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POFO - Comité permanent

Pêches et océans


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES PÊCHES ET DES OCÉANS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 18 mai 2023

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd’hui, à 9 h 10 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier la réponse du gouvernement au quatrième rapport du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, déposé auprès du greffier du Sénat le 12 juillet 2022.

Le sénateur Fabian Manning (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue. Je m’appelle Fabian Manning. Je préside le comité et je suis un sénateur de Terre-Neuve-et-Labrador.

Si vous avez des difficultés techniques, notamment pour l’interprétation, veuillez le signaler à moi ou à la greffière, et nous nous efforcerons de les régler.

Avant de commencer, je voudrais prendre quelques minutes pour permettre aux membres du comité de se présenter.

Le sénateur Quinn : Bonjour. Jim Quinn, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Cordy : Sénatrice Jane Cordy, de la Nouvelle-Écosse. Bienvenue aux témoins.

La sénatrice McPhedran : Sénatrice Marilou McPhedran, du Manitoba.

Le sénateur Francis : Sénateur Francis, d’Epekwitk, ou de l’Île-du-Prince-Édouard.

La sénatrice Petten : Sénatrice Iris Petten, de Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur Ravalia : Bonjour. Bienvenue aux témoins. Sénateur Mohamed Ravalia, de Terre-Neuve-et-Labrador.

Le président : J’aimerais prendre quelques instants pour souhaiter tout spécialement la bienvenue à la sénatrice Petten, qui se joint à nous ce matin pour observer notre réunion et pour y participer. Notre comité est le premier auquel elle assiste depuis son arrivée au Sénat la semaine dernière. Nous sommes enchantés de l’accueillir parmi nous.

Le 7 mars 2023, la réponse du gouvernement au quatrième rapport du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans intitulé Paix sur l’eau a été déposée auprès du greffier du Sénat. Le 24 février 2023, le comité a été saisi d’un ordre de renvoi visant l’étude de la réponse du gouvernement.

Aujourd’hui, dans le cadre de ce mandat, le comité entendra les témoins suivants du MAWIW Council : M. Aaren Sock, chef, Première Nation d’Elsipogtog; Mme Tara Levi, directrice générale; M. Sean Triska, directeur des pêcheries; Mme Caitlin Stockwell, conseillère juridique au nom d’Elsipogtog et d’Esgenoôpetitj, First Peoples Law. Veuillez me pardonner si j’ai mal prononcé le nom de votre nation.

Au nom des membres du comité, je vous remercie de votre présence aujourd’hui. Je crois, monsieur Sock, que vous souhaitez prononcer une déclaration liminaire. Ensuite, les membres du comité auront sûrement des questions à vous poser. Monsieur Sock, la parole est à vous.

Aaren Sock, chef, Première Nation d’Elsipogtog, MAWIW Council Inc. : Monsieur le président, j’espère que vous n’êtes pas offusqué en voyant de la fumée qui me sort par les oreilles lorsque vous prononcez mal le nom de nos nations. Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, j’en profiterais pour donner une petite leçon de prononciation au comité. Le mot « Elsipogtog » se prononce « elle-si-bouc-touc ». Quant à « Esgenoôpetitj », cela se prononce « esse-guenne-o-baie-didj ».

Honorables sénateurs [mots prononcés dans une langue autochtone]. Comme je viens de le dire dans ma langue, si les sénateurs avaient l’occasion d’apprendre ma langue, bon nombre de ces problèmes qui entraînent — je pèse mes mots, car je veux éviter les termes « conflit » ou « affrontement » — des différends se régleraient. Je suppose que tout cela est causé par une incompréhension mutuelle. Bref, bon nombre de ces problèmes n’existeraient pas si les gens avaient pris le temps d’apprendre notre langue et de comprendre notre peuple.

Cela étant dit, les Premières Nations d’Elsipogtog et d’Esgenoôpetitj sont ici aujourd’hui pour donner leur point de vue sur l’importance de l’engagement du Canada relativement aux droits à l’autodétermination et aux nos libertés de ces nations concernant les pêches dans le Mi’kma’ki. Nous avons toujours fonctionné par consensus et le secteur des pêches ne fait pas exception. En fait, vu les nombreuses frictions liées aux pêches dans le Mi’kma’ki, il est d’autant plus important de mettre en place un processus de prise de décision par consensus. Les conflits et l’abattement perdurent, comme nous l’avons appris récemment. La mésinformation se répand de plus en plus. Les faux-fuyants et les agressions se multiplient. Nous avons tous un rôle à jouer et des obligations à remplir pour redresser le bilan des accords et des relations aux yeux de la société.

La notion de consensus est bien connue au Canada. Nous exhortons le Canada à utiliser l’article 4.1 de sa Loi sur les pêches pour établir un véritable processus de prise de décision par consensus avec nos nations. Je veux souligner l’échec du Canada à appliquer nos droits de gouvernance inhérents sur les pêches et son refus d’établir un partenariat authentique, substantiel et à parts égales, de gouvernement à gouvernement, avec nos nations.

Je ne pourrais pas insister davantage sur l’importance du processus de prise de décision par consensus. La mort évitable d’un pêcheur, un ami cher et un membre de la famille, Jonathan Craig Sock, mieux connu sous le nom de « Jumbo », a été causée par l’absence d’un tel processus. Jumbo était perdu en mer lorsque le Tyhawk a chaviré en raison de la glace. Nous avons demandé au ministère des Pêches et des Océans, ou MPO, de retarder l’ouverture de la saison en raison justement de ce risque. Le MPO a refusé et l’ouverture de la saison de la pêche au crabe a nettement désavantagé nos petits bateaux par rapport aux gros navires commerciaux.

