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RIDR - Comité permanent

Droits de la personne


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES


TORONTO, le mercredi 21 septembre 2022

Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit aujourd’hui, à 9 h 10 (HE), pour examiner les questions qui peuvent être soulevées relativement aux droits de la personne en général.

La sénatrice Salma Ataullahjan (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Chers collègues, je suis Salma Ataullahjan, sénatrice de Toronto et présidente du Comité sénatorial permanent des droits de la personne. Aujourd’hui, notre comité se réunit, et j’aimerais profiter de l’occasion pour présenter mes collègues et sénateurs qui participent à cette réunion. Nous comptons parmi les nôtres le sénateur Arnot, de la Saskatchewan, la sénatrice Gerba, du Québec, et le sénateur Oh, de l’Ontario.

Après avoir tenu deux réunions en juin à Ottawa, nous poursuivons aujourd’hui notre étude sur l’islamophobie au Canada dans le cadre de notre ordre de renvoi général. Notre étude portera, entre autres, sur le rôle de l’islamophobie en ce qui concerne la haine et la violence en ligne et hors ligne contre les musulmans, la discrimination fondée sur le sexe, ainsi que la discrimination en matière d’emploi, y compris l’islamophobie dans la fonction publique fédérale. Notre étude portera également sur les sources de l’islamophobie, ses répercussions sur les personnes, y compris pour la santé mentale et la sécurité physique, ainsi que les solutions et les interventions gouvernementales possibles.

Nous sommes heureux d’être ici à Toronto et d’entendre des témoins au sujet de l’islamophobie dans cette région du pays. Il s’agit de la quatrième de nos audiences publiques à l’extérieur d’Ottawa. Il y a deux semaines, nous étions à Vancouver et à Edmonton, et hier, nous étions à Québec.

Permettez-moi de vous donner quelques détails sur notre réunion d’aujourd’hui. Ce matin, nous accueillerons pendant une heure deux groupes comptant un certain nombre de témoins qui ont été invités. Dans chaque groupe, nous entendrons les témoins, puis les sénateurs poseront des questions. Il y aura ensuite une courte pause vers 11 heures.

Je vais maintenant présenter notre premier groupe de témoins. Chaque témoin a été invité à faire une déclaration préliminaire de cinq minutes. Nous entendrons tous les témoins, puis nous passerons aux questions des sénateurs. Chers témoins, je vous demande de respecter les cinq minutes. Je n’aime pas interrompre les témoins, mais je dois parfois le faire, vous savez, puisque vous soulevez des questions au sujet desquelles les sénateurs voudront vous interroger, et nous devons prévoir assez de temps pour le faire.

Donc, du Muslim Educators Network of Ontario, nous accueillons Omar Zia, éducateur, et Rizwana Kaderdina, éducatrice. Ensuite, nous accueillerons Rabia Khokhar, enseignante et consultante en équité et en éducation, et de l’Ahmadiyya Muslim Jama’at, nous attendons que Safwan Choudhry, qui est coincé dans la circulation, se joigne à nous. J’invite maintenant Omar Zia à présenter son exposé.

Omar Zia, éducateur, Muslim Educators Network of Ontario : Merci de m’avoir invité. Je vais commencer par reconnaître que la terre sur laquelle nous nous réunissons, en déclarant que je suis un colon sur des terres volées, pour établir le contexte. Je vous remercie de m’avoir invité à parler de l’islamophobie.

Un étudiant musulman s’assoit en classe et se fait taquiner par ses pairs qui lui demandent s’il a déjà mangé du porc et si cela ne lui manque pas trop de ne pas pouvoir manger de guimauves. « Tu ne manges uniquement halal », se moquent-ils. L’étudiant s’adresse à un enseignant pour qu’il le défende contre l’intimidation et l’islamophobie. L’enseignant soupire et lui dit qu’il n’a qu’à apprendre à vivre avec les moqueries.

Une étudiante musulmane se présente à l’école avec un hidjab. Au cours des deux premiers mois, elle est taquinée par des garçons de sa classe qui lui posent des questions comme « As-tu des cheveux en dessous? » et « Je pense qu’elle est chauve. » L’enseignant entend clairement les moqueries, mais ne fait rien pour les régler. Quelques mois plus tard, l’étudiante enlève son hidjab, mais elle reconnaît ensuite l’un des intimidateurs masculins avec sa mère, qui porte le hidjab.

Une journée d’apprentissage professionnel a lieu un vendredi. Il n’y a pas d’étudiants dans l’immeuble. Un enseignant musulman informe la directrice de l’école qu’il devra partir pendant 15 minutes pour la prière du vendredi. La directrice refuse, puis elle pose des questions, et dit qu’elle devra d’abord vérifier auprès du surintendant.

Une enseignante musulmane visite une école pour assister à une journée d’apprentissage professionnel. Elle demande à un collègue de lui indiquer une salle tranquille pour sa prière de l’après-midi. Le collègue se moque d’elle et réplique : « Pourquoi ne pourriez-vous pas simplement prier à la maison? Pourquoi devez-vous prier ici? »

Une étudiante musulmane est en classe lorsqu’une enseignante d’histoire décide de parler du 11 septembre. Elle dit que l’attaque a été perpétrée par des terroristes islamiques et qu’Oussama ben Laden est un terroriste islamique. L’étudiante écrit une note en privé à l’enseignante sur la façon dont elle a été blessée par les commentaires de l’enseignante parce qu’elle est musulmane et que le terrorisme n’a rien à voir avec l’islam. L’enseignante répond : « Devrais-je faire abstraction de ses origines musulmanes? »

L’islamophobie est ancrée dans nos établissements d’enseignement. Elle se manifeste sous forme d’intimidation, de haine et elle est rarement reconnue ou traitée comme une forme de racisme. Nous devons reconnaître que la source de l’islamophobie dans notre grand pays est le manque d’éducation au sujet des musulmans dans nos systèmes scolaires. Que peut faire le gouvernement fédéral pour éradiquer l’islamophobie dans les écoles? J’ai ici quelques idées dont j’aimerais vous faire part.

Premièrement, pour que les identités fondées sur la foi soient incluses et soutenues, nous devons d’abord faire en sorte que le christianisme ne soit plus au centre de nos normes systémiques. Nous devons faire place à un point de vue multiconfessionnel systémique. Par exemple, l’article 264 de la Loi sur l’éducation de l’Ontario limite la notion de « morale » aux valeurs judéo-chrétiennes. Cette clause d’exclusion laisse entendre que la notion de morale dans d’autres groupes confessionnels n’existe pas ou ne répond pas au critère établi.

Deuxièmement, pour aider les élèves qui s’identifient aux musulmans, il faut veiller à ce que tous les conseils scolaires provinciaux, ainsi que les écoles privées, offrent une politique d’accommodement pour les prières quotidiennes et les prières du vendredi, et des ressources pour permettre aux étudiants de créer une association des étudiants musulmans, comme l’alliance gai-hétéro ou l’association des étudiants noirs.

Troisièmement, chaque province doit obliger son conseil scolaire à créer une stratégie contre l’islamophobie. Cela comprend les conseils et les écoles où il n’y a peut-être même pas d’élèves musulmans parce que l’islamophobie n’est pas un problème musulman, mais bien un problème canadien. Grâce à l’éducation partout au pays, nous pouvons éliminer cette forme de racisme. La stratégie doit comprendre les quatre éléments suivants :

Premièrement, embaucher des enseignants musulmans parce que la représentation fait une différence. Par exemple, certains conseils scolaires de l’Ontario invoquent l’article 14 du Code des droits de la personne de l’Ontario pour embaucher des enseignants noirs et autochtones.

Deuxièmement, la révision du programme au moyen de questions telles que « Comment les élèves musulmans vivent-ils l’expérience de l’école? Comment les étudiants musulmans se perçoivent-ils dans les programmes et les ressources pédagogiques? » Par exemple, le programme de sciences et de mathématiques fait-il part explicitement des contributions des musulmans à l’humanité à l’échelle mondiale? Comment les sociétés musulmanes sont-elles représentées dans les livres d’histoire? Quels échanges ont lieu en classe pour soutenir les étudiants musulmans et célébrer le génie, l’expérience et la joie des musulmans? Ou est-ce que les musulmans sont définis uniquement du point de vue du terrorisme, de l’aliénation et de la stigmatisation?

Troisièmement, il faut mettre l’accent sur les répercussions de l’islamophobie sur la santé mentale, c’est-à-dire les traumatismes directs subis par les étudiants musulmans et les traumatismes indirects subis par les étudiants non musulmans. Par exemple, une étudiante chrétienne blanche qui dit à son amie musulmane d’Asie du Sud : « Ne t’inquiète pas, si Trump est élu, je vais te protéger. »

Quatrièmement, en plus du programme d’études en anglais, on doit enseigner aux élèves à examiner les médias à travers un regard critique et à démanteler l’islamophobie qui se propage souvent par diverses formes de médias. C’est important pour que les étudiants musulmans n’aient pas constamment à justifier à leurs enseignants et à leurs pairs qu’ils ne sont pas des terroristes et que la religion qu’ils pratiquent ne favorise pas la violence, la maltraitance des femmes ou la haine d’autres groupes. Merci.

Rizwana Kaderdina, éducatrice, Muslim Educators Network of Ontario : Bonjour et que la paix soit avec vous. Je m’appelle Rizwana Kaderdina. Je vis sur les terres ancestrales des Anishinabes et des Haudenosaunee, maintenant visées par le Traité no 13 et les Traités Williams. Je me joins à vous aujourd’hui en tant que membre du Muslim Educators Network of Ontario. Je suis honorée d’être ici et je suis reconnaissante du travail effectué ici. Nos communautés vivent l’islamophobie et le racisme antimusulman depuis longtemps, mais ces expériences réelles ont trop souvent été réfutées, niées, minimisées ou justifiées comme étant méritées.

Par suite des meurtres d’une famille à London, beaucoup d’entre nous ont entendu nos étudiants parler de leur crainte très réelle d’être perçus comme des musulmans et de leur nouvelle façon de comprendre à quel point un musulman peut se sentir indésirable dans ce pays. Le fait de se sentir indésirable, bien sûr, n’est rien de nouveau pour nous et pour beaucoup d’autres communautés, mais il est difficile de voir une nouvelle génération s’en rendre compte à son tour.

J’aimerais vous raconter une histoire. Lorsque j’ai commencé à enseigner, j’étais la seule enseignante de mon école à porter un hidjab. J’ai souvent croisé une classe de maternelle en route vers la bibliothèque. Imaginez à quel point peuvent être mignons une vingtaine d’enfants âgés de 4 et 5 ans qui marchent dans le couloir en file simple, en chantant une petite ritournelle, un doigt sur les lèvres et l’autre main sur la hanche. Il y avait une enfant qui m’observait toujours attentivement. La façon dont ses yeux se sont illuminés lorsqu’elle a vu mon sourire a été pour moi un beau moment dans mon expérience d’enseignante, et un jour, elle a bravé la consigne et a levé rapidement sa main de sa hanche pour me faire un petit signe de la main. J’étais spéciale pour elle parce que j’étais musulmane.

L’affirmation de la représentation musulmane est importante, et elle est souvent absente du personnel et du programme d’études. Pour les musulmans, la représentation valide leur présence. Pour les non-musulmans, la représentation humanise un groupe. Elle vient contrer les perceptions selon lesquelles les musulmans sont vus comme violents, misogynes, oppresseurs et pauvres, et qui alimentent l’islamophobie.

Au cours de mes 18 années comme éducatrice, j’ai vu de plus en plus d’étudiants essayer de cacher leur identité musulmane. Récemment, des enseignants non musulmans ont commencé à dire que certains de leurs élèves musulmans leur demandaient de ne laisser personne, leurs pairs, leurs éducateurs, leurs administrateurs savoir qu’ils sont musulmans parce que « ce n’est pas sécuritaire ». Parfois, les élèves musulmans choisissent de ne pas utiliser les espaces de prière de l’école parce que c’est trop risqué. Ils parlent des « enfants musulmans » que les enseignants « surveillent » et des pairs qui leur demandent si c’est dans « cette salle » qu’ils s’exercent à fabriquer des bombes? Il ne s’agit pas d’incidents isolés. Des étudiants musulmans ont dit qu’il est normal d’être qualifié de terroriste et qu’ils sont constamment confrontés à l’islamophobie, souvent sous forme de « blagues ». Ils disent en outre qu’il ne sert à rien de signaler des interactions islamophobes parce que c’est comme ça pour nous et que tout le monde pense que c’est drôle, et ils jugent que personne n’interviendra de toute façon.

Dans notre pays, où un Canadien est un Canadien, pour beaucoup d’entre nous, le fait d’être entièrement canadien équivaut à être moins musulman. Plus vous êtes perçu comme un musulman, que ce soit en raison de votre foi ou de votre apparence, moins vous êtes en sécurité, moins vous êtes recherché, moins vous êtes Canadien. Le massacre de la mosquée de Québec, le meurtre de Mohamed-Aslim Zafis, les attaques répétées contre les musulmanes noires et les meurtres d’une famille à London sont autant de rappels de la situation. Il serait facile de dire qu’il s’agit de cas extrêmes de violence perpétrée par des pommes pourries, mais la réalité est qu’il s’agit de l’aspect le plus visible de l’islamophobie à laquelle nous sommes constamment confrontés, en ligne et en personne. C’est la réalité qui dit aux jeunes musulmans quelle est leur place dans ce pays. La promulgation et la mise en œuvre de la Loi 21 au Québec est simplement l’incarnation vivante de l’idée que la visibilité musulmane est inacceptable dans la sphère publique canadienne.

Je tiens à préciser que cette « stigmatisation » n’est pas nouvelle. Au Canada, on souhaite vivement associer l’islamophobie contemporaine uniquement au trumpisme. Ceux d’entre nous qui ont vécu la tentative de Stephen Harper d’adopter une loi sur les « pratiques culturelles barbares » le savent très bien. Cette loi misait sur les idéologies impérialistes, orientalistes et colonialistes qui ont façonné notre pays.

Alors que la rhétorique des suprémacistes blancs d’extrême droite et la violence contre les personnes et les communautés musulmanes s’intensifient et deviennent normalisées, nous devons de toute urgence instaurer un changement sociétal qui nous éloigne de la perception selon laquelle les musulmans et l’islam sont étrangers et constituent une menace. Nous devons tenir responsables ceux qui, dans les médias, dans le domaine de l’éducation, dans les médias sociaux et dans l’arène politique, perpétuent ces mythes et en tirent profit, et nous devons veiller à ce que des contre-discours forts soient diffusés.

Je suis ici aujourd’hui avec l’espoir qu’un jour tous les étudiants de ce pays, musulmans ou non, pourront être eux-mêmes. Pas par hasard ou par chance, mais parce que nous aurons fait un choix collectif et intentionnel pour nous assurer que la prochaine génération n’ait pas à vivre ce que vit cette génération post-11 septembre, et que ce ne sera pas parce qu’elle aura renoncé à son identité musulmane, peu importe comment on la définit, pour vivre avec un sentiment de sécurité et d’appartenance, mais parce que nous aurons accompli la tâche ingrate de lutter contre l’islamophobie aux niveaux systémique, institutionnel, interpersonnel, individuel et idéologique. Nous avons la responsabilité de veiller à ce que tous nos jeunes puissent être eux-mêmes et à ce que les jeunes musulmans sachent que le fait d’être musulman dans toute sa complexité fasse partie intégrante du paysage canadien. Merci.

La présidente : Merci beaucoup. Madame Khokhar.

Rabia Khokhar, enseignante et consultante en équité et éducation, à titre personnel : Bonjour, membres respectés du Sénat et membres de la communauté. Je m’appelle Rabia Khokhar et je suis enseignante au primaire et consultante en équité et en éducation à Toronto. C’est un honneur d’être ici avec vous aujourd’hui pour vous faire part de certaines de mes expériences, de mes idées et de mes recommandations potentielles dans le cadre de cette étude très importante sur l’islamophobie au Canada.

Dans le cadre de mes divers rôles, j’ai le privilège et l’occasion de travailler avec des étudiants, des particuliers, des organisations, des enseignants et des conseils scolaires sur la façon de rendre l’apprentissage équitable pour les étudiants et les collectivités où ils travaillent. Une partie de mon travail porte précisément sur la façon dont, par l’éducation, nous pouvons lutter contre l’islamophobie.

En tant que femme musulmane visible et racisée, l’islamophobie fait partie de ma vie quotidienne, tant sur le plan personnel que professionnel. Elle se manifeste différemment en fonction de mes identités intersectionnelles et des rôles que j’assume. Je vis l’islamophobie au niveau individuel et systémique.

En tant qu’enseignante et consultante en éducation, mon expérience inclut souvent le fait que mon identité n’est pas considérée comme celle d’une « enseignante ». Cela se reflète dans le traitement différentiel et les commentaires que je reçois de divers intervenants. La plupart du temps, mon travail est rabaissé, ignoré, non reconnu et réduit au silence. J’ai aussi reçu des commentaires comme « Je ne pourrais jamais respecter une enseignante qui vous ressemble », « Êtes-vous l’assistante en cafétéria? », « Votre anglais est vraiment bon pour une musulmane », « On vous a sûrement embauché pour respecter les critères de l’équité en matière d’emploi », « Il n’est pas surprenant que quelqu’un comme vous soit en faveur de l’équité, vous devez prêcher pour votre propre paroisse », et « Merci d’avoir posé votre candidature à notre école, mais nous avons offert le poste à quelqu’un qui s’intégrera mieux à nos élèves et au milieu scolaire. » Je fais également l’objet d’un niveau plus élevé de surveillance et de microagressions continues par rapport à ma présence, à mon travail, à mes choix et à mes actions. Ces expériences me touchent parce que j’ai l’impression que je dois constamment prouver ma « compétence » d’enseignante et parce que, dans l’ensemble, je n’ai pas ce sentiment d’appartenance.

Les expériences que j’ai vécues en tant qu’enseignante ne sont pas tellement différentes de celles que j’ai vécues lorsque j’étais étudiante à Toronto. Je sais d’expérience que, malheureusement, à bien des égards, les étudiants musulmans continuent de vivre des expériences semblables. Ils continuent de faire face à des attentes peu élevées et à des perspectives centrées sur les lacunes de la part des personnes en position de pouvoir. Les étudiants musulmans sont souvent dirigés vers des cours d’anglais langue seconde avant même que l’on ait évalué leurs capacités. Il y a aussi un manque de respect à l’égard des familles musulmanes, qui entendent souvent des commentaires comme « Les musulmans sont analphabètes et rétrogrades », « Attention aux pères », « Leur façon de faire est si différente de la nôtre. » Les étudiants musulmans ont souvent l’impression de ne pas être représentés dans le programme scolaire, et s’ils le sont, c’est de façon stéréotypée. Il y a aussi un manque de suivi des incidents islamophobes, ce qui crée un environnement d’apprentissage négatif. L’islamophobie peut sembler différente de ce qu’elle était lorsque j’étais étudiante, mais elle est toujours présente.

