LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES DROITS DE LA PERSONNE
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le lundi 15 avril 2024
Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit aujourd’hui, à 17 h 2 (HE), avec vidéoconférence, pour examiner les questions qui pourraient survenir concernant les droits de la personne en général; et à huis clos, la réponse du gouvernement au quatrième rapport du Comité sénatorial permanent des droits de la personne, intitulé « Droits de la personne des personnes purgeant une peine de ressort fédéral », déposé au Sénat le 16 juin 2021 durant la deuxième session de la quarante-troisième législature.
Sébastien Payet, greffier du comité : Honorables sénateurs et sénatrices, en tant que greffier du comité, j’ai le devoir de vous informer de l’absence inévitable de la présidente et de la vice-présidente et de présider l’élection d’un président suppléant. Je suis prêt à recevoir une motion à cet égard.
La sénatrice Omidvar : Je propose que la sénatrice Pate préside la réunion.
M. Payet : Il est proposé par l’honorable sénatrice Omidvar que l’honorable sénatrice Pate assume la présidence du comité. Vous plaît-il, honorables sénateurs et sénatrices, d’adopter la motion?
Des voix : Oui.
M. Payet : D’accord. Je déclare la motion adoptée. J’invite la sénatrice Pate à occuper le fauteuil.
La sénatrice Kim Pate (présidente suppléante) occupe le fauteuil
La présidente suppléante : Merci beaucoup, et merci, sénatrice Omidvar.
Bonjour. Je suis Kim Pate, sénatrice, et je viens d’ici, du territoire non cédé et non abandonné de la nation algonquine anishinaabe. J’ai le privilège de présider les délibérations publiques cet après-midi.
Aujourd’hui, nous tenons une audience publique du Comité sénatorial permanent des droits de la personne. J’aimerais commencer par reconnaître que nous nous réunissons sur le territoire traditionnel ancestral et non cédé de la nation algonquine anishinaabe. J’invite maintenant mes honorables collègues à se présenter.
La sénatrice Omidvar : Ratna Omidvar, sénatrice de l’Ontario.
La sénatrice Simons : Paula Simons, sénatrice de l’Alberta; je viens du territoire visé par le Traité no 6.
Le sénateur Arnot : David Arnot, de la Saskatchewan. Je vis sur le territoire visé par le Traité no 6.
La sénatrice Gerba : Amina Gerba, du Québec.
[Traduction]
La sénatrice Cordy : Jane Cordy, sénatrice de la Nouvelle-Écosse.
La présidente suppléante : Merci et bienvenue, sénateurs et sénatrices, et bienvenue à tous ceux qui suivent nos délibérations.
Aujourd’hui, notre comité va poursuivre son étude sur les déplacements forcés dans le monde, au titre du présent ordre de renvoi général. Cet après-midi, nous recevons deux groupes de témoins. Dans chaque groupe, nous entendrons des témoins, qui ont été invités à présenter un exposé de cinq minutes, puis les sénateurs présents autour de la table auront une période de questions et de réponses.
Je vais maintenant présenter notre premier groupe de témoins. Je tiens à souhaiter la bienvenue à notre première témoin par vidéoconférence, Irena Vojácková-Sollorano, directrice générale adjointe chargée de la gestion et des réformes par intérim, Organisation internationale pour les migrations. Veuillez présenter votre exposé.
Irena Vojácková-Sollorano, directrice générale adjointe chargée de la gestion et des réformes par intérim, Organisation internationale pour les migrations : Merci beaucoup d’avoir invité l’OIM à participer à cet honorable groupe d’intervenants. Je suis ravie de vous présenter un aperçu du travail de l’OIM et de son expérience dans le domaine des déplacements et des droits de la personne.
Pour commencer, je vais décrire la relation entre les déplacements forcés et les violations des droits de la personne. L’OIM considère les violations les plus graves des droits de la personne comme un élément caractéristique des déplacements, mais aussi comme un facteur des déplacements et une raison expliquant sa poursuite prolongée. Par exemple, la violence systémique fondée sur le sexe peut être un catalyseur des déplacements, en particulier lorsqu’elle est commise dans ce but, ce qui, malheureusement, arrive relativement souvent.
