LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES PÊCHES ET DES OCÉANS
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mardi 29 novembre 2022
Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd’hui, à 18 h 43 (HE), avec vidéoconférence, afin d’examiner pour en faire rapport les populations de phoques au Canada ainsi que leurs impacts sur les pêches au Canada.
Le sénateur Fabian Manning (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je m’appelle Fabian Manning, sénateur de Terre-Neuve-et-Labrador, et j’ai le plaisir de présider ce comité.
Aujourd’hui, nous tenons une réunion du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans. En cas de difficultés techniques, particulièrement en ce qui concerne l’interprétation, veuillez m’avertir ou avertir la greffière, et nous nous efforcerons de régler le problème. J’aimerais prendre quelques instants et demander aux sénatrices et sénateurs qui se sont joints à nous, jusqu’à présent, ici ce soir, de se présenter.
Le sénateur Ravalia : Je m’appelle Mohamed Ravalia. Je représente la province de Terre-Neuve-et-Labrador. J’aimerais vous souhaiter tous deux la bienvenue. Merci d’être ici.
La sénatrice Cordy : Merci à vous deux d’être ici pour la séance de ce soir. Je m’appelle Jane Cordy, sénatrice de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Busson : Je veux moi aussi vous souhaiter la bienvenue. Je suis sénatrice de la Colombie-Britannique. Je m’appelle Bev Busson.
Le président : Merci, sénatrices et sénateurs. Il se peut que d’autres sénateurs se joignent à nous plus tard.
Avant de passer aux questions et aux réponses, j’aimerais demander aux membres présents dans la salle de ne pas trop s’approcher des microphones ou de retirer leur écouteur quand ils le font. Cela permettra d’éviter des rétroactions sonores qui pourraient nuire au personnel dans la salle.
Le 4 octobre 2022, le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans a été autorisé à examiner pour en faire rapport les populations de phoques au Canada ainsi que leurs impacts sur les pêches au Canada.
Aujourd’hui, dans le cadre de ce mandat, le comité entendra les représentants du ministère des Pêches et des Océans que voici : M. Todd Williams, directeur général par intérim, Gestion des pêches et des ressources, Secteur de la gestion des pêches et des ports, et M. Ken Smedbol, directeur principal par intérim, Sciences, Région des Maritimes.
Nous espérons — nous avons quelques difficultés techniques en ce moment — que Mme Nell den Heyer, chercheuse scientifique, puisse se joindre à nous. Notre équipe technique y travaille en ce moment.
Au nom des membres du comité, j’aimerais vous remercier de vous être joint à nous ici aujourd’hui. Je crois savoir que M. Williams a quelques déclarations préliminaires.
La sénatrice McPhedran se joint à nous. Merci, sénatrice.
Monsieur Williams, vous avez la parole.
Todd Williams, directeur général par intérim, Gestion des pêches et des ressources, Secteur de la gestion des pêches et des ports, ministère des Pêches et des Océans : Merci beaucoup, monsieur le président.
Je suis le directeur général par intérim de la Gestion des pêches et des ressources au ministère des Pêches et des Océans. Je suis accompagné aujourd’hui de Mme Cornelia den Heyer, chercheuse scientifique sur les mammifères marins, région des Maritimes, et de M. Ken Smedbol, directeur principal, Sciences, Région des Maritimes.
[Français]
Pêches et Océans Canada gère les pêches dans le but de maintenir les stocks en bonne santé, de protéger la biodiversité et de s’assurer que nos pêches demeurent productives. La ministre s’est engagée à soutenir des pêches durables et prospères en recourant à la science et à une prise de décision fondée sur des preuves.
[Traduction]
Le gouvernement s’est engagé en faveur d’une chasse durable, humaine et bien réglementée. La chasse au phoque soutient les collectivités autochtones, rurales et côtières du Canada, car il s’agit d’une activité économique et culturelle importante dans le Canada atlantique, au Québec et dans l’Arctique. La chasse au phoque fournit de nombreux emplois saisonniers dans un certain nombre de collectivités côtières et nordiques éloignées du Canada.
[Français]
Le ministère gère la chasse au phoque selon la même approche que toutes les autres pêches gérées commercialement, en veillant à ce que les populations de phoques restent au-dessus d’un niveau de référence prudent pour assurer leur viabilité. Le ministère fonde ses décisions de gestion sur les meilleurs renseignements disponibles.
[Traduction]
Le ministère est très conscient des préoccupations des pêcheurs commerciaux quant à l’incidence des phoques sur les stocks de poissons. Cependant, la gestion des phoques dans le Canada atlantique n’a pas pour but de servir d’outil de réduction des populations de phoques. L’absence de débouchés commerciaux pour les produits dérivés du phoque et la participation réduite à la chasse au phoque signifient toutefois que les prélèvements restent bien en deçà des niveaux exploitables.
Par exemple, entre 2018 et 2022, les débarquements annuels de phoques du Groenland se sont élevés en moyenne à 7 % de l’avis scientifique le plus récent de 425 000 phoques pouvant être chassés chaque année. Au total, seulement 149 000 phoques du Groenland ont été chassés au Canada atlantique et au Québec au cours de ces cinq années. Les chiffres de la chasse au phoque gris sont encore plus bas; les débarquements s’élèvent en moyenne à 1 % de l’avis scientifique le plus récent.
[Français]
Les 8 et 9 novembre, à St. John’s, à Terre-Neuve-et-Labrador, la ministre a réuni des partenaires autochtones, l’industrie de la pêche commerciale, des représentants provinciaux et territoriaux, ainsi que d’autres intervenants et experts. Son objectif était d’explorer de nouvelles possibilités d’élargir l’offre de produits du phoque canadiens dans les marchés, de souligner l’importance de la chasse au phoque pour les collectivités autochtones et d’aider à combler les lacunes en matière de données sur les populations de phoques.
[Traduction]
Juste avant le Sommet sur les phoques, j’ai présidé une séance du Comité consultatif sur les phoques de l’Atlantique. Le comité est le principal organe consultatif pour la gestion et le développement de la chasse au phoque de l’Atlantique et est composé de représentants de l’industrie, de groupes autochtones, d’organisations non gouvernementales et d’organismes gouvernementaux.
À la suite de ces discussions, un groupe de travail a été mis sur pied pour examiner les politiques et les règlements qui régissent les aspects liés à la délivrance de permis pour la chasse au phoque. L’examen permettra de déterminer les changements qui pourraient être apportés pour accroître la participation à la chasse et réduire les obstacles à celles-ci.
[Français]
Pêches et Océans Canada dispose d’un solide programme scientifique et nous améliorons continuellement notre compréhension des populations de phoques de l’Atlantique et de leurs incidences potentielles sur les stocks de poissons. Lors de la réunion, des scientifiques du ministère ont présenté aux membres du comité des possibilités pour simplifier le prélèvement d’échantillons effectué par des chasseurs, pour faciliter la recherche continue sur la prédation exercée par les phoques.
[Traduction]
Afin de favoriser la collaboration entre l’industrie et les activités scientifiques du ministère des Pêches et des Océans, conformément aux recommandations de l’équipe spéciale, annoncées plus tôt cette année, la ministre a lancé un appel d’offres ouvert pour mieux comprendre le rôle des phoques dans l’écosystème. Elle a lancé l’appel d’offres à la fin du dernier Sommet sur les phoques.
Merci de votre travail sur cette question et du temps que vous nous accordez ici aujourd’hui. C’est avec plaisir que nous répondrons maintenant à vos questions.
Le président : Merci, monsieur Williams.
Nous avons réussi à joindre Mme den Heyer. Bienvenue. Tout semble bien fonctionner.
Nous passons à la sénatrice Busson, vice-présidente du comité, pour les premières questions.
La sénatrice Busson : Même si vous n’en avez pas précisément parlé, je suis curieuse de savoir quels sont les effets du changement climatique sur les populations de phoques au Canada. Il ne fait aucun doute que le changement climatique a eu un effet sur les populations de phoques dans tout le pays et qu’il a créé diverses difficultés pour ce qui est de la recherche, de la conservation et de la capacité à évaluer l’effet de la prédation des phoques sur les stocks de poissons. Selon vous, le changement climatique aurait-il eu un effet différent sur la côte Ouest et sur la côte Est en ce qui concerne l’environnement, les répercussions et les populations de phoques du Pacifique et de l’Atlantique?
