LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES DROITS DE LA PERSONNE
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le lundi 14 novembre 2022
Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit aujourd’hui, à 17 h 4 (HE), avec vidéoconférence, pour examiner les questions qui pourraient survenir concernant les droits de la personne en général; et à huis clos, pour étudier un projet d’ordre du jour (travaux futurs).
La sénatrice Salma Ataullahjan (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Je m’appelle Salma Ataullahjan, sénatrice de Toronto et présidente du comité. Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit aujourd’hui, et j’aimerais en profiter pour présenter les membres du comité qui sont présents : le sénateur Arnot, de la Saskatchewan, la sénatrice Omidvar, de l’Ontario; la sénatrice Gerba, du Québec; et le sénateur Housakos, du Québec.
Le comité examine aujourd’hui la question de l’islamophobie dans le cadre de son ordre de renvoi général. Notre étude portera, entre autres, sur le rôle de l’islamophobie dans la violence en ligne et hors ligne contre les musulmans, la discrimination fondée sur le sexe, ainsi que la discrimination dans l’emploi, y compris l’islamophobie dans la fonction publique fédérale.
Notre étude portera également sur les sources de l’islamophobie, ses répercussions sur les personnes, notamment sur leur santé mentale et leur sécurité physique, ainsi que de possibles solutions et interventions du gouvernement.
Après avoir tenu deux réunions en juin à Ottawa, le comité a tenu des réunions publiques en septembre à Vancouver, Edmonton, Québec et Toronto. De plus, nous avons visité des mosquées dans chacune de ces villes. Nous poursuivons maintenant nos réunions publiques à Ottawa.
Voici quelques renseignements au sujet de la réunion. Nous aurons deux rencontres d’une heure avec des témoins. Dans chaque cas, nous entendrons les témoins, et ensuite les sénateurs leur poseront des questions. Après la partie publique de la réunion, le comité tiendra une courte réunion à huis clos pour discuter de ses travaux futurs.
J’aimerais maintenant vous présenter nos premières témoins, à qui nous avons demandé de nous présenter une déclaration liminaire de cinq minutes.
Nous avons le plaisir d’accueillir Monia Mazigh, auteure, activiste en droits humains et professeure agrégée de recherche, Département de langue et littérature anglaises, Université Carleton; et Samira Laouni, présidente-directrice du C.O.R. et présidente et cofondatrice de la Semaine de la sensibilisation musulmane.
J’invite maintenant Mme Mazigh à nous présenter sa déclaration liminaire.
Monia Mazigh, auteure, activiste en droits humains et professeure agrégée de recherche, Département de langue et littérature anglaises, Université Carleton, à titre personnel : Honorables sénateurs, je vous remercie de votre invitation à venir témoigner. Je tiens à remercier la sénatrice Salma Ataullahjan et la sénatrice Mobina Jaffer de leurs efforts inlassables pour sensibiliser les Canadiens à l’islamophobie et trouver des façons de s’attaquer au problème.
Je m’appelle Monia Mazigh. J’ai témoigné pour la dernière fois devant un comité parlementaire en septembre 2003, soit il y a environ 20 ans, lorsque mon mari, Maher Arar, se trouvait encore dans une prison syrienne. La soi-disant « guerre contre la terreur » était alors à son paroxysme. Cette guerre a infléchi non seulement la politique mondiale, mais aussi la politique canadienne, et elle a fait basculer la vie de nombreux Canadiens musulmans, y compris la mienne.
Les musulmans canadiens sont alors devenus une « cinquième colonne » et ils devaient continuellement prouver leur loyauté au Canada chaque fois que des musulmans menaient une attaque violente au Canada ou ailleurs dans le monde.
Lorsque j’ai immigré au Canada au début des années 1990, je voulais élargir le champ des possibles dans mes études, mais surtout, avoir la liberté de pratiquer ma religion sans être jugée. En Tunisie, où je suis née et j’ai grandi, les possibilités qui s’offraient à moi s’amenuisaient dès que je portais mon voile, le hidjab. Ce qui marquait donc le début d’un parcours spirituel personnel, dans lequel je voulais être fidèle à mon identité musulmane tout en poursuivant mon rêve d’enseigner à l’université, s’est donc graduellement transformé en un énorme obstacle.
Mon hidjab était une source de soupçons pour les autorités, de moqueries pour mes amis et de discrimination dans mon école. Le Canada à ce moment-là me semblait l’endroit idéal pour pratiquer librement ma foi, comme je la comprenais, tout en poursuivant mes études supérieures. Je me suis vite rendu compte, malheureusement, que le Canada n’était pas « l’eldorado » dont je rêvais. Lorsque je me suis inscrite au programme de doctorat en finance à l’Université McGill, ma demande a d’abord été placée sur une longue liste d’attente, puis sur une courte liste d’attente, avant d’être finalement acceptée. Après avoir obtenu mon doctorat, j’ai postulé quelques postes en finance. On m’a dit à plusieurs reprises qu’il y avait trop d’autres candidats qualifiés ou que le poste était supprimé en raison de coupes budgétaires.
Je n’aurai jamais la preuve parfaite pour vous que la source de ces refus était mon hidjab; cependant, je peux vous dire que lorsque je suis enfin devenue professeure de finance à l’Université Thompson Rivers à Kamloops, en Colombie-Britannique, j’ai reçu des lettres haineuses anonymes qui étaient envoyées à mon adresse à la faculté et dans lesquelles on qualifiait mon hidjab de « chiffon sur ma tête ». Un jour, lorsque je faisais partie d’une tribune sur l’islamophobie, on m’a dit que j’étais « opprimée ». La personne en question, qui était journaliste, m’a dit carrément que peu importe le nombre de mes diplômes, je serais toujours à ses yeux une femme opprimée.
Il y a quelques jours, je regardais une entrevue avec la baronne Sayeeda Warsi, la première femme politique musulmane britannique. Elle a souligné à juste titre qu’avant le 11 septembre, les immigrants britanniques étaient étiquetés en fonction de leurs origines — Asiatiques, Asiatiques du Sud, Africains — ou en fonction de la couleur de leur peau, noire ou marron. Après le 11 septembre, la religion, en particulier l’islam, a fini par nous définir entièrement, mais malheureusement, dans un contexte rempli de stéréotypes, de désinformation et de haine. Je suis totalement d’accord avec son compte rendu bref et très précis des difficultés que nous rencontrons aujourd’hui en tant que musulmans vivant en Occident.
Dans ce contexte d’islamophobie, j’ai eu connaissance de cas de femmes musulmanes qui ont décidé d’enlever leur hidjab simplement parce qu’elles ne voulaient pas être jugées uniquement en fonction de celui-ci. Après tout, elles ont des diplômes et des compétences, et leur voile n’est qu’une de leurs nombreuses identités. Parallèlement, dans les médias, certains politiciens et certains commentateurs nous ramènent sans cesse à cette seule identité : musulman. Elle est généralement examinée à travers un prisme étroit et déformé.
Ces vingt dernières années, j’ai travaillé et collaboré avec de nombreuses organisations de défense des droits de la personne pour attirer l’attention du gouvernement canadien sur la situation critique de plusieurs Canadiens musulmans détenus à l’étranger, et même ici au Canada. Évidemment, tout a commencé avec le cas de mon mari. Dans chacun de ces cas, l’islamophobie a joué un rôle important dans la manière injuste dont ces personnes ont été traitées.
Alors que les femmes musulmanes sont toujours jugées en fonction du symbolisme particulier associé à leur hidjab, les hommes musulmans sont eux confinés à la violence et au terrorisme. Depuis l’introduction de la Loi antiterroriste par le Parlement canadien en 2001, seuls des Canadiens musulmans ont été accusés et condamnés en vertu de cette loi, comme si tout un ensemble de lois canadiennes avait été conçu pour cibler exclusivement les musulmans canadiens. S’il ne s’agit pas d’islamophobie, alors quel autre nom pouvons-nous donner à ce phénomène?
Il y a des années, j’ai démissionné de mon poste de professeure de finances et j’ai décidé d’écrire. J’ai commencé par écrire ma propre histoire, puis je me suis mise à écrire des romans sur des femmes musulmanes. Je suis issue d’une lignée de femmes fortes qui trouvent leur énergie dans leur foi et leur spiritualité, et je suis très fière de perpétuer leur héritage. Je ne me définirai jamais comme une victime, mais plutôt comme une conteuse, ou mieux, comme une diseuse de vérité. C’est précisément la raison pour laquelle je continue d’écrire et de dénoncer les injustices, y compris l’islamophobie. Je vous remercie.
La présidente : Merci beaucoup.
[Français]
Samira Laouni, directrice du C.O.R. et présidente et cofondatrice de la Semaine de la sensibilisation musulmane, à titre personnel : Bonsoir, madame la présidente, mesdames les sénatrices et messieurs les sénateurs.
Merci infiniment de cette invitation qui me donne l’occasion d’exprimer mes craintes et mes observations sur l’islamophobie, notamment au Québec plus spécifiquement.
Je m’appelle Samira Laouni, et je vais vous parler longuement des effets de l’islamophobie sur l’emploi au Québec.
Pour moi, vivre au Canada et au Québec, c’est s’épanouir dans une société pluraliste qui se targue de ses valeurs d’inclusion, de respect et de bienveillance envers l’autre. Nous ne devons pas seulement aspirer à vivre ensemble, mais nous devons travailler main dans la main pour construire ensemble une société exempte de rejet et de haine.
Ainsi, en avril 2010, nous avons créé le C.O.R. dans la foulée des accommodements raisonnables. Le C.O.R., qui est un organisme de communication, d’ouverture et de rapprochement interculturel, est aussi un organisme sans but lucratif.
Nous avons également cofondé la Semaine de la sensibilisation musulmane, la Muslim Awareness Week en anglais, qui prône la vision selon laquelle chaque Québécois et Québécoise doit se sentir et être traité comme un citoyen à part entière, quelles que soient ses croyances, son origine, la couleur de sa peau, sa langue maternelle ou tout autre marqueur identitaire.
De telles aspirations exigent des solutions cohérentes et cohésives centrées sur un dialogue productif, mais celles-ci sont souvent bloquées par des positions polarisées et l’absence d’un sens de la responsabilité partagée.
Alors que nous sommes encore en train de discuter de la terminologie à utiliser, que ce soit les termes « islamophobie » ou « racisme antimusulman », les crimes haineux continuent d’augmenter. Je cite :
Selon Statistique Canada, le nombre de crimes haineux signalés par la police ciblant les religions musulmanes en 2021 a augmenté de 71 % par rapport à l’année précédente.
Ceci est certainement lié au contexte marqué par les enjeux politico-identitaires au Québec, comme on a pu le constater pendant la dernière campagne électorale, notamment avec les propos islamophobes de la candidate péquiste dans Sainte-Rose et les affirmations mensongères sur les immigrants de Jean Boulet, ministre sortant de l’Immigration :
80 % des immigrants s’en vont à Montréal, ne travaillent pas, ne parlent pas français ou n’adhèrent pas aux valeurs de la société québécoise.
Je me demande parfois quelles sont les valeurs de la société québécoise.
Est-ce que ce ministre, M. Boulet, s’est demandé pourquoi, si c’est le cas, les immigrants ne travaillent pas? A-t-il considéré la non-reconnaissance des diplômes, des qualifications, de l’expérience, en particulier par les ordres professionnels qui imposent des barrières quasi insurmontables?
A-t-il compris les effets néfastes du projet de loi no 21 qui, en discriminant directement les femmes qui portent le hidjab, rend légitimes les préjugés contre toutes les personnes musulmanes — ou qu’on suppose musulmanes?
Pour nous, obliger des femmes à porter le hidjab, comme ce que l’on voit en Iran, ou l’interdire au travail est également inacceptable.
A-t-il mesuré l’épaisseur du plafond de verre qui empêche l’ascension dans l’échelle professionnelle, non seulement pour les nouveaux arrivants, mais aussi pour la deuxième génération?
Deux recherches universitaires menées au Québec ont démontré qu’il y avait de la discrimination dans l’accès à l’emploi en fonction du nom de famille.
