LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES PÊCHES ET DES OCÉANS
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mardi 3 mai 2022
Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd’hui, à 9 heures (HE), par vidéoconférence, afin d’étudier les questions relatives au cadre stratégique actuel et en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada, incluant la sécurité maritime ainsi que la teneur des éléments de la partie 7 du projet de loi S-6, Loi concernant la modernisation de la réglementation.
Le sénateur Fabian Manning (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour, je m’appelle Fabian Manning. Je suis sénateur de Terre-Neuve-et-Labrador, et j’ai le plaisir de présider la réunion ce matin.
Ce matin, nous tenons une réunion du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans. Je vais laisser les membres du comité se présenter, puisque nous sommes ici en personne.
La sénatrice Ataullahjan : Sénatrice Salma Ataullahjan, de l’Ontario.
Le sénateur Francis : Sénateur Brian Francis, de l’Île-du-Prince-Édouard.
La sénatrice Ringuette : Sénatrice Pierrette Ringuette, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice McPhedran : Sénatrice Marilou McPhedran, du Manitoba.
Le sénateur Kutcher : Sénateur Stan Kutcher, de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Ravalia : Sénateur Mohamed Ravalia, de Terre-Neuve-et-Labrador.
Le sénateur Cormier : Sénateur René Cormier, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Busson : Sénatrice Bev Busson, de la Colombie-Britannique.
Le sénateur Quinn : Sénateur Jim Quinn, du Nouveau-Brunswick.
Le président : Merci, sénateurs et sénatrices. Chers collègues, le comité se réunit dans le cadre de son mandat général pour accueillir, dans son premier groupe de témoins, l’honorable Joyce Catherine Murray, c.p., députée et ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne. Elle est accompagnée de ses représentants du ministère des Pêches et des Océans du Canada : Timothy Sargent, sous-ministre, et Niall O’Dea, sous-ministre adjoint principal, Secteur des politiques stratégiques, de Pêches et Océans Canada.
Je tiens aussi à souhaiter la bienvenue à d’autres représentants qui se joignent à nous par vidéoconférence : Mario Pelletier, commissaire de la Garde côtière canadienne; Alexandra Dostal, sous-ministre adjointe, Sciences des écosystèmes et des océans; Arran McPherson, sous-ministre adjointe, Sciences des écosystèmes et des océans; Adam Burns, sous-ministre adjoint principal par intérim, Gestion des pêches et des ports; Rebecca Reid, directrice générale régionale, Région du Pacifique; Doug Wentzell, directeur général régional, Région des Maritimes; et Gorazd Ruseski, directeur général, Affaires autochtones, de Pêches et Océans Canada.
Au nom des membres du comité, merci à vous tous d’être ici aujourd’hui en personne et à distance. Je m’excuse si j’ai mal prononcé vos noms. Avec mon accent de Terre-Neuve-et-Labrador, je prononce mal la plupart des choses de toute façon, mais vous savez qui vous êtes.
La sénatrice Ringuette : Étant donné que la distance sociale appropriée n’est pas respectée, je pense que c’est une préoccupation que je tiens à souligner, et j’espère que cette situation sera corrigée à la prochaine réunion.
C’est un ordre du Président qui s’applique à la fois au Sénat et aux comités.
Le président : Merci d’avoir soulevé cette question, madame la sénatrice. Nous allons examiner les détails de cette question. Je crois savoir que c’est notre premier matin de retour avec tout le monde sur le pont, alors c’est un bon matin pour soulever la question. Nous suivrons votre conseil à ce sujet et ferons les vérifications nécessaires.
Madame la ministre, une fois de plus, j’aimerais vous souhaiter la bienvenue, à vous et à vos fonctionnaires. Je crois savoir que vous souhaitez présenter une déclaration liminaire. La parole est à vous.
L’hon. Joyce Catherine Murray, c.p., députée, ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne : Bonjour, monsieur le président. Bonjour, mesdames les sénatrices et messieurs les sénateurs. Je suis heureuse de me joindre à vous aujourd’hui pour discuter de notre domaine d’intérêt mutuel.
[Français]
C’est un plaisir de me joindre à vous aujourd’hui sur les territoires traditionnels non cédés de la nation algonquine anishinabe.
[Traduction]
Je vous remercie de m’avoir invitée à comparaître aujourd’hui aux côtés de hauts fonctionnaires de Pêches et Océans Canada et de la Garde côtière canadienne. Je suis très reconnaissante de l’occasion qui m’est offerte de parler de ma vision des océans du Canada. J’apprécie considérablement le travail accompli par les membres du comité, y compris votre étude sur la mise en œuvre des pêches fondées sur les droits des Autochtones partout au Canada. Votre rapport contribuera à instaurer la confiance, la coopération et la communication entre mon ministère, les communautés autochtones et les pêcheurs non autochtones, alors que nous travaillons ensemble pour élaborer une approche de pêche juste et équitable, qui reconnaît les droits issus de traités tout en donnant la priorité à la conservation.
Notre objectif commun est axé sur une pêche pacifique, productive et prospère, qui respecte les décisions Marshall, et qui veille à ce que les Premières Nations puissent exercer leurs droits issus de traités d’une manière qui reflète la vision et les besoins de leur nation. Je suis heureuse de voir que cette approche a été adoptée dans les derniers plans de pêche de subsistance convenables, qui ont été autorisés, et dans la pêche qui est actuellement en cours et pratiquée par les communautés des Premières Nations de Pictou Landing et de Potlotek.
En tant que Canadienne d’une région côtière, j’ai une affinité particulière pour nos océans et la vie marine. Je suis bien consciente également de l’énorme importance sociale, culturelle et économique qu’ils revêtent pour les communautés côtières et autochtones.
Il est fondamental de reconnaître que notre gouvernement a fait d’importants investissements dans la santé et la conservation des océans depuis son entrée en fonction en 2015. Les progrès réalisés depuis constitueront en effet une base solide pour l’économie bleue de notre pays. Le budget de 2022 : Un plan pour faire croître notre économie et rendre la vie plus abordable s’appuie sur ce travail avec des investissements liés au Plan de protection des océans, au Fonds pour les engins fantômes, au Fonds pour la restauration côtière et à la Commission des pêches des Grands Lacs.
En tant que ministre, il m’incombe de veiller à ce que nos secteurs diversifiés et vitaux de l’économie bleue puissent continuer de croître, d’innover et de créer des emplois d’une manière durable sur le plan environnemental. Je crois que la meilleure façon d’y parvenir est de transformer ce que fait mon ministère ainsi que la façon dont nous le faisons. Ce travail est guidé par quatre priorités clés qui nous aideront à donner la priorité à la réussite à long terme plutôt qu’à une solution expéditive à court terme.
Premièrement, nous nous attaquerons à la dégradation de l’habitat et restaurerons ce qui a été perdu, en favorisant la restauration et la protection maritime. Cela signifie d’investir dans des projets et des partenariats visant à restaurer l’habitat aquatique dans les zones côtières et marines, et de travailler fort pour conserver 25 % de nos océans d’ici 2025 et 30 % d’ici 2030.
Deuxièmement, nous adopterons une approche à long terme de la protection des espèces, qui consiste à utiliser une « approche de précaution » pour aider à reconstituer les stocks épuisés de poissons. Lorsque les connaissances scientifiques sur une certaine espèce sont incertaines, nous ferons preuve de plus de prudence lorsque nous prendrons des décisions en matière de gestion des pêches. Si nous voulons que la pêche commerciale demeure une industrie économique viable pour les générations futures — et cela doit être le cas —, nous devons faire le gros du travail aujourd’hui pour protéger et reconstituer les stocks épuisés. Nous devons également redoubler d’efforts pour lutter contre la surpêche et améliorer la gouvernance internationale dans nos propres eaux et en haute mer.
Troisièmement, nous aurons recours à la recherche, à la surveillance et aux observations océaniques, et nous tirerons parti des partenariats internationaux pour nous aider à mieux comprendre l’état de nos océans, leur évolution au fil du temps, et les effets des changements climatiques sur les pêches, les écosystèmes et les infrastructures côtières. Alors que le Canada s’adapte aux changements climatiques, les sciences océaniques et les observations nous aideront à cerner les vulnérabilités, à créer des outils d’adaptation, à améliorer les prévisions océaniques dans les régions côtières, ainsi qu’à éclairer la prise de décisions en matière de gestion. À l’interne, le ministère doit adapter ses systèmes, ses processus et sa prise de décision, afin que nos pêches et nos écosystèmes aquatiques soient plus résilients et capables de s’adapter à un climat en évolution rapide.