Ken Smedbol, directeur principal (par intérim), Sciences, Région des Maritimes, ministère des Pêches et des Océans : Merci de la question. Je peux peut-être commencer, et je céderai ensuite la parole à ma collègue Mme den Heyer, qui dirige notre équipe de recherche sur les phoques dans la région des Maritimes.
Assurément, la question du changement climatique et la dynamique des populations marines est un domaine qui fait l’objet de recherches soutenues. Je ne connais aucune recherche en cours qui montre qu’il y a des différences au sein des populations de pinnipèdes, ou entre les populations de chaque côte, en lien avec le changement climatique, mais je m’en remettrai à ma collègue, Mme den Heyer.
Nell (Cornelia) den Heyer, chercheuse scientifique, Division de l’écologie des populations, Sciences, Région des Maritimes, ministère des Pêches et des Océans : J’aimerais simplement commencer par reconnaître que je me joins à vous depuis le territoire traditionnel des Micmacs; je vous remercie de m’avoir invitée à la séance, et je vais tenter de répondre à la question.
Il y aurait des différences dans la réaction des populations de phoques de la côte Ouest et de la côte Est face au changement climatique. On s’attend à ce que toutes les populations de pinnipèdes affrontent un jour ou l’autre des changements dans les proies et les prédateurs entraînés par le changement climatique. Plus précisément, sur la côte Est, l’état de la glace change. Je peux le mieux parler de la population de phoques gris, car je travaille principalement sur cette population... mais j’ai des collègues qui pourraient parler d’autres espèces qui dépendent de la glace.
Les phoques gris ne dépendent pas de la glace, mais peuvent se reproduire sur la glace, et ils le font dans le golfe du Saint-Laurent depuis un certain temps. Au cours des dernières années, la glace a diminué dans le golfe du Saint-Laurent. Pendant cette période de diminution, l’instabilité de la glace a affecté la survie des jeunes phoques gris. Dans nos modèles d’évaluation, nous avons pris en compte certains des changements au chapitre de la survie des petits dus à l’instabilité de la glace. Maintenant qu’il y a moins de glace dans le golfe, la population de phoques gris du golfe se reproduit sur les îles; nous constatons donc un changement dans la répartition des aires de reproduction du phoque gris et nous n’avons plus à tenir compte, dans l’évaluation, du mauvais état de la glace pour ce qui est de la survie des phoques gris.
La sénatrice Busson : Si je puis me permettre, j’aimerais ajouter quelque chose, compte tenu de la question. Fait intéressant, vous avez dit qu’il y a eu un changement dans les habitudes de reproduction. D’autres experts nous ont dit qu’il y a eu un changement dans les habitudes de prédation des phoques, compte tenu des changements des écosystèmes. Ai-je raison de supposer que, plutôt que d’affecter la population elle-même, la capacité d’adaptation des phoques nous amène, pas nécessairement à conclure, mais à soupçonner, qu’il s’agit davantage d’un changement d’habitudes que d’un changement de la population ou d’une réduction de la population en soi?
Mme den Heyer : J’aimerais vous remercier de cette question.
Le nombre de phoques gris en particulier a augmenté, et on s’attend à voir des changements dans la distribution de leurs efforts de recherche de nourriture du fait que leur nombre a augmenté. De plus, on constatera des changements lorsqu’ils réagiront aux changements de leurs proies. Les phoques gris sont des prédateurs généralistes. Il y a beaucoup de détails à prendre en compte quand on essaie d’estimer le régime alimentaire des phoques gris, mais on peut s’attendre à ce qu’il change en fonction de la distribution et de l’abondance des proies ainsi que des phoques gris eux-mêmes.
Le sénateur Ravalia : J’ai eu l’occasion d’assister avec le président au Sommet sur les phoques. C’était assurément très instructif. Je vis dans une collectivité qui a toujours été très dépendante de la pêche au phoque. Je viens de Twillingate sur la côte nord-est de Terre-Neuve et j’ai eu l’occasion de discuter avec bon nombre de mes amis et collègues qui travaillent dans l’industrie.
Les informations que je recueille pendant mes discussions avec des pêcheurs expérimentés sont très différentes de ce que nous disent les scientifiques. Je suis un peu curieux. Comment pouvez-vous, en tant que scientifiques et chercheurs, mieux intégrer les pêcheurs et les chasseurs de phoque dans certains des projets scientifiques en cours sur les phoques? Y a-t-il beaucoup de collaboration? D’après les discussions, en général, il semble que vous soyez peut-être un peu polarisés. Je me demandais si vous pouviez commenter cela, s’il vous plaît.
M. Smedbol : Merci de la question.
Dans mon poste d’attache, je suis responsable d’une division de chercheurs scientifiques et de biologistes qui travaillent à la recherche, à la surveillance et à l’évaluation des espèces commerciales et des pinnipèdes dans la région des Maritimes. Je suis au courant des enjeux liés aux phoques dans d’autres régions, mais je ne connais pas les relations directes et individuelles entre les chercheurs de Terre-Neuve-et-Labrador, par exemple, et les chasseurs de phoques. Cependant, je peux parler de manière plus générale des types de collaboration dont vous parlez.
Il y a une collaboration continue pour la collecte d’informations biologiques sur les pinnipèdes, principalement au moyen de la chasse. Dans la région de Terre-Neuve-et-Labrador, en particulier, bon nombre des échantillons d’estomac et de tissus que le ministère reçoit proviennent des chasseurs. Ce travail, bien sûr, a tendance à se concentrer dans la zone côtière, car c’est là qu’ils se trouvent. Nous constatons que la diminution — comme l’a dit ma collègue — du nombre de phoques pêchés entraîne une diminution du nombre d’échantillons que nous recevons, puisque c’était la source principale de notre échantillonnage.
Nous sommes toujours prêts à parler au nom du secteur des sciences du ministère des Pêches et des Océans. Nous sommes toujours prêts à collaborer et à discuter avec les chasseurs ou les groupes d’intervenants intéressés qui voudraient participer aux travaux scientifiques. Nous avons un large éventail de collaborations pour un large éventail d’espèces, qu’elles soient exploitées ou en péril. Nous sommes tout à fait ouverts à ces discussions. Je ne peux pas parler de l’état actuel de la relation. Je n’en ai pas connaissance.
Je donnerais peut-être de nouveau la parole à Mme den Heyer, parce qu’elle a ses propres collaborations. Elle pourrait peut-être en parler. Madame den Heyer, avez-vous quelque chose à ajouter?
Mme den Heyer : Dans la région des Maritimes, nous n’avons pas beaucoup de collaborations avec un groupe industriel, parce que nous n’avons pas beaucoup de chasseurs actifs dans l’industrie. Cependant, M. Smedbol a eu raison de dire que, pour les évaluations des phoques gris, nous obtenons des informations à partir d’échantillons prélevés par les pêcheurs sur le taux de reproduction dans le golfe du Saint-Laurent. D’après ce que je comprends, il existe un programme plus dynamique de collecte de données sur les phoques du Groenland concernant le taux de reproduction et d’autres données provenant d’échantillonnages effectués par les chasseurs.
Le sénateur Ravalia : Simplement pour changer de sujet, à la fin du sommet, la ministre Murray a lancé un appel d’offres ouvert pour obtenir des propositions visant à améliorer notre compréhension des environnements océaniques et d’eau douce et du rôle des phoques dans l’écosystème. Il y a eu aussi beaucoup de discussions sur les avantages économiques potentiels, si l’on trouvait un moyen de faire en sorte que cette grande masse protéinique qui se trouve au large de nos côtes puisse, d’une manière ou d’une autre, trouver son chemin vers les régions du monde où l’insécurité alimentaire est devenue un si grand problème. Y a-t-il eu des discussions à ce sujet entre le ministère des Pêches et des Océans, la division des pêches et peut-être Affaires mondiales sur la façon dont on pourrait peut-être utiliser la ressource qui n’est pas actuellement pêchée, même par nos propres pêcheurs, au profit de nations qui bénéficieraient considérablement des produits dérivés du phoque, en particulier de la composante protéinique?
M. Williams : C’est une très bonne question. Je vous en remercie. C’est une question dont on a discuté précédemment.
En ce qui concerne cette question, je pense que mes collègues du Secteur de la politique stratégique du ministère des Pêches et des Océans sont les mieux placés. Ils entretiennent des relations avec Affaires mondiales Canada et se concentrent également sur le commerce et l’accès aux marchés de manière plus générale. Du point de vue de la gestion des pêches, mon objectif est un peu plus ciblé. Une fois les prises débarquées, cela devient une autre histoire, et bien sûr, la science, avec un objectif similaire également.
