LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES PÊCHES ET DES OCÉANS
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le jeudi 5 décembre 2024
Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd’hui, à 9 h 09 (HE), avec vidéoconférence, afin d’examiner pour en faire rapport la séquestration du carbone océanique et son utilisation au Canada.
Le sénateur Fabian Manning (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour à tous. Je m’appelle Fabian Manning. Je suis un sénateur de Terre-Neuve-et-Labrador et président du comité.
Avant de commencer, je demanderais à tous les sénateurs et autres participants en personne de consulter les lignes directrices qui se trouvent sur la table et qui nous permettront d’éviter les incidents de rétroactions acoustiques. Assurez-vous de tenir votre oreillette loin de tous les microphones en tout temps. Quand vous n’utilisez pas votre oreillette, placez-la face vers le bas sur l’autocollant placé sur la table à cette fin. Je vous remercie de votre collaboration.
Si des problèmes techniques surviennent, particulièrement en ce qui a trait à l’interprétation, veuillez me le signaler ou le faire savoir à la greffière, et nous nous efforcerons de régler le problème.
Avant de commencer, j’aimerais prendre quelques instants pour permettre aux membres du comité de se présenter.
Le sénateur Kutcher : Stan Kutcher, de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur C. Deacon : Colin Deacon, de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Ataullahjan : Salma Ataullahjan, de l’Ontario.
Le sénateur Ravalia : Mohamed Ravalia, de Terre-Neuve-et-Labrador.
[Français]
Le sénateur Aucoin : Réjean Aucoin, de la Nouvelle-Écosse.
[Traduction]
Le sénateur Cuzner : Rodger Cuzner, du Cap-Breton, en Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Busson : Bev Busson, de la Colombie-Britannique. Soyez les bienvenus.
Le président : Le 24 septembre 2024, le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans a été autorisé à examiner pour en faire rapport la séquestration du carbone océanique et son utilisation au Canada. Aujourd’hui, dans le cadre de ce mandat, le comité entendra les personnes suivantes : Ken Paul, membre de la nation Wolastoqey à Neqotkuk; Neil Craik, professeur de droit, Balsillie School of International Affairs, Université de Waterloo, qui se joint à nous en ligne; Na’im Merchant, directeur général, Carbon Removal Canada, qui se joint également à nous en ligne; et Romany Webb, directrice adjointe, Sabin Center for Climate Change Law, Université Columbia, qui se joint aussi à nous en ligne.
Au nom des membres du comité, je remercie chacun et chacune d’entre vous d’être parmi nous aujourd’hui. Je crois comprendre que vous avez tous une déclaration préliminaire à faire. Je suis certain que les membres du comité auront ensuite des questions à vous poser.
Monsieur Paul, vous avez la parole.
Ken Paul, membre de la nation Wolastoqey à Neqotkuk, à titre personnel :
[Le témoin s’exprime en langue autochtone.]
Je m’appelle Ken Paul. Je suis de la nation Wolastoqey à Neqotkuk, qui se trouve dans la Première Nation de Tobique au Nouveau-Brunswick. Je suis ici dans l’espoir d’apporter le point de vue de certaines des communautés autochtones avec lesquelles j’ai travaillé en ce qui a trait à la capture du carbone dans le secteur océanique et de faire la lumière sur les façons d’être plus inclusifs à l’égard des communautés autochtones.
Quand j’ai participé à ce genre de travail pour la première fois, il y a deux ans, c’était par l’entremise de certains chercheurs. On m’a pressenti et on m’a dit qu’on voulait faire des tests dans ce domaine. Ils ont commencé à m’expliquer ce qu’était la capture du carbone océanique, et ma première question a été : « Quel sera l’impact sur les poissons? » À ce jour, personne n’a vraiment été en mesure d’y répondre.
Je sais que dans nos communautés côtières autochtones ce sera la toute première question — en fait, ce pourrait être la deuxième. La première question sera : « Qu’est-ce que la capture du carbone océanique? »
Il doit y avoir de bonnes communications à ce sujet. Il faut aussi mettre en place un grand nombre de mesures pour que nous puissions comprendre l’impact environnemental de certaines de ces interventions qui se produiront dans le cadre de la capture du carbone.
J’ai participé à des ateliers nationaux et internationaux sous l’égide de la NOAA, la National Oceanic and Atmospheric Administration, ainsi qu’à certains travaux menés par des groupes de l’Union européenne. On met beaucoup l’accent maintenant sur les aspects scientifiques, essentiellement sur la façon de composer avec la chimie liée à la réduction de l’acidité en introduisant l’alcalinité soit par la fertilisation, soit par des processus d’ingénierie.
C’est vraiment important. Beaucoup de gens n’accordent pas d’importance aux solutions axées sur la nature, comme cultiver et renouveler des forêts de varech, des zostères, des mangroves ou toute autre activité végétale possible dans le secteur océanique.
Je me rends compte que nous faisons face à une crise. L’océan est le plus grand puits de carbone de la planète. Si nous décidions à l’échelle mondiale de n’utiliser que des solutions d’origine végétale et naturelle, nous ne pourrions probablement pas rattraper la quantité de carbone que nous continuons de rejeter dans l’atmosphère.
L’autre chose que je constate, c’est que les gens ne parlent pas de réduire notre consommation de carbone comme société. C’est un peu comme si nous voyions un robinet qui fuit dans le coin et que nous essayions de trouver de meilleures façons d’éponger l’eau sans avoir à régler le problème du robinet qui fuit.
Je crois, et c’est ce que j’entends quand je parle à mes collègues des communautés autochtones, que nous devons utiliser toutes ces différentes solutions pour aider à atténuer le problème. Nous ne pouvons pas nous concentrer sur un seul secteur.
J’ai également remarqué dans ces conversations que beaucoup d’entreprises qui commencent à être soutenues dans ce travail commencent automatiquement à parler de crédits de carbone. Les crédits de carbone auront une valeur économique. J’espère seulement que ce ne sera pas la motivation des gens. Il faudrait vraiment faire ce qui est le mieux pour l’océan et la planète, plutôt que de faire ce qu’il y a de mieux pour les actionnaires.
À ce que je sache, il n’y a pas de réglementation nulle part. Il n’y en a pas aux États-Unis. Je ne pense pas qu’il y en ait en Europe non plus. Si nous sommes en mesure d’élaborer des règlements ici au Canada, les crédits de carbone feraient partie de la réglementation, et les communautés autochtones seraient également très impliquées dans ces avantages liés au carbone. Ce qui se produira ici aura une incidence sur les droits des Autochtones dans le secteur marin. Vous pourriez parler de la santé de l’habitat du poisson ou de certaines des autres activités qui auront lieu quand vous commencerez à faire ces interventions. Elles auront une incidence sur notre mode de vie traditionnel et sur la santé de la planète.
Enfin, j’espère que les gens comprendront que nous, les communautés autochtones, ne considérons pas l’océan comme une chose. Nous ne le voyons pas comme un objet qui a un problème que nous devons résoudre. Nous comprenons que l’océan est un être vivant doté d’un esprit. Nous avons une relation — tout le monde sur la planète a une relation — avec l’océan parce que, à tout le moins, il a une incidence sur nos conditions météorologiques. Où que vous soyez sur la planète, vous êtes touché par les conditions météorologiques. C’est pourquoi nous voyons plus d’ouragans violents, de rivières atmosphériques, de sécheresses et de feux de forêt. Ces phénomènes sont de plus en plus graves et fréquents.
Dans la région de l’Atlantique, où j’habite, il y a eu quatre ouragans depuis 2003 alors qu’il n’y en avait jamais eu auparavant. C’est devenu un sujet de préoccupation annuel. À l’automne, nous devons prêter attention à ces choses parce que les collectivités côtières y sont vulnérables. Bon nombre de nos communautés autochtones sont côtières.
Au lieu de comprendre l’océan comme une chose qui doit être corrigée, nous voulons nous assurer d’avoir cette compréhension que l’océan est un être vivant et un esprit avec lesquels nous avons une relation. Nous espérons que toutes nos interventions seront dans l’intérêt supérieur de l’océan, ce qui sera vraiment dans notre propre intérêt.
Je tenais simplement à faire ces déclarations liminaires pour essayer de présenter quelques points de vue des communautés autochtones.
Le président : Merci, monsieur Paul. Nous passons maintenant à M. Craik.
Neil Craik, professeur de droit, Balsillie School of International Affairs, Université de Waterloo, à titre personnel : Merci, monsieur le président, et bonjour, sénateurs.
Je vous remercie de m’avoir invité à contribuer aux travaux du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans sur cet important sujet. L’Université de Waterloo se trouve sur les terres traditionnellement occupées par les peuples neutres, anishinabeg et haudenosaunee. Notre campus principal se trouve sur la parcelle de la rivière Haldimand, une terre concédée aux Six Nations, soit six milles le long de la rivière Grand.
Mes recherches actuelles portent sur le droit international et la politique des interventions climatiques à grande échelle ainsi que sur le droit de la protection du milieu marin. Je fais partie d’un laboratoire, le Waterloo Climate Interventions Strategies Lab, qui élabore des outils d’aide à la décision qui aident les décideurs à prendre des décisions concernant des réponses climatiques complexes dans des conditions de grande incertitude.
Notre laboratoire a récemment publié un document d’orientation sur l’élimination du dioxyde de carbone marin au Canada, que j’ai remis à la greffière du comité.
Dans ma déclaration préliminaire, j’aimerais vous donner un aperçu du genre de choses dont les organismes de réglementation canadiens auront besoin pour répondre aux exigences en matière de gouvernance et où se trouve actuellement cette réglementation, l’offre. Je vais aborder ces questions dans quatre domaines.
Le premier domaine est celui de la protection de l’environnement. L’élimination du dioxyde de carbone marin, ou mCDR, consiste à placer des matières dans l’environnement océanique. Cela doit être fait de manière à éviter ou à minimiser les dommages potentiels à l’environnement. L’instrument de réglementation international central qui traite du placement de matières dans l’océan est le Protocole de Londres, auquel le Canada est partie, mais pas les États-Unis. Le Protocole de Londres comprend une modification de 2013 qui porte sur la géo-ingénierie marine. Il est important que le comité comprenne que la modification apportée au Protocole de Londres, bien qu’elle ait été adoptée par les parties, n’est pas en vigueur. Pour qu’elle devienne exécutoire, elle doit être ratifiée par 36 parties. À ce jour, elle n’a reçu que six ratifications. Le Canada n’a pas ratifié la modification. Si ces dispositions entrent en vigueur, elles le seront par l’entremise des dispositions sur l’immersion en mer de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement.
La modification ne porte que sur la fertilisation des océans à l’heure actuelle, mais il a été proposé de l’élargir pour y inclure d’autres méthodes liées au mCDR, notamment l’alcalinité des océans et les macroalgues. Le Protocole de Londres ne porte que sur l’immersion à partir de navires, d’aéronefs et de plateformes; il n’inclurait donc pas le dépôt de matières par des décharges d’eaux usées ou des activités terrestres, comme la capture directe dans l’océan. La structure du règlement prévoit qu’une activité inscrite est interdite, mais permet une exception pour la « recherche scientifique légitime ». Les activités de recherche doivent faire l’objet d’un processus d’évaluation et sont autorisées. À mon avis, le processus d’évaluation est solide et n’impose pas d’obstacles indus à la recherche responsable. D’autres outils de réglementation, comme la Loi sur les pêches et la réglementation provinciale concernant l’eau, peuvent également jouer un rôle.
Le deuxième domaine est celui de la surveillance, de la production de rapports et de la vérification, ou MRV, concernant les activités du mCDR. Cela s’applique aux paramètres environnementaux et peut faire partie du processus de délivrance des permis. Il s’agit aussi de veiller à l’intégrité des allégations relatives à la capture du carbone. Tout d’abord, les activités de MRV dans un environnement océanique sont très complexes parce que l’élimination réelle du carbone de l’atmosphère est indirecte et dépend des interactions océan-atmosphère. Ces normes seront probablement élaborées par l’industrie sous la surveillance du gouvernement et, idéalement, harmonisées à l’échelle internationale.