En cette période de pénurie de main-d’œuvre extrême au Québec, chacun peut trouver une « job », mais un grand nombre d’immigrants, en particulier ceux qui sont étiquetés comme « musulmans », occupent des emplois sans aucun lien avec leurs qualifications, des emplois dédaignés par la majorité des Québécois.
Donc, notre première proposition pour lutter contre l’islamophobie est d’améliorer le projet de loi contre le discours haineux. Comprenons-nous bien : oui, nous sommes pour la liberté d’expression, mais en reconnaissant que celle-ci s’arrête là où elle touche la dignité d’une personne.
Il faut mettre en place une ligne téléphonique, comme SOS Racisme, qui pourrait recueillir et répertorier les appels des citoyens victimes, mais surtout diriger ceux-ci vers les ressources adéquates.
Il faut une formation obligatoire, comportant des exemples réels, de tous les policiers ou de tous les corps policiers au sujet des dispositions de la loi, afin que ceux-ci soient en mesure de recueillir et de bien formuler les plaintes des citoyens. Ainsi, on pourra constituer un observatoire de l’islamophobie.
Nous demandons également que tous les politiciens concluent un pacte afin de s’engager à ne jamais — même pour plaisanter — exprimer ni tolérer une quelconque atteinte envers quelque minorité que ce soit.
Nous avons besoin de campagnes publicitaires pour sensibiliser le grand public. On pense d’abord à des messages publicitaires durant les bulletins de nouvelles dans les médias conventionnels. On y présenterait des travailleurs et travailleuses d’origines variées — d’origine européenne également — dans différents domaines d’emploi. On présenterait aussi des personnes qui se font remarquer pour leur apport particulier à notre société. Un bon exemple — et je vous conseille fortement de le visionner — est le documentaire intitulé Pluri’Elles, de l’Institut F.
Il faudrait assurer un financement récurrent aux projets de sensibilisation dont on a pu prouver l’efficacité. En effet, les bailleurs de fonds insistent pour que les projets soumis soient innovants; c’est souvent un critère déterminant. Pourquoi un nouveau projet serait-il forcément préférable à celui dont l’utilité a déjà été démontrée?
Nous suggérons de développer des dispositifs assurant une représentation proportionnelle de la diversité dans la fonction publique, dans les divers conseils d’administration, etc.
Il existe des mécanismes pour établir la parité des genres et l’équité salariale dans la fonction publique fédérale grâce à la Loi sur l’équité en matière d’emploi. Des amendements doivent y être apportés afin de rendre obligatoire la représentation des diverses minorités selon leur proportion dans la population. Évidemment, il faut que cela soit fait à compétences égales. Il faudrait des procédures internes, au moins dans la fonction publique, qui permettront de faire éclater les plafonds de verre, de façon à favoriser l’ascension professionnelle des personnes issues de l’immigration.
En conclusion, si nous travaillons de concert pour diminuer les préjugés et les stéréotypes à l’encontre de la diversité en général, mais plus particulièrement des citoyens arabo-musulmans, nous parviendrons ensemble à améliorer l’accès à des emplois conformes aux compétences.
Je vous remercie.
[Traduction]
La présidente : Je vous remercie pour vos observations. Avant de commencer la période de questions et réponses, j’aimerais demander aux sénateurs et aux témoins présents dans la salle de ne pas se pencher trop près du microphone et de ne pas retirer leurs écouteurs. Nous éviterons ainsi tout retour de son qui pourrait avoir un effet négatif sur le personnel du comité présent dans la salle.
Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs. Je rappelle aux sénateurs que, comme par le passé, ils disposent de cinq minutes pour poser leur question et obtenir une réponse.
La sénatrice Omidvar : Merci à nos deux témoins. Vous avez fait d’excellentes présentations, et je vous en remercie vivement. J’ai d’abord une question pour Mme Mazigh et, si possible, au second tour, pour Mme Laouni.
Madame Mazigh, votre plaidoyer et votre combat pour la justice en faveur de votre mari ont été réellement admirables. Ma question est la suivante : depuis cette époque, il y a 20 ans, comment les lois sur la sécurité nationale ont-elles été ajustées ou modifiées de manière à intégrer les leçons tirées de l’extradition de votre mari en Syrie?
Mme Mazigh : Merci. Il y a une réponse courte à cette question, et une réponse plus longue. Je vais commencer par la plus courte. En 2007, le juge O’Connor, qui avait à l’époque été mandaté par le gouvernement fédéral, a publié deux rapports. L’un portait sur ce qui est arrivé à mon mari. L’autre était une recommandation à l’intention du gouvernement fédéral. Je suis malheureusement sûre à 99 % qu’aucune de ces recommandations n’a été adoptée par le gouvernement pour remédier à ces situations.
Le même scénario — une extradition — pourrait donc se reproduire, et nous obtiendrons alors le même résultat malheureux. Nous devrons compter sur les particuliers, les militants sociaux et les organisations de défense des droits de la personne pour faire connaître ces cas, sans compter sur l’aide du gouvernement.
La version longue est que, sans vouloir paraître partisane ou m’associer à un parti ou à un autre, je pense que ces dernières années, bien que ces recommandations n’aient pas été mises en œuvre, le climat général d’arrestations et de persécutions injustes des musulmans s’est un peu apaisé. Les lois que j’ai mentionnées dans mes observations — la Loi antiterroriste — n’ont pas été appliquées aussi souvent. Néanmoins, ces lois existent toujours, et même si le contexte a un peu changé, notre Code pénal contient malheureusement toujours une série de lois qui visent exclusivement — même si ce fait n’est pas explicite, évidemment — les musulmans. Ils sont accusés et condamnés en vertu de ces lois.
Je voudrais dire quelque chose. Au Canada, la plupart des attaques terroristes qui ont eu lieu et les victimes qu’elles ont faites relèvent de l’islamophobie. Elles n’ont pas eu lieu dans le cadre d’autres actes — disons — criminels. Je trouve donc très inquiétant que ces lois particulières, qui font toutes passer les musulmans pour des êtres violents, soient toujours en vigueur. Beaucoup d’entre elles contribueront à l’islamophobie dont nous parlons, la peur irrationnelle des musulmans.
La sénatrice Omidvar : Madame Mazigh, pensez-vous, compte tenu de l’état de l’islamophobie dans ce pays — et des personnes ont déjà présenté ici des preuves et des témoignages très troublants — que le rapport du juge O’Connor devrait être rouvert dans le cadre des recommandations de cette étude?
Mme Mazigh : Tout à fait. Je pense que c’est essentiel. Nous avons consacré trois années et des fonds publics pour produire un rapport d’une grande importance. Certaines de ses recommandations ont été mises en œuvre — la création d’une agence intégrée auprès de laquelle les personnes peuvent présenter leurs plaintes au sein non seulement de la GRC, mais aussi d’autres organismes. Cependant, ces mesures ne suffisent pas. Le Canada compte encore des organismes... Je vais vous donner un exemple très simple. La liste d’interdiction de vol existe encore. Mon époux ne peut pas prendre l’avion, bien que 20 années se soient écoulées depuis ce qui s’est passé, ou même 15. De nombreux autres musulmans ne peuvent pas voyager. Le pire, c’est qu’ils ne savent pas pourquoi. Cette liste d’interdiction de vol est donc un autre exemple flagrant et évident d’islamophobie. Je ne vous dis pas que toutes les personnes qui figurent sur cette liste d’interdiction de vol sont nécessairement des musulmans, mais on y trouve de nombreux musulmans.
À l’époque où je travaillais pour la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles, Transports Canada ne voulait même pas nous communiquer le nombre de Canadiens qui figuraient sur cette liste. On parle de 1 500 personnes, mais ils ne pouvaient même pas nous le dire parce qu’ils estimaient que le fait de communiquer ces renseignements constituait une menace pour la sécurité nationale. La majorité des Canadiens n’ont probablement pas connaissance de ce type d’information et n’en entendent pas parler. Mais si, lorsque vous vous rendez à l’aéroport pour prendre l’avion, vous êtes humilié devant votre famille et qu’ils vous disent que vous ne pouvez pas voyager sans vous expliquer pourquoi, cela pose problème.
La sénatrice Omidvar : Merci.
Le sénateur Arnot : Je remercie les témoins de leur présence aujourd’hui. Je vous suis très reconnaissant de vos conseils.
J’aimerais que vous nous parliez de la question suivante : le Canada a été décrit comme l’expérience de pluralisme la plus réussie que le monde ait jamais connue. Il y a beaucoup de vérité dans cette affirmation, mais il y a aussi une certaine fragilité. Madame Mazigh, vous avez dit que le Canada n’était pas « l’eldorado » que vous pensiez qu’il serait ou pourrait être. Mon point de vue est que le Canada n’a pas investi suffisamment pour réussir à intégrer la diversité et faire du Canada le pays qu’il devrait être.
Quels conseils pouvez-vous nous donner, notamment en ce qui concerne le pouvoir de l’éducation? Je pense au système allant de la maternelle à la douzième année et au système universitaire. J’ai également entendu des commentaires sur l’éducation des adultes. J’aimerais savoir ce que vous avez à dire à ce sujet. Les deux témoins pourraient répondre à cette question.
Mme Mazigh : Lorsque vous parlez d’éducation, parlez-vous du système allant de la maternelle à la 12e année ou du système universitaire?
Le sénateur Arnot : Les deux.
Mme Mazigh : Il est très important de reconnaître ce fait, même si je dois également insister sur le fait que je ne suis pas une experte. Certaines personnes ont probablement de meilleures idées. Cependant, en tant que mère de deux enfants qui ont fait leur scolarité dans le système public et qui sont également allés à l’université, je peux vous dire que nous avons beaucoup à faire en ce qui concerne la modification de nos programmes d’études, par exemple. Je vais vous raconter une anecdote très simple.
En Ontario, les élèves de 11e année peuvent suivre un cours facultatif sur les religions du monde. Je pense que c’est une très bonne idée, mais pour des raisons de chronologie, ils commencent par certaines religions anciennes et finissent par l’islam, qui se trouve être la troisième et dernière religion monothéiste. En général, le professeur n’a pas assez de temps pour l’enseigner. Aussi simple et anecdotique que ce fait puisse paraître, je pense que nous devons changer cela. Je ne dis pas qu’il faut étudier l’islam en premier ou en deuxième, mais jamais en dernier.
Nous devons trouver des idées novatrices. Récemment, Statistique Canada a publié la proportion de musulmans au Canada. Nous devrions être représentés d’une manière ou d’une autre, que ce soit parmi les professeurs ou dans les programmes d’études. Il existe de nombreux obstacles dont mon amie Samira Laouni a parlé en matière d’emploi. Des professeurs pourraient probablement être embauchés rapidement, formés en très peu de temps et intégrés au système public, afin qu’ils puissent enseigner et représenter cette diversité.
Oui, la société canadienne est très ouverte et multiculturelle par rapport à d’autres sociétés. Je l’admets. Néanmoins, je pense que le Canada est malheureusement le seul pays du G7 qui connaît un nombre aussi élevé d’attaques islamophobes. Nous devons faire quelque chose pour remédier à cette situation.
Le sénateur Arnot : L’autre témoin a-t-elle le temps de répondre?
La présidente : Oui, bien sûr.
Le sénateur Arnot : Madame Laouni, avez-vous des commentaires à faire concernant ma question?
[Français]
Mme Laouni : Merci de votre question. Le problème est que la question de l’éducation en est une de compétence provinciale. Je ne pense pas que M. Legault veuille vraiment écouter quelque chose qui viendrait du fédéral.
Lorsqu’il y avait le cours d’éthique et culture religieuse, qui est maintenant aboli, il est certain que cela a beaucoup aidé pour la connaissance de l’autre et l’ouverture à l’autre dans toute sa diversité, que ce soit la diversité sexuelle, de genre, de religion ou de couleur. C’était vraiment extraordinaire. J’avais personnellement participé à l’élaboration du curriculum avec le ministère de l’Éducation du Québec.
Ce cours n’existe malheureusement plus, mais il n’en demeure pas moins que, comme l’a dit ma collègue Monia Mazigh, on pourrait former des enseignants, surtout au niveau universitaire, parce que c’est là que cela se joue. Peut-être que l’on pourrait jouer un rôle dans la formation rapide des enseignants de niveau universitaire pour qu’ils agissent à leur tour dans la formation des élèves en pédagogie, par exemple, ou en intervention sociale pour les intervenants sociaux. Ce serait une bonne chose à faire.