Nous demandons au Canada de remplir ses promesses et ses obligations en apportant les correctifs qui s’imposent et en établissant un processus de prise de décision par consensus. Nous l’enjoignons à mettre en place une entente avec nos nations respectives concernant tous les aspects des pêches dans le Mi’kma’ki. La survie de nos droits, de nos libertés et de nos peuples en dépend.

Nos ancêtres, à l’époque des traités, n’étaient pas d’accord pour entretenir le type de relations que nous avons actuellement. Ils n’auraient jamais accepté que le Canada prive notre nation du contrôle sur son propre territoire. Nous savons que la prise de décision par consensus est la voie à suivre. Nous avons hâte de mettre en place ce processus conformément à la promesse énoncée à l’article 27 de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Wela’lioq.

Souhaitez-vous ajouter quelque, madame Levi?

Tara Levi, directrice générale, MAWIW Council Inc. : Je voulais seulement insister sur l’article 4.1. Le chef Sock a expliqué avec éloquence à quel point cette disposition nous est chère, surtout après la mort d’un ami qui était aussi un leader, un père et un fils. Nous devons participer à ce processus de prise de décision par consensus. C’est très émotif, car c’était un ami et un frère du chef Sock. Ces décisions s’appliquent aux communautés, mais aussi à chaque pêcheur. Pour avancer dans l’esprit de la vérité et de la réconciliation, nous devons faire partie de ce processus décisionnel. Nous en sommes capables. Nous ne demandons pas d’avoir préséance sur le ministre. Nous voulons simplement établir un processus de prise de décision véritablement conjoint pour ce qui concerne notre peuple et nos pêcheurs.

Le président : Merci.

Avant de passer au sénateur Francis pour les questions, j’aimerais offrir nos condoléances au nom des membres du comité. Plusieurs sénateurs viennent des provinces de l’Atlantique et nous savons très bien que la mer est généreuse, mais qu’elle peut aussi se montrer sans pitié. Nous savons exactement comment vous vous sentez, et je sais que je peux parler au nom de tous les sénateurs en exprimant nos plus profondes sympathies au chef Sock, à la famille du défunt et à l’ensemble de la communauté.

Le sénateur Francis : [Mots prononcés dans une langue autochtone] Madame Levi, bonjour, et merci d’être venue comparaître.

Ma question s’adresse à tous les témoins qui voudraient y répondre. En 2019, les Premières Nations d’Elsipogtog et d’Esgenoôpetitj ont signé une entente de réconciliation et de reconnaissance des droits à durée limitée. Avant de vous poser une question sur la réponse du gouvernement, je vous demanderais de nous faire une mise à jour sur l’état de cette entente et sur le financement et les autres formes de soutien que vos communautés ont reçus au cours des quatre dernières années.

Mme Levi : Je vais répondre à la question pour ensuite céder la parole à Mme Stockwell, notre conseillère juridique.

Quatre ans après la signature de l’entente, nous n’avons pas encore conclu d’accord de gestion collaborative des pêches. Nous nous sommes butés à des obstacles. Tout a changé, et de nouvelles exigences nous ont été imposées. Le processus s’est avéré très exigeant pour notre organisation. Pendant ces quatre ans, nous avons trouvé des moyens novateurs de maximiser notre programme des pêches autochtones, notamment le programme des gardiens. Nous avons fait des demandes de financement auprès de la Garde côtière, de la province et d’autres instances. Nous poursuivons notre travail et nous n’avons pas l’intention d’arrêter. Voilà où nous en sommes.

Je cède la parole à Mme Stockwell, qui pourra parler des aspects juridiques.

Caitlin Stockwell, conseillère juridique au nom d’Elsipogtog et d’Esgenoôpetitj, First Peoples Law, MAWIW Council Inc. : Bonjour à tous. Merci au comité de m’avoir invitée à comparaître ce matin. Merci au chef Sock et à Mme Levi de leurs importantes présentations.

Pour répondre à la question du sénateur Francis, comme Mme Levi y a fait allusion, au titre de l’entente de réconciliation et de reconnaissance des droits signée par les nations d’Elsipogtog et d’Esgenoôpetitj en 2019, le MPO s’est engagé à conclure des accords de prise de décision collaborative avec les nations. Comme le disait Mme Levi, le processus de négociation a été très long. Une des principales pierres d’achoppement était le refus du MPO de reconnaître le concept de partenariat d’égal à égal, que le chef Sock considère comme très important. En fait, les nations peuvent formuler des recommandations à la ministre au sujet des décisions prises au titre de la Loi sur les pêches, mais ne peuvent pas conclure d’accords sur la prise de décision par consensus dans le cadre d’un partenariat d’égal à égal.

Comme vous l’avez entendu plus tôt et comme l’honorable comité l’a reconnu dans ses recommandations à l’intention du Canada, la Loi sur les pêches établit un mécanisme permettant de mettre en place un processus de prise de décision par consensus. L’article 4.1 énonce que le ministre peut conclure des accords avec les nations autochtones visant à assurer une gestion et un contrôle adéquats des pêches et à faciliter l’application de mesures conjointes à cet égard. Ces mesures conjointes seraient prises dans le cadre d’un partenariat d’égal à égal, et non pas en vertu d’un pouvoir décisionnel final qui aurait préséance sur les droits des nations d’Elsipogtog et d’Esgenoôpetitj.

Le sénateur Francis : Ma prochaine question s’adresse à tous les témoins. Vos Premières Nations sont-elles satisfaites de la réponse du gouvernement à notre rapport intitulé Paix sur l’eau?

Mme Levi : Non. Je vais donner la version courte. La réponse fait abstraction des mémoires soumis par notre nation et des recommandations sur l’article 4.1 de la Loi sur les pêches comme moyen de conclure avec nos nations des accords de prise de décision par consensus concernant les pêches.

