LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES LANGUES OFFICIELLES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le lundi 17 avril 2023
Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd’hui, à 17 h 1 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier les services de santé dans la langue de la minorité.
Le sénateur René Cormier (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Je m’appelle René Cormier, sénateur du Nouveau-Brunswick, et je suis actuellement président du Comité sénatorial permanent des langues officielles.
Avant de commencer, j’inviterais les membres du comité présents aujourd’hui à se présenter, en commençant par ma gauche.
Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.
Le sénateur Mockler : Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick
La sénatrice Gagné : Raymonde Gagné, du Manitoba.
La sénatrice Moncion : Lucie Moncion, de l’Ontario.
La sénatrice Clement : Bernadette Clement, de l’Ontario.
Le sénateur Dalphond : Pierre J. Dalphond, du Québec.
La sénatrice Mégie : Marie-Françoise Mégie, du Québec.
[Traduction]
Le président : Je vous remercie.
Je souhaite la bienvenue à chacun de vous, ainsi qu’à tous ceux qui nous regardent partout au pays. Je souligne que les terres où je me trouve font partie du territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe.
Ce soir, nous entreprenons notre étude sur les services de santé dans la langue de la minorité.
[Français]
Nous avons l’honneur d’accueillir, par vidéoconférence, l’honorable Jean-Yves Duclos, c.p., député, ministre de la Santé. Il est accompagné de Jocelyne Voisin, sous-ministre adjointe, Direction générale des politiques stratégiques, Santé Canada, de Nathalie Valdés, gestionnaire, Bureau d’appui aux communautés de langue officielle, Santé Canada, et de Mark Nafekh, directeur général, Centre pour la promotion de la santé, Direction générale de la promotion de la santé et de la prévention des maladies chroniques, Agence de la santé publique du Canada.
Chers collègues, le ministre est avec nous jusqu’à 18 heures. Les fonctionnaires resteront parmi nous pour continuer de répondre à nos questions au cours de la deuxième heure de la réunion.
Monsieur le ministre, merci d’avoir accepté notre invitation et bienvenue parmi nous. Nous sommes prêts à entendre vos remarques préliminaires, qui seront suivies d’une période de questions de la part des sénateurs et des sénatrices. Vous êtes notre premier témoin pour ce qui est de cette importante étude sur les services de santé dans la langue de la minorité.
Monsieur le ministre, la parole est à vous.
L’honorable Jean-Yves Duclos, c.p., député, ministre de la Santé : Bonjour, monsieur le président. Je vous remercie très sincèrement de m’avoir invité à comparaître devant le comité aujourd’hui. Je suis heureux de me joindre à vous pour cette discussion très importante sur un sujet qui est une priorité personnelle.
Comme vous l’avez noté, je suis accompagné de Mme Jocelyne Voisin, sous-ministre adjointe, Direction générale des politiques stratégiques, Santé Canada, de Mme Nathalie Valdés, gestionnaire, Bureau d’appui aux communautés de langue officielle, Santé Canada, et de M. Mark Nafekh, directeur général, Centre pour la promotion de la santé, Direction générale de la promotion de la santé et de la prévention des maladies chroniques, Agence de la santé publique du Canada.
Nous partageons, tous et toutes, les préoccupations soulevées par les Canadiennes et les Canadiens sur l’état de notre système de soins de santé, dont les répercussions sur la pénurie de professionnels de la santé sur la capacité des patients à recevoir des soins de qualité quand et où ils...
Le président : Pardon, monsieur le ministre, nous éprouvons un défi technique. Nous devons suspendre la réunion pour régler ce problème pour être en mesure de vous entendre adéquatement. Je vous remercie de votre patience.
Nous reprenons la séance. Nous sommes prêts à vous entendre, semble-t-il. Il n’y a pas de problème technique. Merci de votre patience.
M. Duclos : Parallèlement, les communautés de langue officielle en situation minoritaire continuent d’avoir du mal à obtenir des services de santé dans la langue officielle de leur choix.
C’est donc dans ce contexte que, en février dernier, le gouvernement canadien a présenté un plan visant à investir près de 200 milliards de dollars supplémentaires sur 10 ans, dont 46,2 milliards de dollars en nouveaux fonds versés aux provinces et aux territoires pour renforcer notre système public de soins de santé et améliorer les services aux Canadiennes et aux Canadiens.
Dans le cadre de ce plan, le gouvernement fédéral fournira 25 milliards de dollars par le biais d’accords bilatéraux afin d’appuyer les ambitions particulières des provinces et des territoires. Afin de recevoir ce financement, les provinces et les territoires ont accepté de respecter certains principes fondamentaux, notamment de tenir compte de l’égalité d’accès pour les personnes et les groupes en quête d’équité, y compris celles et ceux qui sont issus de communautés de langue officielle en situation minoritaire.
Ces investissements seront appuyés par des efforts visant à renforcer des effectifs en santé, comme le plan visant à simplifier la reconnaissance des titres de compétences étrangers pour les professionnels de la santé qualifiés à l’étranger. Ces mesures conjuguées permettront d’obtenir de meilleurs résultats pour les Canadiennes et les Canadiens, et ce, peu importe leur lieu de résidence ou leur langue.
Cela dit, nous savons que les personnes issues de communautés de langue officielle en situation minoritaire ont de la difficulté à accéder aux services de santé dans la langue de leur choix, ce qui a un impact négatif sur la qualité et la sécurité des soins reçus. Les Canadiennes et les Canadiens s’attendent, avec raison, à pouvoir communiquer avec leur fournisseur de soins de santé dans la langue officielle de leur choix.
C’est pour cette raison que nous disposons d’un programme spécialisé, le Programme pour les langues officielles en santé de Santé Canada, qui vise à améliorer l’accès aux services de santé dans la langue officielle choisie pour les membres de ces communautés.
Au cours des cinq dernières années, ce programme a reçu 101,2 millions de dollars dans le cadre du Plan d’action pour les langues officielles. Cela a permis de réaliser une série d’investissements dans trois domaines complémentaires : améliorer la disponibilité et le maintien en poste des fournisseurs de services de santé bilingues, renforcer les réseaux de la santé locaux qui travaillent avec divers partenaires pour améliorer l’accès aux services de santé pour ces communautés et soutenir des projets qui améliorent généralement l’accès aux services de santé.
[Traduction]
Pour nous assurer que le Programme pour les langues officielles en santé continue de répondre aux besoins des communautés qu’il sert, nous avons lancé un processus de consultation au début de 2022. Ce processus nous a permis de connaître les expériences personnelles des membres de ces communautés de langue officielle en situation minoritaire qui tentaient d’accéder à des services de santé dans la langue officielle de leur choix. Les résultats ont permis d’éclairer l’avenir du Programme pour les langues officielles en santé et ses priorités pour les cinq prochaines années.
Selon le budget de 2023, en plus du financement de 192,2 millions de dollars que le Programme pour les langues officielles en santé de Santé Canada recevra entre 2023 et 2028, 14,5 millions de dollars seront versés au programme pour soutenir les organismes sans but lucratif qui travaillent auprès de ces communautés et renforcer la capacité de former davantage d’infirmières et de préposés aux services de soutien à la personne bilingues.
Outre le Programme pour les langues officielles en santé, d’autres initiatives du portefeuille de la Santé contribuent à améliorer l’accès des communautés de langue officielle en situation minoritaire aux services de santé publique. Par exemple, l’Agence de la santé publique du Canada soutient des projets visant à améliorer l’accès aux programmes de santé maternelle et infantile pour ces communautés. Les Instituts de recherche en santé du Canada soutiennent également des projets de recherche visant à améliorer notre compréhension des besoins des communautés de langue officielle en situation minoritaire en matière de santé. Enfin, le portefeuille de la Santé travaille avec Statistique Canada à l’élaboration d’enquêtes et à l’analyse de données qui rendent compte des opinions et des expériences des personnes vivant dans des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Cela nous aide à mieux comprendre les défis auxquels elles font face.
[Français]
En conclusion, l’accès équitable aux soins est l’un des principes sur lesquels repose notre système de soins de santé. Notre gouvernement s’efforce de respecter les normes d’accessibilité les plus élevées, afin que chaque personne au pays reçoive les soins dont elle a besoin et auxquels elle a droit.
Je serai maintenant très heureux de répondre à vos questions. Je vous remercie.
Le président : Merci beaucoup, monsieur le ministre.
Nous allons passer à la période des questions. Je demanderais aux membres du comité présents dans la salle de s’abstenir de se pencher trop près de leur microphone ou de retirer leur oreillette lorsqu’ils le font. Cela permettra d’éviter tout retour sonore qui pourrait avoir un impact négatif sur le personnel du comité qui se trouve dans la salle.
Comme je suis bien conscient du temps que nous avons à notre disposition, je propose comme d’habitude, pour ce premier tour de table, cinq minutes par question, qui sera suivie de la réponse pour chacun.
Nous commençons ce tour de table avec la sénatrice Gagné.
La sénatrice Gagné : Monsieur le ministre, bienvenue au Comité sénatorial permanent des langues officielles. Je suis heureuse de vous recevoir ce soir. Je remercie également les représentants du ministère d’être parmi nous.
Je vais commencer par saluer les investissements qui ont été annoncés. Je suis absolument certaine que les provinces, et surtout les communautés de langue officielle en situation minoritaire, ont bien accueilli ces annonces.
Je suis aussi intéressée par les mesures législatives qui amèneraient le gouvernement à assurer des mesures permanentes dans les lois, afin d’assurer le développement des communautés de langue officielle en situation minoritaire.
Nous savons très bien qu’un amendement au projet de loi C-13 a été adopté au Comité des langues officielles de la Chambre des communes. Il s’agit d’un amendement à l’article 21 qui a été adopté à l’unanimité. Cet amendement stipule que le gouvernement fédéral doit prendre les mesures nécessaires pour favoriser, dans les accords négociés avec les provinces et les territoires, l’inclusion de dispositions qui établissent les obligations incombant aux parties en matière de langues officielles dans le cadre de ces accords.
Cet amendement était réclamé depuis longtemps par des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Il s’agit, selon moi, d’une première étape; nous espérons que l’amendement sera adopté à l’étape de la troisième lecture et que le projet de loi arrivera très bientôt au Sénat. La question des clauses linguistiques est assurément un sujet extrêmement important. J’aimerais vous entendre à ce sujet, mais j’aimerais aussi vous poser une question sur un tout autre sujet.