Le deuxième point, c’est qu’à grande échelle, les activités de MRV nécessiteront probablement un investissement important dans l’infrastructure d’observation des océans.
Troisièmement, il y a ce que j’appellerais les droits et avantages des utilisateurs. Il s’agit de gérer les répercussions sociales et économiques, d’utiliser les droits et les droits au profit, ce qui peut comprendre le partage des avantages avec les nations autochtones lorsque des activités du mCDR se déroulent dans des zones assujetties aux activités traditionnelles liées aux ressources ou au territoire traditionnel, ou éventuellement à des questions inter-États comme les impacts transfrontaliers et le partage des avantages entre États. À cet égard, la Loi sur les océans pourrait jouer un rôle important dans la gestion des conflits d’utilisation par le biais de la gestion intégrée des océans. L’évaluation en vertu du Protocole de Londres peut porter sur des questions transfrontalières, mais elle pourrait être insuffisante pour gérer les répercussions transfrontalières continues à grande échelle.
Enfin, le processus de recherche lui-même exige une attention réglementaire. Le mCDR est susceptible d’être controversé, et l’aspect clé de son succès sera la confiance du public dans la science sous-jacente. La transparence et les processus de recherche consultatifs sont essentiels pour faciliter un débat public fondé sur des données probantes. La modification au Protocole de Londres aborde ces questions et exige que les résultats scientifiques ne soient pas influencés par l’activité financière, ce qui est un sujet de préoccupation possible parce qu’il existe une pratique consistant à financer la recherche et le développement au moyen de la prévente de crédits de carbone qui pourraient être émis à l’avenir en raison de l’élimination du dioxyde de carbone.
Un autre élément ici est l’élaboration de critères selon lesquels les activités du mCDR pourraient passer de l’expérimentation au déploiement. Vous avez entendu les témoins de l’industrie qui ont parlé de la nécessité d’une prévisibilité réglementaire du point de vue des investissements en capital, surtout compte tenu de l’interdiction de déploiement qui fait partie de l’approche du Protocole de Londres. Il faut donc porter une attention particulière aux risques et aux avantages du mCDR. Plusieurs initiatives internationales de recherche portent sur l’élaboration de critères d’évaluation concernant le déploiement.
En résumé, l’environnement de la recherche est complexe, mais une attention proactive à toute la gamme des questions réglementaires sera un important facilitateur pour le développement d’une industrie légitime du mCDR au Canada.
Je tiens à remercier le comité de m’avoir donné l’occasion de comparaître devant lui. J’ai hâte de répondre à vos questions.
Le président : Merci, monsieur Craik. Madame Webb, vous avez la parole.
Romany Webb, directrice adjointe, Sabin Center for Climate Change Law, Université Columbia, à titre personnel : Bonjour. Je vous remercie de me donner l’occasion de participer à la réunion d’aujourd’hui.
J’ai récemment eu l’honneur de siéger à un comité des National Academies of Sciences des États-Unis chargé d’élaborer une stratégie de recherche sur l’élimination du dioxyde de carbone dans les océans, ou EDC. Après un examen pluriannuel, le comité a déterminé ce qui suit :
Les approches d’EDC dans les océans pourraient... contribuer à un portefeuille de stratégies d’intervention climatique nécessaires pour limiter les changements climatiques et l’acidification de la surface des océans au cours des prochaines décennies et des prochains siècles.
Fait important, cependant, le comité a souligné que l’EDC dans les océans est, au mieux, un complément et non un substitut à la réduction des émissions, qui doit continuer d’être l’objectif principal des efforts d’atténuation des changements climatiques.
Diverses approches d’EDC dans les océans ont été proposées. Bien que plusieurs semblent présenter un grand potentiel de stockage durable du carbone à grande échelle, d’autres recherches sont nécessaires pour en évaluer pleinement l’efficacité et les répercussions. Le Canada est en train de devenir une plaque tournante des activités de recherche, et des essais sur le terrain sont déjà en cours.
À titre d’exemple de recherche effectuée au Canada, le Sabin Center a établi un partenariat avec Ocean Networks Canada et d’autres établissements de recherche dans le cadre du projet appelé Solid Carbon, qui étudie le potentiel de stockage sous-marin du carbone dans les basaltes océaniques. Dans le cadre de ce projet et d’autres travaux, le Sabin Center a fait des recherches sur la gouvernance de l’EDC dans les océans à l’échelle internationale et nationale au Canada et dans plusieurs autres pays. Dans les deux contextes, nous avons constaté que les régimes de gouvernance existants sont sous-développés et nous avons recommandé des réformes conçues pour faciliter la recherche océanique requise par l’EDC tout en veillant à ce qu’elle se fasse d’une manière valide sur le plan scientifique, sécuritaire, responsable et juste.
La fragmentation est l’un des principaux défis en matière de gouvernance dans le domaine de l’EDC dans les océans. Comme M. Craik vous l’a déjà dit, en raison de la nature partagée des océans, un grand nombre de lois internationales ont été élaborées pour régir les activités océaniques. Ces activités peuvent, selon l’endroit où elles ont lieu, être également assujetties à des lois régionales, nationales et/ou infranationales.
À l’échelle internationale, il n’existe actuellement aucun accord international contraignant qui traite précisément et de façon exhaustive de l’EDC dans les océans. Les accords qui composent le régime mondial des changements climatiques — la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques et l’Accord de Paris — appuient implicitement l’utilisation de l’EDC dans les océans comme stratégie d’atténuation des changements climatiques. Ils n’établissent toutefois pas de règles détaillées régissant la conduite des projets d’EDC dans les océans.
Comme M. Craik vous l’a dit, les parties à d’autres accords internationaux — notamment la Convention de Londres de 1972 et le Protocole de Londres de 1996 — ont tenté d’élaborer de telles règles. Au milieu des années 2000, les parties au Protocole de Londres se sont entendues sur une série de modifications concernant le stockage du dioxyde de carbone dans les fonds sous-marins, mais ces modifications ne sont entrées en vigueur que partiellement. Une autre modification, qui a été adoptée en 2013, mais qui n’est pas encore entrée en vigueur, vise à établir un cadre de gouvernance pour certaines activités de géo-ingénierie marine. Une seule technique d’EDC dans les océans, la fertilisation des océans, est actuellement visée par la modification de 2013. Comme vous l’avez entendu, les parties ont discuté d’élargir la portée de la modification de 2013 pour inclure d’autres techniques, mais cela ne s’est pas encore produit.
D’autres travaux sont nécessaires pour élaborer un régime international de gouvernance efficace pour l’EDC dans les océans. Le Canada est bien placé pour faire avancer l’élaboration d’un tel régime. Le Canada copréside actuellement un comité, établi en vertu de la Convention et du Protocole de Londres, pour traiter des questions juridiques liées à la géo-ingénierie marine. De plus, compte tenu de son expérience des premiers essais sur le terrain, le Canada peut aider à éclairer la communauté internationale au sujet de l’état de la science en ce qui concerne l’EDC dans les océans et les risques et avantages potentiels associés à l’élargissement de la recherche.
Les essais sur le terrain et d’autres recherches scientifiques devraient également éclairer la réglementation canadienne sur l’EDC dans les océans. En 2023, j’ai corédigé un livre qui analysait les lois nationales régissant les activités d’EDC dans les océans au Canada et dans six autres pays. L’analyse a révélé que les projets d’EDC dans les océans en eaux canadiennes peuvent être assujettis à un éventail de lois qui imposent un chevauchement de permis et d’autres exigences. Il pourrait être avantageux d’établir de nouveaux cadres juridiques qui traitent précisément et globalement de l’EDC dans les océans. À défaut de cela, il faudra peut-être modifier les lois existantes.
Par exemple, bien que le Canada soit partie au Protocole de Londres et qu’il l’ait mis en œuvre à l’échelle nationale par le biais de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, cette loi n’intègre pas actuellement certaines dispositions du Protocole portant sur le stockage du dioxyde de carbone dans les fonds sous-marins.
En résumé, bien que l’EDC dans les océans ait le potentiel d’atténuer les changements climatiques, des recherches plus poussées sont nécessaires pour évaluer pleinement différentes techniques. Il est essentiel d’établir des cadres de gouvernance efficaces aux niveaux international et national pour faciliter la recherche nécessaire tout en veillant à ce qu’elle se fasse de façon sécuritaire et responsable.
Je vous remercie encore une fois de m’avoir donné l’occasion de prendre la parole aujourd’hui. Je serai heureuse de répondre à vos questions.
Na’im Merchant, directeur général, Carbon Removal Canada : Merci, monsieur le président et honorables sénateurs. Tout d’abord, je tiens à remercier tous les membres du comité de m’avoir invité aujourd’hui et d’avoir choisi d’étudier cette question. Carbon Removal Canada est un groupe indépendant, financé par des fonds philanthropiques, et technologiquement agnostique au Canada qui se concentre sur l’expansion de notre secteur d’élimination du carbone de façon responsable.
D’entrée de jeu, je tiens à préciser que nous ne sommes pas une association industrielle. Nous collaborons avec le gouvernement, les nations autochtones, le milieu universitaire, les entreprises et de nombreuses autres parties prenantes pour déterminer la meilleure façon d’aller de l’avant en ce qui concerne l’élimination permanente du carbone au Canada.
J’ai contribué à la création de Carbon Removal Canada parce que j’avais une thèse selon laquelle le Canada a de nombreux avantages naturels qui pourraient en faire un chef de file en matière d’élimination permanente du carbone et, qu’en fait, le Canada devrait être un chef de file mondial. Nous avons les plus longs littoraux, de vastes terres agricoles, un important potentiel de séquestration géologique et une culture d’innovation. Ensemble, ces éléments signifient que le Canada peut effectuer de nombreux types d’élimination permanente du carbone, depuis la capture directe dans l’air jusqu’à la minéralisation du carbone en passant par le biocharbon et les méthodes d’élimination du carbone dans les océans, comme l’amélioration de l’alcalinité des océans ou l’élimination directe dans les océans.
Comme organisation, nous nous concentrons uniquement sur l’élimination permanente du carbone, ce qui signifie des méthodes de stockage du carbone pendant au moins 1 000 ans.
Comme vous l’avez sûrement entendu au cours des dernières réunions du comité, l’élimination du carbone est différente de la capture ponctuelle traditionnelle. Alors que la capture du carbone vise à empêcher les émissions de quitter la cheminée d’une installation, l’élimination du carbone vise à éliminer l’excès de dioxyde de carbone dans l’atmosphère qui a été émis à tout moment depuis le début de l’ère industrielle.
Si l’atmosphère est une baignoire qui se remplit d’eau, alors la capture du carbone et la réduction des émissions ferment les robinets, tandis que l’élimination du carbone consiste à tirer sur le bouchon et à drainer l’eau.
Le Canada a déjà commencé à faire preuve de leadership en ce qui concerne l’élimination du carbone en général et celle du carbone dans les océans en particulier. Notre premier rapport sur les politiques, intitulé Ready for Removal, décrit le paysage initial des entreprises d’élimination du carbone au Canada. Plus de 70 entreprises qui mettent au point des technologies d’élimination du carbone participent à leurs chaînes d’approvisionnement.
Je suis constamment en contact avec des entreprises internationales qui me disent que le Canada est un marché de choix pour faire des affaires. Je considère que le leadership du Canada en matière d’élimination du carbone est un antidote possible à certains des problèmes de productivité dont on a parlé dans les médias au cours des derniers mois. Il est possible de commercialiser davantage la propriété intellectuelle canadienne et de la faire fonctionner au Canada.
Les gouvernements au Canada, d’un océan à l’autre, commencent à comprendre le rôle que l’élimination permanente du carbone doit jouer dans leurs plans de lutte contre les changements climatiques. Au niveau fédéral, le gouvernement a annoncé qu’il achètera 10 millions de dollars en crédits permanents pour l’élimination du carbone afin de réduire l’intensité des émissions de certaines activités. Il a inclus la capture indirecte dans l’air dans son crédit d’impôt pour l’utilisation et le stockage du carbone, tandis que le gouvernement du Québec investit directement dans des entreprises de capture du carbone.