Nous voulons vous remercier de votre rapport, sénateur Francis. Le comité a vraiment pris le temps d’écouter ce que nous avions à dire sur les difficultés et les obstacles que nous devons surmonter. Le Sénat a clairement défini les mesures qui s’imposent et nous lui en sommes reconnaissants, mais nous sentons que la ministre ne reconnaît pas le rôle de l’article 4.1 et l’importance de mettre en place un vrai processus de prise de décision conjoint.

Le sénateur Francis : Merci de votre réponse.

M. Sock : Ma réponse ne sera pas aussi formelle. Comme c’est de mise en politique, à mon avis, la réponse de la ministre était très verbeuse, mais sans réelle substance. La ministre ou le ministère prononcent les bons mots, mais il n’y a pas de suivi. Il n’y a aucune mesure concrète. C’est essentiellement ce que j’aimerais ajouter.

Le sénateur Francis : Merci.

Mme Stockwell : Pour ajouter aux commentaires du chef Sock et de Mme Levi, la réponse de la ministre ne traite pas de l’utilisation de l’article 4.1 comme moyen d’instaurer un véritable processus décisionnel conjoint pour ce qui concerne la Loi sur les pêches.

S’il y a des ambiguïtés sur l’utilisation de l’article 4.1 à cette fin, le Canada a l’obligation de s’assurer que son interprétation concorde avec les engagements pris par le gouvernement au titre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Ce principe est reconnu dans la loi canadienne sur la déclaration en question. Comme l’a souligné plus tôt le chef Sock, la déclaration des Nations unies reconnaît le droit des nations au consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause à l’égard des décisions sur l’utilisation de leurs ressources.

Si la ministre a trouvé un passage de la Loi sur les pêches que nous n’aurions pas relevé et qui empêcherait l’utilisation de l’article 4.1 dans ce contexte, c’est ce passage qui devrait être modifié pour que la Loi sur les pêches cadre avec la déclaration des Nations unies et les autres engagements pris par le gouvernement fédéral envers les nations autochtones partout au Canada.

Le président : Merci.

Le sénateur Ravalia : Merci encore une fois aux témoins d’être venus comparaître.

Vingt-trois ans après la décision Marshall, la situation ne semble pas avoir progressé. Nous avons entendu des témoins des deux côtés. Les membres du comité se concentrent sur le fossé qui se creuse concernant la mise en œuvre des pêches fondées sur les droits des peuples autochtones. La plupart des négociations ont toujours été faites avec le MPO. Estimez-vous que la prochaine étape serait d’adopter une approche pangouvernementale qui engloberait Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada, ou RCAANC? Que pouvons-nous faire pour nous assurer que les droits de la nation des Mi’kmaqs sont respectés et que la violence dont nous sommes témoins se résorbe pour de bon? Évidemment, il y a énormément de tension dans les communautés et beaucoup d’incertitude sur les orientations à prendre. De votre côté, avez-vous réfléchi à un plan qui pourrait recevoir un soutien élargi?

M. Sock : Nous avons vu un aperçu de ce type de relations lors des négociations, notamment pour les ententes de réconciliation et de reconnaissance des droits. Selon ce que nous avons constaté, il semble y avoir un problème de communication entre les deux ministères. Vu la confusion et le manque de cohésion qui existent déjà entre nos propres groupes et les autres parties concernées, la présence de RCAANC et du MPO à la même table... Nous avons constaté ce que j’appellerais, faute de trouver un terme plus précis, un manque de communication. Même si nous pensons que les choses devraient fonctionner de cette manière à l’avenir, il faut que RCAANC et le MPO démontrent le même niveau d’engagement. RCAANC semble un peu plus ouvert, mais le MPO ne nous considère pas comme des partenaires d’égal à égal.

Mme Levi : Pour ajouter à la réponse du chef Sock, je recommanderais que le MPO soit placé sous la surveillance d’un autre organisme, que ce soit RCAANC ou un autre ministère. Comme le chef Sock, j’ai l’impression que le MPO ne veut pas entretenir avec nous des relations de nation à nation en vertu de l’article 4.1. Les négociations doivent être menées par un organisme neutre qui n’a pas en tête de préjugés liés à des incidents survenus dans le passé, même avec les communautés. Nos relations avec le ministère remontent loin dans le temps. Nous avons été témoins du manque de communication entre les deux ministères, mais RCAANC s’est montré plus ouvert à discuter avec nous, à écouter nos idées et à faire valoir nos droits. La réponse est donc oui, il faut avoir recours à un organisme quelconque, surtout pour les discussions de haut niveau. Il ne convient pas de faire appel au personnel local. Un organisme indépendant ou de surveillance devrait participer aux négociations.

Le sénateur Ravalia : Je me demande s’il y a des exemples de cas dans lesquels l’article 4.1 de la Loi sur les pêches a été appliqué ou mis en œuvre avec succès dans une communauté. Y a-t-il des affaires sur lesquelles nous pouvons faire fond pour avancer?

Mme Levi : Je demanderais à la conseillère juridique de répondre.

Mme Stockwell : Je vous remercie pour la question, sénateur Ravalia.

Aucun accord n’a été conclu avec un corps dirigeant autochtone en vertu de l’article 4.1. Malgré la modification apportée à la Loi sur les pêches en 2018 et la directive donnée par le Parlement, le MPO n’a jamais mis cette disposition en œuvre. Cinq ans plus tard, nous nous demandons s’il est possible d’avoir recours à cet article pour résoudre les problèmes de violence et de conflit dont vous avez parlé.

Le sénateur Ravalia : Merci beaucoup.

Le sénateur Quinn : Je vous remercie d’être des nôtres aujourd’hui. Il s’agit d’un dossier très important.