Croyez-vous qu’il serait opportun d’envisager une éventuelle révision de la Loi canadienne sur la santé afin d’y inclure un engagement spécifique en matière de langues officielles, lequel viserait à rattacher des conditions liées aux langues officielles dans le cadre du pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral?
M. Duclos : Merci beaucoup, sénatrice Gagné. Je suis heureux d’entendre votre question, d’autant plus que, puisque vous venez du Manitoba, vous connaissez l’importance, la résilience et la fierté de vivre au sein d’une communauté de langue officielle en situation minoritaire.
Vous posez deux questions. La première a trait aux clauses linguistiques. Je suis tout à fait d’accord; c’est pour cela que, dans les échanges que nous avons avec les provinces et les territoires et dans les échanges que nous avons déjà eus depuis le 7 février avec les provinces et les territoires, nous avons clairement indiqué que les investissements du gouvernement canadien doivent servir à assurer une accessibilité équitable aux soins de santé, y compris pour les personnes qui vivent dans des communautés de langue officielle en situation minoritaire.
Cela demande à la fois un travail d’engagement, un travail de reconnaissance des indicateurs clés et un travail visant à faire des rapports par la suite, pour être en mesure de suivre les progrès réalisés en matière d’engagement de service équitable. Les indicateurs peuvent être, par exemple, le taux d’accès à la médecine familiale pour les gens qui habitent dans des communautés de langue officielle en situation minoritaire, ou l’accès à des services de soins de santé mentale appropriés; cela peut être aussi l’embauche de travailleurs, d’infirmières et de médecins dans ces communautés.
On l’a clairement établi, noir sur blanc. Les échanges que nous avons eus jusqu’à maintenant l’ont réitéré à plusieurs reprises. C’est sur cette base que nous continuerons de nous assurer qu’il y a, dans ces ententes, ces clauses et ces engagements de part et d’autre, car le gouvernement canadien doit aussi montrer l’exemple et fournir les appuis financiers nécessaires.
En ce qui a trait à la Loi canadienne sur la santé, il existe plusieurs principes, comme vous le savez. Si je peux résumer deux des principes en un seul, il s’agit d’accessibilité équitable. Oui, il y a la question de l’accès, mais l’accès doit aussi être juste, en fonction des conditions de santé, évidemment, mais aussi des conditions de vie.
Dans le cadre de nos relations avec les provinces et les territoires, lorsque nous évaluons si les provinces respectent ces conditions d’accessibilité, nous examinons si les personnes qui habitent et vivent dans des communautés de langue officielle en situation minoritaire reçoivent, de manière équitable, les soins de santé auxquels elles ont droit.
Évidemment, nous faisons cela dans le respect des compétences provinciales, puisque les provinces ont la compétence finale d’établir leurs actions en matière de soins de santé.
La sénatrice Gagné : En ce qui concerne l’engagement spécifique en matière de langues officielles, je sais qu’un projet de loi a déjà été présenté il y a près de 20 ans, si ce n’est pas plus, dans lequel on avait demandé un engagement spécifique en matière de langues officielles.
Pourriez-vous nous donner plus de précisions à ce sujet?
M. Duclos : Dans le projet de loi à l’étude à la Chambre des communes, lequel, nous l’espérons, parviendra très prochainement et rapidement au Sénat, le secteur de la santé se trouve parmi les secteurs prioritaires, si je me souviens bien. Les fonctionnaires pourront le confirmer.
La sénatrice Mégie : Je vous souhaite la bienvenue, monsieur le ministre, ainsi qu’aux fonctionnaires qui vous accompagnent. Merci de venir témoigner à l’occasion de notre étude sur la santé.
Dans l’ordre de renvoi de la présente étude, qui parle des services de santé dans la langue de la minorité, on mentionne qu’il faut porter un regard sur la télémédecine et sur l’utilisation des nouvelles technologies dans le secteur de la santé, notamment pour ce qui est des défis linguistiques qui en découlent. Cela fait écho à votre lettre de mandat.
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous expliquer comment le gouvernement veille à ce que le développement et l’utilisation des applications en matière de santé qui se servent de l’intelligence artificielle soient accessibles dans les deux langues officielles? Comment allez-vous vous assurer de leur conformité à la Loi canadienne sur la santé?
M. Duclos : Merci. J’aimerais dire trois choses à ce sujet. La première, c’est que ces développements technologiques, comme vous y avez fait allusion, sont à la fois rapides et généralement positifs. La télémédecine, la santé digitale et les soins de santé virtuels, tout cela peut contribuer non seulement à une plus grande efficacité dans la livraison des soins de santé, mais aussi à une plus grande rapidité dans certains cas.
Évidemment, la sécurité des soins est souvent mieux assurée lorsque les informations sur les dossiers médicaux circulent plus facilement, mais cela peut aussi assurer une plus grande équité, en particulier pour ceux qui habitent, par exemple, en milieu éloigné ou en milieu rural. D’ailleurs, on retrouve beaucoup de francophones et d’anglophones en milieu minoritaire qui habitent assez loin des centres où se retrouve la grande majorité des travailleurs de la santé.
Si on utilise correctement cette technologie, les soins virtuels et le partage d’information de manière numérique peuvent permettre de favoriser une plus grande équité et une plus grande accessibilité à ces soins de santé.
Cela dit, le troisième aspect, c’est l’aspect juridictionnel, c’est‑à-dire que ce sont les provinces et les territoires qui, à la fin, détermineront les actions précises qu’elles ou ils voudront mettre en place et quelles populations seront servies plus rapidement à l’aide de ces développements technologiques, qui incluent d’ailleurs non seulement les développements technologiques, mais aussi les développements dans les champs de pratique.
Vous savez très bien, puisque vous êtes une professionnelle de la santé, à quel point les compétences peuvent être mieux mises à profit lorsqu’on élargit ou on étend les champs de pratique de manière appropriée. Parfois, en milieu minoritaire, il n’y a pas beaucoup de médecins spécialistes, mais il peut y avoir des infirmières praticiennes, des infirmières, des médecins assistants qui peuvent donner des soins de santé de manière appropriée, et ce, toujours dans la langue de choix de ces communautés.
On pense que, du point de vue de la santé et en matière linguistique, ces technologies et cette plus grande souplesse dans les champs de pratique peuvent améliorer l’équité et l’accès aux soins en milieu minoritaire.
La sénatrice Mégie : Merci. J’ai une question qui touche davantage la santé au sujet des nouveaux repères canadiens sur l’alcool et la santé. Je ne sais pas jusqu’où va votre champ d’application à cet effet, mais vous savez que, avec ces nouvelles normes, on propose des changements de politique, particulièrement par rapport à l’étiquetage des boissons alcoolisées. Considérant l’efficacité de l’étiquetage pour la santé, qui a été scientifiquement démontrée, seriez-vous favorable à une telle approche pour mieux informer la population sur les problèmes de santé? Y avez-vous pensé au sein de votre ministère, pour décider de la façon de procéder pour obtenir une telle forme d’information pour le public?
M. Duclos : Excellente question. Merci de la poser. Il y a trois exemples. Le premier, c’est le rapport auquel vous avez fait correctement référence, qui est évidemment disponible. Les médias en ont beaucoup parlé au cours des dernières semaines. Les gens ont pu le consulter dans plusieurs cas.
Deuxième chose : certains aimeraient que ce rapport soit encore plus facilement accessible, sur un site Web de Santé Canada, par exemple. On verra si c’est utile. Quand je dis « on », je parle de ma collègue la ministre Bennett, qui connaît bien à la fois le dossier et la façon de poursuivre ses échanges et ses travaux avec les spécialistes et les partenaires sur la question.
Troisième chose : en matière d’étiquetage, Mme Bennett s’est déjà prononcée et elle a dit que c’était une des options qui étaient envisagées. Ce sera une bonne question à lui poser. Encore une fois, c’est la meilleure personne, la plus engagée et celle qui a le plus travaillé auprès des experts, y compris des cliniciens comme vous, sénatrice Mégie. Dans le travail que vous avez fait au cours des années, vous savez à quel point l’information peut aider les gens à prendre les meilleures décisions possibles pour leur santé.
La sénatrice Moncion : Monsieur le ministre, merci d’être avec nous, ainsi que votre personnel.
Ma question touche un commentaire que vous avez fait dans vos notes d’allocution. Vous avez parlé de la reconnaissance des titres de compétences de personnes qui viendraient de pays étranger.
Je voudrais vous entendre sur les compétences provinciales et fédérales en cette matière et sur la façon dont vous vérifierez ces compétences.
M. Duclos : Merci de votre question. Comme vous y avez fait allusion, il s’agit effectivement d’une compétence provinciale et territoriale. Ce sont les provinces et les territoires qui, conformément à la Constitution, sont responsables des conditions et des critères par lesquels les gens peuvent exercer une fonction dans le secteur de la santé, une fonction comme celle de médecin, infirmière, pharmacien ou autre professionnel de la santé. Souvent, les provinces et les territoires délèguent ce travail réglementaire à des ordres professionnels, qui sont donc gérés et régis par des lois et des règlements de ces provinces et territoires.
Cela dit, le gouvernement canadien travaille en collaboration avec les provinces et les territoires sur les questions d’immigration, qui sont tout à fait complémentaires aux questions liées à la reconnaissance des compétences. C’est pour cette raison que, au cours des derniers mois et des dernières semaines, le travail a été accéléré, et on peut voir ensemble — soit les provinces, les territoires et le gouvernement canadien — de quelle manière on pourrait arrimer davantage la venue des gens au pays en matière d’immigration. Une fois qu’ils sont au pays, on doit faciliter et accélérer la reconnaissance de leurs compétences acquises à l’étranger pour qu’ils puissent facilement mettre leurs talents et leurs compétences au service des communautés, y compris les communautés en milieu linguistique minoritaire.
On croit que cet enjeu doit lui aussi être considéré. Si on facilite la venue de travailleurs de l’étranger, on peut faciliter la venue de travailleurs qui peuvent ensuite aller vivre, grandir et travailler en milieu linguistique minoritaire.