[Traduction]
Le sénateur Arnot : Merci. Cette question s’adresse aux deux témoins. Mme Laouni m’a dit qu’elle proposait d’améliorer la loi sur le discours haineux. Je me demande ce que vous en pensez. Je voudrais simplement souligner que nous semblons avoir beaucoup d’exemples des États-Unis où il y a en fait très peu de réglementation du discours haineux ou de tout autre type de discours, alors qu’au Canada, nous avons toujours eu une réglementation du discours pour ce qui est du libelle, de la diffamation, de la fraude ou de la haine. Comment pensez-vous que les mesures relatives au discours haineux pourraient être renforcées d’une meilleure façon, d’une façon beaucoup plus expéditive?
[Français]
Mme Laouni : Il est certain que les crimes haineux sont déjà bien réglementés au Canada, mais les propos haineux demeurent un peu comme... Je dirais qu’il y a un flou autour des propos haineux et qu’on ne sait pas comment les définir par rapport à la diffamation ou à autre chose. Si on établit une règle selon laquelle la liberté d’expression — personne n’est contre la vertu et la liberté d’expression — s’arrête une fois qu’elle touche la dignité de l’autre, je dis bien la dignité de la personne, qu’elle devient haineuse... Si on met cette barrière, je pense que l’on pourrait parvenir à contenir davantage les propos haineux. Ils deviennent de plus en plus nombreux, surtout avec les médias sociaux et les algorithmes sur Facebook, Twitter, Instagram et d’autres.
Si vous voyiez la gravité, la méchanceté et le nombre de propos haineux... On sent une haine, excusez le mot, mais une haine crasse dans les médias sociaux. Parfois, on se demande si c’est vraiment un être humain qui traite un autre être humain de cette manière. La liberté d’expression est une chose, mais arrêter de toucher à la dignité de l’autre, c’en est une autre. Cette distinction est nécessaire, je crois.
[Traduction]
Le sénateur Arnot : Merci. Madame Mazigh, avez-vous des commentaires à faire sur cette question?
Mme Mazigh : Nous avons vu de nombreux exemples. Tout est question de fixer la barre, de la manière dont on la fixe et du niveau auquel on la fixe. Si je prends le cas de la Loi antiterroriste, par exemple, ou le cas du terrorisme, la barre a été fixée à un niveau très élevé. Je pense que certains législateurs souhaitaient en quelque sorte inspirer la peur à de nombreux musulmans. Je pense qu’ils ont réussi d’une certaine manière, car beaucoup de musulmans vivent dans la peur de nos jours.
Je ne dis pas qu’il faut nécessairement essayer de mettre en œuvre la même chose que ce que j’ai dénoncé, mais si nous établissons le critère du discours haineux à un niveau qui fait comprendre aux gens que ce qu’ils disent a des conséquences, il est évident que nous obtiendrons certains résultats. Mais, à l’heure actuelle, la limite entre la haine et la liberté est floue. Lorsqu’il s’agit de musulmans et d’islamophobie, il est toujours question de liberté d’expression. Il ne s’agit jamais de prévoir des conséquences à ce que les gens disent. En tant que société civilisée, nous devons faire preuve d’honnêteté vis-à-vis de nos valeurs, de ce que nous prêchons réellement.
Les gens sont aujourd’hui très intelligents, pas seulement parce qu’ils ont des téléphones intelligents, mais aussi parce qu’ils perçoivent l’hypocrisie du système. Si nous permettons à certaines personnes de dire certaines choses, et que nous défendons à d’autres personnes de dire d’autres choses, alors le système ne fonctionne pas bien.
Nous devons proposer des réglementations en ligne qui correspondent à ce que nous disons ou prétendons être — civilisés, justes et équitables. Pour l’instant, ce n’est pas ce que je vois. Nos lois sur la haine sont très médiocres et mal appliquées.
[Français]
La sénatrice Gerba : Merci à nos témoins pour leurs témoignages touchants. Ma première question s’adresse à Mme Laouni.
Je vous remercie de vos recommandations, qui sont très pertinentes et nous seront très utiles. Je voudrais revenir sur le point de la reconnaissance des diplômes. Est-ce que vous pensez qu’il y a un lien entre l’islamophobie et la reconnaissance des diplômes au Canada? Si c’est le cas, que pouvons-nous faire, en tant que législateurs, pour faire bouger les choses? Quelles sont vos attentes?
Mme Laouni : Il faut dire que, quand on est un immigrant reçu, comme vous le savez, on subit tout un processus d’évaluation de nos diplômes, de notre âge et de notre santé, afin que l’on nous permette de nous établir au Québec.
En ce qui concerne la reconnaissance des diplômes, je suggérerais que cela se fasse à même les pays d’origine, avant même que l’immigrant s’établisse au Canada, que ce soit dans n’importe quelle province, parce que, de toute manière, la personne est en processus de recrutement pour venir au Canada. Il faut de deux à trois ans pour obtenir la reconnaissance d’un diplôme, mais pendant ce temps, la personne a besoin de nourrir sa famille. Elle n’a pas le temps d’attendre que la reconnaissance se fasse.
Maintenant, est-ce qu’il y a une relation directe? Je ne peux pas affirmer une telle chose. Je n’ai pas étudié ce point spécifiquement. Par contre, les diplômes, qu’ils viennent du Maghreb ou de l’Afrique, par exemple, ne sont jamais reconnus à leur juste valeur. Un doctorat marocain a l’équivalence d’un baccalauréat ou, à la limite, s’il est scientifique, d’une maîtrise canadienne. Ce ne sont pas du tout les mêmes équivalences.
Au Québec, les diplômes européens, surtout français, sont reconnus au même niveau. Encore là, il y a quand même des problèmes de curriculum. Par exemple, j’ai un doctorat de la Sorbonne qui a été reconnu comme une maîtrise. Ce qu’on m’a expliqué, c’est que puisque la France n’a pas un système semestriel, mais plutôt un système annuel, le doctorat a été appelé un « doctorat universitaire », et non un « doctorat d’État ». C’est une explication vraiment bizarre pour dire que mon doctorat n’a pas l’équivalence d’un doctorat québécois. Est‑ce à cause de mon nom ou du curriculum établi? Je n’en sais rien. Je ne peux pas faire la preuve de cela. Ce qui est certain, c’est que dès qu’on n’a pas un nom à consonance québécoise, l’embauche est problématique au Québec. C’est certain, et plusieurs études l’ont prouvé à maintes reprises.
La sénatrice Gerba : Lors d’une entrevue que vous avez donnée, vous avez affirmé que le Québec a eu un geste positif en dérogeant au projet de loi no 21 pendant la pandémie, en permettant à des personnes portant des signes religieux de travailler dans le milieu de la santé. Est-ce que cela a fait bouger les choses par rapport au projet de loi no 21, et quelle évaluation faites-vous de cela aujourd’hui?
Mme Laouni : Malheureusement, je ne crois pas que les dispositions prises par le gouvernement québécois par rapport au projet de loi no 21 concernant les travailleurs, et surtout les travailleuses dans le domaine de la santé, ont fait bouger les choses. Tout le monde a souffert de la pandémie, qui a été une période très difficile à plusieurs égards. On a vu que la grande majorité des travailleuses — et je parle bien des femmes — sont issues d’une grande diversité d’origines autres que canadiennes, qu’elles soient des Haïtiennes, des Marocaines, des Tunisiennes, des Algériennes, etc.
Malheureusement, même M. Legault s’est fait photographier alors qu’il recevait un vaccin d’une femme portant le hidjab. Il y a eu plusieurs commentaires haineux qui ont suivi ce gazouillis. C’est là où l’on sent la gravité de l’islamophobie. On doit ajouter à cela une clause de droits acquis, qui fait en sorte que les femmes portant le foulard, qui travaillaient déjà dans un centre de services scolaire au Québec avant l’adoption de la loi et qui continuent d’y travailler, ont le droit d’y rester, mais sous certaines conditions.
Si ces femmes déménagent du centre de services ou si elles changent de zone géographique, elles perdent leur droit d’enseigner. Si elles veulent changer de poste ou si elles souhaitent obtenir une promotion professionnelle, elles n’y ont pas droit. Pourtant, le projet de loi no 21 a été adopté pour sauvegarder l’égalité entre les femmes et les hommes. Pourtant, si un homme enseignant musulman veut changer de zone géographique, il en a le droit, tout comme il a le droit de prétendre à une promotion professionnelle. Les choses n’ont fait qu’empirer au Québec avec le projet de loi no 21. Celui-ci n’a aidé ni le Québec ni les musulmans au Québec.
[Traduction]
Le sénateur Housakos : Merci d’être avec nous aujourd’hui. Merci de nous faire part de votre point de vue.
Pour commencer, je tiens à préciser qu’il n’y a rien de pire que la xénophobie, l’islamophobie ou toute autre forme de phobie. Chaque fois que les êtres humains ont peur de quelque chose qu’ils ne connaissent pas ou qu’ils n’ont pas vraiment compris, cela semble toujours se manifester par la laideur.
La réalité est que le racisme ne se limite pas au Canada. Ce n’est pas un problème canadien. C’est un problème mondial. Malheureusement, il fait partie de la nature humaine. Je l’ai moi‑même constaté en tant que fils d’immigrants. La vérité est que le Canada est un pays où vous êtes soit un immigrant, soit un enfant d’immigrant. Si nous ne trouvons pas le moyen de faire avancer tout le monde dans la même direction, le Canada ne réalisera jamais son plein potentiel.
Je ne suis pas d’accord pour dire qu’une législation pourrait éradiquer l’islamophobie, pas plus qu’elle ne pourrait éradiquer le racisme. Il est important de créer des lois sur la haine, comme nous l’avons fait. Il est important de prévoir dans le Code criminel diverses lois qui sont appliquées lorsque les gens dépassent les bornes. Il est important que le gouvernement continue d’éduquer les gens au sein de nos institutions afin d’accomplir ce que nous avons accompli.
Encore une fois, si vous regardez l’histoire du Canada, la façon dont nous avons traité nos peuples autochtones, il y a une certaine laideur. Si l’on examine la relation entre les deux peuples fondateurs du Canada, les Français et les Anglais, il y a eu de la laideur. La façon dont les Irlandais catholiques ont été traités lorsqu’ils sont arrivés dans l’histoire du Canada est tout aussi laide. Lorsque les Juifs sont arrivés ici pendant une certaine période, il y a eu encore plus de laideur. Nous pourrions continuer ainsi longtemps.
J’ai grandi dans un endroit appelé Parc-Extension. C’est là que je suis né. C’est un endroit où vivent des immigrants. C’est là qu’ils s’installent quand ils arrivent au Québec. À mon époque, 80 % d’entre eux. Madame Laouni, je suis sûr que vous connaissez cet endroit.
Quand j’étais enfant, nous étions séparés par une clôture : les enfants pauvres, les enfants d’immigrés et les enfants riches. La clôture est toujours là. Quand j’étais enfant, elle était cadenassée. Vous ne pouviez même pas aller de l’autre côté pour demander des bonbons le soir de l’Halloween.
Je sais ce que ça fait. Quand je défends les groupes racisés, je le fais parce que je suis passé par là. De toute évidence, la situation des groupes victimes de discrimination aujourd’hui est beaucoup plus compliquée parce qu’il s’agit de minorités visibles, de minorités religieuses et autres.
J’ai trois questions, la première étant la suivante : le multiculturalisme canadien contribue-t-il à lutter contre l’islamophobie? Je n’en suis pas certain. Je pense parfois que le multiculturalisme nous sert bien, alors qu’à d’autres moments, il me semble qu’il crée des Canadiens avec un trait d’union, ce qui nous divise et nuit à l’intégration.
J’ai également constaté que les enfants d’immigrants peuvent être confrontés au racisme dans le monde. Il existe des lois au Canada. La plupart des Canadiens sont fondamentalement bons. Avec le temps, nous persévérons. Mes parents m’ont toujours dit de baisser la tête, de travailler fort, de respecter la loi, et que j’arriverais là où je dois aller.