Enfin, nous bâtirons une économie bleue durable qui intègre pleinement les objectifs de santé des océans, de richesse océanique, d’inclusion sociale et de réconciliation avec les peuples autochtones. La Stratégie pour une économie bleue du Canada contribuera à régénérer la vie marine, à restaurer la biodiversité et à améliorer la santé des océans. En même temps, elle permettra aux secteurs océaniques déjà établis et émergents d’adopter de nouvelles technologies et des pratiques novatrices, qui augmenteront leur performance environnementale et créeront du même coup de nouvelles richesses et des emplois pour les collectivités côtières.
Alors que mon ministère s’efforce de transformer la façon dont nos océans sont gérés, trois choses ne changeront pas : la première est notre engagement continu envers la réconciliation avec les peuples autochtones, la deuxième est notre appui indéfectible à la Garde côtière canadienne, et la troisième est notre ambition de mettre sur pied une main-d’œuvre et une économie bleue plus diversifiées, équitables et inclusives. Il s’agit là d’objectifs et de valeurs bien plus qu’ambitieux, car ils ont pour vocation de garantir une plus grande prospérité pour les Canadiens des régions côtières et pour notre pays dans son ensemble.
[Français]
Monsieur le président, au-delà de la simple fierté que nous avons pour notre histoire maritime, les océans du Canada doivent être le fondement même de l’avenir prometteur de notre pays. Aujourd’hui, nous faisons face à une véritable vague de changements nécessaire et transformatrice en ce qui concerne la façon dont le Canada gère ses océans et la vie marine qu’ils abritent.
Des politiques publiques solides fondées sur des données scientifiques rigoureuses font partie des moyens dont nous disposons pour améliorer la santé de nos océans et la richesse qu’ils génèrent pour les collectivités côtières. Je vous suis sincèrement reconnaissante pour le rôle que vous jouez en vue d’aider notre gouvernement à faire avancer ce dossier important. Merci.
[Traduction]
Le président : Merci, madame la ministre, d’avoir pris le temps d’être avec nous aujourd’hui. Nous avons une liste de questions pour vous et vos fonctionnaires qui s’allonge rapidement. Nous allons d’abord donner la parole à la sénatrice Busson, vice-présidente, puis au sénateur Francis.
Avant de commencer, chers sénateurs, nous n’avons qu’une heure avec la ministre, alors veuillez poser une question et une question complémentaire, puis nous passerons au suivant le plus rapidement possible.
La sénatrice Busson : Merci beaucoup, madame la ministre et les représentants, d’être ici aujourd’hui. Vous avez beaucoup de pain sur la planche en ce qui concerne votre portefeuille et ce qui se passe avec les pêches sur les deux côtes et à l’échelle internationale.
Dans votre introduction, vous avez parlé de l’économie bleue. Précisément, je m’intéresse aux engins fantômes, dont vous avez parlé plus tôt. Les engins fantômes ont été endommagés et abandonnés sur les deux côtes, principalement par la pêche commerciale et l’aquaculture. Le fonds vise à éliminer ces déchets. Durant l’ère 2020-2022, le fonds a soutenu 49 projets. Pêches et Océans Canada doit recevoir 10 millions de dollars au cours du présent exercice pour renouveler le Fonds pour les engins fantômes. Selon vous, combien de projets environ pourraient être financés grâce à ces 10 millions de dollars supplémentaires? Est-ce qu’on s’attend à ce que le fonds continue d’être soutenu au cours des prochaines années?
Mme Murray : Je vous remercie de poser cette question, madame la sénatrice. D’abord, le Fonds pour les engins fantômes est une partie importante d’un plus grand programme qui vise à réduire les débris de plastique dans les océans. Cela me tient beaucoup à cœur. J’y ai travaillé en tant que députée.
Combien de projets? Je n’ai pas de réponse à cette question, alors je demanderai à mes fonctionnaires d’y répondre. Cependant, depuis que les engins fantômes ont attiré mon attention il y a quelques années, l’idée d’engins de pêche abandonnés qui continuent de pêcher et de piéger sans être un élément productif de notre économie des produits de la mer est très préoccupante. J’aimerais faire tout ce qui est en notre pouvoir pour retirer les engins fantômes des eaux. J’ai été ravie de voir des fonds supplémentaires dans le budget 2022.
Timothy Sargent, sous-ministre, Pêches et Océans Canada : À l’heure actuelle, nous ne savons pas combien de pièges nous retirerons. Tout dépendra du nombre de projets.
Le sénateur Francis : Bonjour, madame Murray. Je suis heureux de vous revoir. Le 1er mars, le sous-ministre adjoint principal, Jean-Guy Forgeron, nous a dit que Pêches et Océans Canada n’envisageait aucun changement réglementaire ou législatif pour mettre en œuvre la pêche fondée sur les droits des Micmacs, des Wolastoqey et des Peskotomuhkati. Cependant, les experts juridiques qui ont comparu le 22 mars nous ont dit que des changements sont nécessaires parce que le régime actuel est inconstitutionnel.
Quelle est la position officielle du gouvernement fédéral? Êtes-vous ouvert à l’élaboration conjointe d’un projet de loi visant à assurer le respect de la Constitution et de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones?
Mme Murray : Je vous remercie pour la question, monsieur le sénateur.
La réconciliation avec les communautés autochtones est un projet très prioritaire pour notre gouvernement, tout comme le respect de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Notre ministère travaille avec les collectivités autochtones pour mettre en œuvre ces droits de plusieurs façons. Nous avons conclu des ententes sur les droits et la réconciliation avec quatre collectivités; nous avons signé 11 ententes avec des collectivités micmaques; nous continuons de travailler sur des plans dirigés par des Autochtones pour la pêche de subsistance convenable, où nous fournissons de l’aide afin d’obtenir le matériel nécessaire et les permis pour la mise en œuvre de ces plans.
En ce qui concerne le projet de loi, je vais demander à mes fonctionnaires s’il y a des plans à ce sujet.
Le sénateur Francis : Eh bien, le Canada n’a jamais réellement mis en œuvre l’arrêt Marshall, alors je vous exhorte à prendre les mesures voulues — dans un esprit de réconciliation — pour que nous allions de l’avant ensemble et sortions du statu quo.
M. Sargent : Monsieur le président, nous disposons de tous les outils législatifs et réglementaires dont nous avons besoin pour mettre en œuvre le droit lié à la pêche de subsistance convenable.
Le sénateur Francis : Ce n’est pas une bonne réponse, mais d’accord. Je vous remercie.
[Français]
Le sénateur Cormier : Bonjour, madame la ministre. Bienvenue à ce comité. Je suis originaire de la Péninsule acadienne, au Nouveau-Brunswick. Depuis l’annonce du plan de pêche à la crevette nordique, le 21 avril dernier, notre population est très préoccupée par les enjeux actuels entourant cette pêche.
La baisse des quotas de 14 % attribuable au réchauffement des eaux et à l’augmentation de la présence du prédateur qu’est le sébaste, en plus de l’augmentation fulgurante du prix de l’essence, font en sorte que les 14 crevettiers de la Péninsule acadienne ne croient pas pouvoir rentabiliser leurs pêches et sont toujours en cale sèche.
D’ailleurs, les prix n’ont pas encore été fixés et les pêcheurs demandent 1,40 $ la livre, comparativement à 1,00 $ l’an dernier. Considérant que cette situation a un impact sur les capitaines, les hommes de pont et les travailleurs d’usine, pouvez-vous nous dire qu’entend faire votre ministère à court et moyen termes afin de soutenir cette importante industrie? Comment cela s’inscrit-il dans votre vision à long terme des pêches?
Mme Murray : Excusez-moi monsieur le sénateur, je n’ai pas entendu les premiers mots de votre question. De quelle pêche s’agit-il?
[Traduction]
Le sénateur Cormier : De la crevette. J’étais juste en train de raconter ce qui se passe en ce moment avec les quotas et le prix de l’essence qui augmente, et ainsi de suite.
Mme Murray : La crevette du golfe, la crevette nordique?
Le sénateur Cormier : Oui, la crevette du golfe. Nous sommes inquiets de la situation dans la Péninsule acadienne en ce moment, parce que 14 bateaux sont encore à terre.
[Français]
Mme Murray : Notre première priorité, c’est la conservation à long terme de tous les stocks de pêche. Deuxièmement, c’est la conservation du droit acquis des Premières Nations aux pêches et troisièmement, c’est d’avoir un encadrement qui soit juste pour les pêcheurs.
Chaque année, nous faisons appel à la science pour déterminer les stocks et des quotas sont mis en place, fondés sur les stocks.
[Traduction]
Je vais demander plus de détails à mes fonctionnaires.
Le sénateur Cormier : Je vous en serais reconnaissant.
M. Sargent : Comme la ministre l’a dit, nous avons besoin d’un plan de conservation solide pour ce stock. Il n’a pas suivi la trajectoire que nous souhaiterions. La pêche est toujours une activité incertaine, et il y a toujours des hauts et des bas. Nous ne pouvons pas tout contrôler, mais l’une des choses que nous pouvons contrôler est l’étendue et la quantité de la pêche.
