LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES LANGUES OFFICIELLES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le lundi 4 décembre 2023
Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd’hui, à 16 h 59 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier les services de santé dans la langue de la minorité.
Le sénateur René Cormier (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Je m’appelle René Cormier, sénateur du Nouveau-Brunswick, et je suis président de ce comité.
Avant de commencer, j’inviterais les membres du comité présents aujourd’hui à se présenter, en commençant par la vice-présidente, à ma droite.
La sénatrice Poirier : Bonsoir. Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Mégie : Marie-Françoise Mégie, du Québec.
La sénatrice Moncion : Lucie Moncion, de l’Ontario.
[Traduction]
Le président : Merci, chers collègues. Je vous souhaite à tous et à toutes la bienvenue, ainsi qu’à tous ceux et celles qui nous regardent d’un bout à l’autre du pays. J’aimerais souligner que je participe à la réunion depuis le territoire ancestral non cédé de la nation algonquine Anishinaabe.
[Français]
Ce soir, nous poursuivons notre étude sur les services de santé dans la langue de la minorité.
Avant de vous présenter nos témoins, chers collègues, une motion doit être proposée afin de nous assurer que si nous n’avons pas le quorum, nous pourrons tout de même poursuivre la réunion.
Sénatrice Mégie, voulez-vous proposer cette motion?
La sénatrice Mégie : Je propose :
Que, nonobstant la pratique habituelle et conformément à l’article 12-17 du Règlement, le comité soit autorisé à entendre des témoignages cet après-midi en l’absence de quorum si nécessaire pourvu que deux membres du comité soient présents.
Le président : Merci. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : Oui.
Le président : La motion est adoptée. Merci beaucoup, chers collègues.
[Traduction]
Bienvenue aux témoins. Dans le premier groupe de témoins, nous sommes heureux d’accueillir, par vidéoconférence, Mme Kim Sawchuk, professeure au département d’études des communications de l’Université Concordia et membre du Centre de recherche et d’expertise en gérontologie sociale. Soyez la bienvenue. Nous accueillons aussi, en présentiel, M. James Janeiro, directeur des politiques et relations gouvernementales au Centre canadien d’excellence pour les aidants. Bonsoir, et bienvenue parmi nous.
Madame Sawchuk, nous sommes prêts à écouter votre déclaration préliminaire. La parole est à vous.
Kim Sawchuk, chercheuse, Centre de recherche et d’expertise en gérontologie sociale, à titre personnel : Monsieur le président, sénateurs et sénatrices, je vous remercie de votre attention. Je m’appelle Kim Sawchuk. Je suis professeure, en plus d’être la directrice du Centre engAGE de recherche sur le vieillissement de l’Université Concordia, à Montréal. Je suis une femme anglophone d’un certain âge qui vit au Québec.
Je m’adresse à vous aujourd’hui au nom du Centre de recherche et d’expertise en gérontologie sociale, le CREGÉS. Le CREGÉS facilite l’échange de connaissances entre les universitaires et les praticiens qui travaillent dans les hôpitaux, les établissements de soins de longue durée et les organismes communautaires. Nous réunissons les chercheurs, les étudiants, les professionnels et d’autres collaborateurs afin de fournir du soutien au vieillissement en explorant certains sujets de recherche, comme la maltraitance des personnes âgées, la diversité et les soins palliatifs; en collaborant à l’élaboration de pratiques novatrices; en coorganisant des activités de mobilisation des connaissances; et en formant les chercheurs de demain en gérontologie. Le CREGÉS a une compréhension holistique de la santé et du bien-être. Nous examinons comment les divers environnements soit permettent de nous épanouir jusqu’à notre dernier souffle, soit précipitent notre fin de vie.
Malheureusement, il y a une crainte grandissante chez les Québécois anglophones âgés à l’égard d’un ensemble de politiques interconnectées qui menacent leur santé, leur bien-être et leur vie en tant que citoyens qui contribuent à la société. Pour citer une personne récemment interviewée :
[...] nous avons le sentiment d’être attaqués, et nous nous inquiétons à l’idée de vivre dans cette province, d’y tomber malades, mais nous n’avons pas les moyens de déménager [...]
Ce n’est pas qu’ils le veulent non plus, parce que « [...] nous payons nos impôts et nous sommes des citoyens qui ont contribué à la vie, ici ».
Vous vous demandez peut-être si les sentiments exprimés tiennent de l’hyperbole, mais je suis ici pour vous dire que ce n’est pas le cas.
La première atteinte, la loi 96 de 2021, a eu comme effet de restreindre la définition de la minorité historique anglophone. La loi 96 menace de l’emporter sur la Loi sur les services de santé et les services sociaux du Québec, laquelle prévoit que les soins de santé doivent être adaptés de manière à soutenir tous les patients, sans égard à leur langue ou à leur culture.
L’accès sans égard à la langue ou à la culture est quelque chose d’impératif. Selon l’Institut national de santé publique du Québec — l’INSPQ —, les patients qui ne reçoivent pas de soins dans leur langue maternelle sont plus susceptibles de se voir prescrire des médicaments inappropriés ou de ne pas comprendre comment prendre leurs médicaments; de ne pas comprendre leur diagnostic; de passer plus de temps en salle d’urgence; de subir des blessures ou des complications accidentelles; ou de recevoir leur congé de l’hôpital sans avoir de rendez-vous de suivi. Ils sont aussi moins susceptibles d’accéder aux services de santé mentale existants; d’être satisfaits des soins qu’ils ont reçus; ou de se présenter par la suite à leurs rendez-vous.
D’autres menaces guettent les anglophones vieillissants au Québec, d’un point de vue holistique de la santé et du bien-être. Le délai de six mois pour apprendre le français crée davantage de stress pour les fournisseurs de soins dans les secteurs officiels et non officiels, qu’il s’agisse du personnel d’organismes communautaires ou des grands-parents qui ont immigré ici dans le but de prendre soin des enfants.
Enfin, il y a un problème de maintien en poste dans le secteur de la santé au Québec. Cela concerne la deuxième atteinte : nos collègues dans les écoles de médecine et les secteurs des services sociaux sont préoccupés par la possibilité d’être incapables d’attirer les étudiants anglophones dans ces domaines, depuis qu’il a été annoncé que les frais de scolarité allaient doubler pour les étudiants étrangers et des autres provinces.
La troisième atteinte est l’amendement surprise au projet de loi 15 ayant pour effet de centraliser les services de santé dans un nouvel organisme de la santé, Santé Québec. Santé Québec aura le pouvoir de retirer aux établissements de santé leur droit d’offrir des services dans une langue autre que le français, si les chiffres ne le justifient plus, c’est-à-dire si les communautés minoritaires passent sous la barre des 50 % dans les régions concernées, selon ce qui est proposé. Mais comment va-t-on mesurer ces 50 %? Qu’arrive-t-il si un établissement qui a le droit de fournir des services dans une autre langue que le français offre 57 % de ses services en français? Va-t-il perdre sa désignation?
Il ne s’agit que de la menace la plus récente visant la santé et le bien-être des Québécois anglophones âgés, en particulier ceux qui appartiennent à des minorités visibles dans la province. Quand j’ai parlé à une personne âgée — qui est bénévole de longue date dans la collectivité — de vos audiences, cette personne m’a dit de vous demander : « Qui va défendre nos intérêts? » Cette dame âgée de 80 ans a dit : « Je me sens abandonnée par mon gouvernement. » Quand je lui ai demandé si elle parlait du gouvernement provincial, elle a grogné un non. Elle se sent abandonnée par vous, le gouvernement fédéral. Cette dame croyait que la Loi canadienne sur la santé et la Charte des droits allaient la protéger, et à présent, elle vous implore de défendre ses droits de recevoir un éventail complet de services pour améliorer sa santé et son bien-être. Ce point de vue s’aligne sur la Constitution de 1946 de l’Organisation mondiale de la Santé, laquelle énonce que « [...] la possession du meilleur état de santé qu’il est capable d’atteindre constitue l’un des droits fondamentaux de tout être humain [...] »
L’accès aux services en anglais dans les hôpitaux, dans les organismes communautaires et dans les organismes gouvernementaux a pour but de garantir que nous pouvons tous et toutes vivre et mourir dans la dignité et la joie, et non pas dans le conflit et l’inquiétude. Les personnes âgées, comme moi, ne sont pas vulnérables, mais ce sont les politiciens, qui jouent à des jeux politiques avec notre vie, qui nous rendent vulnérables. Ne les laissez pas faire.
Merci.
Le président : Merci, madame Sawchuk, de vos commentaires. Avant de passer à la période de questions... Monsieur Janeiro, je vous souhaite la bienvenue, encore une fois. Vous pouvez présenter votre déclaration préliminaire, vous avez la parole. Ensuite, nous passerons à la période de questions.
[Français]
James Janeiro, directeur des politiques et relations gouvernementales, Centre canadien d’excellence pour les aidants : Merci et bonsoir à toutes et à tous.
[Traduction]
Les soins transcendent toutes les étapes de la vie, et le mandat du Centre canadien d’excellence pour les aidants, le CCEA, couvre tous les aspects de la fourniture de soins : des soins des enfants handicapés à une extrémité du continuum, jusqu’aux soins pour les aînés en fin de vie de l’autre, en passant par tout ce qu’il y a entre les deux. Nous sommes une organisation pancanadienne, et à ce titre, nous voulons mener nos activités à l’échelle nationale, dans tout le pays, et dans chaque province et chaque territoire. Pour accomplir notre mandat, nous nous engageons à comprendre, à soutenir et à représenter les aidants d’un océan à l’autre, y compris les membres des groupes linguistiques en situation minoritaire partout au pays.
De nos jours, une personne sur quatre, d’un bout à l’autre du Canada, est un aidant, et à un moment ou un autre de leur vie, la moitié des Canadiens devront fournir des soins. Nous ne pouvons pas fermer les yeux sur l’impact considérable que cela a sur tous les aspects de la vie, y compris notre économie, le marché du travail et même nos institutions politiques. Les aidants jouent un rôle essentiel dans tous les aspects de la prestation de soins de santé. Pour chaque heure de soins fournis par l’intermédiaire de nos systèmes de soins de santé, les aidants fournissent trois heures de soins non payés, sans soutien et souvent de manière isolée dans la collectivité.
Mon message aujourd’hui est clair : nous traversons une crise des soins, et ce sera impossible de se sortir de cette crise sans rémunérer et soutenir correctement les fournisseurs de soins, comme les préposés aux services de soutien personnel. Nous avons, au cours de l’été, commandé la toute première enquête nationale sur les aidants et les fournisseurs de soins. Les conclusions sont brutales, mais elles ne sont malheureusement pas surprenantes pour quiconque a fourni ou reçu des soins. Je vous ferai part de quelques conclusions ce soir.
Plus des trois quarts des aidants ont rapporté n’avoir reçu aucun soutien au cours des 12 derniers mois. Plus de la moitié ont essayé d’accéder à des services, sans résultat; 91 % — une proportion choquante — cherchent de meilleurs services de soins à domicile, dont ils ont besoin; et 8 aidants sur 10 ont répondu la même chose en ce qui concerne leur besoin d’accéder à des services de répit fiables et de haute qualité. L’un des premiers projets que nous avons financés était une étude, dirigée par l’organisme L’Appui pour les proches aidants, ou simplement L’Appui, sur les besoins des aidants francophones à l’extérieur du Québec. L’Appui a consulté des organisations de chaque province et territoire au sujet des aidants de langue minoritaire qui sont délaissés par les systèmes censés leur venir en aide.
Les répondants ont rapporté qu’ils souhaitent vivement mieux servir les communautés francophones, mais qu’ils n’ont pas le soutien ou les fonds nécessaires pour le faire efficacement. Plus des deux tiers des répondants ont rapporté que les services de répit étaient particulièrement importants. Plus de 85 % des organisations ont signalé qu’ils ne répondent pas adéquatement aux besoins en ce qui concerne les services de répit pour les communautés francophones. Une proportion tout aussi grande d’aidants qui ont répondu à notre sondage ont rapporté avoir désespérément besoin de services de répit.
En réponse à la question visant à savoir pourquoi elles ne sont pas capables de répondre aux besoins des communautés, 90 % des organisations offrant du soutien aux aidants ont rapporté que le manque de fonds était le problème principal, ce qui, en retour, crée une pénurie de main-d’œuvre. Le recrutement et le maintien en poste d’aidants francophones, comme les préposés aux services de soutien personnels et les préposés aux soins directs, sont des composantes nécessaires, mais insuffisantes pour régler la crise.
L’Association francophone des aînées et aînés du Nouveau-Brunswick a noté dans le mémoire qu’elle a transmis à votre comité qu’il n’y avait pratiquement aucun effort déployé pour recruter et maintenir en poste le personnel francophone, qui ne gagne pas vraiment plus qu’un employé de Tim Hortons ou de McDonald.
Pas moins de, 35 % des aidants ont déclaré qu’ils songeaient à quitter la profession en raison des salaires insatisfaisants.
Nous sommes une nation d’aidants. Tous les Canadiens méritent de pouvoir accéder aux services dont ils ont besoin, y compris les francophones à l’extérieur du Québec, et les anglophones au Québec. Ces deux groupes d’aidants de langue minoritaire se heurtent à des barrières quand ils cherchent à accéder aux services dont ils ont besoin. Le personnel est essentiel. Sans suffisamment de personnel formé et qualifié, les services de répit ou les programmes de soins à domicile les mieux conçus ne restent que des mots alignés sur une page. Si nous n’agissons pas, la crise ne fera que s’aggraver, à mesure que vieillissent rapidement les Canadiens et les Canadiennes de tous les groupes linguistiques, dans chaque province et chaque territoire.
Merci. Je suis prêt à répondre à vos questions.
Le président : Merci de vos commentaires. Avant de commencer la période de questions, j’aimerais demander aux membres dans la salle de bien vouloir éviter de s’approcher trop près du micro, ou si vous le faites, de retirer votre oreillette. Ainsi, nous ne créerons pas de rétroaction acoustique qui pourrait nuire au personnel du comité dans la salle.
[Français]
Chers collègues, nous allons commencer la période des questions.
La sénatrice Poirier : Merci d’être ici tous les deux. Ma première question s’adresse aux deux témoins. Selon vous, quels sont les plus grands défis de la population vieillissante, surtout en matière d’accès aux soins de santé dans la langue de son choix? Est-ce l’argent, la main-d’œuvre ou autre chose?