Chef Sock, dans votre déclaration préliminaire, vous avez abordé le sujet de l’éducation. Je suis originaire du Nouveau-Brunswick. J’ai fait ma scolarité dans le système d’éducation de cette province. Quand j’ai fini mes études secondaires, je ne savais rien sur l’histoire des Premières Nations — pas sur les événements, mais sur les dures réalités, si je puis le dire ainsi. Je peux vous dire que mon travail auprès du gouvernement m’a ouvert les yeux. Grâce aux différents rôles que j’ai joués au sein du gouvernement et au travail que j’ai fait avec des chefs et des aînés partout au pays, j’ai commencé à apprendre les vraies choses. Divers témoins nous ont parlé de l’éducation, de la manière dont elle devrait être donnée et par qui. Je ne sais pas quelle est la solution, mais je crains que les systèmes d’éducation ne soient pas à la hauteur. Ma question est donc la suivante : comment les aînés et les dirigeants des Premières Nations peuvent-ils contribuer à sensibiliser la prochaine génération? C’est par là qu’il faut commencer : les jeunes doivent comprendre les droits inhérents et fondamentaux des Premières Nations. Comment pouvons-nous y arriver? Par quels moyens les Premières Nations travaillent-elles activement à cela?

Mme Levi : Je vous remercie pour la question et pour la reconnaissance.

Je ne suis pas convaincue que ce soit la responsabilité des Premières Nations. Selon moi, il appartient à tous les Néo-Brunswickois et à tous les Canadiens de vouloir en savoir plus sur la culture autochtone. Le MAWIW Council représente les trois plus grandes communautés. Je peux vous donner un exemple des moyens par lesquels nous travaillons activement à sensibiliser la population générale. À l’occasion de la Journée nationale des Autochtones, du Jour anniversaire du traité, de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, et de la Journée nationale d’action pour les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, nous organisons des activités en collaboration avec les villes situées près des communautés des Premières Nations. Notre approche est multiculturelle. Quand le premier ministre Higgs a refusé de reconnaître la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, notre maire, Adam Lordon, a été le premier maire au Nouveau-Brunswick à souligner cette journée. En travaillant fort avec l’administration municipale, nous avons préparé des trousses d’information, nous avons tenu des kiosques d’information et nous avons animé des cercles de discussion, tout cela en vue de faire connaître notre culture. Ces efforts n’étaient pas unilatéraux : ce sont des personnes non autochtones qui se sont adressées à nous pour recevoir de l’aide. À Miramichi, de nombreuses écoles nous ont inclus dans leurs activités d’éducation.

Nous ignorons ce que vous voulez apprendre, et les connaissances que nous voulons vous transmettre ne sont pas nécessairement celles que nous devrions vous transmettre. Nous trouvons important pour les collectivités non autochtones de nous tendre la main et de travailler avec nous. Selon moi, ce n’est pas notre responsabilité, mais nous sommes prêts à participer aux décisions et à le faire dans la bienveillance réciproque. C’est mon opinion. Le chef Sock a peut-être quelque chose à ajouter, mais selon moi, la responsabilité incombe aux deux parties.

M. Sock : Vous l’avez très bien dit. La seule chose que j’ajouterais, c’est que nous sommes prêts, nous sommes capables et nous disposons de ressources. Nous n’avons pas de programme établi, mais nous y travaillons en collaboration avec les systèmes d’éducation. Il ne fait aucun doute que nous pouvons enclencher le processus ensemble.

Le sénateur Quinn : Merci beaucoup pour vos réponses. Vous avez raison lorsque vous dites qu’il appartient aux Canadiens de vouloir apprendre et comprendre. Or, selon moi, pour leur ouvrir les yeux sur le besoin d’en savoir plus, il faut d’abord leur faire prendre conscience des enjeux.

Au Nouveau-Brunswick, je sais qu’il y a des partenariats avec le secteur privé. Je pense à l’administration portuaire de Belledune et au travail qu’elle a fait. Je trouve sa relation avec les Premières Nations remarquable. Je pense aussi à la relation entre l’administration portuaire de Saint John et les Wolastoqey et le Keltic Lodge. Peut-être y a-t-il moyen de tirer parti de ces partenariats pour conscientiser la population. Au bout du compte, c’est vraiment une question de sensibilisation, parce qu’au Nouveau-Brunswick comme partout au Canada, monsieur et madame Tout-le-monde vivent leur vie de tous les jours sans penser à ces enjeux. Ils ne sont pas au courant des droits inhérents des Premières Nations relatifs à la pêche. C’était le thème de notre rapport. Lorsqu’on leur parle des droits par comparaison aux privilèges, ils ne comprennent pas. C’est vraiment un défi de trouver comment éduquer les gens et leur ouvrir les yeux sur l’importance d’approfondir leurs connaissances. Je me demande s’il y a moyen, comme première étape, de tirer parti des relations que vous et d’autres groupes avez établies avec d’autres organismes de la province, car nos relations avec la province ne sont probablement pas ce qu’elles devraient être.

Mme Levi : Absolument. Nous espérons obtenir du financement pour notre plan de gestion concertée, qui comprend toute une section sur la communication et l’éducation, notamment dans le domaine des pêches.

Quand nous faisons affaire avec les pêcheurs commerciaux non autochtones, nous voulons qu’ils comprennent que nos droits issus de traités sont complètement différents de leurs droits. Nous tenons aussi à sensibiliser les administrations portuaires, car souvent, elles ont l’impression que nous obtenons des choses pour rien. Elles ne comprennent pas le processus que nous devons suivre et que nous n’exerçons pas une plus grande pression sur les ressources. Nous retirons des permis. Quand un permis est retiré, nous le remplaçons; ce n’est donc pas un ajout. J’ai déjà travaillé auprès du MPO; je sais donc de quoi il retourne.