En réfléchissant à ces expériences, je me rends compte qu’elles ne sont qu’une fraction de mes expériences vécues. J’espère que mes expériences, ainsi que celles des autres témoins, appuieront les travaux de cette étude. Je sais que des mesures individuelles et systémiques sont nécessaires pour créer un changement significatif et durable. Par conséquent, je recommanderais à tous les conseils scolaires d’adopter des politiques et des stratégies pour lutter contre l’islamophobie à un niveau systémique. Il devrait également y avoir un perfectionnement professionnel obligatoire, intentionnel et continu pour tous les intervenants du milieu de l’éducation, ainsi qu’un financement accru pour l’achat de ressources qui représentent les musulmans de façon authentique, plus de soutien en santé mentale et pour d’autres des recherches auprès étudiants et des communautés musulmanes. Je recommanderais également une formation davantage axée sur l’équité dans les programmes collégiaux pour les futurs enseignants.

En tant qu’enseignante, j’ai beaucoup d’espoir. Je crois que l’éducation peut nous aider à lutter contre toutes les formes de haine, comme l’islamophobie, et à les éradiquer. Même si j’ai vécu et que je continue de vivre l’islamophobie, je considère les écoles et les salles de cours comme des lieux cruciaux de résistance et de changement. En nommant l’islamophobie et en nous engageant dans un travail approfondi et continu, nous pouvons tous faire notre part pour créer une société plus juste et plus libérée de l’islamophobie. Je vous remercie tous du temps que vous m’avez accordé et de l’occasion que vous m’avez donnée de faire partie de ce groupe de témoins aujourd’hui.

La présidente : Magnifique, merci. Vous avez tous respecté le temps alloué, et vous avez présenté des témoignages percutants. Il y a donc des sénateurs qui veulent poser des questions et je vais commencer par le sénateur Arnot.

Le sénateur Arnot : Merci, sénatrice Ataullahjan. Je remercie les témoins. C’est un résumé très clair des enjeux, et je pense que c’est très valable. Les points que vous soulevez sont très pertinents et les recommandations que j’ai entendues sont, à mon avis, essentielles pour l’avenir.

Je vais simplement faire un commentaire et j’aimerais savoir ce que vous en pensez. J’ai un profond respect pour les enseignants de la Saskatchewan — ou du Canada, je vous prie de m’excuser. Ce respect est né de mon expérience dans ma province, la Saskatchewan, pour diverses raisons. Je ne veux pas entrer dans les détails maintenant, mais je dirais ceci. Il y a une organisation appelée la Concentus Citizenship Education Foundation qui a créé des documents qui répondent à la question suivante : qu’est-ce que cela signifie d’être citoyen canadien et quels sont les droits liés à la citoyenneté, mais aussi, quelles sont les responsabilités associées à ces droits? En fait, il faut mettre l’accent sur les responsabilités et sur la façon de bâtir et de maintenir le respect pour chaque citoyen. Aucune exception, aucune. C’est ce que l’on appelle les trois nouveaux « R ».

De plus, cette organisation a cerné cinq compétences essentielles en matière de citoyenneté, les « cinq E », afin que chaque étudiant soit éclairé, guidé par l’éthique, engagé, entièrement habilité et, surtout, à mon avis, empathique. Ces ressources existent en Saskatchewan, mais elles ont été adaptées au programme scolaire de l’Ontario, et elles sont fondées sur la thèse selon laquelle, pour changer les attitudes et la culture dans la collectivité, il faut d’abord changer les attitudes et la culture dans les écoles. Si vous pouvez le faire efficacement de la maternelle à la 12e année, vous donnerez aux étudiants, aux diplômés, les outils dont ils ont besoin pour créer le genre de société dans laquelle ils veulent vivre. C’est la théorie à la base de ces ressources.

Je pars du principe que le Canada représente l’expérience de pluralisme la plus réussie au monde. Personne ne le conteste. Nous sommes un pays multiculturel, multithéiste et multiethnique, mais les gouvernements n’ont pas fait les investissements nécessaires pour soutenir et maintenir ces principes. Et la façon de le faire...

La présidente : Sénateur Arnot, puis-je vous demander de vous rapprocher du micro? La climatisation est très bruyante et...

Le sénateur Arnot : D’accord.

La présidente : Je vous en remercie.

Le sénateur Arnot : J’avance que nous devons intentionnellement, et de manière séquentielle, enseigner et modéliser ces principes dans les écoles. Il faut en faire un modèle parce qu’il faut changer les attitudes, et la façon de le faire, c’est de donner aux étudiants le genre d’information dont ils ont besoin pour comprendre et faire preuve d’empathie.

Cela dit, et j’aurai quelques questions au deuxième tour, j’aimerais entendre vos commentaires à ce sujet. Ces ressources pourraient-elles être utilisées dans vos écoles? Je pense que c’est aussi fondé sur la nécessité de faire du perfectionnement professionnel vraiment fort, parce que les enseignants ont un tel pouvoir. Les enseignants sont des agents de changement. Vous façonnez la société de l’avenir dans vos salles de cours, les graines que vous semez de la maternelle à la 12e année, et ces ressources dont je parle sont principalement destinées aux études sociales, mais aussi aux cours de langue parce qu’il est possible de faire preuve d’une grande souplesse dans ces cours de langue. J’aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Zia : D’accord, merci. Je vais donc vous faire part de ma propre réaction. Mme Kaderdina et Mme Khokhar peuvent aussi sûrement en témoigner. Alors, quelle est ma réaction lorsque j’entends ce que vous dites, sénateur? Je pense vraiment au modèle du triangle de l’éducation, où la pointe du triangle est l’étudiant, parce que tout ce que nous faisons dans le système d’éducation est centré sur l’étudiant, centre l’étudiant sur son identité, lorsqu’il s’agit de lui offrir un programme, de comprendre ses besoins et d’y répondre, qu’il s’agisse de la façon dont il apprend, de la façon dont il réfléchit et de l’incidence que l’éducation aura sur cet étudiant une fois qu’il aura obtenu son diplôme, qu’il aura fait des études postsecondaires et comment il contribue à notre pays en tant que citoyen canadien.

Le bas du triangle et les deux autres pointes sont l’école, les enseignants, l’administration, le personnel de bureau, notre personnel de garde, les gens qui travaillent au conseil dans les bureaux des administrateurs, les directeurs coordonnateurs, les enseignants coordonnateurs, les enseignants-ressources qui existent pour appuyer l’élaboration de programmes d’études. Au point où Mme Kaderdina, Mme Khokhar et moi-même avons parlé de la nécessité du perfectionnement professionnel continu, comme vous l’avez dit, pour ces intervenants. Tous les enseignants qui fournissent cette orientation aux élèves doivent être conscients de ce à quoi ressemble le racisme pour tous les élèves, qu’il s’agisse de racisme contre les Noirs, contre les Autochtones, d’islamophobie, de racisme contre les sikhs, contre les Asiatiques ou d’homophobie, pour que, tout au long du développement des enfants, de la maternelle jusqu’à l’âge de 18 ou 19 ans, lorsqu’ils obtiennent leur diplôme, ils en ressortent avec un modèle idéal de ce que signifie vivre dans une société pluraliste et comment accepter ces différences, et non seulement les tolérer, mais les accepter, et comment être citoyen en incluant, plutôt qu’en excluant tout le monde.

Donc, être sensibilisé, et être extrêmement conscient de ce que signifie l’exclusion, et comment nous pouvons réellement inclure, pour nous éloigner des voix oppressives, mais aussi comment faire entendre toutes les voix. C’est certes un soutien important dont nous avons besoin. Bien que nous mettions l’accent sur les étudiants, nous devons aussi insister sur l’éducation et la formation dont nos enseignants ont besoin et, comme Mme Kaderdina l’a également dit, commencer cette formation dans nos facultés de l’éducation partout au pays.

L’autre aspect, c’est notre communauté de parents. Et oui, nos étudiants passent une grande partie de leur journée avec nous, mais nous sommes leur deuxième foyer. Que se passe-t-il dans leur résidence principale? Chacun d’entre nous a grandi dans une maison différente. J’ai grandi dans une famille sud-asiatique. Mes enfants grandissent dans un ménage un peu mixte, alors la culture a un rôle à jouer, la provenance des parents de nos communautés, donc nous devons aussi consacrer du temps à éclairer les parents.

Nous avons des conseils scolaires qui aident à soutenir les communautés de parents, à offrir du perfectionnement professionnel aux parents pour les aider à comprendre ce que signifie être inclusif, comment ils peuvent orienter les conversations à la maison afin qu’ils puissent faire partie de la solution et aider notre pays à atteindre l’excellence en incluant tout le monde sans « diluer » leur apport, afin que les parents puissent remettre en question leurs propres préjugés, qu’ils soient immigrants ou qu’ils soient nés et aient grandi ici.

Comme je l’ai dit au sénateur plus tôt, où je travaille, nous avons créé des espaces sûrs pour les parents, que l’on appelle les groupes d’affinité parentale. Nous avons des groupes de parents noirs, de parents musulmans, de parents juifs et de parents de familles qui soutiennent les élèves LGBTQ. Nous avons un groupe d’affinités pour l’éducation spécialisée, les parents d’étudiants en éducation spécialisée, parce que dans mon école, nous offrons un programme pour les élèves ayant un retard de développement. Donc, cela offre un espace sûr où les parents peuvent aller, établir un lien direct avec l’administrateur de l’immeuble, mais cela me donne aussi l’occasion, dans un espace sûr, d’enseigner et de faire part aux parents ce que cela signifie être Canadien. Que signifie l’inclusion de toutes les cultures? Qu’est-ce que cela signifie de remettre en question notre propre racisme, nos propres préjugés qui créent des barrières et empêchent nos propres enfants de réussir dans la société?

Les parents eux-mêmes ne se rendent pas compte que, parfois, les conversations que nous avons à la maison peuvent nuire à la réussite de notre enfant au moment de son intégration dans la société. Je suggère donc que nous tenions compte de tous les intervenants dans le processus également.

Mme Khokhar : Je suis d’accord avec vous et je pense que le modèle que vous proposez est vraiment intéressant, car je pense qu’il aidera à changer les histoires que l’on entend au sujet des musulmans sur le terrain, c’est-à-dire dans la salle de cours. Dans le cadre de mon travail, je crois vraiment au perfectionnement professionnel continu et intentionnel des enseignants, parce que je crois que les enseignants sont les gardiens de ce qui est enseigné, de ce qui est inclus dans la classe, et que les enseignants ne font qu’un, d’une certaine façon, avec le programme d’études, et ils montrent qui valorise qui. Indirectement, ils pourraient aussi mettre l’accent sur ceux qui n’accordent pas de valeur aux points de vue que les autres pourraient apporter ou qui pourraient manquer.

Je pense qu’il faut tenir compte de tous les intervenants, mais les enseignants constituent un intervenant important parce qu’ils créent vraiment l’environnement dans la salle de cours. Si nous voulons centrer les étudiants et toutes leurs riches identités, nous devons commencer par les enseignants parce que, grâce à leur perfectionnement professionnel, ils créeront, espérons-le, un changement durable et la responsabilisation. Je pense que ce mouvement peut commencer parce que ces voix et ces histoires peuvent être entendues dans la salle de cours, et la salle de cours est l’endroit où il y a de l’espoir et de la résistance, et la salle de cours est l’endroit où les choses peuvent changer.

C’est sur le terrain que la société sera touchée, et tout ce qui se fait en classe se manifeste dans la société. C’est pourquoi j’entretiens un bon espoir au sujet du rôle que peut jouer la salle de cours, et si nous voulons recentrer la salle de cours, nous devons recentrer ceux qui la dirigent, c’est-à-dire les enseignants.

Mme Kaderdina : M. Zia et Mme Khokhar ont soulevé des points importants. J’aimerais ajouter quelques remarques à ce qu’ils ont dit. En vous écoutant, sénateur, j’ai entendu des éléments vraiment importants dans cette ressource. Les éléments concernant non seulement les droits et les responsabilités, mais aussi le respect, qui est si essentiel, et les éléments concernant l’esprit éclairé, l’éthique, l’engagement, l’entière habilitation et l’empathie, qui sont importants.

Je dirais d’emblée que ce serait une composante fantastique d’une stratégie pour l’avenir, mais seulement une composante. Nous avons vu d’autres stratégies similaires — lorsque j’ai commencé à enseigner, c’était « character matters » (le caractère est important) — à savoir que ces modèles, cadres et approches ont été utilisés pour soutenir et maintenir les façons d’être et les discours dominants qui existaient dans les écoles, tout en semblant intégrer les personnes marginalisées.

Je veux aborder toute mise en œuvre d’une mesure comme celle-ci avec une grande importance. Les approches anti-oppression et anti-racistes doivent être intégrées à la mise en œuvre de tout ce qui s’y rapporte, et il est essentiel de mettre en œuvre une stratégie anti-islamophobie plus vaste dans le cadre de laquelle la littératie raciale est en jeu. Le point soulevé par Mme Khokhar au sujet de l’importance de ce que l’on apprend aux enseignants pour la mise en œuvre est essentiel. Trop souvent, nous avons adopté l’approche qui consiste à dire que puisque ce sera à la prochaine génération de réparer ce qui est défectueux maintenant, enseignons-lui ce qu’elle doit faire. Nous constatons ensuite que la prochaine génération est absorbée par le milieu dans lequel elle évolue.

Nos étudiants, nos jeunes apprennent et sont intégrés et embrigadés dans un récit médiatique dont nous avons tous parlé, et dans un récit dans les médias sociaux qui y fait écho. Nos étudiants nous disent la même chose. Donc, si nous n’adoptons pas des approches qui reconnaissent que les écoles constituent un microcosme de la société, que se passera-t-il? Elles façonneront la société parce que ceux qui sortiront de ce système scolaire constitueront le reste de la société à l’avenir, mais ils sont simplement le reflet de ce qui se passe maintenant, et nous devons nous pencher sur ce qui se passe maintenant, même si nous nous tournons vers l’avenir.

J’examinerais les stratégies et les ressources qui amplifient l’importance de ces traits, les trois R, les cinq E et ainsi de suite, ainsi que des aspects comme la reddition de comptes en politique et dans les médias sociaux, et les récits qui sont maintenant présentés dans les politiques et les pratiques. Aucune empathie enseignée à un enfant de maternelle, de première ou de troisième année ne changera le fait que les enseignants musulmans qui veulent pratiquer leur foi dans la pleine mesure de leur compréhension — si cela signifie porter le hidjab — ne peuvent pas le faire au Québec. C’est la réalité, n’est-ce pas? L’examen critique des programmes d’études et des approches pédagogiques sera essentiel. L’étude critique aux médias sera vitale, en plus des éléments personnels individualistes autour de l’éthique, de la responsabilité et ainsi de suite.

La présidente : Merci. Voulez-vous que je vous inscrive au deuxième tour, sénateur Arnot, ou avez-vous...

Le sénateur Arnot : Oui, j’aimerais participer au deuxième tour.

La présidente : D’accord.

Le sénateur Arnot : J’aimerais simplement faire un commentaire. Ce groupe nous a fourni beaucoup d’éléments probants que nous pouvons utiliser dans nos recommandations. Je suis vraiment impressionné par les recommandations, la perspicacité et l’ébauche de ces questions d’une manière qui me semble très constructive. J’espère donc que les analystes et mes collègues sénateurs se souviendront de ce témoignage, car je veux qu’une partie de celui-ci figure dans le rapport final de la façon la plus constructive possible. Merci.

La présidente : Merci, sénateur, et je suis d’accord. Pendant que les analystes prennent des notes, si vous pouvez nous faire part de vos recommandations par écrit, cela nous sera très utile. Comme le sénateur Arnot l’a dit, je suis également très impressionnée. Vous venez de détruire le mythe selon lequel ceux qui portent le hidjab ne sont pas capables de penser intelligemment parce que c’est ce qu’ils disent au Québec lorsqu’ils congédient une enseignante parce qu’elle porte le hidjab. Ils enseignent aux enfants que cette personne ne peut pas réfléchir, n’a pas de sens critique et n’est pas capable de penser intelligemment. Merci. Le sénateur Oh sera suivi de la sénatrice Gerba.

Le sénateur Oh : Merci, madame la présidente. Je souhaite la bienvenue aux témoins de ce matin. C’est très instructif. Je veux simplement vous dire que je suis originaire de Singapour, où nous avons grandi dans une société multiraciale. J’avais comme camarades de classe beaucoup de Malais, de musulmans, d’Indiens, de Chinois, d’Euro-Asiatiques — un groupe très hétérogène.

Mais à mon époque, il n’y avait pas de racisme. Lorsque j’étais jeune, nous jouions au football et à d’autres sports ensemble, alors je pense que l’islamophobie a beaucoup à voir avec l’éducation familiale. Jamais mes parents ne m’ont dit : « Oh, ne joue pas avec cet enfant », ou quoi que ce soit du genre. Donc, je pense que les parents et les écoles jouent un rôle important et la question est de savoir comment assurer l’interaction des écoles, des sports, de la famille et des parents. Le plus important, c’est de réunir les enfants. Les laisser grandir ensemble en intégration, et leur avenir sera tout tracé. Et sans leur faire peur au sujet d’une race en particulier. Qu’en pensez-vous?

Mme Kaderdina : Je peux commencer, si vous le voulez bien. Je suis née au Kenya, et le rêve de multiculturalisme que caresse le Canada est une réalité dans de nombreux pays. Comme vous, sénateur Oh, j’ai grandi dans un milieu où des gens de diverses origines cohabitaient. Cela ne fait pas abstraction de la réalité des colons et des réalités du colonialisme qui sont à l’origine de ce mélange, mais dans mon cas au Kenya et ici aussi, la réalité multiculturelle et les relations interpersonnelles qui nous permettent de nous voir les uns les autres en tant qu’êtres humains sont absolument essentielles pour faire contrepoids aux récits dominants, les histoires uniques qui nous dépeignent comme des monolithes qui n’ont pas de sentiments et selon lesquelles si vous ressemblez à ceci, vous devez être X, Y et Z. Les stéréotypes sont détruits lorsque nous sommes capables d’interagir les uns avec les autres et de nous voir comme des êtres humains. C’est absolument essentiel.

Je pense que l’une des questions que je pourrais poser ou l’une des choses auxquelles je pourrais réfléchir — pendant que nous parlons du rôle que jouent les parents dans l’éducation des enfants — c’est où les parents puisent leurs idées. Cela nous amène à nous interroger et à examiner ce qui crée les récits sociaux plus globaux que les parents absorbent et transmettent à leurs enfants.

Le sénateur Oh : Exact.

Mme Kaderdina : Ce qui nous ramène à la question suivante : quels sont les récits véhiculés dans les médias? Quels sont les récits véhiculés dans les médias sociaux? Quels sont les récits hérités d’il y a des centaines d’années? La façon de décrire les musulmans comme un peuple violent et barbare remonte aux croisades et même avant, et elle a été et demeure présente aujourd’hui.