Les violations des droits de la personne sont également un facteur principal du recrutement au sein d’organisations extrémistes violentes. Les survivants et les témoins des violations des droits de la personne souffrent d’un préjudice économique et social, ce qui nuit à leur résilience, à leur qualité de vie, à leurs perspectives de subsistance et à leur confiance dans leurs communautés et leurs institutions.
Les violations des droits de la personne sont également des caractéristiques centrales de l’insécurité qui peuvent empêcher la découverte de solutions durables pour les personnes déplacées. Elles entraînent une perte de confiance envers l’État et l’érosion de la cohésion sociale et minent les efforts pour stabiliser les communautés. L’absence de conditions de vie sécuritaires et la faiblesse ou l’instabilité des structures communautaires peuvent également augmenter le risque de violence opportuniste fondée sur le sexe.
Dans le cadre de ses efforts pour trouver des solutions aux déplacements, l’OIM continue de focaliser son travail sur la protection et le signalement des violations des droits de la personne. L’OIM a intégré dans son travail spécialisé sur la protection l’élaboration d’approches uniques liées aux droits de la personne, la diligence raisonnable et des réponses aux violations graves qui aident le personnel de l’OIM à réagir aux violations des droits de la personne à l’aide d’une approche de continuité. Nous sommes ravis d’avoir l’occasion de vous exposer les détails de ce travail.
On nous a demandé de fournir des exemples de quelques pays. Je vais commencer par Gaza. Depuis les attaques survenues le 7 octobre, nous avons constaté de graves violations à Gaza. Plus de 30 000 personnes ont été tuées, y compris 13 000 enfants et 220 travailleurs humanitaires. Cette situation constitue une violation grave non seulement des droits de la personne, mais aussi de nombreux autres instruments juridiques internationaux. Le travail de l’OIM se concentre sur le soutien de l’Office de secours et de travaux pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient, l’UNRWA, car l’OIM n’a pas de présence en Israël ou dans les territoires palestiniens. Nous nous concentrons exclusivement sur le soutien de l’UNRWA. Nous avons détaché plusieurs employés auprès de l’UNRWA, et nous les appuyons. À cet égard, nous sommes prêts à soutenir tout type de secteur, en fonction des besoins qui surviennent et de l’accès.
Le prochain exemple est notre travail dans le Soudan du Sud, où notre présence est très forte. La situation là-bas, où se trouvent 2 millions de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, 2,3 millions de rapatriés et 9 millions de personnes ayant besoin d’aide, présente un défi de taille pour l’ensemble de la communauté humanitaire. L’OIM a pu aider 2,1 millions de personnes, et nous continuons de le faire. Nous appuyons également les communautés voisines, surtout au Soudan. En ce qui concerne tout particulièrement l’aide canadienne, nous avons été en mesure de fournir du soutien à 2 500 rapatriés du Soudan au Soudan du Sud, et nous continuons de fournir cette aide.
L’exemple suivant est le Bangladesh, en particulier Cox’s Bazar, où Global Aid Network Canada finance actuellement un projet multisectoriel axé sur l’amélioration des infrastructures pour accroître l’accès aux services. Nous procédons au renforcement des capacités là-bas pour les ONG et au perfectionnement des compétences, en particulier pour les réfugiés rohingyas vulnérables qui pourraient ensuite utiliser ces compétences afin de se réinstaller ou utiliser d’autres voies de migration.
Le dernier exemple est le Venezuela, c’est-à-dire les ressortissants vénézuéliens. Environ 7,7 millions de migrants et de réfugiés vénézuéliens se trouvent à l’extérieur du Venezuela, principalement en Amérique latine. Les déplacements transfrontaliers et les déplacements mixtes en provenance du Venezuela se poursuivent, et les retours spontanés sont limités. Le Canada est un acteur clé dans la réponse régionale aux Vénézuéliens et a fourni à l’OIM et à d’autres organisations humanitaires une aide financière généreuse. Le financement de 12,5 millions de dollars est destiné à des projets axés sur l’aide et la protection humanitaires.