C’est pourquoi l’essentiel de notre approche, lorsqu’un stock est en difficulté, consiste à mettre en place un plan de reconstitution qui permet de rétablir les stocks afin que les gens puissent pêcher davantage.
Malheureusement, cette année, nous avons dû réduire de façon importante la pêche afin de protéger les stocks, mais c’est dans l’intérêt à long terme de [difficultés techniques].
Le président : Avant de passer au sénateur Kutcher, j’ai moi-même une question.
Vous avez dit dans le passé que vous vouliez que tous les saumons soient sortis de l’eau d’ici 2025. Est-ce toujours la décision du gouvernement à l’heure actuelle?
Mme Murray : Excusez-moi, parlez-vous de la transition vers l’abandon de la salmoniculture en cages en filet?
Le président : Oui.
Mme Murray : Oui, le premier ministre m’a confié le mandat de mettre fin à la salmoniculture en cages en filet sur la côte du Pacifique.
Le président : Sur la côte du Pacifique... d’ici 2025? C’est le plan, n’est-ce pas?
Mme Murray : Cette transition est déjà partiellement en cours. Nous travaillerons avec les collectivités autochtones, l’industrie de l’aquaculture et les collectivités locales pour assurer une transition méthodique et planifiée vers une aquaculture qui permet des interactions entre le saumon d’élevage et le saumon sauvage, en respectant le principe de précaution selon lequel il pourrait bien y avoir un risque pour le saumon sauvage à cause de certains des pathogènes présents dans les piscicultures elles-mêmes. Là où il y a une masse concentrée de poissons, il est plus probable qu’il y ait des agents pathogènes et des parasites. Nous ne pouvons pas nous permettre de faire courir des risques gérables à nos saumons sauvages de la côte Ouest en raison des multiples stress auxquels ils sont déjà confrontés.
Le président : Je pose la question, parce que nous examinons les projets futurs de notre comité, et je me demandais si vous trouveriez utile que le comité mène une étude au cours des 12 à 18 prochains mois sur le plan de transition et sur ce à quoi il ressemble selon la lettre de mandat.
Mme Murray : Monsieur le président, je dirais qu’il appartient aux membres du comité de déterminer ce qui les intéresse et ce qui leur sera utile. Je serai certainement intéressée; si le comité décide de faire une telle étude, je serai très intéressée par les conclusions et les recommandations qu’il présentera.
Le président : Merci, madame la ministre.
Le sénateur Kutcher : Ravi de vous revoir, madame la ministre. Merci d’être ici. J’ai vraiment aimé vos trois points. C’est le ministère des Pêches et des Océans, alors j’aime beaucoup votre troisième point.
Je veux me concentrer là-dessus. Nous savons que les océans contiennent 50 fois plus de carbone que l’atmosphère. Nous savons qu’ils capturent et séquestrent plus d’émissions de carbone que toutes les forêts pluviales du monde. Nous sommes également conscients du fait que nous ne savons pas vraiment comment les océans capturent, séquestrent et libèrent le carbone. En fait, la plupart des modèles actuels sur l’avenir du carbone supposent une libération graduelle du carbone des océans, ce qui n’est pas nécessairement exact. Même dans ce cas, les modèles présentent d’énormes divergences dans leurs calculs.
Il est peu probable que nous atteignions l’objectif net zéro si nous n’avons pas une compréhension approfondie du rôle des océans dans la capture, la séquestration et la libération du carbone. Des travaux sont en cours au Canada. L’Ocean Frontier Institute, par exemple, dans l’Atlantique Nord, effectue le type de recherche approfondie dont nous avons besoin pour comprendre ces problèmes.
Je peux me tromper, mais je crois savoir que le Canada n’a pas investi de manière substantielle dans le genre de travail que nous devons faire pour comprendre ce problème dans nos propres océans, en particulier dans l’Atlantique Nord. La Norvège, l’Allemagne, et cetera travaillent dans ce sens.
Ma véritable question est donc la suivante : qu’est-ce que votre ministère prévoit faire, seul ou avec le ministère de l’Environnement et celui de l’Innovation, pour faire avancer ce programme et élaborer le genre de recherche dont nous avons besoin pour pouvoir nous en occuper?
Mme Murray : Merci, monsieur le sénateur, de votre intérêt pour cette question. Je suis également très intéressée par l’action climatique. Étant donné que les océans représentent 70 % de la surface de la Terre, je conviens tout à fait que c’est un domaine très important à comprendre et sur lequel il faut agir. C’est une orientation que je donne à mon ministère.
Nous travaillons à l’élaboration d’une stratégie relative à l’économie bleue, dans laquelle la santé des océans est le fondement de la richesse des océans. La santé des océans comprend la présence de la biomasse vivante qui peut absorber le carbone dans l’océan.
L’une des choses auxquelles j’ai réfléchi et dont j’ai parlé avec le sous-ministre et mes fonctionnaires est de savoir quels autres types d’aquaculture, comme l’aquaculture végétale, les algues, le varech, l’herbe à outardes... que pouvons-nous faire pour protéger la biomasse dans les océans et l’augmenter, qu’elle soit végétale ou animale? C’est une partie de la capacité d’absorption de l’océan.
Monsieur le sénateur, vous avez raison de dire qu’il y a encore beaucoup de recherches à faire sur ce sujet. Nous commençons à comprendre l’importance des solutions axées sur la nature sur le terrain, et nous avons un programme conçu pour cela. Je suis très attachée à une approche des solutions axées sur la nature dans les océans, et nous travaillons donc à son élaboration. Je participerai à la fin du mois de juin à une conférence des Nations unies sur les océans, où je présenterai l’engagement du Canada sur ces questions et j’espère créer des alliés à l’échelle internationale afin que nous puissions vraiment commencer à activer les choses que vous proposez.
Le sénateur Kutcher : Je crois savoir que le Réseau stratégique pour des océans canadiens en santé a pris fin en 2021. Prévoit-on le relancer? Le CNRC y a participé. D’autres institutions universitaires font ce type de travail qui serait parfait.
Mme Murray : Je vous remercie de cette suggestion. Pour ce qui est de savoir s’il s’existe des plans particuliers, je vais demander aux responsables de mon ministère de se prononcer.
M. Sargent : Oui. L’honorable sénateur a mentionné l’Observatoire du carbone de l’Atlantique Nord. C’est une chose qui nous intéresse beaucoup. Nous en avons parlé à l’OFI. En fait, nous avons organisé en décembre une réunion internationale pour en discuter, car c’est une chose sur laquelle nous voulons aller de l’avant avec des partenaires. Donc oui, nous sommes très intéressés.
Le président : Merci.
Le sénateur Ravalia : Merci, madame la ministre et les représentants d’être ici.
Ma question s’adresse en fait à un fonctionnaire compétent. Votre ministère pourrait-il me fournir les données probantes dont il dispose actuellement concernant l’impact de la population croissante de phoques sur les stocks de poissons, en particulier sur la morue de l’Atlantique?
Cette situation a des conséquences importantes dans ma propre province. Comme vous le savez, nous avons déclaré un moratoire en 1992, et 30 ans plus tard, nous ne voyons toujours pas de reprise. Certes, de source locale, nous avons la preuve que la population de phoques se multiplie énormément.
Y a-t-il un plan à court ou à moyen terme en ce qui concerne cette question cruciale pour notre industrie?
Mme Murray : Avant que le sous-ministre réponde plus en détail, les sources de nourriture pour nos populations de phoques touchent bel et bien nos stocks de poissons. C’est l’une des raisons pour lesquelles la ministre précédente a présenté une initiative afin de créer un groupe de travail sur les phoques appelé le groupe d’étude de travail sur la science du phoque de l’Atlantique. Ce rapport sera déposé sous peu. Je pense que l’une des principales conclusions sera que nous devons faire plus de recherches scientifiques sur l’impact des phoques et que nous devons intégrer davantage de témoignages de chasseurs dans les recherches scientifiques que nous menons.
M. Sargent : Peut-être, monsieur le président, pouvons-nous demander à Mme Arran McPherson de nous fournir encore plus de renseignements.
Arran McPherson, sous-ministre adjointe, Sciences des écosystèmes et des océans, Pêches et Océans Canada : Pour compléter ce qui a déjà été dit au sujet du groupe d’étude de travail sur la science du phoque de l’Atlantique, nous avons des programmes scientifiques actifs dans le Canada atlantique axés sur l’impact potentiel des phoques sur les espèces marines importantes.
Pour répondre précisément à la question, nous disposons de données qui peuvent être fournies au comité ainsi que d’analyses qui démontrent l’incidence des phoques gris sur la morue dans le sud du golfe du Saint-Laurent, par exemple.
