atteindre la nouvelle cible.
La sénatrice Mégie : Merci. Je continue dans la même veine que le sénateur Dagenais. Vous parliez du délai dans le traitement des demandes de visa.
Avez-vous un chiffre concret à partir de ce que vous vivez actuellement sur le temps de traitement des demandes de visa pour la population d’immigrants francophones?
Mme Fox : Juste pour m’assurer que je comprends bien : strictement pour les francophones?
La sénatrice Mégie : Oui.
Mme Fox : Je pourrais vous donner un aperçu par rapport à nos bassins, parce qu’il y a des visas temporaires, pour la résidence permanente et pour la réunification familiale. Dans certains cas, les délais à l’extérieur du Québec et au Québec sont différents, parce que le Québec a des cibles différentes que celles du fédéral.
Ce qu’on pourrait faire, c’est ressortir les données et les partager avec le comité et avec la présidente. Je ne les ai pas ici. Je dirais aussi quelque chose d’intéressant pour le comité. On a très récemment ouvert un nouveau centre à Dieppe. Il s’agit d’un centre d’immigration francophone qui permettra de se concentrer sur la politique et les services, et d’avoir une équipe qui est vraiment... On a une équipe au sein de notre ministère avec Catherine, mais cela permettra de renforcer le travail qui est fait avec les communautés et les organisations. Ce sera intéressant de voir l’évolution du centre d’immigration à Dieppe. C’est donc à suivre de ce côté-là.
La sénatrice Moncion : Ma question touche la reconnaissance des acquis. Quand les gens arrivent ici — on en a parlé avec l’autre groupe de témoins aussi —, il y a des exigences académiques dans les différentes provinces pour ce qui est de la reconnaissance des acquis. Il existe maintenant une certaine forme d’immigration parrainée qui fait que dans le cas de certains immigrants qui arrivent au pays, on reconnaît immédiatement leurs acquis et ils deviennent fonctionnels. Par exemple, ce sont des médecins, des professeurs d’université, des ingénieurs. Je voudrais savoir comment vous traitez ce dossier. Vous avez parlé tout à l’heure d’immigrants économiques. Je voudrais juste vous entendre sur cette double façon de recevoir des immigrants dans notre pays.
Mme Fox : Merci beaucoup pour la question. Je pense que pour commencer, on a tendance à regarder un immigrant au Canada dans le cadre de nos programmes : est-ce un réfugié ou un immigrant économique? Si c’est un immigrant économique, de quelle catégorie fait-il partie? Ce qu’on essaie de faire, c’est de prendre un pas de recul. Si on regarde les réfugiés de l’Afghanistan, les demandeurs d’asile, les nouveaux arrivants de l’Ukraine, ils sont parfois catégorisés comme des réfugiés, mais ils ont des compétences, des connaissances et un profil académique qui pourrait être intéressant.
Donc, à l’arrivée, on doit déterminer les appuis dont ils ont besoin comme réfugiés, mais il faut aussi penser à l’intégration dans la communauté et dans la société canadienne. Certains programmes, comme le programme de mobilité économique, permettent de regarder un réfugié non seulement dans une perspective de services sociaux, mais plutôt de potentiel de contribution à l’économie au pays. C’est une réflexion que fait assidûment le ministère.
La deuxième chose que je dirais, c’est qu’il y a toujours des critiques de la part des provinces et des territoires quand il est question des programmes fédéraux. L’une des critiques que l’on entend, c’est qu’on est trop axé sur les qualifications et sur les compétences. On a entendu dire qu’on regardait trop si les gens avaient des doctorats ou certaines connaissances, et les points étaient attribués en conséquence.
Au lieu d’un tel système, est-ce qu’on pourrait adopter un système de catégorie? Si on a besoin de plus d’électriciens au pays, tout le monde dans les provinces et les territoires voudra trouver une façon de valoriser cette profession au moyen du programme Entrée express. Cela permettra d’aller chercher des immigrants francophones dans ce contexte.