La sénatrice Cordy : Quand vous menez des recherches scientifiques — et nous examinons les impacts des phoques sur la pêche —, examinez-vous seulement la population de phoques? S’agit-il de l’objet de votre étude, ou examinez-vous les phoques et les impacts d’une population croissante de phoques? Madame den Heyer, vous avez parlé de la croissance de la population de phoques gris; examinez-vous l’impact de l’augmentation de la population de phoques gris, qui pourrait entraîner une diminution de la quantité de poissons? Êtes-vous plus spécifiques, ou faites-vous des recoupements?
M. Smedbol : Merci de la question. Je vais commencer par donner une vue d’ensemble de la gestion scientifique de cela. Assurément, Mme den Heyer travaille sur deux ou trois projets qui concernent directement votre question, et je lui céderai la parole.
La réponse courte est que nous faisons les deux, mais ce ne sont pas nécessairement les mêmes groupes qui le font, dans une région, car cela nécessite un éventail d’experts. L’unité de Mme den Heyer est principalement responsable de nos travaux de recherche et de surveillance des phoques dans la région des Maritimes, et j’utiliserai la région des Maritimes comme exemple, car c’est la région que je connais le mieux.
Nous avons également un certain nombre d’autres unités de recherche et de surveillance qui se concentrent sur des espèces précises de poissons, particulièrement s’ils sont pêchés. Il y a des projets de recherche et de surveillance individuels sur les tendances de l’état, sur l’habitat et sur les effets de certains facteurs sur ces populations particulières.
Ensuite, il y a la deuxième partie du travail sur lequel portait votre question, et c’est lorsque vous mettez ces deux aspects ensemble, quand vous essayez de déterminer s’il y a des impacts mesurables sur les espèces-proies dans une même région ou une même zone. Au secteur des sciences du ministère des Pêches et des Océans, nous avons tendance à nous concentrer sur les espèces commerciales, en lien avec votre question, et je pense que vous connaissez un exemple, dans le sud du golfe du Saint-Laurent, où on a montré que la prédation de la morue par le phoque gris empêche le rétablissement dans cette zone.
La réponse courte à votre question est que c’est un domaine de recherche active. Nous faisons les deux, et nous faisons appel à des experts dans chacun de ces domaines pour y travailler.
Je vais peut-être maintenant laisser la parole à Mme den Heyer, car elle participe à certains de ces travaux.
Mme den Heyer : Je vous en remercie.
Je pense que c’est un survol du processus. Nous avons un programme de recherche actif où nous tentons de fournir l’information nécessaire pour comprendre le rôle des phoques dans l’écosystème. En particulier, quand on parle de la question des répercussions sur des espèces spécifiques, on voudra savoir combien de phoques il y a, ce qu’ils mangent, en quelle quantité et où ils mangent.
Nous menons des recherches actives dans un grand nombre de ces domaines, et ces informations alimentent ensuite, dans les cas les plus récents, les évaluations de stock par espèce. Les informations seraient utilisées dans le cadre d’évaluations de stock par espèce, sous forme d’information soit qualitative, soit quantitative, pour estimer la mortalité de stocks particuliers en raison de la prédation par les phoques.
M. Smedbol avait raison quand il dit que le sud du golfe du Saint-Laurent est l’une des régions où un certain nombre de ces évaluations quantitatives ont été effectuées.
La sénatrice Cordy : Vous avez parlé de la pêche à la morue, et je crois que les gens de ma génération se souviennent de John Crosbie, à Terre-Neuve, qui était intervenu pour dire qu’ils n’avaient pas sorti le maudit poisson de l’eau, ou quelque chose du genre, et on le félicite de s’être rendu dans une collectivité de pêcheurs pour le dire aux gens, c’est certain, parce qu’il aurait été plus facile d’aller au centre-ville d’une ville juste pour dire cela.
L’idée était de réduire la pêche à la morue pour rétablir les stocks. D’après les témoignages que nous avons entendus, les stocks de morue ne sont pas rétablis. Nous avons également entendu des pêcheurs dire que l’augmentation de la population de phoques est au moins en partie responsable de cela. Voyez-vous une corrélation dans les études que vous menez, ou avez-vous cherché une corrélation?
M. Smedbol : Merci de la question. Je peux vous donner une vue d’ensemble de cela. Dans la région des Maritimes, nous ne participons pas particulièrement aux études individuelles menées à Terre-Neuve-et-Labrador ou dans le golfe, mais je peux en parler de manière un peu plus générale.
D’abord, concernant votre point sur le rétablissement des stocks de morue, il n’y a aucune preuve de rétablissement pour aucune des populations de morue qui s’étaient effondrées, sauf pour la morue au nord-est de Terre-Neuve. La population de morue du Nord augmente lentement. Elle est toujours bien en deçà de son point de référence limite, mais elle connaît une lente augmentation depuis les 10 dernières années environ. Dans d’autres régions, nous n’avons pas constaté de tendances positives similaires au fil du temps. Les stocks ont été faibles ou ont continué de diminuer. Nous avons déjà donné l’exemple de la morue du sud du golfe et de ses impacts attestés sur les phoques, du moins d’après une analyse quantitative.
Si je parle d’abord de la morue du Nord, en utilisant les meilleures informations disponibles sur le régime alimentaire des communautés marines, pas seulement les phoques, mais les autres mammifères marins, les poissons, etc., avec les meilleures informations disponibles, les analyses qui ont été effectuées jusqu’à présent par mes collègues du ministère des Pêches et des Océans dans la région de Terre-Neuve n’ont pas montré que les phoques ont des impacts sur les tendances à long terme sur la morue du Nord. En fait, la quantité consommée par les phoques est inférieure à la quantité consommée par l’éventail des autres poissons qui se nourrissent de morue. Encore une fois, c’est en utilisant les meilleures informations disponibles.
Les deux meilleurs exemples de tentative pour distinguer l’effet de prédation des phoques sur des stocks de poisson appauvris sont les exemples que je viens de donner, Terre-Neuve et, bien sûr, le sud du golfe. En fait, dans le sud du golfe, on a montré que les phoques n’ont pas seulement des impacts sur le rétablissement des stocks de morue du Nord. Ils en ont sur la plie canadienne, la raie tachetée et le merlu, donc un bon nombre d’espèces.
Il faut savoir que ces régions sont très différentes du point de vue écologique et géographique. Le sud du golfe du Saint-Laurent est une petite région, assez uniforme, et l’habitat d’hivernage de la morue y est bien défini, alors que, pour la morue du Nord, c’est une zone très large des plateaux de Terre-Neuve-et-Labrador.
Pour revenir à votre question, il y a toujours des recherches actives en cours pour approfondir cette question, pas seulement à Terre-Neuve et dans le golfe du Laurent, mais également sur la plateforme néo-écossaise.
Encore une fois, Mme den Heyer participe à certains de ces travaux et peut vous en parler un peu, si vous le souhaitez.
Mme den Heyer : Encore une fois, merci.
Je pense que M. Smedbol a très bien résumé l’étendue des travaux effectués, et des projets de recherches actifs en cours. Je participe à un projet dans le Sud-Ouest de la Nouvelle-Écosse — il en est à ses débuts actuellement — pour examiner le lien entre les phoques et la morue dans cette région.
La sénatrice Cordy : Quand nous avons posé la question aux pêcheurs qui ont comparu devant notre comité, ils ont tous assurément rejeté la faute directement sur la quantité de morues que consomme chaque phoque, ce qui empêche la croissance de la population. Au cours des années où la pêche à la morue a considérablement diminué, bon nombre s’attendaient à ce que la morue revienne à la vie, faute d’un meilleur mot, et que la croissance commence. Vous dites que ce n’est pas la faute des phoques. La majorité, voire la totalité, des travailleurs du secteur de la pêche qui ont comparu ont dit que c’était à cause de la population de phoques.
M. Smedbol : Merci de la question. Je vais peut-être commencer, et Mme den Heyer et moi ferons équipe pour répondre.
D’abord, encore une fois, en ce qui concerne les populations de morue autour de Terre-Neuve, et particulièrement l’étude que je viens de mentionner, elle utilise, comme je l’ai dit, les meilleures informations disponibles. Les résultats ne montrent pas que les phoques n’ont pas d’impact; les résultats montrent plutôt que les phoques ne sont pas le facteur déterminant de l’évolution de la population. Ce n’est donc pas un impact nul, mais ce n’est pas la cause de la tendance que nous observons. En fait, la consommation totale est inférieure, comme je l’ai dit, à celle des autres prédateurs de la morue.