Ce que nous avons compris — et je suis très chanceuse d’avoir cette expérience parce que je peux maintenant appuyer les communautés et les préparer à accéder à la pêche —, c’est qu’il y a un manque de communication entre, d’un côté, le MPO, et de l’autre, les administrations portuaires et les syndicats de pêcheurs locaux. Le MPO ne les instruit pas. Comprenez-vous ce que je veux dire? Quand on a commencé à mettre en œuvre l’arrêt Marshall il y a 20 ans, un grand nombre de flottes ont été retirées, et des flottes autochtones ont été mises à l’eau. Elsipogtog a mouillé 40 navires dans le port de Richibucto. Les gens étaient contrariés; ils ne comprenaient pas que les ressources n’étaient pas mises à plus rude épreuve. Les navires étaient retirés, et nous les remplacions.

Où était le manque de communication? Le ministère aurait dû être prêt; il aurait dû envoyer une lettre aux administrations portuaires pour les informer, par exemple, que la raison pour laquelle Elsipogtog pouvait mettre quatre nouveaux navires à l’eau, c’est que quatre permis avaient été retirés. À la place, le manque de communication a provoqué des tensions. Ce n’était pas la faute des groupes autochtones; c’était la faute au ministère, qui aurait dû mettre les administrations touchées au courant de la situation.

Il y a une courbe d’apprentissage. Nous avons l’intention de travailler là-dessus dans le cadre de notre entente de réconciliation et de reconnaissance des droits, notre plan de gestion concertée. Nous voulons faire de la sensibilisation auprès des administrations portuaires et des communautés autochtones. En fait, Esgenoôpetitj a organisé une séance d’information pour l’administration portuaire de Tabusintac et ses pêcheurs afin d’avoir une discussion avant l’ouverture de la pêche. Il y a des discussions, et des changements sont en cours. La nouvelle génération semble avoir l’esprit ouvert et elle semble vouloir apprendre.

Le sénateur Quinn : Je trouve cela tellement encourageant. Je tiens à préciser, pour mes collègues, que les ports dont je parlais sont les administrations portuaires canadiennes, soit les grands ports. Je pense que de votre côté, vous parlez des ports pour petits bateaux.

Mme Levi : Oui.

Le sénateur Quinn : Je tenais à faire la distinction. Je vous remercie.

La sénatrice Cordy : Merci à toutes et à tous d’être des nôtres aujourd’hui. C’est toujours un privilège d’avoir des discussions en petits groupes.

Votre observation selon laquelle les communautés autochtones et les collectivités situées près de ces communautés doivent se tendre la main et s’instruire mutuellement m’a beaucoup touchée. J’ai grandi à Sydney, en Nouvelle-Écosse, près de Membertou. Quand j’étais jeune, il y avait une seule route pour accéder à Membertou et pour quitter la communauté. Aujourd’hui, Membertou est le moteur économique de toute la région. Sa population croît. Elle attire des industries. J’ai rencontré le chef une fois à bord d’un avion. La nation est propriétaire d’un terrain situé de l’autre côté de l’autoroute. Le chef n’arrêtait pas de recevoir des appels; on lui demandait si un nouvel entrepôt Costco serait construit à Membertou. En fait, le président de Costco a appelé le chef pour lui dire qu’il avait eu vent des rumeurs, mais que Costco n’avait pas l’intention de construire un entrepôt au Cap-Breton, du moins pas maintenant. Pourtant, si le chef Paul s’en mêle, il y en aura un. Tout cela pour dire que votre observation était très juste.

Pendant que nous préparions notre rapport, tous les témoins nous ont dit que le gouvernement parle de discuter de nation à nation, mais qu’en réalité, les discussions ne se font pas de nation à nation. Ce sont les peuples autochtones et le ministère des Pêches et des Océans qui discutent. Ce ne sont donc pas des discussions de nation à nation; ce sont des discussions de nation à ministère. Appuyez-vous l’affirmation selon laquelle il faut plus de discussions de nation à nation?

M. Sock : Absolument.

La sénatrice Cordy : Avez-vous quelque chose à dire au sujet de l’importance de cette question?

Mme Levi : Selon moi, c’est très important, car nous n’avons jamais cédé nos terres et nous sommes assujettis à la Loi sur les Indiens, une loi distincte à laquelle ne sont pas soumis tous les autres Canadiens. L’édiction de cette loi ne représente-t-elle pas l’établissement d’une relation de nation à nation? Je crois fermement que nous devons entretenir une relation d’égal à égal. Les décisions doivent être prises conjointement avec les peuples autochtones. Nous sommes les premiers peuples à avoir occupé le territoire, et si le gouvernement du Canada trouvait important de créer une loi distincte pour régir les peuples autochtones, c’est ce qui doit être arrivé.

La sénatrice Cordy : Je vous remercie. C’est ce qu’on nous a dit; je voulais juste confirmer auprès de vous.

J’ai aussi été frappée par vos observations sur le processus décisionnel du gouvernement. Les décisions sont censées être prises par consensus. Dans les faits, il y a peut-être des discussions, mais il n’y a pas de consensus. Appuyez-vous cette affirmation? Étant donné l’emplacement de nombre de réserves, que ce soit dans le Nord du Nouveau-Brunswick ou dans les régions rurales de la Nouvelle-Écosse, les pêcheurs sont les mieux placés pour déterminer s’il est sécuritaire ou non de partir en mer. C’est là un parfait exemple d’une décision prise sans consensus. Je sais que vous avez abordé le sujet tout à l’heure, chef Sock. Voulez-vous ajouter quelque chose là-dessus?