De plus, l’Alberta et la Colombie-Britannique sont en train d’élaborer des protocoles de compensation qui intégreront des méthodes d’élimination du carbone dans les programmes de conformité.
Cependant, si l’océan est l’un de nos plus importants outils d’élimination du carbone, nous devons commencer à établir des priorités concrètes pour les politiques et les programmes qui le traitent comme tel, tout en protégeant son intégrité. Nous avons recommandé les mesures concrètes suivantes à divers gouvernements.
Premièrement, créer un défi autonome en matière d’innovation pour l’élimination du carbone. À hauteur de 50 millions de dollars sur quatre ans, nous pensons que ce programme pourrait aider à financer des projets pilotes et à accroître rapidement notre connaissance de ce qui fonctionne et ne fonctionne pas. Nous pensons que les résultats de ces types d’essais, menés en partenariat avec le gouvernement et le milieu universitaire, pourraient aider à répondre à bon nombre des questions qui se posent dans le monde au sujet de l’efficacité et de la sécurité de certaines méthodes, y compris l’élimination du carbone dans les océans.
Deuxièmement, rendons les technologies de capture du carbone dans les océans admissibles au crédit d’impôt à l’investissement dans les technologies propres afin de compenser les coûts initiaux liés aux infrastructures.
Troisièmement, lancer une consultation sur l’élaboration d’un objectif d’élimination du carbone dans le cadre des objectifs climatiques futurs du Canada. Carbon Removal Canada estime qu’une consultation sur ce sujet et, espérons-le, l’établissement un jour d’une cible réelle sont des signaux importants à long terme pour le secteur privé et les chercheurs qui indiquent que le gouvernement du Canada voit un avenir pour ces technologies dans la réalisation des objectifs climatiques de notre pays.
Enfin, je dirais que la présente étude est d’une importance cruciale. J’espère qu’elle sera reproduite dans d’autres comités sénatoriaux. Au cours des deux dernières semaines, le gouvernement américain a publié une stratégie de recherche sur l’élimination du carbone dans les océans. Il vise à accélérer la recherche sur ces technologies pour s’assurer qu’elles sont à la fois sécuritaires et efficaces, tout en aidant à déterminer quelles approches seront des solutions climatiques viables.
Cela s’ajoute aux milliards de dollars que le département américain de l’Énergie a accordés à de nombreuses entreprises d’élimination du carbone et à des incitatifs financiers comme le crédit d’impôt 45Q.
De même, au cours des deux derniers mois, le Conseil européen a approuvé un cadre de certification de l’élimination du carbone à l’échelle de l’Union européenne visant à aider à intégrer l’élimination du carbone dans ses marchés de conformité à long terme tout en fournissant des centaines de millions de dollars pour la recherche, le développement et le déploiement de fonds pour les technologies d’élimination du carbone.
Le Canada a la possibilité de faire une différence à l’échelle mondiale, et nous ne devons pas abandonner notre avance sur d’autres pays. Je vous remercie de me donner l’occasion de participer aux délibérations d’aujourd’hui. Je serai heureux de répondre à vos questions. Merci.
Le président : Je remercie tous nos témoins de leurs déclarations préliminaires.
D’après la liste que j’ai sous les yeux, vous avez suscité de nombreuses questions de la part des sénateurs, ce qui comprend à peu près tout le monde ici présent. La première question sera posée par notre vice-présidente, la sénatrice Busson.
La sénatrice Busson : Ma question s’adresse précisément à Ken Paul.
Monsieur Paul, lors de sa comparution devant le comité le 7 novembre dernier, Anya Waite du Ocean Frontier Institute a expliqué qu’au Canada, il était absolument essentiel d’obtenir l’approbation sociale, mais que le Canada n’était pas encore tout à fait rendu là.
Galen McKinley, professeure de sciences de la Terre et de l’environnement à l’Université Columbia, a également souligné l’engagement communautaire en matière d’acceptabilité sociale dans les collectivités.
Selon vous, quelles mesures devraient être prises avec les communautés autochtones, compte tenu de votre description extraordinaire de la relation des peuples autochtones avec l’océan? Que peut-on faire pour accroître l’acceptabilité sociale du secteur auprès des communautés autochtones? De toute évidence, si nous voulons accorder la priorité au présent projet comme solution ou partie d’une solution à notre crise climatique, il nous faut savoir comment mobiliser les communautés autochtones.
M. Paul : Nos communautés sont toutes très indépendantes. Elles présentent des dynamiques sociales très complexes quant à leurs interactions, à leurs structures politiques et à leurs priorités communautaires.
Dans ce secteur, j’ai d’abord cherché à élaborer des documents éducatifs qui ont du sens pour nos communautés. J’ai toujours cela à l’esprit et je me demande quels mots j’emploierais si je devais l’expliquer à ma mère. Elle est membre de notre communauté.
Une autre idée utile consiste à réaliser des projets de démonstration à petite échelle, en partenariat avec les communautés autochtones.
Une fois le processus éducatif mis en place, il faut faire participer les communautés au déploiement des moyens proposés, en choisissant des régions et en faisant intervenir les communautés dans les programmes de surveillance. Ces communautés ont des savoirs autochtones sur l’hydrodynamique et sur la dynamique de la faune, de la flore et de la vie aquatique de certaines régions. Afin d’obtenir une licence sociale et d’améliorer les méthodologies, le mieux consiste à amener ces communautés à prendre part au processus de sélection des sites d’essai, à constater une différence dans le temps, à rendre compte au reste de la communauté et à communiquer le tout aux chercheurs.
Pour l’instant, le secteur est très ouvert. Personne n’agit de son côté. Les gens s’en rendront compte quand ils commenceront à faire participer les communautés autochtones. Il y a deux choses que je constate chez toutes ces communautés : leur grande conscience écologique et leur manière de penser à la durabilité à long terme. C’est le concept des sept générations. Les communautés parlent également des avantages dont pourraient bénéficier leurs membres.
C’est un peu différent dans nos sociétés traditionnelles, où les entreprises n’ont peut-être pas cette capacité, et les personnes travaillant sur des projets autochtones auront quelque chose à en retirer. Dans les communautés autochtones, nos chefs, nos conseils et les membres parlent toujours des personnes qui pourront bénéficier d’un emploi et d’une formation, ainsi que de la sécurité alimentaire et de toutes les autres activités touchées par certaines de ces interventions.
La sénatrice Busson : Merci.
Le sénateur Ravalia : Je remercie tous nos témoins d’aujourd’hui.
Étant donné que nous n’en sommes qu’à un stade relativement précoce de cet énorme projet potentiel, monsieur Merchant, quelles sont, selon vous, les principales incertitudes scientifiques ou lacunes sur le plan des connaissances en ce qui a trait à la séquestration dans les océans? Comment la recherche peut-elle nous aider à régler les problèmes associés avant de développer ces projets?
Nous avons entendu certains commentaires positifs sur les petits projets réalisés dans le port d’Halifax, sur l’alcalinisation et ses effets positifs. De quelles recherches supplémentaires avons-nous besoin, et surtout, comment pouvons-nous inclure la dimension « savoirs autochtones » dont M. Paul a parlé?
M. Merchant : Je vous remercie. C’est une excellente question. Nous y réfléchissons souvent à Carbon Removal Canada.
Il existe quelques domaines de recherche prioritaires en matière d’élimination du carbone océanique. Certains ont été mentionnés par d’autres témoins aujourd’hui.
L’un de ces domaines est celui de la publication et de la vérification des mesures, à quoi s’ajoute l’amélioration de notre capacité à mesurer les impacts des méthodes d’élimination du carbone océanique grâce à des capteurs, à des modèles et à des innovations et infrastructures.
La seconde priorité est de comprendre les impacts écologiques des différentes méthodes d’élimination du carbone océanique. À moins de mener des projets de recherche et de démonstration à plus grande échelle que nous ne le faisons actuellement, nous ne parviendrons pas à comprendre quelles seront ces répercussions sur l’environnement.
En troisième lieu, comme il en a été question, il y a la question de la licence sociale. Il y a beaucoup de recherches intéressantes à faire dans le domaine des sciences sociales avec les nations autochtones sur l’acceptabilité des méthodes d’élimination du carbone océanique, et plus important encore, sur ce que l’on peut apprendre des communautés autochtones de partout au Canada, en particulier dans les zones côtières, en ce qui concerne les interactions avec les systèmes océaniques et la manière dont cela peut être intégré au développement de projets d’élimination du carbone océanique. Ce sont là les trois grands domaines que nous considérons comme des priorités de recherche en vue d’éliminer le carbone océanique.
Le dernier aspect tient à ce que l’élimination du carbone océanique et toutes les méthodes d’élimination de ce carbone nécessiteront de l’énergie et des chaînes d’approvisionnement pour que les projets se concrétisent. Comment réduire l’impact environnemental des chaînes d’approvisionnement, qu’il s’agisse de fournir les matières premières pour les méthodes d’élimination du carbone océanique ou d’alimenter la machinerie utilisée pour ces méthodes? Comment réduire les coûts et les besoins en énergie de ces équipements?
Il s’agit davantage d’une priorité de recherche à un stade ultérieur, quand on raisonne à plus grande échelle, mais c’est une priorité à laquelle nous devrons certainement nous intéresser.
Le sénateur Ravalia : Je vais changer de sujet et adresser ma prochaine question à M. Craik et à Mme Webb. Comment voyez-vous le rôle des traités internationaux comme l’Accord de Paris, la COP 29 et d’autres dans la réglementation et l’incitation à séquestrer le carbone océanique? Quels sont les instruments juridiques supplémentaires qui, selon vous, feront que ce partenariat deviendra un partenariat mondial?
M. Craik : Je peux commencer, et Mme Webb pourra prendre le relais.
La principale fonction de l’Accord de Paris est de fixer des objectifs. L’une des choses que le Canada peut faire, et je pense qu’il devrait commencer à y songer, est d’identifier des objectifs distincts d’élimination du dioxyde de carbone, l’EDC, selon sa contribution de pays — soit l’engagement que nous prenons dans le cadre de l’Accord de Paris — puis, d’identifier et de fractionner ces objectifs afin que nous en arrivions à mieux comprendre la manière dont nous éliminons le carbone, sur terre et dans les océans.
L’Accord de Paris, qui réglemente la bourse internationale des crédits carbone en vertu de l’article 6, fixera des normes pour l’acceptabilité de ces réductions.
L’Accord de Paris jouera un rôle important dans la comptabilisation de la réduction du dioxyde de carbone océanique et dans les processus de mesure, de publication et de vérification pour que ces crédits soient acceptés à l’échelle internationale. Je vois l’Accord de Paris intervenir du côté des crédits et de la gestion du carbone.
L’aspect environnemental est régi par un certain nombre d’accords. La Convention des Nations unies sur le droit de la mer, en particulier, régit ce que les divers acteurs peuvent ou ne peuvent pas faire dans les océans en fonction des secteurs.
Je suis d’avis que les pays sont libres de procéder à l’élimination du dioxyde de carbone océanique dans leurs zones économiques exclusives. Je considère l’élimination de ce dioxyde de carbone comme une forme de développement des ressources. D’autres ont un point de vue différent, mais c’est ainsi que j’interprète la convention.
Toutefois, l’élimination du dioxyde de carbone océanique pourrait se faire en dehors des eaux territoriales. Il faudrait alors, dans ce cas de figure, disposer d’une réglementation internationale. Ce comité sait probablement que la communauté internationale a récemment négocié l’accord sur durabilité de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale qui traite des questions environnementales dans les zones situées au-delà des eaux territoriales. Celui-ci va jouer un rôle sur le plan de l’évaluation des impacts environnementaux en plus, bien sûr, de la Convention et du Protocole de Londres, comme nous commençons à le constater.
Ce comité va devoir se demander pourquoi l’amendement au Protocole de Londres n’a pas reçu beaucoup de soutien jusqu’à présent. Six ratifications en 11 ans, ce n’est pas beaucoup. Y a-t-il des éléments dans l’amendement de 2013 qui font hésiter les États, et devrions-nous songer à une approche légèrement différente dans l’amendement pour attirer une plus grande adhésion des États au Protocole de Londres?