[Traduction]
M. Janeiro : C’est une bonne question. Les problèmes d’argent et de main-d’œuvre sont étroitement interreliés. Tout le monde sait que les salaires, dans ce secteur — et pas seulement pour les communautés de langue minoritaire, mais bien pour tout le secteur, dans tout le pays — sont tout à fait pathétiques, à peine plus élevés que le salaire minimum, alors qu’il s’agit d’un travail éreintant, difficile et épuisant psychologiquement.
La question du financement et des ressources humaines sont indissociables, parce que, s’il n’y a pas suffisamment d’argent pour augmenter les salaires et améliorer les conditions et les soutiens au travail — par exemple, l’accès à un régime d’épargne-retraite, des avantages sociaux ou la possibilité de passer d’un emploi à temps partiel à un emploi à temps plein ou des horaires stables, toutes des choses qui coûtent de l’argent —, ainsi que des salaires plus élevés, nous nous retrouvons, comme c’est le cas présentement, avec une pénurie de main-d’œuvre.
Sans fonds, nous ne pouvons pas avoir la main-d’œuvre dont nous avons besoin, et sans la main-d’œuvre nécessaire, nous avons une crise des soins.
La sénatrice Poirier : Merci. Madame Sawchuk, aimeriez-vous ajouter quelque chose?
Mme Sawchuk : Je suis d’accord avec mon collègue. L’un des aspects les plus importants, à cet égard, tient au fait que nous disons et prétendons que les soins sont valorisés, et pourtant, nous rémunérons à peine ceux qui font véritablement le travail.
De plus, d’après les études que j’ai réalisées, il y a un manque de distinctions et de formation en ce qui concerne les préposés aux services de répit, tout comme il y a un manque de reconnaissance envers le genre de travail dont il s’agit et un manque de flexibilité relativement aux horaires, en plus des salaires peu élevés et des mauvaises conditions de travail.
Je n’ai pas d’autres commentaires. Je suis d’accord avec tout ce que mon collègue a dit en réponse à votre question.
La sénatrice Poirier : Je viens du Nouveau-Brunswick, et j’ai déjà été députée. Je sais un peu comment fonctionnait le système au Nouveau-Brunswick. Je ne sais pas si c’est la même chose dans toutes les provinces, mais la plupart des aidants — sauf s’il s’agit d’une entreprise privée ou d’une autre organisation — reçoivent du financement du gouvernement provincial. Le salaire est négocié, puis l’argent est versé à l’organisation, qui va payer les employés à partir de ce montant. Dans certains cas, on réalise aussi une analyse financière avec la personne qui a besoin de soins pour savoir si tous les soins sont pris en charge ou pour savoir quelle est la répartition. Souvent, un certain pourcentage est réparti.
Si je me souviens bien, à l’époque — et cela fait de nombreuses années, alors je me dis que les choses ont peut-être changé; je suis ici depuis quelques années, alors les choses ont peut-être changé depuis —, une préoccupation, dont on a quand même un peu parlé, tenait au fait que, quand le gouvernement versait de l’argent à une organisation, cela ne voulait pas toujours dire que l’argent se rendait au personnel de la santé. Parfois, l’organisation gardait l’argent pour embaucher plus de personnel administratif, ou d’autres choses du genre. À l’époque, quand le gouvernement annonçait que le salaire allait augmenter de 25 cents l’heure ou quelque chose du genre, au bout du compte, l’augmentation réelle était seulement de 5 ou de 10 cents environ. On a réglé le problème à un certain moment. Je m’en souviens : l’organisation disait qu’elle allait donner un certain montant, et le gouvernement a répondu : « Non. L’argent est pour les employés et doit leur être donné. »
Pouvez-vous nous en parler un peu? La situation a-t-elle changé au fil des ans, depuis que je suis ici, sans que je le sache? Les choses vont-elles mieux que par le passé? Je n’essaie pas de dire que les organisations ne font pas un travail fantastique, parce que je sais qu’elles font un travail fantastique. Elles recrutent des gens et font tout ce qu’elles peuvent. Dans ma région immédiate, il y en a deux ou trois qui font du très bon travail. Je veux savoir si la situation est la même. Vous pouvez répondre tous les deux, si vous le voulez.
M. Janeiro : Madame Sawchuk, voulez-vous répondre en premier?
Mme Sawchuk : Vous pouvez y aller. Pour être très honnête, je ne suis pas une experte des services de santé de chacune des provinces. Je peux dire, cependant, en tant que femme anglophone qui vit au Québec et qui a des parents âgés au Manitoba, que l’un des autres problèmes dans le secteur informel est de savoir comment aider et comment défendre les intérêts de vos proches qui vivent dans une autre province, parce que notre système de santé est fracturé entre les provinces. J’en reparlerai plus tard. Je vais laisser la parole à M. Janeiro.
M. Janeiro : Bien dit. Vous soulevez une excellente question. C’est une combinaison entre la surveillance et les frais généraux. Essentiellement, ces organisations existent pour une raison, c’est-à-dire pour essayer de rendre la prestation de soins plus efficiente, de rationner les ressources à mesure qu’elles sont distribuées, de former le personnel et d’assurer la conformité, afin que les préposés qui font le travail sur le terrain se conforment à la réglementation fédérale et à la réglementation provinciale qui concernent leur travail. Tout cela coûte de l’argent. Beaucoup d’argent, malheureusement. Ce n’est pas gratuit. Surtout, lorsqu’une organisation prend beaucoup d’expansion, ses coûts augmentent de plus en plus — même si ce n’est pas des coûts par tête, ou par équivalent temps plein —, mais le travail administratif sur le terrain commence à coûter de plus en plus cher.
Il y a deux ou trois modèles novateurs, dans certaines régions du pays, qui ont permis de faire plus de ces choses dont vous avez parlé. Notamment, quand un gouvernement annonce une augmentation de salaire de X dollars, alors il y aura vraiment une augmentation du salaire horaire de X dollars sur le terrain pour le personnel.
La province que je connais le mieux est l’Ontario. Durant la pandémie, le gouvernement a annoncé une augmentation de salaire temporaire de 3 $ pour les préposés aux services de soutien personnel et les travailleurs du secteur des services pour les adultes en développement, je parle du personnel de soutien aux adultes ayant une déficience intellectuelle qui vivent en foyers collectifs dans la collectivité. Il a fallu un bon moment pour que les choses se mettent en place. La mise en œuvre du processus sur le terrain ne s’est pas faite de façon très fluide, mais le gouvernement et les employeurs ont convenu que le montant total allait aller aux travailleurs, alors l’engagement du gouvernement de 3 $ s’est transformé en une augmentation de salaire de 3 $. Celle-ci a fini par devenir permanente, au même titre que l’entente selon laquelle cet argent ne devait pas être avalé par les frais d’administration, mais bien remis aux travailleurs sur le terrain.
Je dirais cependant que, vu la difficulté de fournir des services de soutien durant la COVID, le gouvernement a aussi augmenté la part administrative, simplement pour s’assurer que les organisations puissent fonctionner et aussi donner ces 3 $ de plus sans avoir à piger dedans.
Donc, essentiellement, je pense avoir répondu à votre question de façon un peu tortueuse : si un gouvernement est déterminé à trouver un chiffre et à ce que ce chiffre soit reflété dans la rémunération, alors cela devient une question de surveillance et de possibilité de fournir un petit extra pour que l’argent se rende bien aux salaires.
La sénatrice Poirier : Nous avons discuté des cotisations individuelles, et aussi du financement provincial des organisations. Qu’en est-il du fédéral? Est-ce que tout se fait au moyen des transferts? Qu’est-ce que le gouvernement fédéral pourrait faire de plus? En fait-il assez? Dans le cas contraire, par où devons-nous commencer? Que doit-on faire, d’après vous? Doit-on augmenter les transferts ou quoi?
M. Janeiro : Avec respect, je dirais que notre gouvernement fédéral n’en fait pas suffisamment dans ce dossier, présentement. Entre autres choses, le Centre canadien d’excellence pour les aidants réclame l’adoption d’une stratégie nationale en matière de prestation de soins qui nous permettra de bien circonscrire cet enjeu, très vaste et très complexe, qui concerne un Canadien sur quatre aujourd’hui et qui touchera un jour la moitié d’entre nous.
En ce qui a trait plus précisément aux soins à domicile, il y a deux ou trois choses qui pourraient être faites. Premièrement, dans le cadre des discussions avec les provinces sur les transferts, il vaudrait la peine de parler d’un fonds réservé qui pourrait servir à améliorer les conditions de travail, dont les salaires. Le sujet a déjà été abordé, mais cela ne s’est pas vraiment transformé jusqu’ici en mesures concrètes sur le terrain, même si le gouvernement s’est engagé à améliorer les salaires des préposés aux services de soutien à la personne en particulier. C’est seulement qu’il n’y a pas encore eu de mesures concrètes jusqu’ici.
D’un autre côté, le gouvernement fédéral a aussi fait de l’excellent travail en ce qui concerne les normes en matière de soins de longue durée. Même si cela ne couvre pas tout le domaine des soins de longue durée, il faut dire que cela ne date que de six mois environ, je crois, et du très bon travail a été fait pour améliorer la qualité des soins. Malheureusement, ce n’était pas assorti d’une enveloppe monétaire.
Le travail stratégique a été fait, et maintenant, c’est une question de financement. J’irais même jusqu’à dire qu’il faudrait manifester le même genre d’intérêt à l’égard de la qualité et des niveaux de service dans le secteur des soins à domicile également, des fournisseurs de soins qui vont de maison en maison, de ville en ville, d’un bout à l’autre du pays, pour fournir des services très semblables, mais chez les gens.
Le président : Avez-vous quelque chose à ajouter, madame Sawchuk?
Mme Sawchuk : J’aimerais ajouter un bref commentaire. C’est une question de salaire, mais c’est aussi une question de conditions de travail et de quantité de travail à faire dans un délai donné et des délais prévus pour chaque volet d’un régime de soins qui est mis en place.
Je pense que c’est une question très complexe, comme l’a dit mon collègue. Je souscris à son analyse, mais j’aimerais aussi mettre en relief notre but, ici, qui est de fournir la meilleure qualité de vie pour les gens, relativement à la santé, et non pas seulement de prendre soin d’eux avant qu’ils ne dépérissent ou lorsqu’ils sont en train de dépérir. Le but est de créer des conditions qui nous empêcheront de dépérir, durant nos derniers jours. Pour cela, les gens doivent avoir le temps de donner le genre de soins et de services nécessaires. La plupart des travailleurs de la santé avec qui j’ai parlé dans ma vie sont des gens très attentionnés, mais ils vivent un épuisement professionnel, non seulement en lien avec de l’argent qu’ils gagnent dans le métier qu’ils ont choisi, mais aussi à cause des conditions de travail et du fait qu’on leur demande d’accroître l’efficience de la prestation des soins.
J’aimerais aussi dire qu’il s’agit d’un enjeu très important pour les femmes, dans notre société. La majorité des personnes qui travaillent dans la santé, présentement, sont des femmes, et elles ont travaillé sans rémunération pendant toute leur vie ou ont pris de leur temps pour faire ce travail. Cela a des conséquences sur leur vie, à mesure qu’elles vieillissent. Cela a aussi une incidence sur nos pensions, parce qu’elles sont indexées à ce que nous gagnions pendant notre vie. C’est un réel problème, et ses effets se font ressentir tout le long de la chaîne de soins.
Le président : Merci beaucoup.
[Français]
Madame la sénatrice Mégie, la parole est à vous.
La sénatrice Mégie : Merci aux témoins qui sont avec nous. Ma question s’adresse à M. Janeiro.
Le 8 novembre dernier, Le Devoir a publié un article intitulé « Le Canada face à une “crise” des proches aidants », dans lequel on citait l’exemple d’une dame qui voulait défendre les droits linguistiques de ses parents qui étaient des personnes vulnérables. Elle racontait avoir parcouru de longues distances pour obtenir des soins spécialisés.
Pour faire suite au Sommet canadien pour les aidants, auquel vous avez participé, êtes-vous d’accord pour dire que le principe d’accessibilité contenu dans la Loi canadienne sur la santé doit aussi couvrir l’accès équitable pour les communautés de langue officielle en milieu minoritaire?
[Traduction]
M. Janeiro : Merci beaucoup de votre question, madame la sénatrice. Oui, tout à fait, c’est une question qui est revenue souvent durant le sommet que nous avons tenu récemment ici, à Ottawa, le mois dernier.
Le Canada est un vaste pays. La population est très éparpillée, il y a des endroits peu peuplés, à l’extérieur des grandes villes. Lorsqu’il s’agit surtout de ces moments très intenses, en particulier durant les soins de fin de vie, les besoins en matière de soins personnels qui changent lorsque la personne passe d’une étape à l’autre de sa maladie, surtout, je dirais que ce n’est pas juste de s’attendre à ce que cette personne et sa famille s’arrachent de l’endroit qu’elles connaissent et de leur collectivité, qu’elles connaissent bien, où elles ont des réseaux et des liens, y compris des réseaux d’aidants à l’extérieur de la famille, comme des voisins, des amis, des proches. C’est fondamentalement injuste de s’attendre à ce que ces personnes, qui sont dans cette situation, s’arrachent de ce qu’elles connaissent pour aller dans un grand centre urbain où sont offerts les soins dont elles ont besoin.
Nous pouvons faire du bon travail et fournir des soins dans les petites collectivités et à domicile. Même si ce n’est pas à domicile, cela peut au moins se faire dans un centre de santé communautaire, plutôt que dans un grand hôpital dans un grand centre urbain.
Je suis tout à fait d’accord pour dire que ce droit devrait être étendu, même si, malheureusement, cela n’est actuellement pas le cas, afin que les Canadiens puissent accéder à ce dont ils ont besoin dans des contextes familiers, dans la région du pays qu’ils connaissent.
[Français]
La sénatrice Mégie : Merci. Ma prochaine question s’adresse aux deux témoins et elle découle de votre réponse et de ce qui a été mentionné dans certains articles.
Afin de garder les aidants au chevet de leur proche, devrait-on envisager un budget? Puisqu’on parle des préposés qui ne sont pas suffisamment payés, est-ce qu’il faudrait aussi prévoir un budget pour les aidants? On sait que jusqu’à maintenant les aidants font un travail bénévole par amour et par dévouement. Est-ce qu’il y aurait moyen de créer une façon de les rémunérer?
[Traduction]
M. Janeiro : Absolument. C’est une autre question qui a souvent été soulevée lors du sommet. Nous avons exploré des exemples de ce que font des pays étrangers, justement, à cet égard. Au Royaume-Uni, il y a une prestation pour aidants qui fournit un peu d’argent, pas beaucoup, mais quand même un peu chaque mois, aux personnes qui donnent, je crois, plus de 37 heures et demie de soins par semaine. C’est tout de même un seuil élevé. C’est pratiquement un travail à temps plein, et la rémunération fournie par le service national de santé du Royaume-Uni n’équivaut pas à un salaire à temps plein. La théorie, c’est qu’il faut fournir un peu d’argent aux personnes qui donnent des soins.
