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POFO - Comité permanent

Pêches et océans


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES PÊCHES ET DES OCÉANS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 6 octobre 2022

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd’hui, à 9 h 3 (HE), avec vidéoconférence, afin d’examiner pour en faire rapport les populations de phoques au Canada ainsi que leurs impacts sur les pêches au Canada.

Le sénateur Fabian Manning (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour à tous. Je m’appelle Fabian Manning. Je suis sénateur de Terre-Neuve-et-Labrador, et j’ai le plaisir de présider la réunion ce matin.

Nous tenons aujourd’hui une réunion du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans. Si vous éprouvez un quelconque problème technique, particulièrement en ce qui a trait à l’interprétation, vous êtes prié de le signaler au président ou au greffier, et nous nous appliquerons à résoudre le problème.

Je prendrai quelques instants pour inviter les membres du comité à se présenter, à commencer par la personne à ma gauche immédiate.

La sénatrice Busson : Je suis la sénatrice Bev Busson, de la Colombie-Britannique.

La sénatrice Cordy : Je suis la sénatrice Jane Cordy, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Ataullahjan : Je suis la sénatrice Salma Ataullahjan, de l’Ontario.

Le sénateur Ravalia : Bonjour et bienvenue. Je suis le sénateur Mohamed Ravalia, de Terre-Neuve-et-Labrador.

La sénatrice Ringuette : Je suis la sénatrice Pierrette Ringuette, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Francis : Bonjour. Je suis le sénateur Brian Francis, je viens de l’Île-du-Prince-Édouard.

Le sénateur Quinn : Je suis le sénateur Jim Quinn, du Nouveau-Brunswick.

Le président : Merci, sénateurs et sénatrices.

Le 4 octobre 2022, le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans a été autorisé à faire rapport sur les populations de phoques au Canada ainsi que leurs impacts sur les pêches au Canada. Aujourd’hui, dans le cadre de ce mandat, le comité entendra des représentants de Pêches et Océans Canada, soit du MPO. Je tiens à remercier nos fonctionnaires de se joindre à nous ce matin pour le lancement de notre étude.

J’aimerais vous présenter nos témoins. Nous sommes en compagnie, ce matin, d’Adam Burns, sous-ministre adjoint par intérim, Gestion des pêches et des ports, et de Bernard Vigneault, directeur général des Sciences des écosystèmes et des océans. Je souhaite également la bienvenue aux personnes qui se joignent à nous par vidéoconférence : Rebecca Reid, directrice générale régionale du Pacifique; William McGillivray, directeur général régional de Terre-Neuve-et-Labrador; et Adwaite Tiwary, directeur de la Politique sur les échanges commerciaux et les marchés.

Au nom des membres de notre comité, je vous remercie d’être ici aujourd’hui, en personne et virtuellement. Je crois savoir que M. Burns a une déclaration préliminaire à faire. S’ensuivra une période de questions des sénateurs. Monsieur Burns, la parole est à vous.

Adam Burns, sous-ministre adjoint par intérim, Gestion des pêches et des ports, Pêches et Océans Canada : Bonjour, monsieur le président et honorables sénateurs. Je suis heureux d’avoir l’occasion de comparaître devant ce comité aujourd’hui au nom du ministère depuis le territoire traditionnel du peuple algonquin anishinabe.

[Français]

Pêches et Océans Canada gère les pêches dans le but de maintenir les stocks en bonne santé, protéger la biodiversité et l’habitat du poisson et s’assurer que nos pêches demeurent productives.

La ministre s’est engagée à soutenir des pêches durables, stables et prospères en recourant à la science et à une prise de décisions fondée sur des preuves.

[Traduction]

La chasse aux phoques soutient les collectivités autochtones, rurales et côtières du Canada, car il s’agit d’une activité économique et culturelle importante au Canada atlantique, au Québec et dans l’Arctique. Le gouvernement est déterminé à assurer une chasse durable, sans cruauté et bien réglementée. Elle fournit de nombreux emplois saisonniers à temps partiel dans un certain nombre de collectivités côtières et nordiques éloignées du Canada. En outre, les chasseurs de phoques, les entreprises de transformation, les artisans et les Inuits du Canada proposent des produits parmi les meilleurs au monde. La valeur de ces produits doit être mesurée non seulement en fonction des dollars qu’ils rapportent aux économies locales, mais également du point de vue de leur importance culturelle et traditionnelle.

[Français]

Le ministère est conscient des préoccupations des pêcheurs commerciaux quant à l’incidence des phoques sur les stocks de poissons et sur tous ceux qui dépendent de ces eaux pour leur subsistance.

Pêches et Océans Canada améliore continuellement sa compréhension des populations de phoques et de leur impact potentiel sur les stocks de poissons grâce à des relevés et à des projets de recherche ciblés, comme des études sur le régime alimentaire et la reproduction.

[Traduction]

Le ministère fonde ses décisions de gestion sur l’approche de précaution. Celle-ci consiste à utiliser les meilleurs renseignements disponibles, dont des données scientifiques évaluées par les pairs et les connaissances autochtones. La gestion des phoques dans le Canada atlantique n’a pas pour but de servir d’outil de réduction des populations de phoques, mais de les gérer de façon durable. L’absence de débouchés pour les produits dérivés du phoque remet toutefois en question les efforts de gestion, car les prélèvements restent bien en deçà des niveaux exploitables.

Nous sommes déterminés à explorer les possibilités de développement du marché pour les produits du phoque canadiens tout en respectant les avis scientifiques les plus récents et en veillant à ce que la chasse aux phoques reste durable et sans cruauté. C’est pourquoi nous organisons le Sommet du phoque le mois prochain à Terre-Neuve.

Il n’y a actuellement aucune chasse commerciale aux phoques sur la côte Ouest. Toute proposition de chasse commerciale potentielle aux pinnipèdes est évaluée sous le régime de la Politique sur les nouvelles pêches (PNP). Au cours des dernières années, le MPO a reçu des propositions de chasse commerciale aux phoques dans le but de réduire les niveaux de population. Toutes les propositions sont actuellement en cours d’évaluation sous le régime de la PNP.

Comme il s’agit d’un processus dirigé par le promoteur, des renseignements supplémentaires sont nécessaires pour s’assurer que l’objectif d’une telle chasse est le débarquement et l’utilisation de la peau ou de la carcasse, comme l’exige le Règlement sur les mammifères marins.

[Français]

Les scientifiques du ministère des Pêches et des Océans poursuivent leurs recherches afin de mieux comprendre les répercussions de la prédation exercée par les phoques sur les stocks de poissons commerciaux.

Le ministère n’envisage pas de créer un programme de contrôle de la population de phoques pour l’instant.

[Traduction]

L’un des domaines que le ministère s’efforce de faire progresser est l’approche écosystémique de la gestion des pêches, dans laquelle les facteurs autres que la pêche qui contribuent à la mortalité sont mieux intégrés dans les avis scientifiques générés pour les stocks que nous gérons.

Le MPO s’est engagé à gérer la chasse aux phoques à l’aide des meilleurs renseignements disponibles afin de s’assurer que les décisions de gestion sont fondées sur la science et sur des preuves. Pêches et Océans Canada dispose d’un solide programme scientifique, et nous améliorons continuellement notre compréhension des populations de phoques de l’Atlantique et de leurs incidences potentielles sur les stocks de poissons. Le ministère poursuivra ses recherches scientifiques sur les phoques, en s’inspirant des recommandations de l’équipe spéciale, et nous chercherons des moyens de collaborer davantage avec l’industrie dans le cadre des activités scientifiques.

C’est avec plaisir que nous répondrons maintenant à vos questions.

Le président : Merci de votre déclaration préliminaire, monsieur Burns. Nous commencerons par notre vice-présidente.

La sénatrice Busson : Merci, monsieur Burns.

Je suis de la Colombie-Britannique, et je m’intéresse particulièrement aux pêches sur la côte Ouest, bien que cette étude soit d’envergure nationale. Vous avez mentionné qu’il n’y a pas de pêches commerciales aux phoques sur la côte Ouest. J’ai lu dans certains documents qu’il y en avait eu un moment donné et que la réglementation permettait d’utiliser une force létale contre les phoques qui nuisaient à l’aquaculture. Cela a changé en 2020.

Pourriez-vous me dire ce qui a précipité ce changement dans l’approche du MPO en matière de contrôle des phoques dans un contexte d’aquaculture?

M. Burns : Je peux commencer, après quoi je céderai la parole à ma collègue Rebecca Reid, qui est parmi nous ce matin, en cette heure matinale pour elle, depuis Vancouver.

Merci, de cette question, sénatrice.

Les méthodes de dissuasion létale des phoques dans les pêches contreviennent aux exigences des États-Unis en matière d’exportation découlant de la Marine Mammal Protection Act. Par conséquent, le MPO a modifié sa politique de manière à ce que le ministre n’autorise plus les méthodes de dissuasion létale afin de conserver l’accès au marché américain pour ces produits.

Je ne sais pas si Mme Reid veut ajouter quelque chose.

Rebecca Reid, directrice générale régionale, région du Pacifique, Pêches et Océans Canada : Non, cela répond à la question, merci.

La sénatrice Busson : Puis-je poser une brève question complémentaire?

Le président : Allez-y.