M. Sock : Je peux en dire un peu plus à ce sujet, puis renvoyer la question à Mme Levi.

Je peux vous donner un exemple de la forme que prendrait un processus décisionnel auquel participeraient également les deux parties. Dans de nombreux cas, les décisions sont fondées sur des enjeux relatifs, par exemple, à la conservation ou à la durabilité. Le MPO avance toujours de tels arguments pour prendre des décisions paternalistes.

Il y a 20 ans, Elsipogtog a commencé, disons, par 20 navires. Je ne me rappelle pas le nombre exact. Les gens pensaient que cela signifiait que 20 navires additionnels pratiqueraient la pêche dans la région. Quand nous avons intégré la pêche, la population générale croyait à tort que nous exercions une trop forte pression sur la pêche.

Aujourd’hui, soit 23 ans plus tard, nous avons environ 80 navires à l’eau, et les stocks continuent d’augmenter. Les populations continuent de croître. Je n’ai aucune expérience au MPO ou dans le domaine de la biologie marine; toutefois, j’ai de l’expérience dans la culture mi’kmaq. La culture mi’kmaq repose sur un concept fondamental : Netukulimk. Ce principe veut qu’on prenne seulement ce dont on a besoin; on ne fait que ce qu’il faut pour survivre ou pour améliorer sa situation. C’est le principe qui sous-tend la culture mi’kmaq.

Je ne sais pas. Je pense que ce que j’essaie de dire, c’est que je ne comprends pas pourquoi le Canada refuse d’établir une vraie relation de nation à nation ou d’adopter un processus décisionnel d’égal à égal. Il préfère maintenir une attitude paternaliste. Je crois que c’est parce qu’il se fonde sur sa mentalité non autochtone, selon laquelle il faut pêcher le plus possible et faire le plus d’argent possible, jusqu’à ce que la pêche disparaisse. Cette mentalité est loin de celle des Mi’kmaqs. Je pense que telle est leur position. Nous devons arriver à nous entendre. Jamais les Mi’kmaqs n’entraîneront la disparition d’une pêche, contrairement aux non-Mi’kmaqs ou aux non-Autochtones. C’est là que nous devons unir nos efforts.

La sénatrice Cordy : C’est une excellente façon de décrire la situation.

Ce n’était pas dans notre rapport, mais c’est lié à la pêche. Dernièrement, j’ai beaucoup lu sur les tensions liées à la pêche à la civelle, aussi appelée anguillette. Avez-vous des commentaires à ce sujet ou sur ce qui se passe?

M. Sock : Oui, je peux faire un bref commentaire. Encore une fois, cela fait partie des choses qui ne poseraient pas problème avec une relation significative d’égal à égal. Actuellement, les gens pratiquent cette pêche par frustration, dans l’optique de forcer la main du gouvernement, la mentalité qui prévaut en ce moment, essentiellement. Je pense que cela aurait pu être évité et que nous aurions pu pratiquer cette pêche de manière beaucoup plus responsable.

La sénatrice Cordy : Donc, plus de communication? Des discussions de nation à nation et...

Mme Levi : [Difficultés techniques] revenir à une subsistance modérée.

La sénatrice Cordy : Exactement. Ce qui est la décision Marshall, n’est-ce pas?

Mme Levi : Oui. Si les fonctionnaires du MPO étaient venus discuter avec nos chefs, ils sauraient qu’ils ont la même philosophie que le chef Sock. Selon nos lois, à Mi’kma’ki, nous ne violons pas la nature et ne pillons pas nos ressources. Nous exploitons les ressources depuis des années et nous sommes toujours là, n’est-ce pas? Si notre but était d’agir ainsi, nous l’aurions fait. Nous avons nos propres méthodes, nos façons traditionnelles de protéger nos ressources, et nous devons avoir notre place à la table. Nous pourrions peut-être donner quelques leçons à certains.

La sénatrice Cordy : Merci beaucoup. Merci à vous deux d’être ici.

Sean Triska, directeur des pêcheries, MAWIW Council Inc. : Brièvement, sur la question de la civelle, on trouve dans la réponse du gouvernement du Canada une note selon laquelle la ministre indique que le MPO a réduit le quota individuel délivré aux détenteurs de permis de pêche commerciale à l’anguillette pour soutenir une augmentation de la participation des Premières Nations à la pêche. Cela n’a fait qu’ouvrir une boîte de Pandore, en ce sens que voyant cela, d’autres Premières Nations ont aussi voulu y participer, ce qui n’a pas vraiment été reconnu ou fait l’objet d’un suivi, à ma connaissance. Je n’en sais pas trop à ce sujet. En même temps, lorsque la ministre a décidé de fermer la pêche, je doute fort que les Premières Nations qui ont obtenu un quota de pêche commerciale à la civelle pour cette année et une partie de l’année dernière ont été consultées de manière exhaustive et importante. Cela nous ramène à la question des discussions de nation à nation, et cetera, que l’on doit garantir pour les générations futures et pour les Premières Nations.

La sénatrice McPhedran : Je vous remercie de votre présence.

J’ai besoin de vos conseils concernant la question que je voudrais poser. Je tiens d’abord à vous présenter mes plus sincères condoléances pour votre perte. Je me demande si vous pourriez expliquer ce qui aurait dû se passer. Quelle aurait été la situation si l’article 4.1 était appliqué? Quelle aurait été la nature des communications? Quel genre de décisions auraient été prises? Quelles mesures aurait-on dû prendre pour éviter la perte de votre frère?

M. Sock : Je vais m’en remettre à nos experts techniques, car nous leur avions demandé de fournir ces détails. En fait, ils avaient un très bon plan.