Je m’en tiendrai là. Merci.
Mme Webb : Je suis d’accord avec les remarques de M. Craik. Il convient de noter, à propos de l’amendement au Protocole de Londres — l’amendement de 2013 qui n’est pas encore entré en vigueur —, que celui-ci ne s’applique actuellement qu’à une seule technique d’élimination du dioxyde de carbone océanique, soit la fertilisation des océans, et qu’une variété d’autres approches sont en cours d’examen. Ainsi, nous allons devoir non seulement réfléchir aux raisons pour lesquelles l’amendement de 2013 n’est pas encore entré en vigueur, mais aussi au rôle de la Convention et du Protocole de Londres dans l’encadrement d’autres méthodes d’élimination du dioxyde de carbone océanique, et à la manière dont nous devrions aborder ces autres méthodes, car il existe actuellement une défaillance au niveau de la gouvernance internationale en ce qui concerne ces méthodes.
J’ajouterai une seule chose aux remarques de M. Craik qui, quant à moi, a bien décrit le paysage juridique international complexe qui s’applique ici, avec tous ces différents régimes de traités susceptibles de s’appliquer. Cela crée un défi particulier : d’un côté, nous assistons à un grand élan dans le sens de l’élimination du dioxyde de carbone océanique découlant du régime mondial en matière de changements climatiques, de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, la CCNUCC, de l’Accord de Paris, ainsi que des développements survenus dans le cadre de ces traités qui visent à promouvoir de telles activités. Il y a aussi les accords plus axés sur l’environnement, comme la Convention et le Protocole de Londres qui restreignent quelque peu ces activités et qui soulèvent plus d’incertitudes quant à leur application. Un décalage apparaît dans le régime juridique international. Il faudra le résoudre si nous voulons poursuivre ces activités en toute sécurité.
[Français]
Le sénateur Aucoin : Je vais m’adresser surtout, pour le moment, à Mme Webb.
Vous avez parlé de tous ces protocoles et lois internationales qui existent. Je pense que vous avez également dit que le Canada était très bien placé et avancé, bien qu’il n’ait pas accepté le Protocole de Londres sur la prévention de la pollution marine.
Qu’est-ce qui pourrait faire en sorte que le Canada adhère à cette politique?
Si je comprends bien, pour qu’on ait un régime réglementaire, il faudrait modifier plusieurs lois au Canada, ou alors il faudrait refaire une loi ou avoir une loi séparée qui engloberait toute cette technologie pour séquestrer le carbone dans les océans, selon les différentes méthodes préconisées. Pourriez-vous commenter mes propos? Ma question s’adresse aux deux témoins. Merci.
[Traduction]
Mme Webb : Merci pour cette question.
Je commencerai par quelques précisions. Le Canada est partie au Protocole de Londres qu’il a mis en œuvre à l’échelon national par le biais de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, laquelle comprend une section traitant des décharges et de l’immersion au large. Le Canada n’a pas encore ratifié l’amendement de 2013, ce qui constitue une distinction importante.
Malgré cela, le Canada est très bien placé pour jouer un rôle de premier plan dans les discussions internationales sur la manière de faire progresser le dossier. de faire progresser l’amendement de 2013 et de réfléchir sur la façon d’encadrer, plus généralement, l’élimination du dioxyde de carbone océanique.
Je dis cela pour différentes raisons, mais l’une des principales est que le Canada a coprésidé un comité établi dans le cadre de la Convention et du Protocole de Londres pour examiner la réglementation d’une série de méthodes d’élimination du dioxyde de carbone océanique et la manière dont elles devraient être traitées dans le cadre de cette convention. Le Canada se trouve donc dans une position unique pour jouer un rôle de premier plan dans ces discussions internationales.
Sur le plan national, comme M. Craik et moi l’avons mentionné, un certain nombre de lois environnementales nationales s’appliqueraient aux activités d’élimination du dioxyde de carbone océanique dans les eaux canadiennes. À l’instar de nombreux pays, comme les États-Unis où je réside, le Canada ne dispose pas de cadre juridique spécialement conçu pour ce type d’activité, de sorte que les activités d’élimination du dioxyde de carbone océanique relèvent en fait de toute une mosaïque de lois environnementales. Ce n’est pas un problème en soi, mais cela crée un risque de confusion et de complexité parce que les promoteurs de projets et les chercheurs doivent se conformer à une pléthore de lois pour faire avancer leurs projets.
Comme nous l’avons vu, ici, aux États-Unis, il peut être dans l’intérêt du Canada de vérifier si l’actuel paysage réglementaire a un sens et s’il n’y a pas lieu de le remplacer par un cadre spécialement conçu à cet effet. Même si ce n’est pas le cas, il sera important d’examiner comment ces lois individuelles s’appliqueront à ces différentes activités, si elles sont adaptées à l’objectif visé, si elles permettent la recherche nécessaire et si elles comportent des mécanismes de sauvegarde et de protection appropriés pour éviter les préjudices environnementaux ou sociaux.
M. Craik : Je voudrais simplement insister à nouveau sur le fait qu’à l’heure actuelle, différentes technologies sont soumises à différentes formes de réglementation. En ce qui concerne l’alcalinité des océans, les représentants de Planetary Technologies vous ont dit que la société utilisait actuellement un émissaire d’égout pour rejeter leurs substances, ce qui ne relèverait pas du régime d’immersion en mer, car l’immersion en mer consiste à déposer des substances à partir d’un navire ou d’un aéronef. Les activités terrestres seraient soumises à un ensemble différent de réglementations.
Ce comité et le gouvernement fédéral devront réfléchir aux différentes applications pour lesquelles une approche uniforme des différentes techniques d’élimination du dioxyde de carbone marin serait bénéfique. Il est essentiel de réglementer la recherche afin de s’assurer que toutes les recherches entreprises respectent les exigences de base dont nous parlons au sein de ce comité. Cette recherche doit être ouverte, transparente et faire l’objet d’un examen par les pairs, avec une méthodologie solide, un engagement à publier ses résultats et des règles claires garantissant que les intérêts économiques découlant de l’activité n’influencent pas les résultats de la recherche.
Ce sont là des choses importantes qui devraient être faites sur l’ensemble du continuum. Il peut y avoir des exigences réglementaires très spécifiques pour chaque technologie.
[Français]
Le sénateur Aucoin : Ma question s’adresse à M. Paul. Je vais poursuivre dans la même veine que la sénatrice Busson. Vous avez parlé du fait que les communautés autochtones devraient être impliquées dès le départ. Vous avez aussi mentionné que chaque communauté a sa propre façon de fonctionner. Cela ne rend-il pas difficile la consultation, si l’on doit aller voir chaque communauté autochtone pour parler de projets qui pourraient les toucher? Cela peut vouloir dire que les compagnies qui veulent faire de la recherche ont beaucoup de travail à faire de ce côté, plutôt que d’accomplir une fonction plus globale. Pourriez-vous ajouter quelque chose à cet effet? Merci. J’ai bien aimé votre présentation.
[Traduction]
M. Paul : Oui, il sera difficile de le faire avec chaque communauté.
En ce qui concerne la méthodologie, elle est distincte de la création de la réglementation. Dans le cas des règlements, il existe une obligation légale de consultation. Cette obligation repose sur les droits des peuples autochtones, qui sont reconnus par la Constitution et par les décisions de la Cour suprême. Nous avons des nations signataires de traités sur les côtes. D’autres nations n’ont pas de traité, mais elles utilisent les droits inhérents.
En ce qui concerne la compréhension des méthodologies, les entreprises peuvent travailler avec des communautés qui sont bien placées pour travailler dans ce domaine. Tout d’abord, certaines communautés ne comprendront pas nécessairement de quoi il s’agit. Un certain nombre de communautés s’y opposeront certainement en raison des questions entourant l’avenir de la ressource halieutique.
D’autres communautés disposent de capacités scientifiques et technologiques accrues. Je sais que les entreprises devront également tenir compte des zones géographiques, comme les différents écosystèmes. Certaines communautés vont lever la main et dire qu’elles essayeront d’aller de l’avant et de voir quels seront les effets de ce projet. Avec un peu de chance, certains de ces petits essais permettront d’obtenir de meilleures données pour comprendre les technologies, peut-être pour les améliorer ou les modifier et, avec un peu de chance, pour élaborer des lignes directrices qui pourraient être utilisées pour contribuer à l’utilisation et à la création de règlements. Toutes les communautés sont différentes. Certaines communautés seront un peu plus ouvertes à cette idée, d’autres s’y opposeront. Celles qui sont ouvertes sont celles qui pourraient être de bons partenaires pour faire avancer la science dans ce domaine.
Le sénateur Kutcher : Merci à tous les témoins.
Monsieur le président, vous serez peut-être surpris d’apprendre que je n’ai que deux questions aujourd’hui.
Je souhaite vous faire part d’une partie de ma réflexion, afin d’encadrer mes questions. J’ai trouvé tous vos témoignages très instructifs et en cohérence avec les thèmes que nous avons entendus. Je souhaite passer en revue ces thèmes avant de poser ma question.
L’un des thèmes est que l’élimination du dioxyde de carbone océanique est une technologie émergente que nous devons aborder à la fois avec enthousiasme et prudence, tout en réalisant qu’il y a urgence.
Le deuxième thème est que l’élimination du carbone est complémentaire des stratégies de réduction du carbone, mais ne les remplace pas.
Le troisième thème est que l’élimination du dioxyde de carbone océanique, en tant que domaine scientifique, est incroyablement complexe.
Monsieur Craik, le tableau 1 de votre document est excellent. Il résume fort bien les complexités de cette question.
À l’heure actuelle, l’approche du Canada en matière d’élimination du dioxyde de carbone en milieu marin est fragmentée au sein du gouvernement, de l’industrie et du monde universitaire. D’innombrables choses se produisent. C’est comme observer un mouvement brownien dans le vide.
La question qui se pose ici est la suivante : la promesse de l’élimination du dioxyde de carbone océanique est-elle telle que, stratégiquement, le Canada devrait créer une entité centrale chargée de considérer l’élimination du dioxyde de carbone océanique comme une opportunité unique pour ce pays? Cette entité serait chargée de la planification stratégique et de l’orientation de la recherche, de l’élaboration des politiques et des cadres juridiques liés à l’élimination du dioxyde de carbone en milieu marin. Sommes-nous arrivés au point où nous devons nous engager dans cette voie au Canada? Deuxièmement, si vous êtes de cet avis, où cette entité devrait-elle être située et devant qui devrait-elle être responsable? Tout le monde peut répondre à ces questions.
Le président : Je remercie le sénateur Kutcher pour sa question. Le préambule était long, mais la question était courte. Madame Webb, voulez-vous commencer?
Mme Webb : Il serait vraiment utile de mieux coordonner les travaux dans le domaine de l’élimination du dioxyde de carbone océanique, tant au Canada qu’à l’étranger. Comme vous l’avez dit, d’importantes questions de recherche restent sans réponse quant à savoir si et comment l’élimination du dioxyde de carbone océanique pourrait être utilisée, et nous voulons nous assurer que des réponses peuvent être apportées rapidement, mais aussi en toute sécurité. Il est nécessaire de coordonner le travail afin de s’assurer que nous ne dupliquons pas les efforts, que nous fonctionnons efficacement et que nous faisons avancer les choses rapidement.
Il serait très utile de prévoir une entité centralisée pour coordonner les travaux au Canada. Je pense que cette entité devrait reconnaître que les travaux sur l’élimination du dioxyde de carbone océanique progressent dans de nombreux autres pays et qu’elle devrait se coordonner étroitement avec les entités équivalentes dans ces autres pays. Je m’en tiendrai là.
M. Paul : J’espère que nous ne nous engagerons pas sur la voie qui consiste à traiter tous les océans comme une seule entité. Le Canada est bordé par trois océans qui présentent des dynamiques distinctes très complexes. Les communautés et les structures sociales sur ces différentes côtes sont très différentes. Il serait plus utile pour le Canada — s’il doit commencer à centraliser ces choses-là — d’avoir trois entités différentes pour s’occuper séparément des trois côtes. Il pourrait y une coordination entre les trois entités afin de partager les données avec le reste du monde.