Donc, lorsque nous parlons du rôle des parents, ces derniers sont absolument essentiels pour aider à lutter contre l’islamophobie. Cela nous amène également à nous attaquer aux éléments systémiques, institutionnels et idéologiques. Je vous remercie donc d’avoir soulevé cette question comme l’un des nombreux points d’entrée dans le cadre de cette étude.

Mme Khokhar : À mon avis, il y a différents groupes dont il faut parler, et les familles en sont un très important. Mme Kaderdina parlait de l’idée de daltonisme et de neutralité. Selon moi, nous devons en arriver à un point — que ce soit avec les éducateurs, les parents ou les familles — où nous verrons et reconnaîtrons nos similitudes et nos différences. C’est un élément clé, me semble-t-il, parce que l’histoire centrale ou dominante ressemble beaucoup à « Je ne vois pas de couleur » ou « Je ne vois pas de différence, je vous vois seulement comme être humain », et je pense que nous devons voir les personnes pour connaître leurs expériences.

Si nous ne voyons pas vraiment tous les aspects de leurs identités intersectionnelles, nous ne comprendrons jamais leurs histoires et nous ne serons jamais en mesure de les situer dans un cadre plus vaste et plus global, aussi bien actuel qu’historique. En tout cas, je vois bien que tout ce qui touche l’islamophobie doit s’articuler sur la personne de même que sur le système. Or certaines personnes réfléchissent à l’origine de ces idéologies selon lesquelles « nous sommes seulement neutres » ou « nous ne voyons pas la couleur ». Ce sont certainement des éléments de solution du grand problème des différents intéressés.

M. Zia : Permettez-moi de seulement répéter quelques points et de vous faire part très brièvement d’une réflexion. Merci, sénateur. J’aime bien votre vision de regroupement des étudiants, pour les amener à travailler ensemble; lorsqu’ils arrivent à trouver l’inclusion, l’intégration entre eux, on peut espérer une société meilleure.

Dans ma propre école, au cours de la dernière année scolaire, pendant le ramadan, deux étudiants se taquinaient l’un l’autre. L’un d’eux a apostrophé l’autre en disant : « C’est le ramadan, mon pote. Nous sommes censés être gentils ce mois-ci. » Aucun des deux étudiants n’était musulman, mais parce qu’ils étaient entourés de musulmans et qu’ils avaient des amis musulmans, ils comprenaient l’importance de ce mois et ce qu’il représente pour leurs amis, et ils se sentaient partie intégrante du ramadan, même s’ils n’étaient pas musulmans. C’est formidable de voir que nos étudiants peuvent créer ces relations interpersonnelles, avoir un impact positif les uns sur les autres, être inclusifs les uns des autres, apprendre les uns des autres et continuer de créer cette société pluraliste pour le bien de tous.

En même temps, comme on l’a mentionné, les parents ont leur place dans la vie de leurs enfants. Ainsi, nous ne pouvons pas nécessairement séparer les enfants de leur famille. Leur influence sera toujours là. Donc, encore une fois, il s’agit de savoir en quoi et comment nos parents sont influencés. D’où proviennent leurs récits? Où prennent-ils leurs histoires sur qui sont les musulmans et ce qu’ils sont, et quelles sont les conversations qui se passent dans ces ménages?

Le ménage dans lequel j’ai grandi est très différent de ceux dans lesquels vous avez tous grandi. Même les personnes qui peuvent être de la même culture, de la même religion, peuvent avoir des conversations différentes dans leur ménage. Donc, il faut éduquer nos familles également pour ébranler et neutraliser toutes leurs influences grâce à de nombreuses formes de médias — pas seulement par ce qu’elles voient aux nouvelles et ce qu’elles lisent dans les médias sociaux, mais même par l’influence du cinéma et des livres et d’autres histoires, et des choses que nous pourrions voir sans comprendre parfaitement —, puis ramener tout cela dans nos foyers et influencer nos étudiants, nos enfants.

Du point de vue de l’éducateur, il importe au plus haut point que les familles et les parents eux-mêmes fassent aussi partie de la solution et qu’ils apprennent à faire un examen critique de leur racisme, de leur islamophobie, et à les neutraliser pour avoir des dialogues fructueux à la maison et avoir un impact positif, comme celui que nous observons chez nos enfants. Il serait formidable que ces mêmes étudiants, chacun dans son foyer, aient une conversation avec des foyers non musulmans où l’on dirait aux jeunes : « C’est le ramadan, nous devons tous être formidables ici. Nous devons être bons les uns envers les autres. » Peu importe que nous soyons musulmans ou pas. Ce serait vraiment un pas en avant dans notre façon de penser à ce que font les musulmans et à la façon dont ils évoluent dans la société. Merci.

Le sénateur Oh : Rappelons-nous qu’on ne naît pas raciste dans notre monde, et que l’éducation familiale est très importante. Nous disons toujours que la salle à manger est probablement le lieu d’éducation le plus important pour les jeunes. J’espère que l’étude s’intéressera non seulement aux écoles, mais aussi aux parents, car ils donnent plus d’information aux enfants que les écoles. Merci.

La présidente : Merci. Avant de donner la parole à la sénatrice Gerba, je voudrais rappeler l’étude sur la cyberintimidation que notre comité a faite et qui nous a révélé que ce sont les éducateurs, et aussi les parents, qui doivent être éduqués. Nous avons donc produit des brochures à l’intention des enseignants et des parents, pour les aider à comprendre. Donc, à vous, sénatrice Gerba. Puis s’il reste du temps, j’aurais peut-être une question à poser.

[Français]

La sénatrice Gerba : Merci beaucoup pour votre présence ici. Merci de vos témoignages très touchants. Cela confirme encore une fois l’importance de l’éducation de base. J’aimerais faire un commentaire pour aller dans le sens de ce que mon collègue le sénateur Arnot a dit, et aussi répondre à la question du sénateur Oh. Nous avons un modèle au Québec; il s’agit d’une organisation dans laquelle je me suis engagée et qui s’appelle ENSEMBLE pour le respect de la diversité.

Je ne sais pas si vous avez déjà entendu parler de cette organisation. Avant, cela s’appelait La Fondation de la tolérance et c’est maintenant ENSEMBLE pour le respect de la diversité.

Que fait cet organisme? Cet organisme agit auprès des jeunes afin de promouvoir le respect des différences en vue de bâtir un environnement sans discrimination ni intimidation. Comment cela se passe-t-il? Cela se passe dans les écoles. On organise des ateliers avec les éducateurs et des parents, et on interpelle les médias. Chaque année, cette initiative touche environ 25 000 élèves âgés de 9 à 18 ans dans les écoles.

Je pense que c’est un modèle sur lequel il faut se pencher, même si cela n’a pas beaucoup changé le fait qu’aujourd’hui, on se rend compte que l’islamophobie est en croissance au Québec. Toutefois, cela aide beaucoup. Je peux en témoigner, car j’ai fait partie du conseil d’administration de cet organisme pendant quelques années.

Cela dit, nous sommes ici pour faire un rapport et notre rapport en tant que parlementaires s’adressera évidemment au gouvernement.

Ma question est donc la suivante : que pouvons-nous faire? Que peut faire le gouvernement fédéral pour arriver à résoudre un petit peu — un tout petit peu, si possible — ce problème de haine qui est croissant au sein de notre société?

À l’échelle fédérale, surtout, que pouvons-nous faire? Qu’attendez-vous du gouvernement fédéral? Merci.

[Traduction]

Mme Khokhar : Ce que j’attendrais du gouvernement fédéral, c’est une stratégie, une stratégie très ciblée couvrant les différents intéressés et obligeant à rendre des comptes et prévoyant un processus et une procédure pour la gestion de tout cela. Cette stratégie ou cette politique que nous avons tous préconisée comprendrait un programme d’études parce que tout ce qui vient du gouvernement arrive dans la salle de classe, vous le savez? Je préconiserais donc une stratégie et une politique robustes que l’on retrouverait dans la salle de classe et dans l’école et qui rejoindraient divers intéressés.

M. Zia : Je vous remercie de votre question et de l’information que vous nous avez donnée au sujet de l’organisation ENSEMBLE pour le respect de la diversité. Si je me demandais : « Que dois-je attendre du gouvernement fédéral? », « Que dois-je attendre de cette étude? », je verrais le gouvernement fédéral comme une fédération, une confédération de nos provinces et territoires, qui donne le ton quant à la façon dont les provinces appuient les décisions de notre grand pays. Je crois que le gouvernement fédéral devrait y avoir un certain droit de regard sur les établissements d’enseignement à l’échelle du pays.

Il serait magnifique que notre comité, ou le gouvernement fédéral ait un comité — il en a peut-être déjà un — où les ministres de l’Éducation de nos provinces et territoires se rassembleraient périodiquement — chaque mois peut-être — pour discuter de certains des enjeux et pour discuter ouvertement, proactivement et de façon constructive de la façon de neutraliser le racisme et l’islamophobie.

Sénatrice, vous avez mentionné le Québec, et sans vouloir nécessairement me mêler de la politique dans cette province, je pense qu’il importe au plus haut point de savoir si, même si ces organisations existent et que vous pouvez vous porter garante des personnes qui en font partie, elles peuvent toujours bien se faire entendre? Quel pouvoir d’agir donne-t-on à cette institution ou aux familles, aux parents et aux élèves qui connaissent l’islamophobie? Sur quelle tribune peuvent-ils s’adresser à leur gouvernement provincial et sensibiliser le gouvernement fédéral au préjudice qu’ils subissent à cause des politiques de la province de Québec, comme on l’a mentionné?

Il y a des musulmans — des gens de toutes sortes d’autres confessions, d’ailleurs — qui affichent ouvertement leur foi, en particulier les enseignantes qui portent le hidjab et qui ne peuvent même pas trouver d’emploi ou sont congédiées. Quelles sont les répercussions de tout cela sur l’islamophobie? Nous parlons de la croissance de l’islamophobie au Québec. Eh bien, il y a une raison pour cela. Et si le gouvernement fédéral pouvait intervenir et éduquer les établissements d’enseignement et le ministre de l’Éducation et peut-être les responsables au Québec — si l’on insistait sur la nécessité pour eux de changer, alors peut-être qu’ils changeraient. Mais si le gouvernement fédéral ne fait rien pour faciliter ce changement, alors nous perdons tous notre temps. C’est triste à dire. Cette étude doit envoyer un message au gouvernement provincial : vous devez faire telle ou telle chose. Il faut une véritable obligation de rendre des comptes.

Si les provinces ne sont pas tenues d’effectuer des changements, alors nos enfants continueront de souffrir, et les familles aussi, et l’islamophobie continuera de se répandre, le racisme anti-Noirs également, et le racisme anti-Autochtones poursuivra sa progression si rien n’est fait au niveau provincial. J’attendrais du gouvernement fédéral qu’il réunisse les ministres de l’Éducation périodiquement, mensuellement, aux deux semaines s’il le faut, pour s’attaquer résolument à ce problème, pas tellement pour parler d’une stratégie que pour créer un cadre pour mettre en œuvre ce cadre, l’étudier et revenir souvent vérifier.

C’est ce qu’on nous apprend à faire dans les écoles, un cycle d’apprentissage professionnel. Chaque mois, tous les 21 jours, on lance une stratégie, tous les 21 jours, le personnel revient pour évaluer l’effet de cette stratégie sur nos enfants. Améliore-t-elle ou retarde-t-elle leur rendement scolaire ou leur comportement social à l’école? Nous devons le faire en tant que province, dans toutes les provinces et partout au pays; autrement, cela devient très frustrant. L’exercice devient inutile si rien ne change.

Madame la sénatrice, pardonnez-moi, mais étant du Québec, vous pouvez comprendre, je pense, l’impact de ce qu’a fait le gouvernement provincial pour aliéner encore plus les « autres » familles musulmanes, et les personnes d’autres confessions aussi, ainsi que l’impact dévastateur que cela peut avoir. Ce qui s’est passé en 2017 à la mosquée, ce n’était pas un accident. L’auteur de ce massacre est le produit d’une école québécoise. À London, la personne qui a tué cette famille est le produit des écoles ontariennes. C’est un facteur à considérer. Cela nous donne vraiment à réfléchir. C’est ce que nos établissements d’enseignement produisent de nos jours. Ainsi donc, il faut réfléchir sérieusement à ce qui se passe à l’échelle provinciale.

Nous avons parlé des familles. Il y a un instant, vous avez évoqué ce que le sénateur Oh avait mentionné. On a beau rapprocher les enfants — les familles et les parents qui se laissent influencer par les politiques provinciales et par le discours de politiciens qui racontent toutes sortes d’horreurs islamophobes, vont en discuter pendant les repas, ce qui renforcera ces stéréotypes négatifs et ces faussetés au sujet des musulmans. Et c’est ainsi que l’islamophobie prend racine dans le ménage.

C’est ce qui influence les parents du Québec et les familles du Québec. La rhétorique que l’on entend au niveau politique doit changer pour appuyer les familles au lieu de diviser la société. Merci.

Mme Kaderdina : Comment ajouter à ce que vous dites? Surtout que vous avez déjà dit ce que j’allais dire pour souligner que la violence extrême dont nous sommes témoins vient de gens qui sont passés par nos systèmes scolaires. Les microagressions que Mme Khokhar a connues et le racisme ouvert — qui très souvent va beaucoup plus loin que les microagressions — viennent de gens qui sont passés non seulement par nos systèmes scolaires, mais encore par les systèmes de formation et le perfectionnement professionnel assurés et financés par nos ministères provinciaux. Ils n’apprennent pas ce qu’il faut savoir pour créer des environnements inclusifs. Nous parlons d’environnements inclusifs pour les étudiants. Bien honnêtement, il n’y a même pas d’environnements inclusifs pour le personnel.

Mon conseil scolaire songe à mettre l’accent sur l’appartenance, ce qui est extrêmement important, et je me demande comment on peut parler d’appartenance alors qu’on n’arrive même pas à gérer l’inclusion. Et c’est une réalité au Canada. Quand je pense au rôle du gouvernement fédéral dans l’éducation, je suis un peu coincée parce que l’éducation est l’affaire des provinces. J’apprécie les points que vous avez soulevés, monsieur Zia, en ce qui concerne le ton qui est donné, la surveillance, la nécessité de tracer la voie pour les attentes à l’égard de ce que nous défendons dans notre pays et la responsabilité qui revient aux provinces de voir à ce que cela se concrétise. Et, madame Khokhar, vos notes au sujet de la politique et la stratégie étaient très importantes.

La réalité est que, bien que l’éducation soit de compétence provinciale, les éléments de radicalisation que l’on voit dans les formations et l’endoctrinement via les groupes d’extrême droite sont de la responsabilité du gouvernement fédéral, comme celle de tous nous autres. Ce qui se passe dans les médias, si je comprends bien, est une responsabilité fédérale, mais je me trompe peut-être. On ne dit pas un mot de la haine en ligne, et vous avez mentionné plus tôt la cyberintimidation et la nécessité d’y sensibiliser les éducateurs. Quelle est la responsabilité lorsque la haine en ligne apparaît? Je ne vous ai pas parlé des nombreuses histoires que j’ai entendues de nos jeunes au sujet des TikTok auxquels ils sont abonnés et qu’ils visionnent. Toutes les données nous indiquent que les plateformes des médias sociaux — YouTube ou TikTok — attirent nos jeunes dans la misogynie, l’islamophobie, le racisme contre les Noirs et les Autochtones, l’antisémitisme et ainsi de suite. Quels sont nos droits de regard pour surveiller ces entreprises et leur réclamer des comptes pour ce qu’elles enseignent?

Je vais aller un peu plus loin que le sujet de notre séance, pour vous donner un exemple rapide. Les massacres et le génocide des Rohingyas en Birmanie, au Myanmar, ont été alimentés par des interactions sur Facebook. Personne n’a eu à en rendre des comptes. M. Zia a parlé de ce qui s’est passé à Québec. Je serai très franche, cela ne m’a pas surprise. Ce n’était pas : « Mon Dieu, cela s’est vraiment produit chez nous, au Canada? », c’était plutôt « Nous attendions, et ce n’était plus qu’une question de “quand”. »

De nombreux musulmans vous diront qu’il ne s’agit pas de savoir « si », mais « quand » notre communauté sera attaquée dans son ensemble avec la bénédiction de l’État, et demanderont si nous sommes prêts à résister et qui se portera à notre défense? Ces questions nous empêchent de dormir la nuit. Dans ces moments-là, je me dis, vous savez, j’ai 44 ans et je n’ai pas d’enfants, mais c’est peut-être une bonne chose parce que je n’aurai pas à regarder ce qui les attend.

Ce n’est pas un hasard si les tribunes radio sont aussi viles que lorsqu’il y est question des musulmans. Nous sommes environ 2 % de la population canadienne. Combien de temps les politiciens passent-ils à parler de nous en ondes et sur les médias sociaux? Comment est-ce surveillé? Où est la responsabilité? Qui répond? Pour être bien honnête, ces 2 % de la population canadienne n’ont ni le temps ni les ressources nécessaires pour surveiller et dénoncer toute la haine dirigée contre nous. Nous n’avons pas le temps de signaler tous les cas, car ils sont tellement nombreux. Et quand nous le faisons, on ne fait rien. Nous le savons bien. Oui, nous le savons.

À London, le meurtre de toute une famille entière a inspiré une intensification des attaques sur les familles et les personnes musulmanes, et le service de police a décidé de ne pas s’en occuper et les a souvent dédramatisées. Nos étudiants nous disent qu’il ne sert à rien de dénoncer. J’en ai parlé au personnel, qui m’a dit la même chose. Même si ma supérieure voulait m’appuyer, le système est trop gros et nous sommes trop petits et, honnêtement, nous ne sommes pas jugés dignes de sa protection. C’est une réalité dans le monde et au Canada.

Quand je songe à ce que le gouvernement fédéral peut faire et à ce que je voudrais qu’il fasse, je me tourne vers lui pour voir ce qu’il peut faire et ce qu’il va faire. Est-ce à moi de vous dire quoi faire ou est-ce à la société de me dire que je suis aussi importante que n’importe quel autre citoyen du pays ou n’importe quelle autre personne vivant sur notre territoire, et que j’ai le même droit à la protection, même si mon passé me donne peut-être des raisons d’en douter, et même si mon expérience du préjudice peut être différente, et qu’on adaptera la protection qui m’est nécessaire? On va analyser la cause de mon préjudice. La société va utiliser non seulement son capital social et son capital relationnel, mais aussi sa positionnalité et sa capacité d’adopter et d’appliquer la politique et la loi pour assurer la sécurité de tous, et bloquer la prolifération de la haine qui donne lieu à la radicalisation, particulièrement pour les garçons de race blanche, les adolescents, qui sont victimes de haine, en veillant à offrir des programmes de lutte contre la radicalisation, à les rendre accessibles et à les financer, et à ce que les enseignants sachent comment accéder à ces mesures de soutien. Les travailleurs sociaux savent comment accéder à ce soutien, et savent que les familles et les jeunes musulmans et les autres familles et jeunes marginalisés qui sont victimes de cette radicalisation sont soutenus dans leur traumatisme.