Cela se fait aussi en Australie et dans certains pays d’Europe. Même si au Canada, en Nouvelle-Écosse, il y a une prestation pour les aidants d’environ 150 $ par mois, je pense. Encore une fois, ce n’est pas énormément d’argent, mais il y a tout de même un cadre, et, si vous fournissez des soins, il est probable que vous ne travaillez pas à temps plein en raison de ce qui est attendu de vous en tant qu’aidant ou aidante. Vous avez donc ainsi un peu d’aide supplémentaire pour payer les factures et vous nourrir. Le cadre est là, l’idée est là, et nous soutenons cela de tout cœur.
[Français]
La sénatrice Mégie : Madame Sawchuk, auriez-vous quelque chose à ajouter?
[Traduction]
Mme Sawchuk : Oui, je suis entièrement d’accord, mais j’ajouterais aussi que je connais beaucoup de gens qui sont restés à leur travail à temps plein alors qu’ils essayaient aussi de faire le travail d’aidant. C’est aussi important de se demander si c’est aussi rémunéré, parce que ces personnes doivent abandonner leur travail ou alors s’en absenter un certain temps. Nous devons faire en sorte qu’il soit aussi facile que possible pour les gens de savoir que ces services ou ces prestations, s’ils sont mis en œuvre, existent, en plus de s’assurer que les gens y ont accès.
Trop souvent, j’ai vu des gens, moi y compris, ne pas savoir à quoi ils ont droit. Encore une fois, c’est dans ce contexte que nous veillons à ce que les services soient offerts en français dans les autres provinces, parce que c’est tout à fait fondamental. Il faut aussi veiller à ce que les services soient accessibles en anglais au Québec, parce que c’est aussi extrêmement important. Encore une fois, ces enjeux concernent les autres droits des minorités linguistiques au Canada, lorsqu’il est question de recevoir des soins de santé.
En Finlande, lorsqu’une communauté linguistique représente 8 % de la population, alors, par exemple, celle-ci a le droit de demander d’accéder à des services de santé. C’est le genre de choses auxquelles nous devons réfléchir.
[Français]
La sénatrice Mégie : Merci. J’aimerais poser une dernière question qui pourrait s’adresser à Mme Sawchuk, qui connaît bien ce qui se passe au Québec, mais M. Janeiro pourrait ajouter un mot, s’il le souhaite. J’ai travaillé en soins à domicile pour les aînés toute ma vie avant de siéger au Sénat, et il y avait un service de chèque emploi-service destiné aux familles, qui pouvaient ainsi s’organiser pour obtenir de l’aide dans la communauté, peut-être à moindre coût, mais c’était parfois suffisant pour avoir de l’aide en soirée et durant la nuit.
Je ne sais pas si cela existe encore — vous me le direz, compte tenu de votre travail avec les aidants. Pensez-vous que ce serait une bonne solution? Madame Sawchuk, pensez-vous qu’au Québec, cela pourrait aider les personnes qui parlent la même langue que leurs proches à rester avec eux? Qu’est-ce que vous en pensez?
[Traduction]
Mme Sawchuk : Je ne suis pas certaine de connaître le système dont vous parlez, mais je pense que ce que les gens veulent, ce sont des options, parce que les gens ont différents contextes de vie. Certaines personnes vivent en région rurale, alors que d’autres vivent en milieu urbain. Certaines ont des liens communautaires forts, et d’autres non. Je ne pense même pas que les gens savent quelles pourraient être leurs options.
Je ne connais pas le programme dont vous parlez, alors je ne veux pas faire de commentaires sur sa viabilité, sauf pour dire qu’il faut prendre en considération le contexte de vie, parce que, comme nous le savons tous, il faut que les gens aient des options qui leur permettent de personnaliser les soins en fonction de leurs besoins et de leur culture, et dans la culture dans laquelle ils vivent.
[Français]
La sénatrice Mégie : Justement, c’est à cause de cela — pour personnaliser les soins et pour garder le choix de la langue et de la culture — que les gens font appel aux CLSC; ces derniers peuvent leur proposer cela en leur donnant un certain montant. Est-ce que vous connaissez cela, monsieur Janeiro?
[Traduction]
M. Janeiro : À vrai dire, oui, c’est le genre de logique qui est davantage appliqué, d’un bout à l’autre du pays, dans le domaine des soins aux personnes handicapées, plutôt que dans celui des soins aux personnes âgées.
En Alberta, par exemple, on a établi un vaste programme qui sert justement à cela. Une famille suit un processus d’évaluation, puis on lui accorde un budget, et, grâce à ce budget, elle peut aller chercher dans la collectivité les services dont elle a besoin.
Je suis certain que, pour une partie de ces familles, il y a une composante linguistique. Pour d’autres, pour parler franchement, cela leur donne la flexibilité de pouvoir embaucher une tante ou un cousin qui connaît peut-être un peu mieux la famille, qui parle la langue, qui connaît la culture et qui a peut-être du temps durant sa journée ou dans son horaire de travail pour fournir des soins, surtout s’il y a un peu d’argent qui facilite cela. Nous voyons cela de plus en plus dans le domaine des soins aux personnes handicapées, et je pense que cela vaudrait vraiment la peine d’explorer cela, surtout que, je le répète, un Canadien sur quatre aujourd’hui est un aidant.
Quand la moitié d’entre nous devra faire face à ces questions, l’important sera — comme ma collègue l’a dit — d’avoir de la flexibilité et des options et différentes façons de régler ces problèmes.
[Français]
La sénatrice Moncion : On a entendu parler dans vos commentaires du financement du gouvernement fédéral qui n’est pas suffisant.
Pourriez-vous nous parler des revendications que vous faites auprès des gouvernements provinciaux? L’un des défis associés au travail lié aux soins aux personnes âgées est la connexion aux gouvernements provinciaux, parce qu’ils sont responsables de tout ce qui touche la santé. Voilà ma première question, tant pour Mme Sawchuk que pour M. Janeiro. J’aurai ensuite d’autres questions rattachées à cela, surtout en matière de privatisation de certains secteurs qui touchent les personnes âgées.
[Traduction]
M. Janeiro : Vous avez raison de dire que les provinces jouent un rôle très important dans ce domaine. À vrai dire, la majeure partie de la prestation des services qui sont liés aux soins relève du provincial.
Il incombe cependant, je crois, au gouvernement fédéral de faire appel à la fois à son pouvoir de dépenser et à ses pouvoirs réglementaires, ainsi que d’autres choses, pour essayer d’améliorer la situation sur le terrain, même si c’est du ressort des gouvernements provinciaux. C’est la première chose que je veux dire.
Par rapport à la situation aujourd’hui, en ce qui concerne les gouvernements provinciaux, nous constatons qu’il y a des approches disparates d’un bout à l’autre du pays dans la façon dont nous prenons soin des aînés, et aussi des personnes handicapées, des enfants, des adultes, etc. L’un des avantages de faire partie d’une fédération, c’est que nous pouvons prendre l’idée d’une des provinces et l’appliquer à une autre.
Je vais vous donner un exemple. Le Québec a une petite longueur d’avance. En fait, je dis souvent que le Québec a une génération d’avance sur le reste du Canada en ce qui concerne les soins, et une chose qui se fait sur le terrain, au Québec, c’est que les médecins de première ligne, quand ils sont dans la salle de consultation avec les familles, quand ils les informent d’un diagnostic qui va nécessiter des soins sous une forme ou une autre, ils prennent aussi note de qui est l’aidant, alors c’est écrit au dossier. Qui est l’aidant?
Il ne s’agit pas simplement de savoir qui est le plus proche parent ou qui est le mandataire, mais bien de savoir qui est l’aidant de la personne, afin de s’assurer qu’elle a un rôle à jouer, d’abord dans les interactions avec le système de santé — lesquelles, comme vous l’avez dit, relèvent tout à fait du provincial —, et aussi activement dans les soins quotidiens qui sont donnés à la personne, parce que l’aidant va être sur le terrain de toute façon.
L’aidant lui-même devrait pouvoir appeler un préposé aux services de soutien à la personne, une fondation ou une entreprise qui offre des services, sans avoir à être le mandataire ou à passer par la personne qui a besoin de soins. L’aidant devrait avoir un statut qui lui est propre et ses propres droits. Le Québec peut donner des leçons au reste du pays de ce côté-là.
L’Alberta aussi a cette culture où, encore une fois, l’aidant fait partie de la discussion dans le système de santé. Nous pouvons tirer des leçons de ces provinces, et d’autres, et nous devrions les appliquer dans le reste du pays. L’une des choses que nous commençons à promouvoir, alors que nous commençons à défendre les intérêts provinciaux, est de prendre les idées et les choses qui fonctionnent d’un bout à l’autre du pays et de commencer à les appliquer un peu plus à l’échelle nationale.
Mme Sawchuk : Oui, c’est peut-être vrai, mais sur le terrain, les choses ne me semblent pas aussi roses au Québec, contrairement à ce que mon collègue a dépeint.
Premièrement, il tient pour acquis que vous avez accès à un médecin de famille, mais nous savons qu’il y a une pénurie de praticiens dans la province.
Deuxièmement, il y a un grand nombre de personnes âgées qui sont seules, alors, même si elles sont capables de voir un médecin, elles ne sauront pas quoi répondre quand on leur demandera qui est leur principal fournisseur de soins ou qui est leur aidant. Nous le savons, parce que beaucoup de gens finissent par aller travailler dans une autre province, surtout les gens de la communauté anglophone, et il y a une très grande majorité d’anglophones âgés qui finissent par vivre seuls. La situation est particulièrement grave pour les personnes âgées de 85 ans et plus, parce que c’est à cet âge que vous êtes susceptible d’avoir besoin de ce genre de soins.
Troisièmement, je veux seulement le souligner : d’où viennent les soins? Nous en parlons comme s’ils étaient donnés soit par un réseau familial, ou peut-être un réseau d’amis ou de proches, soit par des fournisseurs officiels. Je travaille aussi avec une foule d’organisations communautaires à Montréal qui reçoivent un certain financement municipal — et certaines reçoivent du financement provincial —, mais la plupart auraient besoin de financement fédéral, qui allait auparavant à leurs missions de base. À présent, ces organisations doivent sans cesse présenter des demandes pour des projets. Une grande partie de cela concerne ce que nous considérons comme des soins : s’assurer que les gens ont suffisamment à manger, ont accès à du transport pour se rendre à leurs rendez-vous médicaux et ont le genre de matériel sanitaire dont ils ont besoin chez eux. Nous savons que l’isolement social est un grave problème pour les personnes âgées, alors il faut leur donner la possibilité de se voir. Je pense que les aidants sont négligés, dans notre perspective du domaine des soins. Nous avons déjà parlé des préposés aux services de répit, et aussi de l’organisme L’Appui pour les proches aidants.
Aussi, je pense que nous voyons, depuis les années 1970, depuis que le gouvernement fédéral a arrêté de fournir du financement de base aux organisations communautaires, que les gens demandent beaucoup de subventions, mais ne sont pas capables de maintenir en vie les projets et les programmes qui fonctionnent vraiment pour fournir des soins dans leurs collectivités et à leurs communautés, parce qu’ils doivent constamment innover et demander des subventions de projet, au lieu de remplir leurs mandats et leurs missions de base.
Voilà quelque chose qui a changé, je dirais, au cours des années 1990, et je pense qu’on pourrait faire quelque chose, que le gouvernement fédéral pourrait faire quelque chose par rapport à cela.
[Français]
La sénatrice Moncion : Merci. La question du financement, c’est toujours une bataille entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. En ce qui a trait aux langues officielles, il y a l’enveloppe réservée à plusieurs projets. On parle de plusieurs milliards de dollars sur cinq ans. Il s’agit de voir à quel point les sommes qui sont transférées dans les différentes provinces pour les services en français à l’extérieur du Québec et pour les services aux anglophones au Québec se rendent aux programmes auxquels ces sommes étaient destinées. Avez-vous des renseignements ou des statistiques en ce qui a trait à ces montants et sur les différents projets?
La semaine dernière, j’ai rencontré des représentants de l’Association des aînés canadiens, qui travaillent actuellement sur une politique qu’ils veulent présenter au gouvernement fédéral en 2025. Ils ont les mêmes préoccupations, comme les proches aidants naturels, la question du financement et de l’argent. C’est toujours une bataille entre le gouvernement fédéral et les gouvernements des provinces. Les gouvernements provinciaux ont privatisé plusieurs éléments, ce qui fait que même si l’argent est destiné aux communautés qui en ont besoin, comme les communautés de langue officielle en situation minoritaire, leurs droits ne sont pas nécessairement respectés.
Quel genre d’information avez-vous sur les sommes qui se rendent d’un endroit à l’autre?
[Traduction]
M. Janeiro : C’est une excellente question. Malheureusement, je n’en sais pas suffisamment en ce moment sur la façon dont les fonds du gouvernement fédéral sont attribués aux collectivités. Je pourrais faire quelques recherches et vous répondre plus tard. C’est une excellente question.
Je peux dire que c’est aussi une question de priorités. Nous avons atteint un stade, dans la vie de la nation, où les gens prennent conscience que des crises importantes se profilent à l’horizon en ce qui concerne les soins et les aidants. Dans nos bureaux, nous disons que la prestation des soins est la prochaine frontière en matière de politiques publiques au Canada. Nous prenons la question très au sérieux, parce que cela touche et touchera tellement de gens. Ce n’est pas un phénomène nouveau, mais la conversation publique à ce sujet a pris beaucoup d’ampleur aujourd’hui, par rapport à il y a 5 ou 10 ans.
À mesure que la conversation publique et les besoins en matière de soins changent, évoluent et deviennent de plus en plus évidents, nous allons voir les gens réclamer que nos gouvernements priorisent les maigres fonds qui sont accordés aux organisations de services afin qu’elles puissent répondre aux besoins au moment voulu, entre autres les grands besoins en matière de soins. Pour ce qui est de vous donner un chiffre exact, je vous répondrai plus tard, après avoir fait quelques recherches.
La sénatrice Moncion : Merci.
Mme Sawchuk : Je n’ai pas de chiffres exacts à vous donner moi non plus. Je ne m’intéresse pas à l’économie politique du système de santé. Je mène surtout des études qualitatives, avec les gens sur le terrain, pour connaître leurs conditions de vie et de travail.