Cependant, la situation n’est pas la même au large des côtes de Terre-Neuve en ce qui concerne les phoques du Groenland, où, après des efforts importants, nous n’avons pas été en mesure de démontrer une relation de causalité entre le déclin de la morue de l’Atlantique et les phoques du Groenland. C’est tout ce que je propose au comité. Je vous remercie.
Le sénateur Ravalia : J’ai une question complémentaire concernant la stratégie du Canada pour l’avenir. Pour ce qui est de l’Arctique, étant donné que nous avons constaté une augmentation de l’activité de certaines de nos nations concurrentes, avons-nous une stratégie pour la période à venir en ce qui concerne la défense des pêches dans les océans de l’Arctique et votre collaboration avec d’autres ministères?
Mme Murray : Je vous remercie, monsieur le sénateur. C’est un aspect très important de nos prochaines mesures géopolitiques. Je dirais que le réchauffement climatique des océans et des glaces s’accélère et que les défis de la souveraineté et de la sécurité sont là. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons créé la région arctique avec la Garde côtière canadienne et Pêches et Océans, qui ont la même limite de la région.
La région a été créée de concert avec la population inuite. Les frontières ont été définies en collaboration et en partenariat avec les Inuits. Le type de programmes que nous lancions était déterminé en partenariat avec les Inuits. Le type de mesures que nous prenions pour solliciter la participation des Inuits dans tout ce que nous faisions a également été une considération essentielle.
Donc, renforcer notre présence dans l’Arctique, nos programmes, et le faire main dans la main avec les partenaires inuits en plus de travailler avec RCAANC — qui vient de lancer avec la population inuite une politique sur l’Inuit Nunangat qui harmonise et coordonne les différents ministères dans l’approche consistant à travailler main dans la main avec la population inuite et ses possibilités — je pense que ce sont des étapes modestes, mais importantes.
La base de la Garde côtière dans la région arctique et la présence qui y est assurée seront un facteur et continueront de renforcer notre présence et nos partenariats dans la région arctique.
La sénatrice McPhedran : Je remercie la ministre Murray, le sous-ministre Sargent et le sous-ministre adjoint O’Dea de se joindre à nous aujourd’hui. Mes questions sont de nature internationale. Elles découlent de mon adhésion à l’alliance de l’Action mondiale des parlementaires, un réseau que vous connaissez, je crois, qui relie les législateurs de 136 pays du monde.
Il n’existe pas de réglementation obligatoire sur la sécurité mondiale pour les personnes travaillant dans l’industrie des produits de la mer et sur les navires de pêche, et la pandémie a érodé encore davantage les droits de la personne de ces travailleurs les plus vulnérables.
L’OMI a créé l’Accord du Cap, qui, une fois entré en vigueur, établira des règlements obligatoires en matière de sécurité mondiale pour les navires de pêche. Lors de la conférence ministérielle de l’OMI en octobre 2019, 51 pays ont signé la déclaration de Torremolinos et se sont engagés à ratifier cet accord d’ici octobre de l’année en cours, qui marque le dixième anniversaire de son adoption. Le nombre requis de 22 pays ratifiant cette déclaration n’a pas encore été atteint.
Madame la ministre, je me demande si vous pourriez nous présenter un état de la situation, vous ou vos fonctionnaires, sur l’engagement du Canada envers cet accord. Je tiens à souligner que, dans le cadre de cet accord, le Canada est également membre de l’Autorité internationale des fonds marins, ou l’a été, et je me demande si nous pourrions avoir une mise à jour à ce sujet.
Mme Murray : Je vais céder la parole au sous-ministre Sargent ou au sous-ministre adjoint. Mais en guise de contexte, je tiens à dire que la sécurité de nos effectifs, au ministère des Pêches et des Océans et à la Garde côtière canadienne, est une grande priorité. J’ai devant moi huit initiatives différentes visant à lutter contre le racisme systémique, les préjugés, la discrimination et l’égalité au sein de notre propre effectif, et je reconnais qu’il faut faire davantage au sein du ministère. Je suis très intéressée par ces accords internationaux, madame la sénatrice, et j’ai hâte d’en savoir plus et de voir comment le Canada peut renforcer sa présence et la capacité de ces initiatives d’aller de l’avant en obtenant un quorum. Merci.
Niall O’Dea, sous-ministre adjoint principal, Secteur des politiques stratégiques, Pêches et Océans Canada : Pour compléter ce que la ministre a dit, le Canada est membre de sept organisations régionales des pêches différentes. Dans le contexte du travail de l’Organisation maritime internationale, ou OMI, dont vous parlez, nous travaillons avec nos partenaires de Transports Canada, qui sont les responsables de l’OMI.
En ce qui concerne les organisations régionales de gestion des pêches, où nous jouons un rôle de leadership plus direct, nous travaillons avec des partenaires aux vues similaires sur des questions telles que les normes de travail en haute mer et les divers problèmes connexes, y compris le transbordement en mer, où les navires de pêche en haute mer restent souvent en mer pendant de nombreux mois à la fois, ce qui peut avoir une incidence sur la santé et la sécurité des travailleurs.
Il s’agit d’un ensemble de normes que nous sommes impatients de faire progresser dans tous ces forums des ORGP afin d’assurer une meilleure protection pour les travailleurs dans ces contextes.
La sénatrice McPhedran : Allons-nous ratifier l’Accord du Cap?
M. O’Dea : À ce sujet, madame la sénatrice, il nous faudrait faire un suivi auprès de nos collègues de Transports Canada, puis nous pourrons vous revenir avec une réponse.
La sénatrice McPhedran : Ai-je le temps de poser une deuxième question?
Le président : Vous aviez une deuxième question.
La sénatrice McPhedran : Je recevais une réponse pour ma deuxième question.
Le président : Cela dit, je vais vous donner l’occasion de poser une deuxième question.
La sénatrice McPhedran : Merci beaucoup.
Le Canada est un État membre de l’Autorité internationale des fonds marins, mais il s’est abstenu de voter en faveur d’un moratoire sur l’exploitation minière des grands fonds marins, qui était la motion 69 de l’autorité. Cet appel à un moratoire découle des préoccupations croissantes du milieu scientifique selon lesquelles les risques associés à l’exploitation minière des grands fonds marins dépassent les avantages nets potentiels pour l’humanité. De nombreux experts recommandent une extrême prudence, compte tenu de la perte inévitable et probablement irréversible de la biodiversité si l’exploitation minière des grands fonds marins est autorisée.
Une fois que l’AIFM aura commencé à délivrer des contrats d’exploitation commerciale, probablement dans un avenir raisonnable, il sera presque impossible d’inverser la trajectoire de l’exploitation minière des grands fonds marins.
Madame la ministre, à la lumière de ces éléments, pourriez-vous s’il vous plaît nous aider à comprendre pourquoi le gouvernement du Canada s’est abstenu par rapport à la motion 69?
Mme Murray : Merci, madame la sénatrice, de poser cette question. J’aimerais parler du rôle du MPO dans cette affaire, car le ministère des Ressources naturelles est le responsable de ces accords internationaux.
Ce que nous faisons au ministère des Pêches et des Océans du Canada et à la Garde côtière canadienne, c’est nous engager à participer à l’objectif de créer des zones de protection marine de 25 % d’ici 2025 et de 30 % d’ici 2030. Ces zones de protection marine, l’une des quatre principales protections, visent à contrer l’exploitation minière des fonds marins. Un pourcentage important de la zone côtière du Canada sera ainsi protégé contre l’exploitation minière des fonds marins. En ce qui concerne l’accord international, comme je l’ai dit, RNCan dirigera la prise de décision et l’action.
La sénatrice McPhedran : Merci beaucoup. Cela répond à ce qui allait être ma troisième question.
Le président : Tant mieux, parce que vous n’en aurez pas une troisième.
Le sénateur Quinn : Je regardais ma collègue pour voir comment je pourrais obtenir une troisième question. Merci à vous et à vos représentants d’être ici. Les questions et les réponses sont intéressantes. Je veux poursuivre sur ce à quoi le sénateur Francis voulait en venir, et je pourrai peut-être adresser ma question au sous-ministre, mais bien sûr, madame la ministre, vous pouvez décider.
Je siège au comité et suis sénateur depuis quelques mois seulement. Nous examinons les pêches autochtones, et il m’apparaît de plus en plus clairement que les principaux problèmes se résument à l’arrêt Marshall et à sa mise en œuvre, ainsi qu’à l’article 35. Bien sûr, les différents services au gouvernement ont une expérience différente de ces questions.
Monsieur le sous-ministre, je me demande s’il existe un plan de mise en œuvre, si l’on prend les politiques provisoires et que l’on établit un calendrier de travail assorti de dates afin d’obtenir des résultats clés, si vous voulez, afin que l’on puisse revenir au ministère à l’occasion pour savoir comment les choses évoluent. Où en êtes-vous avec le plan?