Je peux vous dire que le traumatisme subi par les étudiants musulmans ne compte pour rien. Lorsqu’on voit des élèves musulmans péter les plombs dans les écoles et que nous savons que c’est le fait d’un traumatisme, on les envoie en éducation spécialisée parce qu’« ils n’apprennent rien à l’école, car il doit y avoir quelque chose qui ne fonctionne pas dans leur tête », pas vrai? Ou, « Eh bien, votre famille vient de tel ou tel pays, ce qui explique tout. »

Je suis un petit peu émotive, il est vrai, mais je ne vais pas présenter d’excuses pour cela, parce que nous sommes dans un espace où nous devrions être émotifs et en colère, et j’espère que cette colère nous motivera et nous amènera à faire le bien et à corriger ce qui doit l’être. Je vous remercie d’avoir mis la question sur le tapis, car elle est très importante.

La sénatrice Gerba : Merci beaucoup de vos observations.

La présidente : Je pense...

La sénatrice Gerba : Je suis émotive aussi parce que j’ai quatre enfants et trois petits-enfants qui subissent toutes ces injures. Je peux donc imaginer.

La présidente : Vous avez deux sénateurs musulmans et ce que vous dites n’a rien de nouveau pour nous. La sénatrice Gerba vous le dira, et je vous le dirai moi aussi. J’ai deux filles qui ont vécu des expériences semblables à l’école. Nous avions une enseignante qui faisait des gorges chaudes des musulmanes s’enroulant la tête d’une serviette. C’était une enseignante de 5e année. De toute évidence, elle n’avait pas sa place dans cette salle de classe.

L’autre chose que j’ai observée dans mon expérience vécue, c’est qu’un grand nombre de nos parents musulmans ne se rendent pas dans les écoles. Je sais que cela n’est plus la même chose. Non. Je me rendais à l’école — si mon enfant se faisait appeler taliban, je demandais à l’enseignant quel était son rôle là-dedans. Je portais l’affaire au bureau du directeur et étais prête à monter jusqu’au conseil scolaire. Nous avons aussi vu au Québec que, lorsque l’un des enfants faisait face à une situation semblable, la mère disait au père de ne pas se plaindre, car cela ne ferait qu’empirer la situation pour l’enfant.

Nous devons apprendre comment habiliter les parents musulmans. Vous soulevez tellement de questions, comme le rôle des médias, des médias sociaux et de la police. Ce sont autant d’enjeux auxquels nous avons été sensibilisés de par le pays, y compris le refus d’intervenir de la police. Hier, nous avons entendu parler d’une femme qui a été agressée devant ses trois filles, et du refus de la police de déposer une plainte. La femme a fini par écoper elle aussi d’une contravention. Ces histoires se ressemblent et, vous savez, il y a quelque chose qui cloche ici et nous constatons une absence de volonté de réparer ce qui est cassé.

En vous écoutant, je me demande comment créer des espaces sûrs pour les élèves, bien sûr, mais aussi comment créer des espaces sûrs pour les enseignants que l’on juge uniquement à leur tenue vestimentaire. Votre expérience ressemble à celle qui nous a été rapportée à Vancouver par une femme qui avait fait son doctorat, une jeune femme brillante, s’exprimant très bien. Dès qu’on la voyait porter un hidjab, nous a-t-elle dit, on la jugeait différemment. Nous sommes tous confrontés à cela en tant que musulmans. Je ne porte pas le hidjab, mais je suis une musulmane pratiquante qui fait des déclarations au Sénat, et dont les collègues sauront que je parle toujours des questions musulmanes. J’ai été la première à prendre la parole au sujet du projet de loi 21. Et des collègues m’ont dit : « Eh bien, ne tapez pas sur le Québec », et j’ai dit que non, je ne tape pas sur le Québec, je parle de la réalité.

En parcourant les statistiques hier, j’ai noté que 46 % des Canadiens voient les musulmans d’un mauvais œil. Nous avons un énorme problème, et je dois mettre en doute les images. Vous savez, ici, je ris, mais il y a toujours cette horrible photo de moi très en colère qui ressort chaque fois qu’un certain journal parle de moi. Comme vous dites, c’est une petite microagression. Nous avons appelé le journal pour dire : « Pourriez-vous... Vous savez, je ne suis pas toujours en colère. Parfois, je le suis à cause de, vous savez, à cause de ce qui se passe. »

Que pouvons-nous donc dire aux médias? Vous savez, merci d’avoir laissé l’émotion prendre le dessus et merci de votre colère, et merci de dire ce que vous avez dit parce que, je le répète, nous avons besoin de l’entendre. Nous avons besoin que cela se sache parce que, vous savez quoi? Cela a des conséquences sur votre vie, et sur la mienne, et sur celle de la sénatrice Gerba. Nous avons vu ce qui est arrivé aux Asiatiques pendant la pandémie de COVID-19.

Alors, que pouvons-nous faire? Je vous pose la question et je me débats avec moi-même. Que pouvons-nous faire avec les médias? Nous sommes ici à en parler. Ne montrons pas d’images de personnes en colère. N’identifions pas le malfaiteur : un terroriste est un terroriste. Inutile d’ajouter qu’il est musulman. Combien d’autres religions attribuons-nous aux malfaiteurs? Et si vous analysez les pourcentages, c’est... quoi, 0,1 % de musulmans? Quelqu’un a-t-il des données sur ce que font les groupes de droite, sur la violence à laquelle ils participent? Je sais que c’est plus haut, et donc que chacun a sa part de responsabilité. Pensez-vous que le Canadien moyen se reconnaîtra islamophobe? Je vous pose la question. Regardez-vous parfois dans un miroir. Telles sont les opinions que vous avez au sujet d’un groupe. Pensez-vous qu’il s’aperçoit qu’il est islamophobe? Et est-ce qu’il se rend compte qu’il a une opinion sur... 2 % avez-vous dit, madame Kaderdina? Je me demande si nous sommes plus près de 3 %, et si les musulmans ne sont pas de nouveaux arrivants. Nous sommes ici depuis le premier recensement du Canada.

La situation n’a cessé de se dégrader et, comme vous, je n’ai pas été surprise par les attaques de London et de Québec, à cause du discours que j’entends dans les médias, du portrait qu’on fait de nous. Hier, à Québec, un témoin nous a dit que dans les petites villes, la seule source d’information des gens, ce sont les médias qui envoient une image très négative des musulmans. Je ne sais pas s’il y a des réponses aux questions que j’ai posées.

Je vais maintenant laisser le dernier mot au sénateur Arnot, mais vous voulez réagir à ce que j’ai dit ou si vous avez l’impression de ne pas avoir tout compris, vous pouvez toujours communiquer avec nous par écrit. Vous pouvez vous adresser à M. Payet, le greffier du comité. Je vous remercie.

M. Zia : Je vous remercie pour les sentiments que vous avez exprimés. Merci aussi d’avoir parlé des répercussions de l’islamophobie sur vos deux familles. Je vous en suis reconnaissant.

Pour revenir à votre question, j’ai seulement un bref commentaire que Mme Kaderdina voudra peut-être compléter. Que pouvons-nous faire avec les médias? Le CRTC, un organisme régi par le gouvernement fédéral, est là pour ça. Il faut donner plus de pouvoirs au CRTC afin qu’il puisse exercer un contrôle et une surveillance sur les propos véhiculés et propagés par toutes les formes de médias relayés par nos canaux. Tous les canaux qui entrent dans notre pays en provenance d’autres pays doivent également être réglementés.

Il est très important que nous exercions, en tant que fédération, un certain contrôle sur les messages que reçoivent nos familles. Comme vous l’avez mentionné, il y a des familles dont la seule et unique source d’information est ce qu’elles voient aux nouvelles ou entendent à la radio. En l’absence de contrôle, ce vitriol, cette haine, cette islamophobie continueront à se propager. Ce racisme continuera à se répandre, ce n’est pas nouveau.

Je me rappelle avoir eu des conversations avec mon père, quand j’étais très jeune, en regardant les nouvelles. Chaque fois qu’une personne avait commis un acte criminel, elle se voyait accoler l’épithète « noir ». On disait « l’homme noir » a fait ceci, « l’homme noir » a fait cela, ce qui mettait toujours mon père en colère. « Pourquoi insistent-ils toujours pour dire qu’il s’agit d’un homme noir. Ne comprennent-ils pas que nous allons tous finir par détester les hommes noirs? » Je n’avais peut-être que 6 ans, mais je m’en souviens encore.

Nous grandissons aujourd’hui dans une société et à une époque où ce sont les musulmans, les terroristes musulmans, qui font la manchette. On entend dire qu’une femme portait une bombe sous son hijab ou qu’un homme portait une bombe sous son turban. La communauté sikhe est ciblée au même titre que les musulmans à cause de l’islamophobie et il n’y a personne pour freiner cela. Personne ne dit aux stations de radio de mettre fin à ce genre de discours, faute de quoi elles perdront leur licence et ne pourront plus diffuser dans ce pays. Il faut élaborer une politique et l’appliquer. Il serait étonnant que CBC ou Radio-Canada diffuse une nouvelle islamophobe. La chaîne disparaîtrait des ondes du jour au lendemain. C’est ce pouvoir que le gouvernement devrait utiliser et conférer au CRTC ou à tout autre organisme de réglementation afin de mettre immédiatement fin à ce genre de discours.

Je dois éviter de dire que les messages doivent être contrôlés par l’État. Ce problème existe dans d’autres pays du monde. Ce que j’essaie de dire, c’est qu’il doit y avoir une certaine surveillance, une réglementation sur ce qui peut et ce qui ne peut pas être diffusé. Les gens chargés de contrôler les messages des médias doivent se réunir et avoir une discussion avec les membres des différentes communautés afin de comprendre les répercussions que les commentaires négatifs et stéréotypés sur les religions et les cultures peuvent avoir sur les étudiants, les enfants, les familles et la société dans son ensemble. Comme l’a dit Mme Kaderdina, le problème de la suprématie blanche est de plus en plus présent dans ce pays et des garçons et des adolescents de race blanche forment la prochaine génération de ce mouvement. Nous devons mettre fin à ces comportements — et je reconnais que nous ne pouvons le faire pour les médias sociaux parce qu’ils ont une portée mondiale, mais nous devons faire tout ce que nous pouvons. Je vous remercie.

Mme Kaderdina : Je vous remercie, monsieur Zia. J’aimerais revenir sur quelques points que vous avez abordés, avec tant de profondeur. Les statistiques sur la manière dont les musulmans sont perçus m’intéressent toujours. Dans les ateliers sur la lutte contre l’islamophobie que je dirige à l’intention des enseignants de mon conseil scolaire, je présente toujours ces données. Il est fascinant de constater que les chiffres sont souvent plus élevés pour les Canadiens que pour les Américains. Il faut toujours une bonne minute aux gens pour traiter cette information, parce que nous pensons que nous sommes plus gentils et moins racistes au Canada qu’aux États-Unis.

Lorsqu’on nous présente ces statistiques, nous constatons que la vaste majorité des chiffres nous indiquent que l’islamophobie est plus présente ici au Canada, ou parmi les Canadiens, que parmi les Américains. Je pense que nous devons prendre un moment pour y réfléchir. Nous devons porter attention non seulement aux histoires véhiculées au sujet des musulmans, mais à ce que ces histoires nous révèlent sur nous-mêmes, en tant que Canadiens.

Après la tuerie de Québec, l’un des messages largement transmis par la classe politique, c’est que ce n’était pas représentatif du Canada. C’est très naïf comme position. Au mieux, c’est naïf, mais je pense que le terme hypocrite est plus approprié. Je suis sévère, je le sais, mais la réalité est bien différente. Les données nous indiquent autre chose. Lorsque nous regardons les médias, je suggère que nous commencions par examiner les chiffres ou que nous créions un organisme semblable au Centre for Digital Hate qui existe au Royaume-Uni.

Nous avons besoin d’un organisme pouvant rassembler et examiner les messages véhiculés par les médias et en faire l’analyse. Une partie de ce travail a déjà été fait. Nous avons des ressources de lutte contre l’islamophobie qui colligent des données sur le nombre de messages diffusés dans les médias chaque année, combien étaient positifs, combien étaient négatifs, et ainsi de suite. Certaines de ces données existent déjà et elles constitueraient un excellent point de départ pour la mise en place d’un mécanisme de surveillance continue.

Il est important d’assurer une surveillance constante parce qu’à la suite de l’attentat de Québec, nous avons entendu toutes sortes d’aveux, surtout de la part des médias, du genre : « Nous devons faire davantage attention. Nous ne savions pas que cela allait dégénérer à ce point. » Pour être franche, nous n’y croyons pas vraiment. Quand vous propagez la haine, vous devez être conscients que vos propos auront des répercussions sur des gens qui vont se les approprier. Mais si les gens clament leur innocence, cela leur appartient, n’est-ce pas?

Je suis cependant très curieuse de savoir quel était le niveau du discours anti-islamophobe ou anti-musulman dans les médias de Québec avant la fusillade à la mosquée, puis l’année suivante et cinq ans plus tard. Il serait très intéressant de connaître la courbe de ce discours ainsi que les stratégies adoptées par les entreprises médiatiques. Quelle est leur responsabilité et à qui rendent-elles des comptes? Dans quelle mesure font-elles preuve de transparence à l’égard du public? Les gens qui portent plainte savent-ils seulement ce qu’il advient de leur plainte?

Les communautés musulmanes ont beau essayer de défendre elles-mêmes leurs intérêts, mais elles se heurtent à des obstacles. Les gens ne connaissent pas les canaux de communication et ces canaux ne sont pas toujours accessibles. Les gens ne savent pas comment procéder ni comment faire le suivi. Il ne sert absolument à rien de signaler un incident si on n’y donne pas suite. Cela ne fait souvent qu’ajouter au traumatisme et renforcer l’idée que la haine est tolérée.

Par ailleurs, dans les institutions comme CBC/Radio-Canada, CTV et certains autres, nous devons nous assurer qu’il existe un mécanisme de surveillance des réseaux sociaux et de reddition de comptes et connaître les politiques qui ont été mises en place. Certains pays obligent ces organisations à rendre des comptes et les préviennent qu’elles ne pourront plus diffuser dans le pays si elles laissent leur plateforme devenir un espace de haine. Cela se fait ailleurs. Ce n’est pas restreindre la liberté d’expression que d’interdire à une organisation de propager la haine. Ce n’est pas cela, la liberté d’expression.

J’aimerais ajouter quelque chose. Pour répondre à la question : « Est-ce que le Canadien ordinaire peut admettre être islamophobe? », je ne sais même pas si le Canadien ordinaire sait ce que veut dire islamophobie. Souvent, la première réponse à cette question est : « Vous voulez savoir si j’ai peur des musulmans? Non, je n’ai pas peur des musulmans. » Ils sont sur la défensive. Ensuite, il y a tout un questionnement pour savoir s’il faut parler d’islamophobie ou de racisme anti-musulman. Quel est le terme approprié? Tout ce questionnement est une manière de contourner ou de déformer la réalité, à savoir que les membres de nos communautés subissent des préjudices. L’islamophobie a une incidence sur l’emploi, la santé mentale et la pauvreté, sur tout . Et je ne parle pas des préjugés personnels — bien qu’ils jouent un rôle —, mais des préjugés qui imprègnent les systèmes, les structures et les institutions qui sont créées pour permettre leur expression.

J’ai une suggestion à faire aux membres du comité. Quand vous examinerez les réponses et les réactions individuelles et les relations interpersonnelles, n’oubliez pas de les mettre en contexte dans un cadre systémique et institutionnel plus large. Ce sont les systèmes et les institutions qu’il faut également changer. Ils forment un tout et ils sont tous interreliés.

J’espère que le comité tiendra également compte des répercussions de l’islamophobie non seulement sur les musulmans, mais aussi sur les non-musulmans, et pas seulement sur ceux qui sont pris pour des musulmans et sont victimes d’islamophobie. Il faut aussi se pencher sur ceux qui propagent l’islamophobie. Dans ce pays, nous avons un héritage avec lequel nous essayons de composer. Je veux parler des pensionnats indiens. Le 30 septembre approche à grands pas. Nous avons le devoir de revenir sur notre histoire et de reconnaître avec honte les actes qui ont été perpétrés et qui continuent à l’être.

Quand je parle du travail de lutte contre l’endoctrinement et la radicalisation, ce n’est pas seulement parce que j’ai peur de ce que ces jeunes garçons, parce que ce sont habituellement des garçons, pourraient faire à ma communauté. J’en parle parce que je ne veux pas qu’un seul d’entre eux se demande un jour : « Étais-je vraiment cette personne? Est-ce vraiment moi qui ai fait ça? J’ai blessé quelqu’un? J’ai peut-être tué quelqu’un? ». Nous avons aussi une responsabilité envers ces jeunes. Elle consiste à les empêcher de devenir un Alexandre Bissonnette ou le jeune homme qui a tué la famille à London. Nous devons leur faire comprendre ce que cela signifie d’être un être humain qui respecte la vie humaine et tous les êtres humains, et les empêcher de s’engager sur un mauvais chemin. La lutte contre l’islamophobie, le racisme et l’oppression ne vise pas seulement à protéger les personnes qui en sont la cible. Elle vise aussi à protéger ceux qui pourraient finir par causer le mal. J’invite les membres du comité à examiner ces documents.

La présidente : Je vous remercie. Nous avons largement dépassé le temps prévu, sénateur Arnot. Je m’en excuse. Si vous avez un bref commentaire de 30 secondes à faire, allez-y. Autrement, nous n’aurons pas assez de temps pour notre prochain groupe de témoins.

Le sénateur Arnot : Je tiens à ce que mes commentaires figurent au compte rendu parce que je veux qu’ils aient plus d’écho. Nous avons entendu tellement de choses, mais nous devons surtout retenir qu’il s’agit là d’un problème pancanadien. Nous employons le terme « islamophobie », mais comme l’a fait remarquer la sénatrice Ataullahjan, ce n’est pas le bon terme; nous devons plutôt parler de haine contre les musulmans, parce que cela représente mieux la réalité. Nous devons aussi mettre les choses en contexte. Je crois comprendre qu’il y a un appui à cet égard. Cette haine est fondée sur la peur et l’ignorance. Nous devons faire de l’éducation.

Nous nous sommes dérobés à notre responsabilité. Le gouvernement fédéral a un rôle à jouer. Nul doute que le ministère du Patrimoine canadien, en tant que responsable du multiculturalisme et du pluralisme, a un rôle à jouer. La formation professionnelle des éducateurs peut être facultative, elle n’a pas à être obligatoire. La classe politique s’est dérobée de cette responsabilité, parce que le gouvernement fédéral prétend que cela relève des provinces. Non, c’est un problème pancanadien, c’est un enjeu de sécurité publique contre la radicalisation.