Dans mes relations avec les communautés, je m’inquiète du fait que nous ne tenons pas compte de la complexité des océans eux-mêmes. Les espèces de poissons migrateurs vont être affectées. Les grands courants océaniques vont être affectés. La croissance des algues et d’autres plantes sera affectée. Tout cela est déjà affecté par certaines de nos interventions dans le secteur de l’énergie océanique, du transport maritime et de nos propres activités commerciales dans les océans. Je n’y ai pas encore réfléchi, mais je pense qu’il vaudrait mieux que des entités distinctes s’occupent de ces grands espaces océaniques distincts plutôt que d’avoir seule entité centrale pour les trois océans.
M. Craik : Merci. L’une des façons d’aborder cette question est de se demander qui doit être présent autour de la table pour ces discussions. Nous pouvons le faire de manière très formelle, à l’échelon du gouvernement, ou de manière un peu plus informelle.
Dans le domaine des océans au Canada, nous avons utilisé ce que l’on appelle des communautés de pratique, où le gouvernement a financé des communautés pour des choses comme l’évaluation des risques côtiers et les inondations, où vous réunissez les parties prenantes, l’industrie et le gouvernement pour discuter de bon nombre des questions que vous avez soulevées, sénateur Kutcher. Par exemple : quelles sont les priorités en matière de recherche? Quelles sont les priorités en matière de financement? Quels sont les types de mesures à prendre? Quelles sont les parties prenantes à consulter? Je pense qu’il pourrait s’agir d’un premier pas dans la bonne direction, et l’une des recommandations que nous formulons dans notre document d’orientation est de créer une entité de ce type qui pourrait opérer au niveau national.
Je comprends la remarque de M. Paul sur le fait que nous avons des océans différents et des communautés différentes, et il pourrait être utile d’y réfléchir, mais je pense également que nous devons considérer ce projet comme un projet national en termes de responsabilités de financement et de priorités de recherche.
Avec la permission du comité, j’inviterais Mme Webb à commenter sur le fait que les États-Unis ont créé une procédure accélérée pour l’élimination du dioxyde de carbone océanique, et que la Maison-Blanche a publié ce mois-ci une stratégie de recherche sur l’élimination de ce type de dioxyde de carbone. Il est important d’examiner ce que font des pays comparables. Il sera particulièrement important pour le Canada de chercher à développer des activités de collaboration avec les États-Unis, car nous allons mener ces activités dans un espace océanique partagé, et il sera important que nous trouvions des mécanismes pour y parvenir. Je vous remercie de votre attention.
Le président : Merci, monsieur Craik. Je vais demander à Mme Webb d’assurer le suivi de cette question, puis à vous, monsieur Merchant.
Mme Webb : Le gouvernement fédéral américain a créé le comité d’action accélérée pour l’élimination du dioxyde de carbone océanique, le Fast Track Action Committee on Marine Carbon Dioxide Removal ou mCDR FTAC, composé de représentants d’un certain nombre de ministères fédéraux et ayant une certaine expertise ou compétence dans le domaine de l’élimination du dioxyde de carbone océanique. Ce groupe de travail interagences a récemment publié une stratégie de recherche visant à faire progresser l’élimination du dioxyde de carbone océanique aux États-Unis. La stratégie traite de la recherche scientifique nécessaire pour répondre aux questions clés concernant l’élimination du dioxyde de carbone océanique. Elle met fortement l’accent sur la recherche en sciences sociales et sur la nécessité d’un engagement plus large du public sur ces sujets, ainsi que sur les moyens d’y parvenir. Elle aborde également les considérations réglementaires et les moyens de rationaliser l’octroi de permis et d’autres moyens de simplifier la réglementation des activités de recherche sur l’élimination du dioxyde de carbone en milieu marin.
Ce comité poursuivra ses activités. À l’origine, il n’avait été créé que pour 18 mois et devait être dissous le mois dernier, mais le rapport réclame son maintien afin qu’il continue à jouer ce rôle de coordination dans l’ensemble du gouvernement fédéral pour s’assurer que nous abordons l’élimination du dioxyde de carbone océanique de manière cohérente. Il faut que le travail se poursuive en parallèle, le long des multiples axes d’intervention qui exigent une certaine attention, si nous voulons déterminer comment appliquer l’élimination du dioxyde de carbone océanique.
M. Merchant : Merci. Je suis en grande partie d’accord avec ce qui a été dit jusqu’à présent, en particulier en ce qui concerne la nécessité de réunir davantage de parties prenantes autour de la table et de prendre en compte les considérations régionales dans le cadre du déploiement des technologies d’élimination du dioxyde de carbone océanique.
À la différence du professeur Craik, je pense qu’une sorte d’entité centrale est nécessaire pour jouer un rôle de coordination afin de soutenir les travaux, de rationaliser la réglementation, de contribuer à la mise en œuvre d’un plan de recherche et de répondre aux questions relatives à la licence sociale pour les activités d’élimination du dioxyde de carbone océanique. Il doit s’agir d’une entité formelle. Je pense qu’il est important de mettre en place des projets de démonstration sur le terrain, de sorte que, bien qu’une communauté de pratique puisse apporter une contribution importante sur ce qui est nécessaire, ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas dans le domaine de l’élimination du carbone océanique, il est important qu’il s’agisse d’une entité qui puisse réellement aider à mettre en place des projets de démonstration d’une manière qu’une communauté de pratique n’a peut-être pas la capacité de faire.
La création officielle d’une entité centrale chargée de faire progresser l’élimination du dioxyde de carbone océanique au Canada, qui ferait intervenir Ressources naturelles Canada, Environnement et Changement climatique Canada, le ministère des Pêches et des Océans et d’autres parties prenantes essentielles, est importante, mais si cette entité n’a pas de mandat officiel, je ne pense pas qu’elle permettra de faire décoller de nouveaux projets de manière aussi efficace. Nous avons besoin de cette urgence dans la situation dans laquelle nous nous trouvons.
Le président : Merci, monsieur Merchant.
Le sénateur Kutcher : Loin de moi l’idée de faire précéder ma question de longues remarques ou d’un préambule, mais je veux faire remarquer que le Canada est un pays reconnu pour ses projets pilotes, mais aussi pour son manque de stratégie de coordination. Je me contenterai de cette observation.
Ma deuxième question porte sur un autre domaine qui a été mentionné, à savoir le soutien du public. Quelle est l’importance du soutien du public dans la compréhension de l’élimination du dioxyde de carbone océanique à ce stade?
Je soulève cette question à la fois parce qu’elle a été abordée dans les témoignages, mais aussi parce qu’un rapport récent au Canada, annonçant le plafonnement des émissions, a montré que 50 % des Canadiens n’en avaient jamais entendu parler. Les autres 50 % étaient également divisés dans leurs opinions, un tiers étant pour, un tiers contre et un tiers étant sans avis.
De fait, nous avons remarqué que la capacité à obtenir le soutien du public pour des innovations dans la lutte contre les changements climatiques dépend fortement de la compréhension par le public de ce qui se passe. Dans un climat politique polarisé, c’est encore plus problématique.
Que pensez-vous du soutien du public en ce qui concerne l’élimination du dioxyde de carbone océanique? S’il s’agit d’un sujet important, quels moyens peuvent être utilisés pour informer le public? Quel rôle les communautés autochtones peuvent-elles jouer dans le développement du soutien du public et de la compréhension de l’élimination du dioxyde de carbone océanique?
Ces questions s’adressent à tous.
M. Paul : Rien ne se passe dans une communauté autochtone sans que celle-ci ne le soutienne. Nos chefs et nos conseils sont plus proches de nos communautés que nombre de nos dirigeants politiques dans les gouvernements provinciaux, fédéral ou territoriaux.
Comme je l’ai mentionné, ce qui est important aujourd’hui, c’est le processus d’éducation. Si j’allais dans n’importe laquelle de nos communautés et que je leur demandais ce qu’elles connaissent de la capture et de la séquestration du carbone, elles n’auraient aucune idée de ce dont je parle. Cependant, si nous expliquions que nous avons un gros problème à cause des changements climatiques, ce que tout le monde comprend, et qu’il s’agit d’une des plus grandes méthodologies pour l’aborder — l’océan est le plus grand puits de carbone que nous ayons sur la planète. Nous devons trouver différents moyens d’atténuer les rejets de carbone. Si nous partons de ce contexte, nous obtiendrons un meilleur soutien de la part de la communauté pour ce genre de choses.
Les membres de nos communautés, les gardiens du savoir et les anciens, veulent partager leurs informations et leurs points de vue. Ce que beaucoup de gens ne comprennent pas au sujet des communautés, c’est que chacune a son propre système de valeurs. Tant que vous ne vous investissez pas réellement, vous n’obtiendrez pas le soutien de la communauté. Il y a des mécanismes juridiques engagés, car tout ce que nous allons faire dans le secteur océanique aura des répercussions sur les droits des peuples autochtones, et nous ne voulons pas continuer à nous lancer dans ces batailles juridiques au sujet des choses pour lesquelles nous devrions essayer de trouver des moyens de tisser des liens afin d’aider tout le monde à s’entendre.
Je pense que des projets à court terme, comme des essais à petite échelle, sont acceptables. Nous devons faire des essais pour déterminer de quoi il s’agit et quelles seraient les répercussions, principalement sur le poisson. En revanche, quand nous en saurons plus, la composante des communications sera d’une importance cruciale pour les collectivités autochtones.
M. Merchant : Je suis d’accord avec tout ce que M. Paul vient de dire.
Pour ce qui est d’une stratégie de communication plus étendue sur l’élimination du carbone océanique, notre façon d’en parler et nos messages doivent être axés sur les collectivités touchées par le déploiement de ces solutions. À l’heure actuelle, l’élimination du carbone océanique en général est déployée à très petite échelle. Concentrer nos efforts sur la communication de ces solutions avec les nations autochtones et les collectivités côtières devrait être notre priorité et constituer le fondement d’une communication future plus accessible au public.
À l’heure actuelle, comme l’accent est mis sur la nécessité de projets pilotes dans les régions géographiques pertinentes, nos communications doivent rester axées sur ces collectivités, étant entendu qu’à long terme, nous aurons besoin d’une stratégie de communication publique plus étendue.
Nous devons commencer au niveau où les gens sont proches de ces projets.
Mme Webb : Je me ferai l’écho d’une chose à laquelle M. Merchant vient de faire allusion, c’est-à-dire qu’il y a une distinction importante entre ce que vous considéreriez comme une mobilisation publique à l’égard de l’idée de l’élimination marine du carbone, en général, et le rôle qu’elle pourrait jouer dans les efforts d’atténuation des changements climatiques et la mobilisation à l’égard de projets précis, qu’il s’agisse de recherche ou de déploiement, à plus long terme. Il est important de les considérer séparément tout en reconnaissant les liens qui existent entre eux.
En matière d’éducation, il sera très important que la sensibilisation au sujet de l’élimination marine du carbone et du rôle qu’elle pourrait jouer soit impartiale et équilibrée. À cette fin, nous avons besoin des bons messagers pour faire cette sensibilisation. Le gouvernement a un rôle très important à jouer en matière de communication et de vulgarisation concernant l’élimination marine du carbone. Les entités du secteur privé qui se développent dans ce domaine devraient jouer un rôle moins important.
En ce qui concerne la mobilisation à l’égard des projets individuels, je souscris sans réserve aux commentaires de M. Paul. Je tiens simplement à souligner que, souvent, quand nous pensons à la mobilisation à l’égard d’un projet donné, nous le voyons comme un processus unilatéral dans lequel un promoteur de projet ou un chercheur se rend dans une collectivité pour expliquer ce qu’il compte faire et les conséquences éventuelles pour cette collectivité ou décrire en détail les avantages que cela pourrait avoir. En fait, la mobilisation devrait être un processus bilatéral permettant un échange d’information entre la collectivité et le chercheur.