La sénatrice Busson : Si j’ai bien compris, le recours à la force létale contre la population de phoques ne se faisait pas à des fins d’exportation, mais plutôt pour contrôler la population de phoques et son effet néfaste sur l’aquaculture et les pêches en général. Dans mon esprit, ce n’est pas lié à l’exportation. Ai-je raison de penser que c’est une fausse prémisse?

M. Burns : Si je comprends bien votre question, on parle ici de ce qu’on appelle les « phoques nuisibles », c’est-à-dire des phoques qui interfèrent réellement avec les activités aquacoles. Selon les règles américaines en matière d’importation, on ne peut pas utiliser une force létale à ces fins. Afin d’obtenir ce qu’on appelle une constatation de comparabilité, conformément à la législation américaine, qui est le mécanisme par lequel l’importation demeure permise, nous devons faire la preuve que nous n’autorisons pas de méthodes de dissuasion létale.

La sénatrice Busson : On parle bien ici de l’importation de poissons et non de phoques?

M. Burns : C’est exact. Nous ne pouvons pas importer de phoques.

La sénatrice Busson : Très bien. Je voulais que ce soit bien clair.

M. Burns : Oui, c’est exact.

La sénatrice Busson : Merci.

Le sénateur Francis : Cette question s’adresse à quiconque souhaite y répondre.

Le ministère recueille-t-il des données et publie-t-il des statistiques annuelles sur le nombre de phoques et les espèces chassées à des fins alimentaires, sociales et cérémonielles au Canada? Le cas échéant, comment ces données sont-elles recueillies et comment sont-elles communiquées aux communautés autochtones et au public, si elles sont rendues publiques?

M. Burns : Je vais tenter de répondre à cette question. À ma connaissance, nous ne recueillons pas d’informations sur les captures à des fins alimentaires, sociales et cérémonielles, mais je m’engage à vérifier l’information. Je n’ai pas de statistiques à ce sujet, et je ne crois pas que nous en recueillions.

Le sénateur Francis : Pensez-vous que ce serait important pour la suite des choses?

M. Burns : Je crois que le niveau des captures est assez faible. D’un point de vue scientifique, cela ne changerait probablement pas l’évaluation scientifique. Je ne sais pas.

Voulez-vous nous en parler, monsieur Vigneault?

Bernard Vigneault, directeur général, Direction des sciences des écosystèmes, Sciences des écosystèmes et des océans, Pêches et Océans Canada : Je suis d’accord. Il y a très peu de captures par rapport ce qui aurait un impact sur les populations, d’après nos estimations.

Le sénateur Francis : Merci.

Le sénateur Ravalia : Je remercie nos témoins.

Je suis de Terre-Neuve-et-Labrador. Je vis en fait dans une communauté qui a toujours été très dépendante de la pêche aux phoques dans son histoire. Quand je parle à mes amis pêcheurs qui ont l’habitude de sortir en mer, ils ont des enregistrements vidéo de centaines de milliers de phoques qui les entourent au moment où ils sortent du port pour aller capturer leurs prises, qu’il s’agisse de crabe, de petite morue ou de crevette.

Malgré les recherches que vous menez, le nombre de phoques qu’ils voient dépasse de loin tout ce qu’indiquent les données qui sont accessibles.

Je me demandais si vous aviez des données comparatives de pays comme l’Islande et la Norvège, où le contrôle des populations de phoques semble être régi de façon beaucoup mieux définie — ils font beaucoup mieux que le Canada.

Les pêcheurs de ma communauté commencent à avoir l’impression d’être totalement négligés par la science. Il est difficile pour eux de faire confiance à la science quand ils voient ce qu’ils voient sur le terrain. Ils sont maintenant en concurrence avec de grands nombres de phoques qui consomment d’énormes quantités de fruits de mer et de crustacés.

Collaborons-nous ou travaillons-nous avec des pays étrangers confrontés au même genre de dilemme? Si oui, quels en sont les résultats? Sinon, devrions-nous envisager de le faire?

M. Vigneault : Je vous remercie de cette question.

Effectivement, la population de phoques (en général et notamment au large de Terre-Neuve) a augmenté. Elle s’est essentiellement remise des creux historiques qu’elle a connus et est redevenue comparable à ce qu’elle devait être avant qu’on commence à chasser le phoque. C’est particulièrement vrai pour le phoque du Groenland. Nous estimons actuellement sa population à 6,7 millions de bêtes. Cette estimation est restée stable jusqu’en 2015, mais elle a augmenté ces dernières années. C’est l’exception par rapport aux autres stocks de phoques et d’otaries. Dans tous les autres cas, nous observons une stabilisation de la population, tandis que le taux de croissance a diminué dans la population de phoques gris.

La présence d’un si grand nombre de phoques dans les écosystèmes contribue évidemment aux interactions avec les différentes proies et à la concurrence avec les autres prédateurs.

Il y a consensus ici. Il y a toujours une part d’incertitude, mais il y en a très peu sur la trajectoire de la population, sauf qu’il faudrait mener beaucoup plus de recherches pour quantifier tout cela, selon une approche écosystémique, parce que c’est très complexe. Les écosystèmes de l’Atlantique Nord, par exemple, sont très complexes. Il n’y a pas qu’une relation proie-prédateur. Il y a de multiples relations qui coïncident avec les changements environnementaux, comme le changement climatique.

C’est là que se situe la principale lacune scientifique : nous avons besoin de plus d’information sur les endroits où se déplacent les phoques tout au long de l’année, il faut étudier quelles sont leurs proies, quelles espèces, en tenant compte des variations annuelles et saisonnières. Toutes ces estimations sont entachées d’une énorme incertitude. Quand on essaie de donner des chiffres, c’est très difficile.

Pour mettre les choses en contexte, il y a d’autres prédateurs du poisson commercial dans l’environnement, dont d’autres espèces de poissons, les baleines et les oiseaux marins. Ils ont tous une grande influence si l’on tient compte de leur énorme consommation potentielle. Les phoques ne sont pas les seuls à avoir un impact sur l’environnement.

C’est un domaine de recherche actif. Nous collaborons avec des scientifiques de divers pays du monde, principalement de l’Europe du Nord, comme la Norvège. Il y a toujours beaucoup de collaboration entre nos pays, dans l’étude du phoque du Groenland, en particulier.

On ne peut pas tout extrapoler des données de l’Atlantique Est à l’Atlantique Ouest, parce que les écosystèmes y évoluent différemment. Il y a toujours des recherches en cours pour déterminer si les changements de trajectoire de la population sont dus à la gestion, à la récolte ou simplement aux facteurs environnementaux en jeu.

Le sénateur Ravalia : Dans le cadre de vos recherches, dans quelle mesure collaborez-vous avec les populations locales sur le terrain? Tout récemment, j’ai entendu parler de phoques migrant vers l’intérieur des terres, dans des voies navigables jusqu’à 150 miles de la côte, ce qui ne s’était jamais vu dans le passé.

Je pense que les populations locales se rendent compte que l’écologie marine est en train de changer radicalement avec le réchauffement de l’eau, les fluctuations du phytoplancton et des petites espèces comme le capelan et le hareng, et le déplacement des baleines. Quand j’en parle avec des pêcheurs chevronnés, qui font ce métier depuis des années — et je parle d’aînés de ma communauté qui ont plus de 80 ans — ils sentent profondément qu’il se passe quelque chose de très déconcertant avec la population de phoques.

Lorsque vous réalisez vos travaux scientifiques sur le terrain, collaborez-vous beaucoup avec les habitants de la région, qui ont une connaissance approfondie des changements qui s’observent dans l’écosystème?

M. Vigneault : Oui, il y a une certaine collaboration. Par exemple, l’échantillonnage que nous faisons du contenu de l’estomac de phoques se fait en collaboration avec nos pêcheurs. Cependant, cela reste très limité. C’était d’ailleurs l’une des recommandations du Groupe de travail sur la science des phoques de l’Atlantique : d’accroître la collaboration avec les gens du milieu pour recueillir des données scientifiques réelles sur les populations de phoques. Nous sommes d’accord avec cette recommandation et nous y travaillons.

Comme les échantillons proviennent essentiellement de la chasse commerciale, ils sont limités à certaines zones et périodes de l’année. Nous devons vraiment examiner les possibilités de collaboration avec les populations locales pour prélever un plus grand nombre d’échantillons afin que les données collectives que nous recueillons soient représentatives de l’environnement côtier, de l’environnement extracôtier et des différentes périodes de l’année. Il y a des discussions en cours à ce sujet.

Le président : Avant de passer à la sénatrice Cordy, je voudrais rebondir un peu sur les questions du sénateur Ravalia. Je crois que le ministère effectue des relevés aériens pour essayer de compter les phoques au large des côtes. À quelle fréquence sont-ils effectués, à quelle période et comment procédez-vous?

M. Vigneault : Merci beaucoup de cette question, monsieur le président. Oui, c’est une considération importante.

Nous évaluons les populations de phoques prioritaires sur une base quinquennale parce que leur croissance est lente, et aussi en raison des contraintes logistiques associées au travail d’évaluation. Pour vous en donner une idée, ce travail se déroule souvent sur plusieurs années consécutives afin que nous puissions recueillir suffisamment de nouvelles données.