Troisièmement, comme l'Internet n’est pas réglementé, les propos haineux y prolifèrent. Internet doit être réglementé et cette responsabilité incombe au gouvernement fédéral. Quatrièmement, toute cette réflexion sur le fait qu’il y a plus d’islamophobie ou de haine contre les musulmans au Canada qu’aux États-Unis est intéressante. Cela devrait être le point de départ de notre rapport, parce que nous devons réveiller les Canadiens. Notre rapport leur ouvrirait les yeux, parce qu’ils seraient bien obligés d’admettre que ce que vous dites est exact. Ce sont les cinq points que je voulais brièvement soulever en rapport avec les témoignages que nous venons d’entendre pour m’assurer qu’ils seront bien intégrés à notre rapport final. Je vous remercie.

La présidente : Merci. Je remercie également les témoins. Sénateur Arnot, j’ai proposé cette étude après avoir examiné les statistiques et constaté que le Canada était le pays du G7 où l’on recensait le plus grand nombre de musulmans tués. Quand j’en ai parlé à un journaliste, il a été très étonné et s’est engagé à enquêter sur ce sujet, même s’il n’était pas au courant.

Une étude réalisée au Royaume-Uni a révélé qu’au Canada, les niveaux d’islamophobie étaient parmi les plus élevés. Je pense donc qu’en tant que Canadiens, nous devons faire un sérieux examen de conscience. Je remercie nos témoins de leurs témoignages qui nous éclaireront quand nous rédigerons notre rapport. Mesdames et messieurs les sénateurs, nous allons passer au prochain groupe de témoins. Merci beaucoup.

Honorables sénateurs, je vais maintenant présenter notre deuxième groupe de témoins. Chaque témoin a été invité à faire une déclaration préliminaire de cinq minutes. Après avoir entendu tous les témoins, nous passerons aux questions des sénateurs. Mesdames et messieurs les témoins, je vous demande de respecter les cinq minutes, car nous sommes déjà très en retard. Il nous reste encore de nombreux points à aborder et les sénateurs auront aussi des questions à poser.

Du Conseil canadien des imams, nous accueillons Refaat Mohamed, président, Taha Ghayyur, membre du conseil, et Mohammed Iqbal Al-Nadvi, président du conseil. De l’Association médicale musulmane du Canada, nous entendons la Dre Arfeen Malick, directrice de la santé mentale. Enfin, de la Concentus Citizenship Education Foundation, nous accueillons Heather Fenyes, présidente du conseil d’administration, et David Fisher, directeur général. Je tiens à remercier chacun d’entre vous de votre présence. Nous commencerons par le Conseil canadien des imams. M. Refaat Mohamed fera une déclaration. Je vous remercie.

Refaat Mohamed, président, Conseil canadien des imams : Je remercie les membres du Comité sénatorial permanent des droits de la personne de me donner l’occasion de présenter le point de vue des imams et des dirigeants religieux musulmans du Canada. Je m’appelle Refaat Mohamed et je suis président du Conseil canadien des imams. Nous sommes profondément troublés par la montée en flèche de l’islamophobie au Canada. Selon le dernier rapport de Statistique Canada, les crimes haineux au Canada ont connu une hausse vertigineuse de 72 % entre 2019 et 2021. Les crimes motivés par la haine religieuse ont augmenté de 67 % en 2021 seulement. De 2020 à 2021, le nombre d’agressions signalées contre des musulmans est passé de 84 à 144. Le Canada a été le théâtre des attaques islamophobes les plus meurtrières, dont la fusillade de 2017 à la mosquée de Québec, au cours de laquelle six musulmans ont été tués durant la prière, laissant derrière eux 17 enfants orphelins.

Mentionnons également Mohamed-Aslim Zafis, qui a été tué en 2020 alors qu’il quittait son emploi à la mosquée de l’OMI à Toronto, et les quatre membres de la famille Afzaal, mortellement happés par une voiture l’an dernier à London, en Ontario. Dans tous ces tragiques événements, l’agresseur était motivé par l’extrémisme de droite et la haine contre les musulmans. Il va sans dire que l’islamophobie a un double impact sur les imams et les chefs religieux, ils sont touchés sur le plan personnel et aussi sur le plan professionnel. Malgré les ressources et les fonds dont ils disposent, les imams du Canada jouent de multiples rôles. L’imam est à la fois directeur de prière, conseiller spirituel, collecteur de fonds, célébrant de mariage, conseiller auprès des jeunes, conseiller auprès de personnes ayant subi un traumatisme, leader interconfessionnel, porte-parole auprès des médias et expert en relations gouvernementales. Non seulement les imams sont le premier point de contact pour la communauté musulmane en temps de crise, mais ils deviennent souvent le visage de la gestion de crise. Dans certains cas, les imams et les dirigeants de mosquée sont directement visés par les agresseurs anti-musulmans.

Un cas d’espèce est l’attentat de la mosquée de Québec, au cours duquel l’imam Nizar, qui venait de diriger la prière en congrégation, a été visé par le terroriste. Il a heureusement survécu à ses blessures. L’assaillant n’a même pas épargné la merveilleuse jeune fille de l’imam, qui se trouvait sur place. Par chance, il a manqué de munitions au moment où il pointait son arme sur elle. Imaginez le traumatisme que cet imam et sa famille vivent encore aujourd’hui. Je vous remercie donc, et je vais maintenant céder le reste de mon temps à mon ami, Taha Ghayyur.

Taha Ghayyur, membre Conseil canadien des imams : Je vous remercie, madame la présidente Ataullahjan, et merci également aux autres sénateurs présents aujourd’hui de bien vouloir entendre les voix des imams canadiens ce matin. Je m’appelle Taha Ghayyur et je suis un défenseur de droits de la personne et un membre du Conseil canadien des imams. Les imams canadiens sont préoccupés de constater que la plupart des crimes haineux sont traités comme des infractions ordinaires en vertu du Code criminel, par exemple comme des voies de fait, des menaces ou du harcèlement. Il s’agit d’un recul pour les victimes de crimes haineux qui souffrent non seulement de traumatismes physiques, mais aussi de traumatismes mentaux. Nos lois sur les crimes haineux ne permettent pas aux forces de l’ordre de porter des accusations de crimes haineux ou de terrorisme. Il y a aussi un problème pour faire classer ces incidents comme des incidents ou des actes motivés par la haine.

Par ailleurs, les imams et les militants communautaires sont souvent la cible de menaces en ligne, mais la plupart ne sont pas prises au sérieux par les forces de l’ordre. Les imams canadiens sont également troublés par les politiques incohérentes et dénuées de principes du gouvernement canadien à l’égard de l’islamophobie dans le monde. Le Canada est en effet demeuré silencieux sur la scène internationale pour condamner les mesures de répression des droits de la personne, de la démocratie et de la liberté de religion; la politique étrangère du Canada continue de tolérer l’islamophobie transnationale et la persécution des musulmans en Palestine, en Inde et en Chine, ce qui va à l’encontre de l’engagement du premier ministre à lutter contre l’islamophobie chez nous.

En conclusion, le Conseil canadien des imams fait les recommandations suivantes. Premièrement, criminaliser l’islamophobie sous toutes ses formes, y compris les discours haineux et les crimes haineux violents ciblant des personnes et des institutions musulmanes. Modifier le Code criminel afin de faciliter la criminalisation et la poursuite des auteurs de discours haineux et de crimes haineux. Abolir l’obligation de demander le consentement du procureur général de l’Ontario pour poursuivre les personnes qui font la promotion du sectarisme.

Deuxièmement, réviser et réformer la politique étrangère afin qu’elle soit conforme aux idéaux du Canada en matière de promotion de la justice, de la paix et des droits de la personne pour tous. Veiller à ce que les accords de commerce et de défense avec les pays complices de politiques génocidaires contre les minorités musulmanes contiennent des dispositions relatives aux droits de la personne et s’assurer que nos chaînes d’approvisionnement ne soient pas entachées d’esclavage de la part de bon nombre de ces pays.

Et troisièmement, financer des programmes spéciaux de formation en développement professionnel à l’intention des imams et des chefs religieux de la communauté musulmane, afin qu’ils soient mieux outillés pour traiter avec les médias, intervenir auprès des personnes ayant des problèmes de santé mentale, faire du counselling post-traumatique et participer à des initiatives interconfessionnelles et de lutte contre le racisme et l’islamophobie. Merci beaucoup.

La présidente : Merci beaucoup. Nous entendrons maintenant les observations de la Dre Arfeen Malick.

Dre Arfeen Malick, directrice de la santé mentale, Muslim Medical Association of Canada : Merci de m’avoir invitée. Je représente la Muslim Medical Association of Canada. Je suis pédopsychiatre à l’hôpital SickKids, je soutiens également le service de santé mentale musulman et je travaille étroitement avec les imams. Je tiens à revenir sur ce que les imams ont dit, à savoir qu’ils étaient le premier point de contact à la fois pour le système médical et pour le système de santé mentale de notre communauté. Il s’agit d’un rôle essentiel et bien documenté, parce que les imams sont les premières personnes vers lesquelles se tournent nos communautés.

Je vais d’abord m’attarder un peu sur le terme « islamophobie ». Je sais qu’il en a été question tout à l’heure. Je tiens à faire remarquer que nous n’utilisons pas de terme distinct à l’égard des autres groupes. Nous parlons de racisme envers les Noirs, de racisme envers les Autochtones et d’antisémitisme. Le racisme envers les musulmans sous-entend la perpétration d’actes de discrimination graves, et nous devons préciser clairement que le terme islamophobie sous-entend une peur passive des musulmans, une peur qui est presque validée. Cela met en évidence les problèmes structurels liés à la discrimination contre les musulmans que nous propageons par ce genre de discours.

Nous avons déjà parlé de la hausse des crimes haineux islamophobes au Canada, aux États-Unis et dans l’Union européenne, comme vous le savez. Les chiffres ne représentent toutefois pas la réalité. Nous savons que des personnes hésitent à signaler les incidents par crainte de représailles, comme le démontrent de nombreuses études.

L’islamophobie a des répercussions sur des non-musulmans et des musulmans, comme nous venons de le dire, mais n’oublions pas l’islamophobie sexospécifique qui cible des femmes musulmanes visiblement identifiables. Il y a aussi des personnes aux identités croisées qui sont la cible de multiples formes de discrimination, notamment les musulmans autochtones noirs.

Il existe divers mécanismes d’islamophobie. En fait, l’islamophobie est la structuration de l’identité musulmane statique à laquelle sont accolés des qualificatifs négatifs et des généralisations englobant l’ensemble des musulmans. Elle déshumanise les musulmans, dévalorise leur vie et les marginalise en réduisant leur espace et leur vie publique. Cela normalise les actions négatives contre les musulmans, comme la surveillance des musulmans et de leurs lieux de culte, la légalisation de l’islamophobie dans le cadre de lois qui ciblent les musulmans et les traitent différemment des membres d’autres communautés religieuses, comme le projet de loi 21 du Québec, en plus d’interdire le port des vêtements religieux, ce qui a un impact disproportionné sur les femmes musulmanes.

L’islamophobie normalise également le discours haineux et la discrimination ciblée en ligne et dans les médias conventionnels, les médias sociaux, le système politique et le système de justice. Je suppose que vous m’avez invitée ici en raison de mon travail en santé mentale. Nous savons que la discrimination fondée sur la race, l’origine ethnique et la religion a de vastes répercussions sur la santé mentale. Nous le savons parce que des études sont menées depuis des décennies au sein de la communauté noire. Pour les musulmans, l’islamophobie a de profondes répercussions. La plupart des recherches font état d’une corrélation entre les incidents islamophobes et les taux de maladie mentale, comme la dépression et l’anxiété, un peu comme les répercussions que le racisme contre les Noirs a sur les personnes qui s’identifient comme étant noires.

L’islamophobie est une forme de racisme et de discrimination qui fait en sorte que le cerveau réagit de manière à faire comprendre à la personne visée qu’elle est exposée à un événement qui met sa vie en péril, tout en déstabilisant son sentiment de sécurité. Cela s’applique également à la communauté. Ce qui est particulier, c’est que l’islamophobie prive les musulmans de leur capacité à se défendre par des moyens sains et adaptatifs en diabolisant la spiritualité des communautés musulmanes, leurs chefs spirituels et leurs lieux de culte.

Au niveau du cerveau, nous savons que cette discrimination ciblée augmente le niveau de détresse psychologique, car elle agit sur l’amygdale, qui gère notre réaction à la peur dans notre cerveau. Les actes de violence ciblés, comme le massacre perpétré contre des musulmans à Québec, provoquent chez les musulmans des réactions traumatisantes de détresse, parce qu’ils ont peur d’être ciblés. Imaginez-vous sortir tous les jours en étant habité par cette crainte.

La méfiance, la surveillance et les crimes haineux ciblés accentuent la paranoïa justifiée, un autre fardeau pour le cerveau. Des études montrent que lorsque ces diverses expériences se produisent de façon répétée et prolongée et sont combinées à des microagressions — des formes cachées de discrimination —, elles sont exacerbées et peuvent provoquer une anxiété post-traumatique prolongée et des symptômes de dépression. Les crimes haineux qui ciblent non seulement des individus, mais la communauté dans son ensemble, entraînent de graves répercussions sur la santé physique et mentale. Je vous invite à consulter les récents articles sur l’islamophobie publiés dans le Journal de l’Association médicale canadienne.

Je pourrais peut-être passer quelques minutes à essayer de comprendre les islamophobes, mais je n’ai pas de temps pour cela. Pour comprendre la santé mentale des musulmans, nous devons vraiment comprendre que l’islamophobie est différente des autres formes de discrimination parce qu’elle cible les outils mêmes de l’adaptation, comme la spiritualité, le sens de la communauté et le sentiment de sécurité dans nos lieux de culte qui, nous le savons, sont importants pour permettre à une communauté et à une personne de s’épanouir et de guérir dans l’adversité.

L’islamophobie diffère également en raison de la légalisation dont elle a fait l’objet, qui est le résultat d’une érosion de la confiance envers les systèmes financés par l’État, comme le système médical et le système de santé mentale. Cela se traduit souvent par la réticence d’une personne à avoir recours aux systèmes publics, de crainte d’être surveillée ou d’être étiquetée comme extrémiste ou comme terroriste pour avoir pratiqué sa foi. Nous savons que la maladie mentale a des causes multifactorielles; cependant, il semble que le stress causé par l’islamophobie est un facteur important de l’augmentation des risques de maladie mentale au sein de la population musulmane. Des études laissent entendre que les taux se situent à plus du double ou du triple dans la population musulmane, et ce, sans compter les gens qui ont accès à des soins, les personnes qui ont accès aux soins publics standard. Cela ne tient pas compte des personnes qui n’ont pas recours aux systèmes publics. Parmi les obstacles cités par les musulmans qui évitent d’utiliser les soins de santé mentale, mentionnons la peur, — comme le fait de voir Ejaz Choudry, un homme de 62 ans atteint de schizophrénie abattu par la police à la suite d’un appel lié à un problème de santé mentale — la discrimination, et le manque de soins culturellement et spirituellement appropriés et adaptés. Cela a pour résultat que des personnes utilisent des soins privés, souvent offerts par des personnes non qualifiées ou sous-qualifiées, ou retardent leur recours aux soins, ce qui entraîne des symptômes plus graves lorsqu’elles se présentent à l’urgence, rend le traitement plus difficile et donne lieu à des taux plus élevés de maladies mentales non traitées. Je vais m’arrêter ici, et je suis prête à répondre à vos questions. Il y a tellement plus à dire au sujet des répercussions sur la santé mentale des musulmans.

La présidente : Merci, docteure Malick. Si vous avez quelque chose à ajouter, vous pouvez nous présenter un mémoire écrit qui fera partie de notre étude. Cela vaut d’ailleurs pour tous les témoins. Je vais maintenant céder la parole à Heather Fenyes.

Heather Fenyes, présidente du conseil d’administration, Concentus Citizenship Education Foundation : Bonjour. Je m’appelle Heather Fenyes et je suis présidente du conseil d’administration de la Concentus Citizenship Education Foundation. Je vous remercie de me donner l’occasion de vous montrer la pertinence de notre participation au débat concernant l’islamophobie au Canada. Le Canada est officiellement multiculturel. Le pluralisme culturel est l’essence même de notre identité nationale, comme l’ont affirmé différentes générations de dirigeants du Canada. La diversité est un fait, l’inclusion est un choix et la diversité est la force du Canada.

Pour assurer une inclusion réussie et favoriser un sentiment d’appartenance significatif pour tous dans toutes les collectivités du Canada, il faut des citoyens pleinement engagés, qui comprennent leurs droits et leurs responsabilités. Une citoyenneté responsable et pluraliste est la meilleure défense contre le racisme et le sectarisme. Le système d’éducation joue un rôle central dans la réalisation de ce type de citoyenneté. La salle de classe est l’endroit le plus important pour lutter contre le racisme. L’antidote à long terme contre le racisme et le sectarisme est le développement de la pensée critique, de l’empathie et de l’engagement chez les jeunes Canadiens. Une éducation citoyenne efficace permet la découverte, l’exploration, le développement et le perfectionnement de ces qualités essentielles. L’éducation à la citoyenneté est l’étude, la compréhension et l’application des droits, des devoirs que nous avons les uns envers les autres en tant que citoyens dans les collectivités locales, provinciales, nationales et mondiales. L’éducation à la citoyenneté vise à favoriser l’engagement des citoyens qui remettent en question et examinent les droits et les responsabilités inhérents à la démocratie, en font la promotion et les défendent; des citoyens qui s’efforcent continuellement de comprendre la dynamique du changement dans la société, alors qu’ils recherchent de manière critique de nouvelles informations pour prendre des décisions réfléchies et impartiales; des citoyens qui ont un sens aigu d’eux-mêmes, de leurs communautés et de la place qu’ils occupent, et qui valorisent et démontrent un engagement positif à l’égard de l’exploration des responsabilités citoyennes inhérentes à ces relations aux niveaux local, régional, national et mondial.

Au cours de la dernière décennie, la Commission des droits de la personne de la Saskatchewan a relevé le défi de créer une ressource éducative sur la citoyenneté à l’intention des écoles. Cela a abouti à la Concentus Citizenship Education Foundation, un organisme de bienfaisance enregistré auprès de l’Agence du revenu du Canada, qui recueille des fonds pour le développement et l’avancement de l’éducation citoyenne, les administre et les appuie. Bien que la fondation ait été créée par la Commission des droits de la personne en 2012, elle a été convertie en organisme indépendant en 2017. Au cœur de la fondation se trouvent les Concentus Education Resources. Il s’agit de ressources d’enseignement et d’apprentissage exhaustives et robustes pour chaque année scolaire, de la maternelle à la 12e année, qui comptent plus de 2 400 pages. Ces ressources, dont la préparation a duré huit ans et a coûté 2,4 millions de dollars, sont prêtes à être utilisées en classe et appuient l’exploration directe et intentionnelle en salles de classe, de même que l’enseignement des droits, des responsabilités et du respect dans notre société pluraliste.