Sur ce, j’aimerais terminer mon exposé, qui ne devait durer qu’un peu moins de trois minutes. Je ne veux pas trop l’étirer, mais je peux expliquer plus en détail les exemples que j’ai présentés. Merci beaucoup.
La présidente suppléante : Merci beaucoup, madame Vojácková-Sollorano, de votre exposé.
Avant les questions et réponses, j’aimerais demander aux membres du comité et aux témoins, et à tout le monde présent dans la salle pour la durée de la réunion, de bien vouloir s’abstenir de se pencher trop près du microphone ou d’enlever leur oreillette ce faisant. Cela permettra d’éviter les incidents de rétroaction acoustique qui pourraient incommoder notre personnel dans la salle.
Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs. Chers collègues, vous avez cinq minutes pour votre question, y compris la réponse.
La sénatrice Simons : Merci beaucoup, madame Vojácková-Sollorano.
Je veux poser une question sur la situation au Soudan. Il n’y a pas si longtemps, de nombreux réfugiés qui venaient dans ma région au Canada arrivaient du Soudan du Sud. Je suis curieuse de savoir ceci : la situation est-elle suffisamment stable au Soudan du Sud pour que le pays puisse gérer un afflux de réfugiés en provenance du Soudan, ou bien est-ce que certains de ces réfugiés qui arrivent sont des personnes en provenance du Soudan du Sud qui retournent maintenant chez elles?
Mme Vojácková-Sollorano : Malheureusement, la situation au Soudan du Sud ne s’est pas beaucoup améliorée. En raison de l’extrême violence sévissant au Soudan, d’anciens Sud-Soudanais qui sont allés travailler au Soudan rentrent maintenant au Soudan du Sud. C’est difficile, parce que certaines personnes ont vécu au Soudan pendant plus de 10 ans et rentrent maintenant au Soudan du Sud, où elles n’ont aucun gagne-pain, rien. C’est une situation difficile, parce que les gens essaient de traverser la frontière et se réunissent tous dans des petites villes où il n’y a pas de capacité de transport supplémentaire. Ils fuient simplement la violence au Soudan.
La sénatrice Simons : Quel pourcentage des réfugiés qui quittent le Soudan pour le Soudan du Sud sont des Sud-Soudanais, que ce soit de naissance ou d’origine, par rapport aux habitants du Nord qui fuient également la violence?
Mme Vojácková-Sollorano : La plupart des gens qui retournent au Soudan du Sud sont des Sud-Soudanais.
La sénatrice Simons : D’accord. J’imagine que, d’une certaine façon, c’est peut-être plus facile, parce qu’ils ont là-bas toujours des membres de la famille ou des liens, ou même des biens?
Mme Vojácková-Sollorano : C’est une situation qui évolue sans cesse. L’impasse tient au transport, à la logistique, pour qu’ils puissent retourner dans les collectivités d’où ils viennent. Cependant, nous ne savons pas dans quelle mesure on pourra les intégrer, parce que la situation est aussi très difficile. Nous nous retrouvons maintenant devant une impasse avec eux à la frontière dans la ville d’Al-Rank et avons du mal là-bas à les transporter plus loin par la suite.
La sénatrice Simons : Est-ce que les gens s’en vont aussi à des endroits comme le Tchad, l’Égypte et la Tunisie?
Mme Vojácková-Sollorano : Oui.
La sénatrice Simons : Merci beaucoup du travail que votre organisation et vous faites.
La sénatrice Omidvar : Merci, madame Vojácková-Sollorano.