Par exemple, nous venons, en 2022, de publier une évaluation actualisée de la population de phoques gris. J’ai mentionné leur taux de croissance plus faible, c’est le constat qui se dégage de notre dernière évaluation. Depuis quelques années, leur population se stabilise. Nous en sommes à 366 000 individus, ce qui est proche des estimations précédentes. Nous faisons principalement ces estimations en comptant les petits, comme vous en avez fait mention, puis en faisant divers calculs par modélisation, en tenant compte de différentes variables, pour déterminer à combien devrait se situer la population adulte pour soutenir les petits recensés pendant l’évaluation. Nous réévaluons la population tous les cinq ans.

Nous avons commencé à évaluer la population de phoques du Groenland. Nous serons prêts à publier nos constats dans deux ans. Nous avons également investi des efforts dans l’évaluation d’un plus large éventail d’espèces de phoques. Par exemple, nous venons d’achever le travail de terrain pour le tout premier relevé des phoques communs dans l’Atlantique. C’est un travail de longue haleine qui s’est étalé sur plusieurs années. Pour vous donner une idée de l’ampleur de ce travail, il nous faudra un an pour analyser les photographies aériennes et rassembler les données. Nous espérons être en mesure de publier cette nouvelle évaluation en 2023.

Le président : Merci. Vous avez mentionné l’évaluation du phoque gris, et je crois que vous avez dit qu’elle date de 2022. Serait-il possible de la transmettre à nos analystes?

M. Vigneault : Absolument.

Le président : Et peut-être aussi les évaluations les plus récentes pour les différentes espèces de phoques. Je comprends que certaines peuvent remonter à quelques années ou encore davantage, mais nous vous serions reconnaissants de bien vouloir nous transmettre les évaluations les plus récentes que vous avez en main.

M. Vigneault : Certainement.

La sénatrice Cordy : Merci beaucoup de votre présence aujourd’hui. Comme je suis moi aussi du Canada atlantique, c’est une étude très importante pour moi. Il ne fait aucun doute que ceux qui s’opposent à la chasse au phoque ont connu beaucoup de succès avec tout l’argent à leur disposition et ces personnalités qui viennent prendre des photos des phoques sur la banquise. On s’est même permis de faire de la désinformation en photographiant des bébés phoques alors que leur chasse est illégale, mais peu importe. Les manifestants ont pris des bébés phoques dans leurs bras, ce qui suffit à inciter leur mère à les abandonner. Ce ne sont pas nécessairement des gens de la côte Est du Canada, mais il est bien certain qu’ils ont généreusement financé le mouvement d’opposition à la chasse au phoque en plus d’en faire la promotion. Je ne pense pas qu’ils soient nombreux à comprendre — et peut-être que je ne devrais pas dire cela — la réalité de la chasse au phoque dans le Canada atlantique.

J’ai été vraiment frappée par les commentaires du sénateur Ravalia concernant ce que les pêcheurs sont à même d’observer, car j’ai moi-même visionné des vidéos montrant des colonies de phoques. J’ai été abasourdie par la taille de ces colonies en m’interrogeant sur la quantité de poisson que ces phoques doivent manger. Comme je suis du Cap-Breton, cela m’a rappelé les canaris dans les mines de charbon. Les gens sur le terrain savent ce qui est en train de se passer avant que le milieu scientifique en prenne conscience. Je trouve cela préoccupant.

Vous dites que l’on étudie sans cesse l’impact des phoques sur les populations de poissons, et c’est exactement ce qui nous intéresse ici. Je sais que vous allez nous transmettre des données sur la taille des colonies de phoques, mais pourriez-vous nous en communiquer également — à moins que vous puissiez me répondre dès maintenant à ce sujet — sur l’incidence qu’auraient ces phoques sur les populations de poissons selon les études qui sont effectuées? Si vous n’avez pas ces renseignements en main, pourriez-vous les transmettre au comité?

M. Vigneault : Merci pour la question. Je peux certes vous dire deux ou trois choses concernant l’impact sur les populations de poissons.

Il y a un effort de recherche qui se poursuit depuis plusieurs années déjà. Comme nous l’avons indiqué, les écosystèmes sont en constante évolution. Nous avons jusqu’à maintenant mis au jour de nombreux éléments indiquant que la colonie de phoques gris du sud du golfe du Saint-Laurent a un impact sur les poissons de fond. Une première étude a été publiée à ce sujet il y a environ 10 ans, mais nous en avons une plus récente qui le confirme. Pour la région sud du golfe du Saint-Laurent, il est bien établi que les phoques gris entravent le rétablissement des stocks de poissons de fond. Ce n’est pas le seul facteur, mais leur impact est significatif.

De nombreux travaux ont été réalisés pour examiner la situation dans une perspective plus générale. Je vous indiquais tout à l’heure à quel point tout cela pouvait être complexe avec toutes ces variations naturelles et annuelles. Jusqu’à maintenant, les recherches que nous avons effectuées pour essayer de prédire la trajectoire des populations de poissons de fond dans d’autres régions de l’Atlantique, comme au large de Terre-Neuve, n’ont pas indiqué que les colonies de phoques avaient un impact important. Dans nos efforts pour dégager un modèle, notre évaluation des stocks de poissons de fond nous permet de constater chaque année qu’il y a des facteurs autres que les colonies de phoques elles-mêmes qui influent bien davantage sur la variation de ces stocks, y compris la disponibilité des proies de ces poissons, comme le capelan et la morue.

Je répète que ce travail est toujours en cours. Nous rassemblons des échantillons provenant du relevé sur le poisson de fond et de l’étude sur les mammifères marins. Je vous ai aussi parlé de cette autre étude qui se penche sur la consommation, une question très vaste. Nous avons besoin de savoir où se trouvent les phoques à chaque moment de l’année. Il nous faut aussi savoir ce qu’ils mangent, tant du point de vue des espèces que des quantités. À cette fin, nous disposons de différents outils comme la génomique, l’analyse de la composition chimique du contenu stomacal ou les caractéristiques chimiques des différentes espèces. Nous devons utiliser tout un éventail de techniques, et ce travail se poursuit.

Il y a aussi le fait que la variabilité nette est si grande qu’il devient nécessaire d’examiner la situation sur un horizon de plusieurs années. On ne peut pas prendre les données provenant d’une seule étude pour les extrapoler à l’ensemble de l’Atlantique.

Nous sommes rendus à mi-chemin dans la collecte d’échantillons. Une fois les analyses terminées, nous espérons pouvoir intégrer le tout pour mettre à jour l’information sur le régime alimentaire aux fins de notre évaluation des stocks de poissons. Mon collègue mentionnait qu’une approche écosystémique est utilisée pour la gestion de ces stocks. Nous allons ainsi pouvoir compter sur suffisamment de données pour formuler des recommandations éclairées quant à la santé des populations de poissons de fond.

La sénatrice Cordy : C’est bon à savoir. Si vous pouviez m’envoyer ces données, ce serait également fort utile. Je comprends que ces études s’étendent sur plusieurs années, et vous nous avez très bien expliqué la situation. Quoiqu’il en soit, si nous pouvions avoir les données les plus récentes, même si elles remontent à quelques années, ce serait une bonne chose.

La sénatrice Ataullahjan : Ma question est similaire à celles que vous ont posées le sénateur Ravalia et la sénatrice Cordy. Est-ce que le MPO estime que les colonies de phoques ont une influence sur l’écosystème dans certaines régions? Dans l’affirmative, pouvez-vous nous dire quelles sont les régions et les espèces touchées?

M. Vigneault : Merci pour la question. Il est difficile d’y répondre directement, car la notion d’impact négatif peut être définie différemment selon les points de vue. Et comme je le mentionnais précédemment, si vous pensez aux incidences sur la pêche commerciale du poisson de fond, nous pouvons vous confirmer encore une fois que les phoques gris ont un impact considérable dans la région sud du golfe du Saint-Laurent. On peut essentiellement affirmer qu’ils entravent le rétablissement de ces stocks de poisson de fond, y compris la morue de l’Atlantique.

Dans d’autres secteurs, ils font partie de l’écosystème au même titre que les autres prédateurs qui s’y déplacent à la recherche de proies. Mais pour ce qui est de la pêche commerciale, nous n’avons pas encore pu établir qu’ils avaient sans l’ombre d’un doute un impact sur les stocks qui serait de plus grande portée que celui d’autres facteurs environnementaux, comme la présence de nourriture pour le poisson de fond.

La sénatrice Ataullahjan : Au risque de paraître ignorante — je suis de Toronto et nous nous intéressons surtout aux Grands Lacs —, j’aimerais savoir si vous pouvez me confirmer si vous savez ou non quelles sont les répercussions sur la pêche commerciale.

M. Vigneault : Ce que nous savons, c’est que dans certains secteurs du Canada atlantique, comme le Sud du golfe du Saint-Laurent, nous pouvons clairement démontrer qu’il y a un impact néfaste sur les stocks de poissons visés par la pêche commerciale. Dans d’autres secteurs, nous notons que la population de phoques est revenue à ses niveaux antérieurs. Nous menons des recherches sur les interactions de ces phoques avec les autres composantes de l’écosystème. Ils se nourrissent principalement des espèces commerciales de poissons, mais il nous est impossible d’établir une corrélation directe aussi étroite que dans le Sud du golfe du Saint-Laurent.