J’observe le Sénat aujourd’hui et je trouve qu’il est très représentatif de notre pays. La Chambre des communes l’est moins, mais elle commence à être un peu plus représentative. Je regarde nos institutions de maintien de l’ordre et nos professeurs d’université. Nous avons beaucoup de travail à accomplir, particulièrement à l’égard de la communauté musulmane, mais nous nous rapprochons lentement du but.
Le multiculturalisme nous aide-t-il ou est-ce que le gouvernement devrait chercher davantage à favoriser l’intégration? Que faudrait-il faire?
Ma deuxième question est la suivante : au cours des sept dernières années, le gouvernement Trudeau a énormément parlé d’islamophobie. Il se présente à toutes les parades pour mettre le genou à terre et il est de toutes les manifestations. Mais selon votre témoignage, les taux d’islamophobie augmentent et la crise s’aggrave. Si je comprends bien, le gouvernement mérite un « F ».
Je voudrais que vous me disiez ce qu’il en est. C’est une question partisane, mais nous sommes dans une Chambre du Parlement.
Ma troisième question est également partisane : si le degré de haine envers une communauté donnée augmente, comme j’ai l’impression que c’est le cas pour avoir entendu de nombreux électeurs de Montréal, pourquoi les institutions de maintien de l’ordre comme le SPVM et la SQ sont-ils incapables de porter plus d’accusations et d’appliquer le Code criminel plus efficacement? Ces forces obtiennent-elles un « F » également? Que pouvons-nous faire pour rectifier la situation?
C’était une observation et trois questions.
[Français]
Je suis tout à fait d’accord avec vous; en tant que Québécois, je trouve que le projet de loi no 21 est complètement dégueulasse — je vais utiliser ce mot. Il faut faire plus, mais je vois aussi avec le temps que les gens ont du bon sens. On gagne tranquillement la guerre. Je me souviens qu’avant la dernière élection provinciale, selon un sondage mené au Québec, 80 % des gens étaient en faveur de cette loi. Maintenant, si on regarde les sondages, plus on en parle, plus les Québécois se rendent compte que c’est de la discrimination. Je pense que la meilleure chose est de sensibiliser nos voisins et amis. On va finir par arriver au bon sens. Merci.
Mme Laouni : Merci beaucoup pour vos commentaires et vos questions, sénateur. En ce qui concerne le multiculturalisme — et vous le savez comme moi, vous êtes Québécois vous aussi —, il y a la différenciation et les susceptibilités qui existent.
Au Québec, on ne parle pas de multiculturalisme, on parle d’interculturalisme. Dès que l’on prononce le mot « multiculturalisme », il y a un drapeau rouge qui se lève. Que l’on parle de multiculturalisme ou d’interculturalisme, cela aide certainement à diminuer l’islamophobie.
Il faut voir maintenant comment tout cela est traité, travaillé et mis ensemble pour rapprocher les gens. C’est pour cela que, dans mes propositions, j’ai parlé de continuer de financer des projets qui ne sont pas toujours innovants, parce que la condition sine qua non pour déposer un projet, c’est qu’il soit innovant. Pourtant, il y a des projets qui ont déjà été réalisés.
Par exemple, le C.O.R a mené un projet intitulé « Empowerment des filles musulmanes par l’art et la rencontre de l’autre ». C’était un projet aussi intergénérationnel qu’interculturel, parce qu’on a rassemblé des mères et des filles musulmanes de trois grandes villes du Québec : Québec, Sherbrooke et Rimouski. Le plus gros du travail se faisait à Montréal, et on a rencontré des groupes de femmes féministes dites « de souche », des Québécoises de souche, donc des Canadiennes françaises. Ensemble, on a formé de petits groupes. Vous pouvez visiter notre site Web, au www.corapprochement.com, afin de voir leurs créations, leurs peintures et leurs slams. Vous verrez comment elles se sont exprimées ensemble pour parler de la liberté des femmes, des droits des femmes, de l’émancipation des femmes, etc.
À ce moment-là, on a oublié qui était Québécoise de souche, qui portait le voile ou non, quel était l’âge des participantes; on a tout oublié. Le dénominateur commun, c’était les droits des femmes et l’émancipation des femmes. Malheureusement, le financement de ce projet est terminé et on ne peut plus y travailler de nouveau, bien qu’il crée des occasions où l’on pourrait refaire l’expérience avec d’autres femmes.
En ce qui concerne votre deuxième question, le gouvernement fédéral actuel a fait énormément de travail — je sais qu’on est en recrutement afin de trouver une personne qui serait chargée d’aider à contrer l’islamophobie, et c’est un poste très important. Malgré cela, l’augmentation du taux de crimes haineux et de propos haineux est faramineuse, et c’est très grave. La question qui se pose est la suivante : est-ce parce que les gens sont plus sensibilisés qu’avant qu’ils portent plainte? Il y a des spécialistes qui croient que oui. Y a-t-il vraiment plus d’actes haineux en tant que tels qui sont posés? Là aussi, c’est une réalité, mais il est certain que, en tant que leaders au Québec. nous avons fait beaucoup de sensibilisation auprès des femmes pour montrer comment filmer ces actes, comment porter plainte, etc. C’est quelque chose qui a été largement fait au Québec.
Pour ce qui est de la question concernant le SPVM et la SQ, comme je l’ai proposé, il faut plus de formation pour les corps policiers afin qu’ils comprennent exactement les plaintes formulées par les victimes, pour qu’ils puissent les transcrire et les déposer sous forme de plaintes officielles auprès des tribunaux. Cela se fait très rarement.
En 2008, quand j’ai été candidate aux élections fédérales, j’ai reçu chez moi une lettre anonyme contenant des menaces de mort. Le bureau directeur du parti pour lequel je me suis présentée est venu pour m’accompagner au poste de police de mon quartier. En me présentant à la policière, je lui ai montré la lettre et lui ai expliqué ce qu’il en était. Elle m’a remis un formulaire de grand format, qui ressemblait à un fichier Excel, en me disant de revenir la voir lorsque j’aurais fini de remplir toutes les cases avec tous les incidents. Donc, la formation des corps policiers est très importante. Je vous remercie.
[Traduction]
La présidente : Je vous remercie.
La sénatrice Omidvar : Je vous remercie, madame la présidente. Je tenterai de m’en tenir au temps qui m’est accordé. Plus succinctement que le sénateur Housakos, je conviendrai avec lui qu’on peut réglementer les comportements, mais pas les attitudes. Nous devons toucher le cœur et l’esprit des gens ayant cette peur irrationnelle.
Le gouvernement du Canada a annoncé en juin un appel de candidatures afin de doter le poste de représentant spécial chargé de la lutte contre l’islamophobie. Je pense qu’il s’apprête à annoncer les résultats de ce concours.
Ma question s’adresse à vous deux. Approuvez-vous cette démarche, qui s’inscrit dans la foulée du Sommet national sur l’islamophobie de 2021? Qu’espérez-vous que ce représentant pourra accomplir exactement en luttant contre des attitudes?
La présidente : Je me demande également pourquoi le gouvernement a mis un an et demi à doter ce poste. Il ne pouvait pas trouver de candidats alors que le Canada compte 1,5 million de musulmans? Je crois comprendre que ce sera un poste de représentant qui sera occupé par deux titulaires. J’ai discuté avec le ministre dernièrement et je l’ai interrogé à ce sujet. Je voudrais que vous répondiez à la question de la sénatrice Omidvar.
Mme Mazigh : Je pense que le symbolisme d’un représentant spécial chargé de la lutte contre l’islamophobie est très important. Et je dis très nettement qu’il y a là un symbolisme. J’ai parlé de fixer la barre plus tôt, et je pense que oui, il y a tout un symbolisme derrière ce rôle.
Je suis très curieuse de voir si cette personne ou ces deux personnes disposeront d’assez d’indépendance, de pouvoir, d’outils et de financement et d’un mandat suffisamment fort, et je suivrai l’affaire très étroitement. Si ce n’est qu’une manière de dire « Oui, on s’en occupe », mais que pendant ce temps-là, le représentant est soumis à une énorme pression sans disposer des outils et du mandat nécessaires, ce sera un coup d’épée dans l’eau, je suppose.
C’est un premier pas méritoire, mais très modeste. Nous devons faire très attention et être très vigilants.
Je voudrais également ajouter quelque chose à propos de l’islamophobie en général. Je pense que nous avons parlé de l’islamophobie sur les plans de l’emploi et de la loi. Comme un sénateur l’a souligné, le phénomène est également international. Même si l’islamophobie venait un jour à disparaître au Canada, il suffit qu’il se produise dans le monde un événement comme celui qui a frappé les États-Unis. Nous n’avons pas été directement touchés ici, mais tout à coup, le Canada a légiféré et a adopté des lois antiterroristes, ce qui a engendré la haine.
Je pense que nous ne devons pas agir seulement sur le plan juridique, tout important soit-il; nous devons également agir sur le plan institutionnel. La GRC, Sécurité publique et les corps de police locaux envoient du personnel pour surveiller les communautés musulmanes et espionner dans les mosquées. C’est affreux, car nous les payons pour qu’ils ciblent la communauté.
Oui, nous voulons vivre en sécurité. Par contre, le centre-ville d’Ottawa a été occupé, et devinez quoi? Ce n’était pas les musulmans. C’était par d’autres groupes, dont plusieurs appartiennent à des groupes suprémacistes blancs. Il faut garder un œil sur tous les groupes qui constituent une menace au Canada et pas en cibler quelques-uns. Or, il se trouve que les groupes faciles à cibler, à surveiller et à espionner sont musulmans.
Je pense qu’il faut faire très attention. Ces institutions devraient admettre qu’elles ont contribué à l’établissement et à l’acceptation de l’islamophobie au Canada.
L’éducation et la formation qu’elles offrent sont peut-être utiles, mais je pense qu’il faut surtout qu’elles admettent ce qui s’est passé, et reconnaissent qu’elles ont commis des erreurs et ont mal agi envers certaines personnes qui étaient qualifiées de communistes ou envers certaines personnes noires qui sont encore surveillées. Je pense qu’il faut s’assurer que nos propres institutions n’alimentent pas l’islamophobie et le racisme en général.
La présidente : Je vous remercie.
La sénatrice Omidvar : Je demande que la séance soit prolongée de cinq minutes.
La présidente : D’accord, nous la prolongerons de cinq minutes. Pouvez-vous fournir des réponses très brèves?
La sénatrice Omidvar : Je poserai l’autre question à Mme Laouni. Immédiatement après vous, nous entendrons la GRC et Sécurité publique Canada. Quelles questions voudriez‑vous que nous leur posions?
Permettez-moi de formuler ma question autrement. La GRC et l’Agence des services frontaliers du Canada sont deux acteurs importants du domaine de la sécurité. Des preuves — issues de témoignages et de la recherche — indiquent que des musulmans sont appréhendés à la frontière et empêchés de voyager en sécurité, que ce soit en raison des zones d’exclusion aérienne ou des questions qu’on leur pose.
Le gouvernement a l’intention de soumettre ces deux forces à une surveillance indépendante publique. Que pensez-vous du rôle des forces de sécurité dans le contexte de l’islamophobie?
[Français]
Mme Laouni : Merci de la question. Je crois que la sécurité nationale est une nécessité sur n’importe quel territoire. Cependant, avoir de telles listes, ne pas savoir combien de personnes figurent sur ces listes et ne pas en connaître la raison est problématique et demeure problématique. Il faudrait demander une explication.
Mme Mazigh a parlé de son mari et je pourrais vous parler du mien, qui se fait constamment arrêter pour un contrôle plus spécifique de ses papiers lorsqu’il voyage. Pourtant, il n’a jamais eu de problème de sécurité au Canada ou ailleurs dans le monde entier. Il se fait arrêter parce qu’il a un nom musulman et parce qu’une autre personne portant le même nom que lui a des problèmes aux États-Unis, apparemment. On le confond avec cette personne des États-Unis.