Tout d’abord, je suis fière de dire que le Canada a été un membre fondateur de l’OIM en 1951. J’ai examiné vos rapports. Félicitations à vous de nous avoir aidés à atteindre nos aspirations nationales en matière de réinstallation des réfugiés syriens et des réfugiés afghans. Nous n’y serions pas arrivés sans vous.
Pour l’OIM, il s’agit d’assurer la migration sûre et ordonnée, mais la migration, comme vous et nous le savons, n’est plus sûre, pas plus qu’elle n’est ordonnée. Dans une certaine mesure, cela ne tient pas seulement aux pays qui sont en conflit, comme le Soudan ou d’autres endroits. Le problème tient au comportement des pays d’accueil. Par exemple, la Turquie se fait payer par l’Union européenne pour freiner la mobilité des réfugiés de la Turquie dans d’autres régions de l’Europe. L’Italie prévoit confier à l’Albanie les activités de traitement. Le Royaume-Uni essaie de faire la même chose avec le Rwanda. Le Pakistan expulse des réfugiés, y compris ceux dont nous avons accepté la venue au Canada, mais qui, à cause des formalités administratives, je suppose, sont en fait renvoyés en Afghanistan.
Comment devrions-nous comprendre ce nouveau contexte? Quel rôle l’OIM peut-elle jouer pour revenir aux premiers principes de la migration : sûre, ordonnée, adaptée aux enfants et au genre, et tous ces autres principes nobles que nous énonçons?
Mme Vojácková-Sollorano : Merci beaucoup, d’abord, de reconnaître la relation historique solide entre l’OIM et le Canada et les principes d’une migration sûre et ordonnée. Dès le début, toutes les fois où nous nous sommes engagés, le principe de l’OIM était et continue d’être la promotion d’une migration sûre et ordonnée.
Le Canada comprend le concept de la migration — malheureusement, peu de pays dans le monde le font — et dispose d’une politique migratoire. Nous avons toujours préconisé l’idée selon laquelle chaque État doit disposer d’une politique migratoire, même si la migration n’est pas importante, de sorte que, si la situation change, ces États ont des instruments pour la traiter. Les pays européens n’étaient pas enclins à le faire; malheureusement, nous en voyons maintenant les résultats. Ce n’est pas seulement le cas de l’Europe, c’est le cas de la plupart des pays du monde : ils n’ont pas de politique migratoire.
Maintenant, en raison des défis importants à relever partout, nous voyons que les gouvernements commencent à communiquer avec nous au sujet des politiques migratoires. Comment pouvons-nous dénouer l’impasse devant laquelle nous nous retrouvons, même en ce qui concerne les gens qui partent ou qui arrivent? Nous discutons avec de nombreux pays africains, avec quelques pays asiatiques, où les gens partent. Nous leur disons qu’ils doivent s’attaquer à ce problème. C’est ce que j’ai expliqué au début. Ce sont les violations des droits de la personne qui font fuir les gens.
C’est une question complexe. Il ne s’agit pas que de gestion frontalière. Jusqu’ici, de nombreux pays ont réduit leurs activités de gestion migratoire à la seule gestion frontalière. C’est beaucoup plus complexe que cela. Malheureusement, nous avons dû attendre que toutes ces catastrophes se produisent pour que les gouvernements commencent à discuter sérieusement de gestion des migrations.
Nous sommes très reconnaissants envers le Canada, qui est un des exemples que nous citons toujours, parce qu’il examine la migration de manière réaliste et fournit plusieurs voies de migration légales. Il n’y en a pas qu’une seule. Il n’y a pas que la réinstallation ou la migration à des fins de travail. Le Canada continue d’élaborer de nombreux autres instruments. C’est ce sur quoi nous encourageons maintenant à travailler de nombreux pays qui s’intéressent aux politiques migratoires.
Sur le plan opérationnel, nous sommes très liés par nos principes qui ne concernent pas les déplacements forcés de personnes, mais nous aidons les gens en détresse. Nous aidons des migrants qui ont été expulsés, mais qui se trouvent dans des situations difficiles. Sur place, il se peut que nous les aidions. Nous discutons aussi continuellement, en collaboration avec le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, avec les gouvernements, avant que les expulsions n’aient lieu ou avant ces déplacements, pour que cela fasse l’objet de consultations. Chaque cas doit être examiné, et on ne peut pas seulement rejeter en groupe des migrants.