Comme les pêcheurs et les autres intéressés ont pu l’observer, les phoques sont beaucoup plus nombreux que dans les années 1970, mais ils reviennent essentiellement à leurs niveaux antérieurs. Il y a donc davantage de phoques et d’autres mammifères marins comme les baleines dont le rétablissement influe sur l’équilibre des choses au sein de l’écosystème. Pour ce qui est des stocks de poissons visés par la pêche commerciale, c’est dans le Sud du golfe du Saint-Laurent que l’on a pu clairement établir qu’il y avait une incidence.

J’ai parlé précédemment des efforts de recherche que nous déployons dans l’Atlantique. Nous faisons de même sur la côte du Pacifique, et plus précisément dans le secteur de la mer des Salish, pour étudier plus particulièrement l’impact sur le saumon. Il s’agit là également d’une problématique complexe que nous ne pourrons pas tirer au clair avec une seule étude. Nous devons intégrer de multiples études et des méthodes variées pour nous permettre d’avoir une meilleure idée des réels impacts quantifiables sur les stocks — de saumon du Pacifique, en l’espèce. Merci.

Le président : J’aimerais poursuivre dans le sens d’une question posée par la sénatrice Ataullahjan. J’ai bien compris que les phoques sont loin d’être les seuls prédateurs dans l’océan. Si je vous ai bien entendu ce matin, il y aurait, selon votre plus récente estimation, quelque 7,6 millions de phoques du Groenland. Je crois qu’il faut quelques centaines de milliers de phoques pour en arriver à l’équivalent de la moitié d’une baleine.

Avez-vous des études ou des données sur l’impact des baleines, comparativement à celui des phoques? Si l’on considère que le nombre de phoques se calcule en millions, on peut être porté à croire que ce sont les mammifères causant le plus de dommages. Je n’ai absolument aucune formation scientifique, mais je considère seulement les chiffres. Je suis conscient que tout cela est complexe, mais pourriez-vous nous dire s’il existe des études comparant l’impact des baleines à celui des phoques?

M. Vigneault : Merci pour la question. C’est effectivement fort complexe. Le mieux que nous puissions faire pour l’instant, c’est d’en arriver à un ordre de grandeur, à une estimation approximative. Nous avons déjà effectué un exercice semblable pour Terre-Neuve, et nous en faisons autant dans les autres régions pour permettre une meilleure évaluation des stocks de poissons. À Terre-Neuve, on a obtenu un ordre de grandeur comparable. Pour l’instant, l’impact potentiel estimé de la consommation est comparable pour les phoques et les autres prédateurs comme les oiseaux marins. Si je ne m’abuse, les poissons prédateurs ont aussi un impact très marqué sur les stocks d’espèces commerciales. On ne peut donc pas prétendre qu’il y a les phoques d’une part, puis tout le reste par ailleurs. On doit plutôt les situer au même niveau que les autres composantes de l’écosystème.

Le président : Comme vous le demandait la sénatrice Cordy, nous aimerions que vous nous transmettiez l’information à votre disposition au sujet des études menées au cours des dernières années, non seulement sur les phoques, mais aussi sur les autres mammifères ayant un effet nuisible sur les stocks de poissons. C’est le but de notre étude. Nous aimerions simplement pouvoir bénéficier de l’information que possède le ministère à ce sujet. Nous voudrions aussi en apprendre davantage sur les autres prédateurs actifs dans l’océan. Nous vous saurons gré de toute information que vous pourrez transmettre à nos analystes sur ces questions.

Le sénateur Quinn : Je tiens à remercier les témoins qui comparaissent devant nous, et tout particulièrement notre collègue de la côte Ouest. Il est très tôt pour vous, et nous vous sommes vraiment reconnaissants d’être des nôtres.

Tous ces échanges sont fort intéressants et m’ont amené à pousser un peu plus loin la réflexion. Plus jeune, j’ai eu le plaisir de naviguer pendant deux ans et demi sur un petit pétrolier qui desservait à peu près toutes les localités des côtes sud et est de Terre-Neuve. On parle des consultations et de tout le reste, mais je peux vous dire qu’à l’époque, les pêcheurs étaient déjà préoccupés par le nombre croissant de phoques. La question ne faisait peut-être pas autant les manchettes qu’aujourd’hui.

On pratiquait alors également la chasse au phoque. Je me souviens que certains parmi les plus vieux nous expliquaient que cette chasse permettait de contrôler et de maintenir les stocks. Je conviens tout à fait avec vous que les changements climatiques peuvent avoir une incidence considérable en favorisant notamment l’arrivée de nouvelles espèces dans la région. Mais j’essaie de me faire une idée précise de l’impact de ces 7,5 millions de prédateurs qui se nourrissent de différentes choses — de crustacés, mais je dirais principalement de poissons. Existe-t-il une estimation de la quantité de nourriture qu’un phoque du Groenland consomme dans une journée? Est-ce une livre, 10 livres, 100 livres?

M. Vigneault : Il existe effectivement une telle estimation. On s’intéresse à l’apport énergétique nécessaire pour le phoque et à la quantité de nourriture que l’on peut trouver dans un échantillon du contenu stomacal. Cette analyse nous permet de conclure que, compte tenu de leur grand nombre, les phoques consomment de grandes quantités de poissons de toutes sortes, mais aussi d’autres espèces marines, car ils s’alimentent des ressources disponibles.

Cela dit, la quantité de poissons consommée n’est pas le seul élément permettant d’évaluer l’impact sur l’écosystème. Il s’agit essentiellement de mesurer la contribution de la relation de prédation d’une manière générale en combinaison avec tous les autres facteurs. À titre d’exemple, le capelan est un petit poisson ne pesant que quelques grammes, mais il revêt une importance capitale pour l’ensemble de l’écosystème et notamment pour l’alimentation de la morue et du phoque du Groenland.

Le sénateur Quinn : N’avez-vous pas un chiffre approximatif à nous donner? En moyenne, quelle quantité de nourriture un phoque peut-il consommer chaque jour?

M. Vigneault : Si mon souvenir est exact, il s’agit de milliers de tonnes par année, mais l’étude en cours pourra nous en dire plus long. Les chiffres exacts seront inclus dans la mise à jour de l’étude que je transmettrai au comité.

Le sénateur Quinn : Pouvez-vous nous communiquer toutes les données à votre disposition concernant les niveaux de consommation?

M. Vigneault : Oui.

Le sénateur Quinn : Je reviens à la question des consultations. Sur la côte Ouest, nos compatriotes des Premières Nations peuvent pêcher à des fins rituelles. Y a-t-il des consultations auprès des Premières Nations de toute la côte Ouest afin de mieux comprendre leur point de vue sur l’impact des phoques? Je suis très porté à m’en remettre aux aînés et à leurs connaissances traditionnelles. Ils peuvent nous faire bénéficier d’enseignements qu’ils se transmettent d’une génération à l’autre depuis des milliers d’années. Il arrive que ce savoir soit aussi concluant que celui pouvant émaner de n’importe quelle recherche scientifique.

Est-ce que des consultations sont expressément menées auprès des Premières Nations concernant les phoques et leur impact sur les pêches le long de la côte Ouest?

M. Burns : Ma collègue de la Colombie-Britannique va vous répondre à ce sujet, mais je peux vous confirmer dans une perspective plus générale que le ministre tient désormais bel et bien compte des connaissances autochtones dans ses décisions de gestion des pêches, comme cela est d’ailleurs explicitement prévu dans la Loi sur les pêches. C’est donc assurément le cas. Je vais demander à ma collègue, Mme Reid, de vous en dire plus long.

Mme Reid : Nous consultons effectivement les Premières Nations quant à l’exploitation des ressources à des fins alimentaires, sociales et rituelles. Le tout s’inscrit dans le dialogue que nous maintenons à l’échelle régionale. Nous avons en outre collaboré avec certaines Premières Nations dans le cadre d’études scientifiques. Ces Premières Nations ont par exemple participé à des symposiums et à des études sur le régime alimentaire des phoques. Nous essayons ainsi d’exploiter les différents moyens à notre disposition pour intégrer à notre travail les connaissances locales et autochtones. Je pourrais vous donner différents exemples en ce sens sur la côte Ouest.

Le sénateur Quinn : Si l’on revient aux statistiques, vous avez indiqué qu’il y a eu un pic en 2015, mais que la population a maintenant commencé à se stabiliser. Cela me rappelle le vieil adage concernant les lièvres et les renards — plus de lièvres, plus de renards; moins de lièvres, moins de renards.

Comment se portent les stocks de poissons sur la côte Est tout particulièrement? Sont-ils en croissance? On note chez nous que les colonies de phoques prennent de l’expansion. La situation semble en voie de se stabiliser, mais est-ce que les stocks de poissons commencent à diminuer? Les sources de nourriture sont primordiales pour toutes les espèces vivantes. Avez-vous des informations concernant ce cycle d’évolution des stocks de poissons et des populations de phoques?

Lorsque je travaillais à Pêches et Océans Canada, je me souviens que l’on en recensait 2,5 millions. C’est un chiffre qui m’avait beaucoup étonné à l’époque. C’était il y a 40 ans. Je trouve le chiffre de 7,6 millions que l’on nous donne aujourd’hui totalement déconcertant compte tenu du travail accompli alors que j’évoluais dans cet environnement. Avez-vous des données sur ce cycle d’évolution des sources alimentaires par rapport à la croissance des populations de mammifères, et de phoques tout particulièrement?