Il s’agit donc d’un travail collaboratif et on voit, en regardant ce qui se fait dans les provinces de l’Atlantique depuis déjà quelques semaines — lorsqu’elles ont annoncé qu’elles allaient créer un registre régional de médecins —, de quelle manière on pourrait étendre ce registre régional à l’échelle de tout le pays pour les provinces qui souhaiteraient participer à cette initiative. On pourrait aussi le faire de manière parallèle avec d’autres professionnels de la santé.
La sénatrice Moncion : Merci. Ma deuxième question touche davantage la dernière mouture des transferts en matière de santé que vous avez négociés avec vos homologues provinciaux. Certaines conditions ont été attachées aux transferts cette fois-ci. Pourriez-vous nous parler de certaines de ces conditions?
M. Duclos : Il s’agit en fait des 3R, soit le respect, la responsabilité et le résultat. Le respect des compétences : le gouvernement canadien ne pourra jamais prétendre qu’il souhaite ou qu’il peut gérer les hôpitaux, les corps professionnels et les médecins. Il s’agit d’une responsabilité partagée, parce qu’on a tous la même responsabilité de prendre soin des mêmes personnes, avec les mêmes dollars et en mettant l’accent sur les résultats. C’est ce qui est nouveau ici. À partir des leçons que nous avons apprises et de la mise en œuvre des ententes de 2017 en matière de santé mentale, de soins communautaires et de soins à domicile, on a vu qu’on pouvait aller plus loin et faire encore mieux en demandant aux provinces et aux territoires de fournir des plans d’action indiquant dans quels domaines de priorité les ressources additionnelles du gouvernement canadien seraient investies.
En gros, la médecine familiale, la santé mentale, les travailleurs et les systèmes de données modernes sont les quatre principaux domaines dans lesquels les provinces souhaitent investir les ressources du gouvernement canadien, et elles veulent associer ces investissements à des cibles et des échéanciers — par exemple, combien de gens de plus ont été en mesure d’avoir accès à un médecin de famille, y compris en milieu rural et dans les communautés linguistiques en milieu minoritaire. On parle donc de cibles, d’échéanciers et de rapports que les provinces et les territoires pourront produire par la suite pour indiquer s’il a été possible d’atteindre ou non ces cibles dans les échéanciers prévus.
La sénatrice Moncion : Le gouvernement fédéral fixera-t-il les cibles ou est-ce que cela se fera vraiment à l’échelle provinciale?
M. Duclos : Ce sont les provinces qui établissent leurs cibles, et les échéanciers sont sur trois ans, parce que la première phase du plan d’action se fera au cours des trois prochaines années. On parle donc des cibles que les provinces se donnent pour assurer un meilleur accès à la médecine familiale et aux autres indicateurs liés aux grandes priorités que j’ai résumées.
Le sénateur Dagenais : Bonjour, monsieur le ministre.
Quand nous parlons du respect des deux langues officielles et des actions visant à améliorer la situation, je vous avoue que j’ai souvent des réserves sur l’efficacité des mesures appropriées. Je m’explique : je salue le fait qu’on mette l’accent sur le bilinguisme pour accéder aux plus hautes fonctions dans le domaine de la santé.
Vous êtes francophone et vous avez des réunions avec les décideurs de votre ministère, qui sont à Ottawa et partout au pays. Quand vous y êtes, c’est sûrement parce qu’il y a un caractère important à ces réunions.
Dans quelle mesure ce genre de réunions auxquelles vous participez peuvent-elles se tenir en français au Canada? Croyez-vous sincèrement que lorsqu’il y a des francophones et des anglophones autour de la table, ces réunions peuvent se tenir en français?
M. Duclos : Merci de la question, sénateur Dagenais.
Je reconnais, je souligne et j’appuie l’importance que vous accordez à la dualité linguistique au Canada, y compris au sein du gouvernement. Vous êtes un allié et un fervent défenseur de l’importance du bilinguisme au sein du gouvernement du Canada et de la haute fonction publique.
Je peux vous assurer que toutes les réunions avec mes hauts fonctionnaires se tiennent en français et en anglais. Dans tous les cas, si je souhaite utiliser le français ou l’anglais, je peux le faire, parce que je sais que mes hauts fonctionnaires pourront comprendre mes propos et me répondre dans la langue de leur choix.
Le sénateur Dagenais : J’aimerais vous parler du milieu hospitalier et de la situation particulière du Québec.
À Montréal, les anglophones ont accès à une commission scolaire, à des cégeps, à des universités et à des hôpitaux anglophones. L’inverse est loin d’exister dans le reste du Canada.
Comment réagissez-vous quand les anglophones du Québec se présentent comme une minorité et estiment que les services qu’ils reçoivent déjà dans leur langue maternelle peuvent être menacés par certaines dispositions du projet de loi C-13?
M. Duclos : Merci de souligner l’importance de ce projet de loi. Comme je l’ai mentionné plus tôt, j’ai hâte de voir ce projet de loi appuyé par le Sénat.
C’est un projet de loi qui fait une grande différence dans le contexte que vous avez décrit. Pour la première fois dans l’histoire du pays, on reconnaît qu’il existe des minorités linguistiques anglophones et francophones partout au pays. On reconnaît qu’il faut aussi défendre le français partout au pays, y compris au Québec, parce que, comme tout le monde le sait, le français est minoritaire au Canada, sur le continent et à l’échelle de la planète. Il faut qu’il y ait une vraie égalité. Il faut reconnaître que le français est plus fragile et menacé, non pas parce que les Canadiens pensent que le français est moins important que l’anglais, mais tout simplement parce que le poids linguistique du français au pays et sur le continent est très défavorable à la survie et à la promotion du français comme langue de travail et langue d’existence. C’est pour cette raison que le projet de loi C-13 est important.
J’ai bien hâte de voir les sénateurs et les sénatrices étudier ce projet de loi. Nous pourrons bâtir sur cette base pour passer à une autre étape, qui pose souvent un constat qui devrait être clair. Je pense qu’il est clair que le français est minoritaire non seulement dans les autres provinces au pays, mais aussi ailleurs en Amérique du Nord.
Le sénateur Dagenais : Merci, monsieur le ministre.
La sénatrice Clement : Bonjour, monsieur le ministre.
Je suis contente de vous voir ici avec vos collègues. Je vous remercie d’être des nôtres.
Ma question concerne l’intersection entre la langue en contexte minoritaire et les communautés noires et racialisées. La pandémie a eu un effet néfaste sur la santé de tous les Canadiens, mais elle a aussi eu des conséquences particulièrement négatives sur les communautés noires et racialisées. La sénatrice McCallum a déposé une motion au Sénat pour ajouter un sixième pilier à la Loi canadienne sur la santé qui traiterait de l’antiracisme.
Sans vous prononcer sur cette motion, je voudrais entendre vos commentaires sur le rôle du gouvernement fédéral en ce qui concerne l’intersection dans le contexte de la santé et sur la façon dont le gouvernement fédéral pourra mesurer un succès ou des progrès dans ce domaine.
M. Duclos : Merci beaucoup de la question, sénatrice Clement.
Je vais en profiter pour parler de ce que vous faites déjà très bien, soit l’intersectionnalité.
Nous sommes des gens ayant une identité multiple. C’est l’intersection de ces identités multiples qui nous rend plus riches. Toutefois, cette intersectionnalité pose parfois des défis importants en matière d’inclusion, et il est important de le reconnaître. Cette multiplicité d’identités est parfois plus visible ou plus cachée. Cela nous rend plus forts, plus riches, mais il faut reconnaître que, dans le cas des personnes racialisées et francophones, il peut y avoir des défis considérables en matière de participation et d’inclusion.
Pour la première fois de l’histoire, nous avons atteint la cible de 4,4 % d’immigration francophone en 2022. Depuis 2015, on a quatre fois plus d’immigrants francophones qui viennent s’installer dans les provinces autres que le Québec. C’est un progrès majeur que plusieurs d’entre vous espéraient depuis longtemps. Nous avons atteint cette cible l’an dernier. Cela ne veut pas dire qu’il faut s’arrêter là. Il faut poursuivre nos efforts. Depuis trop longtemps, on fait face à un déficit d’immigration francophone à l’extérieur du Québec.
Il faut continuer de faire encore mieux. La plupart des francophones qui arrivent de l’extérieur du Canada viennent de l’Afrique subsaharienne, de l’Afrique du Nord et de l’Afrique de l’Ouest. Certains viennent aussi d’autres régions de l’Europe. Quand ils arrivent de l’Europe, ils arrivent avec d’autres communautés qui peuvent être racialisées. Quand on renforce les services d’accueil en français, on aide ces populations, qui sont souvent racialisées, à s’intégrer, à participer, à se sentir incluses plus rapidement et plus efficacement dans les communautés.
Comme vous l’avez dit, il faut reconnaître que cela ne touche pas seulement la langue. Cela peut toucher d’autres aspects qui peuvent mener à l’exclusion et à la discrimination.
J’ai hâte de travailler avec vous et avec mes autres collègues pour faire en sorte que nous ayons tous la même chance de vivre en santé et en sécurité au Canada, et ce, peu importe la couleur de notre peau, notre langue, nos origines et qui nous sommes.
La sénatrice Clement : Merci, monsieur le ministre.
Le sénateur Dalphond : Bienvenue au Sénat, monsieur le ministre. J’ai quelques questions qui découlent de celles qui ont déjà été posées.
Ma première question fait suite à la question de la sénatrice Moncion au sujet des ententes conclues avec les provinces, soit les 196 milliards de dollars supplémentaires sur 10 ans. D’abord, je vous félicite, parce que tout le monde a reconnu que c’était un défi impossible et vous l’avez relevé.
Est-ce que chacune des ententes avec chacune des provinces prévoit des dispositions en matière d’accès à la santé dans la langue de la minorité? Sinon, est-ce uniquement une ou deux provinces qui ont des dispositions de cette nature?
M. Duclos : Merci beaucoup de votre question, sénateur Dalphond. Je vous remercie de l’expertise que vous apportez au sein du Comité sénatorial permanent des langues officielles.