Maintenant, une mise en garde concernant tous ces types d’études sur le régime alimentaire et les écosystèmes, c’est qu’elles dépendent bien sûr de données de haute qualité sur la consommation d’une série d’espèces, pas seulement les phoques, si vous voulez, mais d’autres espèces qui peuvent manger l’espèce qui vous intéresse. Il faut bien analyser ces informations dans le temps et dans l’espace car, bien sûr, les populations de phoques évoluent dans le temps et migrent, tout comme de nombreuses espèces de proies. Il y a cette évolution dans le temps et l’espace, et il faut essayer de cerner ces chevauchements.
Assurément, dans notre échantillonnage à ce jour... et ce n’est pas seulement à Terre-Neuve. Un peu partout, sauf dans le sud du golfe, il y a des trous dans les données sur le temps et l’espace. Par exemple, on peut imaginer à quel point il est difficile de recueillir des échantillons de ce que consomment les phoques au large des côtes pendant l’hiver. Ce n’est pas une tâche banale. Et cela coûte très cher.
Je vais peut-être à nouveau céder la parole à Mme den Heyer à ce point-ci.
Mme den Heyer : Merci de la question.
Je me fais l’écho de M. Smedbol. Lorsque nous avons examiné les effets directs et essayé d’évaluer le rôle de la prédation des phoques et de la mortalité dans les stocks évalués, nous avons constaté, dans un certain nombre de cas, notamment dans le golfe du Saint-Laurent, que les phoques empêchaient le rétablissement des stocks et contribuaient ainsi à la mortalité naturelle. On doit évaluer cela dans le contexte de toutes les causes de mortalité, et ce travail est en cours. Un certain nombre d’autres espèces consomment une proie donnée, et l’évaluation de l’impact des phoques sur une espèce donnée est donc un travail à grande échelle.
Ensuite, il faut se préoccuper des impacts imprévus. Les phoques mangent toutes sortes d’espèces, ils peuvent donc avoir d’autres impacts sur les espèces qui sont liées à l’espèce que vous examinez. C’est simplement une mise en garde, ce n’est pas toujours une simple question directe. Il peut y avoir des concurrents, par exemple des phoques qui consomment d’autres espèces prédatrices d’une espèce particulière. C’est certainement une question qui fait l’objet d’une étude approfondie dans de nombreux forums, mais ce n’est pas une question facile. Elle comporte de nombreux aspects qui doivent être pris en compte.
M. Smedbol : Pour répondre à la question, j’ajouterais que notre travail d’échantillonnage n’invalide aucunement les observations des pêcheurs commerciaux locaux. C’est un fait. Bien au contraire, si vous devez évaluer l’impact général d’une population sur une autre, vous devez le faire dans un contexte plus large. Il pourrait très bien y avoir des niveaux de prédation relativement élevés dans des régions précises, mais ces niveaux de prédation sont-ils les mêmes dans l’ensemble de la population? Je veux insister sur ce point. Cela n’invalide pas les observations faites sur l’eau. Il s’agit de mettre les choses en contexte.
La sénatrice Cordy : Quels sont les autres prédateurs qui appauvrissent les stocks de morue?
M. Smedbol : Merci de poser la question. La réponse n’est pas simple. Une fois de plus, je pourrais peut-être parler de manière générale de la prédation et des interactions entre les communautés dans l’océan, puis céder la parole à Mme den Heyer afin qu’elle donne plus de détails.
Ce qui est intéressant au sujet de la prédation et de la consommation dans un environnement marin, c’est que c’est souvent lié à la taille des espèces. En fait, certaines espèces peuvent se nourrir d’une espèce d’une taille particulière, qui se nourrit d’espèces de taille différente. Il peut y avoir un lien avec la taille. Je ne voudrais pas paraître facétieux, mais on peut dire que, essentiellement, les gros poissons se nourriront de poissons relativement plus petits.
Prenons, par exemple, la morue de l’Atlantique. Ce que mange la morue de l’Atlantique dépend de sa taille et de l’endroit où elle se trouve. Bon nombre de mammifères marins et de piscivores de grande taille, c’est-à-dire presque tous les gros poissons, se nourrissent de morues juvéniles. Celles-ci gagnent ensuite en taille, et se font manger par d’autres morues plus grosses ou par les prédateurs qui se trouvent en haut de l’écosystème. Les mammifères marins pourraient certainement faire partie de cette catégorie, ainsi que les requins et d’autres poissons de grande taille, selon la population dont il est question.
Il n’y a pas de réponse simple à cette question, et cela dépend également de la structure des populations locales. Les espèces qui se nourrissent de morue au fond de la baie de Fundy peuvent faire partie d’une chaîne de prédation différente de, disons, celle du sud du Labrador, simplement parce que les structures de populations sont différentes.
Madame den Heyer, pourriez-vous m’aider à répondre? Merci.
Mme den Heyer : Je crois que c’est la liste générale. Ce sont les gros poissons piscivores et les autres mammifères marins. Il y a d’autres causes de mortalité que nous ne prenons pas en compte et qui seraient liées également aux pêches. Un certain nombre de choses sont à prendre en considération.
Nous avons de temps à autre déployé d’importants efforts pour faire une modélisation d’un certain nombre d’écosystèmes du Canada atlantique; il y a donc des sources d’information qui illustrent également la situation et qui évaluent le rôle relatif de certaines espèces.
Le président : Durant le Sommet sur les phoques, nous avons entendu dire — corrigez-moi si je me trompe, et le sénateur Ravalia pourrait m’aider — que la population de phoques au large des côtes de Terre-Neuve-et-Labrador était estimée, je crois, à 7,3 millions d’individus. Une fois de plus, je n’arrive jamais à comprendre comment on arrive à compter 7,3 millions de phoques, mais quoi qu’il en soit, je suis certain qu’il existe une méthode pour y arriver. Il ne fait aucun doute qu’ils consomment une quantité importante de morues. Nous avons entendu dire, au Sommet sur les phoques, qu’à certains endroits dans la province, on a ouvert l’estomac de phoques et on y a trouvé de 30 à 40 crabes. J’imagine que, s’il manque de morues à certains endroits, les phoques trouveront d’autres choses à manger.
Je me demandais, si la population de phoques n’est pas la principale cause de l’épuisement des morues, quelle en est la cause, à votre avis? À quand remonte la dernière étude exhaustive sur la population de morues et la population de phoques et leurs interactions, si ma question est claire?
M. Smedbol : Merci de poser la question.
Avant de commencer, je dois dire que je travaille dans la région des Maritimes, et non dans la région de Terre-Neuve, et que j’en connais seulement un peu sur le sujet, mais nous ne sommes pas les experts à qui on a confié cette tâche.
L’étude la plus récente sur la morue du Nord et la prédation par les phoques date de 2018 ou de 2019. Comme je l’ai dit, ce travail, mené à la fois par des scientifiques du MPO et certains collaborateurs externes, démontre en fait que les phoques du Groenland ont un impact non négligeable sur l’épuisement des stocks de morue. C’est simplement qu’ils ne constituent pas le facteur principal qui a une incidence sur les tendances de la population. Selon cette étude précise, il faut plutôt tenir compte d’un facteur que l’on appelle ascendant, c’est-à-dire que cet épuisement s’explique principalement par les conditions océanographiques qui touchent les proies de la morue, soit le capelan et la crevette essentiellement. L’abondance relative du capelan et de la crevette est un facteur qui a plus d’incidence sur l’abondance de la morue que la prédation de la morue. Je crois qu’il faut tenir compte de ce facteur ascendant plutôt que du facteur descendant.
Une fois de plus, cela fait l’objet de recherches actives. Le travail est toujours en cours, et on reconnaît la nécessité de combler certaines lacunes en matière d’information sur le temps et l’espace. Tous les travaux qui ont été publiés jusqu’à présent sont fondés sur la meilleure information accessible, mais cela ne veut pas dire que le travail est terminé. Bien entendu, nous pouvons recueillir plus d’information sur la consommation dans le temps et l’espace pour bien échantillonner cette variation en fonction de ces facteurs. C’est un aspect essentiel.