L’autre complexité, c’est qu’il y a souvent de nouveaux arrivants qui sont médecins ou ingénieurs, mais leurs compétences ne sont pas nécessairement reconnues au Canada.
La sénatrice Moncion : Je veux juste ajouter une chose : cela dépend d’où vient l’immigrant. S’il a un doctorat d’une université d’Angleterre ou de France, il sera reconnu presque automatiquement, alors que s’il a les mêmes qualifications qu’il a obtenues en Haïti ou dans un autre pays, il ne sera pas reconnu. Beaucoup de chauffeurs de taxi sont surqualifiés pour le travail qu’ils font. Il y a une forme de discrimination qui se fait de ce côté-là aussi.
Mme Fox : Ce n’est pas une question facile. Oui, le fédéral peut jouer un rôle dans le contexte de la reconnaissance des qualifications, mais je pense qu’il faut aussi que les provinces et les territoires reconnaissent ces qualifications. Les collèges aussi. Durant la pandémie, j’étais à Services aux Autochtones Canada, et je ne pouvais pas envoyer des infirmières de l’Ontario au Manitoba dans des moments de crise, parce qu’il n’y avait pas de reconnaissance des qualifications, même entre les provinces.
Au sein du Canada, il faut regarder comment on peut reconnaître les qualifications, et je pense que les provinces commencent à faire des changements importants à cet égard. De notre côté, comment travailler avec les provinces qui vont faire de gros efforts dans la reconnaissance des qualifications, pour faire en sorte de profiter du talent que nous avons au pays? Les universités et les collèges devront le faire également, parce que parfois, il y a des situations plus complexes où quelqu’un est partiellement qualifié par rapport aux normes canadiennes.
Est-ce qu’on peut peaufiner tout cela au lieu de recommencer à zéro? Il y a aussi du travail qu’on peut faire avec les institutions canadiennes. J’en ai parlé avec Universités Canada et avec les collèges, et il y a un appétit pour le rôle qu’ils peuvent jouer. C’est un sujet chaud non seulement pour les ressources en santé, mais au-delà de cela, il faut voir comment on peut reconnaître les qualifications.
La sénatrice Moncion : Merci.
Le sénateur Dagenais : Merci, madame Fox. J’aimerais que vous m’aidiez à comprendre; les gens qui passent par le chemin Roxham sont des demandeurs d’asile. Normalement, un demandeur d’asile se sent en danger, donc il demande l’asile. Comment peuvent-ils se sentir en danger aux États-Unis et venir au Canada? Je le mentionnais à la ministre : le maire de New York est prêt à leur payer l’autobus ou le taxi pour qu’ils quittent la ville plus rapidement. Comment peut-on les qualifier de demandeurs d’asile? Quand ils sont aux États-Unis, ils ne sont pas en danger, pourtant?
Mme Fox : Effectivement, comme vous l’avez noté, au chemin Roxham, ce sont effectivement des demandeurs d’asile, parce qu’il y a différentes façons de faire des demandes d’asile : à l’arrivée à l’aéroport ou à un bureau d’IRCC. Un étudiant qui veut faire une demande d’asile peut le faire à un bureau d’IRCC. Le chemin Roxham est un passage irrégulier; ce n’est pas une frontière. Notre entente avec les États-Unis pour les demandeurs d’asile actuels fait en sorte que si quelqu’un essaie de traverser à un point irrégulier, comme le chemin Roxham, on n’est pas en mesure de renvoyer la personne aux États-Unis. Donc, ils traversent la frontière, puis on traite leurs dossiers ici, au Canada. On a des discussions actives avec les États-Unis.
J’ai vu les reportages sur le maire qui ont été publiés dans le New York Times et le New York Post ce matin. Évidemment, ce n’est pas quelque chose qu’on encourage, car cela met les gens dans des situations très vulnérables. On doit faire en sorte de les appuyer, car ce sont effectivement des gens qui sont dans une situation très vulnérable qui font ce cheminement.