En effet, toutes les provinces et tous les territoires ont reçu la même offre. Lorsqu’ils acceptent une lettre d’entente de principe, ils doivent répondre essentiellement et explicitement qu’ils sont d’accord sur l’importance d’avoir des indicateurs dans leurs plans et leurs mesures, ce qui permet de soutenir les gens qui habitent dans des communautés de langue officielle en milieu minoritaire.
Le sénateur Dalphond : La troisième aire de l’équation, ce sont les résultats en fonction de cibles et d’échéanciers. Cela veut dire que chaque entente contient des cibles et des échéanciers en matière d’accès à des soins en français dans les milieux majoritairement anglophones, et c’est la même chose au Québec.
Ces ententes prévoient-elles des moyens de vérifier si ces objectifs sont atteints? Autrement dit, est-ce que les informations communiquées iront au-delà du fait de simplement indiquer qui a reçu tel genre de service à telle date, mais indiqueront également les préférences linguistiques des usagers et des professionnels qui ont fourni les services?
M. Duclos : Je dirais qu’il s’agit d’une progression. La raison pour laquelle on peut arriver à ces ententes maintenant, c’est qu’on dispose déjà d’un certain nombre d’indicateurs de haut niveau. Je serais heureux de demander à mon équipe de les partager avec vous. Nous avons déjà des seuils de référence pour huit de ces indicateurs, comme la santé mentale, les travailleurs en médecine familiale et l’usage des données, entre autres, pour faire en sorte que les professionnels de la santé puissent travailler ensemble.
Les données de base que nous avons sont peu désagrégées. Dans la plupart des cas, nous n’avons pas d’information sur l’accès à la médecine familiale en milieu rural, par exemple. Par ailleurs, on se sert des données que nous avons pour bâtir ces ententes avec les provinces et les territoires.
À l’intérieur de ces ententes, il y a aussi l’engagement d’aller plus loin en travaillant en collaboration avec l’Institut canadien d’information sur la santé, afin de valider ces indicateurs de plus haut niveau — appelons-les des indicateurs agrégés — et de les désagréger pour les communautés auxquelles on veut offrir un accès plus équitable à la santé. Le travail portera là-dessus au cours des prochaines années, évidemment.
Nous devrons identifier les groupes pour lesquels nos données doivent être raffinées dans le but d’appuyer de meilleures politiques publiques.
Le sénateur Dalphond : Dois-je comprendre que des personnes âgées qui vivent en milieu rural dans une communauté francophone, par exemple, et qui doivent déménager dans une autre ville pour recevoir des soins mieux adaptés à leur condition, sont susceptibles de recevoir des soins dans une langue autre que la leur, voire dans une langue qu’ils ne maîtrisent pas?
Est-ce qu’il sera possible de mesurer ce phénomène et d’assurer la continuité des services dans la langue de la minorité, surtout pour les personnes les plus vulnérables?
M. Duclos : C’est une très bonne question, et c’est le genre d’indicateur dont on entend beaucoup parler de la part des experts. Des gens qui, comme vous, s’intéressent à ces questions vont fort probablement proposer aux acteurs impliqués, notamment l’Institut canadien d’information sur la santé, de développer ces indicateurs, d’abord sur une base conceptuelle, puis sur une base d’évaluation des besoins en matière de données administratives et d’enquête, afin de valider tout cela de manière fiable, mais aussi à travers le temps.
Le sénateur Mockler : Monsieur le ministre, je cherche à obtenir des précisions sur certains commentaires et sur certaines questions qui ont été posées précédemment. Depuis quelques années, la position du gouvernement fédéral est que le français est en déclin partout au Canada.
Bien que je sois plus que d’accord avec cet énoncé, surtout à la suite des soins de santé que j’ai reçus et que je qualifie encore de meilleurs au monde — et de loin —, je crois qu’il faut donner les moyens aux communautés linguistiques en situation minoritaire de s’épanouir à l’intérieur de notre grand pays.
Cependant, les ententes conclues entre le fédéral et les provinces et territoires au sujet de la petite enfance n’assurent pas que les fonds iront spécifiquement aux communautés ciblées. Dans un tel cas, comment, à titre de ministre de la Santé, pouvez-vous nous assurer que vous ne commettrez pas la même erreur?
M. Duclos : Merci, sénateur Mockler, de faire le lien entre la petite enfance et la santé. En 2018, lorsque nous avons conclu pour la première fois des ententes pour appuyer les services de garde éducatifs au Nouveau-Brunswick, il y avait des dispositions claires selon lesquelles le Nouveau-Brunswick s’engageait à investir dans une meilleure accessibilité, une plus grande abordabilité et une plus grande qualité des services de garde, y compris pour les francophones de la province.
Toutefois, il est évident qu’ultimement, on ne doit pas simplement se contenter d’une signature et d’une entente. On doit aussi pouvoir valider tout cela. J’ai entendu des groupes de défense des droits des francophones au Nouveau-Brunswick dire qu’ils utiliseraient cet engagement de la province pour voir ensuite avec celle-ci de quelle façon l’engagement serait respecté. C’est le résultat de la transparence. Lorsqu’on s’engage à faire quelque chose et lorsqu’une entente est publique, on peut ensuite exiger une redevabilité et s’attendre à des résultats.
C’est la même chose pour les ententes en matière de santé. Le gouvernement fédéral ne pourra jamais microgérer les décisions des provinces en matière de santé et déterminer combien de travailleurs seront engagés, où ils seront déployés et quel genre de services ils offriront.
Cependant, grâce à la transparence qui découle de ces ententes, les gens du Nouveau-Brunswick et d’ailleurs pourront voir avec la province s’il est possible de travailler ensemble pour s’assurer que cet engagement est suivi de résultats.
Le sénateur Mockler : Merci, monsieur le ministre. J’aimerais avoir plus de précisions au sujet de votre lettre de mandat. Lorsqu’on prend connaissance de votre lettre de mandat, on constate que celle-ci ne contient malheureusement aucune mention sur la santé des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Nos besoins en santé sont différents; nos défis le sont également.
Dans le contexte de l’après-COVID et du vieillissement de la population, et selon les dernières données, une telle omission inquiète beaucoup de monde à cause du recul de la langue française. Comment votre ministère répond-il aux besoins en matière de santé des communautés de langue officielle en situation minoritaire, et quels sont les obstacles que vous rencontrez? De plus, quels mécanismes de consultation utilisez‑vous pour bien comprendre ce qui se passe sur le terrain?
M. Duclos : Je vous remercie de votre question. Vous avez raison de souligner que les lettres de mandat sont toujours un peu trop courtes, même si certains les trouvent un peu trop longues. Certaines choses n’y figurent pas toujours clairement, mais elles y sont contenues implicitement.
Sans vouloir faire de la partisanerie, je dirais que ma propre présence comme francophone au sein du Cabinet m’amène à travailler avec d’autres personnes pour assurer une plus grande justice et une meilleure accessibilité à des soins essentiels, comme les soins de santé.
La première chose, c’est que des ententes seront conclues avec les provinces et les territoires. La lettre de mandat ne dit pas explicitement que ces ententes doivent inclure des dispositions en matière d’accès à des soins de santé appropriés dans les communautés linguistiques en milieu minoritaire, mais c’est bel et bien présent.
La deuxième chose, c’est que, dans le budget de 2023, il y a une bonification du budget du Programme pour les langues officielles en santé (PLOS) de Santé Canada, qui passe de 192 millions à 207 millions de dollars. Il s’agit d’une augmentation tout de même substantielle d’un montant qui avait déjà été bonifié avec le Plan d’action pour les langues officielles de 2018. Dans les deux cas, comme vous l’avez très bien dit, l’objectif est de s’assurer que, même si ce n’est pas mentionné dans la lettre de mandat d’un gouvernement, lorsqu’une occasion se présente, y compris lors d’un budget ou d’une entente avec les provinces, cette accessibilité et cette équité sont renforcées.
Le président : Avant de passer au deuxième tour de table, j’aurais quelques questions à vous poser aussi, monsieur le ministre, notamment sur la question de l’accès à des ressources humaines bilingues.
J’ai participé récemment au Sommet sur le recrutement des professionnels de santé bilingues, qui réunissait des décideurs politiques et universitaires. L’événement se déroulait à Terre‑Neuve-et-Labrador. On a fait un constat important sur la pénurie de main-d’œuvre bilingue; voilà pourquoi il est important de miser sur le recrutement à l’international et de continuer d’employer des intervenants bilingues pour assurer une offre active des services de santé.
Que fait précisément Santé Canada pour remédier à cette pénurie professionnelle dans le domaine de la santé bilingue?
M. Duclos : Merci beaucoup de la question, sénateur Cormier. Je vais me limiter ici à deux ou trois points.
Premièrement, l’immigration est évidemment la clé, et comme on disait tout à l’heure, c’est pour cela qu’on a atteint notre cible de 4,4 % pour l’immigration francophone à l’extérieur du Québec. C’est une bonne nouvelle. C’est donc environ 16 000 francophones qui ont immigré au Canada en allant à l’extérieur du Québec en 2022. Plusieurs sont allés travailler dans le milieu des soins de santé, parce qu’évidemment les besoins sont énormes. Au Nouveau-Brunswick, même si on peut toujours faire mieux, on sait qu’on fait des efforts pour embaucher plus d’immigrants francophones pour servir les communautés francophones de la province.
Deuxièmement, il y a la question de la formation. Le gouvernement fédéral, grâce au Programme pour les langues officielles en santé de Santé Canada, a pu, depuis à peu près une vingtaine d’années, former près de 10 000 professionnels de santé bilingues. On parle ici uniquement des investissements du gouvernement fédéral qui ne demande pas de formation linguistique fournie par les provinces et les territoires. Ce sont 10 000 professionnels de la santé qui sont maintenant capables de travailler dans les deux langues et de répondre aux besoins des communautés linguistiques en milieu minoritaire.
Troisièmement, j’ajouterais que, dans le budget de 2022, il y a près de 115 millions de dollars sur cinq ans qui ont été prévus pour accélérer la reconnaissance des titres de compétences étrangers. Cela aidera environ 11 000 professionnels de la santé qui vont immigrer ou qui ont déjà immigré au Canada depuis 2022 à travailler rapidement dans les communautés linguistiques minoritaires. L’un des enjeux, c’est que si on veut que les gens aillent travailler dans un milieu minoritaire, rural ou plus éloigné des grands centres — comme c’est le cas au Nouveau‑Brunswick —, ils doivent avoir la confiance requise pour croire que s’ils s’efforcent d’aller travailler dans ces communautés, leurs talents et leurs compétences seront reconnus rapidement.