Mme Levi : S’il y avait eu un véritable processus décisionnel partagé ce jour-là, la pêche n’aurait pas été ouverte. Habituellement, la pêche au crabe des neiges commence autour du 20 avril, mais il arrive que les pêcheurs puissent sortir plus tôt, en raison de la présence de baleines et de plus gros bateaux. Si la Garde côtière ne pouvait pas sortir en toute sécurité, cela me dépasse que le ministère ait pu penser que c’était sécuritaire pour les pêcheurs, car il y avait des morceaux de glace. Je ne veux pas dire que c’est une chance, car deux personnes sont mortes ce jour-là, mais plusieurs autres personnes auraient pu mourir.

Un véritable processus décisionnel partagé, ce n’est pas uniquement un processus mené avec les grands navires non autochtones, les grands chalutiers, mais un processus auquel participent tous nos petits pêcheurs autochtones qui sortent en mer pour assurer la subsistance de leur famille et gagner leur vie. Rien ne devrait avoir préséance là-dessus. La prise de décisions doit avoir une dimension humaine. Ce processus décisionnel partagé aurait dû avoir lieu. On aurait dû nous écouter. Les Autochtones n’étaient pas les seuls à demander le report de l’ouverture de la pêche, les exploitants de petits navires le demandaient aussi. Je comprends que la protection des baleines est importante, mais nos gens sont plus importants qu’un poisson.

La sénatrice McPhedran : Dans quelle mesure les communications ont-elles eu lieu par écrit? Pouvez-vous transmettre au comité des renseignements à ce sujet à titre d’exemple comparatif entre ce qui s’est réellement passé et ce qui, selon vous, aurait dû se passer?

Mme Levi : Nous avons essayé d’obtenir des renseignements sur cette journée-là, même aujourd’hui, mais on ne reçoit que des réponses évasives. Nous avons parlé à Transports Canada. J’ignorais qu’il y avait Transports Canada et quelque chose appelé Canada Transport. Il y a deux secteurs différents quant à l’évolution des choses. La Garde côtière nous a aidés un peu, et le ministère aussi.

Pour ce qui est de la décision d’ouvrir la pêche ou non, je crois comprendre qu’elle a été prise par le ministère et certains groupes de pêcheurs, comme la Maritime Fishermen’s Union et d’autres organismes. Je devrais peut-être vous demander de répondre, monsieur Triska, puisque vous y participez, et vous pourriez expliquer comment cela se passe. Nous avons un siège, donc une seule voix. Je préférerais que M. Triska réponde à cette question sur l’ouverture de la saison.

M. Triska : Concernant l’ouverture de la pêche, je suis certain que vous savez tous comment se déroulent les réunions du Comité sur l’état des glaces qui ont lieu au début de chaque saison de pêche au crabe des neiges. Le Comité sur l’état des glaces comprend des représentants des Premières Nations, des intervenants de l’industrie et d’autres syndicats de pêcheurs, et tous participent à cette décision.

Pour l’ouverture de la saison cette année-là, je n’étais pas encore au MAWIW Council. J’étais alors coordinateur adjoint pour les pêcheries commerciales d’Elsipogtog. Avant cette réunion, j’avais envoyé au président des photos des quais où nous voulions débarquer nos prises : ils étaient encore complètement gelés. Aucun bateau n’était sorti. Certains ports étaient complètement couverts de glace. Le MPO nous a dit que nous pouvions débarquer nos prises dans un autre port en attendant le dégel. Avant la réunion, j’ai envoyé des photos à l’organisateur de la réunion. Ce n’était peut-être pas le président. Je peux retrouver ces courriels.

De plus, lors de la réunion... Elle a eu lieu sur Zoom, et j’ignore si elle a été enregistrée, comme le sont habituellement toutes les réunions du comité sur l’état des glaces. Ce printemps-ci, elle a été enregistrée. Toutefois, si le MPO avait un enregistrement de la réunion en question, on peut y voir que mon patron — mon coordonnateur de l’époque — a demandé le report de l’ouverture de la saison lors de cette réunion, ce qui n’a pas été fait.

Donc, de notre point de vue, ce sont les seuls mécanismes dont nous disposons pour faire entendre notre voix, mais si notre voix est en quelque sorte réduite au silence par rapport à d’autres acteurs qui misent sur la taille de leur flotte ou leur poids dans l’industrie pour décider de l’ouverture de la pêche, alors cela devient essentiellement peine perdue.

C’est tout ce que j’avais à dire, à moins qu’il n’y ait d’autres questions.

M. Sock : Essentiellement, le groupe le plus nombreux est celui qui se fait le plus entendre, point.

La sénatrice McPhedran : Je vous remercie. Afin que ce soit clair, le comité vous serait reconnaissant de lui faire parvenir par écrit tout renseignement qui nous aiderait à comprendre ce qui s’est passé et ce qui a mené à ces décès.

Pour revenir à ma question sur un accord en vertu de l’article 4.1, qu’est-ce qui aurait été différent si votre accord avait été en place et avait été respecté? Nous pourrions commencer par le processus décrit par M. Triska et toute communication écrite nécessaire si un accord en vertu de l’article 4.1 était en vigueur. Selon vous, comment cela devrait-il fonctionner?

M. Sock : Premièrement, je dois souligner que nous nous considérons comme une nation. Par conséquent, dans mon rôle, je ne participe pas directement à ce genre de processus. Je demanderais donc encore une fois à M. Triska, à Mme Levi et à l’équipe technique de répondre.

Mme Levi : Madame Stockwell, pouvez-vous répondre à cette question?

Mme Stockwell : Certainement. Merci, madame Levi. Je vous remercie de la question, sénatrice.