Vous pouvez le constater dans les exemples qui ont été donnés plus tôt au sujet des phoques dont l’estomac a été ouvert et qui consomment beaucoup de morues. Comme je l’ai dit, c’est une observation factuelle. Le truc, c’est que, lorsqu’on pense aux morues du Nord — vous savez, qui se trouvent dans les zones 2J et 3KL, à 30 degrés de latitude —, il s’agit d’une population très vaste. Il faut être en mesure d’échantillonner selon le temps et l’espace pour avoir une bonne idée de ce qui se passe partout, en même temps. Ce n’est pas une tâche facile. Nous y portons une attention particulière et continuons à y travailler. Cela fait l’objet de recherches actives.
Je vais céder la parole encore une fois à Mme den Heyer; elle connaît peut-être certains détails à ce sujet, mais je ne suis pas au courant des projets particuliers qui sont menés à l’heure actuelle dans la région.
Mme den Heyer : Les sept millions de phoques qui sont en quête de nourriture à Terre-Neuve seraient, bien entendu, les phoques du Groenland. M. Smedbol a très bien expliqué certaines nuances qui aident à comprendre l’impact de ces phoques sur la morue, à la fois parce qu’ils consomment des morues et parce qu’ils consomment les proies et les prédateurs des morues. La situation est compliquée et je pense qu’on effectue un travail continu et très productif, je crois que M. Smedbol vient d’en faire mention.
En ce qui concerne les phoques gris, nous pouvons reprendre l’exemple concernant le Sud du golfe du Saint-Laurent, où on a bien examiné la question du rôle des phoques et de la lenteur du rétablissement des stocks de morues, et un travail semblable a été effectué sur la plateforme néo-écossaise. Il s’agissait de certains des premiers travaux visant à faire une modélisation directe des interactions entre les phoques et la morue sur la plateforme néo-écossaise. Des travaux sont actuellement en cours dans le Sud-Ouest de la Nouvelle-Écosse, où l’on cherche également à intégrer un modèle d’évaluation de la morue et des répercussions potentielles de la mortalité infligée par les phoques.
Ces travaux sont actuellement en cours, mais, une fois de plus, je viens de la région des Maritimes. Je n’ai pas autant de choses à dire au sujet de la situation à Terre-Neuve, mis à part qu’on reconnaît que les phoques consomment du poisson et que cela a bel et bien un impact sur l’écosystème. Il est simplement très difficile d’établir un lien direct.
Le président : Merci. Je me demandais si vous pourriez transmettre au comité, si possible, le dernier rapport que vous pourriez avoir sur ces questions particulières et tout autre rapport récent qui, selon vous, nous aiderait à cerner le problème des phoques.
Mme den Heyer : Oui, je peux le faire.
Le président : Merci.
La sénatrice McPhedran : Avant de poser mes questions, j’aimerais d’abord reconnaître que, lorsque nous sommes au beau milieu d’une étude comme celle-ci, nous devons pratiquement le faire de manière judiciaire étant donné que nous devons fonder toutes nos conclusions et nos recommandations sur les preuves que nous avons reçues. Mes questions seront axées sur des témoignages précédents que nous avons entendus, surtout le 20 octobre 2022, du Groupe de travail sur la science des phoques de l’Atlantique, parce que j’entends aujourd’hui des informations très différentes. J’aimerais pouvoir vous donner le plus de temps possible pour répondre, puisque vous n’étiez probablement pas avec nous le 20 octobre.
Je crois qu’il est juste de dire qu’on a dit que la Norvège affirme que le déclin de la population de poissons est principalement dû à la consommation de poisson par les phoques. Par contre, au MPO, vous semblez encore — ce soir et dans certains rapports dont nous avons entendu parler — affirmer que la surpêche est la principale cause du déclin de la population de poissons. Nous avons entendu les membres du Groupe de travail sur la science des phoques de l’Atlantique dire qu’ils pensaient que bon nombre de vos données étaient inexactes et qu’ils avaient vraiment l’impression que la communauté des pêcheurs elle-même n’était pas autant qu’il le faudrait si l’on voulait recueillir de manière optimale des informations exactes.
J’ai quelques questions à vous poser à ce sujet, et la première concerne un point que vous avez soulevé, monsieur Smedbol. Si je vous ai bien compris, vous avez mentionné qu’on a observé une légère augmentation du nombre de morues dans une seule région, et je crois que vous avez dit que c’est dans le Nord-Est de Terre-Neuve. Y a-t-il eu une baisse de la population des phoques dans cette région?
M. Smedbol : Merci de poser la question.
Selon les évaluations de la morue du Nord, qui est la morue de l’Atlantique qui vit dans les zones 2J et 3KL et dans les régions du Nord-Est de Terre-Neuve, cette population est certainement toujours bien en deçà de ce que l’on appelle son point de référence limite, établi dans le plan de gestion intégrée de la pêche dont elle fait l’objet. La population se trouve encore dans la zone critique, après avoir chuté à des niveaux très bas par rapport à la biomasse historique, à quelques points de pourcentage. Au moment où son niveau était stable, au cours des 10 dernières années, à partir — ce qui me vient immédiatement à l’esprit, et je pourrais me tromper d’une année ou deux — des environs de 2015, nous avons commencé à observer une augmentation générale de l’abondance. La population se trouve toujours bien en deçà du point de référence limite, mais nous observons une augmentation. Ces dernières années, et une fois de plus, je le dis de mémoire, je crois que nous avons constaté que l’augmentation a ralenti ou cessé. Il faudrait que je vérifie.
Nous évaluons les phoques du Groenland environ tous les cinq ans seulement, donc il est question de deux ou trois points d’évaluation par rapport à cette période-là. Je vais peut-être encore m’en remettre à Mme den Heyer, mais je crois que la population de phoques du Nord du Groenland, qui est la principale population qui chevauche sur un même territoire et au même moment la population de morue du Nord, comptait environ sept millions de phoques dans cette région.
La sénatrice McPhedran : S’agit-il d’une baisse ou d’une augmentation? Pourriez-vous faire une comparaison?
M. Smedbol : Je dirais que c’est à peu près égal. Peut-être une augmentation. Je peux vérifier pour la suite.
La sénatrice McPhedran : S’il vous plaît.
M. Smedbol : Certainement. Pour ce qui est de la morue de l’Atlantique, il y a eu une augmentation graduelle durant une période relativement courte où les phoques étaient très abondants. Cette augmentation a ralenti ou cessé au cours des dernières années.
Maintenant, plusieurs autres choses se passent à ce sujet aussi. Ces deux variables ne peuvent être considérées séparément des autres. Par exemple, il y a eu une augmentation des prises. On a constaté des diminutions des populations de proies, comme le capelan, durant cette période. Il faut envisager la situation dans un contexte plus large.
C’est, en gros, tout ce que je sais à ce sujet. Bien entendu, comme je l’ai dit, nous n’avons constaté aucune augmentation des autres populations de morue de l’Atlantique dans les eaux canadiennes durant cette période.
Je me souviens de la première partie de la question. Je vous demande pardon. La première partie de la question concernait la diminution par rapport au rétablissement. C’est un sujet qui a fait l’objet de recherches et d’études approfondies autant par les scientifiques du ministère que par les chercheurs universitaires du monde entier. Selon la plupart de ces travaux, la surpêche est la principale cause de l’effondrement des stocks de morue. Les travaux subséquents sur les phoques portent davantage sur le lien entre le rétablissement des populations de poisson, ou l’absence de rétablissement, que sur la consommation de poissons par les phoques.
La sénatrice McPhedran : Je vais passer à la question suivante, si vous me le permettez; diriez-vous que le MPO est satisfait de la qualité et l’étendue des données sur la population de phoques que vous recueillez actuellement? Vous avez atteint un point où vous avez une méthodologie. Vous avez une façon d’aborder cette recherche. Est-ce que cela est satisfaisant du point de vue du MPO?
M. Smedbol : Je vous remercie de la question. Je vais la diviser en deux parties, si vous le permettez.
La première partie est que les analyses qui ont été faites avec la meilleure information disponible, l’information qui existe à ce jour et sur laquelle les scientifiques du MPO se sont basés pour formuler leurs conseils, ce travail a été examiné par des pairs dans des forums internes et externes. Il a satisfait aux exigences de la communauté scientifique. Cela concerne certainement les techniques utilisées et les analyses qui ont été faites. Elles ont été validées par un examen par les pairs.