M. Vigneault : Comme je le mentionnais précédemment, si l’on fait exception du Sud du golfe du Saint-Laurent, il nous a été impossible de démontrer l’existence d’un lien entre la croissance des colonies de phoques et le niveau des stocks de poissons. Cela dit, les stocks ne se comportent pas tous de la même façon. Il y a de nombreuses espèces, comme le homard, dont les stocks se situent à des niveaux sains dans les provinces de l’Atlantique. C’est donc très clair dans ces cas-là.

La situation est plus problématique pour les stocks de poissons de fond qui, malgré la réduction de l’effort de pêche, ne se rétablissent pas encore aux niveaux souhaités. Cela peut s’expliquer par différents facteurs. La situation pourrait effectivement être en partie attribuable aux phoques dans le Sud du golfe du Saint-Laurent. Ailleurs, ce pourrait être...

Le sénateur Quinn : Je voudrais savoir ce qu’il en est exactement des stocks de morue. Pouvez-vous nous indiquer ce que vous savez de cette relation cyclique? Comment la morue se porte-t-elle?

M. Vigneault : Les stocks de morue se rétablissent progressivement. Pour les stocks du Sud du golfe du Saint-Laurent et de la région des Maritimes, le rétablissement est très limité. Pour les stocks situés plus au large dans la région de Terre-Neuve, on note un certain rétablissement. Comme le rétablissement demeure certes plutôt restreint dans certains secteurs, on ne peut pas encore affirmer que les stocks sont de retour à des niveaux sains.

Le président : Des efforts sont-ils déployés pour trouver d’autres marchés? Nous savons que nous ne sommes pas autorisés à exporter des produits du phoque aux États-Unis, mais, au cours des deux ou trois dernières années, il a été question de possibles débouchés en Chine. Le ministère s’efforce-t-il de trouver des marchés pour les produits du phoque? Je ne parle pas seulement de la fourrure, mais aussi d’autres produits. Si oui, y a-t-il des renseignements que vous pouvez fournir au comité à ce sujet?

M. Burns : Je vais commencer et je céderai ensuite la parole à mon collègue, qui est directeur de l’accès aux marchés.

L’acceptabilité sociale quant à la chasse au phoque est évidemment une question fondamentale. La sénatrice Cordy a formulé des observations sur le sujet un peu plus tôt. Il y a des gens qui aiment utiliser la chasse au phoque pour recueillir des fonds pour leurs organisations préférées. Au cours des dernières années, nous avons mis en place un régime rigoureux de professionnalisation des chasseurs de phoques, qui doivent suivre une formation sur la chasse sans cruauté, afin que nous puissions corriger cette perception erronée d’une chasse inhumaine et expliquer que la chasse au phoque est en fait très humaine. C’est un élément important que nous avons mis en place.

Des renseignements inexacts circulent toujours et il est important de continuer à dire la vérité sur ces facteurs, par exemple à expliquer que les animaux immatures ne peuvent pas être chassés. Ce sont des mesures importantes que nous avons mises en place ces dernières années pour contribuer à renforcer l’acceptabilité sociale.

En ce qui concerne les investissements qui ont été faits dans le développement des marchés, je vais maintenant céder la parole à mon collègue.

Adwaite Tiwary, directeur, politique sur les échanges commerciaux et les marchés, Pêches et Océans Canada : Je vous remercie de la question. Comme mon collègue vient de le mentionner, la perception de la marque des produits du phoque dans le monde entier constitue un défi. Cela dit, le ministère des Pêches et des Océans offre des programmes de soutien. Par exemple, du financement est disponible pour les produits du phoque dans le cadre du Fonds canadien d’initiatives en matière de poissons et de fruits de mer, du Fonds des pêches de l’Atlantique et du Fonds des pêches du Québec.

Je vous donne un autre exemple. En 2021, dans le cadre du Fonds canadien d’initiatives en matière de poissons et de fruits de mer, nous avons versé 2,6 millions de dollars à l’Institut de la fourrure du Canada et au Réseau des phoques et de la chasse au phoque pour renforcer le secteur et améliorer les conditions du marché pour les produits du phoque canadiens.

Les plus gros marchés sont toujours en Asie. Il s’agit du Japon, de Hong Kong et du Vietnam.

Le président : Je suis désolé, mais je dois vous interrompre à nouveau. Les interprètes ont de la difficulté à bien vous entendre pour faire leur travail.

Sébastien Payet, greffier intérimaire du comité : La seule solution, monsieur Tiwary, c’est qu’un de vos collègues réponde pour vous, car nous avons un problème avec votre son en ce moment. Apparemment, le son provient de votre ordinateur. Je suis vraiment désolé.

Si vous pouviez soumettre une réponse écrite par courriel au comité, ce serait parfait. Merci.

Le président : Je suis désolé. Nous vous remercions d’avoir essayé de fournir une réponse, et nous attendrons avec impatience de la recevoir par courriel. Merci beaucoup.

La sénatrice Ringuette : La discussion est très intéressante.

Tout d’abord, monsieur Vigneault, vous avez dit que la consommation moyenne annuelle des phoques est de 1 000. J’aimerais savoir s’il s’agissait de livres ou de kilos, ce qui est plutôt différent pour ce qui est du volume et de la quantité.

M. Vigneault : Encore une fois, nous fournirons l’étude avec les données récentes. Je répéterais qu’il ne s’agit pas vraiment de la quantité, mais davantage de l’approche écosystémique. Je parlais de tonnes métriques.

La sénatrice Ringuette : Il s’agit de 1 000 tonnes métriques.

M. Vigneault : L’ordre de grandeur concernant la consommation des phoques est de 1 000 kilogrammes par année. Encore une fois, nous fournirons des données plus récentes. Le problème, c’est qu’on ne peut pas seulement extrapoler.

La sénatrice Ringuette : Non. C’est une moyenne.

M. Vigneault : Oui. Évidemment, si l’on multiplie ce volume par le nombre de phoques, cela représente une grande quantité de poissons, et c’est comparable — sinon supérieur — à la quantité de poissons qui meurent d’autres causes. Toutefois, ce n’est pas la seule façon de considérer ces chiffres.

La sénatrice Ringuette : Il serait intéressant de comparer ces 1 000 kilos par année à la quantité moyenne de poissons que récoltent les pêcheurs. Cela viendra probablement plus tard.

Vous parlez constamment de l’écosystème. Corrigez-moi si je me trompe — et puisque je ne suis pas une scientifique, je peux me tromper —, mais je crois que l’écosystème change constamment avec le temps.

Je vous pose ma question. Quel est le point de référence quant à ce qui constitue un écosystème normal et durable sur lequel se base le ministère pour agir? Encore une fois, nous parlons ici des phoques.

Vous devez avoir un point de référence pour une année. Quel est-il? Ensuite, qu’est-ce qui amènerait le ministère à prendre des mesures afin que les choses correspondent à nouveau à ce point de référence « normal » pour les phoques?

M. Vigneault : Je vous remercie de la question, sénatrice. Je pourrais parler de la façon dont nous tenons compte des changements dans l’écosystème pour nos avis scientifiques. Ensuite, mon collègue pourra fournir des renseignements supplémentaires sur la prise de décision qui s’ensuit.

En effet, comme vous y avez fait allusion, l’écosystème est très variable. C’est pourquoi nous recueillons des données plusieurs fois par année afin de pouvoir suivre la variabilité et les changements dans les écosystèmes quant aux paramètres océanographiques réels, comme la température de l’eau, l’acidité, etc.

De même, tous les paramètres biologiques de l’écosystème... Nous devons comprendre comment les choses évoluent au fil du temps, en commençant par la base de la chaîne alimentaire, les microalgues qui se développent, le zooplancton, etc. Tout cela alimente nos avis scientifiques sur l’évaluation des stocks de phoques et de poissons.

Le plus souvent, il s’agit d’une évaluation qualitative. Dans certains cas, nous sommes en mesure d’établir un lien direct, par exemple, entre certains paramètres et la croissance de la population, mais tout cela fait partie des avis scientifiques. Tout cela est analysé chaque fois que nous mettons à jour notre évaluation d’une population de phoques.

Pour vous donner un exemple sur le phoque, lors de la dernière évaluation des phoques du Groenland, il a été établi et souligné que la couverture de glace avait des répercussions très importantes sur la survie des jeunes phoques du Groenland. Par conséquent, lorsqu’on parle de la croissance de la population, les conditions de glace ont été très mauvaises pendant plusieurs années, ce qui n’a pas favorisé une reproduction optimale. Les phoques du Groenland ne se reproduisent plus au même endroit parce qu’il n’y a pas assez de glace dans la partie sud de l’Atlantique.

Nous l’avons établi dans nos travaux scientifiques sur le terrain. À l’époque, nous avions indiqué qu’il s’agissait d’un phénomène à suivre dans les années à venir. C’est un facteur inconnu quant à la planification future. Or, lorsque nous fournissons des avis scientifiques, nous tenons compte — avec les renseignements disponibles — des changements dans l’écosystème et l’environnement.