J’espère que cela répond à votre question, mais je serais heureuse de fournir plus de détails.
La sénatrice Omidvar : Merci. Je vais attendre le deuxième tour. J’ai beaucoup de questions pour vous, madame.
Le sénateur Arnot : Je vous remercie d’être venue aujourd’hui au comité.
Vous avez joué un certain nombre de rôles clés dans des organisations internationales spécialisées dans les efforts migratoires et humanitaires. Pouvez-vous nous dire comment l’OIM trouve le juste équilibre dans ses activités entre les besoins humanitaires immédiats et les stratégies de gestion des migrations à long terme? En particulier, j’aimerais savoir comment vous le faites entre la nécessité de l’immédiateté et l’ordre que le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières aspire à atteindre.
Si vous avez le temps, j’aimerais vos conseils concernant ce sur quoi le comité devrait demander au gouvernement du Canada d’agir immédiatement, selon vous. Quelles priorités établiriez-vous, si le pouviez? Je vous remercie.
Mme Vojácková-Sollorano : Merci beaucoup. C’est une question très complexe à laquelle il serait difficile de répondre brièvement. Nous sommes ce qu’on appelle aux Nations unies le lien entre l’humanitaire et le développement. C’est également ce que nous appliquons dans les migrations.
Je peux vous donner un exemple de notre aide humanitaire. Si nous fournissons de l’aide humanitaire à des migrants en détresse en Libye, il s’agit d’une aide immédiate pour leur sauver la vie. Nous leur offrons ensuite un retour volontaire à leur domicile. Certains d’entre eux acceptent cette offre. Puis, nous les aidons dans leur pays d’origine et leur communauté d’origine, tout en travaillant en même temps avec les pays d’origine et les gouvernements pour remédier à la situation, à savoir pourquoi les gens partent ou pourquoi les passeurs peuvent si facilement entraîner les gens dans ces situations. Nous relions l’humanitaire à la cause afin de savoir comment les gens se sont retrouvés là où ils sont. Malheureusement, cela n’est pas toujours possible. Les gouvernements ne sont pas toujours prêts à discuter avec nous, mais nous cherchons toujours à connaître la source des déplacements.
En ce qui a trait à ce que le gouvernement canadien pourrait faire, je pense qu’il devrait soutenir ce lien, ces activités qui créent immédiatement des liens après l’aide humanitaire pour stabiliser les communautés. C’est important. D’une part, on stabilise les communautés, mais, d’autre part, on fournit également de l’aide aux gouvernements pour qu’ils puissent bel et bien gérer les migrations.
Par exemple, nous avons également des pourparlers avec le Sénégal. Avec le nouveau gouvernement, la situation du Sénégal est maintenant très positive, car le gouvernement veut faire les choses différemment et examine pourquoi un si grand nombre de Sénégalais partent et comment il peut régler le problème. C’est là que nous intervenons, en fournissant des conseils sur la façon de remédier à la situation, de déterminer les communautés d’où les gens partent et de régler le problème, mais aussi sur le type d’instruments juridiques nécessaires et la création de voies d’accès légales afin de fournir aux gens la possibilité de migrer. Ils n’ont pas à migrer pour toujours. Ils peuvent créer ces relations migratoires.
Le sénateur Arnot : Merci.
La sénatrice Jaffer : Merci, madame Vojácková-Sollorano, de votre présence aujourd’hui.
Lorsque j’ai été l’envoyée spéciale pour l’ensemble du Soudan, j’ai eu beaucoup d’expériences de travail avec l’OIM. Assurément, votre travail est exceptionnel, mais je suis déçue que l’OIM ne travaille pas au Soudan à l’heure actuelle. Pouvez-vous m’expliquer pourquoi il en est ainsi? La situation au Soudan est, à bien des égards, je pense, pire qu’au Soudan du Sud.