Il faut vraiment faire la distinction entre le fait de préserver la sécurité et la manière de la préserver. Il est certain que cela ne doit pas se faire au détriment des personnes et de la dignité des personnes. Peut-être faudrait-il demander à la GRC et à Sécurité publique Canada ce qu’ils font pour réellement creuser, connaître les cas affichés ou s’assurer qu’une personne est problématique ou non. Que font-ils pour cela? Je ne sais pas. J’ai travaillé bénévolement pendant sept ans au comité de la diversité auprès de la commissaire de la GRC. J’ai soulevé cette question à maintes reprises et chaque fois, la réponse que je recevais était que la question ne relevait pas de la sécurité nationale ni de la GRC. Il faut fixer des responsabilités.
Ce n’est plus possible qu’une institution renvoie chaque fois la balle à une autre institution pour se décharger de ses responsabilités. Je pense que c’est nécessaire.
La sénatrice Gerba : En ce qui concerne votre situation personnelle, vous avez indiqué que vous avez quitté vos fonctions et que vous vous concentrez maintenant sur l’écriture. Avez-vous abandonné à cause de l’islamophobie qui existe dans le milieu universitaire?
Mme Mazigh : Non. Lorsque j’ai démissionné de mon poste de professeure à l’université, c’était pour des raisons personnelles. Je me rappelle toutefois que mes amis et mes collègues m’ont dit à l’époque : « Tu vas aller à Ottawa et on va faire la file pour te recruter. » Je suis retournée à Ottawa et il n’y avait pas de file. J’ai présenté ma demande aux deux universités et personne ne m’a recrutée.
C’est une question très importante, parce qu’on ne peut jamais prouver, ou alors très rarement, qu’il y a eu de la discrimination. Ce sont des institutions universitaires et, en général, les compagnies sont très bien rodées pour ne pas divulguer les raisons pour lesquelles on n’est pas accepté. Malheureusement, il y aura toujours un bon candidat de pareille stature qui présentera sa candidature en même temps que nous, donc on ne le saura jamais. Par contre, comme le dit ma mère, c’est mon cœur qui me le dit. C’est mon cœur qui me le dit et je pense que, effectivement, il y a de la discrimination.
Allez juste voir s’il y a assez de femmes qui portent le hidjab. Ce que l’on va vous dire, c’est que non, on recrute des musulmans, on a des personnes... Si ce sont des musulmans invisibles, si ce sont des hommes qui n’ont pas l’air de musulmans ou si ce sont des femmes qui choisissent de ne pas divulguer leur foi — et c’est tout à fait leur droit —, je dis qu’il y a un autre côté de la médaille que l’on ne nous montre pas. Personnellement, je connais très peu de femmes qui portent le hidjab et qui enseignent à l’université. On est très loin de cet idéal de multiculturalisme ou de diversité. On le fait, oui, de plus en plus, et parfois même dans un but de profit et de marketing. Les nouvelles générations veulent des modèles, donc on le fait parfois, et c’est tant mieux, mais on est très loin du compte.
La sénatrice Gerba : Merci.
Mme Laouni : Mon expérience personnelle, c’est que j’ai envoyé des curriculum vitæ et, pour chaque emploi auquel je posais ma candidature, je recevais automatiquement un appel pour une entrevue téléphonique. À chaque entrevue téléphonique, j’étais invitée à une entrevue en personne. Chaque fois que j’arrivais sur les lieux pour l’entrevue — cela me fait encore rire, parce que maintenant, cela ne me vient plus me toucher, cela me fait rire —, la personne qui me recevait pour annoncer mon arrivée me regardait bizarrement, courait et je l’entendais dire : « La dame porte quelque chose sur la tête. »
Mon cas était déjà réglé d’avance, avant même que je parle, avant même que j’adopte un comportement de candidate qui, assise en entrevue devant l’employeur, tentait d’exprimer verbalement et même corporellement, avec des gestes, mon intention de travailler à cet endroit et ce que je pourrais apporter à ce travail. Au bout de plus de 50 expériences de ce genre, je peux vous dire que, psychologiquement, je n’étais plus capable de poser ma candidature ni d’aller passer une entrevue.
C’est pour cela que j’ai mis en place le C.O.R. Je me suis dit : « Je suis une intellectuelle, j’ai appris, j’ai quand même reçu un grand enseignement. Je ne vais pas rester et pleurer sur mon sort à la maison dans la cuisine auprès de mes casseroles. Il faudra bien que je sorte. »
[Traduction]
La présidente : J’ai une très brève question, à laquelle vous pouvez répondre par « oui » ou « non ». Je suis sûre que vous savez qu’en Ontario, les professeurs vont donner des cours sur l’antisémitisme aux enfants de sixième année. Pensez-vous qu’il faudrait faire de même pour l’islamophobie?
Mme Mazigh : Certainement. Je pense que c’est très important. Les chiffres sur le degré et la gravité de la haine sont éloquents. Des gens ont été tués au pays parce qu’ils sont musulmans. Je ne pense pas qu’il existe d’autre raison.
La présidente : Je vous remercie. C’est une des raisons qui m’ont incitée à proposer cette étude. Le Canada est le pays du G7 où le plus de musulmans sont tués.
Je veux profiter de l’occasion pour vous remercier. Vos exposés nous aideront quand nous rédigerons notre rapport final.
Honorables sénateurs, je vous présenterai maintenant le deuxième groupe de témoins. Chaque témoin fera une allocution d’ouverture de cinq minutes, après quoi les sénateurs leur poseront des questions.
Je souhaite la bienvenue aux témoins qui comparaissent par vidéoconférence. Nous recevons Mark Flynn, commissaire adjoint, Police fédérale, Sécurité nationale et Police de la protection, et Nadine Huggins, dirigeante principale des ressources humaines, de la Gendarmerie royale du Canada. De plus, nous recevons de nouveau Chad Westmacott, directeur général de la Direction de la sécurité communautaire, des services correctionnels et de la justice pénale, de Sécurité publique Canada.
J’invite maintenant M. Flynn à présenter son exposé, suivi de Mme Huggins et M. Westmacott.
Mark Flynn, commissaire adjoint, Police fédérale, Sécurité nationale et Police de la protection, Gendarmerie royale du Canada : Bonsoir, madame la présidente et honorables membres du comité. Je vous remercie de nous avoir invités à témoigner ce soir. Je voudrais commencer en reconnaissant que nous nous trouvons sur le territoire traditionnel non cédé de la nation algonquine.
Comme vous le savez, le Canada est fier de sa diversité, et à juste titre. Mais, malheureusement, nous ne sommes pas à l’abri des crimes à caractère haineux. Depuis 2014, des Canadiens motivés en tout ou en partie par leurs opinions extrémistes ont tué 26 personnes et en ont blessé 40 autres au Canada. L’attentat commis contre une mosquée de Québec en 2017, qui a fait 6 morts et 19 blessés, et l’attaque perpétrée au moyen d’un véhicule à London, en Ontario, qui a coûté la vie à 4 membres innocents d’une même famille et a blessé gravement un enfant, sont deux des exemples les plus connus de crimes commis contre la communauté musulmane. Ces attaques témoignent de la nature des crimes commis au Canada.
En réfléchissant à ces attaques, nous devons impérativement considérer l’incidence que les crimes haineux ont non seulement sur les victimes, mais aussi sur toutes les communautés du pays.
Dans le domaine du maintien de l’ordre, je peux vous dire, à titre de membre de la GRC et du milieu des forces policières, que les corps de police sont particulièrement bien placés pour contrer les crimes haineux grâce à leur présence dans les communautés du pays. Force m’est toutefois d’admettre que l’intervention de la police ne suffit pas. La haine naît avant d’atteindre le seuil criminel, et si nous attendons qu’elle l’atteigne, nous laissons passer des occasions de prévenir des infractions. De plus, alors que je témoigne ici à titre de commissaire adjoint responsable de la sécurité nationale et de la police fédérale, je vous parlerai de mes responsabilités en matière de sécurité nationale, mais aussi des responsabilités du secteur du maintien de l’ordre quand vient le temps de réagir aux crimes haineux.
Pour les crimes haineux, la responsabilité repose principalement sur la police locale compétente, qu’il s’agisse de la GRC, de la police de Toronto, de la Police provinciale de l’Ontario ou d’autres services de police du Canada. Cela étant dit, il existe un important chevauchement entre l’activité criminelle haineuse et certains genres de crimes qui concernent la sécurité nationale, particulièrement sur le plan de l’extrémisme violent à caractère idéologique, qui relève de la section de la sécurité nationale de la GRC et du corps de police compétent. Je peux dire que quand nous avons affaire à des crimes qui relèvent de ces deux sphères de compétences, nous collaborons très étroitement avec nos partenaires du maintien de l’ordre au Canada dans le cadre des enquêtes menées sur ces infractions, mais aussi lorsque nous agissons en interaction avec les communautés que nous servons et les communautés représentatives des victimes de ces actes criminels. Comme je l’ai indiqué, cette coordination va au-delà de l’enquête, et l’interaction avec la communauté constitue une pierre angulaire essentielle de l’efficacité de la police à tous les égards au pays.
Dans certaines questions que je m’attends que vous poserez et dans les réponses qui seront fournies aujourd’hui, vous verrez qu’on adopte diverses approches au pays en ce qui concerne l’interaction avec la communauté et la réaction aux actes criminels, mais je pourrai vous donner quelques exemples quand nous aborderons la question aujourd’hui. Sachez toutefois que dans le cadre du travail que nous effectuons auprès des communautés touchées, nous veillons à ce qu’elles soient soutenues et qu’elles ne soient pas victimes des auteurs d’actes criminels, de la réaction canadienne et internationale, et des stéréotypes associés à ces crimes. Les probabilités de réussir à prévenir les crimes haineux et à mener des enquêtes à ce sujet augmentent substantiellement quand la communauté locale collabore avec la police. Voilà pourquoi je voudrais prendre un instant pour encourager toutes les victimes et tous les témoins de crimes haineux et d’activités haineuses, même si elles ne constituent pas encore des crimes, à signaler ces incidents à la police locale ou au Réseau info-sécurité nationale de la Gendarmerie royale du Canada. Tous les signalements d’activité suspecte sont utilisés lorsque nous réagissons à ces genres de crimes et ils contribuent à fournir des preuves à mesure que l’enquête progresse.
En conclusion, je veux réaffirmer l’engagement de la GRC à s’attaquer au problème grave et croissant des crimes haineux. Je vous remercie également de m’accorder du temps et de m’offrir l’occasion de témoigner aujourd’hui. J’aimerais entendre vos réflexions et je répondrai à vos questions avec plaisir. Pour l’heure, je céderai la parole à ma collègue Nadine Huggins, qui parlera de certains éléments organisationnels de cette étude.
La présidente : Je vous remercie.
Nadine Huggins, dirigeante principale des ressources humaines, Gendarmerie royale du Canada : Bonsoir, madame la présidente et distingués membres du comité. Merci de nous avoir invités aujourd’hui. Je reconnais respectueusement que je vous salue depuis le territoire traditionnel non cédé de la nation algonquine anishinabe.
[Français]
Je suis heureuse d’avoir l’occasion de vous parler de l’engagement constant de la GRC envers la lutte contre le racisme et la discrimination systémiques, ainsi que des initiatives clés, en cours et prévues, pour faire progresser l’équité, la diversité et l’inclusion au sein de notre organisation.
[Traduction]
La GRC prend des mesures dynamiques à l’appui de la lutte contre le racisme dans le cadre de son plan Vision 150 afin de favoriser l’équité, la reddition de comptes et la confiance. Ce programme de modernisation vise à transformer des aspects de notre culture en modifiant des mentalités et les comportements. Depuis que ce plan a été élaboré, la GRC a mis en œuvre un certain nombre d’initiatives. Je vous parlerai de trois d’entre elles : la stratégie en matière d’équité, de diversité et d’inclusion, ou EDI — la première en son genre à la GRC —, le déploiement d’une formation obligatoire et les mesures importantes prises afin de recueillir des données relatives à la race.
La stratégie en matière d’EDI est le fruit d’une consultation et d’une mobilisation d’envergure au sein et à l’extérieur de l’organisation. Elle intègre les points de vue d’employés et de réseaux constitués de membres de communautés ethnoculturelles et racisées, de personnes handicapées, de groupes religieux en situation minoritaire, de membres de la communauté 2SLGBTQI+ et d’autres groupes en quête d’équité qui sont traditionnellement ou historiquement marginalisés ou sous‑représentés.