La sénatrice Ringuette : Monsieur le président, si vous le permettez, je remercie le témoin de cette information. Cependant, ma question portait précisément sur les phoques, car je me souviens de ce qui est arrivé à la pêche à la morue dans les Grands Bancs au cours des années 1980. C’était dans cette région.

Ma question au sujet du point de référence... Concernant l’écosystème dans cette période, quel est le point de référence quant à ce qui devrait être normal? À quel moment une situation anormale par rapport à ce point de référence amène-t-elle le ministère à agir?

Peut-être que je n’explique pas clairement ce que je recherche parce que nous devons comprendre — du moins, je dois comprendre — sur quel point de référence vous vous basez lorsqu’il s’agit des phoques.

M. Burns : Je vous remercie de cette question. Je dirais qu’une approche écosystémique de la gestion des pêches est un concept très nouveau qui n’est pas vraiment déployé nulle part à l’heure actuelle.

Comme je vous l’ai mentionné avant la réunion, sénatrice, je reviens tout juste des réunions de l’Organisation des pêches de l’Atlantique Nord-Ouest, où nous avons maintenant fait des progrès sur certains indicateurs écosystémiques qui peuvent aider à guider les décisions de gestion des pêches.

De même, des travaux sont en cours au Canada pour élaborer des approches qui pourraient mieux guider les décisions de gestion des pêches du point de vue de l’écosystème. Toutefois, à l’heure actuelle, les connaissances scientifiques ne sont pas suffisamment avancées pour nous permettre d’établir nos objectifs ou nos cibles écosystémiques sur l’équilibre des populations relatives et ensuite de mettre en œuvre des mesures visant à manipuler un écosystème pour atteindre les niveaux ciblés. Quant aux indicateurs écosystémiques, ils sont intégrés dans les avis d’évaluation des stocks que les scientifiques du MPO nous fournissent pour éclairer nos décisions de gestion des pêches, par exemple.

En ce qui concerne les phoques, nous autorisons chaque année la chasse commerciale. Comme nous le savons tous, les marchés sont tels que les prélèvements sont extrêmement faibles. Nous autorisons une récolte commerciale importante. En fait, nous n’avons pas de plafond précis. Je parle ici de la côte Est. Si les prélèvements atteignaient un jour un niveau qui remettrait en question la durabilité du stock, premièrement, nous en serions très heureux, et deuxièmement, nous examinerions alors la voie à suivre et comment les choses pourraient se présenter.

À l’heure actuelle, la moyenne récente des prélèvements de phoques du Groenland est légèrement inférieure à 30 000 animaux par année. C’est nettement inférieur à ce qui pourrait être prélevé tout en maintenant la population au niveau actuel.

M. Vigneault : Ce qui pourrait être prélevé est fondé sur le niveau maximum de la population qui figure dans nos évaluations. Essentiellement, les avis scientifiques que nous fournissons sont basés sur la forte probabilité que le niveau ne descende pas en dessous de 70 % du maximum observé. Comme mon collègue vient de le mentionner, ces niveaux de récolte maximaux sont beaucoup plus élevés par rapport à la quantité récoltée actuellement.

La sénatrice Ringuette : Ce sera une étude intéressante. Merci.

La sénatrice Busson : J’aimerais poser ma question à Mme Reid, de la région du Pacifique, car je m’intéresse particulièrement à cette région. Nous couvrons beaucoup les autres côtes.

Dans nos notes d’information, on indique que la chasse commerciale des mammifères marins n’a jamais existé dans la région du Pacifique. Je voudrais d’abord vous demander pourquoi il en a toujours été ainsi. Je pense connaître la réponse, mais j’aimerais l’entendre.

Ensuite, je pense que votre collègue a dit que la plupart des études sur les phoques sont menées dans la mer des Salish. Je peux dire que si l’on pêche le saumon dans les environs de Prince Rupert et de Haida Gwaii, il est presque rare qu’on ne voie pas de signes de proximité avec des phoques. Les phoques remontent la rivière Skeena sur des centaines de kilomètres pour chasser le saumon. Mais, ils ont aussi une incidence sur la pêche au hareng et à l’eulakane sur la côte Ouest. Pourriez-vous faire quelques commentaires généraux sur ce que vous observez à l’extérieur de la mer des Salish et nous expliquer pourquoi il n’y a pas de chasse aux phoques sur la côte Ouest?

Mme Reid : Je vous remercie de la question. Il y a eu des programmes de contrôle des prédateurs ainsi que de la chasse commerciale dans le passé jusqu’à ce que des mesures de protection soient adoptées dans les années 1970. Aujourd’hui, la seule chasse qui est autorisée pour les pinnipèdes est celle qui se fait à des fins alimentaires, sociales et cérémonielles. Il n’y a pas de chasse commerciale ou récréative. Comme vous le soulignez, les populations ont augmenté ces dernières années. Nous sommes en train de revenir aux niveaux historiques nationaux.

En ce qui concerne l’absence de chasse commerciale, comme l’a dit M. Burns, il n’y a pas de contrôle des populations ou de programmes d’abattage. Dans le passé, il y a eu un programme de primes et un programme d’abattage. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Puis, bien sûr, nous avons des interdictions en raison de la Marine Mammal Protection Act des États-Unis concernant l’abattage des pinnipèdes.

Nul doute que les phoques sont des prédateurs opportunistes. Ils vont là où se trouve la nourriture. Ils peuvent s’habituer à certains endroits. Ils savent qu’une certaine rivière, peut-être à Haida Gwaii ou ailleurs, est une bonne source de saumon et ils iront s’y nourrir. On verra les effets de la prise de saumons par les phoques, mais ils pêchent également un certain nombre d’autres espèces. Ils prennent ce qu’ils trouvent.

S’il n’y a pas de chasse commerciale... Nous avons une politique qui l’autoriserait. Il s’agirait d’une nouvelle pêche, qui devrait donc être soumise à une politique sur les nouvelles pêches, comme on l’appelle. Toutefois, il faut qu’on ait la preuve qu’un marché est établi ou pourrait être établi pour l’utilisation des animaux ou du produit. Jusqu’à présent, il a été difficile d’établir un marché pour les phoques. Ils sont principalement utilisés pour des raisons culturelles et sociales par des groupes autochtones pour leurs propres besoins. Voilà pourquoi il n’y a pas de chasse.

Il pourrait y en avoir à une petite échelle. La Colombie-Britannique compte environ 85 000 phoques communs et nous pensons que l’on pourrait en prélever environ 5 000 tout en maintenant la population. Il y a de la place pour la chasse. Certains de ces phoques sont capturés par les Autochtones, mais pas un grand nombre. Je me demande si cela répond à certaines de vos questions, sénatrice.

La sénatrice Busson : Jusqu’à un certain point. À titre de précision, dans vos recherches sur les populations, vous concentrez-vous surtout sur la mer des Salish ou avez-vous de bonnes données provenant du Nord de la Colombie-Britannique?

Mme Reid : La majorité des travaux se déroulent dans la mer de Salish. Nous avons quelques travaux de collaboration avec nos partenaires américains, par exemple, dans le sud. Nous effectuons des relevés aériens pour faire des estimations de la population plus généralement, mais nous nous concentrons davantage sur le sud. Je dirais que c’est le cas.

La sénatrice Ataullahjan : Une chose que vous avez dite a piqué ma curiosité. Vous avez parlé d’une collaboration limitée avec l’industrie. Nous savons que l’industrie conteste les affirmations selon lesquelles les phoques ne nuisent pas aux populations de poissons. Nous avons également entendu parler du rapport publié en mai qui indique que les populations de phoques du Groenland et de phoques gris ont atteint des niveaux sans précédent, qu’ils ont des répercussions importantes sur l’océan et l’écosystème du Canada atlantique et qu’on ne peut pas déterminer l’étendue des répercussions à partir des quelques renseignements qu’ont les scientifiques du MPO. Pourriez-vous nous dire quelques mots à ce sujet?

M. Vigneault : Je vous remercie de votre question. Les commentaires des représentants de l’industrie qui ont participé au Groupe de travail sur la science des phoques de l’Atlantique ont été très bien accueillis. J’ai mentionné plus tôt les possibilités et l’intérêt manifestés par l’industrie et les occasions de collecter les données manquantes à des fins de collaboration. Ces suggestions ont été bien accueillies, et nous travaillons là-dessus.

Nous suivons également une partie de la recommandation qui vise à continuer d’obtenir la participation des intervenants de l’industrie non seulement dans le cadre de la collecte de données, mais aussi à titre de détenteurs de connaissances dans le cadre de notre évaluation des stocks. Nous menons cette évaluation par l’entremise d’un processus d’examen par les pairs, mais dans certains cas, nous invitons des détenteurs de savoir traditionnel autochtone qui peuvent aider à encadrer la discussion et aider les scientifiques à interpréter correctement les données. C’est donc une option. Nous présentons également les résultats de notre évaluation aux groupes consultatifs sur le phoque, afin de leur donner la possibilité de poser des questions et de nous donner la possibilité de diffuser l’information.

Au sein du ministère des Pêches et des Océans, nous avons procédé à un exercice interne pour examiner les données scientifiques recueillies à ce jour sur les phoques. Nous avons cerné un certain nombre de lacunes. Il y a un chevauchement avec les recommandations du Groupe de travail sur la science des phoques de l’Atlantique, et nous travaillons donc activement à leur mise en œuvre.