La fondation repose sur le principe que toute personne mérite une considération morale égale, sans exception. Il y a cinq compétences de base qui servent à la fois à l’optique et aux résultats d’une éducation citoyenne efficace. La sensibilisation et la reconnaissance que les événements historiques créent un contexte et ont un impact sur la société d’aujourd’hui; l’autonomisation et la compréhension de nos droits et des responsabilités qui les accompagnent, afin de contribuer à la société; l’empathie, la compréhension du respect et de l’affirmation de diversité sociétale et culturelle des personnes; le comportement éthique, la prise de décisions qui respectent les droits des autres et favorisent le bien-être; de même que l’engagement, la pensée critique et la participation active, qui contribuent à la société civile.

L’éventail de ces compétences s’étend de la compréhension à l’action, de la sensibilisation, de l’empathie et du comportement éthique à l’autonomisation et à l’engagement. L’universalité et la pertinence sont inhérentes à ces compréhensions pour nous tous, quelle que soit notre origine. L’éducation à la citoyenneté est un vaccin contre la haine. Elle s’attaque au racisme et à la discrimination aux niveaux fondamentaux et les prévient. Nos ressources couvrent le parcours d’apprentissage continu d’un élève de la maternelle à la 12e année. Dans les salles de classe multiethniques, multithéistes et multisociales d’aujourd’hui, il est essentiel que la nature pluraliste et multiculturelle du Canada soit enseignée comme il se doit. En éduquant les élèves pendant leurs années de développement, nous empêchons que les obstacles liés au racisme perdurent. À mesure que les élèves grandissent, ils font profiter leur collectivité et notre main-d’œuvre de ces valeurs essentielles et de ces aptitudes à la pensée critique.

La fondation aide les élèves, les enseignants et les écoles de deux façons. Elle le fait premièrement grâce à des ressources d’éducation à la citoyenneté prêtes à être utilisées, qui s’intègrent au programme d’études, afin d’offrir un enseignement homogène sur des sujets délicats, comme la santé mentale, la toxicomanie, l’invalidité, le racisme, l’identité de genre et la culture autochtone. Deuxièmement, les ressources font participer les élèves à l’objectif supérieur de l’éducation à la citoyenneté, en les aidant à comprendre les trois nouveaux paradigmes : les droits, le respect et les responsabilités. Les élèves sont informés au sujet des droits que tous les Canadiens ont; ils apprennent à connaître les responsabilités de tous les citoyens et ils comprennent l’importance de faire preuve de respect envers tous.

Si nos jeunes apprennent à lire, c’est parce qu’on leur apprend à lire à l’école.

La présidente : Je suis désolée de vous interrompre. Vos cinq minutes sont écoulées.

Mme Fenyes : D’accord. Pourrais-je...

La présidente : Si vous pouviez conclure...

Mme Fenyes : Oui.

La présidente : ... en 10 secondes environ, s’il vous plaît?

Mme Fenyes : Absolument. En terminant, je vous rappelle qu’il y a à peine quelques semaines, la vice-première ministre du Canada, Chrystia Freeland, une de vos collègues, a été agressée verbalement à l’hôtel de ville de Grande Prairie, en Alberta. C’est le même genre de haine qui, dans un autre contexte, devient de l’islamophobie. Cet échange, dont a été témoin tout un pays, a permis à tous les Canadiens et à de nombreuses autres communautés marginalisées de comprendre ce à quoi les musulmans sont confrontés tout le temps. Nos ressources sont la réponse idéale à ce genre d’interaction, et cela fait partie de nos objectifs et de ce que nous offrons. Merci beaucoup.

La présidente : Merci beaucoup. Je vais laisser les sénateurs poser des questions. Je vais demander à la sénatrice Gerba de prendre la parole. Elle sera suivie du sénateur Arnot.

[Français]

La sénatrice Gerba : Merci infiniment d’être parmi nous ce matin. Merci pour vos témoignages et vos recommandations.

Nous avons beaucoup entendu parler du rôle des médias dans l’entretien de l’islamophobie au sein de notre société. Nous sommes dans un pays où le sujet de la liberté d’expression revient constamment.

Que pensez-vous que le gouvernement du Canada peut faire en ce qui concerne l’influence négative des médias? Merci.

Dre Malick : Merci beaucoup. Mon français n’est pas bon, malheureusement.

[Traduction]

Un des exemples que je peux donner est celui du suicide et de la contagion du suicide. Bon nombre d’entre vous savent peut-être que le suicide est dépeint sous de nombreuses formes dans les médias. L’une d’elles est la récente série — qui remonte à quelques années — intitulée Treize raisons. Elle a eu un impact négatif important sur le taux de suicide chez les adolescents, et pourtant nous ne pouvons pas censurer ce genre de choses. Cela touche à la liberté d’expression, à la liberté de parole. Mais ce que nous pouvons faire, c’est structurer le soutien et l’intervention autour des personnes qui regardent ce genre de contenu en ligne. Ainsi, on tente de jumeler le contenu sur l’automutilation ou le suicide à des ressources exploitables auxquelles les gens peuvent avoir recours. Je ne préconise d’aucune façon la discrimination contre les musulmans dans les médias; cependant, s’il n’y a pas moyen de censurer les propos haineux à l’endroit des musulmans, il devrait au moins y avoir un moyen de tempérer cela. Par exemple, lorsque des individus sont qualifiés de terroristes en ligne et d’extrémistes parce qu’ils se rendent dans leurs mosquées pour prier, je pense que cela devrait probablement être suivi par un commentaire pour contrer ce discours.

Dr Mohammad Iqbal Al-Nadvi, président, Conseil canadien des imams : Bonjour et bienvenue au Comité sénatorial.

La présidente : Pouvez-vous vous rapprocher du microphone, s’il vous plaît?

Dr Al-Nadvi : Tout d’abord, je suis vraiment ravi d’avoir été invité à assister à cette réunion. Je vois le rôle des médias de trois façons. La première a trait au fait que la plupart des médias, lorsqu’ils abordent un incident, le lient toujours à la religion musulmane. On parle donc de terroristes musulmans, mais jamais de terroristes chrétiens, par exemple. Dans ces cas on ne nomme pas la religion. Bien sûr, des incidents se produisent, mais cela ne veut pas dire que l’islam est derrière, mais cela veut peut-être dire qu’un musulman, quel qu’il soit, ne peut rien faire.

Le deuxième problème, c’est que peu importe ce qui est présenté, il doit s’agir de faits réels et non pas de présomptions ou, par exemple, de choses imaginaires. La majeure partie du problème vient du fait que l’on présente des choses qui n’ont pas été vérifiées; des faits qui ne sont pas exacts.

Troisièmement, il arrive que les gens confondent les faits avec leur propre opinion. Parfois, les gens ne sont pas capables de faire la distinction entre les deux. Donc, si les médias étaient vraiment responsables, ils pourraient éviter de mentionner une religion en rapport avec un incident, et ils pourraient présenter les faits tels qu’ils sont. Ils peuvent très bien exprimer leur opinion, mais ils doivent s’assurer de l’exactitude des faits avant de le faire. Merci.

Mme Fenyes : Puis-je ajouter quelque chose? Je pense que l’un des autres problèmes que nous voyons dans les médias a une portée un peu plus large. Chaque fois qu’un incident se produit, je pense que cela perpétue une partie du problème, c’est-à-dire la compartimentation. Nous voyons donc des incidents contre la communauté islamique se répercuter partout dans les médias sociaux ou, s’il s’agit d’un problème d’antisémitisme ou d’une attaque contre la communauté LGBTQ+, nous perpétuons ce qui continue de se produire dans notre société, c’est-à-dire la compartimentation. La réaction est immédiate. Les communautés se rassemblent, elles répondent avec leur propre couverture médiatique, avec des outils éducatifs, avec des ressources, ce qui est vraiment important, mais nous perdons de vue l’aspect fondamental, à savoir qu’il s’agit d’un problème systémique qui est enraciné dans une chose et une chose seulement, c’est-à-dire la haine. Et la haine créée par ces incidents en encourage et en perpétue d’autres. Tant que nous continuons de considérer ces incidents comme des incidents isolés et que nous ne sommes pas forcés, en tant que société, de reconnaître que le problème sous-jacent est beaucoup plus important, exhaustif et interconnecté, nous continuons de compartimenter les choses.

La conversation que nous avons aujourd’hui est essentielle, et je suis fière d’y participer, mais il ne s’agit que d’un élément. C’est le canari dans la mine, et si nous ne reconnaissons pas qu’il y a des problèmes plus grands dans la mine de charbon, — et j’ai abordé le cœur de ces problèmes — nous continuons à nous laisser emporter dans la spirale médiatique, et nous construisons des murs et créons des compartiments. Merci.

Le sénateur Arnot : J’interviens avec un parti pris. Je pense que l’éducation a un pouvoir réel, et je vais demander aux témoins qui le veulent de commenter la nécessité de se rendre dans les salles de classe et de vraiment enseigner le respect et les responsabilités qui accompagnent la citoyenneté, parce que nous parlons beaucoup des droits des citoyens, mais très peu des responsabilités qui les accompagnent, et la responsabilité fondamentale de chaque citoyen canadien est de respecter ses concitoyens, ce qui n’est pas ce qui se produit.

Je sais que le matériel de Concentus de la maternelle à la 12e année traite de ces questions, mais j’aimerais que tous les témoins y réfléchissent et commentent la nécessité d’utiliser l’éducation comme un outil puissant, un élixir contre l’ignorance et la peur fondamentales qui alimentent la haine. Nous devons les éliminer à la base, et la façon de le faire, c’est à l’intérieur du système scolaire, de la maternelle à la 12e année, car c’est au moins un élément essentiel des changements dont nous avons besoin dans la société, parce que le Canada témoigne des changements que l’on peut apporter à l’histoire de l’humanité. Nous disposons de merveilleuses dispositions constitutionnelles, mais nous ne les mettons pas en œuvre comme elles devraient l’être parce que, vous savez, nous n’avons pas vraiment réussi à inculquer aux citoyens canadiens les valeurs que défend le Canada. Il s’agit principalement de pluralisme, de multiculturalisme, de multithéisme et de la multiethnicité des groupes dans notre pays. C’est la force de notre pays. Cela ne peut pas se faire par osmose ou par magie; il faut que ce soit intentionnel et explicite. Je pose donc la question générale — ou je fais cette observation générale et je demande à tous les témoins de la commenter.

La présidente : Merci. Puis-je demander aux témoins d’être vraiment brefs dans leurs réponses? Le sénateur Oh doit prendre la parole, et j’ai aussi des questions. Sur ce, je cède la parole aux témoins.

Dre Malick : En tant que psychiatre de l’enfance et de l’adolescence, je suis d’avis que la question des répercussions sur les enfants se pose. Mon principal domaine d’expertise est le soutien aux jeunes musulmans qui ont été confrontés à une somme extraordinaire de discrimination et de haine antimusulmanes dès leur plus jeune âge. Cela tirerait les larmes à n’importe qui d’entre vous de voir un jeune enfant de 5 ou 6 ans se faire traiter de terroriste sur un terrain de jeu.

Je ne suis pas certaine pour ce qui est de l’éducation. Je dois dire, sénateur Arnot, avec tout le respect que je vous dois, que l’éducation signifie que les gens doivent participer. Les gens doivent respecter le système d’éducation. Si, lorsqu’ils rentrent chez eux, ils sont confrontés aux messages véhiculés par les médias, par la famille, qui sont inhérents aux valeurs de leur famille, des messages qu’ils ont vus se propager au cours des 20 à 30 dernières années, je ne pense pas que quelques cours changeront radicalement les choses.

Nous n’avons pas constaté l’efficacité de cela. La plupart des étudiants à qui je parle aujourd’hui me disent qu’ils reçoivent trop d’enseignement autochtone. « Pourquoi nous enseigne-t-on autant de choses sur les peuples autochtones? » C’est ce que me disent les étudiants. Ce message vient évidemment de quelque part. Je n’entends pas cela au sujet des autres matières qu’on leur enseigne. Pourquoi en apprenons-nous autant sur les Canadiens? Pourquoi apprenons-nous autant de choses sur les peuples autochtones en ce moment?

Fondamentalement, je crois que nous devons d’abord examiner ce qui influence les jeunes et ce qu’ils ont vu, eux et leurs parents, au cours des 20 à 30 dernières années, ce qu’ils ont observé et ce qui leur semble normal — dans le système de justice, en politique et dans les médias — et ce qui les a ciblés. Ensuite, nous pourrons probablement prendre des mesures pour amener les gens dans le système d’éducation, afin qu’ils puissent être à l’écoute et entendre ce qui se dit.

M. Ghayyur : J’aimerais ajouter quelque chose à ce que la Dre Malick vient de dire. Je pense que l’éducation fait certainement partie de la solution, si vous voulez une forme quelconque de changement positif dans la société, que ce soit contre le racisme à l’endroit des Autochtones ou qu’il s’agisse de l’éducation visant à lutter contre l’islamophobie. Je pense que l’engagement est plus important que l’éducation. C’est l’élément qui manque souvent dans nos écoles et nos systèmes scolaires, et je pense qu’un bon exemple où cela peut être fructueux et servir de point de départ est une célébration du Mois de l’histoire islamique ou du Mois du patrimoine islamique, qui existe depuis 2007, et qui est le résultat de l’excellent travail de certains sénateurs et politiciens dans ce domaine.

L’utilisation de ces plateformes et de ces occasions pour créer un plus grand engagement culturel, des occasions pour les étudiants d’apprendre non seulement à partir d’un manuel, mais aussi d’entendre des expériences vécues d’islamophobie, ainsi que pour centrer et amplifier les voix musulmanes sera un élément essentiel de cette éducation, qui est évidemment importante. Merci.

Dr Al-Nadvi : J’ai deux ou trois choses à dire à ce sujet. On peut dire que les musulmans sont arrivés au Canada après d’autres groupes. Notre identité en tant que groupe musulman est récente et remonte aux quelque 100 dernières années. Le problème, c’est qu’au niveau juridique et au niveau des organismes, nous sommes perçus comme ne faisant pas partie intégrante de ce pays. Mais comment pouvons-nous juste — l’arrivée de l’islam comme moyen naturel, par exemple, de faire de l’islam une partie de ce pays ou de cette activité. C’est donc un grand défi. Je peux dire que c’est tout un défi.

La première génération de musulmans est issue de l’immigration. Ses sentiments sont donc mitigés. Ils viennent d’ailleurs, ils avaient des problèmes là-bas, et parfois ils ressentent la même chose ici, alors il leur faut du temps pour s’intégrer. Mais notre nouvelle génération est née ici et elle est intégrée, donc parfois elle est davantage choquée que nous. Supposons que moi, de l’Inde, j’ai quelque chose ici, que j’ai établi un lien avec ma situation en Inde, mais cela dit, la génération qui me suivra sera très choquée de la façon dont cela s’est passé. C’est donc vraiment un élément dont nous avons besoin.

J’ai déjà participé à une réunion avec l’ancien premier ministre Paul Martin. Je lui ai dit que nous avions un problème et que si nous étions laissés à nous-mêmes pour le résoudre, nous ne pourrions pas le faire, mais que si cela devenait le problème de tous les Canadiens, nous pourrions le régler ensemble. Merci.

La présidente : Oui.

David Fisher, directeur général, Concentus Citizenship Education Foundation : J’aimerais faire écho à ce que M. Ghayyur a dit au sujet de l’éducation comme élément de l’approche. Je sais qu’en présence d’ambitions aussi nobles que celles que nous avons décrites dans notre exposé, cela peut sembler de la naïveté, et nous ne souscrivons pas à l’idée que quelques heures dans une salle de classe permettront de voir, de constater une transformation. Nous croyons que les enseignants ont besoin d’outils. Ils font partie de l’approche de réforme de la justice. Toutes les autres approches qui ont été décrites ici sont essentielles, mais je crois aussi que nous devons fournir aux enseignants canadiens de meilleurs outils dans toutes les classes pour que cette approche devienne un élément de base de l’éducation canadienne.

M. Mohamed : Merci. Je pense aux deux points qui sont liés aux médias et aussi à l’éducation. Je pense qu’il est très important d’amener nos enseignants et les porte-parole des médias à un niveau supérieur, de les éduquer, de leur donner suffisamment de formation sur les cultures, surtout avec les immigrants musulmans qui sont venus au Canada, qui ont commencé leur vie au Canada et qui ont fait de ce pays leur foyer, plutôt que de penser à partir. J’ai l’exemple d’au moins deux imams que je connais, qui ont décidé de quitter le pays avec leurs enfants. Pourquoi? À cause du système scolaire. Ils pensent que leurs enfants sont exposés à quelque chose qui ne correspond pas à leur religion et à leur culture et, en même temps, ils croient qu’ils peuvent trouver un endroit plus sûr, où leurs enfants ne recevront pas un enseignement qu’ils ne sont pas censés avoir.

L’autre aspect est celui des médias, où il y a deux poids, deux mesures. Chaque fois qu’un musulman fait quelque chose, les médias donnent l’impression que toute la communauté musulmane a commis le crime. Et de l’autre côté, si les non-musulmans font quelque chose, les médias n’en parlent même pas, ils ne considèrent même pas cela comme du terrorisme au départ, contrairement aux actions musulmanes.

Donc, en fait, c’est — ici, cela viendra avec la formation, la formation des deux secteurs — celui des médias et celui du système d’éducation. Les enseignants dans les écoles doivent en fait recevoir une formation préalable et avoir suffisamment de temps pour accueillir et comprendre la mentalité et la culture de tous les enfants musulmans, des deux sexes, pour les considérer comme il se doit. Merci.

La présidente : Merci. Pour répondre à votre question, docteur Al-Nadvi, les musulmans ne représentent peut-être pas le plus grand nombre de nouveaux arrivants au pays, mais ils sont ici depuis le premier recensement effectué au Canada. Nous avions des musulmans en Alberta, et à Edmonton, nous avons la plus vieille mosquée en Amérique du Nord. Les musulmans font partie du pays. Je cède la parole au sénateur Oh. Sénateur Oh, avez-vous une question?

Le sénateur Oh : Merci, madame la présidente. J’ai une question simple. Je remercie les témoins de leur présence. Comparativement à d’autres types de crimes, les crimes haineux et les crimes motivés par l’islamophobie ciblent les femmes à des taux relativement plus élevés. Pouvez-vous nous dire quelles sont les raisons pour lesquelles les femmes musulmanes sont visées de façon disproportionnée? Quel rôle les médias jouent-ils, et comment le discours ambiant et le débat public contribuent-ils à la discrimination, au harcèlement et à la violence contre les femmes?