Malgré tout, j’ajouterais que j’aimerais que l’on recontextualise les soins, je suppose, pour ne plus voir cela comme une simple crise, mais plutôt comme une occasion de changer notre façon de concevoir nos politiques, pour ne pas traiter les personnes âgées comme un problème continuel et traiter le vieillissement plutôt comme quelque chose de naturel, si nous avons la chance de ne pas mourir à 20 ans. À mes yeux, il faut recontextualiser les soins et les voir comme autre chose qu’un problème pour nous, mais bien comme une occasion pour les gens d’envisager des façons de vieillir ensemble différemment et de bien vivre ensemble; c’est peut-être une idée que je voudrais défendre.
La sénatrice Moncion : Je pense que nos gouvernements provinciaux voient le vieillissement comme une entreprise, qui offre des possibilités commerciales, parce qu’ils ont commencé à privatiser tous les établissements de soins de longue durée, et la plupart des maisons de retraite appartiennent maintenant à des entrepreneurs qui ne cherchent que le profit. Aussi, quand nous réfléchissons aux soins de santé pour les personnes âgées, il y a une idée générale — mais je n’ai pas fait de recherche là-dessus —, on pense que les personnes âgées ont de l’argent et qu’elles peuvent se payer tous les services qui peuvent leur être offerts. C’est extrêmement important d’avoir une discussion sur le vieillissement et les personnes âgées, parce qu’il y a des préjugés qui ne sont pas fondés. Ce sont les plus gros problèmes que nous avons, et nous les voyons de plus en plus.
Je viens de l’Ontario, et je vois cela de plus en plus souvent en Ontario, où on privatise tant de choses qui relevaient avant du gouvernement, qu’il s’agisse du vieillissement, des jeunes ou de la santé mentale. On confie cela au secteur privé et il fait des profits avec cela. Encore une fois, en Ontario, on paie même le double du coût des opérations, parce que le secteur public est débordé. On paie des gens à l’extérieur du système deux fois plus, le double du coût, juste pour ces opérations.
Si c’est ce que font l’Ontario et les autres provinces, qui demandent plus d’argent au gouvernement fédéral, alors je me dis qu’on n’administre pas bien l’argent. C’est une situation frustrante, comme vous pouvez le voir, mais je suis de votre côté.
M. Janeiro : Nous partageons cette frustration. Notre système de soins de santé public est notre fondation sacrée et notre droit sacré en tant que Canadiens. Nous le prenons très au sérieux dans ce pays, comme il se doit. Je dirai également que, dans peu de temps, il faudrait que je retourne consulter les données particulières. Bien franchement, au cours des cinq dernières années à peu près... ce problème de la pauvreté chez les aînés a reculé pendant très longtemps, et nous avions, d’une certaine façon, réglé le problème. Bien sûr, pas pour tout le monde, malheureusement, mais le problème de la pauvreté systémique chez les aînés avait été réglé grâce à une panoplie d’initiatives stratégiques différentes au fil des ans mises en place par les administrations municipales et les gouvernements fédéraux et provinciaux successifs, mais nous constatons une reprise à la hausse de ces chiffres.
Ce n’est pas juste l’inflation, même si l’inflation est responsable d’une grande partie du problème. C’est aussi que nous sommes privilégiés de vivre à une époque où les personnes âgées vivent plus longtemps, leurs besoins changent, elles sont en santé pendant plus longtemps, mais elles peuvent aussi être malades plus longtemps. À mesure que leur maladie évolue, leurs besoins deviennent plus coûteux. Alors que le système sur lequel elles comptaient devient plus délabré, d’où obtiennent-elles ces sous? De leur épargne-retraite et de leurs poches, et de plus en plus de la poche de leurs réseaux de soutien. Les aidants naturels déboursent de leur poche, en moyenne, 6 000 $ par année en raison des responsabilités associées aux soins qu’ils fournissent. Une partie du problème tient exactement à cela : payer pour des services dont nous espérons tous qu’ils seront assurés par notre système de soins de santé, mais malheureusement, lorsque vient le moment, ce n’est pas le cas.
Le problème de la pauvreté chez les aînés ne fera que s’aggraver à moins que nous ne prenions des mesures concrètes, tant en ce qui touche le revenu, comme le Régime de pensions du Canada, le Supplément de revenu garanti, et cetera, que la réalité selon laquelle ce que les personnes âgées consomment devrait à nouveau être public, plutôt que privé.
Mme Sawchuk : Oui, je tiens à remercier la sénatrice de son commentaire, et je veux vous dire que j’aime beaucoup votre point de vue, mais aussi que l’on promet très souvent que, oh, tout ira bien si nous introduisons dans l’équation la télésanté ou l’intelligence artificielle, ou d’autres technologies. J’ai étudié les médias et les communications, et s’il y a un autre aspect qui, selon moi, doit être examiné en ce qui concerne ces coûts, et pas seulement la privatisation de nos établissements de soins, c’est le coût élevé de l’accès des jeunes adultes à Internet à des fins d’information. S’il doit y avoir plus de services gouvernementaux et de possibilités de télésanté accessibles en ligne, nous savons que nous payons les prix parmi les plus élevés du monde, bien honnêtement, pour accéder aux données, par exemple.
Les aînés sont touchés; une fois que vous atteignez l’âge de la retraite et que vous vivez à l’aide d’une pension ou d’un revenu fixe, vous savez que c’est aussi intersectionnel, que cela dépend de votre sexe. Nous savons que les personnes de couleur ont gagné moins pour ce qui est de leur salaire global tout au long de leur vie et qu’elles auront moins d’économies. Nous devons envisager les soins dans ce contexte social plus large. Nous parlons des déterminants sociaux de la santé. C’est ce que nous voulons dire.
J’aimerais recommander un film, Le temps dérobé, de Helene Klodawsky, que l’Office national du film du Canada, ou ONF, vient de dévoiler au public. Le film examine certaines des répercussions de la privatisation des soins et la façon dont cela touche aussi les fonds de pension publics, malheureusement, ainsi que le manque de réglementation et de surveillance pour une partie de la privatisation de ces établissements.
Voilà une conversation beaucoup plus longue que nous devons continuer d’avoir et sur laquelle les gens doivent être plus renseignés, mais on doit aussi y réfléchir en tenant compte du budget total d’une personne âgée après sa retraite. Je parle à des gens qui doivent choisir entre prendre des médicaments ou garder un téléphone cellulaire.
Le président : Merci. Je vais aussi poser quelques questions. Nous nous concentrons ce soir sur les minorités linguistiques et sur ce que le gouvernement fédéral peut faire. Beaucoup de choses sont du ressort des provinces, mais j’aimerais que l’on mette l’accent sur ce que le gouvernement fédéral pourrait faire.
Je vais commencer par M. Janeiro. J’ai trouvé intéressant votre article intitulé « Canada’s diverse caregiving community in dire need of federal strategy », que j’ai lu sur healthydebate.ca. Pourriez-vous nous parler un peu plus du contenu de l’article? De quoi est-il question, et comment le gouvernement fédéral peut-il, bien sûr, réagir à ce contenu de façon concrète?
M. Janeiro : Je vous remercie de votre question.
Cela fait maintenant environ un an et demi que nous militons pour cela, depuis nos débuts, c’est-à-dire le besoin d’avoir une stratégie nationale sur les aidants naturels, afin de permettre à notre gouvernement fédéral de prendre cette question à bras-le-corps, de l’encadrer et de la paramétrer, si vous le voulez, afin que l’on sache ce que signifie être un aidant naturel, un fournisseur de soins, et, par rapport à votre question particulière, de savoir ce que le gouvernement fédéral peut apporter à cette partie importante et croissante de la vie canadienne. Il y a quelques choses; je vais vous en parler ce soir. Donc, la première chose que nous avons fait valoir, c’est une solution assez facile, à portée de main si je peux dire, où nous convertirions simplement le crédit canadien aux aidants naturels, qui est un crédit d’impôt prévu dans notre code fiscal aujourd’hui, qui deviendrait remboursable. En ce moment, le système sous sa forme actuelle ne fonctionne pas pour les aidants naturels. Seulement environ 8 % des aidants naturels de l’ensemble du pays peuvent réellement accéder à ce crédit d’impôt, parce que c’est assez difficile de le faire au départ. Puis il y a un engagement du gouvernement pour le faire, tant dans la lettre de mandat de la ministre Freeland, à la page 7, le troisième paragraphe à partir du bas, mais aussi dans la plateforme libérale de la dernière campagne, c’est-à-dire convertir le crédit non remboursable en prestation remboursable, jusqu’à environ 1 300 $ par année. Je sais que ce n’est pas beaucoup d’argent, je le reconnais d’emblée. Cela ne représente environ que 100 $ par mois, mais nous nous disons que c’est au moins le point de départ. Si nous érigeons un système qui commence à mettre un peu plus d’argent dans les poches des fournisseurs de soins, nous pouvons nous appuyer là-dessus au fil du temps. Et si vous êtes l’un de ces 20 % de proches aidants qui déjà vivent avec moins de 20 000 $ par année, même ces 100 $ de plus par mois peuvent faire la différence entre acheter quelques aliments de plus ou non à la fin du mois. C’est la première chose.
Il y a aussi le crédit d’impôt pour personnes handicapées, bien sûr, qui est un autre domaine fédéral enchâssé dans notre code fiscal. On peut l’adapter pour le rendre plus facile d’accès et plus réactif aux réalités des handicaps, qui fluctuent et changent. De cette manière, vous n’aurez peut-être pas besoin de repasser aussi souvent par le processus de nouveau diagnostic, et l’aidant naturel dans la vie de la personne pourra accéder un peu plus facilement à ce crédit passablement généreux qui existe. C’est très bien que ces programmes existent, mais si les murs qui en protègent l’accès sont trop élevés, ils pourraient tout aussi bien ne pas exister, en toute honnêteté. Donc la portion fiscale est une partie de la solution.
Par ailleurs, il y a les divers « congés » qui existent dans notre régime d’assurance-emploi, ou régime d’A-E. Nous n’avons pas de congé pour décès ou pour proches aidants. L’accès à ces congés est aussi très difficile, et leur utilisation est limitée. Vous ne pouvez les utiliser qu’une fois par cycle d’assurance-emploi. Donc si vous passez par le processus afin de vous prévaloir de l’un de ces congés, disons pour une personne qui approche la fin de sa vie, vous devez en fait prouver au moyen d’un certificat médical que la personne à qui vous fournirez des soins arrive à la fin de sa vie. Si vous vous en prévalez, mais que la personne que vous soutenez se rétablit — comme cela arrive très souvent, heureusement —, vous n’êtes plus en mesure d’utiliser ce congé jusqu’à ce que vous ayez rempli votre banque d’assurance-emploi après avoir travaillé quelques mois.
Si cette personne a besoin de votre aide pendant disons trois mois plutôt qu’un an, vous n’êtes pas en mesure de prendre ces congés payés en dehors du travail, et même le remplacement du revenu qui est offert ne représente, je pense, qu’environ 60 %, ce qui est insuffisant, selon nous, si vous êtes pour vous retrouver dans le pétrin, en fournissant des soins à temps plein à une personne.
Un autre exemple que je vais vous donner et qui ne touche pas le code fiscal ni le régime d’assurance-emploi concerne l’immigration. Dans notre économie de soins — la partie qui est rémunérée, les fournisseurs de soins —, beaucoup d’immigrants de l’étranger viennent au Canada pour pourvoir ces postes. Nous voyons beaucoup de travailleurs étrangers temporaires et beaucoup de mauvais traitements infligés à ces travailleurs, et en toute honnêteté, il se passe beaucoup de choses illogiques dans les catégories de parrainage, lorsqu’une personne est amenée au pays pour fournir des soins. On la jumelle, évidemment, à cause du système, à un employeur ou à un ménage particulier, puis cette relation prend fin; soit la personne qu’elle aide meurt, soit la relation s’envenime, ou bien, encore une fois, il y a des mauvais traitements, et malheureusement, la réaction de notre système est de renvoyer la personne chez elle, puis de l’encourager à présenter à nouveau une demande. Cela prend du temps et coûte de l’argent, exige des efforts et cause de la souffrance. Pourquoi ne pourrions-nous pas avoir un système plus facile, de sorte que si une personne veut venir ici depuis l’étranger pour être un proche aidant, nous pourrions avoir un certain type de centrale pour qu’elle n’ait pas à retourner chez elle et à présenter une nouvelle demande. Elle peut faire une demande ou renouer le contact pendant qu’elle est toujours au Canada. Je pourrais continuer sur ce sujet pendant longtemps. Je m’excuse, mais ce sont trois domaines que nous pouvons...
Le président : Je dois vous dire que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, aussi appelé SOCI, vient de terminer une étude sur les travailleurs, et c’est l’une des recommandations qu’il a formulées. Donc je suis certainement du même avis que vous.
Madame Sawchuk, vous avez beaucoup parlé des enjeux au Québec concernant la communauté anglophone. Nous savons que le gouvernement fédéral apporte une aide dans le cadre de ces ententes. Pensez-vous qu’il serait pertinent d’ajouter des clauses linguistiques à ces accords pour veiller à ce que les provinces — dans votre cas, le Québec — prennent en considération la question linguistique de manière plus précise que ce que vous décrivez?
Mme Sawchuk : Je l’espère. Je pense que je défendrais cette idée. Encore une fois, je dois faire attention à ce sujet, parce que je crains que, si ces dispositions étaient intégrées, je ne sais pas ce que le gouvernement provincial ferait, et je détesterais voir des services qui seraient ensuite refusés en raison d’une espèce de lutte entre deux ordres de gouvernement, si vous comprenez ce que je veux dire. Je pense donc que cette stratégie pourrait comporter un risque, même si je crois que c’est une possibilité.