Mme Vojácková-Sollorano : Oui. Je vous remercie d’avoir posé cette question.
C’est très malheureux, mais cela tient au financement. Ce n’est pas une décision de l’OIM; c’est la situation du financement. Partout dans le monde, de nombreuses crises ne sont pas examinées par les donateurs, et nous savons que l’aide est nécessaire. Cependant, nos efforts de collecte de fonds n’ont pas été aussi réussis qu’ils auraient dû l’être, et le Soudan est l’un de ces cas, malheureusement.
La sénatrice Jaffer : Simplement pour que je comprenne mieux, ce que vous dites, c’est que les pays donateurs ne financent pas le Soudan comme ils le faisaient autrefois. Est-ce exact?
Mme Vojácková-Sollorano : Oui.
La sénatrice Jaffer : Je veux également vous parler de l’élargissement de l’Entente sur les tiers pays sûrs, qui touche les migrants qui arrivent au Canada et qui sont renvoyés. L’OIM est-elle le moindrement concernée?
Mme Vojácková-Sollorano : Pourriez-vous fournir plus de précisions pour que je comprenne ce qu’est l’Entente sur les tiers pays sûrs?
La sénatrice Jaffer : Brièvement, par exemple, si une personne arrive au Canada en provenance des États-Unis, une immigrante aux États-Unis qui immigre ensuite au Canada, elle est renvoyée aux États-Unis — à ma grande déception, mais c’est une autre question — parce que les États-Unis sont considérés comme un pays sûr. Est-ce que l’OIM s’occupe de cette situation? Pas avec les États-Unis, mais de façon générale.
Mme Vojácková-Sollorano : Non. Ce sont des accords bilatéraux entre pays, et en particulier, les États-Unis et le Canada ne nous ont jamais demandé de jouer un quelconque rôle.
La sénatrice Jaffer : Je veux poser une question au sujet de l’Ouganda. Je viens de l’Ouganda; je suis née dans ce pays. L’Ouganda doit faire face à un afflux massif de réfugiés, l’un des plus importants au monde. Le pays abrite le plus grand nombre de réfugiés de tous les pays africains — 1,2 million — et il s’agit du troisième pays d’accueil des réfugiés en importance au monde. Il y a maintenant plus de un million de réfugiés sud-soudanais en Ouganda. La grande majorité sont des femmes et des enfants. Compte tenu de l’afflux d’un si grand nombre de réfugiés en Ouganda, l’OIM aide-t-elle l’Ouganda à les réinstaller ailleurs?
Mme Vojácková-Sollorano : L’OIM est très active en Ouganda. Pour ce qui est de la réinstallation, nous l’offrons toujours, tant et aussi longtemps qu’il y a des pays de réinstallation. Dès lors que ces pays sont prêts à accepter des réfugiés, nous sommes là pour les aider en Ouganda également, oui.
La sénatrice Jaffer : Lorsque vous dites que vous êtes prêts à aider — je suis curieuse — avez-vous des programmes destinés uniquement aux femmes et aux enfants qui s’installeront dans des pays? Juste pour les femmes et les enfants?
Mme Vojácková-Sollorano : Non. Pas juste pour les femmes. La réinstallation dépend des pays de réinstallation. Nous pouvons en faire la promotion, mais cela dépend des pays de réinstallation. Jusqu’ici, nous n’avons pas de pays qui n’acceptent que les femmes et les enfants.
La sénatrice Jaffer : Merci.
[Français]
La sénatrice Gerba : Moi aussi, je dois féliciter l’OIM pour le travail qu’elle fait, madame Vojácková-Sollorano.
Après neuf mois de négociations, le Parlement européen a adopté mercredi dernier le pacte sur la migration et l’asile. Ce texte, qui est le premier du genre à l’échelle de l’Union européenne, a fait l’objet de nombreux commentaires.