Je vais me limiter à ces trois points; comme vous l’avez dit, l’enjeu est majeur.
Le président : Merci. Cela m’amène à vous poser une question sur les établissements privés.
On assiste à un glissement vers l’accès aux soins de santé dans les établissements privés. Quel rôle le gouvernement fédéral devrait-il jouer dans ce sens? On sait bien que les établissements privés pourraient faire en sorte que les francophones ou les anglophones en situation minoritaire soient privés de services dans la langue de leur choix.
Que pouvez-vous nous dire à ce sujet?
M. Duclos : Effectivement, c’est une grande préoccupation que plusieurs partagent : le financement privé par opposition au financement public.
Sur ce sujet, j’ai deux choses à dire. Comme on l’a dit plus tôt, l’évolution de la technologie, la plus grande mobilité géographique et l’expansion des champs de pratique, tout cela est positif dans la plupart des cas. Cela permet aux gens d’éviter de se déplacer et de profiter de soins de santé fournis par quelqu’un dans une autre communauté plus rapidement, parfois même dans la langue de leur choix. Une plus grande mobilité, la reconnaissance des compétences et une plus grande étendue des champs de compétence peuvent aussi aider à mieux servir les communautés et les gens qui ont des besoins particuliers.
Cela dit, il ne faut pas que ce soit accompagné de frais pour y avoir accès. On peut fournir ces soins de santé avec de nouvelles technologies et avec l’aide de médecins qui sont, par définition, des travailleurs autonomes, mais il faut que le financement demeure privé. Au Canada, lorsqu’on a un besoin de santé essentiel, ces soins doivent être fournis gratuitement. Cela reste un défi.
Comme vous l’avez sûrement remarqué, il y a un risque que cette plus grande technologie et cette mobilité soient assorties de financement privé. Donc, cela signifie que les gens seraient obligés de payer pour avoir accès à ces soins, et s’ils ne le peuvent pas, ils n’auront pas accès aux soins ou ils se feront supplanter par ceux qui ont plus de moyens financiers.
Le président : Le gouvernement fédéral aide à contrer cette tendance. Dans les ententes, par exemple, comment le gouvernement fédéral peut-il agir là-dessus? Est-ce que ce domaine est strictement de compétence provinciale et territoriale? Est-ce que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer, et si oui, lequel?
M. Duclos : Il y a trois façons de faire. La première et la plus importante est d’avoir un dialogue ouvert et transparent. Je rencontre mon homologue le ministre de la Santé très régulièrement; je l’ai fait près de 15 fois depuis un an et quelques mois, donc on se parle souvent. Évidemment, nos équipes travaillent toujours ensemble et nos fonctionnaires aussi. C’est en échangeant sur ces enjeux qu’on peut avancer dans la bonne et dans la même direction.
Deuxièmement, s’il y a des provinces — parfois même sans le savoir— où le financement pour des soins médicaux essentiels est privé, le gouvernement fédéral peut déduire de ces transferts en santé des sommes qui ont dû être déboursées par les gens pour avoir accès à ces soins de santé.
C’est ma responsabilité de le faire. Je l’ai fait il y a quelques semaines, et ce n’est pas de gaieté de cœur que je le fais, mais la Loi canadienne sur la santé l’exige.
Troisièmement, dans les ententes que nous négocions, il est clairement indiqué que les fonds fédéraux doivent servir à renforcer le système public de soins de santé, pas le système privé.
Le président : Chers collègues, il nous reste quelques minutes pour profiter de la présence du ministre. Je vais vous demander d’être très succincts dans vos questions et au ministre d’être succinct dans ses réponses, quand cela est possible.
La sénatrice Gagné : On a beaucoup parlé de la barrière entourant la reconnaissance des diplômes obtenus à l’étranger. Une autre barrière dont il faut parler, c’est la mobilité interprovinciale. Le plan d’action pancanadien va s’attaquer à la pénurie de main-d’œuvre en santé pour tenter de réduire ces obstacles.
Je sais que la majorité des provinces sont d’accord pour éliminer les barrières interprovinciales. L’Ontario a présenté un projet de loi à cet effet pour assurer cette mobilité et le Conseil de la fédération a promis d’y collaborer. Je ne suis pas certaine pour ce qui est du Québec; je crois qu’ils ont dit récemment qu’ils étaient peut-être moins intéressés à collaborer. C’est probablement l’un des plus grands défis de notre fédération, soit d’arriver à bâtir des consensus autour de barrières. Nous sommes tous d’accord pour dire que ces barrières n’ont souvent pas de sens.
J’ai été témoin de situations où l’une des barrières était la barrière linguistique. Si on déménage en Colombie-Britannique ou au Manitoba, il y a des tests d’anglais qui exigent un niveau de compétence exagéré.
Selon vous, y a-t-il un consensus en vue ou un moyen d’en arriver à une entente avec les provinces et les ordres professionnels, afin d’assurer une mobilité entre les provinces pour des professionnels formés au Canada? Il me semble que c’est évident.
M. Duclos : Merci, sénatrice Gagné. C’est une question que j’apprécie énormément. Ma réponse courte, c’est oui. Je crois qu’il y aura un consensus au cours des prochains mois. Il y a un consensus qui a déjà commencé à se dégager au cours des derniers mois. On mentionnait plus tôt que les quatre provinces de l’Atlantique avaient convenu de mettre en place un registre régional de médecins. Un médecin qui travaille dans l’une des quatre provinces et qui est reconnu par ce registre régional peut travailler dans une autre. Comme vous l’avez mentionné, l’Ontario et la Colombie-Britannique ont aussi envoyé des signaux montrant que ce genre de mesures seraient bénéfiques pour leurs propres citoyens.
Le Conseil de la fédération l’a dit aussi. Ce conseil, qui regroupe l’ensemble des 13 provinces et territoires, en a déjà convenu.
De plus, comme vous y avez déjà fait allusion, cela facilite la collaboration entre les médecins. On est dans un monde de plus en plus virtuel et digital. On est également dans un monde où les professionnels de la santé sont de plus en plus spécialisés et n’ont pas toujours les compétences pointues nécessaires pour répondre à des circonstances et à des besoins tout aussi pointus.
Les spécialistes travaillent de plus en plus entre eux au sein d’une même province, mais aussi de plus en plus entre les provinces. La reconnaissance des compétences partout dans la fédération peut faciliter cette collaboration interprovinciale. Finalement, ce n’est pas seulement pour les professionnels de la santé qui sont formés au pays, mais aussi pour ceux qui sont formés à l’étranger.
Je crois qu’on va en arriver à un consensus encore meilleur et à des progrès encore plus importants au cours des prochains mois, de sorte que lorsqu’une province pourra reconnaître les compétences de travailleurs formés à l’étranger, ces derniers pourront plus facilement se déplacer ou offrir leurs services de manière virtuelle et collaborative, pour aider des patients qui se trouvent géographiquement ailleurs. Cela comprend les populations vivant en situation linguistique minoritaire.
Le président : Merci beaucoup pour votre réponse. Je vous remercie, monsieur le ministre. Nous aurons parmi nous, dans la prochaine heure, le personnel de Santé Canada et de l’Agence de la santé publique du Canada. Nous pourrons poursuivre les questions avec eux.
Monsieur le ministre, merci de votre participation et de votre présence ici ce soir. Vos commentaires et réflexions nous aideront à réaliser notre étude. C’est avec un grand plaisir que nous vous avons reçu au comité.
Nous allons suspendre la séance, le temps de remercier le ministre.
M. Duclos : Merci à tous.
Le président : Chers collègues, nous reprenons nos travaux avec Mme Voisin, Mme Valdés et M. Nafekh. Nous vous remercions d’être avec nous pour notre étude.
Nous poursuivons avec la période des questions. Sénatrice Moncion, puisque vous étiez sur la liste, est-ce que vous avez une question à poser aux témoins?
La sénatrice Moncion : Merci d’être ici ce soir. J’aimerais vous entendre sur l’engagement du gouvernement fédéral en matière d’exigences touchant la modernisation des équipements, des services, des technologies et des cartes d’accès aux données électroniques pour les ententes fédérales-provinciales. Quel est le travail qui se fait?
Par exemple, du côté des équipements d’imagerie par résonance magnétique, on a rencontré des gens qui nous ont encore parlé de l’usage des fax pour les rendez-vous. C’est toute cette modernisation du système qui fait qu’il y a des économies importantes à aller chercher. Il y en a même dans les cartes d’accès électroniques où il y aurait plus d’informations. Il est aussi question de l’accessibilité aux dossiers des patients entre les provinces. J’aimerais vous entendre sur tout l’aspect de la modernisation de la médecine canadienne.
Jocelyne Voisin, sous-ministre adjointe, Direction générale des politiques stratégiques, Santé Canada : Merci pour la question. Premièrement, dans les ententes que l’on prévoit de signer avec les provinces et les territoires, il y a un engagement sur des éléments en matière de données et d’échange d’informations. Nous avons récemment, au niveau des sous‑ministres, conclu une entente entre les provinces et les territoires sur le plan de l’interopérabilité. Cela veut dire que les systèmes qui existent partout dans les provinces et les territoires — dans les bureaux de médecins, par exemple — sont souvent électroniques. Votre médecin a peut-être un ordinateur qui contient votre dossier, mais cet ordinateur ne communique pas aux autres ordinateurs ou aux systèmes qui se trouvent dans les autres hôpitaux et centres de santé.
Ce qu’on veut avoir, c’est un plan pour que tous les systèmes communiquent ensemble. Cela veut dire qu’il y aura des normes d’échange d’informations techniques et des normes d’échange d’informations de données. Les données auront la même terminologie pour qu’elles soient comparables.
Ce plan a été développé par Inforoute Santé du Canada en partenariat avec les provinces et les territoires. Tous les provinces et les territoires, à l’exception du Québec, ont dit qu’ils allaient utiliser ces normes pour progresser, afin que les données soient comparables partout au pays et que les systèmes puissent mieux communiquer.