Pour ce qui est de la deuxième partie de la question, encore une fois, lorsque j’aurai terminé, je donnerai la parole à ma collègue, Mme den Heyer. J’ai mentionné plus tôt que l’on reconnaît certainement dans le secteur scientifique du MPO qu’il y a des lacunes dans ces ensembles d’information, tant dans le temps que dans l’espace. Nous avons déclaré publiquement, même avec les analyses publiées ou les déclarations faites à ce sujet, qu’il y a certainement des lacunes dans la disponibilité d’information dans le temps et dans l’espace et qu’il faut combler certaines de ces lacunes, ce qui pourrait faire mieux voir non seulement les liens entre la consommation, mais aussi la façon dont cela fonctionne dans le système.
Je considère ma réponse comme un « oui et ». Nous défendons ce qui a été fait jusqu’à présent, mais nous reconnaissons que ce travail a été effectué avec les informations qui étaient disponibles à ce moment-là. Il serait certainement utile de combler certaines de ces lacunes et d’établir des collaborations si nécessaire pour les combler.
Madame den Heyer, avez-vous quelque chose à ajouter?
Mme den Heyer : Il est certain que nous fournissons régulièrement des avis sur les captures, d’après un cadre d’évaluation des stocks qui est bien rodé. Nous savons que nous pouvons estimer le nombre de phoques. En ce qui concerne les phoques gris et les phoques du Groenland, la structure est similaire. Nous obtenons des estimations sur la production de nouveau-nés. Nous l’intégrons à une série chronologique de production de nouveau-nés. Nous prenons en compte les caractéristiques du cycle de vie, comme le taux de survie et de reproduction, que nous pouvons obtenir soit par le programme de capture commerciale de l’île de Sable, soit à partir d’échantillons du taux de reproduction que nous avons pour les phoques gris du golfe du Saint-Laurent. Nous pouvons adapter des modèles d’évaluation. Nous pouvons fournir des avis sur le nombre de phoques. Nous pouvons fournir des conseils sur la récolte. Nous pouvons également fournir cette information pour les recherches effectuées sur le rôle des phoques dans l’écosystème.
Nous avons fait d’autres travaux qui contribuent à la compréhension du rôle des phoques, par exemple le programme de marquage par satellite pour le suivi des phoques. Nous avons également réalisé une grande partie de ce travail en collaboration avec des partenaires universitaires. Nous avons installé divers instruments sur les phoques afin de mieux comprendre où et quand ils partent à la recherche de nourriture, de sorte que les impacts des phoques soient pris en compte pour les stocks en question. Cela inclut le travail que nous avons effectué avec Dalhousie et l’Ocean Tracking Network, le réseau de surveillance des océans. Nous avons installé de petits hydrophones sur les phoques afin d’enregistrer leur interaction avec d’autres animaux marqués acoustiquement. Nous avons installé des accéléromètres. Plus récemment, nous avons également investi dans les technologies d’exploration par caméra afin de mieux comprendre comment les phoques gris cherchent leur nourriture. Des travaux sont en cours.
Dans le cadre de notre travail, chaque fois que nous manipulons un phoque, nous prélevons des échantillons afin de pouvoir estimer le régime alimentaire à partir des signatures chimiques présentes dans la fourrure ou le petit lard. Nous faisons l’analyse des isotopes stables. Nous avons recueilli des échantillons pour l’analyse des isotopes stables et des acides gras afin de mieux comprendre le régime alimentaire.
Il est certain que nous avons, à travers un certain nombre de forums, cerné les lacunes. Nous relevons toujours des incertitudes lorsque nous faisons nos évaluations et nos estimations de la population. Nous savons aussi maintenant qu’il y a des lacunes dans nos informations lorsqu’il s’agit de comprendre le rôle des phoques dans l’écosystème. La chose la plus difficile à suivre, je pense, et l’une des plus grandes lacunes, c’est le régime alimentaire. Ensuite, il faut savoir où et quand les phoques cherchent à s’alimenter. Si cette lacune est aussi importante, c’est en partie parce qu’il s’agit de questions ardues auxquelles il est difficile de répondre. Il s’agit également d’aspects qui pourraient évoluer en réponse à un certain nombre de changements locaux et globaux. Vous pourriez constater des changements dans toute la région et vous pourriez constater des changements au fil du temps. Ce sont les grandes lacunes sur lesquelles nous devons continuer à travailler.
La sénatrice McPhedran : Merci beaucoup.
On nous a aussi dit craindre que le secteur de la recherche du MPO ne profite pas pleinement d’un lien avec les pêcheurs, de l’étendue qu’ils couvrent et de leur expertise. Le MPO estime-t-il qu’il est possible d’améliorer la communication avec les pêcheurs, en particulier en ce qui concerne les prélèvements nécessaires et la façon de les recueillir? L’un des autres points que nous avons entendus, c’est qu’il n’y avait pas de directives claires quant à ce dont le MPO avait besoin. Ma question vise également à tenir compte, par exemple, du fait que les phoques mordent le ventre. Ils ne mangent pas un poisson entier. Cherchez-vous des moyens de recueillir des données plus étendues et plus complètes? Cherchez-vous des moyens de faire participer davantage les pêcheurs?
M. Smedbol : Je vous remercie de la question. Encore une fois, je considère qu’il s’agit d’une réponse en deux parties. Je vais en parler de manière générale.
La plupart des prélèvements effectués par les pêcheurs commerciaux ou les Premières Nations pour le compte du secteur scientifique du MPO se font dans la région de Terre-Neuve-et-Labrador ou dans la région du Québec. Je n’ai pas d’expérience directe de la gestion de ces programmes.
La sénatrice McPhedran : Pourquoi y a-t-il une différence entre les régions?
M. Smedbol : C’est surtout lié au fait que — encore une fois, je m’en remets à Mme den Heyer — la récolte est très faible dans les régions des Maritimes. Nous avons une récolte de phoques gris, mais elle est très faible.
La plupart des données sur le régime alimentaire des phoques gris sont recueillies dans la région du Québec — encore une fois, je vais regarder l’écran; Mme den Heyer acquiesce, donc c’est bien — et dans le golfe du Saint-Laurent, car, même si 80 % de la population de phoques gris se reproduit à l’île de Sable, elle migre dans le golfe de façon saisonnière. Dans la région des Maritimes, il n’a pas été nécessaire de prélever des échantillons dans les régions où la chasse est plus importante et où les impacts des phoques sur les populations locales sont plus préoccupants. C’est en partie en raison de l’accès, dans les Maritimes, et en partie parce qu’il faut prioriser le travail.
J’ai mentionné précédemment qu’il y a certainement des lacunes dans la collecte de données sur l’espace et le temps, tant pour le phoque gris que pour le phoque du Groenland. De manière générale, s’il est possible de développer des partenariats pour améliorer cet échantillonnage, j’imagine que mes collègues seraient très intéressés à en discuter. Je le suis certainement. On travaille souvent avec les pêcheurs commerciaux pour recueillir des informations sur les espèces exploitées sur nos trois côtes, et ce n’est donc pas comme si nous ne savions pas comment faire ce type de collaboration.
J’ai aussi mentionné plus tôt que le nombre d’échantillons qui parviennent au secteur scientifique du MPO a été réduit, bien sûr, parce que la chasse a été réduite au fil du temps.
De manière générale, le secteur scientifique est toujours prêt à discuter de collaboration et de partenariats susceptibles de faire avancer notre mandat, d’améliorer la science et la collecte de nos avis scientifiques, de combler les lacunes en matière de connaissances, et cetera. Ces types de collaboration suscitent toujours de l’intérêt, mais ils doivent être utiles pour les deux parties. Nous avons un mandat et des priorités propres, et le collaborateur potentiel a ses propres intérêts, capacités et limites. Il faut trouver un projet et une méthodologie qui conviennent aux deux parties.
La deuxième partie de la question, si vous me le permettez, concernait les directives données aux pêcheurs commerciaux ou aux autres pêcheurs quant à la fourniture des échantillons. Cela ne relève pas de mon domaine d’expertise et je ne peux donc pas faire de commentaires directs à ce sujet.
Le président : Si j’ai bien entendu vos observations préliminaires, monsieur Williams, je crois que 1 % du quota de phoques gris a été capturé l’an dernier, et 7 % du quota des phoques du Groenland. Sur une période de cinq ans, seulement 149 000 phoques du Groenland ont été capturés. Je me demande comment vous déterminez le total autorisé des captures ou le TAC. Quelles informations entrent en ligne de compte lorsque la récolte est si faible? De nombreuses personnes à qui je parle dans ma communauté de pêcheurs pensent que le TAC n’est pas assez important pour les autres espèces. Je sais qu’il n’a pas été récolté et je comprends pourquoi il ne l’a pas été dans certains cas. Comment déterminez-vous le TAC pour les phoques dont la chasse est autorisée, pourrait-on dire?