Même s’il existe de nombreuses lacunes fondamentales en ce qui concerne la question de l’alimentation, je pense que nous disposons de méthodes assez rigoureuses pour évaluer la population. C’était d’ailleurs la conclusion du groupe de travail. Dans le cas des lacunes, nous pouvons avoir recours aux données scientifiques pour prévoir l’incidence quantitative de la prédation sur les stocks de poissons commerciaux. C’est dans ce domaine qu’il serait utile de pouvoir compter sur des échantillonnages supplémentaires à diverses périodes de l’année.

Le président : Avant de donner la parole à la sénatrice Cordy, j’aimerais vous demander si vous avez des renseignements à nous communiquer aujourd’hui au sujet du Sommet sur les phoques, qui se déroule à St. John’s. Pouvez-vous nous communiquer des renseignements à cet égard?

M. Burns : Oui. M. Tiwary devait vous en parler, mais malheureusement, son microphone ne fonctionne pas. Je vais donc donner la parole à M. McGillivray.

William McGillivray, directeur général régional, Terre-Neuve-et-Labrador, Pêches et Océans Canada : Le sommet aura lieu à St. John’s, le 8 et le 9 novembre de cette année. Il devrait rassembler un grand nombre de personnes à des fins de collaboration et de discussion sur l’avancement de la gestion des pêches et des recherches scientifiques et la création de possibilités économiques pour les collectivités rurales et autochtones. On mettra également l’accent sur le développement de nouveaux produits et la diversification des marchés pour le phoque et les produits du phoque.

Nous avons hâte de réunir des partenaires de l’industrie, des partenaires autochtones, des représentants du secteur de la pêche commerciale, des représentants d’organismes environnementaux et d’organismes non gouvernementaux, des représentants du milieu universitaire et des représentants des provinces et des territoires.

C’est pour bientôt, et ce devrait être un événement intéressant à cet égard.

En même temps, comme l’a mentionné M. Vigneault, je crois, une réunion du Comité consultatif sur la chasse au phoque dans l’Atlantique se tiendra le 10 novembre prochain. Cette réunion ne fait pas partie du sommet, mais elle est organisée par le ministère et réunit des partenaires autochtones et des partenaires de l’industrie pour discuter des phoques, des méthodes de gestion et des aspects scientifiques.

Le président : Cette réunion aura-t-elle également lieu à St. John’s?

M. McGillivray : Oui, elle se tiendra à St. John’s.

Le président : Je vous remercie.

La sénatrice Cordy : J’allais poser une question sur les possibilités de commercialisation, mais vous l’avez déjà posée. Ensuite, j’allais poser une question sur le sommet, mais vous l’avez également posée.

Le président : Je lis dans vos pensées.

La sénatrice Cordy : J’aimerais donc remercier les fonctionnaires qui comparaissent aujourd’hui. Personnellement, je trouve que c’est un excellent début pour notre étude. Nous devrons certainement approfondir un grand nombre de notions et vous nous avez fourni un excellent fondement à cet égard dans vos témoignages aujourd’hui. Je vous remercie.

La sénatrice Ataullahjan : Je ne sais pas si cela s’applique à l’étude, mais j’ai observé avec consternation la sécheresse en Colombie-Britannique et la quantité de saumons qui ont péri. Cela aura-t-il des répercussions sur la population de phoques? Je n’ai jamais rien vu de tel. Je ne sais pas si quelqu’un d’autre a vu cela, mais c’était horrible.

Mme Reid : Je vous remercie beaucoup.

Je suis tout à fait d’accord avec vous en ce qui concerne les vidéos de cette situation. C’était horrible de voir les répercussions de l’assèchement des cours d’eau et du manque de pluie que nous avons connues en Colombie-Britannique pendant l’été.

En ce qui concerne les répercussions sur les phoques... Il s’agissait d’une énorme quantité de poissons dans un cours d’eau en particulier.

Je pense toutefois que le changement climatique et le manque de pluie auront des répercussions plus importantes sur les saumons qui remontent les rivières. Cela pourrait avoir des répercussions sur les phoques, mais ces répercussions seront beaucoup plus importantes sur les populations de saumons et sur leur remontée dans les rivières, ce qui est très inquiétant.

Le sénateur Francis : Dans le cadre de l’exploitation commerciale du phoque qui se pratique dans les régions de l’Atlantique et de l’Arctique du Canada, combien de chasseurs ayant obtenu un permis commercial participent activement à l’exploitation commerciale, et quelle proportion représentent les chasseurs autochtones?

M. Burns : En fait, je n’ai pas la ventilation des exploitants commerciaux et je ne sais pas s’ils sont autochtones. Je peux vérifier si ces données sont collectées ou si nous pourrions les collecter.

Je peux vous dire, par exemple, qu’en 2021, 3 786 permis commerciaux ont été délivrés à Terre-Neuve, 17 permis à l’Île-du-Prince-Édouard, 11 permis au Nouveau-Brunswick, 45 permis en Nouvelle-Écosse et 951 permis au Québec. En outre, il y a les permis pour usage personnel qui permettent aux détenteurs de capturer des phoques pour leur consommation personnelle. Ces permis sont seulement délivrés à Terre-Neuve et au Québec, où l’on trouve respectivement 1 464 et 547 permis.

Le sénateur Francis : Si vous pouviez obtenir de plus amples renseignements sur cette question, je vous en serais reconnaissant.

M. Burns : Oui, certainement.

Le sénateur Francis : Je vous remercie.

Le président : À des fins d’éclaircissements, s’agit-il de 3 786 permis commerciaux pour la chasse aux phoques?

M. Burns : C’est le nombre de permis qui ont été délivrés. Je n’ai pas les chiffres actifs, c’est-à-dire le nombre de détenteurs de permis qui ont déclaré des débarquements.

À titre de comparaison, en 2021, on a déclaré 26 545 prises pour le phoque du Groenland. C’était une année très basse pour le phoque gris — en fait, c’était une année exceptionnellement basse —, car on a signalé 234 prises pour cette espèce, tandis que ce nombre s’élève à 1 149 phoques gris pour l’année en cours, en plus de 3 phoques à capuchon.

Le président : Les permis de chasse aux phoques sont-ils inclus dans le renouvellement des permis visant d’autres espèces ou font-ils partie d’une catégorie autonome?

M. Burns : Il s’agit d’un permis autonome. C’est un permis de chasse aux phoques.

Le président : Cela fait donc 3 786 phoques pour les permis autonomes et 1 464 phoques pour les permis pour usage personnel.

M. Burns : Et c’est attribuable aux exigences en matière de professionnalisation dans le domaine de la chasse aux phoques.

Le président : Il y a donc plus de 5 000 permis et moins de 30 000 phoques. Je pense que nous avons un problème.

Le sénateur Ravalia : Voici une suggestion ou une question qui sort des sentiers battus. En raison des événements qui se déroulent en Russie et en Ukraine, nous faisons face à une crise mondiale de la sécurité alimentaire. Les phoques représentent une source très riche en protéines. Le ministère des Pêches et des Océans du Canada pourrait-il collaborer avec Affaires mondiales Canada et d’autres ministères pour capturer un grand nombre de phoques et ainsi fournir une source de protéines à des régions du monde qui ont actuellement désespérément besoin de nourriture? Plus précisément, on assiste à l’émergence d’une famine potentielle en Afrique et les sources de nourriture posent problème en Afrique subsaharienne.

Pourriez-vous considérer une telle initiative?

M. Burns : À l’heure actuelle, nous nous concentrons sur le développement des marchés d’un point de vue commercial et ce sera l’objet du Sommet sur les phoques où il y aura des séances d’information sur le développement et la commercialisation des produits.

Ce n’est donc pas la stratégie qui est adoptée à ce moment-ci. Nous nous efforçons plutôt de soutenir les industries de la côte Est qui cherchent à exporter des produits du phoque, et nous tentons de trouver des marchés supplémentaires ou de les aider à trouver des marchés supplémentaires.

Le sénateur Ravalia : Je soulève cette question, car je viens d’avoir une conversation avec un chasseur de phoques très expérimenté de ma collectivité qui pensait, compte tenu de la biomasse existante, que si on donnait aux chasseurs la permission d’augmenter leurs prises et d’être rémunérés uniquement en fonction des coûts de base pour l’acquisition des produits, ils seraient tout à fait disposés à chercher un moyen d’aider les personnes dans le besoin. Je pense que c’est une réponse altruiste qui émerge souvent chez les Terre-Neuviens après les scènes horribles que l’on voit à la télévision. C’est donc une suggestion dont vous pourriez parler.

Le sénateur Quinn : J’aimerais rapidement poser quelques questions. Je veux revenir sur la question du sénateur Ravalia, mais j’aimerais l’aborder sous un angle légèrement différent. Un groupe de sénateurs a formé un groupe appelé Sénateurs pour des solutions climatiques, et l’une des plus grandes spécialistes à l’échelle mondiale a pris la parole devant notre groupe hier. Il s’agit d’une Canadienne, et plus précisément de Mme Katherine Hayhoe, de l’Université Texas Tech. C’est une sommité en matière d’étude du changement climatique et de la façon dont nous pouvons sauver la planète et nous-mêmes. Sans la planète et sans nous, il n’y a pas de relation.