Ces normes sont internationales. Ce ne sont pas des normes qu’on a inventées au Canada. Cela permet aux entreprises canadiennes d’avoir plus d’occasions d’affaires à l’échelle internationale. Les provinces se sont engagées à faire cela dans le contexte du financement que nous avons annoncé en février avec les provinces et les territoires.
La sénatrice Moncion : Combien d’années cela prendra-t-il?
Mme Voisin : L’Inforoute Santé du Canada a déjà conclu une entente avec les provinces et les territoires. Ils vont devancer la mise en œuvre de ces plans au cours des trois prochaines années. Il y a des provinces et des territoires qui ont déjà pris la relève et qui progressent très bien. Le Québec a déjà un projet de loi qui examine les politiques en place afin de s’assurer que les données peuvent être partagées plus facilement entre les différents systèmes de santé, afin que les citoyens et les résidants puissent avoir accès, comme vous en avez déjà parlé, à leur propre dossier électronique.
C’est vraiment l’un des enjeux sur lesquels on veut poursuivre le travail, soit de donner aux patients l’accès à leur propre dossier électronique. De plus, c’est l’un des indicateurs que nous avons mis en place pour le financement avec les provinces et les territoires.
La sénatrice Moncion : Dans cette entente, on pense toujours dans une perspective de temps. On sait que si un dossier appartient au patient, comme dans une institution financière, les données nous appartiennent. Donc, je peux partager mes données avec qui avec je veux. Un patient pourrait donc éventuellement devenir propriétaire de son dossier médical et le partager avec un autre médecin s’il change de province. Tout l’historique serait alors partagé. Est-ce vers cela que l’on s’en va?
Mme Voisin : C’est la vision, oui, mais cela prend du temps et ce n’est pas simple. C’est pour cela qu’on a mis en place certains indicateurs, comme les huit dont le ministre a parlé, pour que le patient ait accès à son propre dossier électronique et que les dossiers électroniques des patients puissent être partagés entre les médecins et les différents systèmes de soins de santé.
La sénatrice Moncion : Bravo, puisque c’est à cet endroit que nous pourrons faire des économies éventuellement.
Nathalie Valdés, gestionnaire, Bureau d’appui aux communautés de langue officielle, Santé Canada : J’aimerais ajouter quelque chose. Vous avez parlé des cartes de santé et je veux partager avec vous l’exemple d’une collaboration qui a eu lieu il y a quelques années entre Santé Canada et la Régie de santé de l’Île-du-Prince-Édouard. Ils ont décidé qu’ils allaient inscrire la langue officielle du choix du patient sur leur carte‑santé, afin de mieux connaître la demande potentielle de services en français dans la province, de mieux planifier la distribution des effectifs et d’aiguiller les patients vers ces ressources pour qu’il n’y ait plus de discordance linguistique lorsqu’un usager se présente dans un établissement de santé. Donc, ils peuvent savoir dès le départ si cette personne préfère être servie en français et peuvent l’aiguiller vers les ressources existantes. C’est un outil de planification qui n’est peut-être pas avant-gardiste, mais il fallait y penser.
L’Île-du-Prince-Édouard est intéressée à connaître la demande potentielle de services en français. Ils en ont profité aussi pour en apprendre beaucoup plus sur la diversité de la population qui reçoit les services. Ce ne sont pas seulement des données sur les deux langues officielles qu’ils ont recueillies, mais également sur toute autre langue que les usagers parlent. Ils ont été surpris d’apprendre que, dans leur petite île de 100 000 habitants, il y a au-delà de 100 différentes langues et dialectes parlés au sein de leur population. Cela permet donc d’avoir une meilleure connaissance de la diversité de la population que l’on sert et d’être plus sensible aux différences culturelles linguistiques pour mieux répondre aux besoins de la population.
Il y a d’autres provinces qui sont intéressées par ce genre d’initiative, comme la Saskatchewan, le Manitoba et l’Ontario. Par le biais du Programme pour les langues officielles en santé de Santé Canada, on se prépare à recevoir un nouveau financement dans le contexte du nouveau plan d’action, et on aimerait bien appuyer de telles initiatives à l’avenir.
La sénatrice Mégie : Dans le budget de 2023, on propose de fournir un financement de près de 160 millions de dollars sur trois ans à l’Agence de la santé publique du Canada pour soutenir la mise en œuvre et le fonctionnement du service d’aide téléphonique 9-8-8.
On prévoit que, à partir du 30 novembre 2023, les Canadiens pourront, en tout temps, téléphoner ou texter à ce numéro pour avoir accès à des services de qualité immédiats de prévention du suicide et pour obtenir du soutien en cas de crise de santé mentale.
Ce service 9-8-8 sera-t-il accessible dès le jour 1 dans les deux langues officielles dans tout le pays? Est-ce que la personne francophone devra appuyer sur le 1 ou sur le 2, pour finalement ne pas être en mesure de recevoir ce service dans les premiers jours? Avez-vous une idée de l’échéancier?
[Traduction]
Mark Nafekh, directeur général, Centre pour la promotion de la santé, Direction générale de la promotion de la santé et de la prévention des maladies chroniques, Agence de la santé publique du Canada : Je vous remercie de cette excellente question.
Je peux vous parler de l’objectif, mais je n’ai pas l’information en main pour vous dire ce qu’il en sera lors du premier jour de lancement. Je pourrais acheminer l’information par écrit au comité pour lui confirmer.
[Français]
La sénatrice Mégie : Nous comptons sur vous pour nous transmettre cette réponse par l’entremise du greffier du comité. Merci.
La sénatrice Clement : Bonjour et bienvenue. J’aimerais poursuivre sur certains des commentaires de Mme Valdés.
Premièrement, le ministre a mentionné que nous avions finalement atteint la cible de 4,4 % en ce qui concerne l’immigration francophone. Comment Santé Canada s’assurera-t-il de répondre aux besoins particuliers de cette population, des besoins qui sont à l’intersection de la langue et des communautés racialisées?
Deuxièmement, j’ai noté que le ministre a parlé d’une collaboration avec Statistique Canada et qu’il a parlé d’un sondage. Pouvez-vous nous parler un peu plus de ce partenariat? C’est toujours important d’avoir des données désagrégées.
Troisièmement, concernant le comité consultatif du portefeuille de la santé, comment cela appuiera-t-il la vision de Santé Canada en ce qui concerne une meilleure collaboration?
Mme Voisin : Je vous remercie de votre question. Je vais commencer par répondre à la question sur les données désagrégées et l’intersection, et je laisserai ensuite Mme Valdés répondre aux autres questions.
En ce qui concerne la collaboration avec Statistique Canada, le ministre en a parlé dans le contexte des huit indicateurs que nous avons annoncés, qui font partie de l’engagement avec les provinces et les territoires dans les ententes bilatérales.
Il a mentionné que la plupart des indicateurs existent déjà et que les données existent déjà; il y a des sondages, par exemple. Je vais donner un exemple, qui est l’accès à un médecin de famille. Il y a 14 % des Canadiens qui n’ont pas un accès régulier à un médecin de famille dans leur communauté.
L’un des indicateurs que l’on veut examiner, ce sont les progrès que l’on fait avec ces données. Cependant, nous n’avons pas les détails désagrégés de celles-ci. Le partenariat entre Statistique Canada et l’Institut canadien d’information sur la santé vise à travailler ensemble pour avoir des données plus complètes sur le système de santé, travailler avec les provinces et les territoires, avoir des données du système de santé — pas seulement un sondage — et travailler avec Statistique Canada afin de voir si l’on peut faire une intersection avec d’autres données que possède Statistique Canada. Cela permettrait d’avoir des données désagrégées, notamment sur les langues officielles, la langue préférée des individus ou des communautés et les populations racialisées. Ce partenariat nous permettrait d’obtenir plus de données désagrégées sur les indicateurs.
Mme Valdés : Je vous remercie de votre question. En ce qui concerne les communautés racialisées, on est maintenant plus conscient que les communautés de langue officielle en situation minoritaire (CLOSM) sont de plus en plus diversifiées et qu’il faut prendre ces considérations en compte lorsqu’on essaie de mieux répondre à leurs besoins en matière de santé. Donc, ce n’est pas seulement la langue, mais aussi la culture, l’approche concernant la santé et la façon dont on interagit avec le fournisseur de soins.
À Santé Canada, par l’entremise du Bureau d’appui aux communautés de langue officielle et du programme de financement, on travaille avec des intervenants communautaires qui, eux, travaillent conjointement avec ces communautés afin de connaître et de documenter leurs besoins. Ensuite, divers partenaires sont impliqués, dont les instances provinciales, territoriales, les établissements de santé et d’autres organismes communautaires, afin de faire valoir ces enjeux, de voir comment le système peut s’adapter et quelles mesures devraient être adoptées pour que le système puisse mieux répondre à ces besoins. Donc, il y a beaucoup d’intérêt.
Je pourrais vous donner un exemple : il y a un réseau en Colombie-Britannique qui s’est penché sur la question des immigrants récents et de leur vécu en ce qui concerne les interactions qu’ils ont eues avec le système de santé. Il faut documenter tout ce processus et avoir des discussions avec les instances qui, elles, sont en mesure d’effectuer des changements.
Pour ce qui est des anglophones du Québec, il y a le Community Health and Social Services Network, qui est un réseau de soutien qui se consacre à mieux comprendre les enjeux des immigrants récents ou des minorités visibles anglophones au Québec, afin de sensibiliser les instances gouvernementales pour qu’elles adaptent leur offre de services de santé.
C’est une façon assez concrète et très efficace de mettre ces outils de l’avant.
Lors de la dernière phase de financement de notre programme, nous avons notamment pris en charge et financé un projet de recherche qui vise à développer de nouveaux modèles de soins pour les communautés noires anglophones de Montréal qui sont aux prises avec des problèmes de santé mentale.
Donc, il faut expliquer ces phénomènes dans un contexte culturel dans lequel parler de ces choses n’est pas aussi facile avec la famille et soutenir les familles ainsi que les patients dans leur cheminement dans un système de santé qui n’est pas toujours facile. Donc, il y a des initiatives dont les résultats sont documentés et partagés partout dans le réseau qui travaille à la grandeur du pays.