M. Williams : Mon premier point est que, depuis 2016, nous n’avons pas réellement fixé de TAC officiel, simplement parce que nous ne nous approchions pas de ces objectifs et que cela ne faisait qu’attirer davantage d’attention négative. Si jamais nous nous approchons à nouveau de ce niveau, nous pourrons introduire des mesures pour y remédier.
Pour fixer un total autorisé des captures, il faut bien sûr d’abord et avant tout faire appel à la science et aux informations qui nous parviennent. On a parlé précédemment de communication avec les pêcheurs. Nous avons un processus consultatif, le Comité consultatif sur les phoques de l’Atlantique, qui se réunit au moins une fois par année, sinon plus. Nous invitons les pêcheurs, les scientifiques du MPO et d’autres personnes à examiner cette information. Ils présentent leurs recommandations et nous travaillons avec cela pour présenter une recommandation au ministre.
En ce qui concerne notre approche, nous avons un cadre. Il s’agit d’une approche de précaution. Notre objectif, comme pour tout autre stock, est de maintenir un stock sain et de veiller à ce qu’il reste dans la zone saine de cette approche de précaution. Avec cette approche, l’idée est que la ressource se développe au fil du temps pour une durabilité à long terme. L’objectif n’est pas vraiment de faire baisser les stocks. Elle vise à améliorer la santé du stock au fil du temps.
Du point de vue de la gestion du poisson, nous nous heurtons donc à une sorte d’énigme lorsque nous essayons de gérer la chasse au phoque. L’objectif — et il y a certains calculs qui entrent en ligne de compte, et M. Smedbol pourra peut-être l’expliquer — est de s’assurer que les prises ne tombent pas en dessous d’un certain seuil en deçà duquel la durabilité à long terme d’une ressource est menacée.
La sénatrice Busson : Je veux profiter de la présence de telles connaissances et expertises reconnues à la table. Je suis la seule voix de la côte Ouest. Il y a des phoques sur la côte Ouest. Je sais que vous le savez. Notre étude est en fait nationale. Je ne veux pas vous mettre dans l’embarras, parce que votre expertise s’appuie sur des observations et des recherches scientifiques pour les scientifiques ici, de la côte Est, mais y aurait-il des facteurs opérationnels dynamiques, sur la côte Ouest qui vous amèneraient à modifier vos observations générales et la discussion que nous avons autour de... j’apprends que vous n’appelez pas cela une chaîne alimentaire, mais plutôt un réseau alimentaire. Dorénavant, ce sera un casse-tête alimentaire. Y a-t-il des facteurs opérationnels sur la côte Ouest qui vous amèneraient à modifier vos observations générales sur la prédation et sur les facteurs qui nous permettent de comprendre les habitudes et les populations de phoques sur la côte Ouest?
M. Smedbol : Merci d’avoir posé la question. C’est une bonne question.
En effet, il y a toujours des facteurs écosystémiques régionaux qui pourraient ne pas être les mêmes d’un écosystème à l’autre. Il faut tenir compte des facteurs locaux et régionaux. Tout d’abord, il faut penser à la géographie : il est évident qu’elle est compliquée sur la côte ouest. Il y a beaucoup d’îles et de petites baies. Les phoques et les lions de mer tendent à vivre près de la côte, tandis qu’un phoque du Groenland pourrait se trouver sur la glace à 200 kilomètres de la côte, donc il faut penser à l’endroit où ces animaux se trouvent. Il y a donc des différences lorsqu’il est question de l’océanographie et des types de prédateurs et de proies possibles.
Je ne suis pas en mesure d’entrer davantage dans les détails. Peut-être que Mme den Heyer... je pense qu’elle hoche la tête.
Mme den Heyer : Oui, c’est une question difficile. Je n’ai aucune précision à apporter. Ils font face aux mêmes défis que nous au moment de tenter d’estimer combien il y a d’animaux, ce qu’ils mangent et où ils mangent. Je présume qu’il s’agit des mêmes genres de défis, en général, mais les réponses précises dépendront des endroits où vous travaillez.
M. Smedbol : L’étude effectuée sur la côte ouest au sujet des phoques communs a été publiée récemment. Il s’agit d’une recherche assez juste et précise. Sans entrer dans les détails, j’aimerais seulement dire que nous en avons compté 80 000, plus ou moins 3 000, ce qui est une étude assez robuste. Je sais que, présentement, on fait du marquage et on étudie leur alimentation. C’est en cours. Dans le cadre de l’étude, on tient compte de facteurs comme la disponibilité, le temps de plongée, des choses semblables. C’est une étude assez robuste.
Le président : Vous parlez de marquage; pourriez-vous expliquer le processus? Comment l’information est-elle recueillie, et comment la recevez-vous? Dans quelle mesure le marquage sert-il à la collecte de données?
M. Smedbol : Merci d’avoir posé la question.
Lorsque nous parlons de marquage, nous parlons de plusieurs techniques : il y a le marquage traditionnel, le marquage par satellite et même certaines techniques de photogrammétrie. Nous avons retenu les services d’un expert qui dirige certaines études sur les phoques gris, donc je vais peut-être renvoyer la question à Mme den Heyer afin qu’elle puisse vous fournir quelques exemples.
Mme den Heyer : Bien sûr, une étude à long terme a été effectuée dans le cadre du programme du phoque gris : il s’agit d’une étude de marquage et de recapture où nous étudions les phoques marqués individuellement.
En général, lorsque nous parlons du marquage des phoques, de nos jours, nous parlons d’étiquettes satellites qui utilisent la télémétrie et d’étiquettes qui enregistrent des données. Ces étiquettes sont attachées aux phoques. Nous les fixons sur leur fourrure, puis nous pouvons les suivre. Les antennes recueillent de l’information sur les endroits où vont les phoques grâce aux satellites. Nous pouvons suivre les phoques lorsqu’ils sont à la surface. Si nous récupérons ces instruments, ce que nous faisons régulièrement dans le cadre de notre programme sur l’île de Sable, nous obtenons les données supplémentaires qui sont enregistrées par les instruments. Lorsque nous parlons de marquage, l’essentiel du travail, c’est le marquage par satellite.
Certaines de ces étiquettes ont d’autres utilités. La plupart d’entre elles recueillent de l’information sur la profondeur de la plongée. D’autres recueillent de l’information sur le niveau de luminosité. Vous pouvez obtenir d’autres sources d’information. Nous avons fixé des accéléromètres sur les phoques, et ils sont en fait... je pense que la meilleure analogie, c’est un Fitbit qui enregistre les déplacements à petite échelle, et nous pouvons recueillir cette information et en apprendre sur la façon dont les phoques se déplacent dans l’océan, et lier ces déplacements à la façon dont ils s’y prennent pour chercher de la nourriture. Récemment, nous avons attaché des appareils photo sur les phoques pour pouvoir les étudier lorsqu’ils cherchent de la nourriture dans l’océan.
Un certain nombre d’étiquettes électroniques ont été utilisées. Nous avons aussi utilisé des étiquettes acoustiques, et, par le passé — et nous le faisons toujours un peu — nous ne faisons que fixer une bonne vieille étiquette sur les phoques afin de pouvoir suivre chaque animal, si nous nous en approchons suffisamment pour pouvoir lire l’étiquette. Il existe un certain nombre de programmes de marquage, mais, généralement, lorsqu’on parle de marquage dont l’objectif est de comprendre où vont les animaux pour chercher leur nourriture, on parle de ces étiquettes satellites qui nous permettent de savoir où sont les phoques dans les océans.
Nous les voyons lorsqu’ils sont sur la terre ferme. Ils passent de 5 à 10 jours dans l’océan, du moins les phoques gris. Il est important de savoir où ils vont lorsqu’ils sont dans l’océan pour comprendre leurs impacts.
La sénatrice McPhedran : J’ai une petite question à poser, mais la réponse ne sera peut-être pas courte. Dans le cadre de votre recherche, avez-vous mis en place des mécanismes pour mieux communiquer, et ce, de façon régulière, avec les pêcheurs? Allez-vous le faire, ou envisagez-vous la possibilité d’en mettre en place, et en particulier avec les Autochtones? Vous êtes-vous penchés sur des façons qui vous permettraient de recueillir davantage de données qualitatives provenant de l’expérience?