Mme Murray : Puis-je simplement dire, monsieur le sénateur, que j’ai la même préoccupation que vous et le même engagement pour ce qui est de mettre en œuvre une pêche de subsistance convenable confirmée par la cour. Un élément clé, c’est que cela doit être dirigé par les Autochtones. Je m’inquiéterais d’avoir un calendrier où nous, en tant que gouvernement, essayons de promouvoir quelque chose qui tient vraiment au fait de répondre à l’intérêt et aux besoins des collectivités autochtones elles-mêmes. Certes, nous ne voulons pas ralentir le processus, et nous ne le ferions pas. Ce serait donc mon commentaire d’introduction, et le sous-ministre aura peut-être plus de choses à dire.
M. Sargent : Comme la ministre l’a dit, c’est quelque chose où nous devons travailler avec les Premières Nations individuelles, et ce qui fonctionne pour une Première Nation ne fonctionnera pas nécessairement avec une autre. Avec la Première Nation de Listuguj en Gaspésie, nous avons l’entente de réconciliation des droits, et c’est la voie qu’elle a choisie. Quant à elle, la Première Nation de Pictou Landing, en Nouvelle-Écosse, n’a pas voulu emprunter cette voie. Elle en a choisi une autre : celle d’un plan provisoire sur la pêche de subsistance convenable, et elle exerce maintenant son droit de cette façon.
C’est essentiellement un voyage. Il n’y a pas de plus grande priorité pour le ministère que de s’assurer que les droits des Autochtones sont respectés et mis en œuvre. Il s’agit certainement d’un sujet sur lequel nous serions très heureux de revenir et de discuter avec le comité au fil de notre cheminement avec les diverses nations autochtones signataires de traités dans le Canada atlantique et en Gaspésie.
Le sénateur Quinn : Un sujet différent. Pendant notre pause, j’ai pu voyager dans différentes régions du Sud du Nouveau-Brunswick, où j’ai rencontré toutes sortes de personnes différentes. J’ai trouvé intéressante l’initiative de la côte Ouest sur l’aquaculture et l’interaction entre la pêche d’élevage et le saumon sauvage. Les gens à qui j’ai parlé craignent que cette initiative se retrouve bientôt sur la côte Est. Est-ce que vous pensez que c’est quelque chose qui se profile à l’horizon?
Mme Murray : Non, je ne vois rien à l’horizon pour que le même cadre de transition visant à abandonner la salmoniculture en cages à filet — ce que nous faisons sur la côte Ouest — soit transféré sur la côte Est, en partie parce que la principale raison pour laquelle cette politique a été mise en œuvre est liée à plus de 100 collectivités autochtones qui ont réclamé une approche plus prudente à l’égard du saumon sauvage du Pacifique, qui demeure essentiel non seulement à leur source de nourriture, mais aussi à leurs activités sociales et cérémonielles sur la côte Ouest.
Le saumon sauvage du Pacifique joue un rôle particulièrement important le long de la côte où il migre, et il n’y a pas si longtemps, la pêche était dynamique, et les stocks, sains. Les facteurs de stress ont augmenté, et le changement climatique est l’un d’entre eux, de même que la perte de l’habitat et la surpêche peut-être dans les dernières décennies. C’est pourquoi les collectivités autochtones — et j’en conviens moi-même — sont d’avis qu’il faut s’attaquer aux facteurs de stress gérables. C’est une situation où l’échec n’est pas permis : nous devons ramener ces migrations de saumons à un niveau tel qu’elles puissent à nouveau fournir de la nourriture aux collectivités éloignées, dont certaines devraient faire cinq heures de route pour se rendre dans un supermarché ou ne pourraient pas du tout le faire en raison de l’éloignement. Le saumon est un élément essentiel de leur régime alimentaire et de leur mode de vie, de leur culture et de leurs cérémonies, et nous devons le ramener.
Le sénateur Quinn : Merci.
La sénatrice Ringuette : Madame la ministre, vous avez souligné vos quatre grandes priorités, qui sont toutes fondées sur les données scientifiques et la recherche, en fait. Quelle part de votre budget de 99 millions de dollars allez-vous consacrer à la science et à la recherche? C’est ma première question.
Autant passer à ma deuxième question : en ce qui concerne ce que vous avez dit au sujet de la Stratégie de l’économie bleue, soit que vous allez participer à une consultation, allez-vous vous engager devant le comité à ce que, dans le cadre de cette consultation visant à établir une Stratégie de l’économie bleue, notre population autochtone, d’un océan à l’autre, ait une voix égale?
Mme Murray : Merci de poser ces questions, madame la sénatrice. Premièrement, l’affectation budgétaire pour la partie scientifique était de 350 millions de dollars, donc une proportion importante de l’augmentation du budget 2022 du ministère. Deuxièmement, en ce qui concerne la stratégie relative à l’économie bleue, une initiative importante a déjà eu lieu pour obtenir l’avis du public et des collectivités autochtones sur la stratégie relative à l’économie bleue. Il y a environ six semaines, un rapport intitulé « Ce que nous avons entendu » sur la Stratégie de l’économie bleue a été publié. Nous pouvons trouver le lien vers ce rapport si cela vous intéresse. Je pense qu’il y aura d’autres consultations. Nous souhaitons le présenter au Cabinet et au processus budgétaire des années à venir afin de financer la Stratégie de l’économie bleue et, oui, l’apport de la communauté autochtone sera extrêmement important à mesure que nous solidifierons notre plan.
La sénatrice Ringuette : D’après les commentaires que vous avez formulés en réponse à ma question, j’en déduis que nous nous sommes engagés à ce que la population autochtone ait une voix très forte — sinon égale — dans ce processus?
Mme Murray : Oui.
La sénatrice Ringuette : Merci.
La sénatrice Ataullahjan : Madame la ministre, comment le ministère entend-il protéger l’environnement également sans restreindre uniquement la pêche autochtone?
Mme Murray : Merci de cette question. Sur le plan constitutionnel, le ministère est responsable de la conservation du poisson. Selon l’arrêt Marshall, cette conservation est un point de référence que nous devons respecter. Donc, dans le cadre de ces contraintes, l’accès à la pêche pour les Premières Nations est la prochaine grande priorité, avant la pêche des pêcheurs non autochtones.
La sénatrice Ataullahjan : Merci.
La sénatrice Cordy : Merci de nous rencontrer à nouveau, madame la ministre. Je pense que votre intérêt à long terme pour l’environnement vous sera très utile dans votre travail à Pêches et Océans et à la Garde côtière. Merci beaucoup d’être ici aujourd’hui.
J’aimerais poser une question sur la Commission des pêcheries des Grands Lacs. Il s’agit d’une organisation internationale établie par les États-Unis et le Canada. Ceux d’entre nous qui ont été attentifs ont été très heureux de voir l’augmentation du budget de la commission. Je suis sûre que Vance Badawey a frappé à votre porte jour et nuit, car il a été très actif dans ce dossier au sein du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis. Je vous remercie donc beaucoup pour cela.
En ce qui concerne l’argent qui sera dépensé, sera-t-il consacré à de nouveaux projets pour la Commission des pêcheries ou à des projets existants, y compris la recherche, et en particulier, la façon de contrôler les espèces envahissantes comme la lamproie marine dans les Grands Lacs?
Mme Murray : Merci beaucoup, madame la sénatrice. Votre commentaire sur mon engagement envers l’environnement est très juste. Nous nous connaissons depuis un certain nombre d’années.
Ayant été propriétaire d’entreprise pendant près de 25 ans, j’ai un grand respect pour les entreprises et les gens d’affaires et pour ce qu’il faut faire pour réussir dans le secteur de la pêche et des produits de la mer. Je prends également à cœur ces préoccupations et ces défis. Je voulais simplement le mentionner.
Comme vous l’avez dit, au même titre que vous, je me réjouis de l’augmentation budgétaire de la Commission des pêcheries des Grands Lacs. Il s’agit d’environ 9 millions de dollars par année, ce qui double presque le budget de la partie canadienne de la Commission des pêcheries des Grands Lacs.
Je crois comprendre que l’ensemble des choses sur lesquelles nous travaillons avec nos partenaires américains, la science et le contrôle de la lamproie marine, continueront d’être financées, mais plus généreusement. Si la commission décide d’autres priorités dans le cadre de discussions bilatérales, le financement pourra alors être assuré. Mais à ce stade, les priorités seront financées plus généreusement. Je pense que le secrétaire parlementaire Badawey en est plutôt satisfait.
[Français]
Le sénateur Cormier : Je vous souhaite de nouveau la bienvenue. Je voudrais revenir sur ma question concernant l’industrie de la crevette et m’en servir comme exemple.
Votre deuxième priorité touche la protection des espèces. La crevette apparaît tout à coup en déclin, semble-t-il. C’est un peu une surprise pour plusieurs personnes sur le terrain. Comment comptez-vous travailler avec l’industrie pour mettre en œuvre ces priorités? Lorsque je parle avec les gens de l’industrie de la pêche chez nous, plusieurs me disent qu’ils comprennent qu’il y a des actions à court terme; cependant, il y a un manque de vision à long terme. Comment allez-vous travailler avec l’industrie pour que vos priorités puissent se réaliser?