S’il y avait un accord en vertu de l’article 4.1 reconnaissant l’existence d’un partenariat d’égal à égal de nation à nation dont le chef Sock, Mme Levi et M. Triska ont parlé aujourd’hui, le Canada aurait tenu compte du rôle de décideur des nations, aurait consulté les nations au sujet de la date d’ouverture de la pêche et aurait cherché à parvenir à une décision fondée sur un consensus. Il y aurait eu une discussion sur les facteurs à considérer pour l’ouverture d’une pêche. Les nations auraient eu l’occasion d’exprimer leurs préoccupations directement et d’essayer d’arriver à un consensus avec le Canada sur cette question. Il aurait été difficile de parvenir à un consensus avant décision d’ouvrir la pêche en tenant compte des informations dont les nations disposaient sur l’état des glaces ce jour-là. Avec un accord reconnaissant la nécessité d’une véritable prise de décision par consensus dans le cadre d’un partenariat d’égal à égal, la voix de la nation aurait eu autant de poids que celle du gouvernement.

Le président : C’était une bonne question, sénatrice McPhedran. Supposons qu’un véritable consensus ne peut être atteint au terme d’une véritable discussion de nation à nation en vertu de l’article 4.1. Que se passerait-il, à ce moment-là? Si c’était en place, qu’arriverait-il si vous ne parveniez pas à un consensus?

Mme Stockwell : Je vous remercie, sénateur, de votre question.

Beaucoup d’accords sur la prise de décision par consensus conclus entre le Canada et d’autres nations comportent un mécanisme de règlement des différends très complet. Aujourd’hui, le chef Sock a expliqué l’importance de la prise de décision par consensus dans les traditions et la culture de la nation Mi’kmaq en général, ainsi que son expérience des mécanismes de règlement des différends et de l’atteinte de consensus. Lorsqu’un consensus n’est pas atteint, il y a habituellement un processus selon lequel la question est renvoyée à divers niveaux aux fins de décision. Les gens doivent se réunir pour discuter, et la question est transmise aux divers échelons supérieurs jusqu’à ce qu’il y ait consensus.

M. Sock : Vous venez d’entendre le côté juridique des choses. À Mi’kma’ki, le consensus, c’est exactement cela. Si vous étiez les gens du MPO et que nous discutions de nation à nation aujourd’hui, nous ne sortirions pas de cette salle tant que nous ne serions pas parvenus à un accord. Voilà la façon traditionnelle des Mi’kmaqs de parvenir à un consensus. Nous débattrons aussi longtemps qu’il le faudra, puis nous prendrons une décision. Voilà pour le côté culturel des choses.

Le sénateur Francis : Plus tôt, je vous ai posé une question sur les ERRD, les ententes de réconciliation et de reconnaissance des droits. Pourriez-vous préciser si vous avez reçu le financement promis par le MPO lors de la signature de cette entente? Deuxièmement, pouvez-vous expliquer comment, précisément, vous avez financé le programme de gardes-pêche sans accès aux fonds promis par le ministère?

Mme Levi : Non, nous n’avons pas reçu la totalité des fonds prévus dans le cadre de l’ERRD. Nous sommes rendus à la partie sur la gestion collaborative. Nous avons reçu une partie des fonds de l’initiative des mesures liées à un traité, qui est un petit montant global distinct, mais nous n’avons pas encore reçu le financement pour la gestion collaborative, soit le financement de quelque 9 millions de dollars que nous sommes censés recevoir.

Le sénateur Francis : Depuis combien de temps attendez-vous ce financement?

Mme Levi : Cela fait quatre ans.

Actuellement, nous fonctionnons en faisant des demandes de financement auprès d’autres organismes gouvernementaux pour l’élaboration, le perfectionnement et l’administration de nos programmes de gardes-pêche. Après ce qui est arrivé à Jumbo et la situation par rapport à la pêche au crabe des neiges, nous considérons que nous avons besoin de nos gardes-pêche pour aider à patrouiller et à protéger nos pêcheurs pour garantir qu’une telle situation ne se reproduise pas. C’était une priorité pour nos chefs. C’est pourquoi on nous a confié ce mandat. M. Triska et moi avons dû faire preuve d’une grande débrouillardise. Il perfectionne sans cesse son expertise pour la présentation de propositions afin d’obtenir ce financement. Nous offrons à nos gardes-pêche une meilleure formation que celle des agents des pêches du MPO. Nous poursuivons notre parcours vers l’autonomie, en particulier sur les eaux et pour assurer la protection de nos membres.

Le sénateur Francis : Je vous remercie.

Le président : Quatre années d’intérêts sur 9 millions de dollars, cela représente un montant considérable. Si c’était l’inverse, vous devriez au gouvernement, après quatre ans, 9 millions de dollars plus les intérêts. Donc, lorsque vous recevrez votre financement, ce sera peut-être avec intérêts.

Mesdames et messieurs, je tiens à vous remercier de votre présence au comité ce matin et de cette excellente discussion. Nous avons présenté ce rapport avec les meilleures intentions, en essayant de traiter d’une situation très grave. Nous sommes d’avis que notre rapport, qui fait consensus autour de cette table, est un pas dans cette direction. J’espère sincèrement que le ministère mettra en œuvre certaines de nos recommandations. Nous avons l’intention, du moins de notre côté, de maintenir la pression sur le ministère, et nous espérons que les choses bougeront dans un proche avenir.

Cela dit, je tiens à vous remercier encore une fois de votre comparution ici aujourd’hui. Je laisse le mot de la fin au chef Sock.

M. Sock : Je tiens d’abord à remercier les sénatrices et sénateurs ici présents d’avoir pris le temps d’écouter nos préoccupations. Nous sommes conscients que vous n’avez pas de baguette magique. Dans un monde parfait, il vous suffirait d’un coup de baguette magique pour que tout cela disparaisse. Nous vous sommes très reconnaissants des efforts que vous ferez pour défendre notre cause et régler ce dossier.

Le président : Merci, chers collègues. Je rappelle aux membres du comité directeur qu’une réunion du comité directeur aura lieu immédiatement après cette séance.

(La séance est levée.)

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