Encore une fois, je suis ici pour représenter, d’une certaine manière, les gens que je connais et qui sont des locuteurs anglophones au Québec. Je parle moi-même français, mais j’ai aussi grandi au Manitoba avec des membres de ma famille qui ne parlent ni français ni anglais. Je connais de nombreuses personnes ici qui ont du mal à apprendre les deux langues, mais elles le font. Donc je pense qu’il s’agit simplement de savoir comment nous pouvons nous assurer que, peu importe ce qui est en place, nous ne jouons pas à des jeux politiques avec la vie des gens, et nous comprenons que de meilleurs résultats de santé sont associés au fait de pouvoir s’exprimer dans sa propre langue. Nous savons que, parfois, à la fin de la vie... et je l’ai observé avec mon propre père, qui revenait parfois à sa langue maternelle, l’ukrainien. C’est quelque chose qui arrive. Si les gens souffrent de démence ou d’autres types de troubles cognitifs, ils parlaient peut-être français ou anglais comme langue seconde, mais soudainement, ils peuvent perdre cette faculté, ou s’ils sont en proie à une crise de santé, ils pourraient ne pas avoir cette capacité. Je pense que nous devons garantir le droit à un diagnostic approprié, comprendre quel traitement a été fourni, pouvoir suivre les instructions d’un praticien, être en mesure de prendre des rendez-vous de suivi et comprendre comment accéder à un système en ligne. Cela dépend de l’éducation et des compétences linguistiques. Comment pouvons-nous faire en sorte qu’il soit le plus facile possible pour eux d’obtenir essentiellement les soins dont ils ont besoin durant leur vie et vers la fin de leur vie, et travailler avec compassion plutôt qu’en punissant les gens? Nous savons ce qui s’est passé au Québec avec Joyce Echaquan. Nous savons ce qui est arrivé en 2008 avec un autre monsieur qui n’a pas pu accéder à des services en anglais. Pour l’une, la mort, et pour l’autre, de mauvais résultats de santé.
Le président : Vous avez parlé des déterminants de la santé...
Mme Sawchuk : Des déterminants sociaux de la santé.
Le président : Pensez-vous que la langue devrait être incluse en tant que...
Mme Sawchuk : Oui, absolument.
Le président : Quel serait l’effet de cette mesure pour vous?
Mme Sawchuk : Je l’ignore. Je pense que cela permettrait au moins de mettre cartes sur table et de renseigner les gens, car en ce moment, si cela ne fait pas partie d’une catégorie avec d’autres éléments comme l’éducation, alors ce n’est pas pris au sérieux comme une chose qui produit des effets lorsque vous êtes dans un milieu hospitalier, un foyer de soins de longue durée ou dans un autre type d’organisation à la recherche de services.
Si vous ne pouvez pas communiquer et que les gens ne vous aident pas à le faire, ou n’essaient pas de communiquer avec vous, vous n’aurez pas de bons résultats de santé. Nous savons qu’il existe une relation.
Le président : Merci beaucoup. Nous sommes presque arrivés à la fin de notre séance.
La sénatrice Poirier : Je vais changer d’avis concernant ce que j’allais demander et enchaîner dans la même veine que vous.
Merci à vous deux de la discussion ce soir. Vous étiez très bien renseignés, et c’était très intéressant. Mais je veux revenir à l’étude que vous menez en ce moment, concernant les soins de santé pour les aînés en situation de langue minoritaire. J’aimerais juste savoir si vous êtes d’accord avec moi pour dire que l’essentiel de ce que nous avons entendu ce soir ne touche pas seulement les aînés dans des situations de langue minoritaire. Je pense que cette discussion est allée beaucoup plus loin. Notre discussion touche peut-être tous les aînés, qu’ils se trouvent ou non dans une situation de langue minoritaire. J’essayais de mettre le doigt exactement sur la principale différence pour une personne âgée dans une situation de langue minoritaire. Je sais que, dans certaines régions, ce serait le manque de personnel disponible pour vous offrir ce service dans une langue donnée. Mais si nous parlons des proches aidants en général, des salaires et du financement, convenez-vous que nous touchons toutes les personnes âgées et pas seulement celles se trouvant dans une situation de langue minoritaire?
M. Janeiro : Absolument, c’est une crise pour tout le monde, qu’importe l’endroit où vous vivez et les langues que vous parlez, aussi en dehors de l’anglais et du français. Ma propre famille est d’origine portugaise. J’ai passé la plus grande partie de ma vie à traduire pour mes grands-parents lorsqu’ils allaient à l’hôpital, à des rendez-vous et ailleurs. Les conclusions que nous avons vues dans notre sondage, et que nos collègues à L’Appui pour les proches aidants au Québec ont vues dans leur sondage — avec lesquelles j’ai vécu et je continue de vivre chaque jour —, c’est que l’accès aux services est très difficile au départ. Lorsque vous ajoutez quelque chose en plus de cela, c’est beaucoup plus difficile d’accéder à ces services.
Être proche aidant est difficile. Si vous vous trouvez dans une situation de minorité linguistique, ce n’est qu’un obstacle de plus à l’accès à un système déjà brisé.
Le président : Madame Sawchuk, avez-vous quelque chose à dire?
Mme Sawchuk : Non. J’aimerais juste dire que c’est le cas. Les données montrent que les locuteurs d’une minorité linguistique qui vivent à l’intérieur ou à l’extérieur du Québec, comme mon collègue l’a dit, se heurtent à des barrières et à des difficultés supplémentaires lorsqu’ils veulent s’assurer d’obtenir non seulement les soins dont ils ont besoin, mais également les bons types de traitements dont ils pourraient avoir besoin dans des contextes différents. C’est quelque chose qui est très important.
Oui, le pays connaît une crise des soins, et il est possible de fournir des soins, mais on doit également comprendre que nous vivons dans une société multilingue et multiculturelle qui compte deux langues principales. Or, nous voulons que les gens vivent une vie de meilleure qualité, et ce, jusqu’à leur dernier souffle. Comment pouvons-nous permettre cela, plutôt que de simplement nous inquiéter de la langue d’un formulaire? Les gens ne devraient pas avoir à penser à cela lorsqu’ils essaient de profiter de leurs derniers jours avec leurs êtres chers.
Le président : Merci, monsieur Janeiro et madame Sawchuk, de cette conversation très intéressante. Je suis sûr qu’elle nous aidera avec notre rapport.
[Français]
Chers collègues, nous allons accueillir nos prochains témoins. Merci encore et bonne soirée, madame Sawchuk et monsieur Janeiro.
[Traduction]
Pour notre deuxième groupe de témoins ce soir, nous sommes heureux d’accueillir le Dr Peter Tanuseputro, investigateur, Institut de recherche Bruyère et médecin en santé publique et médecine préventive.
[Français]
Nous accueillons également Jacinthe Savard, professeure titulaire à l’École des sciences de la réadaptation à l’Université d’Ottawa, ainsi que Nora Spinks, présidente du Conseil national des aînés.
[Traduction]
Bonsoir, et merci d’être ici avec nous. Nous allons maintenant entendre vos déclarations liminaires. Docteur Tanuseputro, la parole est à vous.
Dr Peter Tanuseputro, investigateur, Institut de la recherche Bruyère et médecin en santé publique et médecine préventive, à titre personnel : Merci, honorables sénateurs et sénatrices, et merci au Comité sénatorial permanent des langues officielles de me recevoir ce soir. Je m’appelle Peter Tanuseputro. Je pratique la médecine familiale un peu plus à l’est d’ici, à Orléans, et je suis professeur agrégé dans une division de soins palliatifs. Je m’occupe des soins palliatifs. Je visite mes patients mourants à leur domicile. Je suis aussi investigateur à l’Institut de recherche Bruyère.
Aujourd’hui, je vais vous parler de l’une des études faisant partie de la recherche de notre équipe qui examine les données recueillies couramment, afin que l’on étudie la prestation des soins de santé et les résultats des soins de santé pour les personnes provenant d’une minorité linguistique.
Notre étude posait une question très simple : qu’arrive-t-il à nos patients hospitalisés lorsqu’ils ne parlent pas la même langue que leur médecin? Le patient arrive, est admis à l’Hôpital d’Ottawa; que se passe-t-il s’il ne parle pas la même langue que son médecin? Notre étude, qui a été publiée dans le Journal de l’Association médicale canadienne, a été l’un des articles les plus lus l’an dernier, ayant reçu 350 millions d’impressions dans les médias, juste pour vous montrer à quel point les gens s’intéressent à ce sujet.
Lorsque nous parlons des minorités dans les soins de santé, ou des minorités en général, nous pensons aux minorités visibles, aux gens comme moi-même, qui appartiennent évidemment à une minorité visible. Dans les soins de santé, nous ne pensons pas souvent aux minorités linguistiques, ce que je vois dans ma pratique et dans notre milieu de la recherche médicale également.
Notre étude a été réalisée à l’Institut du Savoir Montfort, dont certains d’entre vous savent peut-être qu’il se consacre à l’amélioration des services de santé offerts aux francophones. Notre étude a porté sur les allophones, des personnes qui ne parlent ni l’anglais ni le français en Ontario. Il est important de savoir qu’un Ontarien sur trois n’a pas l’anglais ou le français comme langue maternelle, et cela comprend ma famille et moi. Nous avons immigré ici en 1986 depuis un petit village de l’Indonésie. Aucun d’entre nous ne connaissait un seul mot d’anglais. Je me souviens que, en troisième année, lorsque je suis arrivé, on essayait de m’enseigner l’anglais et le français en même temps, et ils ont abandonné pour le français. Ils m’ont dit : « Apprends seulement l’anglais pour le moment, et nous t’enseignerons le français plus tard »; donc excusez-moi si mon français n’est pas excellent.
Sur quoi notre étude a-t-elle porté? Nous avons étudié 189 000 Ontariens qui ont été hospitalisés entre 2010 et 2018. C’étaient des Ontariens fragiles, des adultes âgés qui sont fragiles. Encore une fois, nous nous sommes demandé ce qui leur arrive lorsqu’ils sont hospitalisés et que leur médecin ne parle pas la même langue qu’eux. Nous les avons répartis en trois catégories : allophones, francophones et anglophones. Nous avons constaté que 44 % des francophones ne parlaient pas la même langue que leur médecin; et 44 % des francophones en Ontario qui ont été hospitalisés avaient un médecin qui ne parlait pas français. Pour les allophones, seulement 2 % des gens avaient un médecin qui parlait la même langue que le patient. Donc, lorsqu’un patient parlant l’italien ou le mandarin arrivait, seulement dans 2 % des cas son médecin parlait la même langue que lui.
Les principaux résultats que nous avons examinés étaient les décès — une issue assez simple — et aussi quelque chose que nous appelons les « dommages en milieu hospitalier ». Ce sont les mauvaises choses qui vous arrivent et qui pourraient être évitées, comme des infections chirurgicales, des chutes et des erreurs de posologie. Si la communication était meilleure, peut‑être que ces cas pourraient être évités. Nous avons constaté que, lorsque des francophones étaient traités par des médecins parlant français, la probabilité que ces mauvaises choses se produisent, ces dommages, était de 36 % inférieure. Pour les allophones, c’était encore plus frappant, avec une probabilité 74 % plus élevée que des mauvaises choses se produisent. Pour ce qui est des décès, notre résultat le plus évident concerne les francophones traités par un médecin parlant français: ils avaient 24 % moins de risque de mourir, pas seulement des mauvaises choses, mais de mourir. Pour les allophones, les risques de mourir étaient de 54 % inférieurs.
En médecine, si vous pouviez trouver une pilule qui réduit de 24 ou de 54 % les probabilités qu’une personne meure à l’hôpital, ce serait littéralement l’une des découvertes les plus exceptionnelles que vous pourriez jamais faire au cours du siècle. Ce serait une pilule incroyable. Nous savons quelle est cette pilule. Il s’agit de nous assurer que nous faisons toutes les choses que nous devons faire pour veiller à ce que nos praticiens des soins de santé parlent la même langue que nos patients. C’est, par exemple, ralentir et trouver quelqu’un qui peut parler la même langue, comme aller chercher des services d’interprète et trouver le temps de le faire.
Ce qui est vraiment intéressant, c’est que notre étude a révélé que, lorsque vous fournissez un service dans la langue du patient, la durée du séjour diminue également, avec 7 % moins de jours pour les francophones qui ont été traités par des médecins francophones et 23 % moins de jours pour les allophones traités par une personne qui parlait la même langue qu’eux. Cela va de soi du point de vue non seulement du patient, mais aussi des soins de santé. Vous sauvez de l’argent et vous aidez vraiment les patients à obtenir les meilleurs résultats de santé qui soient.
En conclusion, nous menons également d’autres études, et nous obtenons des résultats similaires dans les soins primaires. Je suis médecin de famille, et il existe des résultats similaires au chapitre des visites à l’urgence et des hospitalisations. Nous nous penchons actuellement sur des domaines comme les services de santé mentale et les services de fin de vie, qui peuvent vraiment contribuer à changer les choses lorsqu’il s’agit de bien communiquer. Nous sommes, bien évidemment, un pays très diversifié. Les malades dans nos hôpitaux comptent parmi les personnes les plus vulnérables de notre société. Je pense que nous avons le devoir de fournir de bons soins à ces populations vulnérables, y compris des soins offerts dans leur langue. Je vous remercie.
[Français]
Jacinthe Savard, professeure titulaire, École des sciences de la réadaptation, Université d’Ottawa, à titre personnel : Merci de me donner la chance de vous présenter mes préoccupations sur les services de santé dans une langue minoritaire. Comme vous le savez sans doute, les francophones qui vivent en situation minoritaire au Canada ont un fort taux de bilinguisme. Selon le recensement de 2021, c’était 85 %. Bien souvent, ces personnes se présentent à l’hôpital et sont capables de parler en anglais. Toutefois, les personnes nous disent : « Quand je suis malade, je ne suis pas bilingue », d’où l’importance d’avoir accès à des services de santé en français dans toutes les provinces et tous les territoires canadiens, s’il est vrai que les deux langues officielles sont d’importance égale au pays et que tous les Canadiens devraient avoir accès à des soins de santé équivalents sans aucune barrière.
Par exemple, une professionnelle de la santé francophone qui offre des services de santé en français et en anglais à sa clientèle nous a raconté une situation de stress où elle n’arrivait pas à répondre en anglais aux questions simples posées par un ambulancier, alors que son mari faisait un arrêt cardiaque. Son cerveau ne voulait fonctionner qu’en français.
Autre exemple : un ingénieur francophone qui a travaillé en anglais toute sa carrière dans le domaine de l’aviation nous a raconté qu’il a mal compris les consignes données en anglais par son cardiologue.
La recherche nous dit que le vocabulaire est contextuel. Pouvoir parler de son domaine professionnel en anglais ne signifie pas que l’on peut parler de ses problèmes de santé dans cette langue. La fatigue, l’anxiété et la douleur peuvent faire diminuer nos réserves cognitives et notre capacité à utiliser une langue seconde. L’anxiété est déjà présente quand on fait face à une condition médicale et elle augmente lorsque la consultation doit avoir lieu dans sa langue seconde. On se trouve donc devant un cercle vicieux où l’obligation d’utiliser une langue seconde augmente l’anxiété, qui est déjà présente du fait de la consultation médicale, ce qui réduit notre capacité à communiquer.