Le programme de modernisation de la GRC cadre avec l’Appel à l’action en faveur de la lutte contre le racisme, de l’équité et de l’inclusion dans la fonction publique fédérale, la Stratégie canadienne de lutte contre le racisme et le tout premier Plan d’action national de lutte contre la haine.
Notre stratégie repose fondamentalement sur une série d’apprentissages interculturels qui appuie l’engagement de la GRC à procéder à un changement systémique et culturel par l’entremise d’une formation obligatoire portant sur le racisme systémique, la discrimination et les préjugés inconscients.
Enfin, la collecte et l’analyse de données relatives à la race non regroupées sur l’interaction avec les membres du public sont un autre projet de collaboration dans le cadre duquel la GRC utilisera et divulguera des données pour éliminer le racisme systémique et les obstacles en déterminant où les interventions des forces de l’ordre ont des résultats différents dans les diverses communautés du pays. Ce travail et ces informations favoriseront l’amélioration de nos politiques et de la formation. Nous nous attendons à ce que la confiance s’en trouve renforcée.
Le recrutement, le renouvellement et la modernisation figurent également parmi les priorités de la GRC, qui veut s’assurer de représenter les communautés qu’elle sert et d’être un choix de carrière préféré des citoyens canadiens et des résidents permanents. Nous considérons qu’il est extrêmement important de diversifier notre bassin de talent en attirant des candidats de groupes en quête d’équité. Nous avons réalisé des progrès à cet égard en renouvelant nos critères d’évaluation des candidats, les élaborant avec grand soin pour qu’aucun candidat ne soit avantagé ou désavantagé en raison de son appartenance culturelle. Nous veillons à prendre en compte toutes les variétés de diversité dans le cadre du renouvellement du recrutement.
[Français]
Alors que nous nous tournons vers l’avenir, notre ambition est d’être informés, respectueux, dignes de confiance et inclusifs dans l’élaboration de notre approche et en matière de changements. La GRC prend fermement position contre le racisme et la discrimination, tant dans notre façon de gérer notre personnel que dans notre manière d’appliquer la loi dans les collectivités que nous servons.
[Traduction]
Nous sommes déterminés à faire en sorte que la diversité et l’inclusion soient au cœur de nos initiatives alors que nous procédons à la modernisation de notre organisation.
Je vous remercie beaucoup. Je céderai maintenant la parole à notre collègue de Sécurité publique Canada.
Chad Westmacott, directeur général, Direction de la sécurité communautaire, des services correctionnels et de la justice pénale, Sécurité publique Canada : Je vous remercie, madame la présidente et honorables membres du comité. Je voudrais commencer en reconnaissant que la terre où je vis et travaille est le territoire traditionnel de la nation algonquine anishinabe.
Je voudrais également remercier les honorables membres du Comité sénatorial permanent des droits de la personne de m’avoir invité à parler aujourd’hui dans le cadre de leur importante étude sur l’islamophobie au Canada.
En juin dernier, j’ai eu l’occasion de me joindre à mes collègues quand nous avons présenté un exposé au comité sur le travail que Sécurité publique Canada entreprend à l’appui de l’engagement du gouvernement à lutter contre l’islamophobie et d’autres formes de xénophobie et de violence extrémiste au pays.
Je traiterai aujourd’hui du Programme de financement des projets d’infrastructure de sécurité pour les collectivités à risque, ou PFPIS, car je crois comprendre que vous voulez en apprendre davantage à ce sujet.
Le PFPIS soutient les efforts que le gouvernement du Canada déploie pour contribuer à ce que tout le monde se sente en sécurité dans sa communauté. Pour être plus précis, le programme vise à soutenir des communautés qui risquent d’être victimes de crimes haineux en renforçant les infrastructures de sécurité dans les lieux de culte privés sans but lucratif, les établissements d’enseignement, les refuges pour personnes victimes de violence fondée sur le sexe et les centres communautaires. L’objectif consiste à créer des lieux de rassemblement plus sécuritaires pour les membres de la communauté.
Depuis sa création, le Programme de financement des projets d’infrastructure de sécurité a fourni plus de 11 millions de dollars de financement à 430 projets au Canada. Sur l’ensemble des bénéficiaires, 127 étaient des organisations islamiques, ce qui représente 30 % de tous les accords de contribution. Les organisations islamiques sont parmi les plus importants bénéficiaires de financement de ce programme.
Les résultats de la plus récente évaluation de la Stratégie nationale pour la prévention du crime indiquent que les investissements du PFPIS ont accru le sentiment de sécurité physique et psychologique chez les utilisateurs des installations vulnérables. La plupart des organisations participantes ont observé une augmentation du sentiment de sécurité parmi la population qui fréquente leurs installations.
Lors du dernier appel de demandes, en 2021, 96 propositions ont fait l’objet d’une recommandation de financement. Près de 30 % des propositions retenues appuieront des organisations islamiques désireuses d’améliorer la sécurité des lieux de rassemblement des collectivités, en particulier les lieux de culte, notamment les mosquées et les centres communautaires.
En réponse à l’augmentation préoccupante du nombre de crimes haineux signalés par la police — une augmentation de 72 % entre 2019 et 2021 —, le gouvernement du Canada a augmenté le budget du PFPIS pour atteindre plus de communautés à risque. Des investissements supplémentaires pour le PFPIS ont été consentis dans le budget de 2021 et l’Énoncé économique de l’automne 2020, portant le budget à 5 millions de dollars par année.
En plus de financer le programme, le gouvernement a pris des engagements pour s’assurer que le programme répond aux besoins des communautés. En juillet 2021, lors du Sommet national sur l’islamophobie, l’ancien ministre de la Sécurité publique s’est engagé à consulter les communautés musulmanes pour connaître leurs expériences avec le programme.
En outre, dans sa lettre de mandat de 2021, le ministre de la Sécurité publique a reçu comme directive d’appuyer le ministre du Logement et de la Diversité et de l’Inclusion dans l’élaboration du Plan d’action national de lutte contre la haine en examinant de possibles ajustements au Programme de financement des projets d’infrastructure de sécurité.
Afin de mettre en œuvre ces engagements, Sécurité publique Canada a organisé, en collaboration avec le Secrétariat fédéral de lutte contre le racisme, une réunion virtuelle en décembre 2021 avec des membres des communautés musulmanes canadiennes afin d’obtenir des observations supplémentaires sur les façons d’améliorer le programme.
Au cours des consultations, les participants ont reconnu que le PFPIS est une mesure importante qui permet aux communautés de se protéger, mais ils ont aussi souligné un certain nombre de problèmes, notamment la complexité et la longueur du processus de demande, le manque de réactivité aux urgences, les obstacles à la participation découlant de l’exigence du ratio de partage des coûts de 50/50, et l’absence d’éléments de partenariats communautaires.
Je suis heureux de vous informer que Sécurité publique Canada, en réponse aux observations reçues, s’emploie à apporter des modifications au programme pour remédier aux difficultés qui ont été soulevées. Nous continuons de chercher des améliorations pour réduire le fardeau administratif et accroître l’accessibilité au financement du programme. Certains de ces changements entreront en vigueur bientôt, car Sécurité publique Canada se prépare à lancer le prochain appel de demandes sous peu.
Nous travaillons également sur d’autres améliorations pour donner suite aux recommandations des communautés. Certaines préoccupations soulevées par les communautés lors des consultations, notamment la nécessité de s’attaquer aux causes profondes de la haine, dépassent la portée du Programme de financement des projets d’infrastructure de sécurité, puisque ce programme est axé sur l’amélioration des infrastructures. Cela dit, Sécurité publique Canada continuera de travailler avec ses partenaires pour déterminer comment régler les autres problèmes. Le Programme de financement des projets d’infrastructure de sécurité fait partie d’un engagement beaucoup plus vaste du gouvernement du Canada de créer un Canada plus sécuritaire et plus inclusif pour tous.
Sécurité publique Canada continue de collaborer avec Patrimoine canadien et d’autres ministères pour promouvoir une approche plus globale de la lutte contre le racisme et la haine au Canada grâce au renouvellement de la Stratégie canadienne de lutte contre le racisme et à la création du tout premier Plan d’action national de lutte contre la haine.
Je vous remercie encore une fois de l’invitation à témoigner aujourd’hui. Je suis impatient de m’entretenir avec vous. Je vous remercie.
La présidente : Je vous remercie de vos exposés.
Avant de passer aux questions, je demanderais aux membres et aux témoins qui sont dans la salle de ne pas trop s’approcher de leur microphone, ou sinon, de retirer leur oreillette. Cela évitera une rétroaction acoustique qui pourrait incommoder le personnel du comité dans la salle.
Je vais commencer par la sénatrice Omidvar. Je rappelle aux sénateurs que les interventions sont de cinq minutes, ce qui comprend la question et la réponse. Je vous demande donc de respecter cette règle afin que le comité puisse terminer à l’heure. Merci.
La sénatrice Omidvar : Merci, madame la présidente. N’hésitez pas à m’interrompre si je dépasse le temps imparti. Mes deux questions s’adressent au représentant de la Sécurité publique.
Je remercie M. Westmacott et les représentants de la GRC de se joindre à nous.
Monsieur Westmacott, je vous remercie d’avoir répondu à la question que je vous ai posée, en juin, sur le pourcentage et la proportion du financement. J’ai trouvé encourageant d’entendre que 30 % du financement est réellement versé à des organisations islamiques. Je crois que c’est un bon indicateur, pour vous et pour le Canada.
Cependant, j’ai une question pour vous. Le Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes a recommandé quelques changements au programme, notamment la suppression de la nécessité de démontrer l’existence d’un risque pour ceux qui veulent présenter une demande, et l’élargissement du programme afin d’inclure les projets d’infrastructure de sécurité non physique. Que pensez-vous de ces recommandations?
M. Westmacott : Je vous remercie de cette question. Nous avons entendu les mêmes observations du comité de la Chambre et des organisations musulmanes avec lesquelles nous travaillons. Nous examinons la meilleure façon de mettre en œuvre ces recommandations dans le cadre du programme.
Comme je l’ai indiqué, un appel de demandes sera lancé sous peu, et certains changements seront apportés au programme à ce moment-là.
La sénatrice Omidvar : Selon la Chambre des communes ou les organisations de la société civile, le programme devrait être élargi pour inclure les projets d’infrastructure de sécurité non physique. Pouvez-vous nous donner un exemple de ce que cela pourrait être?
M. Westmacott : Cela pourrait être fait pour certains éléments de l’infrastructure de sécurité non physique, notamment la formation. Le programme appuie déjà certaines formations pouvant être offertes au personnel pour leur enseigner comment réagir aux incidents motivés par la haine. Voilà un exemple d’un élément de l’infrastructure non physique qui est actuellement appuyé dans le cadre du programme.
Certaines organisations musulmanes ont aussi indiqué que le Programme de financement des projets d’infrastructure de sécurité crée une barrière, en quelque sorte, car la mise en place de dispositifs de sécurité a pour effet de réduire, dans une certaine mesure, l’ouverture au dialogue dans la communauté. Nous examinons notamment l’idée d’utiliser le programme pour appuyer l’interaction communautaire de façon à favoriser une plus grande participation et une plus grande interaction à l’échelle communautaire.
La sénatrice Omidvar : Je vous remercie.
[Français]
La sénatrice Gerba : Merci à nos témoins d’aujourd’hui. J’aimerais comprendre un peu mieux, et ma question s’adresse à tous les témoins. Lorsqu’on parle d’islamophobie et qu’on dit combattre cette haine au sein d’institutions comme la GRC, comment arrive-t-on à le faire en sachant que, dans un autre contexte, comme celui de la tuerie à la mosquée de Québec, on a considéré que cet individu souffrait de problèmes de santé mentale? Vous-même, est-ce que vous arrivez à l’interne à faire la distinction entre les crimes haineux et la santé mentale des individus qui sont concernés?
[Traduction]
M. Flynn : Madame la présidente, je sais que la question s’adresse à tous les témoins, mais je devrais probablement commencer, si cela vous convient.
La présidente : D’accord, pas de problème.