[Traduction]
Mme Murray : Merci, sénateur Cormier. Je vais céder la parole au sous-ministre et aux autres fonctionnaires qui sont sur le terrain pour qu’ils précisent comment nous travaillons. Je peux dire que nous avons des fonctionnaires dans la région dont le travail consiste à consulter les pêcheurs, mais la préoccupation générale, je pense, concernant le déclin de la pêche dans de nombreux stocks tient au changement climatique, c’est-à-dire que les océans sont plus chauds. J’ai vu certaines de ces cartes qui montrent que les fonds marins présentent des facteurs écologiques très différents de ceux du passé. Les eaux plus chaudes, la modification des courants, l’oxygénation et l’acidification rendent certaines zones plus hostiles à la croissance et à l’abondance de différents stocks.
Mais ils se sont également déplacés vers d’autres zones. Par exemple, la zone 4, au large des côtes du Labrador, a connu une augmentation énorme des stocks de crevettes. Dans une certaine mesure, cela échappe au contrôle de notre ministère, et notre travail consiste à faire des recherches scientifiques afin de comprendre où se trouvent les stocks viables et de nous assurer que les allocations sont telles que nous ne mettons pas en péril la viabilité des stocks. C’est difficile pour les pêcheurs dont le gagne-pain est axé sur un stock dans une zone qui n’est plus hospitalière pour ces poissons.
Est-ce que le sous-ministre souhaite ajouter autre chose?
M. Sargent : Oui, si je peux, monsieur le président. L’abondance de la crevette suit une tendance à la baisse depuis 2005. Nous remarquons en particulier que les eaux plus profondes se réchauffent beaucoup; nous constatons une baisse des niveaux d’oxygène. Nous avons également une population de sébastes qui a augmenté au cours des deux dernières années, et la crevette est une source de nourriture principale pour le sébaste. C’est un stock qui est en difficulté depuis un certain temps.
Pour répondre à l’argument de l’honorable sénateur, je pense que nous devons travailler en étroite collaboration avec l’industrie, et c’est ce qui est prévu pour les prochaines années. Nous voulons examiner le cadre de précaution, qui est l’outil que nous utilisons pour gérer les stocks de poissons qui sont en difficulté, ainsi que les règles décisionnelles que nous utilisons. Il s’agit de savoir ce qui arrive au stock, de disposer des données scientifiques et de comprendre la trajectoire du stock, et je pense aux choses que nous devons faire pour reconstituer le stock et travailler avec l’industrie à ce sujet et savoir à quoi ressemblent ces règles si les stocks font cela et combien de poissons il y a.
Le sénateur Francis : Le MPO a eu 23 ans pour mettre en œuvre l’arrêt Marshall et il ne l’a toujours pas fait et n’est pas plus près de négocier.
Croyez-vous que la négociation des droits de pêche autochtones ne devrait pas être dirigée par votre ministère, comme nous l’ont dit diverses Premières Nations?
Mme Murray : Eh bien, d’après ce que je comprends, nous travaillons en étroite collaboration avec RCAANC, et c’est ce ministère qui dirige la négociation des droits. Notre rôle d’organisme principal consiste à soutenir les collectivités et leur élaboration de plans de pêche de subsistance convenable et de protocoles, mais pour ce qui est de la négociation des droits, c’est RCAANC qui est responsable.
Le sénateur Francis : Diriez-vous que 23 ans, c’est assez long pour aller de l’avant plus efficacement que nous l’avons fait dans le passé?
Mme Murray : Je dirais que 23 ans, c’est beaucoup de temps qui s’est écoulé depuis l’arrêt Marshall, et je sais qu’une grande partie du travail a été faite depuis que notre gouvernement est arrivé au pouvoir à la fin de 2015, notamment avec l’engagement envers la réconciliation et les droits des peuples autochtones. Il y a eu une intensification des efforts à partir de là, et il reste encore beaucoup à faire, monsieur le sénateur. Je le reconnais.
Le président : Monsieur Sargent, pourriez-vous fournir au comité d’ici la fin de la semaine ou le début de la semaine prochaine un résumé des données scientifiques que le ministère a recueillies qui montrent que la salmoniculture représente une menace plus que minime pour le saumon sauvage?
M. Sargent : Nous sommes certainement heureux de fournir le grand éventail de travaux scientifiques que nous avons effectués sur cette question au cours des cinq dernières années.
Le président : Merci à vous, madame la ministre, et à vos fonctionnaires, d’avoir pris le temps de comparaître devant notre comité ce matin et de répondre à quelques questions. Comme vous le voyez, il y a une panoplie de préoccupations autour de notre table, et nous avons la chance de bénéficier du grand bagage des gens assis ici avec de nombreuses questions.
Au nom du comité, je tiens à vous remercier d’avoir pris le temps d’être avec nous ce matin, et nous espérons avoir de vos nouvelles à l’avenir.
J’aimerais remercier les membres du comité de leurs questions.
Mme Murray : Merci à chacun d’entre vous. Merci pour le travail que vous faites, qui nous aide à éclairer le travail que nous faisons tous.
Le président : La semaine dernière, le 28 avril, le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans a été autorisé à examiner, en vue d’en faire rapport, les éléments de la partie 7 du projet de loi S-6, Loi concernant la modernisation de la réglementation. Nous commençons aujourd’hui notre examen de l’objet de cette partie du projet de loi avec des représentants du ministère des Pêches et des Océans et du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada.
Pour commencer, nous sommes accompagnés virtuellement d’Adam Burns, sous-ministre adjoint principal par intérim, Gestion des pêches et des ports, et par Heather McCready, directrice générale, Conservation et Protection, tous deux avec le ministère des Pêches et des Océans du Canada; et par Sonia Parmar, directrice, Politique et planification stratégique, Direction de politiques et de coopération en matière de réglementation, du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada. Au nom des membres du comité, je veux vous remercier de vous joindre à nous aujourd’hui.
Monsieur Burns, je crois savoir que vous présenterez une déclaration liminaire sur le projet de loi du gouvernement, laquelle sera suivie de celle de Mme Parmar. Nous passerons ensuite aux questions des sénateurs.
[Français]
Adam Burns, sous-ministre adjoint principal par intérim, Gestion des pêches et des ports, Pêches et Océans Canada : Bonjour, je suis heureux d’être ici pour discuter du projet de loi S-6, Loi concernant la modernisation de la réglementation.
Bien qu’il s’agisse d’un projet de loi pluriministériel, plusieurs éléments dignes de mention se rapportent à Pêches et Océans Canada.
[Traduction]
Il s’agit notamment d’une modification de la Loi sur la protection des pêches côtières, ou LPPC, visant à créer une infraction pour la contravention d’une condition d’une licence ou d’un permis. Il s’agit également d’apporter des modifications à la Loi sur les pêches pour affirmer que les agents ont le pouvoir discrétionnaire de conclure des accords de mesures de rechange, notamment en créant une obligation légale expresse de respecter les conditions de toute licence, de tout permis ou de toute autre autorisation en vertu de la Loi sur la protection des pêches côtières.
[Français]
La proposition vise à modifier la Loi sur la protection des pêches côtières afin de créer une exigence légale explicite de respecter les modalités de toute licence, de tout permis ou de toute autre autorisation accordée en vertu de la loi.
Dans le cadre des contraventions concernant les modalités de permis, toutes les personnes en infraction sont passibles, par mise en accusation, d’une amende maximale de 500 000 $ ou, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, d’une amende maximale de 100 000 $.
Cette modification précise les obligations légales des propriétaires, des capitaines et des équipages de navires étrangers qui opèrent dans les eaux canadiennes.
[Traduction]
Cette modification de la LPPC l’harmonise avec les modifications apportées précédemment à la Loi sur les pêches, qui avait été modifiée en réponse aux préoccupations soulevées par le Comité mixte permanent d’examen de la réglementation. La modification apportée à la LPPC offre une clarté et une certitude aux entreprises nationales ou étrangères qui mènent des activités au Canada. Elle précise que le respect des modalités des licences et des permis délivrés en vertu de la LPPC est une obligation légale et que la non-conformité est une infraction passible, sur déclaration de culpabilité, d’une amende. La modification aura des effets positifs sur les dispositions liées aux droits, aux intérêts ou à l’autonomie gouvernementale des partenaires de traités modernes et améliorera le respect des lois et des règlements pour les ressources auxquelles peuvent accéder les communautés autochtones.
En ce qui concerne le pouvoir conféré à un agent des pêches d’agir à sa discrétion pour régler une affaire avant que des accusations soient déposées en vertu des modifications apportées à la Loi sur les pêches...