Je voulais aussi renchérir sur ce qu’a dit Mme Voisin. Depuis quelques années, on travaille d’arrache-pied avec eux chaque fois que vient le temps de renouveler le contenu de certaines enquêtes, dont l’Enquête sur la santé dans les communautés canadiennes.
Nous avons développé avec eux un module réservé aux langues officielles qui devrait être utilisé sur le terrain dans les prochaines années. L’objectif est non seulement de documenter ce que vivent ces communautés, mais aussi de documenter à quel point ce qu’elles vivent est différent de ce que vit la majorité linguistique, pour vraiment comprendre leurs enjeux et leurs perspectives.
Nous avons aussi travaillé avec eux au développement du contenu de l’enquête post-censitaire. On vient de terminer la collecte de données. Un module a été développé en matière de santé. On pourra avoir des données très riches qui ont été captées partout au pays. Nous avons eu des enjeux en ce qui concerne les réponses que nous avons obtenues. On a décidé de prolonger la durée de l’enquête sur le terrain pour avoir le plus grand nombre possible de répondants.
On jumelle à tout cela des initiatives de collecte d’information au moyen des services d’opinion publique, par exemple. Lors de la dernière consultation que l’on a faite pour le renouvellement de notre programme, on a réussi à rejoindre au-delà de 2 000 membres des CLOSM. On leur pose des questions très concrètes pour mieux préparer la prochaine phase de financement du programme, voir quels sont les nouveaux enjeux ou les enjeux persistants et déterminer comment on peut continuer de soutenir les efforts de nos partenaires sur le terrain, ainsi que des établissements postsecondaires que l’on appuie dans la formation de ressources humaines bilingues.
La sénatrice Clement : Merci de cette réponse très complète. Les sénateurs de descendance africaine ont rencontré des représentants de Parents of Black Children aujourd’hui. Ce sont des réseaux locaux qui se développent et qui ont des choses importantes à dire. C’est important de savoir que le gouvernement fédéral est en communication avec les réseaux locaux. Merci.
Le président : Merci pour cette réponse. J’aurais une question complémentaire pour vous, madame Valdés, au sujet des communautés vulnérables. Dans l’ordre de renvoi de notre étude, on parle des communautés LGBTQ+ sur le plan des langues officielles. Avez-vous, dans le cadre de vos initiatives, des éléments réservés à ces communautés, et si oui, quels sont vos constats à ce sujet?
Mme Voisin : Merci de la question. Je vais donner la parole à Mme Valdés, mais je sais que l’Agence de la santé publique du Canada a réalisé des initiatives dans ce domaine.
Mme Valdés : Comme on le disait, on travaille vraiment avec des réseaux communautaires qui sont au fait des réalités que vivent ces communautés sur le terrain. En ce qui a trait aux communautés LGBTQ2, on est très conscient qu’il est important d’être sensible à ces réalités — on parle, par exemple, de personnes âgées qui se retrouvent dans des centres d’hébergement et qui vivent un nouveau coming out dans ces environnements. Comment le personnel peut-il être sensibilisé à tout cela? Lorsqu’on renouvelle nos ententes en matière de formation, par exemple, il y a toute une composante de sensibilité au sexe et au genre qui doit faire partie de la formation des futurs professionnels de la santé. C’est une façon de faire valoir l’importance d’être sensible à cette réalité et de répondre de façon adéquate aux besoins de ces populations.
[Traduction]
M. Nafekh : Je vous remercie de cette excellente question.
L’Agence de la santé publique du Canada utilise les données que mes collègues ont mentionnées, de même que celles provenant de l’Initiative pancanadienne sur les inégalités en santé de Statistique Canada pour recenser les personnes ou les communautés LGBTQ+ qui se trouvent dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire afin d’avoir une idée précise des besoins à combler, puis nous soutenons des programmes pour y répondre. Je peux vous donner quelques exemples, mais c’est l’outil de base, un excellent outil, qui pourrait intéresser le comité dans le cadre de son analyse. Parmi les programmes que nous offrons, il y a notamment celui offert dans les centres résidentiels afin de veiller à ce que les personnes âgées reçoivent des services de santé dans la langue de leur choix. Ce programme vise entre autres à offrir de la formation au personnel soignant qui offre ces services.
Le président : Dans le même ordre d’idée, comment procédez-vous pour mesurer les résultats concrets de ces programmes? C’est une chose de les offrir, mais comment en mesure-t-on les résultats? C’est le défi que nous avons tous. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet?
M. Nafekh : Mesurer les résultats présente tout un défi en effet, car il faut du temps pour les mesurer dans certains cas. L’outil de rapport sur les inégalités en santé mesure les résultats en santé pour divers groupes géographiques, mais encore une fois, il faut un certain temps pour observer des changements. Au sujet des programmes qui ciblent ces populations, nous exigeons toujours de ceux qui les offrent de fournir un rapport sur les résultats atteints.
Le président : Je vous remercie.
[Français]
Le sénateur Dagenais : J’ai deux courtes questions. La première est la suivante : madame Voisin, dans un rapport assez étoffé, le directeur parlementaire du budget doute un peu de la capacité du gouvernement de réaliser les objectifs du projet de loi C-13 sur les langues officielles et de pouvoir réellement protéger la langue française.
Si on prend en considération, entre autres, la mobilité de la main-d’œuvre, qui est un facteur important partout au pays dans le secteur de la santé, quels sont les chiffres, quels sont les investissements que votre ministère fait pour assurer des services médicaux en français partout au pays, notamment aux Québécois qui sont appelés à travailler ailleurs qu’au Québec? Sont-ils condamnés à recevoir des services en anglais s’ils veulent être servis rapidement? Quand on est malade, on n’a généralement pas le temps de faire appel à un traducteur.
Mme Voisin : Je dirais que le ministre a parlé de notre investissement récent dans le budget de 2023, un investissement de 200 milliards de dollars sur 10 ans pour améliorer les services de santé pour les provinces et les territoires. Je peux faire le suivi pour ce qui est du montant précis pour le Québec qui a été rendu public lors de cette annonce.
Nous attendons une entente avec le Québec, qui améliorera les services de santé, pour mettre en place le plan déjà prévu pour la province, mais il existe également des fonds fédéraux pour améliorer les services aux Québécois.
De plus, nous avons les investissements de notre programme qui sont réservés aux communautés de langue officielle en situation minoritaire. Mme Valdés peut parler plus en détail des différents volets de ce programme, qui vise à améliorer l’accès aux services de santé dans la langue préférée des individus.
Mme Valdés : Avant de me lancer dans ce que fait notre programme, j’aimerais attirer votre attention sur un point. L’an dernier, Santé Canada a travaillé encore une fois en collaboration avec Statistique Canada pour comprendre les tendances par rapport à la capacité langagière et au bilinguisme de la main‑d’œuvre en santé. Ce qu’on a constaté, de 2001 à 2016, en examinant les données disponibles lorsqu’on s’est lancé dans cette étude, c’est que le niveau d’utilisation du français par les professionnels de la santé au Québec est au-delà de 98 %. Donc, la plupart d’entre eux parlent le français. Lorsqu’on fait la comparaison pour ce qui est du français à l’extérieur du Québec, on constate que le nombre de professionnels de la santé bilingues ou qui se disent bilingues a augmenté.
Cependant, leur proportion dans le système de santé a diminué, puisque ce secteur a explosé dans les dernières années. Il se situe à environ 11 % des répondants. Comme vous pouvez l’imaginer, cela dépend dans quelle province ou quel territoire on se trouve. Cela peut aller de 30 % au Nouveau-Brunswick, dans les provinces atlantiques, à un faible pourcentage en Colombie-Britannique, par exemple. Ce rapport est public et je peux vous donner le lien si vous le désirez.
Pour ce qui est de la formation, l’approche adoptée par le programme de Santé Canada est de soutenir la vitalité des communautés francophones hors Québec. On offre la possibilité de suivre une formation postsecondaire en français, pour que les francophones qui habitent à l’extérieur du Québec puissent poursuivre leur scolarité en français, plutôt que d’aller étudier dans des universités ou des collèges anglophones qui sont parfois situés loin de leur communauté et de courir le risque qu’ils ne reviennent pas là où ils étaient.
Nous soutenons 16 établissements de formation francophones, des collèges et des universités qui appartiennent à l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne et qui offrent au-delà de 110 programmes de formation. Comme le ministre l’a mentionné, il y a au-delà de 10 000 professionnels de la santé bilingues qui ont été soutenus par ce programme. En plus de la formation qui existe déjà et qui est soutenue par les provinces et les territoires — il y a eu environ 30 000 diplômés depuis 2003, date à laquelle nous avons commencé à capter ces chiffres —, des enquêtes de suivi sont menées auprès de ces diplômés pour savoir où travaillent ces diplômés et s’ils servent les CLOSM. Environ 96 % d’entre eux restent dans leurs communautés, et 98 % d’entre eux affirment qu’ils offrent des services aux communautés linguistiques en situation minoritaire. Certes, il y a encore des efforts à faire, puisque nous avons mentionné que le chiffre a augmenté, mais la proportion a diminué. Le budget de 2023 vient d’annoncer des investissements supplémentaires par rapport aux formations d’infirmières et de préposés, ce que nous souhaitons entamer dans les prochains mois avec nos partenaires.
Le sénateur Dagenais : Donner des services en français à un francophone dans un hôpital de l’Alberta ou donner des services en anglais dans un hôpital au Québec, est-ce une compétence provinciale ou fédérale? Si la personne veut porter plainte, auprès de qui doit-elle formuler sa plainte?
Mme Valdés : Dans les provinces et les territoires, l’obligation de servir la population dans les deux langues officielles varie. Certains et certaines ont des lois. L’Ontario, par exemple, a la Loi sur l’accès aux services en français. Cela n’existe pas partout.
Cependant, partout au pays, il y a quand même des politiques qui encouragent l’offre de services dans la deuxième langue officielle parlée. Grâce à la formation, il y a un élément intéressant dans les organismes communautaires : il y a des pourparlers avec les instances publiques et on offre de la formation comme l’offre active de service. Cela veut dire que, dès l’arrivée des patients, on peut demander quelle est la langue officielle de choix de l’usager, afin de mieux l’aiguiller vers les services francophones existants. Certes, il se pourrait que tous ces services ne soient pas disponibles en français; cela dépend du lieu de résidence.