Cela se rapproche davantage de ce que M. Paul disait au sujet de la conception et de l’exécution conjointes de cette recherche afin que les collectivités autochtones et d’autres puissent participer directement aux programmes. C’est positif non seulement du point de vue de l’acceptabilité sociale, mais cela peut aussi améliorer la qualité de ces projets. Comme M. Paul l’a dit, ces collectivités ont des connaissances locales qui peuvent nous aider à concevoir et à exécuter ces projets. C’est vraiment important.
M. Craik : Je n’ai pas grand-chose à ajouter. J’aimerais simplement souligner que certaines entités pourraient jouer un rôle, notamment le Groupe consultatif pour la carboneutralité. L’élimination marine du carbone est l’exemple même de la carboneutralité et je pense que ce groupe pourrait jouer un rôle important en amorçant cette discussion à l’échelle nationale.
Ensuite, je pense qu’il est important de tenir des discussions réalistes sur les retombées positives. Il faut vraiment qu’elles soient réalistes. Il y a beaucoup d’affirmations sur les retombées positives de différents types d’élimination marine du carbone, tant sur le plan matériel que financier. Ce sont des éléments très importants.
Dans d’autres domaines, nous constatons que les retombées positives influent énormément sur l’attitude du public à l’égard de ce genre d’activités, mais elles sont mal comprises dans ce domaine.
Le président : Merci. Pour que ce soit bien clair, nous en sommes encore à notre première série de questions.
La sénatrice Ataullahjan : Nous parlons de conversations et de collaborations, alors dites-moi, monsieur Paul : estimez-vous que les collectivités autochtones font partie des discussions? Je veux dire des conversations respectueuses. Nous avons beaucoup à apprendre. Vous avez des milliers d’années d’expérience sur le terrain. Avez-vous l’impression d’être entendus?
M. Paul : On n’en entend pas parler, mais les collectivités autochtones ne sont pas encore incluses dans ces projets. Le sujet a été évoqué. Il y a eu une réunion annuelle. J’y ai été invité à Washington, en avril. Ils ont parlé de travailler avec les Premières Nations et les nations tribales, mais ils ne l’ont pas encore fait. Il y a quelques préliminaires.
Je dirais que la grande majorité des collectivités autochtones n’ont aucune idée de la situation actuelle. J’essaie de faciliter les choses en partie par mon travail. Par exemple, l’Assemblée des Premières Nations se réunit juste en face — tous les chefs et techniciens du Canada — et ce n’est pas un sujet à l’ordre du jour.
La sénatrice Ataullahjan : Pourquoi pas? Nous entendons dire que lorsqu’ils parlent, ils parlent des collectivités autochtones, mais vous avez l’impression de ne pas participer.
M. Paul : À l’heure actuelle, on semble mettre davantage l’accent sur la science et la façon de procéder. Il y a encore beaucoup de recherche à faire là-bas. La communauté scientifique en général a vraiment besoin de beaucoup d’aide pour travailler avec les collectivités autochtones. Elles semblent être le point d’entrée, et tout le monde veut tenir compte des connaissances autochtones des collectivités. C’est un peu un stéréotype, parce que les collectivités pourraient apporter beaucoup d’autres contributions.
Je dirais que la grande majorité des gens qui parlent de connaissances ancestrales ne savent même pas ce que c’est, y compris les gens de mes collectivités. Si je demande à mes aînés de me faire part de leurs connaissances ancestrales, ils me diront qu’ils ne savent pas ce que c’est parce que ce n’est pas la terminologie que nous avons inventée, mais si vous leur demandez comment harponner des anguilles, ils vous répondront qu’il faut un bâton comme celui-ci et un râteau comme celui-là, et qu’il faut aller dans cette zone à cette période de l’année et à ce moment de la journée, et ainsi de suite.
Ce domaine n’en étant qu’à ses débuts, les Autochtones n’ont pas encore été inclus. Je sais qu’un grand nombre des groupes concernés en parlent et s’y préparent. Ils ne savent pas comment franchir ces premières étapes. C’est pourquoi les petits projets de démonstration seront très utiles, car quand les collectivités participent à certains de ces projets, elles font part de leur expérience à d’autres collectivités autochtones ce qui leur permet de discuter des avantages et des inconvénients de certains travaux.
La sénatrice McPhedran : Merci. J’essaie de faire la synthèse des témoignages que nous avons entendus de la part de M. Merchant et de votre part, monsieur Paul, et je m’inspire des questions que Mme Ataullahjan a posées.
Je pense que la plupart des témoins du milieu scientifique ont insisté sur l’importance de l’acceptabilité sociale. Lors d’une de nos réunions précédentes, j’ai demandé à un groupe de scientifiques où l’acceptabilité sociale se situe sur la liste des priorités et ils m’ont répondu que c’était la priorité absolue. Pour aller de l’avant, ils se devaient d’obtenir et de promouvoir l’acceptabilité sociale et l’interaction avec les collectivités.
Monsieur Merchant, je viens de remarquer que vous êtes avec nous aujourd’hui pour représenter un organisme à but non lucratif relativement nouveau. Je crois que vous avez dit qu’il s’agissait d’un ONG bénéficiant d’un soutien philanthropique, Carbon Removal Canada. En sa qualité de présidente du Conseil du Trésor, la ministre Anand a annoncé le 9 octobre un engagement minimal de 10 millions de dollars dans le cadre de la Stratégie pour un gouvernement vert pour l’« élimination du carbone », sans préciser la technique.
Ma question s’adresse à vous deux. Il s’agit de savoir comment mobiliser les collectivités autochtones locales afin d’obtenir l’acceptabilité sociale qui, selon ce qu’on nous dit, est essentielle pour aller de l’avant. Quelqu’un sait-il si cet engagement de 10 millions de dollars pour l’élimination du carbone — on dit que c’est pour des « services d’élimination du carbone » — pourrait favoriser une meilleure coordination? Monsieur Paul, je crois que vous avez dit que vous songez à un mécanisme quelconque qui la faciliterait. J’aimerais beaucoup vous entendre tous les deux ainsi que tous les autres témoins, s’ils souhaitent intervenir. Comment pouvons-nous passer de la détermination du besoin, qui est très évident, à la satisfaction réelle de ce besoin et à son adéquation avec les priorités scientifiques dont nous avons entendu parler?
M. Paul : La communication sur la stratégie de 10 millions de dollars n’a pas vraiment trouvé écho auprès de nos chefs. Comme je l’ai dit, la capture du carbone est une inconnue dans ce domaine.
Je vais revenir aux projets de démonstration dans les collectivités. Par exemple, si nous devions le faire dans la région de l’Atlantique, supposons qu’une demi-douzaine de collectivités autochtones différentes participent à des projets de démonstration dans différents endroits géographiques, avec des hydrodynamiques différentes — certaines plus côtières et d’autres sur les réseaux fluviaux — et qu’elles ont été en mesure de travailler sur les plans de surveillance, de mettre en place des systèmes d’éducation dans la collectivité et de tenir des réunions communautaires pour expliquer ce dont il s’agit. On y discuterait de qui va participer, des zones à surveiller et des espèces de poissons ciblées ou d’autres activités, parce que plusieurs de nos collectivités ont des opérations d’aquaculture, par exemple, et des répercussions potentielles. Si nous sommes en mesure de faire ce genre de choses et de faire participer les collectivités dès le départ, elles seront alors mieux à même d’établir les priorités qui seraient ensuite communiquées aux autres collectivités. Ainsi, je pense qu’il y a une méthodologie pour établir l’acceptabilité sociale dans la région.
En ce qui concerne l’annonce fédérale et le fait de dire que des fonds sont disponibles et que les gens peuvent présenter une demande, vous n’obtiendrez probablement pas beaucoup d’adhésion de la part des collectivités autochtones. On ne comprend tout simplement pas que c’est ce qui se passe vraiment, et encore moins la science qui sous-tend cela dans les collectivités en général.
Je travaille avec les gens et j’essaie de les éduquer au passage. J’ai communiqué avec plusieurs députés lors de la réunion de l’Assemblée des Premières Nations ces derniers jours pour les informer de ma présence ici, mais j’ai dû leur expliquer dès le départ en quoi consiste la capture du carbone océanique et pourquoi nous le faisons. J’ai essayé d’employer un langage simple pour qu’ils puissent au moins comprendre les concepts sans entrer dans la science, les méthodologies et tous les autres éléments qui sont vraiment importants dans ce domaine.
La sénatrice McPhedran : Je ne suis pas certaine que les 10 millions de dollars pour les services d’élimination du carbone comprendraient un financement à l’échelle locale. Cela fait partie de ma question.
Monsieur Merchant, si vous me permettez de préciser un peu ma question, il semble que la ministre Anand ait synchronisé son annonce de ce service d’élimination du carbone de 10 millions de dollars avec le lancement de votre rapport. Peut-être pourriez-vous nous dire s’il y a quelque chose en cours avec votre organisation ou tout autre détail dont vous pouvez nous faire part.
M. Merchant : Oui. Merci beaucoup de la question. L’annonce de 10 millions de dollars est, bien sûr, très récente. Elle remonte à quelques mois. Je pense que le gouvernement est en train de déterminer à quoi pourrait ressembler ce mécanisme de financement.
Nous servons de ressource au gouvernement, si cela peut être utile, en l’aidant à réfléchir à la façon de prendre des décisions concernant les marchés publics de services d’élimination du carbone à un niveau général en ce qui concerne les critères et les cadres qui pourraient être utilisés pour sélectionner les projets. En fait, nous avons publié un rapport, comme vous l’avez mentionné, intitulé Approvisionnement ciblé, qui a été lancé officiellement le 9 octobre. Dans ce rapport, nous fournissons un cadre de réflexion sur la façon dont un gouvernement ou même une entité privée qui souhaite acheter des crédits d’élimination du carbone s’y prend pour reconnaître les projets à haute intégrité. Comment comprennent-ils les retombées positives? Comment s’assurent-ils que ces projets sont complémentaires et vérifiables et qu’ils répondent à un certain nombre de critères de haut niveau?
L’un des éléments essentiels que nous incluons en ce qui concerne la manière dont les gouvernements ou les entités privées peuvent réfléchir à la passation de marchés pour l’élimination du carbone est que nous recommandons que la passation de marchés donne la priorité à des projets comportant des plans de retombées locales, idéalement dans des projets dirigés par des Autochtones. Nous en parlons dans le rapport et nous l’incluons dans la façon dont nous pouvons prendre des décisions en matière de passation de marchés.
Je vais simplement appuyer ce qu’a dit M. Paul, à savoir que l’élimination du carbone est une solution très nouvelle. Nous avons beaucoup de travail à faire pour informer les nations autochtones au sujet de l’élimination du carbone et du potentiel de ces différentes méthodes et techniques ainsi que des risques et des compromis dans la mesure où nous les connaissons ainsi que de ce que nous ne savons pas et que nous devons encore apprendre.
Nous avons commencé à faire le premier pas en ce sens. Nous avons tenu un atelier en septembre, par exemple, avec plusieurs dirigeants autochtones pour parler un peu de l’élimination du carbone, mais nous avons vraiment essayé de passer plus de temps à écouter.
En général, plus nous pourrons passer de temps à écouter les chefs et d’autres dirigeants autochtones du Canada au sujet de leurs préoccupations ainsi que des possibilités susceptibles de les enthousiasmer en ce qui a trait à l’élimination du carbone, mieux nous utiliserons notre temps dans la poursuite du développement de ce domaine. Chez Carbon Removal Canada, c’est ce que nous avons à cœur de faire et que nous recommandons à d’autres intervenants dans le domaine de l’élimination du carbone.
Par exemple, nous avons invité des représentants du gouvernement, de l’industrie et d’organismes à but non lucratif à participer à cet atelier. Nous voulons tenir d’autres ateliers et avoir davantage de ces conversations. Nous espérons que certains groupes voudront participer à l’élimination du carbone, mais nous sommes conscients que d’autres ne voudront pas. C’est très bien ainsi.
Nous ne croyons pas que notre travail consiste à convaincre les gens, mais plutôt à leur présenter l’information et à leur dire que nous aimerions connaître leur réaction.