[Français]
— un accord sur des mesures de rechange est un processus de déjudiciarisation conçu pour gérer les contraventions remises en vertu de la Loi sur les pêches sans avoir recours à de coûteux et possiblement très longs processus judiciaires.
La Loi sur les pêches prévoit l’utilisation des accords sur les mesures de rechange comme recours après le dépôt d’accusations. Cette modification à la Loi sur les pêches clarifie le pouvoir légal continu des agents des pêches d’exercer un pouvoir discrétionnaire en ce qui a trait à l’application de la loi avant le dépôt d’accusations, y compris de renvoyer une affaire à un processus fondé sur des principes de justice réparatrice.
[Traduction]
Ce faisant, on réduit l’ambiguïté relative aux pouvoirs des agents des pêches, des gardiens des pêches et des autres agents de la paix qui peuvent exercer un pouvoir discrétionnaire lors de l’application de la loi.
Les modifications proposées prévoient également l’élimination de la limite de 180 jours pour conclure un accord sur des mesures de rechange aux termes de la Loi sur les pêches, une limite qui, selon le Service des poursuites pénales du Canada, cause des problèmes, surtout dans les affaires complexes.
L’Appel à la justice Réclamer notre pouvoir et notre place : le rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées demande à tous les gouvernements de favoriser l’accès à des pratiques juridiques efficaces et adaptées à la culture en élargissant la portée des programmes de justice réparatrice et le nombre de tribunaux populaires autochtones.
Le recours à des processus fondés sur la justice réparatrice jouit du soutien des communautés autochtones et du grand public. Les mesures de rechange offrent aux défendeurs la possibilité d’éviter d’avoir un casier judiciaire pour certaines infractions et réduisent la stigmatisation associée au dépôt d’accusations formelles, lesquelles peuvent avoir des effets négatifs immédiats et durables sur la compétitivité des entreprises ainsi que sur les perspectives d’embauche.
En outre, dans le cadre de l’approche de justice réparatrice, ceux qui causent les torts ont la responsabilité de les réparer; ceux qui les ont subis sont au cœur de la décision visant à déterminer ce qui est nécessaire pour les réparer; et les communautés ont un rôle à jouer pour soutenir les victimes et les délinquants ainsi que pour s’attaquer aux causes du crime.
Il s’agit d’un fondement pour appuyer les principes de justice réparatrice en mettant l’accent sur les relations et la collaboration, la mise en œuvre de réponses globales et multidisciplinaires, et le recours à une approche souple qui offre plusieurs voies pour résoudre les problèmes.
Sur ce, monsieur le président, je serai heureux de répondre aux questions avec ma collègue, Mme McCready.
Sonia Parmar, directrice, Politique et planification stratégique, Direction de politiques et de coopération en matière de réglementation, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada : Merci, monsieur le président et honorables sénateurs. Tout d’abord, je suis très heureuse d’être ici aujourd’hui pour vous présenter un aperçu du projet de loi S-6, et je serai heureuse de répondre à toutes les questions que vous pourriez avoir concernant le contexte général de cette législation.
Merci beaucoup à mes collègues du ministère des Pêches et des Océans qui ont parlé des questions particulières liées à leurs modifications incluses dans ce projet de loi.
Le projet de loi S-6, Loi sur la modernisation de la réglementation, propose de modifier 29 textes législatifs au moyen de 46 modifications proposées. Ces modifications aideraient à garder les règlements pertinents et à jour en réduisant le fardeau administratif des entreprises, en facilitant les interactions numériques avec le gouvernement, en simplifiant les processus réglementaires et en facilitant le commerce transfrontalier grâce à des règles plus uniformes et cohérentes à l’échelle du gouvernement.
[Français]
Donc, S-6 est le deuxième projet de loi annuel de modernisation de la réglementation du gouvernement.
[Traduction]
Annoncé dans l’Énoncé économique de l’automne 2018, le projet de loi annuel sur la modernisation de la réglementation se voulait un mécanisme législatif récurrent qui permet au gouvernement d’apporter des changements sensés dans de nombreux textes législatifs à la fois pour répondre aux exigences trop compliquées, incohérentes ou désuètes soulevées par les entreprises et les Canadiens.
Le projet de loi annuel de modernisation de la réglementation est un élément clé du programme du gouvernement visant à améliorer le système de réglementation du Canada tout en continuant d’assurer la santé, la sécurité et la sûreté des Canadiens et la protection de l’environnement.
À ce titre, prises individuellement, ces modifications individuelles du projet de loi S-6 sont de portée modeste, mais dans leur ensemble, elles sont censées avoir une incidence et contribuer au programme de modernisation de la réglementation du gouvernement.
Le regroupement de modifications législatives relativement mineures dans un seul projet de loi est à la fois efficace pour ce qui est du temps et du coût, et le projet de loi annuel sur la modernisation de la réglementation est conçu expressément pour proposer plusieurs modifications législatives non litigieuses à la fois. Il s’agit essentiellement de correctifs que la présidente du Conseil du Trésor peut présenter ou parrainer au nom de ses collègues du Cabinet, mais tout ce qui dépasse ce seuil peut servir à des propositions de modernisation de la réglementation. Cependant, cela devrait être présenté aux ministres responsables individuels aux fins d’un examen parlementaire et public.
Ces correctifs peuvent être nécessaires pour un certain nombre de raisons. Par exemple, dans certaines circonstances, la législation originale reflète le contexte ou l’histoire passée de l’époque. Dans certaines circonstances, un pouvoir législatif explicite peut être appliqué de manière incohérente ou est implicite, et compte tenu de l’évolution des conventions de rédaction, les pouvoirs sont parfois plus clairs dans les nouveaux règlements que dans les règlements existants.
[Français]
En ce qui concerne la contribution des parties prenantes, les 46 modifications proposées ont été déterminées soit par les parties prenantes — donc 33 —, soit en réponse aux questions soulevées par le Comité mixte permanent d’examen de la réglementation — donc 13. Le Secrétariat du Conseil du Trésor a aussi lancé une consultation publique par l’entremise de la Gazette du Canada, du 28 juin au 5 septembre 2019, invitant les parties prenantes intéressées à communiquer leurs points de vue sur les thèmes liés à la modernisation de la réglementation, y compris à proposer des suggestions pour le prochain projet de loi.
Donc, 48 présentations de parties prenantes ont fait référence au projet de loi; cependant, la plupart de ces réponses ne pouvaient pas être considérées, car elles proposaient des changements aux règlements plutôt qu’à la législation. Tous les commentaires ont quand même été communiqués aux ministères responsables de la réglementation.
À la suite de cette consultation, un rapport a été publié en ligne, en novembre 2020. Les quatre thèmes suivants ont été soulignés pour ce qui est des modifications de la législation : réduire le fardeau administratif, accroître la souplesse réglementaire et les possibilités d’expérimentation, permettre l’harmonisation avec les principaux partenaires commerciaux et supprimer les exigences qui font double emploi, qui sont redondantes et qui manquent de clarté.
De même, un appel aux ministères a été lancé en août 2019, ce qui a entraîné 1074 propositions présentées touchant 72 lois, présentées par 14 ministères. Toutes les propositions ont été examinées en profondeur pour s’assurer qu’il n’y avait pas d’impact négatif sur la santé, la sûreté et la sécurité des Canadiens et la protection de l’environnement.
[Traduction]
Pour expliquer la portée, au-delà de ce qui est contenu dans le projet de loi S-6, d’autres propositions ont été mises de côté pour diverses raisons. Certaines avaient une portée trop large ou étaient jugées de nature réglementaire, alors que d’autres n’ont pas été prises en considération parce qu’elles visaient à modifier les frais de service ou les activités supplémentaires proposées qui contribuaient à accroître le fardeau.
En conclusion, le processus d’élaboration de la troisième version du projet de loi est actuellement en cours en fonction des leçons tirées de la COVID, et la présidente s’est engagée à présenter le troisième projet de loi de modification annuelle des règlements au printemps 2023.
À l’avenir, le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada utilisera sa plateforme lancée récemment Parlons des règlements fédéraux pour solliciter l’avis des entreprises et des particuliers canadiens sur les moyens d’améliorer le système réglementaire du Canada. Ainsi, les consultations sur le quatrième projet de loi annuel sur la modernisation de la réglementation devraient être lancées à l’automne 2022. Je tiens à vous remercier du temps que vous nous avez accordé aujourd’hui.
Le président : Merci, madame Parmar.
Le sénateur Kutcher : Je remercie les témoins. Ma question ne concerne pas directement les modifications de la Loi, mais plutôt ce qui les entoure. En particulier, nos capacités actuelles de surveillance et d’application de la Loi concernant les navires de pêche étrangers qui exercent leurs activités dans les eaux canadiennes sont-elles suffisantes pour protéger nos pêches côtières?