Les recherches ont montré qu’environ 20 % des francophones en situation minoritaire négligeraient de consulter un professionnel de la santé en raison de la crainte de ne pas être compris ou de ne pas se faire comprendre. Certaines personnes francophones choisissent d’attendre plus longtemps pour obtenir des services en français. Ces retards à consulter peuvent faire en sorte que leur état de santé s’aggrave. D’autres se déplaceront pour obtenir des services en français dans une autre région ou une autre province; d’autres décideront de consulter au privé, avec les coûts que cela implique; d’autres encore choisiront d’accepter les services en anglais.
Que nous disent ces personnes qui ont recours à des consultations de santé en anglais? Plusieurs décrivent l’expérience de discordance linguistique avec des professionnels de la santé — et les études ont été réalisées auprès de médecins — comme étant insécurisante et inconfortable, ce qui rend plus difficile d’établir une relation de confiance avec un professionnel de la santé. Certaines personnes rapportent être obligées de se préparer avant la consultation pour traduire à l’avance ce qu’elles veulent dire, ce qui ne facilite pas nécessairement une réaction spontanée aux échanges avec le professionnel de la santé.
De fait, plusieurs font état de limitations à s’exprimer, de l’oubli de poser certaines questions ou d’une mauvaise compréhension de l’information transmise. Certains vont même jusqu’à faire semblant de comprendre pour ne pas irriter le professionnel anglophone ou parce qu’ils sont gênés d’avouer qu’ils ne sont pas parfaitement bilingues. Ces difficultés de communication peuvent nuire à l’adhésion au traitement, si ce dernier n’est pas bien compris, ou encore retarder le processus de diagnostic.
Comme vous pouvez le constater, l’accès à des services de santé dans la langue officielle de son choix est une question de qualité et de sécurité des soins.
On m’a demandé de parler de ce que pourrait faire le gouvernement fédéral pour améliorer la situation, et j’ai quelques idées à partager avec vous.
La santé, bien sûr, est un domaine de compétence provinciale. Le gouvernement fédéral ne peut donc pas agir seul pour créer de nouveaux services de santé. J’ai toutefois trouvé six idées; je ne vous les présenterai pas par ordre d’importance, mais plutôt dans l’ordre où elles me sont venues en tête.
Le gouvernement fédéral pourrait jouer un rôle pour aider à mieux identifier les milieux et les professionnels qui peuvent offrir des services de santé en français.
Même s’il existe des professionnels de la santé qui peuvent parler en français dans toutes les provinces, souvent, ni les francophones à la recherche de services ni les fournisseurs de soins ne savent où trouver ces services. Répertorier les professionnels qui peuvent offrir des services en français ainsi que les conditions d’accès à leurs services serait déjà une première étape. Le gouvernement fédéral a les ressources requises pour faire ce type d’enquête, notamment Statistique Canada, qui fait souvent des enquêtes autres que les recensements. Cela pourrait être une première étape. Les navigateurs de services de santé en français pourraient faire partie de la solution. On pourrait aussi inciter les provinces à mieux identifier les personnes qui auraient besoin de services en français. Par exemple, indiquer la langue dans laquelle la personne est la plus à l’aise sur sa carte santé serait une façon d’aider à jumeler les personnes qui ont besoin de soins en français et les fournisseurs de soins qui parlent français.
La deuxième idée qui m’est venue, c’est que le gouvernement pourrait sensibiliser toutes les parties prenantes engagées dans l’offre de soins de santé aux enjeux de qualité et de sécurité des soins vécus par les personnes dont l’anglais n’est pas la première langue. Dans nos études, nous avons pu constater que le besoin de sensibilisation est bien réel. Plusieurs gestionnaires nous ont dit ne pas percevoir le besoin de services de santé en français, puisque les francophones sont tous bilingues. Ils ne semblent pas réaliser qu’être suffisamment bilingue pour tenir une conversation sociale n’est pas la même chose qu’être suffisamment bilingue pour parler de sa santé; de plus, s’il y a 85 % des gens qui se disent bilingues, il y a quand même 15 % des francophones hors Québec qui ne se disent pas bilingues.
Le gouvernement fédéral dispose d’outils pour faire cette sensibilisation et a accès à des moyens pour faire de la publicité, mais il a aussi des liens avec plusieurs organisations nationales, comme le Collège canadien des leaders en santé, l’Association médicale canadienne ou d’autres associations nationales de professionnels de la santé. Cette sensibilisation au besoin de services dans sa langue devrait mener à une meilleure collaboration entre les différentes organisations offrant des services de santé, puisqu’il ne sera jamais possible d’offrir des services de santé en français partout, dans tous les établissements et dans toutes les provinces. Il faut établir des mécanismes de référence ou de collaboration pour mieux diriger les francophones vers les services en français existants. Il faut éliminer les barrières qui empêchent les francophones d’accéder à un service en français dans un territoire tout juste voisin de celui où ils habitent.
Une autre idée serait de soutenir les professionnels de la santé bilingues dans le maintien de leurs compétences dans leur langue seconde. Plusieurs ont fait de l’immersion au secondaire, mais ont fait leur formation professionnelle en anglais par la suite; le maintien de leurs compétences en français serait donc utile.
Une quatrième idée serait d’offrir des subventions ou des crédits d’impôt aux personnes qui doivent consulter au privé ou se déplacer sur de longues distances pour bénéficier d’un service dans leur langue. Pour qu’ils soient utiles, il faudrait s’assurer que ces subventions ou crédits d’impôt soient bien connus au sein des communautés francophones en situation minoritaire.
La cinquième idée, c’est que le gouvernement fédéral doit continuer de soutenir financièrement le Bureau d’appui aux communautés de langue officielle de Santé Canada, ainsi que le Consortium national de formation en santé et la Société Santé en français, qui, avec ses 16 réseaux de santé en français, fait un travail remarquable pour améliorer les services de santé en français. Je ne sais pas à quel point il est possible de donner plus de pouvoirs à ces organisations, étant donné que la santé est de compétence provinciale. Lorsque les acteurs des réseaux de santé en français ont un meilleur accès aux décideurs de la santé dans leur province, cela leur permet sûrement d’aller plus loin dans ce qu’ils proposent comme solutions pour améliorer les services en français. Ces acteurs des réseaux de santé en français ont un meilleur accès aux décideurs de leur province lorsque les provinces ont des lois sur les services de santé en français. Ce n’est pas le cas dans les provinces où ces lois n’existent pas.
Enfin, les Instituts de recherche en santé du Canada devraient exiger que les recherches sur les services de santé qu’ils financent examinent les enjeux de langue, comme ils exigent que les différences de genre et de sexe soient prises en compte dans les études. Il faudrait également favoriser que les recherches incluent des francophones en situation minoritaire, parce que souvent, les collègues des universités anglophones qui souhaitent inclure des francophones dans leurs études vont chercher des Québécois.
Le président : Je dois vous arrêter, mais je crois que vous avez fait le tour.
Mme Savard : J’avais terminé.
Le président : Très bien. Je vous remercie beaucoup. On aura certainement l’occasion d’approfondir certaines des idées que vous avez énoncées lors de la période des questions.
[Traduction]
Madame Spinks, la parole est à vous.
Nora Spinks, présidente, Conseil national des aînés : Merci de me donner l’occasion de m’adresser à vous ce soir. Aujourd’hui, je vous parle en ma qualité de présidente du Conseil national des aînés. Le Conseil national des aînés a été créé en 2007 pour conseiller le gouvernement du Canada, par l’entremise des ministres de la Santé et des Aînés, sur des questions liées à la santé, au bien-être et à la qualité de vie. Le conseil est composé d’un maximum de 12 personnes aux expériences diversifiées qui proviennent de tout le Canada. Nous incluons la perspective d’organisations qui répondent aux besoins des aînés, d’experts dans le domaine, d’universitaires, d’anciens représentants élus, et cetera; et nous travaillons sur un certain nombre de catégories et de sujets différents, de tendances, d’enjeux, de questions d’importance ou d’intérêt pour les aînés ou leurs aidants naturels au Canada.
Certaines des questions les plus récentes ont été le vieillissement à la maison, la maltraitance des aînés, les aînés à faible revenu, le bénévolat, le vieillissement positif et actif, la participation au marché du travail des personnes âgées de plus de 65 ans, les relations intergénérationnelles, l’isolement social et la participation sociale, les crimes et les torts financiers commis envers les aînés, le logement des aînés, ainsi que des questions qui découlent de la COVID-19; et, bien sûr, vous ne pouvez pas parler d’aînés sans parler d’âgisme. Nous avons mis au point une optique d’analyse à travers laquelle examiner chaque politique publique touchant les personnes âgées, à la manière de l’optique des préjugés sexistes qui est utilisée.
Selon une enquête menée en 2020 par le National Institute on Aging et l’Association médicale canadienne, pendant la COVID-19, 85 % des Canadiens et 96 % des Canadiens âgés de 65 ans et plus ont signalé qu’ils ne voulaient rien savoir des établissements de soins de longue durée et qu’ils tenteraient par tous les moyens d’éviter d’y aller ou qu’un être cher y soit envoyé.
Le 6 octobre 2022, la ministre des Aînés et le ministre de la Santé ont annoncé que le Conseil national des aînés agirait à titre de groupe d’experts pour examiner des mesures, y compris la possibilité d’une prestation pour vieillir chez soi, afin de soutenir davantage les aînés qui souhaitent vieillir à la maison.
Nous avons recensé quatre domaines de préoccupation et d’intérêt : la disponibilité des services, l’accessibilité des services, l’abordabilité et la responsabilisation. Bien sûr, la disponibilité et l’accessibilité comprennent évidemment l’accès aux services en anglais ou en français.
Nous avons également examiné les personnes âgées mal desservies et la façon dont elles sont disproportionnellement désavantagées et peuvent ne pas voir les répercussions voulues des mesures de soutien offertes pour leur bien-être et leur qualité de la vie lorsqu’elles vieillissent chez elles.
Les membres de communautés minoritaires officielles ont été très clairs dans nos consultations : il existe une corrélation directe entre la qualité de vie et le fait de vieillir chez soi. Dans le cadre de cette mobilisation, nous avons entendu plus de 12 000 personnes d’un bout à l’autre du pays. Au total, 87 % des participants au sondage ont répondu en anglais, et 13 % en français, mais dans les deux langues, il était très clair que les gens devaient et voulaient pouvoir recevoir des soins et des services dans leur langue officielle, et dans beaucoup de cas, ils s’y attendaient.
Six pour cent des répondants ont désigné le fait de recevoir des services et du soutien dans une langue de leur choix comme l’un des trois principaux enjeux à leurs yeux, et cela a donc surpassé les finances, le logement et d’autres choses; c’était donc important. De plus, 3,5 % des répondants ont choisi de recevoir des services et du soutien dans une langue autre que l’anglais et le français comme l’un de leurs trois principaux enjeux, ce qui nous ramène au groupe de témoins précédent, où vous vous demandiez pourquoi les aînés et la langue étaient si importants.
Nous avons tenu des tables rondes et des entrevues, et les liens sociaux et l’isolement social figuraient en tête de liste. Vous ne pouvez pas ouvrir un journal ou une revue universitaire sans voir que l’isolement social et les relations sociales se retrouvent absolument en tête de liste, et bien sûr, la langue et l’accès aux services et aux mesures de soutien pour réduire l’isolement social sont absolument essentiels à la santé et au bien-être. Disposer de liens sociaux est maintenant considéré comme plus important que de cesser de fumer.
Nous avons fait beaucoup de travail. Nous comprenons que les questions de l’isolement social et du vieillissement chez soi nécessitent beaucoup de soutien. Vous avez entendu plus tôt aujourd’hui M. Janeiro parler de l’importance des aidants naturels et du fait que le cercle de soutien autour de ces proches aidants est d’une importance critique au chapitre des langues officielles.
Les services ne sont pas toujours sûrs, adaptés ou disponibles sur le plan culturel, et nous savons que des obstacles pourraient déboucher sur de nombreuses issues négatives; vous avez d’ailleurs entendu parler de certaines d’entre elles. En particulier, mon ancienne collègue du Conseil national des aînés, Mme Suzanne Dupuis-Blanchard, a dit qu’il est très important que les services soient offerts dans ces langues officielles, surtout dans la communauté.
Pour terminer, le rapport du Commissariat aux langues officielles intitulé Bien vieillir dans sa langue, sa culture et sa communauté : Soutien d’institutions fédérales clés et portrait des aînés anglophones du Québec attire l’attention sur les observations du Comité sénatorial spécial sur le vieillissement selon lesquelles les aînés en situation linguistique minoritaire sont exposés à un plus grand risque d’isolement social et peuvent être forcés de déménager dans une résidence-services ou un établissement de soins de longue durée sans les services. Vous venez d’entendre des données fantastiques à ce sujet.
Le Conseil national des aînés s’est penché sur le vieillissement chez soi. Pour que cela soit possible, il est tout aussi important d’avoir accès à ces mesures de soutien communautaires et à ces services offerts dans leur langue officielle, et cela l’est tout autant lorsqu’ils font la transition vers un établissement de soins de longue durée.
Je vous remercie.
Le président : Merci à nos trois témoins de vos commentaires.
Nous allons commencer la période de questions par la sénatrice Poirier.
[Français]
La sénatrice Poirier : Merci à vous trois d’être ici. Je vais adresser ma question aux trois témoins, et vous pourrez tous y répondre ou choisir qui veut y répondre.
Dans le Plan d’action pour les langues officielles de 2023-2028, jusqu’à 98,2 millions de dollars sur cinq ans sont alloués, et je cite :
[...] pour appuyer directement la vitalité des communautés de langue officielle en situation minoritaire par une plus grande offre de services [...] tels que [...] des soins de santé aux personnes vieillissantes [...]
Est-ce que vous avez déjà reçu ou recevez-vous actuellement du financement du gouvernement fédéral?
Mme Savard : Je peux répondre à la question. J’en ai déjà reçu pour implanter un programme. C’était justement dans le cadre du Plan d’action pour les langues officielles. C’est de l’argent qui a été transféré de Santé Canada à la Société Santé en français. Ces derniers avaient fait un appel de propositions, et nous avons reçu de l’argent pour implanter un programme novateur de prévention de chutes, grâce à un programme d’exercices réalisé en vidéoconférence pour rejoindre des francophones des régions éloignées et les jumeler avec des professionnels de la santé dans les grands centres. Donc oui, j’ai déjà eu des fonds pour cela.
La sénatrice Poirier : Est-ce que cela vous a aidée?