Je suis ravi que vous ayez posé cette question, car lorsque vous avez parlé tout à l’heure de développement de marchés et d’autres sujets connexes, vous parliez de l’aspect commercial. Mais les solutions de marché offrent au Canada l’occasion de devenir une source de protéines pour les pays qui souffrent d’un grave manque de protéines. Il se pourrait que nous ayons une occasion, et vous avez dit qu’il y avait 7,6 millions… Une proportion d’environ 70 % pourrait entraîner des préoccupations pour cette population. Sur ce fondement, avec une proportion de 70 %, on arriverait à un nombre d’environ 5 millions. Il resterait donc 2,5 millions de phoques.

Il serait intéressant de mettre en place un projet pilote dans le cadre duquel le Canada ferait des captures en vue de faire don de protéines aux pays dans le besoin, en payant les chasseurs pour qu’ils capturent les phoques dans ce but. Il pourrait aussi y avoir des sous-produits et des parties exotiques qui seraient utilisées dans d’autres régions du monde. Je pense que c’est un projet que le ministère devrait envisager dans le cadre du développement des marchés, car le Canada pourrait jouer un rôle de chef de file à cet égard. Le ministère des Pêches et des Océans pourrait relever ce défi et jouer ce rôle pour le gouvernement.

Ce n’est qu’un commentaire. Je vous remercie d’avoir posé cette question.

Mon autre question s’adresse à Mme Reid. A-t-on déjà mené une enquête sur le nombre de phoques qui se trouvent sur la côte Ouest? Si oui, pourrions-nous obtenir ces données, afin d’avoir une idée de la situation? Comme le dit ma collègue, la sénatrice Busson, notre comité est fortement axé sur le Canada atlantique, mais cet enjeu est aussi important sur la côte Ouest que sur la côte Est. Il serait donc utile que nous puissions nous faire une idée de l’ampleur de cet enjeu sur la côte Ouest. Je vous présente donc cette demande.

Le président : Monsieur Burns, voulez-vous répondre à la question?

M. Burns : En fait, je demanderais à Mme Reid d’y répondre, car elle a les données pertinentes.

Mme Reid : Je vous remercie. Nous disposons de renseignements récents sur l’évaluation des stocks, et nous pouvons vous les fournir. Il s’agit d’un rapport du Secrétariat canadien des avis scientifiques.

En résumé, il y a environ 85 000 phoques communs et environ 35 000 otaries, si je ne me trompe pas. Je devrai peut-être corriger ces nombres, mais nous pouvons certainement vous fournir des renseignements sur l’évaluation des stocks.

En outre, d’autres travaux sont en cours. Des levés sont fréquemment effectués — c’est-à-dire des levés aériens — sur l’ensemble de la côte. Cette méthodologie nous permet d’avoir une bonne idée de la population de phoques et d’otaries.

Le sénateur Quinn : Je vous remercie. J’ai un autre petit point, très rapidement…

Le président : Un instant, sénateur Quinn. Madame Reid, veuillez nous faire parvenir cette information dès que possible.

Mme Reid : Merci.

Le sénateur Quinn : Je vous remercie. J’ai l’impression que nous allons manquer de temps.

J’aimerais formuler une autre observation. Je viens de passer 11 ans au sein de l’Administration portuaire de Saint John. Durant ces 11 années, j’ai remarqué deux choses. L’une est le retour de divers stocks de poissons dans le port. L’autre est l’augmentation du nombre de phoques communs, à un point tel qu’on pouvait en voir jusqu’à Gagetown, qui se trouve loin de l’embouchure de la rivière.

Il y a donc quelque chose qui se passe. Vous l’avez dit : l’écosystème est très complexe. Je vous fais part de cela pour souligner que ce n’est pas seulement dans la zone côtière de l’Atlantique, mais aussi dans les zones des eaux intérieures. La sénatrice Busson en a parlé également.

C’est un aspect auquel nous devons songer lorsqu’il s’agit de déterminer comment aborder la question plus vaste, car l’écosystème est en évolution, les changements climatiques ont un effet et les mammifères prédateurs et d’autres, notamment les oiseaux, vont décimer les stocks qui sont en augmentation. Cela ne fait aucun doute. C’est ce que je voulais faire observer.

Mme Reid : Je vais intervenir simplement pour corriger le chiffre que j’ai mentionné. En ce qui concerne les lions de mer, c’est entre 38 000 et 48 000. Mon estimation était un peu basse.

Je conviens avec vous que, étant donné que les phoques et les lions de mer sont des prédateurs opportunistes, ils vont aller dans les zones où ils savent qu’ils trouveront de la nourriture en abondance. Nous devons prendre en considération les effets à l’échelle locale ainsi que les répercussions sur l’ensemble de la côte et l’incidence globale qu’ont les phoques sur l’écosystème. Il est vrai qu’ils ont une incidence sur les stocks de saumon, mais aussi sur les stocks d’autres poissons qui se nourrissent de saumons.

L’effet des phoques sur l’écosystème est complexe, car ils font partie d’un grand tout.

La sénatrice Ringuette : Dans le cadre de votre travail de développement des marchés, en ce qui concerne la viande, est-ce que vous investissez dans la recherche et réfléchissez à la façon de commercialiser la viande de phoque? Par exemple, nous avons le saumon fumé et d’autres produits de la sorte. Je sais que les responsables du développement des marchés à Agriculture et Agroalimentaire Canada mènent de nombreuses recherches en vue d’ajouter de la valeur aux produits canadiens.

Est-ce que c’est ce que fait votre ministère dans le cadre de son travail de développement des marchés?

M. Burns : Je vous remercie pour votre question. Je vais essayer d’y répondre, car mon collègue a des problèmes de micro.

Il y a deux points. Premièrement, nous accordons des fonds à l’industrie par l’intermédiaire de diverses sources pour les aider à développer des marchés, à trouver des débouchés et à élaborer des stratégies de développement. C’est ce que nous faisons grâce aux divers mécanismes de financement qui existent.

L’autre point que je voudrais faire valoir, c’est que le Sommet sur les phoques, qui se tiendra le mois prochain à St. John’s, comprend un volet sur la mise au point de produits novateurs et ce genre de choses. Je ne sais pas si mon collègue M. McGillivray souhaite en dire davantage au sujet du sommet, mais je peux dire qu’un aspect important de cette rencontre seront les discussions sur la diversification des produits, afin de concevoir de nouveaux produits qui pourraient être vendus dans des marchés étrangers, où d’autres parties du phoque sont peut-être interdites.

La sénatrice Ringuette : Par exemple, il y a 100 ans, le homard était utilisé comme engrais, et maintenant, c’est probablement le produit de la mer le plus cher que nous exportons. Il faut absolument se pencher sur la valeur ajoutée et le type de protéines que nous pouvons exporter un peu partout dans le monde. Je vous remercie.

Vous m’avez ouvert la porte pour ma deuxième question. Je ne suis pas un membre permanent du comité, mais j’estime qu’il entame une étude extrêmement importante. C’est une coïncidence que vous teniez un sommet sur les phoques cet automne. J’espère que les membres du comité recevront une invitation pour participer à ce sommet.

Le président : Je veux justement en parler durant mon mot de la fin.

Monsieur McGillivray, avez-vous quelque chose à ajouter à la réponse qu’a donnée M. Burns à la question de la sénatrice Ringuette concernant le sommet et la mise au point de produits?

M. McGillivray : Je n’ai rien à ajouter, mais j’ai bien entendu la demande.

Le président : D’accord. Merci.

Je tiens à remercier les témoins pour leur présence ce matin. Comme je l’ai mentionné avant que nous commencions, vous êtes les premiers témoins que nous entendons dans le cadre de cette étude que nous entamons et qui devrait être une étude très intéressante, compte tenu de l’information considérable que vous nous avez fournie ce matin. Nous nous réservons le droit de vous inviter à comparaître de nouveau au besoin au cours de notre étude, car je suis certain que nous allons obtenir de l’information de la part d’autres témoins qui suscitera certainement d’autres questions auxquelles seul le ministère pourra répondre. Nous serions ravis d’avoir l’occasion de discuter avec vous à nouveau.

J’aimerais lancer une invitation à mes collègues vu l’information que nous avons obtenue ce matin concernant la tenue du Sommet sur les phoques à Terre-Neuve-et-Labrador. Novembre est toujours une bonne période pour visiter notre province. En fait, c’est toujours une bonne période pour visiter Terre-Neuve-et-Labrador. Nous serons ravis d’accueillir quiconque souhaitera se joindre à nous. Personnellement, ce sommet m’intéresse au plus haut point. Il s’agit certes d’une expérience d’apprentissage qui contribuera à nos travaux dans le cadre de notre étude.

Encore une fois, M. Burns et les autres, veuillez transmettre à nos analystes dès que possible l’information que nous avons demandée, car cette information nous aidera pour notre étude.

Sénatrice Busson, je vois que vous agitez la main.

La sénatrice Busson : Je suis désolée, monsieur le président, mais c’est lié à ce que vous avez dit. Si un rapport sur le Sommet sur les phoques est publié, je demande qu’il fasse partie de l’information qui nous sera transmise.

Le président : Cela ne devrait pas poser problème, à mon avis.

(La séance est levée.)

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