M. Mohamed : Je pense que c’est à cause de la visibilité des femmes musulmanes. Lorsqu’elles se promènent dans un endroit public, dans un magasin ou dans un autre endroit, les musulmanes seront ciblées si elles sont reconnaissables. C’est la raison pour laquelle elles seront les premières ciblées, et c’est en fait à cause de l’ignorance des gens au sujet de ces femmes et de la façon dont elles s’habillent. De plus, de nombreuses femmes musulmanes, par exemple, ne serrent pas la main de personnes qui ne font pas partie de leur famille ou de leur ménage.

C’est donc une question d’éducation, et il devrait en fait revenir aux enseignants, ainsi qu’aux médias — de faire participer davantage les musulmans et de leur ouvrir des espaces, afin qu’ils puissent mieux s’expliquer.

La présidente : Veuillez être très brève.

Dre Malick : Je vous remercie de votre question, sénateur Oh. Je voulais seulement dire quelques mots à ce sujet. Je vous demande simplement de réfléchir au portrait que vous avez des femmes musulmanes, à la façon dont vous avez vu les femmes musulmanes être dépeintes. Pour ce qui est des médias, je vous encourage à taper « Nouvelles concernant les femmes musulmanes » dans Google. Vous verrez des femmes qui portent le niqab, des femmes opprimées, des femmes impuissantes, des femmes maltraitées, c’est le portrait que vous verrez, et c’est vraiment la source de la discrimination contre les femmes musulmanes.

Prenons les mennonites, prenons les femmes juives, qui portent des vêtements similaires et qui ne font pas l’objet des mêmes niveaux de discrimination, et je peux dire que dans le système médical, en tant que médecin qui travaille dans le système médical, il y a des stéréotypes et des préjugés qui sont imposés aux musulmanes lorsqu’elles se présentent à l’hôpital.

Pour ce qui est uniquement de notre propre système juridique, dont vous faites tous partie, il suffit de s’arrêter au projet de loi 21, qui diabolise en fait les enseignantes musulmanes qui portent le hijab. Elles n’ont plus le droit d’enseigner, même si elles sont formées pour le faire. Lorsque nous envisageons le système d’éducation comme une source de formation pour cibler l’islamophobie, je pense que nous devons vraiment réfléchir à ce que mon frère a soulevé, c’est-à-dire l’exposition aux musulmans. Pourquoi empêchons-nous l’exposition aux femmes musulmanes dans le système d’éducation si nous essayons de sensibiliser les gens à l’islam?

Il y a aussi la normalisation de la haine antimusulmane dans le système juridique, qui est propagée par les politiques, et nous voyons les divers programmes politiques qui sont mis de l’avant, comme « essayer de protéger les gens contre le terrorisme », et cela comprend souvent le fait de ne pas permettre à des personnes qui me ressemblent d’entrer dans un système public. Je pense donc que nous n’avons pas besoin d’aller plus loin que ces exemples pour comprendre pourquoi les musulmanes, comme moi, sont ciblées.

Le sénateur Oh : Merci.

La présidente : D’accord.

Dr Al-Nadvi : Oui, je pense qu’il faut ajouter deux ou trois points. Essentiellement, vous savez, je peux voir que le problème se pose dans différents contextes. Supposons les femmes musulmanes sur le marché du travail. Des problèmes se posent, par exemple, parce que ces femmes sont actives, elles s’occupent de leurs enfants, elles sortent avec leurs enfants, elles font l’épicerie et beaucoup d’autres choses. Elles se retrouvent parfois seules. Elles ne sont pas entourées d’un grand nombre de personnes, ou elles passent dans des endroits isolés, avec la distance [Difficultés techniques] — et un mélange de deux ou trois choses qui, mises ensemble, font en sorte que les femmes musulmanes deviennent des cibles plus visibles.

Le troisième problème, en fait, est que je peux voir qu’il y a une idée fausse dans l’esprit de certaines personnes, à savoir que les femmes musulmanes sont opprimées par des hommes musulmans, et que le hijab est une sorte de symbole de cette oppression. Ces personnes estiment donc parfois de leur devoir, par exemple, de sauver ces femmes ou de les libérer, de leur permettre de vivre et de se libérer de ce genre de choses. Ce sont là certains facteurs qui contribuent ensemble à ce problème.

La présidente : Merci beaucoup. Oui, très brièvement, parce que j’ai...

M. Ghayyur : Oui, très brièvement.

La présidente : ... des questions et que j’en ai cinq...

M. Ghayyur : Absolument. Pensons à la façon dont les sentiments antimusulmans, et plus précisément la discrimination contre les femmes identifiables, sont favorisés par un gouvernement. Le projet de loi 21 au Québec en est un très bon exemple, les musulmanes, en particulier, qui portent un hijab ou toute autre forme de vêtement considéré comme islamique, se faisant rejeter des espaces publics et des institutions publiques.

Si les gens au sommet, les titulaires de charge publique, agissent de cette façon, qu’attendez-vous des gens ordinaires lorsqu’il faut traiter les questions d’islamophobie? Lorsque nous excluons les femmes de ces espaces, cela a des répercussions sur l’ensemble de la population, qui exclut aussi certaines femmes, les cible et fait preuve de discrimination à leur endroit. Malheureusement, la réponse de notre gouvernement a été extrêmement décevante dans le contexte d’une loi raciste, anti-islamique, antisémite et, à bien des égards, anti-raciale, qui devrait être condamnée et abolie.

La présidente : Merci. Je voudrais juste faire quelques commentaires au sujet de quelques points. Donc, le nom du sujet de l’étude, l’islamophobie, va changer. Parce que quand on parle de phobie, on parle de peur de quelque chose. Donc, si on parle de peur des musulmans, cela ne règle pas les répercussions que cette peur a sur eux. Lorsque j’ai proposé cette étude, je voulais me pencher sur cette question, mais je veux que le nom de l’étude soit changé, et il le sera.

Madame Fenyes, vous avez soulevé l’indignation que les Canadiens ont exprimée lorsque la vice-première ministre Chrystia Freeland a été attaquée verbalement. C’est arrivé à mes collègues aussi. Vous savez, c’était terrible. J’étais très en colère, mes enfants étaient très en colère. J’ai deux filles, et elles ont vu à quel point cet homme a fait preuve de violence à son endroit. Ce genre de langage et de comportement n’est pas nécessaire. Son comportement était très menaçant. Cependant, je n’ai pas vu ce genre de condamnation lorsqu’un musulman est agressé verbalement ou physiquement par des membres de la société canadienne, et j’inclus les politiciens. Les gens nous offrent leurs pensées et leurs prières, mais je n’ai pas vu de condamnation généralisée comme celle de l’attaque subie par la ministre Freeland. Je veux être très claire, je condamne ce comportement et je l’ai trouvé très troublant.

J’aimerais aussi demander au Conseil canadien des imams quelle est sa relation avec la police. Je sais que dans le cas de cet homme qui souffrait de problèmes de santé mentale et qui a été abattu, j’ai communiqué avec le chef de police. J’ai eu une longue conversation avec lui et j’avais beaucoup de questions à lui poser. Je veux savoir si on vous appelle quand une telle situation se produit, et quelle est votre relation avec la police.

M. Mohamed : Dans la plupart des municipalités, nous avons certainement un lien avec la police. La plupart des imams ont un lien direct. Lorsqu’un incident se produit, nous essayons habituellement de nous adresser aux services de police et de faire leur éducation, — surtout auprès des nouvelles recrues qui sont embauchées dans les diverses régions — ainsi que de leur donner de la rétroaction et de l’information sur la façon de traiter avec les musulmans. Nous avons donc des liens avec la plupart des services de police des régions, surtout ici dans la région du Grand Toronto, dans la région de Peel, dans celle de York et dans toutes les autres régions autour du Grand Toronto.

La relation que nous entretenons avec la police remonte à loin. Je suis dans la région de York depuis près de 15 ans, et j’ai de très bons liens avec les services de police de cette région, et maintenant avec ceux de la région de Peel. Cette relation permet de réagir très rapidement, par exemple, à la déradicalisation ou à la haine anti-islamique, des choses qui sont vraiment courantes à différents endroits. De plus, on nous appelle pour nous informer, afin que nous puissions parler à la communauté et lui donner un peu de réconfort et de paix, avant qu’elle ne réagisse à quoi que ce soit. Ce genre de lien est donc très important et essentiel. Sans lui, nous serions certainement en mauvaise posture. Je pense que M. Iqbal a quelque chose à dire.

Dr Al-Nadvi : Oui, je peux vous parler de ma propre expérience. Quand j’étais imam à Calgary, nous avons invité les policiers nouvellement recrutés à visiter notre mosquée, et nous leur avons donné des séances d’une à deux heures, avec questions et réponses, et ainsi de suite. J’ai fait la même chose quand j’étais directeur du Centre islamique d’Oakville. Je pense que ce genre de relations est vraiment nécessaire, alors nous les invitons et nous les tenons au courant, ou nous leur offrons des occasions. Toutefois, depuis le 11 septembre, c’est surtout nous qui les appelons pour essayer d’établir une relation avec eux. Il s’agit donc d’un lien limité.

Un autre problème, en fait, pour ce qui est de l’Ontario, vous avez soulevé un très bon point au sujet du terme « islamophobie ». Je pense qu’il a des avantages et des inconvénients. Lorsque nous utilisons le terme islamophobie, nous insistons sur le fait que les musulmans sont censés être conscients de ce genre de peur. Mais si j’examine d’autres points de vue, je constate que nous sommes ciblés, ou qu’on dit de nous que nous sommes islamophobes, donc si quelque chose se produit de notre côté, ce sera considéré comme de l’islamophobie. Il n’y a donc pas de solution spécifique, mais je pense qu’un autre terme pourrait convenir aussi.

La présidente : Merci. En tant que présidente, je peux me permettre de poser quelques questions supplémentaires. Docteure Malick, vous avez soulevé la question de ce que nos enfants doivent vivre et, devant ce groupe, nous avons entendu quelques enseignants qui nous ont aussi parlé de cela. Vous nous avez ouvert les yeux sur la multitude de problèmes que vivent les enfants et sur le peu de ressources disponibles. Ce sont souvent les enfants qui sont blâmés. Ils entendent des choses comme : « Vous venez de ce pays, où il se passait ceci et cela, et vous nous apportez ça ici », ou « Vous êtes musulman et vous réagissez comme ça ».

Comment pouvons-nous aider nos enfants? Je ne pense pas que le fardeau devrait reposer entièrement sur la communauté musulmane et les familles musulmanes. Il faut leur offrir de l’aide. Nous sommes Canadiens, mes enfants ne connaissent pas d’autre vie que la vie au Canada. Ils sont nés ici, ils ont fait leurs études ici, ils sont Canadiens. C’est pourquoi, comme un témoin nous l’a dit hier : « Nous ne demandons pas de privilèges spéciaux parce que nous sommes musulmans, nous demandons d’être traités de façon égale », et je pense qu’il en va de même pour nos enfants.

Si nous voyions d’autres enfants vivre dans la peur, nous essayerions de contrer cette peur. Pourquoi ne le faisons-nous pas lorsqu’il s’agit d’enfants musulmans? Je sais que vous n’êtes pas la bonne personne à qui demander cela, mais c’est une question que nous devrions adresser à nos dirigeants. Et comme M. Ghayyur l’a dit, nous avons constaté le manque de leadership lorsque, dans le cadre de la Conférence sur l’islamophobie, il y a un an et demi, il a été décidé de nommer un représentant spécial, mais rien ne s’est passé. Aucune des recommandations qui ont été faites à cette conférence n’a eu de suite.

Dre Malick : Je suis d’accord avec tout ce que vous avez dit. Il y a certainement un impact sur les enfants et les jeunes. Je suis probablement considérée comme une musulmane de troisième génération, et je suis encore confrontée à ce genre de problèmes. J’ai vécu une partie de ma vie avec un hijab, et aussi sans hijab pendant ma formation en médecine et par la suite, et j’ai beaucoup de mes collègues qui ont fait la même chose, mais qui sont traitées comme si nous n’avions pas notre place dans le pays où nous avons grandi.

Oui, c’est déchirant quand on y pense. Et quand on y pense du point de vue de la santé mentale, les répercussions de ces expériences de l’isolement et de la peur pour soi-même et pour sa propre collectivité sont très difficiles à surmonter. Pendant de nombreuses années, les musulmans se sont empêchés de fréquenter leurs mosquées parce qu’ils craignaient qu’on les surveille, qu’on les traite de terroristes. Il n’était pas possible de s’approcher d’un imam pendant de nombreuses années. Nous entretenons en fait cette crainte parmi nous, une crainte des autres membres de la communauté parce qu’on nous a dit de nous méfier les uns des autres, n’est-ce pas? Cela a été normalisé et cela l’est encore dans une certaine mesure dans le système juridique. Nous devons vraiment être vigilants à cet égard.

Et puis nous avons ce message qui vient du système canadien, qui est censé nous représenter parce que nous sommes Canadiens, et ensuite des extrémistes musulmans. De plus, nous ne sommes pas non plus intégrés à ce système, n’est-ce pas? Nous sommes donc isolés par notre expérience. Beaucoup de jeunes ont l’impression d’être isolés, ils se sentent coincés entre ces étiquettes — l’étiquette de terroriste ou d’extrémiste, puis l’étiquette de « l’autre » — et leur identité est vraiment mise à mal. Bon nombre des jeunes et des parents à qui je parle ont peur de quitter un centre comme Toronto ou Montréal pour aller vivre ailleurs, là où il n’y a pas vraiment d’autres musulmans, parce qu’ils ne savent pas à quoi s’attendre. Je travaille actuellement à l’Hôpital pour enfants SickKids. Ce que je vais vous dire n’est pas un secret. Nous avons vu dans les médias ce jeune garçon de 13 ans de Bradford qui a été gravement agressé, dans ce qui est probablement un incident haineux islamophobe et antimusulman qui a eu pour conséquence une hémorragie cérébrale chez ce jeune de 13 ans.

À ce propos, je pense qu’on peut parler d’un plus grand nombre de contacts avec les musulmans et de la représentation des musulmans en tant que véritables Canadiens. Je suis d’accord avec Taha Ghayyur pour dire que cela doit être fait. Nous avons besoin d’un plus grand nombre de contacts, mais nous devons aussi nous demander pourquoi, encore aujourd’hui — plusieurs centaines d’années plus tard — « le Canadien » est toujours un homme blanc. Un Canadien n’est pas un Autochtone, un Canadien n’est pas un Noir, le Canadien est un homme blanc. Le projet de loi 21 en est un excellent exemple, car que disons-nous? Les gens qui ont le droit d’enseigner à nos enfants sont seulement ceux qui ont une certaine apparence, ou seulement des gens qui croient en certains idéaux?

Je peux seulement aborder la question du point de vue de la santé mentale, mais je constate une augmentation des taux de dépression et d’anxiété ainsi que des réactions traumatiques chez les enfants que je vois. Les parents ne savent pas vers qui se tourner et les établissements de santé et de santé mentale ne savent pas vraiment quoi faire. Pendant de nombreuses années, nous ne comprenions pas les répercussions de ces changements sur les communautés. Nous comprenons maintenant que des problèmes particuliers affligent les communautés noires et les communautés autochtones et qu’il est très important de disposer de systèmes médicaux adaptés à ces communautés. Il est également très important d’être traité par une personne qui comprend vos défis spirituels et d’avoir accès à des soins adaptés à la spiritualité et à la culture d’une personne. Je pense que c’est le cœur du problème. Les gens ne veulent pas aller voir quelqu’un qui ne comprendra pas, qui minimisera ou remettra en question ce qu’ils ont vécu, comme ce pauvre garçon de 13 ans devra probablement le faire à l’hôpital pour enfants.

La présidente : Merci. Je suis désolée, votre temps est écoulé. J’ai parlé contre le projet de loi 21 au Sénat, je ne sais pas si vous êtes au courant. Quand j’ai dit que j’allais prendre la parole, un collègue m’a pris à part et m’a demandé de ne pas dénigrer le Québec. Donc, peu importe où nous sommes, les problèmes sont là. Et je dirai aux imams de suivre ce qui se passe à Ottawa, à Queen’s Park, pour savoir qui sont vos champions et qui ne le sont pas. Vous devez éduquer le public pour qu’il pose les bonnes questions parce que vous avez ce pouvoir.

Les gens viennent dans les mosquées, ils vous écoutent, et vous pouvez les éduquer. Je pense que nous devrions regarder au-delà des lignes de parti. Le gros problème, à mon avis, c’est que nous faisons partie de tel ou tel parti. Non, posez les bonnes questions à tous ceux qui se présentent à votre porte, peu importe leur parti. Vous avez une énorme responsabilité et un rôle à jouer, et je vous remercie de vous être manifestés.

Chers témoins, je tiens à remercier chacun d’entre vous pour vos exposés, pour avoir pris le temps de venir ici, pour vos observations et pour avoir eu la patience de répondre à nos questions. Cela nous aidera quand nous serons prêts à rédiger notre rapport. Nous sommes également dans un processus d’apprentissage et ce que nous avons entendu lors de notre passage à Vancouver, Edmonton et Québec nous a convaincus d’y inclure une section spéciale sur l’islamophobie sexospécifique parce qu’il est très difficile d’être une musulmane qui porte le hidjab et encore plus difficile d’être une musulmane noire qui porte le hidjab. Alors, je vous remercie. Sénateur Arnot, très brièvement. Nous avons un autre groupe de témoins. Merci.

Le sénateur Arnot : Je voulais simplement dire que vous ne l’avez pas remarqué, mais Heather Fenyes voulait faire un bref commentaire.

Mme Fenyes : Je pourrai vous en faire part plus tard.

La présidente : Je le ferais. Si vous...

Mme Fenyes : Plus tard?

La présidente : Pouvez-vous être très brève et prendre 30 secondes?

Mme Fenyes : Oui.

La présidente : Sinon, après.

Mme Fenyes : Vous avez dit quelque chose de puissant. Vous avez parlé d’un manque de leadership, et cela m’a vraiment fait réfléchir. C’est un problème qui commence au sommet et qui est imbriqué dans tout. Je ne suis pas musulmane, je ne porte pas de hidjab, mais c’est quelque chose qui me touche personnellement. La femme qui a pris la parole avant moi a dit que cela a assez duré, nous avons des comités, nous avons des conversations, le fait que Chrystia Freeland — et c’est pourquoi j’ai soulevé la question — a été attaquée. Je vous entends implicitement. La réponse a été disproportionnée, mais c’est un bon exemple de ce qui se passe de haut en bas. Il y a quelque chose de très, très malsain, et c’est pourquoi je supplie ce comité de ne pas seulement nous donner l’occasion d’être entendus, mais de faire partie d’un changement fondamental. Je pense que je parle au nom de nous tous en disant que nous serons disponibles de toutes les façons possibles pour contribuer à ce changement et de passer des paroles à l’action. Merci beaucoup.

La présidente : Merci.

Dr Al-Nadvi : Madame, si vous me le permettez, 10 secondes seulement.

La présidente : Oui.

Dr Al-Nadvi : Un point très important.

La présidente : Oui, allez-y. Vous disposez de seulement 10 secondes.