Heather McCready, directrice générale, Conservation et Protection, Pêches et Océans Canada : Je vais intervenir sur cette question, si vous le voulez, monsieur Burns?
M. Burns : Bien sûr.
Mme McCready : Bonjour. Merci, monsieur le président et honorable sénateur, de poser la question.
Nous sommes très actifs pour protéger les pêcheries côtières du Canada contre la pêche étrangère. Il y a environ un an, une question parlementaire a été posée pour obtenir des renseignements statistiques précis à ce sujet. Je vais en tirer quelques réponses, et nous pouvons également vous les fournir par écrit.
Je pense que la plupart des honorables sénateurs ici présents ont une bonne compréhension de la façon dont tout cela fonctionne, mais juste au cas où, j’ai pensé donner une brève introduction des différentes lois en jeu. Cette modification est propre à la Loi sur la protection des pêches côtières, mais d’autres lois et traités pertinents sont concernés.
Les navires canadiens qui pêchent dans les eaux canadiennes ou à l’étranger détiennent un permis et sont assujettis à la Loi sur les pêches. Nous utilisons donc la Loi sur les pêches pour faire appliquer la Loi à ces navires de pêche particuliers. Lorsque des navires étrangers pêchent dans les eaux de pêche canadiennes — c’est-à-dire à l’intérieur de la zone économique exclusive du Canada de 200 milles marins et à l’intérieur du Canada — ces navires sont assujettis à la Loi sur la protection des pêches côtières, qui fait l’objet de la modification proposée.
Dans ce cas, en général, ces navires ne sont pas autorisés à pêcher dans les eaux canadiennes, de sorte que leur pêche dans les eaux canadiennes constitue une violation. Il y a exception sur la côte du Pacifique pour le flétan du Pacifique, car il existe un accord de réciprocité avec les États-Unis. Dans la plupart des cas, ces navires ne sont pas autorisés à pêcher ici, et le faire constitue une violation de la Loi sur la protection des pêches côtières.
En outre, il existe diverses organisations régionales de gestion des pêches. Par exemple, sur la côte Est, il y a l’Organisation des pêches de l’Atlantique nord-ouest, ou OPANO, l’Organisation des pêches de l’Atlantique Nord-Ouest. Les navires qui pêchent dans la zone de réglementation de l’OPANO, mais à l’extérieur de la limite canadienne de 200 milles marins sont soumis aux règles de l’OPANO, et nos inspecteurs les inspectent s’ils se trouvent relativement proches du Canada. Nous pouvons les atteindre et faire le travail d’application de la loi prévu dans les règles de l’OPANO.
Un éventail assez large de règles et de règlements s’applique. Nous y consacrons beaucoup de temps. C’est un travail important pour nos agents des pêches partout au pays et pour d’autres fonctionnaires du MPO qui participent à diverses réunions internationales avec d’autres parties, de façon bilatérale et avec les organisations régionales de gestion des pêches. Je vous remercie.
M. Burns : Pour ajouter plus de clarté, en ce qui concerne la pêche étrangère dans les eaux canadiennes, comme l’a mentionné Mme McCready, elle est généralement interdite sauf quelques exceptions fondées sur des traités avec les États-Unis ou la France, au nom de Saint-Pierre-et-Miquelon. Au-delà de cela, seuls les navires battant pavillon canadien sont autorisés à pêcher dans les eaux canadiennes.
Le sénateur Kutcher : Parfait. Merci beaucoup pour ce renseignement. Il est très utile, et je vous en remercie, mais cela n’a pas répondu à la question.
Êtes-vous à l’aise avec le fait que nous faisons une surveillance adéquate et attrapons les gens qui ne se conforment pas? Pardonnez le jeu de mots, mais combien de ces navires passent entre les mailles du filet?
M. Burns : Nous avons un régime de surveillance très actif et des renseignements en temps réel sur ces navires de pêche étrangers et sur l’endroit où ils se trouvent, que ce soit à l’extérieur de la limite de 200 milles marins du Canada ou, dans les cas où ils sont autorisés, entrant dans les eaux canadiennes pour aller au port ou ailleurs. Nous sommes en mesure de savoir, par le comportement du navire — c’est-à-dire la vitesse à laquelle il se déplace et ce genre de choses — qu’il ne participe pas à des activités de pêche. Nous avons une très grande confiance dans nos capacités pour ce type de surveillance.
Le sénateur Kutcher : Excellent. Je vous remercie beaucoup. Je comprends.
Le sénateur Francis : Ma question d’adresse à Mme McCready et M. Burns. À l’époque où j’étais chef en 2018, la Confédération des Micmacs de l’Île-du-Prince-Édouard, ainsi que la Première Nation Abegweit et la Première Nation de Lennox Island, ont signé une entente de justice réparatrice avec Pêches et Océans Canada et le service des poursuites publiques afin d’ajouter les infractions à la Loi sur les pêches au programme de justice autochtone existant de la Confédération des Micmacs de l’Île-du-Prince-Édouard. C’était le premier accord de son genre dans l’Est du Canada. Combien de ces ententes ont été signées depuis ou sont en voie d’être achevées?
Le président : Qui veut essayer de répondre à cette question?
Mme McCready : Je serai heureuse de répondre à la question.
Il faudrait que je vous revienne sur le nombre précis d’accords. Cependant, je sais que celui que l’honorable sénateur a mentionné était le premier du genre dans l’Est du Canada. Nous travaillons en étroite collaboration avec le service des poursuites publiques pour faire progresser la justice réparatrice. Qu’il y ait ou non un accord de justice réparatrice, c’est un outil à la disposition de nos agents. C’est quelque chose que nous pouvons mettre en place sans tenir compte de l’existence d’un accord officiel.
En ce qui concerne le nombre précis de collectivités, puis-je vous donner une réponse écrite à ce sujet?
Le président : Une question supplémentaire?
Le sénateur Francis : Oui. Pourriez-vous également nous dire combien d’Autochtones par rapport aux non-Autochtones ont été admissibles à des programmes de justice réparatrice pour des infractions liées à la pêche et combien ont terminé du début à la fin? Sinon, pouvez-vous également nous fournir cela d’ici la fin de la semaine?
Mme McCready : Oui, bien sûr. Nous pouvons vous fournir par écrit des renseignements statistiques particuliers à ce sujet.
Le président : Merci.
Le sénateur Ravalia : Ma question repose sur certaines subtilités de langage. Dans le projet de loi S-6, l’article 157 confirme que rien dans la partie de la Loi sur les pêches ayant trait aux accords sur les mesures de rechange ne limiterait la capacité des agents des pêches, des gardiens, des agents de la paix, et ainsi de suite, avant qu’une accusation ne soit portée, ce qui comprend la capacité de renvoyer une affaire à un processus fondé sur les principes de la justice réparatrice.
Dans ce contexte, l’expression « processus fondé sur les principes de la justice réparatrice » est-elle synonyme d’accord sur les mesures de rechange? J’aimerais obtenir des éclaircissements sur ce point.
Mme McCready : Je vous remercie de la question. Je vais commencer à y répondre et inviter M. Burns ou Mme Parmar à intervenir s’ils souhaitent ajouter quelque chose.
Je pense que la meilleure façon de le décrire est de dire que tous les jujubes sont des bonbons, mais que tous les bonbons ne sont pas des jujubes. Toutes les mesures de justice réparatrice sont des exemples de mesures de rechange, mais toutes les mesures de rechange ne sont pas des exemples de justice réparatrice. La justice réparatrice s’inscrit dans le cadre des mesures de rechange, mais elle ne décrit pas toutes les mesures de rechange possibles. Est-ce utile?
Le sénateur Ravalia : Oui, dans une certaine mesure. Y a-t-il des commentaires supplémentaires de la part de certains de vos collègues?
Le président : D’autres sénateurs ont-ils des questions à poser à nos témoins ce matin?
Comme nous le disons à Terre-Neuve-et-Labrador, vous devez faire du bon travail, puisqu’il n’y a pas de questions de suivi. Mesdames et messieurs, je tiens à vous remercier de nous avoir expliqué le projet de loi. Si nous avons des questions complémentaires, nous communiquerons avec vous, mais ce que vous essayez de faire et le travail que vous y avez consacré semblent assez explicites. Comme l’a mentionné Mme Parmar, il s’agit d’une approche collaborative de la part des personnes concernées. Il n’y a rien qui nous semble être une préoccupation majeure, alors nous vous souhaitons bonne chance et vous remercions de votre temps. Nous reprendrons nos délibérations et nous nous réservons le droit de vous rappeler, au cas où. Passez une excellente journée.
M. Burns : Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs.
Mme McCready : Merci, monsieur le président.
Mme Parmar : Merci.
Le président : Cela conclut nos discussions avec les témoins pour aujourd’hui. Nous allons maintenant passer à huis clos pendant un instant afin de discuter de deux ou trois choses.
(La séance se poursuit à huis clos.)