Le sénateur Dagenais : Merci beaucoup, madame.
Mme Voisin : Évidemment, comme la livraison des services de santé, cela révèle de la compétence des provinces et des territoires. Même si on peut encourager les provinces et les territoires à offrir des services dans la langue préférée, ce sont les provinces et les territoires qui décident de la façon dont les services sont livrés.
Le sénateur Dagenais : Merci beaucoup.
Le président : Dans les ententes fédérales-provinciales-territoriales, n’y a-t-il pas un espace pour exiger davantage de redditions de compte de la part des provinces sur la question de la livraison des services dans les deux langues officielles? N’est‑ce pas un instrument qui pourrait être utilisé adéquatement pour ne pas laisser aléatoirement aux provinces toute la latitude de ne pas offrir des services dans les deux langues officielles?
Mme Voisin : Comme le ministre l’a mentionné, il s’agit vraiment de respecter la compétence des provinces et des territoires de livrer les services de santé, même si les ententes sont un outil que nous pouvons utiliser pour nous assurer que les services aux CLOSM sont améliorés.
Dans les ententes que nous négocions actuellement avec les provinces et les territoires, nous nous sommes assurés qu’il y ait un engagement de la part des provinces et des territoires d’améliorer les services pour les populations en quête d’équité, dont les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Quand nous allons discuter des plans d’action avec les provinces et les territoires, c’est l’un des éléments dont nous allons discuter avec eux pour aller encore plus loin et nous assurer qu’ils incluent des engagements dans leur plan d’action et des projets concrets pour répondre aux besoins de ces communautés.
Le président : Vous utilisez, comme le ministre, le terme « équité », mais les termes « égalité réelle » font-ils partie du vocabulaire de votre ministère lorsque vous parlez des deux langues officielles?
Mme Voisin : Je ne sais pas si c’est une question à laquelle je peux répondre. Nous parlons beaucoup d’équité, c’est vrai. Nous avons un programme consacré aux CLOSM. Nous essayons de faire avancer les principes proposés dans le projet de loi.
Le président : Merci de votre réponse. Je ne voulais pas vous piéger avec ma question, madame Voisin.
La sénatrice Gagné : Madame Valdés, vous avez indiqué que l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne, ainsi que le Consortium national de formation en santé, sont assurément des joueurs clés en raison de l’appui qu’ils accordent aux communautés par l’entremise des universités et des collèges. Je voulais simplement souligner que, parce qu’il a participé à ces organisations, le gouvernement fédéral joue effectivement un rôle clé. Je vous remercie de ce soutien au nom de ma communauté au Manitoba et de l’Université de Saint-Boniface.
Lorsqu’on fait la comparaison, vous avez affirmé qu’il y avait encore beaucoup de travail à faire si l’on veut progresser vers l’égalité réelle entre nos deux langues officielles. Oui, il y a encore beaucoup de travail à faire. Je voulais le mentionner.
Le ministre a parlé de l’évaluation des inégalités en matière de santé. D’après ce que je comprends de vos propos, la langue fait partie des facteurs à prendre en compte pour évaluer les inégalités en santé. Ai-je bien compris vos propos? Si on examine la liste des déterminants de la santé, on y retrouve le revenu, le statut social, l’emploi et les conditions de travail, l’éducation, la littératie, les expériences vécues dans l’enfance, le genre, la culture, la race et le racisme. Est-ce que la langue a été considérée dans les études comme étant un déterminant de la santé?
Mme Voisin : Je vais me tourner vers mon collègue de l’Agence de la santé publique du Canada, parce que les déterminants de la santé sont un enjeu très vaste, et Santé Canada met l’accent sur la livraison des services de santé. Pour l’analyse plus vaste ayant trait à la santé publique, c’est l’Agence de santé publique du Canada.
[Traduction]
M. Nafekh : Il est important de recenser tous les déterminants sociaux de la santé, car l’Agence de la santé publique du Canada conçoit ses programmes de manière à cibler les personnes qui en ont le plus besoin. Beaucoup de ces facteurs sont intersectionnels, y compris la langue. Je reviens à l’outil de rapport sur les inégalités en santé que j’ai mentionné. La première langue officielle parlée est l’un des indicateurs que nous utilisons pour examiner ces facteurs croisés. Lorsque nous croisons la première langue officielle avec la région géographique et nombre d’autres facteurs que vous avez mentionnés, cela nous aide à déterminer les communautés cibles pour nos programmes, et aussi les intervenants qui travaillent dans ces communautés et qui peuvent offrir ces programmes. Nous les encourageons ensuite à demander des fonds pour mettre en œuvre ces programmes. Je pense que ma réponse courte est oui, nous considérons la langue comme l’un de ces facteurs croisés.
La sénatrice Gagné : Je vous remercie. Même si cela n’est pas nécessairement mentionné comme un déterminant de la santé quand on regarde la liste, cela est pris en compte. C’est bien cela?
M. Nafekh : C’est exact.
[Français]
Mme Valdés : Oui. D’autres éléments qui ne figurent peut-être pas non plus sur la liste sont aussi considérés; il s’agit de toute la différence avec les populations rurales et éloignées. Il y a la situation géographique de ces communautés, mais il y a aussi toute la question des handicaps et des personnes en situation de handicap. Tout cela entre en ligne de compte. D’ailleurs, cela fait partie de ce qu’on fait dans le cadre de l’analyse comparative entre les sexes et le genre. Cela va au-delà du sexe et du genre; il s’agit aussi de toutes les différentes facettes de la diversité au sein de la société canadienne, comme le niveau socioéconomique et ainsi de suite.
La sénatrice Gagné : Merci.
Le président : Pour faire le pont avec la question de la sénatrice Gagné, la culture étant, à mon avis, un déterminant de la santé, il serait intéressant de comprendre comment se définit la culture en tant que déterminant de la santé. Puisque le lien entre la langue et la culture est intrinsèque et indissociable, est-ce que la langue est prise en compte, dans le contexte de la prise en compte de la culture comme déterminant de la santé?
[Traduction]
M. Nafekh : Oui. Je sais que nous avons mené des enquêtes sur l’opinion publique dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire auprès de groupes particuliers, comme la communauté 2SLBGTQI+, et nous savons qu’ils subissent doublement de discrimination et plus d’isolement quand on ajoute cet élément comme déterminant social ou comme facteur. Pour ce qui est de la culture, je ne comprends pas très bien la référence à la culture par rapport à la langue.
Le président : Je me demande simplement, quand on parle de la culture comme déterminant, si la langue en fait partie, car ces éléments sont liés, n’est-ce pas? C’est une question sans doute plutôt philosophique que je pose, mais...
M. Nafekh : La réponse est oui.
Le président : Je vous remercie.
J’ai quelques questions qui sont destinées à M. Nafekh. L’Agence de la santé publique du Canada est-elle en mesure de respecter ses obligations linguistiques lorsqu’elle travaille avec des tierces parties? L’agence a-t-elle, par exemple, élaboré un plan d’action pour s’assurer que les communications des tierces parties et les services qu’elles offrent respectent les obligations prévues à la partie IV de la Loi sur les langues officielles, comme il a été recommandé par le commissaire aux langues officielles?
M. Nafekh : Je vous remercie de la question.
La réponse courte est oui. Nous procédons de la façon... en fait, cela dépend. Quand il s’agit de contractants, les exigences sont mentionnées dans le contrat, à savoir que tout le matériel doit être dans les deux langues officielles. Quand il s’agit de bénéficiaires de financement, nous incluons des dispositions semblables et nous les encourageons à offrir des programmes qui ciblent les communautés de langue officielle en situation minoritaire et les besoins des groupes démographiques que nous nous efforçons de joindre dans ces communautés.
Le président : Encore une fois, comment mesurez-vous les résultats et comment déterminez-vous s’ils ont fait ce qu’ils étaient censés faire?
M. Nafekh : Nous le faisons par l’entremise des rapports annuels. Nous vérifions exactement qui ont été les bénéficiaires des programmes, et à partir de ces rapports, nous exerçons une surveillance rigoureuse et nous rendons compte des résultats.
Le président : Je vous remercie.
J’ai une dernière question concernant le programme Investissement en matière de démence. Quelles ont été les grandes réalisations, et combien de projets ont ciblé les communautés de langue officielle en situation minoritaire? Ces fonds ont-ils servi à améliorer l’accès aux services de santé dans ces communautés, et si c’est le cas, de quelles façons?
M. Nafekh : Je peux faire parvenir au comité une liste des projets et des fonds accordés, mais je vais vous donner quelques exemples. Nous avons connu des succès.
Pour ce qui est d’offrir des programmes ciblés, encore une fois, nous avons mené des enquêtes d’opinion publique pour être en mesure de recenser les besoins dans ces communautés. Nous travaillons ensuite avec des intervenants pour offrir des programmes. À titre d’exemple, la Société Alzheimer Granby et région reçoit du financement pour contrer la stigmatisation et réduire l’isolement des personnes atteintes de déficience cognitive légère et soutenir les proches aidants, y compris dans les communautés francophones et anglophones minoritaires au Québec et en Nouvelle-Écosse.
[Français]
Le président : Je vous remercie.
Je remercie les témoins de leur contribution ce soir et du travail qu’ils font, jour après jour, pour aider les Canadiennes et les Canadiens à vivre en santé.
Chers collègues, avant de lever la séance, j’aimerais signaler que notre ordre de renvoi tendant à autoriser le comité à étudier l’application de la Loi sur les langues officielles arrive à échéance le 15 juin. La semaine prochaine, j’ai l’intention de donner préavis d’une motion visant à reporter la date finale de la présentation du rapport au 31 décembre 2025. Ainsi, nous n’aurons pas besoin de la reporter encore avant la dissolution de la 44e législature du Parlement. C’est une motion qui a trait à notre mandat général.
J’aimerais aussi vous aviser que j’ai l’intention de proposer, la semaine prochaine, l’adoption du rapport sur l’immigration francophone et de demander une réponse du gouvernement auprès du ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, en consultation avec la ministre des Langues officielles. Ce sera fait la semaine prochaine.
Honorables sénateurs, comme il n’y a plus d’autres questions ou commentaires, je déclare la séance levée.
(La séance est levée.)