La sénatrice McPhedran : Ma deuxième question est la suivante : monsieur Merchant, pourriez-vous nous parler plus en détail du soutien philanthropique dont votre organisme bénéficie?
M. Merchant : Bien sûr. Nous sommes financés par une demi-douzaine de fondations et de philanthropes au Canada. Nous en publions la liste au bas de notre site Web. Les bailleurs de fonds actuels comprennent Vancity, la Fondation familiale Trottier, la Peter Gilgan Foundation et plusieurs autres. Nous pensions que ce mécanisme de financement était essentiel parce que, même si aucune approche de financement n’est parfaite pour ce qui est d’assurer la plus grande indépendance possible, nous estimions que, par rapport à un modèle d’association industrielle où nous serions financés par des acteurs de l’industrie, ou un modèle où nous étions entièrement financés par le gouvernement qui pourrait limiter notre capacité de fournir des conseils indépendants sur la façon responsable et rapide — compte tenu de la situation dans laquelle nous nous trouvons — d’intensifier les solutions d’élimination du carbone d’une manière qui est logique pour le Canada.
La sénatrice McPhedran : Avez-vous des membres autochtones au sein de votre conseil d’administration?
M. Merchant : Nous avons un conseil consultatif en ce moment dont un membre est Autochtone.
La sénatrice McPhedran : Qui est-ce?
M. Merchant : Monsieur Darrell Brown. Il est président de Kisik Clean Energy.
Le sénateur C. Deacon : Chaque réunion devient plus impressionnante en ce qui concerne la profondeur de la compréhension à laquelle nous avons accès. Je tiens à remercier mes collègues de leur excellent travail, ainsi que notre greffière et les analystes de la Bibliothèque du Parlement de nous avoir aidés à trouver un groupe aussi formidable.
J’aimerais me concentrer sur la façon de renforcer notre gouvernance dans ce domaine. Je crois fermement à l’idée que l’inclusion — surtout dans les domaines où la compréhension d’un enjeu évolue rapidement — est essentielle au succès. Si vous roulez vite, vous ratez beaucoup de choses. C’est la différence entre la marche et la course. Je crois donc à l’inclusion.
Nous avons entendu plusieurs énoncés importants concernant la nécessité d’une acceptabilité sociale dans chaque collectivité, c’est-à-dire la mobilisation publique par opposition à la mobilisation communautaire ainsi que les communautés de pratique, en raison des différences entre les écosystèmes et les situations locales d’une côte à l’autre, mais aussi le long des côtes.
La semaine dernière, les représentants de nos organes de réglementation nous ont dit qu’ils adoptaient une approche de « neutralité active », ce qui signifie essentiellement : « Nous pourrions faire quelque chose, mais nous verrons. » Cela m’inquiète à cause d’une chose qu’Anya Waite a dite plus tôt, c’est-à-dire que tout ce domaine correspond au trou du beigne de la réglementation; il y a un vide.
Plusieurs parties se trouvent sur le pourtour du beigne, comme Pêches et Océans Canada, Transports Canada, Ressources naturelles Canada, Environnement et Changement climatique Canada et les organisations provinciales et nous pourrions faire en sorte que ce trou soit comblé par plusieurs niveaux et types d’organismes de réglementation avec beaucoup de dédoublements.
Nous avons entendu aujourd’hui que le Canada pourrait être un chef de file, mais que notre pays a la tradition d’avoir le fardeau réglementaire le plus lourd au sein de l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE. C’est un fardeau qui stagne. Il ne change pas. C’est un domaine où nous devons être prêts à apprendre.
Je vais commencer par le point de vue international de Mme Webb, puis je passerai aux témoins ici présents après avoir entendu nos témoins virtuels, parce que j’aimerais connaître votre point de vue, monsieur Paul.
Ma question porte sur l’importance d’un organe unique qui examine le nombre de problèmes récurrents que nous verrons dans les collectivités, mais qui a la capacité d’être agile et de tenir compte des différentes collectivités à mobiliser. Je crains que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux risquent de tout paralyser s’ils plongent, si nous n’avons pas une seule entité à laquelle tout le monde peut s’adresser.
Je veux que vous remettiez en question ce point de vue, en commençant par Mme Webb.
Le président : Sénateur Deacon, nous nous débrouillons très bien avec les questions, mais nous devrons travailler sur les préambules. Madame Webb, c’est à vous.
Mme Webb : Merci. Je vais peut-être vous donner le point de vue des États-Unis sur certaines discussions que nous avons à ce sujet aux États-Unis afin d’éclairer votre réflexion au Canada.
La fragmentation actuelle de la gouvernance entre les niveaux international, national et infranational présente à la fois des défis et des possibilités. Il y a un risque de complexité et de dédoublement qui peut compliquer l’avancement de projets.
Nous avons ce problème ici aux États-Unis où il y a des régimes fédéraux de délivrance de permis, puis des régimes d’États et des régimes locaux. Il est difficile de s’y retrouver. Il y a beaucoup de dédoublement et, dans certains cas, des conflits directs. Il est donc difficile de faire cheminer rapidement les projets et nous savons que c’est ce qu’il faut faire pour répondre à ces questions scientifiques clés.
En même temps, la mobilisation à plusieurs niveaux facilite une approche plus inclusive, comme vous le disiez, et apporte différentes perspectives qui peuvent aider à orienter l’exécution de ces projets.
Nous devons trouver un équilibre entre ce genre de cadre de gouvernance à plusieurs niveaux, redondant et qui se chevauche et la promotion d’une approche inclusive. L’une des choses que mon organisation de recherche a faites, c’est d’élaborer ce que nous appelons une loi fédérale type pour la recherche sur l’élimination du dioxyde de carbone océanique.
L’idée de ce projet est d’examiner la question suivante : si nous devions passer l’éponge et recommencer à zéro, comment pourrions-nous concevoir un cadre réglementaire pour ces activités? Nous avons cherché à atteindre cet équilibre entre la rationalisation et la simplification tout en assurant une approche inclusive. Nous avons tenté de le faire de diverses façons, mais je vais en décrire une.
L’une des structures que nous créons dans ce projet de loi type consiste à établir un organisme national qui serait chargé de superviser ces activités et d’élaborer une stratégie de recherche coordonnée pour réfléchir à la façon de les faire progresser. Cela comprendrait une représentation diversifiée de l’ensemble de l’administration fédérale pour garantir que vous avez une expertise diversifiée. Il communiquerait également directement avec ce que nous appelons les organismes de recherche régionaux qui seraient composés des États, des administrations locales, des tribus amérindiennes et d’autres groupes communautaires qui peuvent contribuer directement à cet organisme fédéral lorsqu’il évalue où et comment la recherche devrait progresser.
Dans ce modèle, nous essayons de trouver un équilibre entre le besoin d’un cadre réglementaire solide qui est clair, cohérent et simple à naviguer et les avantages d’une approche plus inclusive qui tire parti des connaissances de ces différents acteurs.
Je ne suis pas certaine que nous avons trouvé la solution parfaite, mais c’est un point de départ de la réflexion sur un nouveau modèle pour aborder ces activités.
M. Craik : Merci, monsieur Deacon.
Vous avez mis le doigt sur une certaine tension. D’une part, un grand nombre d’organismes fédéraux, d’intérêts provinciaux et de parties prenantes doivent être représentés à la table, mais de façon raisonnablement efficace.
J’essaie de penser à d’autres régions océaniques où cela a été fait avec succès et qui pourraient servir de modèle. L’aquaculture est peut-être un domaine, mais nous pourrions débattre de son succès. Nous avons créé des organes de réglementation fédéraux et provinciaux pour coordonner la réglementation de l’aquaculture au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse, avec un certain succès, et l’approche est légèrement différente en Colombie-Britannique.
Il y a peut-être des modèles que nous pourrions examiner.
Il sera difficile de confier cette tâche à un organisme fédéral en particulier pour la simple raison que, comme vous l’avez dit, l’élimination marine du carbone fait intervenir au moins quatre grands organismes fédéraux. Il sera particulièrement important de trouver un moyen de rassembler ces voix.
Il peut y avoir des approches réglementaires allégées. Il sera particulièrement important d’orienter la réglementation en prêtant attention à la proportionnalité. Les processus d’évaluation environnementale seront nécessaires, mais ils peuvent être menés de diverses façons, en limitant le fardeau lié à la réglementation et à l’obtention de permis pour les intervenants. Il me semble logique d’adopter une approche de permis unique, si c’est faisable, afin que l’industrie et les chercheurs n’aient pas à s’adresser à plusieurs organismes pour obtenir différents permis.
Comme je l’ai mentionné, le hic, c’est que différentes technologies déclencheront des processus de délivrance de permis différents. Comme je l’ai déjà dit, l’uniformité et la neutralité technologique sont importantes.
Nous en sommes à un stade si précoce que privilégier une ou deux technologies particulières ne serait peut-être pas une bonne idée; nous devons plutôt nous assurer de comprendre tous les fardeaux et avantages de chaque technologie.
À l’échelle internationale, il est important d’harmoniser ce que le Canada fait avec le reste du monde, mais le processus multilatéral international peut être très lent. Je ne pense pas que ce soit nécessairement la meilleure chose à faire. Il est clair que d’autres pays vont de l’avant. Le Canada doit réfléchir à la forme que prendra une approche nationale en matière de gouvernance, dans l’optique d’une harmonisation au fur et à mesure que ces organismes internationaux feront du rattrapage.
M. Merchant : Je vous remercie de la question, monsieur Deacon. Vous soulignez quelque chose d’important. Il y a beaucoup de chevauchements de compétences. Il y a double emploi. Il peut être difficile de s’y retrouver dans ces différents processus de délivrance de permis et de réglementation. S’il y avait moyen de simplifier tout cela, ce serait formidable. Nous avons déjà entendu des idées. Une entité centrale pourrait aplanir certains de ces obstacles. Comme je l’ai dit, nous serions favorables à une telle solution, mais nous sommes également ouverts à d’autres modalités.
En fin de compte, il nous semble crucial d’officialiser le rôle de certains de ces ministères au Canada en mettant officiellement l’accent sur l’élimination du carbone. L’élimination du carbone est un défi à l’échelle des gigatonnes, et il s’agit d’un levier majeur et sous-utilisé dans la lutte contre les changements climatiques.
En particulier, l’élimination marine du carbone est un domaine dans lequel nous croyons que le Canada pourrait exercer un grand leadership. À vrai dire, à l’heure actuelle, on traite de l’élimination marine du carbone, voire de l’élimination du carbone de façon plus générale sur le coin d’un bureau. C’est la raison pour laquelle nous n’avons pas un programme de recherche clair. C’est la raison pour laquelle nous n’avons pas une plus grande mobilisation des collectivités et des nations autochtones concernées qui auront un rôle important à jouer. C’est la raison pour laquelle nous n’avons pas les cadres réglementaires et commerciaux nécessaires pour que cela devienne une technologie commerciale au fil du temps.
Nous avons besoin d’un plus grand nombre de représentants du gouvernement qui sont les seuls porteurs du dossier dans quelques ministères. Ainsi, nous pourrions non seulement accélérer la recherche et l’innovation, comme le souhait a été exprimé, mais bien nous positionner pour poursuivre le développement de l’élimination marine du carbone et, au bout du compte, le déploiement commercial, ce qui est important et que nous ne voulons pas perdre de vue.
Enfin, ce que vous proposez — ou essentiellement tout ce qui aiderait à aplanir certains de ces obstacles, mais aussi à faire de l’élimination du carbone une priorité officielle des principaux ministères — contribuerait à assurer la pérennité du travail que nous essayons d’accomplir. Ce sera un défi qui nous occupera sur plusieurs dizaines d’années. Nous devons aussi aider à institutionnaliser le savoir qui existe au sein des gouvernements.
Encore une fois, tant que l’élimination du carbone sera une priorité croissante et émergente au sein du gouvernement et qu’on s’en occupera sur le coin d’un bureau, je crains que tout cela ne soit pas possible et que nous ne puissions pas réaliser les progrès à long terme qui s’imposent.