Mme Savard : Oui, cela aide. Ce qui arrive avec ces projets, c’est que ce sont justement des projets. Une fois l’argent épuisé, il faut maintenir ce type de service. On avait travaillé de près avec des organismes communautaires, parce qu’ils s’intéressaient davantage aux soins préventifs que les hôpitaux, qui s’intéressent plutôt aux soins aigus ou curatifs.
Les organismes communautaires n’ont pas toujours les ressources nécessaires pour maintenir les programmes en place. Ce programme particulier offre 10 séances d’exercices et des capsules d’information sur la prévention des chutes. Ce n’est pas très cher; on parle de 2 000 $ ou 3 000 $ par endroit ou par session offerte, mais les organismes n’ont pas toujours ces montants. Ils doivent faire des demandes de subvention année après année pour conserver un programme, parce qu’ils sont financés seulement par projet. Comme l’a dit plus tôt un intervenant, c’est là que cela devient difficile.
La sénatrice Poirier : Je vais revenir aux deux autres témoins pour commenter le budget.
Vous avez mentionné — et je l’avais dans mes questions — votre programme, Marche vers le Futur, visant la prévention des chutes.
Mme Savard : Oui, c’est ce programme.
La sénatrice Poirier : Est-ce que vous avez prévu d’autres programmes de ce genre pour l’avenir? Croyez-vous que ce type de programme pourrait aider les aînés anglophones ou francophones en situation minoritaire partout au Canada?
Mme Savard : Je n’ai pas prévu d’autres types de programmes, mais c’est sûr que l’utilisation de la vidéoconférence pour des programmes de prévention des chutes est possible. On l’a prouvé avec notre projet. Si des gens ont d’autres idées, cela peut se faire encore une fois.
La sénatrice Poirier : Merci. Je vais revenir à ma première question pour les deux autres témoins et leur demander s’ils ont des commentaires à faire ou s’ils ont reçu du financement.
[Traduction]
Dr Tanuseputro : Il est évident que nous avons besoin de changements systématiques. Dans les soins de santé, à mon avis, certaines des solutions que nous adoptons n’ont pas besoin d’être particulièrement coûteuses. Je pense que nous devrions réfléchir à ce qui doit être fait pour changer la culture.
J’ai parlé d’une étude portant sur les personnes hospitalisées. N’importe qui d’entre nous peut entrer dans un hôpital à Queensway Carleton ou, si vous êtes de Toronto, à Sunnybrook. Vous vous rendez au service d’urgence; est-ce qu’ils vous demandent quelle langue vous parlez? Non, pas vraiment.
Si vous ne parlez pas anglais, y a-t-il un moyen pour vous, en tant que patient, une personne gravement malade, de pouvoir accéder à des services d’interprétation? Est-ce que cette option vous est offerte? Non. Ces solutions sont-elles facilement accessibles pour ce qui est de la technologie et à des coûts raisonnables? Oui.
On dit à la blague dans le milieu universitaire que le Canada a une succession de programmes pilotes : programme pilote, programme pilote, programme pilote. Nous devons dépasser cela.
Certaines des solutions proposées ne se résument pas à créer des programmes : il s’agit de changer la culture et de rendre cela obligatoire pour les gens, de fournir des soins de santé, par exemple, de poser des questions aux gens et, si la personne dit qu’elle ne parle pas l’anglais, ni le français — ou si elle dit français, mais pas anglais — de lui offrir des services d’interprétation. Est-ce que c’est quelque chose qui se fait? Non. Ce n’est pas fait dans mon cabinet de soins primaires. Ce n’est pas fait dans la salle d’urgence. Ce n’est pas fait au Royal ou au CAMH, les hôpitaux de santé mentale. Pourquoi est-ce que ce n’est pas fait?
La sénatrice Poirier : Ma question concernait le Plan d’action pour les langues officielles 2023-2028 et la somme de 98,2 millions de dollars sur cinq ans pour [difficultés techniques]. Avez-vous reçu ou non ces fonds pour cela?
Dr Tanuseputro : Non, nous n’en avons pas reçu.
La sénatrice Poirier : Madame Spinks, s’il vous plaît.
Mme Spinks : Ce n’est pas quelque chose que nous avons examiné directement, au Conseil national des aînés, en ce qui concerne ce fonds particulier. C’est quelque chose que nous avons surveillé de très près. Le Conseil national des aînés compte des représentants du Québec, du Nouveau-Brunswick et du Manitoba qui représentent la langue minoritaire... dans les deux langues.
Je conviens que, lorsque ces types de ressources sont mises à la disposition de la communauté, il est très facile de s’emballer avec le nouvel objet brillant qui est offert et d’oublier que du très bon travail a été fait et qu’il faudrait continuer d’en faire. Tout le monde doit changer son orientation en fonction de l’objet brillant de l’heure, et nous oublions.
Il arrive très souvent que quelqu’un vienne me parler du tout nouveau projet qui vient d’être financé. Je peux appeler cinq ou six personnes différentes à l’échelle du pays et, entre nous, nous pouvons trouver un exemple de projets qui ont peut-être été essayés ailleurs dans le pays il y a 5, 10 ou 20 ans parce que l’on parle de pilote, pilote, pilote; projet, projet, projet.
Nous disposons maintenant d’outils très performants pour évaluer les programmes et les services financés par le gouvernement fédéral. Nous devons trouver un moyen d’intégrer ces outils et de continuer de financer ce qui fonctionne bien, et pour ceux qui fonctionnent bien, trouver un moyen de les mettre à l’échelle ou de transférer ces connaissances dans d’autres parties du pays.
La sénatrice Poirier : À ce propos, y a-t-il quelqu’un qui examine tous ces projets pilotes et qui décide, d’accord, celui-là, nous l’avons essayé à différents endroits, et il fonctionne à merveille, ou pour celui-là, nous devons rencontrer le ministre et dire qu’il doit devenir permanent? Fait-on du travail en ce sens?
Mme Spinks : J’aimerais pouvoir dire que oui, mais selon mon expérience, la réalité, c’est que c’est ainsi à moins que ce ne soit... hé, en avez-vous entendu parler, ou que savez-vous... c’est beaucoup grâce aux réseaux professionnels. Il y a des années, il existait des structures dont le seul but était d’assurer la coordination, la facilitation et l’échange d’idées et de faciliter la collaboration. Ces entités étaient autrefois financées. Elles ne le sont plus.
La sénatrice Poirier : Ce serait une excellente recommandation pour nous, n’est-ce pas?
Mme Spinks : Je pense que ce serait une recommandation extrêmement bonne à faire.
Ce ne sont pas seulement les projets qui se déroulent en ce moment; il s’agit d’amener les gens qui ont participé à la prestation de ces services pendant des dizaines d’années et qui pourraient maintenant être eux-mêmes des aînés. Je me souviens d’une histoire à propos d’un gars en Alberta au début de la COVID. Il était à l’hôpital, et il y avait un problème de pénurie d’équipement de protection personnelle. Il a dit : « Eh bien, il y a un entrepôt plein d’équipement de protection personnelle. » Il avait pris sa retraite. Son idée de stocker de l’équipement de protection personnelle l’avait suivie à la retraite. Ils ont trouvé l’entrepôt. Ils ont trouvé le matériel — il avait dépassé sa date de péremption depuis —, mais il n’y avait aucun moyen de suivre, de retracer et de soutenir cela après sa retraite.
On a donc beaucoup appris, et il reste beaucoup à apprendre. Beaucoup d’information circule par rapport à ce qui fonctionne, et de nombreuses personnes âgées font part de leurs expériences.
La sénatrice Poirier : Merci.
[Français]
La sénatrice Mégie : Merci aux témoins d’être avec nous ce soir. Vous avez tous parlé de la langue comme étant un obstacle pour les personnes en situation minoritaire. Est-ce que le fait de ne pas trouver de services dans sa langue maternelle empêche nos aînés de demander des soins à domicile? Ils pourraient se dire que puisque personne ne peut les soigner, ils préfèrent rester à la maison, et à ce moment-là, leur situation pourrait se détériorer. Avez-vous pu constater dans vos recherches que la langue est un obstacle qui les empêche de faire une demande de soins à domicile?
Mme Savard : Oui. Dans certaines recherches, on a vu que les gens refusent certains soins, comme le bain, quand ils ne sont pas donnés dans leur langue. Dans une recherche que l’on mène actuellement, il y a une dame qui nous a dit que sa mère a droit à deux bains par semaine, mais qu’elle les refuse, ce qui fait que c’est elle qui doit les lui donner. Elle les refusait parce qu’elle ne voulait pas recevoir ce soin, qui est une situation très intime, par quelqu’un qu’elle ne comprenait pas et à qui elle ne pourrait pas exprimer ses souffrances. C’est l’aidante qui était obligée de donner les bains.
Donc, dans la tête de l’aînée, cela ne va pas nécessairement empêcher de la garder à domicile, parce que c’est sa fille qui lui donne le bain. Par contre, si sa fille s’épuise, cela peut mettre fin au maintien à domicile.
Les aînés vont se dire qu’ils n’ont pas de soins à domicile en français, mais qu’ils n’en recevront pas plus en résidence.
Selon moi, ce n’est pas sur ce point qu’ils vont choisir de recevoir ou non des soins, parce que, dans les deux cas, cela se fera en anglais la plupart du temps. Cela pourrait jouer — et cela joue certainement sur l’épuisement des aidants.
La sénatrice Mégie : Est-ce qu’il y a d’autres réactions?
[Traduction]
Dr Tanuseputro : C’est une excellente question.
Je vais raconter une anecdote rapide concernant l’un de mes patients qui était Chinois. Il était mourant, et je lui rendais visite chez lui. Il avait un cancer du poumon. Il a commencé à souffrir de démence et n’était pas capable de s’occuper de lui-même. Son épouse était totalement bouleversée et ne pouvait pas s’occuper de lui. Il avait évidemment besoin d’aller dans un foyer de soins de longue durée, par exemple. Il m’a dit : « Je refuse, parce que, premièrement, ils ne peuvent pas me comprendre. Je parle chinois. Deuxièmement, ils ne servent pas de riz, et je mange du riz au déjeuner, au dîner et au souper. Le riz fait partie de chaque repas, et je sais qu’ils ne vont pas m’en servir. » Pour ce qui est des soins de longue durée, cette question a été soulevée à quelques reprises. Ce n’est pas seulement la langue; c’est aussi la culture.
Le plus drôle, c’est que nous ne prenons pas de mesures d’adaptation pour nous assurer que les personnes qui... Parce qu’il n’y a pas de foyers en fonction de l’origine ethnique. Il y a des foyers pour les Italiens, les Grecs et les Chinois. Cinquante pour cent de ces lits sont réservés aux gens qui ne parlent pas ces langues parce que notre processus de sélection n’en tient pas trop compte.
C’est donc absolument vrai : les gens refusent de recevoir des soins et d’aller là où ils devraient aller. En contrepartie, non seulement le patient souffre, mais le proche aidant souffre. Malheureusement, 70 % des gens atteints de démence finissent dans des foyers de soins de longue durée avant de mourir, et 70 % des gens placés dans les établissements de soins de longue durée souffrent de démence. Il arrive un moment où vous avez besoin de cette aide supplémentaire et où vous ne pouvez pas être à la maison. C’est ce que je dis toujours à mes patients. Quoi qu’il en soit, c’est assurément un obstacle.
Mme Spinks : Nous devons tenir compte du fait que beaucoup des soins, des interprétations ou des traductions sont fournis par de très jeunes enfants. Nous ne passons pas assez de temps à aider les jeunes aidants naturels. Nous ne faisons même pas un bon travail pour les reconnaître dans le pays. Assurément, le gouvernement fédéral ne finance pas de programmes et de services dans la mesure où il devrait le faire.
J’étais récemment avec une amie. Elle attendait de passer un test de dépistage du cancer. Il y avait à côté de moi un jeune garçon, âgé de peut-être six ou sept ans. Il travaillait sur son appareil. Sa grand-mère allait se faire tester, et il était le seul interprète présent. Il avait une grande responsabilité, qu’il a prise très au sérieux, mais il était la seule personne en mesure de traduire, le seul lien entre sa grand-mère et la communauté des soins de santé.
Ce n’est qu’un autre exemple de jeunes aidants naturels et de l’importance de la langue, à la fois des langues minoritaires et des langues autres que les langues officielles.
[Français]
La sénatrice Mégie : Je vous ai entendus tous les trois parler à répétition de projets pilotes. Est-ce que, au Conseil national des aînés, vous auriez la possibilité de créer des liens entre vos recherches? Je sais qu’au Québec, il y a beaucoup de recherche qui se fait en gérontologie. Peut-être que c’est le cas aussi dans d’autres provinces. Y aurait-il moyen de trouver une façon de relier ces recherches, afin de ne pas avoir à réinventer la roue chaque fois? Est-ce une chose à laquelle vous avez pensé?
Mme Savard : C’est sûr qu’on a des liens grâce aux congrès professionnels et à Société Santé en français. Les projets, les programmes et les bons coups sont connus, mais pas toujours par les gestionnaires qui prennent les décisions dans le système de soins de santé. En fait, si l’argent ne suit pas, les gestionnaires ne mettent pas toujours l’importance sur la prévention d’abord. Les soins curatifs coûtent très cher et il y a toutes sortes d’autres barrières. Du côté de Société Santé en français, ils ont vraiment de bonnes idées de ce qui fonctionne ou pas dans ce qui touche les soins de santé en français, mais ils n’ont pas le pouvoir d’imposer à une province de faire les choses d’une manière ou d’une autre; c’est la province qui décide. De plus, ils n’ont pas toujours accès aux décideurs. À l’Île-du-Prince-Édouard, la personne responsable du réseau de santé en français est aussi conseillère au ministère de la Santé sur les services en français. Toutefois, les provinces où c’est le cas sont rares.
En Ontario, certains réseaux de santé en français qui sont aussi des entités de planification des services en français avaient l’oreille des Réseaux locaux d’intégration des services de santé (RLISS). Par contre, maintenant qu’ils ont fait la réforme et qu’il n’y a plus de RLISS, on ne sait trop quelle place les agences de santé en Ontario vont laisser aux entités de planification des services en français.
Pour qu’un programme devienne permanent, il faudrait qu’il soit un peu mieux soutenu par les provinces, et les organisations qui travaillent pour les services en français n’ont pas nécessairement l’écoute de ces gens. En Colombie-Britannique et en Alberta, n’y pensez pas : les réseaux de santé en français n’ont pas accès au ministère de la Santé, pour lequel les services en français ne sont pas une priorité.
La sénatrice Mégie : Monsieur le président, peut-on demander au Dr Tanuseputro de nous envoyer, par l’entremise du greffier, l’article dont il nous a parlé plus tôt au sujet des divergences entre la langue parlée par le patient et celle parlée par son médecin?