M. Flynn : Très bien. Lorsque nous examinons de tels incidents tragiques pour déterminer s’ils satisfont aux critères énoncés dans le Code criminel pour être considérés comme un attentat terroriste ou un autre crime haineux, la maladie mentale est toujours un élément à prendre en considération, mais je dirais que c’est moins le cas maintenant. Au fil du temps, nous avons appris à quel moment il convient d’évaluer l’état ou la capacité mentale, et ce n’est pas au début des enquêtes sur de tels incidents.
Lors d’une intervention, les services policiers — souvent le service de police de première ligne local ou l’unité de sécurité nationale de la GRC — cherchent d’abord et avant tout à assurer la sécurité publique. Ensuite, ils examinent les critères pour les diverses infractions, les accusations, ce qui fait partie de notre travail. Puis, ils déterminent les mesures à prendre pour gérer la menace à la sécurité publique, par exemple le maintien en incarcération, la mise en accusation, la déjudiciarisation, et cetera, selon la nature de l’incident. Quant à l’attaque de la mosquée, il s’agit de toute évidence d’un incident très grave. Nous examinons les problèmes de santé plus tard, dans le cadre d’une poursuite pénale. Ce n’est plus un facteur aussi important au début de nos interventions dans ces dossiers.
[Français]
La sénatrice Gerba : Il y a des conséquences en ce qui a trait aux médias, parce que lorsque les médias rapportent ce genre d’incident, ce genre de drame, ils s’empressent de qualifier de « terroristes » ceux qui sont liés aux musulmans; normalement, tout cela encourage l’islamophobie.
Par ailleurs, certains témoins nous ont dit que les médias faisaient en sorte que l’islamophobie se perpétue dans notre pays, parce qu’ils ont un lexique associé à des musulmans. Ce lexique permet de constater tout de suite que ces médias encouragent l’islamophobie.
Dans vos pratiques, que faites-vous lorsque ce sont les médias qui sont concernés qui encouragent ce genre de langage haineux?
[Traduction]
M. Flynn : Je vous remercie de cette question. La couverture médiatique des incidents terroristes et la manière dont cela contribue à façonner l’opinion publique sont des choses qui nous préoccupent.
Vous avez peut-être remarqué — du moins je l’espère — que dans leurs récentes réactions à des incidents terroristes liés à des groupes ou associations dont le nom comprend les mots « musulman » ou « islam », qu’il s’agisse d’entités répertoriées ou non, la GRC et d’autres services de police de la région ont fait un effort concerté pour éviter d’utiliser ces termes dans leurs communiqués de presse ou leurs déclarations devant les médias. En effet — je suis d’accord avec vous sur ce point —, cela alimente une perception du public qui est erronée, et cela établit un lien incorrect entre l’acte violent d’un individu et une religion précise ou un groupe précis de la population canadienne et mondiale.
Donc, dans nos communications avec le Service des poursuites pénales du Canada, nous — la communauté policière, moi compris — veillons à ne pas utiliser des mots qui pourraient, non pas entraîner de la désinformation, mais alimenter la caractérisation d’un groupe en raison des activités.
La présidente : Merci. Le représentant de Sécurité publique Canada souhaite-t-il répondre aux questions de la sénatrice Gerba?
M. Westmacott : Je n’ai rien à ajouter. Je vous remercie.
La présidente : Ma question pour le représentant de Sécurité publique Canada est la suivante. M. Evan Balgord, directeur général du Canadian Anti-Hate Network, nous a dit que l’article 319 du Code criminel du Canada ne suffit pas pour tenir les citoyens canadiens et les organisations médiatiques responsables de la fomentation volontaire de la haine envers les musulmans. Une solution serait de rétablir l’article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Qu’en pensez-vous?
M. Westmacott : Je vous remercie de cette question. Je dois avouer que je ne peux y répondre. Je pense que mes collègues de Justice Canada seraient mieux placés pour le faire.
La présidente : Je vous remercie. Lors de votre dernière comparution au comité, la sénatrice Jaffer vous a posé quelques questions sur la façon dont vous consultez vraiment les communautés. Les consultez-vous régulièrement?
M. Westmacott : Oui. Je vous remercie beaucoup de la question, madame la présidente. Nous veillons à consulter les organisations musulmanes sur une base régulière. Nous avons mentionné le sommet sur l’islamophobie, mais nous avons aussi tenu des discussions avec les organisations musulmanes, en décembre, sur les façons d’améliorer les programmes. Nous avons ensuite cherché de meilleures solutions en fonction des commentaires obtenus. Nous sommes en consultation continue avec les communautés musulmanes.
La présidente : Qu’en est-il des consultations sur une base individuelle? Consultez-vous des personnes précises? Comment sont-elles choisies?
M. Westmacott : Nous n’avons pas fait beaucoup de consultations individuelles dans le cadre du Programme de financement des projets d’infrastructure de sécurité. Les consultations ont habituellement eu lieu avec les organisations qui ont déjà reçu des fonds dans le cadre du programme, étant donné qu’elles connaissent le programme et sont mieux placées pour nous parler de leurs expériences, de ce qui a fonctionné ou non.
La présidente : Quels efforts particuliers faites-vous pour consulter les communautés?
M. Westmacott : Voilà les efforts que nous faisons pour travailler avec les communautés individuelles, outre ce que j’ai déjà indiqué. Donc, dans le cadre du processus de financement, nous maintenons un dialogue continu avec les partenaires avec lesquels nous avons tendance à travailler afin de déterminer, comme je l’ai mentionné, ce qui fonctionne ou non, et ce qu’il est possible de faire pour améliorer les choses.
Nous travaillons aussi en étroite collaboration avec nos collègues de Patrimoine canadien, par l’intermédiaire du Secrétariat fédéral de lutte contre le racisme, dans le cadre des engagements qui ont été pris à l’égard des questions d’infrastructures.
La présidente : Vous avez mentionné que 30 % du financement est destiné aux groupes musulmans. Comment ces groupes sont-ils choisis?
M. Westmacott : Un appel de propositions pour le Programme de financement des projets d’infrastructure de sécurité est lancé chaque année. Les organisations font des propositions sur les projets qu’elles souhaitent réaliser dans le cadre du programme. Le ministère examine l’ensemble des propositions reçues et du financement disponible, puis accorde du financement aux organisations les plus à risque et dont la proposition satisfait aux critères et aux exigences du programme.
La présidente : De qui relèvent ces décisions? Combien de personnes participent à la prise de décision?
M. Westmacott : C’est une bonne question. Je n’ai pas le nombre exact de personnes sous la main; je pourrai vous le fournir plus tard. Cela dit, les décisions sont prises lors de réunions d’un groupe interministériel formé de gens de la direction des programmes, qui assurent la mise en œuvre du programme, et des gens de la direction des politiques, qui s’occupent du cadre de politique connexe, en fonction des objectifs du programme.
C’est un travail collectif. Je dirais que cinq ou six fonctionnaires, probablement, examinent les demandes, puis présentent des recommandations.
La présidente : Je vous remercie.
La sénatrice Omidvar : Ma question s’adresse aux représentants des deux organismes. Elle porte sur l’infiltration présumée de nos organismes de sécurité par des groupes de suprémacistes blancs. Au cours du Sommet national sur l’islamophobie, des préoccupations selon lesquelles le portefeuille de la sécurité publique est infiltré, dans une certaine mesure, ont été exprimées.
Pourriez-vous nous faire part de vos commentaires à ce sujet? Quelles mesures de protection mettez-vous en place pour empêcher ce phénomène de prendre de l’ampleur?
La présidente : Qui aimerait commencer à répondre à cette question?
Votre question était pour les deux organismes, n’est-ce pas? Oui.
Est-ce que les représentants de la GRC veulent répondre à cette question?
Mme Huggins : Je peux commencer, puis je céderai la parole à M. Flynn.
Concernant l’infiltration par des groupes de suprémacistes blancs, l’organisation a mis en place des protocoles de sécurité pour s’assurer que les employés respectent les exigences en matière de sécurité des postes qu’ils occupent.
Nous avons également un processus relatif au code de déontologie très rigoureux. Donc, tout employé qui commettrait un acte répréhensible, qu’il s’agisse d’un de nos membres réguliers, en particulier, mais aussi d’un de nos fonctionnaires, serait soumis à ces processus.
Je ne serais certainement pas à l’aise de faire un commentaire quant à savoir si nous pouvons valider de quelque façon ce qui a été dit concernant une quelconque infiltration au sein de notre organisation, mais je peux assurer le comité que nous soumettons régulièrement nos employés à des processus de vérification pour nous assurer qu’ils respectent les exigences en matière de sécurité des postes qu’ils occupent.
Monsieur Flynn, je ne sais pas si vous souhaitez ajouter quelque chose à ce sujet.
M. Flynn : Je voudrais simplement ajouter que dès qu’il y a une accusation ou que l’on a assez de renseignements pour lancer une enquête criminelle sur toute association avec une entité figurant sur la liste — et, évidemment, je parle d’association avec un groupe terroriste —, nous prenons toujours la chose au sérieux et nous ouvrons une enquête criminelle, le cas échéant, en plus de prendre les mesures administratives internes.
La présidente : Merci.
Voulez-vous intervenir, monsieur Westmacott?
M. Westmacott : Je vous remercie beaucoup de la question.
Je n’ai pas grand-chose à ajouter. Les représentants de la GRC ont parlé de ce que fait leur organisation. Je n’ai rien à ajouter au sujet de l’ASFC, bien que je puisse dire qu’elle prendrait probablement des mesures similaires.
Je sais que du côté de Sécurité publique Canada, nous avons également le processus d’autorisation de sécurité, qui est censé nous permettre de déceler des problèmes. Comme l’a souligné M. Flynn, si nous trouvons des problèmes, nous prenons les mesures appropriées à Sécurité publique pour nous assurer qu’il n’y a pas d’infiltration au sein du ministère.
La présidente : Merci.
Le sénateur Arnot : Mes questions s’adressent à Mme Huggins. Comment la GRC a-t-elle élaboré les ressources de formation sur les préjugés inconscients et le racisme systémique, et selon quelle optique de la formation des adultes? Ont-elles été adaptées parce qu’elles sont destinées à une force de police et, si oui, de quelle manière? Ont-elles été pleinement mises en œuvre à l’heure actuelle?
En ce qui concerne les nouvelles recrues, les membres actuels et les agents, cela a-t-il été mis en place? Cela a-t-il été mesuré? Quels types d’indicateurs de réussite existe-t-il, et quels types de changements avez-vous apportés au programme pour améliorer les résultats?
Enfin, pour ce qui est de la collecte de données désagrégées fondées sur la race, ce nouveau modèle a-t-il été mis en œuvre sur le terrain et, si c’est le cas, quels en sont les résultats?
Mme Huggins : Je vous remercie beaucoup des questions.
Je vais commencer par celles qui portent sur les ressources de formation. Notre formation obligatoire fait partie d’une stratégie d’apprentissage interculturel qui a été élaborée par l’organisation. Nous avons un cours sur la sensibilisation culturelle et l’humilité ainsi que le cours S’unir contre le racisme. Ces deux cours — en particulier le second, qui est beaucoup plus étoffé — ont été conçus en collaboration avec des groupes d’employés au sein de notre organisation et des spécialistes externes, et certainement selon l’optique la plus moderne de la formation des adultes.
Nous avons consulté des spécialistes externes au sujet du contenu du cours et fait intervenir le point de vue du public et celui des services policiers, puis nous avons adapté l’information afin qu’elle soit pertinente pour les agents et les employés de la GRC.
Nous avons lancé cette formation. Nous avons un taux de conformité d’environ 100 % pour le cours obligatoire sur la sensibilisation culturelle et l’humilité, et nous sommes à plus de 50 % dans le cas du cours S’unir contre le racisme. Cela continue de monter. Ce cours a été lancé il y a quelques mois à peine.
En ce qui concerne les personnes qui suivent la formation, nous avons lancé une formation sur la sensibilisation aux préjugés, un projet pilote d’évaluation de la sensibilisation aux préjugés pour nos nouvelles recrues, et elles suivront le cours S’unir contre le racisme. Ainsi, dès leur arrivée, les gens comprennent très clairement que notre organisation est déterminée à lutter contre le racisme et à prévenir la discrimination. La formation est obligatoire et tous nos employés sont tenus de la suivre, ce qui couvre l’ensemble de notre organisation.