M. Paul : Il m’est un peu difficile d’imaginer à quoi ressemblerait un régime fédéral. Cependant, j’ai une certaine expérience de l’énergie marémotrice en Nouvelle-Écosse; je m’en occupe un peu. Je participe également à certains travaux en cours sur l’énergie éolienne extracôtière.
D’après mon expérience de l’énergie marémotrice, le manque de clarté et de réglementation a entraîné la disparition de centaines de millions de dollars en investissements. Je ne voudrais pas que cela se produise dans ce secteur de la capture du carbone océanique et de l’acidification des océans par le carbone. Il est probablement logique d’avoir une sorte d’organisme central pour le faire.
L’adoption d’une loi visant à soutenir les éoliennes extracôtières est un énorme avantage pour tous les intervenants, y compris les collectivités autochtones du Canada atlantique.
Je ne sais pas qui piloterait ce dossier, mais il sera vraiment important que le Canada joue un rôle de premier plan et qu’il fasse preuve de clarté si nous voulons faire progresser la lutte contre le carbone dans les océans.
Le sénateur C. Deacon : Merci à nos témoins.
Le sénateur Cuzner : Je remercie les témoins.
Je vais m’éloigner de ces grandes questions plus générales. Vos observations, monsieur Paul, sur l’acceptabilité sociale et la participation de la collectivité sont très valables. Ma question s’adresse peut-être à vous et à M. Merchant : connaissez-vous CarbonRun en Nouvelle-Écosse et la technologie qu’ils utilisent pour essayer de restaurer l’habitat du poisson? Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet? Ont-ils du succès? Y a-t-il un dialogue à ce niveau avec les collectivités locales?
M. Paul : Oui, je les connais. En fait, j’ai rencontré le président de l’entreprise et certains des techniciens principaux en avril. Lorsqu’ils se sont lancés dans ce domaine, il avait vraiment l’ambition de régler le problème des pluies acides dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse qui est causé par les émissions provenant de l’industrialisation dans le nord-ouest de l’État de New York, le sud de l’Ontario et ainsi de suite.
Le sénateur Cuzner : Oui.
M. Paul : Ce que j’aime vraiment de leur approche, c’est qu’ils ont travaillé dans de petits réseaux fluviaux en Nouvelle-Écosse avec du calcaire, je crois. Tous les systèmes de surveillance étaient en place. Ils ont été en mesure de dénombrer les poissons pour essayer de voir si leurs interventions allaient avoir des répercussions positives. C’est ce qu’ils font depuis une vingtaine d’années. C’est une longue période. C’est seulement parce que la capture du carbone océanique est devenue une priorité qu’ils travaillent maintenant dans ce domaine également.
Je crois qu’ils ont conclu une entente quelconque avec la Première Nation de Pictou Landing pour y travailler. Tout cela fait partie de leurs activités de mobilisation communautaire. Le modèle qu’ils utilisent est excellent. J’aime le fait qu’ils ont commencé à petite échelle et qu’ils ont invité les collectivités autochtones dès le départ.
Je ne sais pas si nous disposons d’un échéancier similaire en ce qui concerne ce qui est proposé ici avec la capture du carbone océanique, mais je pense que nous pouvons tirer de nombreuses leçons de leur méthodologie.
Le sénateur Cuzner : M. Merchant voudra peut-être nous parler de l’aspect carbone de CarbonRun et de ce qu’ils ont fait jusqu’à maintenant.
M. Merchant : Oui. Je suis au courant du travail que fait CarbonRun. J’appuie une bonne partie de ce que M. Paul a dit. Il s’agit d’une entreprise qui tire parti d’approches conçues pour résoudre un problème différent. Ils ont étudié cette question au Canada et dans les pays nordiques pendant des décennies pour essayer de comprendre l’effet de l’alcalinisation dans la lutte contre les pluies acides. Parce qu’une conversation émergeait au sujet de l’élimination du carbone, les scientifiques de CarbonRun se sont rendu compte qu’avec quelques légères modifications, leur approche pourrait en fait être une solution à faible teneur en carbone.
C’est pourquoi il est essentiel que nous soyons clairs au sujet des possibilités liées à l’élimination marine du carbone et aux autres méthodes d’élimination du carbone. Au bout du compte, il y a beaucoup de choses qui ont déjà des effets positifs sur l’environnement ou qu’on trouve dans les chaînes de valeur industrielles — quel que soit le cas — offrant une possibilité d’éliminer le carbone qui n’a pas été exploitée parce qu’elle résout peut-être un autre problème.
C’est un autre avantage d’avoir une stratégie claire et de mettre l’accent sur l’élimination du carbone afin que plus de gens comme ceux chez CarbonRun puissent cerner de nouvelles possibilités et faire progresser les innovations et, en passant, vendre l’écoulement de crédits carbone à des acheteurs précis. Cela peut avoir un effet catalyseur en aidant ces entreprises à croître et à faire entrer de l’argent dans ces collectivités, ce que nous commençons à voir avec CarbonRun. Elle a récemment conclu une entente pluriannuelle avec Frontier et d’autres acheteurs de crédits pour l’élimination du carbone. C’est encourageant.
Le sénateur Cuzner : J’ai aussi une brève question pour M. Craik. Vous avez mentionné qu’il fallait investir des sommes importantes dans l’infrastructure d’observation des océans. Qui au pays le fait bien à l’heure actuelle? Qui sont les chefs de file au pays à l’heure actuelle? La société civile, l’industrie et le milieu universitaire ont-ils la possibilité de collaborer? Ces encouragements sont-ils efficaces? Sont-ils en place maintenant pour réunir ces gens? Quelles sont les possibilités de faire ces investissements nécessaires dès maintenant? Le contexte s’y prête-t-il?
Le président : Un instant, monsieur Craik, avant que vous ne répondiez. Il nous reste sept minutes. J’ai trois personnes pour le deuxième tour. Je déteste agir ainsi parce que c’est une excellente conversation, mais notre temps est compté et nous devons donc resserrer les choses. Si vous pouviez répondre à votre question, je m’occuperai des sénateurs une fois que vous aurez terminé.
M. Craik : Très brièvement, le besoin d’observation des océans découle du fait qu’une grande partie du retrait du carbone de l’atmosphère, ce qui est important — beaucoup des processus d’élimination marine du carbone lient le carbone océanique, mais cela crée de la place pour permettre aux océans d’absorber plus de carbone atmosphérique. Voilà ce qui nous tient à cœur. Plusieurs facteurs entrent en jeu, comme le mélange des océans et la température, et cela ne se produit pas dans la même région, mais à plus long terme.
Afin de bien saisir la quantité de carbone qui est retirée de l’atmosphère et qui s’ajoute — on parle souvent d’additionnalité —, nous aurons besoin d’observations supplémentaires et nouvelles. Les observations peuvent se faire à bord de navires ou avec du matériel d’observation placé dans les océans.
Si j’ai soulevé ce point, c’est pour que le comité reconnaisse que la réglementation nécessite non seulement l’adoption de lois, mais aussi des investissements importants dans l’infrastructure à grande échelle une fois que le mouvement prend de l’ampleur. Il est particulièrement important d’avoir un œil là-dessus.
Qui le fait bien? Je ne suis pas un scientifique; je ne vais pas m’aventurer sur ce terrain. Je travaille avec un groupe appelé MEOPAR, le Réseau d’observation, de prévision et d’intervention en milieu marin, une organisation scientifique financée par le gouvernement fédéral qui fait beaucoup de recherche sur l’observation marine. Le Canada a un certain nombre d’activités d’observation des océans. Je ne veux pas outrepasser mon champ de compétences.
La sénatrice Busson : Ma question s’adresse à Mme Webb. J’ai vraiment été frappée par votre commentaire au sujet d’un cadre ciblé. Il me semble que la plupart des lois et des règlements à ce jour sont conçus pour empêcher les gens de causer du tort aux océans, et nous devons maintenant nous tourner vers le bien et renverser tout le paradigme. Seriez-vous d’accord pour dire que c’est probablement la raison pour laquelle nous avons tant de mal à avancer — parce que tous les protocoles et toutes les lois sont orientés dans d’autres directions et visent à prévenir les torts plutôt qu’à créer le bien?
Mme Webb : Je suis désolée, j’ai manqué la première partie de cette question. Je n’étais pas certaine qu’elle s’adressait à moi.
C’est un problème réel que nous constatons à l’échelle internationale et nationale dans plusieurs pays où nos régimes environnementaux ont été conçus pour limiter l’impact des activités humaines sur l’environnement et gérer les dommages environnementaux qu’elles causent. Quand nous essayons d’intégrer de nouvelles catégories d’activités, y compris les activités d’élimination marine du carbone à ces cadres existants, cela crée cette tension parce que l’accent est mis sur les torts potentiels de ces activités sans tenir pleinement compte, dans certains cas, de leurs avantages potentiels. Nous devons trouver des moyens d’équilibrer les deux.
Dans un contexte océanique en particulier, nous devons réfléchir aux torts qui sont associés au maintien du statu quo. Nous savons que les changements climatiques ont des effets dévastateurs sur nos océans en ce qui a trait au réchauffement des océans, à leur acidification et ainsi de suite. Si nous ne nous attaquons pas adéquatement aux changements climatiques, ces dommages se poursuivront. Nous devons également en tenir compte dans notre évaluation de ces différentes activités.
La sénatrice McPhedran : Pour faire suite au commentaire de M. Paul sur le fait qu’il y a trois océans et des collectivités très différentes dans chacun de ces océans, que pouvez-vous nous dire — la question s’adresse à n’importe quel témoin — au sujet de l’Arctique, de la recherche qui se fait là-bas et de l’endroit où les chercheurs sont basés?
Le président : Nous n’avons le temps que pour une seule réponse. Quelqu’un veut-il répondre à la question de Mme McPhedran? Nous avons le temps pour une réponse.
M. Craik : Les expériences que je connais ne portent pas sur l’élimination du dioxyde de carbone, mais plutôt sur l’albédo océanique, c’est-à-dire la préservation de la glace et l’augmentation du pouvoir réfléchissant de la glace. On ne travaille pas sur l’élimination du carbone, mais sur le forçage radiatif. Des recherches sont en cours à Cambridge Bay sur la restauration de la glace. Un groupe appelé Arctic Ice utilise des microbilles, de très petites perles de verre blanc qu’ils mettent sur la glace pour empêcher que la glace se dégrade davantage. C’est un peu en dehors du sujet. Je ne suis au courant d’aucune recherche sur l’élimination du carbone. La plupart des recherches menées dans l’Arctique ont porté sur les glaces.
Le sénateur C. Deacon : J’aimerais vérifier si Mme Webb est d’accord. À l’heure actuelle, il se fait chaque jour dans nos océans de la bio-ingénierie massive et non réglementée en raison des émissions de carbone dans notre atmosphère. C’est considéré comme de la bio-ingénierie, mais dans un cas, c’est extrêmement nocif pour nos océans. Le domaine est très prometteur. Est-ce une bonne façon d’examiner la question?
Mme Webb : Nombreux sont ceux qui considèrent les changements climatiques comme une énorme expérience de géo-ingénierie et qui pensent que par nos émissions de dioxyde de carbone et d’autres gaz à effet de serre, nous sommes en train de géo-modifier la planète avec des conséquences très néfastes. Bien que certains règlements soient en place pour contrôler les émissions de gaz à effet de serre à l’échelle nationale et dans un régime international, ils n’ont pas permis de régler efficacement la crise climatique. C’est pourquoi nous avons été forcés d’examiner une gamme d’autres approches, y compris l’élimination du carbone océanique.
Pour revenir à ce que vous disiez au sujet de mon accord, c’est très prometteur, mais d’importantes questions restent sans réponse sur le déroulement de ces activités et leurs répercussions. Il est vraiment important que nous les examinions de plus près avant de passer à un déploiement à grande échelle.
Le président : Madame Webb, je suis désolé de conclure si abruptement, mais nous remercions tous nos témoins de cette excellente conversation. Je remercie les sénateurs de leur collaboration.
Par le pouvoir que m’a conféré le roi Charles, la séance est levée.
(La séance est levée.)