Le président : Absolument. Le temps file, mais on a encore du temps.
J’aimerais que nous réfléchissions à la façon dont le gouvernement fédéral peut agir. J’invite les témoins à garder en tête cette optique quant à la façon dont le gouvernement fédéral peut agir sur les questions qui seront posées.
[Traduction]
La sénatrice Moncion : Vous avez parlé de changer la culture, de l’éducation des aînés et de l’importance de la langue. Ce sont des domaines sur lesquels nous devons également travailler, selon moi. En ce qui concerne l’éducation des aînés, un des problèmes, c’est qu’il est très difficile pour les personnes âgées de changer d’avis. Nous parlons d’une personne qui souffre de démence, qui est à la maison et qui ne veut pas aller ailleurs parce qu’elle mange du riz trois fois par jour; il y a donc là un problème culturel.
L’une des choses que nous devons faire avec les aînés maintenant est de commencer à leur parler des événements qui changent la vie et qui les amènent à être des candidats non pas aux soins à domicile, mais aux soins en établissement. Je comprends que les soins en établissement ne sont pas toujours les meilleurs, mais vous avez une situation où des membres de la famille sont pris entre l’arbre et l’écorce parce qu’ils se sentent responsables envers le parent vieillissant et que le parent vieillissant est entêté et ne veut aller nulle part ailleurs et souhaite rester à la maison. À un moment donné, c’est inconciliable. Les enfants doivent endurer cette situation et essayer de faire du mieux qu’ils peuvent, ou prendre une décision difficile pour le parent qui ne veut pas aller dans un foyer de longue durée. Je veux vous entendre parler de l’éducation des aînés au sujet du vieillissement, de la préparation des gens au vieillissement et aux changements du mode de vie. Faisons-nous l’une ou l’autre de ces choses?
Dr Tanuseputro : Je garde à l’esprit la prérogative du président de parler de ce que le gouvernement fédéral peut faire. Vous avez tout à fait raison. Lorsque j’ai un patient qui vient manifestement de recevoir un diagnostic de démence, la première chose que je lui dis, c’est que ce sera une véritable odyssée, et que, la plupart du temps, dans 70 % des cas, celle-ci l’amènera dans un établissement de soins de longue durée, pas même dans les maisons de retraite privée pour les personnes qui en ont les moyens.
Il s’agit de changer les normes, évidemment, mais aussi de faciliter les choses pour les adultes, surtout pour les adultes âgés, en particulier ceux qui appartiennent à des minorités linguistiques, pour qu’ils puissent réussir cette transition. Donc, si je suis à bord d’Air Canada, j’ai peut-être l’option de choisir de manger du riz comme repas. Pourquoi est-ce que ce n’est pas une option lorsque nous « forçons » quelqu’un à aller dans un foyer de longue durée? C’est une demande assez simple pour que certaines de ces choses puissent être faites, à mon avis.
Mais à coup sûr, c’est exactement la raison pour laquelle j’ai mentionné que 70 % des gens dans les établissements de soins de longue durée souffrent de démence et que 70 % des gens atteints de démence finissent par se retrouver dans des foyers de soins de longue durée. Beaucoup de gens n’ont tout simplement aucun choix, et ce n’est pas aux aidants naturels à décider. C’est tout simplement impossible, en toute honnêteté. Beaucoup de gens n’ont pas d’aidants naturels pour les accompagner 24 heures par jour, sept jours par semaine.
Je n’ai pas de réponse à cette question, sauf que peut-être que le gouvernement fédéral pourrait jouer un rôle pour promouvoir des programmes qui renseignent la population au sujet de ce qui arrive aux gens lorsqu’ils vieillissent? Quels sont les besoins et qu’est-ce qu’une évolution réelle?
Je trouve vraiment triste que des gens considèrent les soins de longue durée comme une mauvaise chose. Je comprends que peu de gens veuillent y être, mais la réalité, c’est que vous finirez par avoir besoin de soins en tout temps si vous souffrez d’une maladie comme la démence ou d’une autre maladie progressive.
Nous parlons de minorités linguistiques. Pour faciliter cette transition, fournir des services, fournir des soins adaptés sur le plan culturel et linguistique... c’est la dignité de base que nous pouvons offrir à ces personnes. Les 98 millions de dollars représentent beaucoup d’argent, et il ne faut pas beaucoup d’argent pour fournir ce choix aux personnes.
[Français]
Mme Savard : J’ai travaillé comme ergothérapeute dans des centres de soins de longue durée et des centres de jour pour personnes âgées. Au Québec, les centres de jour étaient gérés par les centres de soins de longue durée; pour les personnes âgées, le fait de venir au centre de jour, c’était une façon de se préparer à l’hébergement dans un centre de soins de longue durée. Je ne sais pas si c’est encore le cas; je sais qu’en Ontario, les centres de jour ne sont pas nécessairement gérés par les centres de soins de longue durée. Selon mon expérience, si on tente d’éduquer les gens sur ce que c’est que de vieillir quand ils ne sont pas en train de vieillir, ils n’écoutent souvent pas.
La sénatrice Moncion : Cela dépend si vous avez accompagné quelqu’un; la grande majorité d’entre nous ont accompagné un parent ou deux.
Mme Savard : Oui, peut-être un peu plus. En ce qui concerne nos programmes sur la prévention des chutes, plusieurs sont intéressés, mais d’autres nous répondent qu’ils ne sont pas encore à risque de chute. Pourtant, notre programme est fait pour les gens avant qu’ils soient à risque de chute, mais parfois, les gens attendent d’être déjà rendus là avant d’écouter.
La sénatrice Moncion : C’est bon.
La sénatrice Clement : Bonsoir. Merci pour vos témoignages extrêmement utiles. Je vais poser mes questions et vous laisser répondre ensuite.
Ma première question s’adresse à Mme Savard. Vous avez mentionné que vos études ont fait ressortir que c’est différent quand on parle des Québécois et des francophones à l’extérieur du Québec. J’aimerais en savoir un peu plus sur cette différence et cette distinction, et savoir également comment cela a modifié vos études.
[Traduction]
En ce qui concerne les deux autres témoins, j’aimerais parler d’intersectionnalité. Madame Spinks, vous avez parlé d’adaptation à la culture. Comment définissez-vous cela?
Docteur Tanuseputro, vous avez dit que si, pour abaisser de 24 % les probabilités de mourir, il existait une pilule, tout le monde voudrait la fabriquer, la vendre et la prendre. Comment pouvons-nous faire de ce message une réalité? Comment un médecin de famille occupé peut-il intégrer un salaire d’interprète dans sa pratique? Et ces questions s’adressent à vous deux.
[Français]
Madame Savard, j’aimerais savoir comment vous avez fait cette distinction et pourquoi elle est pertinente.
Mme Savard : Je pense que les besoins des deux groupes sont semblables pour ce qui est des soins de santé; la différence réside dans l’accès aux soins pour les francophones vivant en situation minoritaire.
Quand on inclut seulement des Québécois parce qu’on veut inclure des francophones dans le cadre d’une étude, on inclut des gens qui ont accès à des services dans leur langue. Comme on inclut les anglophones des provinces anglophones, on ne voit pas les barrières linguistiques. C’est pour cette raison que j’ai mentionné qu’il faudrait inclure des francophones en situation minoritaire dans le cadre des études sur les services de santé, pour que les autres personnes qui travaillent pour les services en français soient sensibilisées aux besoins des francophones en situation minoritaire.
La sénatrice Clement : Cela ne se fait pas déjà?
Mme Savard : Cela ne se fait pas déjà, et c’est pour cela que je disais, dans mes remarques introductives, que le gouvernement fédéral pourrait facilement faire plus de sensibilisation quant à l’impact des barrières linguistiques, étant donné que la sensibilisation n’est pas liée aux compétences provinciales dont les gouvernements ne voudront pas entendre parler.
Je pense que le fait de sensibiliser les gens aux barrières linguistiques est encore un gros besoin. Je le vois dans le cas des gestionnaires que nous interrogeons dans le cadre de nos recherches.
C’est sûr qu’en Ontario, il y a beaucoup plus de travail qui a été fait avec le Réseau francophone de santé du Nord de l’Ontario; il y a eu beaucoup de formation. Cependant, ce n’est pas le cas partout; il y a encore des gens qui ne comprennent pas et qui pensent que les francophones sont tous bilingues ou qui croient que dès qu’on parle anglais pour dire bonjour, on est capable de tout comprendre. Je suis allée à l’Hôpital Riverside et l’infirmière, après qu’elle a dit mon nom et que j’ai répondu présente, m’a dit qu’elle ne parlait pas français. Ensuite, elle a commencé à me parler très, très vite en anglais. Je comprends l’anglais, mais pas à cette vitesse; c’est comme s’ils ne le réalisaient pas.
Dans le cadre de nos recherches, nous formons les futurs professionnels de la santé; j’enseigne en ergothérapie. Avec des collègues en nutrition, en sciences infirmières et en médecine, on fait des stimulations sur l’offre active de services en français, puis on montre aux étudiants, aux futurs professionnels et aux futurs médecins ce qu’il faut demander aux gens, à savoir s’ils préfèrent parler français ou anglais, et ce qu’ils peuvent faire si eux-mêmes ne parlent pas français. Il faut faire ce travail de sensibilisation.
La sénatrice Clement : Merci.
[Traduction]
Dr Tanuseputro : C’est une excellente question. Encore une fois, je suis médecin de famille. Il n’y a pas assez de temps en 15 minutes pour obtenir des services d’interprétation. Les Instituts de recherche en santé du Canada, ou IRSC, contribuent énormément à la recherche. Une des avenues qui peuvent aider à mon avis, c’est un soutien amélioré et continu pour quelque chose qu’on appelle la science de la mise en œuvre. Je ne sais pas si vous en avez entendu parler. Cette science parle de mener des recherches non pas seulement par amour de la recherche. Une grande partie des critères consistent à utiliser une intervention, comme une étude pilote ou autre qui s’est révélée efficace, puis de chercher à la mettre à l’échelle. Il ne s’agit donc pas seulement de prouver que X est la cause de Y, il s’agit de trouver des solutions, de les mettre en œuvre et de tirer des apprentissages de cette mise en œuvre. C’est quelque chose qu’on appelle un système de santé apprenant, un SSA. Les IRSC essaient de soutenir la science de la mise en œuvre.
Je n’en ai jamais vu qui soit axé sur les soins adaptés sur le plan culturel ou linguistique. Peut-être que c’est quelque chose que nous pouvons faire, soutenir l’intensification des interventions dont nous savons qu’elles peuvent être évaluées, puis avoir un plan de mise à l’échelle. Si vous brandissez de l’argent devant des chercheurs et l’assortissez de critères, ils vont suivre tous les critères que vous mettez devant eux. Si vous vous concentrez sur la mise à l’échelle, c’est ce que vous ferez.
J’ai un autre commentaire très rapide; je sais que nous n’avons pas beaucoup de temps. Nous disposons aujourd’hui de technologies incroyables, n’est-ce pas? Par exemple, l’intelligence artificielle — le retour de l’intelligence artificielle — permet de fournir des services d’interprétation sur-le-champ. Nous sommes bien loin d’y arriver dans les soins de santé. Mais si vous balancez cette carotte devant des chercheurs et le milieu universitaire pour qu’ils trouvent des solutions permettant d’intégrer la technologie et de nouvelles méthodes novatrices, et pas seulement les intégrer, mais les mettre à l’échelle et avoir un plan de mise à l’échelle, je pense que vous aurez une bonne chance de réussir.
Le président : Madame Spinks, vous avez la dernière réponse de la soirée.
Mme Spinks : J’ai la chance de clore les commentaires. Permettez-moi de reprendre ce que mes collègues du groupe ont dit et de les soutenir. Je pense que la technologie est d’une importance cruciale, mais nous devons trouver le juste équilibre entre la haute technologie et les contacts humains. On s’inquiète beaucoup du fait que trop de technologies vont diminuer les soins que les gens reçoivent dans les faits.
Je conviens que nous devons soutenir notre communauté médicale, les praticiens et tous les autres professionnels de la santé pour qu’ils puissent faire leur travail et bien le faire. Ils sont entrés dans ces professions pour aider les gens. Nous devons faire cela.
Du point de vue du gouvernement fédéral, il y a deux ou trois choses. Vous avez déjà entendu parler de certaines d’entre elles. L’une d’entre elles est un programme d’assurance-soins de longue durée financé publiquement. La recherche est très claire au sujet des avantages de ce programme pour la prochaine génération — les personnes maintenant âgées de 30 et de 40 ans — lorsqu’elles arriveront à cet âge et à ce stade. Une autre consiste à tirer profit de programmes comme la Décennie pour le vieillissement en bonne santé 2021-2030 des Nations unies. À l’échelle mondiale, nous évoluons collectivement, en échangeant des connaissances et des renseignements. Pour reprendre l’idée de la science de la mise en œuvre, il faut maintenant de 14 à 17 ans pour mettre traduire les recherches en pratique. La science de la mise en œuvre essaie de raccourcir ce délai pour le faire passer à deux ou trois ans. Le gouvernement fédéral dépense beaucoup d’argent dans la recherche, les trois conseils et les IRSC, et il serait idéal de pouvoir exploiter et mobiliser cette énergie intellectuelle collective afin de la transmettre plus rapidement aux professionnels de la santé et aux aînés du pays.
Mon dernier commentaire porte vraiment sur cette armée de personnes âgées que vous avez à votre disposition. S’il était possible de trouver un moyen de reconnaître la contribution que des personnes âgées qui s’occupent d’autres personnes en servant d’interprète... Il serait beaucoup plus facile de faire venir quelqu’un pour interpréter en anglais ou en français au service d’urgence si cette personne pouvait l’indiquer sur ses impôts et obtenir une reconnaissance pour l’avoir fait, si elle était en mesure d’assortir d’une certaine façon ses services d’un coût et que cette contribution soit reconnue. L’un des leviers dont le gouvernement fédéral dispose est le régime fiscal.
M. Janeiro vous a longuement parlé de certains des autres éléments plus simples, mais je pense que ces grandes initiatives sont à notre portée.
Encore une fois, merci beaucoup d’avoir porté ce sujet très important à l’attention du public.
Le président : Madame Spinks, madame Savard et docteur Tanuseputro, merci beaucoup de votre contribution au comité.
[Français]
Nous vous sommes reconnaissants de votre implication et de votre engagement. Chers collègues, merci beaucoup. Nous allons conclure cette séance sur ces dernières réponses. Bonne soirée.
(La séance est levée.)