M. Williams : Des Autochtones participent évidemment à notre comité consultatif. En fait, nous collaborons totalement avec les Autochtones, comme c’est toujours le cas dans nos comités consultatifs. Leur expertise est très précieuse. Particulièrement lorsqu’il est question de la chasse aux phoques; il ne s’agit pas seulement de la pêche en tant que telle, mais aussi de ce que nous avons pu constater, et le Sommet sur les phoques nous a donné l’occasion de voir nous-mêmes les bénéfices incroyables de la pêche dans ces communautés particulières, où les femmes, surtout, fabriquaient des produits avec ce qui était pêché. Vous pouvez voir les retombées sociales et économiques positives de la pêche pour ces communautés.
Il est évident qu’il y a une occasion ici d’améliorer la communication et la collaboration. J’aimerais reprendre des points mentionnés plus tôt par M. Smedbol au sujet de la façon dont nous pouvons collaborer, et ajouter que certains de ces outils existent déjà. Je vous invite à consulter l’article 10 de la Loi sur les pêches : elle habilite — en fait, elle encourage — des groupes, qu’il s’agisse de groupes d’Autochtones ou d’autres groupes de pêcheurs, à conclure des accords de projets conjoints et à travailler avec le secteur des sciences du MPO et aussi avec le secteur de la gestion des pêches, au besoin, et à utiliser une quantité de poisson allouée pour financer ces activités scientifiques au titre de l’article 10 de la Loi sur les pêches. Voici un exemple des outils que nous avons utilisés, et je pense qu’on peut toujours améliorer la communication. Évidemment, en tant que président de ce comité précis, c’est un sujet qui me tient à cœur, et j’y ai travaillé sous l’angle de la scientifique.
M. Smedbol : Merci d’avoir posé la question.
Je pense que, du point de vue scientifique, et pour répondre à votre question relative au fait d’inclure le point de vue des Autochtones, leurs connaissances et leurs activités, et en ce qui concerne l’étude des pinnipèdes, nous avons en fait de très bons exemples de cela, dans le Nord, où des membres des conseils de gestion de la faune ont effectivement participé directement aux études. Ils sont responsables d’une bonne partie de la collecte de données. Ils sont des partenaires à part entière dans le cadre de ce travail. On pourrait certainement tirer des leçons de ce modèle, et on pourrait peut-être l’appliquer aux deux autres côtes. Je m’occupe de la côte est. C’est là que je travaille. Je connais certaines initiatives mises en œuvre dans le Pacifique avec les communautés autochtones, et je sais qu’il y a des discussions présentement au sujet de la collecte de données sur la pêche, qui concernent même la question de la prédation par les phoques et à ses conséquences sur les populations. Comme je l’ai dit, je ne connais pas très bien ce travail, et je ne sais pas où il en est, mais nous avons effectivement mis en œuvre dans le Nord des programmes qui, je crois, pourraient être de bons modèles si on voulait étendre ce genre de collaboration à la côte est.
La sénatrice McPhedran : Pourrais-je poser une question semblable à Mme den Heyer?
Mme den Heyer : Oui, je pense que je peux aborder cette question précise.
La sénatrice McPhedran : En ce qui vous concerne, madame den Heyer, je vais préciser davantage ma question. Je vois que vous êtes citée dans un article intitulé « Patience, collaboration and some cool gadgets pay off in Atlantic halibut harvest ». L’exemple sur lequel se fonde l’article, c’est la collaboration avec les pêcheurs et le fait qu’ils ont décidé eux-mêmes de recueillir leurs propres données et de les communiquer au MPO, ce qui a entraîné certains changements importants. Ma question est, bien entendu, celle que j’ai déjà posée aux deux autres témoins, mais, dans votre cas, j’aimerais seulement savoir s’il se fait quelque chose de semblable, présentement, au sujet des populations de morue et de phoque.
Mme den Heyer : Ce qui s’est passé avec le flétan de l’Atlantique découlait d’une initiative à long terme lancée par certains groupes de pêcheurs; ils avaient décidé d’effectuer une étude, puis ils se sont appuyés sur elle pour effectuer plus de travail. En fait, ce programme est financé par le Fonds des pêches de l’Atlantique. Nous pouvons travailler en collaboration avec ce groupe de pêcheurs dans la région des Maritimes. Nous ne pouvons pas dire la même chose de la communauté de pêcheurs de phoques, mais, si nous avons l’occasion de collaborer avec des pêcheurs de phoques, nous serions ouverts à l’idée. En ce qui concerne les phoques gris, dans le golfe du Saint-Laurent, nous collaborons dans le cadre de la collecte de données. Le problème, c’est que, dans la région des Maritimes, nous n’avons pas suffisamment de pêcheurs de phoques comparativement aux autres régions. Cependant, c’est effectivement un bon exemple de collaboration.
La sénatrice McPhedran : J’aimerais toutefois pousser la réflexion plus loin : je me pose aussi des questions au sujet de la relation avec les pêcheurs de morue, et pas seulement celle avec les pêcheurs de phoques. Serait-il possible d’obtenir davantage d’information fiable en s’adressant directement aux pêcheurs de morue?
Mme den Heyer : Le MPO collabore à d’autres égards avec les communautés de pêcheurs de morue. Mais je dois admettre que je ne sais pas où en sont les choses, mais je sais que nous avons effectué des études collaboratives sur les palangres avec des pêcheurs de morue dans l’est de la Nouvelle-Écosse et au Cap-Breton. Le MPO travaille en collaboration avec les pêcheurs de morue lorsqu’il est question de la pêche à la morue, mais aucune de nos collaborations ne concerne précisément l’interaction entre les phoques et la morue.
La sénatrice McPhedran : Est-ce possible? Est-ce que c’est quelque chose que l’on envisage?
M. Smedbol : J’aimerais ajouter quelque chose à la réponse de Mme den Heyer. Une chose nous empêche de recueillir le même genre d’information sur la pêche pour la morue, dans les Maritimes, et c’est que nous ne pouvons pas pêcher la morue, sauf dans les divisions 4X et 5Y. Dans l’est de la plate-forme Néo-Écossaise, la population de morues croise les grands corridors de chasse des phoques gris. Il est en fait interdit de pêcher la morue dans cette région.
Du côté de la pêche commerciale, comme je l’ai dit, dans les Maritimes, nous collaborons dans des études sur différentes espèces. J’étais en déplacement pour le travail au cours de la dernière année et demie, mais, quand j’étais gestionnaire de secteur, j’étais responsable de ce travail. À un certain moment, nous avions conclu neuf accords de projets conjoints, dont plusieurs concernaient l’article 10, et étaient dirigés par nos collègues travaillant dans le secteur des pêches. Il y a une collaboration de longue date entre la pêche commerciale, la collecte de données, les études de l’industrie et aussi d’autres projets conjoints, et elle varie en importance en fonction des questions qui intéressent les communautés de pêcheurs ou les associations de pêcheurs. Il peut s’agir d’études assez larges, ou de questions plutôt ciblées, comme le marquage supplémentaire dans le secteur du homard, par exemple. Je peux en parler longtemps, si vous le voulez, parce que c’est un sujet qui me tient à cœur.
J’admets que vous avez raison, il est évident qu’il est toujours possible de poursuivre, et, peut-être, d’améliorer ce genre de discussions avec les groupes qui souhaitent collaborer.
Le président : J’aimerais remercier nos invités ce soir. La conversation a été très instructive et intéressante. Nous avons pu comprendre précisément d’où provenait l’information, et la façon dont nous l’utilisons est très importante pour nous aussi en tant que comité. Je tiens vraiment à vous remercier d’avoir pris le temps de vous joindre à nous ici ce soir.
J’aimerais préciser, car je n’aimerais pas que les propos de la sénatrice Cordy soient pris hors contexte ou qu’elle soit mal citée, John Crosby n’a pas utilisé l’adjectif « maudite » lorsqu’il parlait du poisson.
La sénatrice Cordy : Un terme approchant.
Le président : Vous n’étiez pas loin, mais c’était un peu plus coloré que « maudite ».
Cela a été très intéressant. Notre étude creuse des sujets qui nous ouvrent tout un monde comparativement à notre point de départ; nous en apprenons davantage au fur et à mesure, et il est certain que nous en avons appris beaucoup ce soir, grâce à votre expertise. Nous voulons vous remercier d’avoir pris le temps de vous joindre à nous.
(La séance est levée.)