En étudiant les données au sein du ministère, on constate qu’il y a eu une hausse énorme l’année dernière. On n’est pas unique au monde, avec ce qu’on voit sur le plan de la migration en Allemagne ou aux États-Unis, par exemple, mais il reste que ce sont des volumes élevés pour le Canada. On doit voir ce qu’on peut faire pour continuer nos négociations avec les États-Unis. Au-delà de cela, on doit voir quelles sont les populations qui viennent au pays par le chemin Roxham et comment on peut les appuyer sur les plans des permis de travail et de l’intégration. Pour l’instant, c’est un défi et on travaille de près avec le Québec.
Le sénateur Dagenais : J’imagine que les Américains ne sont pas trop pressés de régler l’entente, parce que ça les arrange qu’ils entrent au Canada?
Mme Fox : On poursuit les discussions bilatérales. J’ai participé à des discussions la semaine dernière à Washington. Le Canada continue d’être en conversation active avec ses partenaires. Je pense qu’il y a de l’intérêt pour ce qui est de continuer de travailler avec nous.
Le sénateur Dagenais : Merci, madame.
La sénatrice Moncion : Je vous remercie de votre franchise et de l’information que vous me donnez. C’est extrêmement intéressant. Ma question porte sur le racisme, qui est ressorti comme étant un élément de refus. Il y avait un biais existant entre les personnes qui acceptaient ou refusaient les demandes d’immigration. J’aimerais vous entendre rapidement là-dessus.
Mme Fox : Au sein du ministère, on doit examiner nos politiques et nos programmes et la façon de fonctionner au sein du ministère et du gouvernement canadien. C’est un fait : il y a du racisme systémique qui existe au sein de nos organisations, et on doit regarder pourquoi.
On a eu beaucoup de conversations au sein du ministère au sujet du taux de refus pour les étudiants africains de pays francophones. On pourrait voir sur quoi se basent ces refus. On peut parfois regarder certains processus dans la législation. La double intention est quelque chose qu’on doit étudier de près. Si quelqu’un ne peut pas prouver qu’il compte quitter le pays à la fin de son séjour, techniquement, un agent d’immigration pourrait dire qu’il n’est pas convaincu que le séjour est temporaire. Cela présente un défi. Ce n’est pas toujours une question de racisme individuel, mais de racisme sur le plan du système.
On fait des études à l’interne. On a créé un groupe de travail antiraciste au sein de notre organisation qui fait partie de la table de gestion et qui présente des observations. On fait des études sur le taux de refus en Inde comparativement au Sénégal, par exemple. On examine tout cela de façon continue. Ce ne sont pas des conversations faciles, surtout pour les gens qui travaillent au sein du ministère. Je pense qu’il est important de reconnaître qu’il y a des améliorations à faire.
Ce n’est pas limité aux personnes. Si on examine les systèmes de triage, les systèmes informatiques et l’intelligence artificielle... Ce ne sont pas des domaines dont on se sert actuellement, mais il faut voir quels sont les biais qui existent au sein de ces systèmes. Je dois dire que cela vient en partie des conversations et de la culture du ministère. On a visité certains bureaux en Afrique pour expliquer le risque que l’on prend en tant qu’agent d’immigration. Il faudrait peut-être améliorer notre tolérance au risque et voir comment on pourrait faire les choses différemment. Juste avec les conversations au sein de notre équipe, on a vu un changement dans les taux d’acceptation. Cela n’arrive pas du jour au lendemain et il faut avoir des conversations continues, mais on reconnaît qu’on doit le faire en tant qu’organisation.
La vice-présidente : Merci à Mme Fox et à Mme Scott d’être venues. C’est grandement apprécié. Cela met fin à notre séance d’aujourd’hui. Bonne journée à tous.
(La séance est levée).