Dr Al-Nadvi : Nos enfants — un nouveau phénomène est en train d’émerger. Ils déclarent qu’ils sont athées et la raison pour laquelle ils sont bombardés de questions, ils disent que nous ne sommes pas musulmans. Donc, l’athéisme n’est pas un choix, mais une sorte d’évasion.

La présidente : Merci. Tout ce que nous avons entendu aujourd’hui, deux analystes très compétents sont parmi nous. Le greffier, les sénateurs et moi sommes de la partie, et ainsi de suite. Nous rédigeons tous des notes parce que tout ce qui est dit nous amène à un autre niveau. C’est comme si j’avais pelé un oignon et trouvé une succession de couches. Nous apprenons constamment, nous évoluons, et ce rapport — nous allons probablement poursuivre cette étude jusqu’en décembre — sera publié au printemps. Je vais essayer de m’assurer qu’il soit remarqué. Parfois nos efforts ont des échos, parfois les choses sont enterrées, et nous aurons des recommandations très fermes.

Le comité siège les lundis, de 17 heures à 19 heures, et nous sommes diffusés en direct, alors si cela vous intéresse. Nous ne siégerons pas lundi prochain parce que nous avons beaucoup voyagé et je pense que les analystes et le personnel ont besoin d’une pause. Merci beaucoup.

Nous allons maintenant passer à notre troisième groupe de témoins. Je tiens à vous remercier, monsieur Furqan Abbassi. Je sais que vous venez de loin, et je tiens à vous remercier d’avoir pris le temps de comparaître devant nous. Vous représentez le groupe Soul Brothers Pakistan; vous en êtes membre et vous êtes entrepreneur. Je vous cède donc la parole. Je vous demanderais de limiter vos observations à six ou sept minutes, après quoi les sénateurs vous poseront des questions. Merci.

Furqan Abbassi, membre et entrepreneur, Soul Brothers Pakistan : Merci. Bonjour. Je représente Soul Brothers Pakistan, un organisme sans but lucratif. J’aimerais commencer par remercier les organisateurs de m’avoir invité à parler d’islamophobie aujourd’hui.

Le mot « islamophobie » est malheureusement devenu un terme plus important et largement accepté aujourd’hui. Pourquoi ce mot existe-t-il? Il corrompt la véritable perception et déforme l’identité d’une religion qui représente la paix, l’égalité et la compassion envers les autres.

Comment pouvons-nous permettre que de tels termes s’inscrivent dans le vocabulaire courant? Il porte atteinte à la croyance fondamentale de cette religion en la paix et le respect des autres êtres humains de toutes confessions.

J’aimerais souligner les répercussions sur les femmes musulmanes canadiennes depuis l’introduction du terme « islamophobie ». Comme vous le savez peut-être déjà, la plupart des musulmanes s’identifient en couvrant leur tête d’un foulard. Depuis que les médias grand public ont normalisé l’utilisation du terme islamophobie, la discrimination et les agressions physiques à l’encontre des femmes musulmanes ont sérieusement augmenté.

Nos médias doivent mieux représenter les véritables idéaux de la religion islamique en remplaçant la représentation effrayante de la religion, ainsi que la fausse idée que cette religion opprime les femmes, laquelle idée a été implantée dans la perception du public de l’Islam et de ses adeptes.

Nous avons besoin de plus de chefs d’antenne, de réclames et de publicités dans les médias sociaux qui représentent une famille musulmane, ou une musulmane n’hésitant pas à porter un foulard au risque de perdre son emploi. Les nouvelles font référence à des violations des droits des femmes ou utilisent leur image, surtout lorsqu’elles portent des vêtements religieux, pour présenter l’islam comme un problème. En général, les médias occidentaux présentent une image négative et parfois hostile des musulmans.

Sur le marché du travail, les musulmanes sont confrontées non seulement à l’islamophobie, mais aussi à la discrimination sexuelle et ethnique. Ces facteurs discriminatoires sont principalement dus à la façon dont les musulmanes choisissent de se couvrir la tête et le corps.

Dans le cadre de cette discrimination, différents facteurs s’ajoutent en fonction du type de tenue religieuse qu’une femme peut porter. Nous sommes nombreux à connaître le hidjab, qui est un foulard couvrant la tête. Cela pourrait être plus acceptable sur le plan social pour certains Canadiens. Cependant, si la même femme porte la burka, une robe longue qui va de la tête aux pieds, elle est soudainement perçue comme dangereuse ou plus opprimée que les femmes qui ne portent qu’un foulard.

À l’heure actuelle, le Québec a une loi 21 qui interdit les symboles religieux en milieu de travail. Les personnes touchées sont principalement des femmes de différentes religions qui portent un couvre-chef. Les musulmans sont également durement touchés par cette interdiction. Une fois de plus, des femmes musulmanes portant un couvre-chef ont été renvoyées de leur lieu de travail. C'est ce qui se passe au Québec à l’heure actuelle, mais il existe de sérieuses craintes quant à savoir quelle province sera la prochaine à agir ainsi.

J’ai eu la chance d’être accueilli au Canada et de m’y sentir chez moi. J’ai fondé une entreprise ici et j’ai eu l’occasion de créer des emplois pour d’autres Canadiens et de participer à la croissance économique. Tout au long de mon parcours, j’ai employé des personnes de toutes les confessions, de tous les sexes et de tous les pays, et cela m’attriste d’entendre parler de la difficulté qu’ont les femmes musulmanes à trouver un emploi.

Il est triste de constater qu’en tant que père, j’ai dû parler à mes enfants de l’islamophobie et les préparer à se protéger dès leur jeune âge. Que faire si un jour ma fille choisit de porter un foulard? Comment puis-je préparer ma fille à surmonter des obstacles supplémentaires, des difficultés et même de la discrimination pour réaliser ses rêves, si elle veut devenir médecin, avocate ou politicienne comme vous? Un jour, elle devra choisir entre sa religion et sa carrière. Nous sommes venus au Canada, ce pays est devenu notre foyer en raison de sa diversité, de ses droits et de sa liberté.

L’islam a un message très clair de paix pour toute l’humanité. Le monde reste silencieux lorsqu’il s’agit de défendre la liberté d’expression de l’islam et des musulmans. Le monde musulman parle encore de paix plutôt que de vengeance. Le Canada est perçu comme pays civilisé; est-il civilisé de se moquer de la religion d’une personne?

Merci de m’avoir écouté, et j’ai hâte de contribuer au changement.

La présidente : Merci beaucoup, monsieur Abbassi. Il est très révélateur que vous parliez de votre enfant, du fait qu’elle pourrait vouloir porter un hidjab et de la peur qui vous habite. Comme musulman, comme tout le monde, on ne devrait pas avoir peur lorsque son enfant veut s’habiller d’une certaine façon. Tous les Canadiens ont le droit fondamental de s’habiller comme bon leur semble. Et, vous savez, c’est bien de se laisser aller à l’émotion parce que ce sont des questions émotionnelles dont nous parlons. Merci. Je vais donc demander au sénateur Oh de poser des questions. Vous n’avez pas de questions? Merci. Sénatrice Gerba.

La sénatrice Gerba : Merci, madame la présidente. C’est émotionnel. Étant moi-même entrepreneure, je dois faire face à ce genre de craintes. Un jour, ma fille m’a dit : « Maman, tu n’as pas besoin de porter un foulard pour te rendre à ton commerce. Personne n’achètera tes marchandises, tu ne pourras convaincre les gens de les acheter, si tu portes cela », alors je peux comprendre. C’est seulement un commentaire.

La présidente : Merci. Oui, voulez-vous répondre? Parce que nous avons tous deux soulevé la question des émotions liées à titre de femmes musulmanes. La sénatrice Gerba et moi vous comprenons et nous comprenons votre crainte pour vos enfants.

M. Abbassi : Lorsque j’ai préparé ce discours, lorsque j’ai été invité à participer à cet événement, l’islamophobie est un facteur très important pour chaque musulman qui en fait l’expérience. J’étais donc déconcerté par ce que je devais dire, comment le dire et quels domaines couvrir. Heureusement, je suis entouré de beaucoup de femmes : ma fille, mon épouse, mon personnel. Je travaille dans le domaine de la santé et de la beauté. Alors, je leur ai demandé, ainsi qu’à tous les membres de ma communauté, « comment voyez-vous l’islamophobie, comment la percevez-vous? » Et ils m’ont dit que les questions les plus importantes pour eux étaient les femmes et le hidjab. Ma femme a parfois peur de le porter. Elle a dit des choses comme : « Puis-je prendre le transport en commun et porter le hidjab? Comment les gens me regarderont-ils? Que vais-je subir? »

Les femmes musulmanes portent le hidjab; certaines d’entre elles m’ont dit qu’elles avaient pensé à se présenter à une entrevue sans porter de foulard, qu’elles avaient pensé à poser leur candidature quelque part et ne pas porter de foulard pendant trois mois, jusqu’à la fin de la période d’essai, pour pouvoir conserver leur emploi. C’est dire à quel point la situation est devenue difficile pour elles.

C’est émotionnel parce que, oui, j’entends d’autres personnes parler de leurs droits, mais d’avoir cette conversation avec ma fille, quand elle me dira : « Alors, papa, qu’est-ce que je fais? Est-ce que je pratique ma religion? Est-ce que je renonce à cela ou à ma passion? » La diversité est la raison pour laquelle nous avons choisi de venir au Canada et d’en faire notre foyer. On nous a dit que nous aurions des droits et la liberté de religion et de parole, mais on a l’impression que les discours haineux sont cachés derrière la disposition sur la liberté d’expression qui nous permet de dire ce que nous voulons.

Lorsque nous arrivons dans ce pays comme immigrants, nous sommes très respectueux des personnes qui vivent ici depuis des générations. Nous essayons d’adopter leur culture, leurs traditions, et d’introduire nos traditions et notre culture dans notre foyer, afin de ne pas avoir honte en public.

Madame la présidente, je me souviens que vous avez demandé au groupe de témoins précédent si le mot « islamophobie » devrait être changé. L’islamophobie, c’est avoir peur de la religion. Enfant grandissant en Amérique du Nord, j’avais un surnom parce que les gens ne pouvaient pas prononcer mon nom Furqan. Je me suis donc donné le nom de Frank pour que ce soit plus facile pour les gens. Et en y repensant, je réalise que c’était la mauvaise chose à faire.

Aujourd’hui, le mot islamophobie signifie peur de l’islam. Tant que je me présente comme Canadien, que je m’appelle Frank, je profite de la vie, je bois, tout va bien, tout le monde m’accepte, il n’y a pas de problème. Mais dès que je deviens Furqan et que je pratique ma religion cinq fois par jour, si je dis Bismillah Rahamani Raheem, les gens me regardent et me disent : « Oh, qu’est-ce qui vous est arrivé? Est-ce que ça va? Êtes-vous en train de vivre une situation? Avez-vous un problème? » Je leur dis que je n’ai pas de problème, que je suis un musulman pratiquant. Mais je suis comme un extraterrestre dans cette société parce que mon nom est passé de Frank à Furqan.

Donc, le problème n’est pas les musulmans, c’est l’islam lui-même. Les gens ont peur de cela, le mot islam lui-même, comme « D’accord, allons-nous être frappés par la charia? », et ainsi de suite, ce qui est un droit pour moi. Étant musulman et pratiquant depuis des années, je ne suis pas au courant des lois particulières de la charia, contrairement à certains non-musulmans. Ils me demandent : « Étiez-vous au courant de cela? » Je pense que c’est pris hors contexte. Nous ne vivons pas à cette époque. De toute évidence, cela ne s’applique pas de nos jours, n’est-ce pas? Mais les gens trouvent des prétextes pour nous attaquer.

Que vivons-nous à titre de musulmans? Je voudrais partager une histoire que l’une de mes employées m’a racontée récemment. Elle est d’origine européenne et travaille pour nous depuis plus de 10 ans. Lorsqu’elle a commencé son emploi, les gens l’ont approchée et lui ont demandé : « Comment pouvez-vous travailler avec les musulmans? Ils vont vous opprimer et profiter de vous. » Elle était nerveuse au début de sa carrière avec nous, mais elle est vite tombée amoureuse de nous. Elle a appris beaucoup de choses sur notre religion et notre culture, et a dit à quel point elle pense que nous sommes semblables.

Chaque année, pendant le ramadan, j’organise une soirée d’iftar dans ma maison pour réunir tous les politiciens, tous les non-musulmans qui viennent chez moi pour voir ce que nous faisons, comment nous jeûnons et quelles sont nos traditions. Et nous sommes des gens normaux, nous rêvions de venir dans ce pays et de réussir. Je suis un exemple parfait. J’ai vécu des difficultés et ce pays m’a ouvert les bras et m’a permis de réussir. Je fais partie du rêve canadien. J’ai des entreprises, une belle femme et des enfants magnifiques, une excellente éducation, une belle maison, et je suis aimé dans ma collectivité de Bradford. Mais je ne veux pas que mes enfants vivent une situation où ils doivent me dire : « Papa, je n’ai pas obtenu ceci ou cela parce que je suis musulman » ou pour telle ou telle raison. Je pense donc que nous devrions commencer par reconnaître le problème et accepter qu’il existe, et non pas alourdir le fardeau des différents ministères en disant : « Très bien, pourquoi le ministère de l’Éducation ne s’en occupe-t-il pas? »

Mais comment pouvons-nous régler ce problème? Comme nous avons des politiques sur le harcèlement sexuel et le harcèlement en milieu de travail, c’est quelque chose que nous devrions cerner, et nous l’avons fait. Une employée qui travaille à la réception dans mon magasin est musulmane et elle porte le hidjab. Ma femme avait peur et elle se demandait de quelle façon les clients allaient réagir. Une de mes employées portait un hidjab et un client est entré dans le magasin, à Toronto. [Difficultés techniques] Mais l’un de mes employés a dit : « Oh, bien sûr, ils vont embaucher leurs propres gens » ou « Oh, vous êtes plus nombreux maintenant », parce qu’ils sont en présence de plus d’une personne musulmane. Comment devrais-je réagir? Nous avons donc contacté une société de ressources humaines, nous avons essayé d’obtenir une vidéo sur l’islamophobie, pour sensibiliser ces gens à l’islamophobie et leur expliquer que ce type de commentaires n’est pas acceptable. La solution serait donc de savoir où les gens sont le plus touchés. Vous savez, c’est à la maison ou au travail que les gens passent le plus clair de leur temps.

La présidente : Merci. Sénateur Arnot, avez-vous une question ou un commentaire?

Le sénateur Arnot : Merci, madame la présidente. Je n’ai qu’un commentaire. Merci d’être venu, monsieur Abbassi. J’apprécie vraiment votre passion, votre émotion, et ce sont des questions qui tiennent beaucoup à cœur et auxquelles il n’y a pas de réponses faciles, évidemment. Mais nous espérons que les recommandations de ce comité permettront de reconnaître que tout le monde a des droits dans ce pays et que tout le monde a la responsabilité de respecter ses concitoyens.

Il s’agit d’une responsabilité fondamentale de la citoyenneté canadienne et elle doit se manifester d’une manière bien différente et préférable à l’avenir parce que nous devons être à la hauteur de ce que nous avons, c’est-à-dire une recette pour l’harmonie dans notre Charte des droits et libertés, dans nos mécanismes de gouvernement, et nous n’en sommes pas encore là. Cela ne se fera pas par vœux pieux ou par osmose; il faut qu’il y ait des politiques, des programmes et un engagement intentionnel et explicite des gouvernements aux niveaux fédéral, provincial et municipal, à mon avis.

Je vous remercie donc de nous avoir fourni cette information. Je vous suis reconnaissant de ce que vous dites et d’avoir pris le temps de venir ici aujourd’hui pour nous dire ce que nous devons savoir. Merci.

La présidente : Merci. Vous avez soulevé une question importante au sujet des noms, et on en a parlé brièvement, mais nous allons approfondir la question. J’aimerais approfondir cette question, car elle découle de mon expérience personnelle. Ma fille a obtenu son diplôme d’avocat, a eu de la difficulté à trouver un emploi et on lui a dit de changer de nom.

Vous savez, Ataullajhan est difficile à prononcer, puis je l’ai nommée Shaanzéh, ce qui empire les choses. Je lui ai présenté de nombreuses excuses et elle m’a dit : « Non, je ne suis pas à l’aise de travailler dans un endroit où on veut que je change de nom. On doit m’accepter pour ce que je suis. » Donc, merci, vous avez soulevé une question importante et je tiens à vous remercier. Je crois que vous devriez inviter quelques sénateurs lors du prochain ramadan, à l’occasion de votre iftar.

M. Abbassi : Certainement. Encore une fois, le problème avec l’islamophobie qui surgit chaque fois que nous nous sentons isolés, et nous aimons ouvrir nos portes, et nous sommes une communauté formidable à Bradford. Nous aimerions que vous vous joigniez à nous pour voir comment nous nous entendons. Et je suis d’accord avec le dernier groupe de témoins — comme musulmans, nous avons la responsabilité de présenter notre culture et notre religion à l’occasion du Mois du patrimoine islamique. C’est un excellent mois. Nous avons cela et nous pouvons commencer à en parler, à faire notre part, et j’ai l’impression que c’est la raison pour laquelle certains d’entre nous, musulmans, échouent en ne faisant pas notre part. Nous devons lutter à titre de musulmans pour arriver à un point où nous pouvons aller de l’avant, et j’adorerais vous inviter à notre prochain ramadan pour goûter de la nourriture épicée pakistanaise et voir comment cela se passe.

J’espère que cette communauté grandira, et j’aimerais terminer sur une pensée. À la suite de cette recherche et de cette étude, nous devrions nous demander pourquoi nous faisons cela. Vous avez parlé d’un incident où des gens ont dit que nous allions prendre des mesures et agir, mais rien n’a été fait, et je pense qu’il est temps de commencer à en parler, car des gens opprimés s’expriment maintenant à l’échelle internationale. Alors, je crois que le temps est venu de le reconnaître, de l’accepter, de s’en excuser pour que nous puissions tous aller de l’avant, et que tout le monde soit égal. À l’échelle internationale, les gens voient le Canada comme le pays le plus socialisé, le plus juste, celui qui est ouvert à tout le monde, et c’est formidable. Mon rêve est de voir cela se réaliser un jour.

La présidente : Merci.

M. Abbassi : Très bien.

La présidente : Merci beaucoup. Je tiens à vous remercier de votre témoignage. Vous savez, cela nous aidera beaucoup lorsque nous rédigerons le rapport. N’hésitez pas à envoyer une communication écrite au greffier du comité si vous désirez ajouter quelque chose que vous avez peut-être oublié. Je sais que vous avez fait un long voyage, merci.

M. Abbassi : Je vous remercie de me donner l’occasion de m’exprimer.

La présidente : Oui. Honorables sénateurs, nous allons lever la séance et nous reprendrons demain matin à 9 heures. Merci beaucoup.

(La séance est levée.)

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