Pour ce qui est des indicateurs de réussite, la stratégie en matière d’équité, de diversité et d’inclusion comporte elle-même une série de mesures de rendement, et la participation à la formation et l’évaluation en font partie. Nous portons attention au nombre de personnes qui ont suivi la formation et nous cherchons à déterminer la mesure dans laquelle cette formation se traduit par des changements de comportement et de mentalité.
En ce qui concerne la collecte de données fondées sur la race, comme vous pouvez l’imaginer, il s’agit d’un projet assez vaste. Nous menons actuellement des consultations pour élaborer un cadre sur la collecte des données fondées sur la race qui concordera avec les travaux entrepris par Statistique Canada et l’Association canadienne des chefs de police. Nous avons formé une équipe spéciale qui travaillera avec des intervenants, des spécialistes et des employés afin de trouver la meilleure façon de mettre en œuvre la collecte de données fondées sur la race. Nous avons fait des recherches pour déterminer dans quelles communautés nous pourrions mener ce projet pilote avant de le déployer dans l’ensemble du pays.
À notre avis, il est très important que nous communiquions directement avec les communautés afin qu’elles comprennent ce que nous essayons d’établir et la manière dont nous allons le faire, et qu’elles puissent contribuer à nos processus. Nous prévoyons lancer ces projets pilotes au cours de l’exercice 2024 et en lancer dans tout le pays afin d’avoir une très bonne idée de la façon dont une collecte de données complète fondée sur la race se déroulera. Je vous remercie de la question. Je ne sais pas s’il y en a d’autres à ce sujet.
Le sénateur Arnot : Je vous remercie de l’information. Au cours de réunions précédentes, des témoins ont dit au comité que la collecte de ces données ne se fait pas de façon uniforme. Ainsi, tout ce que la GRC peut faire pour élaborer un modèle commun serait très utile, car on ne peut pas vraiment cerner un problème si on ne le mesure pas. Je ne pense pas qu’il ait été bien mesuré, certainement dans d’autres municipalités actuellement. Je vous remercie de cette information.
Mme Huggins : Merci.
La présidente : J’ai une question qui s’adresse au représentant de Sécurité publique Canada. Selon une recommandation qu’a faite le Conseil national des musulmans canadiens en 2021, il faudrait mettre à la disposition des survivants de crimes haineux un financement fédéral, financement qui ne devrait pas dépendre d’une condamnation pénale définitive. Comment pourrait-on déterminer qui est admissible à ce type de financement? De plus, de quels facteurs pourrait-on tenir compte pour déterminer combien d’argent les survivants pourraient recevoir?
M. Westmacott : Merci beaucoup pour cette question. Je dirais que ce sont de très bonnes questions auxquelles je n’ai pas nécessairement de réponse. Nous sommes bien au courant de la recommandation et nous nous sommes penchés sur la façon dont le financement serait accordé aux survivants de crimes haineux, en collaboration avec des collègues du ministère de la Justice et d’associations comme la Fondation canadienne des relations raciales. Pour l’instant, je n’ai pas de réponse au sujet de l’admissibilité dans ce contexte et des facteurs.
La présidente : En discutez-vous entre vous?
M. Westmacott : Nous discutons du concept et de la façon dont cela pourrait se faire, en effet.
La présidente : Quelles politiques sont en place pour empêcher le profilage et la surveillance de masse des communautés musulmanes? Des personnes m’ont dit qu’on leur avait demandé « venez nous dire ce qui se passe dans les mosquées ». Quelques personnes m’en ont parlé.
M. Flynn : À la GRC, premièrement, nous ne faisons pas de surveillance de masse de quelque communauté que ce soit. Ce serait mal de le faire. Deuxièmement, lorsqu’il s’agit des ressources policières, même pour enquêter sur les crimes pour lesquels il y a suffisamment de preuves pour déterminer qu’il y a de la criminalité, nous n’avons pas assez de ressources pour faire cela. Sur le plan éthique, nous ne le faisons pas. Sur le plan pratique, nous ne pourrions pas le faire.
En ce qui concerne les mesures de protection, lorsque... Vous avez donné l’exemple des mosquées. La GRC a mis en place une politique selon laquelle il est nécessaire d’obtenir une approbation de niveau supérieur chaque fois que l’une de nos enquêtes porte sur ce que nous considérons comme un secteur sensible. Les institutions religieuses en sont un exemple, les établissements d’enseignement aussi, les partis politiques, etc. Je pourrais continuer. Il y en a beaucoup. Chaque fois que, dans le cadre d’une enquête criminelle, nos activités touchent l’un de ces milieux, il faut obtenir une approbation de niveau supérieur. Lorsque nous menons des enquêtes relatives à la sécurité nationale, les demandes et les plans opérationnels qui présentent les raisons pour lesquelles il est nécessaire de communiquer avec un membre d’une institution religieuse me sont soumis aux fins d’approbation.
Il s’agit souvent de demandes aussi simples que celle visant à interroger quelqu’un qui a déjà eu des contacts avec un suspect, et cela peut aller jusqu’à, évidemment, une personne qui est membre d’une institution religieuse associée à une activité criminelle. Je ne parle pas ici de la religion musulmane, mais de toute institution religieuse. Comme vous pouvez l’imaginer, dans de nombreuses religions, il y a des gens qui sont bons et d’autres qui sont mauvais. Nous enquêtons sur tous les éléments qui relèvent de notre mandat et j’approuve les plans opérationnels.
La présidente : Merci. Pourriez-vous nous parler des mesures de protection qui sont en place pour empêcher les personnes aux vues extrémistes de travailler au sein des organismes de sécurité nationale?
M. Flynn : Je dirais que dans le cadre de nos campagnes nationales de recrutement et de nos processus d’autorisation de sécurité, on se penche sur la moralité des individus et également sur toute association criminelle. Il est certain que si une personne est liée à un groupe préoccupant, il y aura des répercussions sur sa capacité à obtenir une autorisation de sécurité ainsi que sur les décisions liées au recrutement. Peut-être que ma collègue, Nadine Huggins, aimerait en dire plus à ce sujet.
Mme Huggins : Merci beaucoup, monsieur Flynn. Merci pour la question. Je répéterai que le processus d’autorisation de sécurité est très rigoureux. Nous avons une cote de fiabilité approfondie au sein de la GRC dans le cadre du portefeuille plus vaste de Sécurité publique Canada, essentiellement. Nous exigeons une enquête approfondie sur la fiabilité des personnes, non seulement leur moralité par rapport à la fonction publique, mais aussi par rapport au Canada dans son ensemble, par rapport à l’État. C’est un processus assez rigoureux. Si la personne est associée à un groupe, elle fait l’objet d’une enquête approfondie dans le cadre de notre processus d’autorisation de sécurité.
La présidente : Merci. Pourriez-vous également me dire quelles mesures la GRC prend pour lutter contre les crimes haineux au Canada, notamment en tant que coprésidente, avec la Fondation canadienne des relations raciales, du groupe de travail sur les crimes haineux? Qui la GRC consulte-t-elle sur les questions relatives aux crimes haineux?
Mme Huggins : Merci pour la question. Je vais commencer et mes collègues voudront peut-être intervenir par la suite.
Il ne fait aucun doute que la GRC reconnaît que la montée de la haine a des répercussions négatives généralisées sur les personnes et les collectivités. En tant que coprésidents du groupe de travail national sur les crimes haineux, nous siégeons avec 13 autres services de police et nous pouvons certainement vous dire lesquels.
Dans le cadre du groupe de travail, nous cherchons à trouver les lacunes et des solutions d’atténuation, afin de mieux soutenir les communautés touchées partout au pays, mais ce travail est toujours en cours. Nous ne sommes pas en mesure à ce stade de parler des résultats du groupe de travail, mais seulement du fait qu’il cherche à mieux comprendre les défis uniques auxquels sont confrontées les diverses communautés. À la GRC, nous souhaitons particulièrement comprendre comment nous pouvons renforcer nos propres interventions à l’issue des travaux du groupe de travail.
Je serai heureuse de répondre à toute question supplémentaire à ce sujet. J’espère avoir fourni l’information dont vous aviez besoin. Je ne sais pas si quelqu’un d’autre aimerait intervenir.
M. Flynn : J’aimerais ajouter quelque chose si vous me permettez, madame la présidente. Avec le chef Myron Demkiw, du Service de police de Toronto, je copréside le groupe de travail sur la sécurité nationale et la lutte contre le terrorisme de l’ACCP. L’un de nos sous-comités a récemment produit le Guide sur la lutte contre l’extrémisme violent à l’intention des services de police, afin de les aider lorsqu’il s’agit de ce que j’appellerais les recoupements concernant les crimes haineux et les enquêtes sur la sécurité nationale qui découlent des crimes haineux.
Nous nous réunissons régulièrement pour discuter, évidemment, des éléments de sécurité nationale, mais ce faisant, nous parlons toujours des éléments de haine, y compris ce dont Nadine Huggins vient de parler.
La présidente : Merci. A-t-on apporté des changements aux pratiques de surveillance de la GRC ou à d’autres méthodes policières depuis la décision rendue dans la cause R. c. Nuttall, dans laquelle on a conclu que la GRC avait piégé deux personnes qui s’étaient converties à l’islam dans le cadre du Projet Souvenir? Comment faites-vous pour rebâtir le lien de la confiance avec les communautés musulmanes depuis cette affaire?
M. Flynn : De toute évidence, en tant que policiers et en tant que communauté, nous connaissons très bien cette affaire. Elle a eu une incidence sur nos pratiques, dans la mesure où nous en sommes conscients et où nous connaissons les préoccupations qu’elle a suscitées.
En ce qui concerne le rétablissement du lien de confiance avec la communauté musulmane — et je sais que notre temps est limité —, en me préparant à ma comparution devant le comité, j’ai obtenu un résumé de certains engagements de nos unités de sécurité nationale au pays, qui remontent bien avant la décision rendue dans l’affaire R. c. Nuttall et qui se poursuivent depuis, et qui témoignent d’une mobilisation importante dans diverses régions du pays. Je ne dirai pas que c’est uniforme dans tout le pays, mais il y a un engagement important à l’égard de la communauté musulmane. Je pense que c’est grâce à cette mobilisation que nous renforçons la confiance et que nous comprenons que nous ne devrions pas être jugés sur la base d’un seul incident, mais sur la mesure dans laquelle nous communiquons avec ces communautés, nous comprenons les préoccupations et agissons différemment.
La présidente : Merci. Je suis sûr que vous êtes au courant des statistiques qui ont été publiées récemment et qui indiquent que la population musulmane a augmenté à 5 %, ce qui signifie qu’un Canadien sur 20 est musulman. Je vous remercie pour le travail que vous faites.
Ma dernière question s’adresse au représentant de Sécurité publique Canada. Comment les employés de Sécurité publique Canada sont-ils formés pour réduire et éliminer les préjugés à l’égard des musulmans dans leur travail?
M. Westmacott : Merci beaucoup pour cette question. Je commencerai par souligner que je ne fais pas partie du groupe des ressources humaines. Cela étant dit, il existe une série de formations obligatoires que doivent suivre les employés de Sécurité publique, y compris une formation sur la diversité et l’inclusion. Un certain nombre d’autres activités se déroulent au sein du ministère pour promouvoir la diversité et l’inclusion. Par exemple, cette semaine, c’est la semaine de la diversité et de l’inclusion. Un certain nombre d’événements, d’activités avec des conférenciers, et ainsi de suite, ont lieu pour veiller à ce que les employés soient bien formés, bien sensibilisés, et il s’agit de faire la promotion de la diversité et de l’inclusion dans un milieu accueillant et favorable.
La présidente : Je vous remercie beaucoup. Comme aucun autre sénateur n’a d’autres questions, je tiens à vous remercier tous pour vos exposés. Ils nous seront d’une grande utilité lorsque nous rédigerons le rapport. Ne soyez pas surpris si vous entendez à nouveau parler de nous, car l’étude est toujours en cours. Nous nous réservons le droit de vous rappeler. Merci beaucoup pour votre temps.
(La séance se poursuit à huis clos.)