Quel regard portez-vous sur ce pacte? Apporte-t-il une réponse efficace aux enjeux de migration que connaît l’Union européenne aujourd’hui? De quelle manière le Canada devrait-il s’en inspirer ou, au contraire, s’en distancier?
[Traduction]
Mme Vojácková-Sollorano : L’Europe a adopté quelque chose qui, d’une part, était attendu depuis longtemps. J’en ai parlé au début. Pendant longtemps, l’Europe a été réticente à adopter l’idée européenne d’une politique migratoire. Il est malheureux qu’on en ait dû venir à cette tragédie humanitaire aux frontières européennes pour que les pays d’Europe se réunissent et créent un pacte. Le pacte comporte de nombreux éléments qui sont, d’une part, très pratiques et, d’autre part, très généraux. Nous sommes toujours en train d’analyser ce que cela signifie, parce que la situation de chaque pays européen est également très différente de celle des autres. Ce pacte signifiera quelque chose de différent pour chaque pays.
Je ne pense pas que le Canada doive suivre cette voie, parce qu’il dispose déjà d’une politique migratoire et qu’il a déjà des principes en place. Il doit seulement s’adapter à la situation suivant l’évolution des migrations.
Cette situation est très spécifique à l’Europe. Nous pensons que le débat aurait dû avoir lieu il y a 20 ans, alors nous n’aurions pas besoin de déclarations aussi radicales que maintenant, parce qu’on aurait pu prévenir de nombreuses choses, et la population aurait été prête à comprendre ce qui se passe. Nous avons maintenant le document. Nous l’analyserons et verrons comment chaque État membre de l’Union européenne l’appliquera, parce que nous estimons que chaque État membre de l’Union européenne aura sa propre façon de l’interpréter.
[Français]
La sénatrice Gerba : Merci pour votre réponse. Vous avez évoqué tout à l’heure ce qui pourrait être fait ou ce que vous faites pour retourner les migrants dans leur pays. Vous avez parlé des façons de les aider à y retourner. Pouvez-vous parler plus en détail des différentes stratégies qui pourraient aider à limiter ou à mieux structurer ces migrations quand les migrants sont dans leur pays?
[Traduction]
Mme Vojácková-Sollorano : Voudriez-vous que je parle plus en détail de notre concept de retour volontaire ou d’aide au retour volontaire?
La sénatrice Gerba : Oui, exactement.
Mme Vojácková-Sollorano : C’est un concept que nous avons élaboré depuis les années 1980 lorsque nous avons vu que, partout dans le monde, les migrants étaient coincés dans des situations sans aucune issue possible. Nous les conseillions alors et leur disions : « Voici les possibilités qui s’offrent à vous. L’une d’entre elles est de retourner à la maison, si c’est sécuritaire. » Naturellement, nous n’encouragions pas les gens à retourner dans un pays où nous savions qu’ils ne seraient pas en sécurité. Nous leur montrons les possibilités qui existent, parce que de nombreux migrants sont coincés entre des systèmes juridiques, entre des pays où ils ne peuvent pas rester. Plus longtemps ils restent dans ces situations, pire leur situation et celle leur famille devient. Le retour volontaire est l’une des options, mais seulement si c’est sécuritaire.
Nous insistons également pour dire que nous nous occupons non seulement de retour volontaire, mais aussi d’aide au retour volontaire. Cela signifie que, à leur retour, nous aidons les rapatriés et leur famille ainsi que leur communauté, selon la situation. C’est un service que nous offrons partout dans le monde.
La sénatrice Cordy : Merci beaucoup de tout le travail que vous faites et de ce que l’OIM fait dans le monde entier. Je suis sûre que vous avez parfois l’impression de tester les eaux. Donc, merci beaucoup.
Je suis remplaçante aujourd’hui au comité, mais j’ai siégé au Comité des droits de la personne. On entend parfois des témoignages qu’on n’oublie jamais. Pour moi, c’est le témoignage de Bob Rae, qui est maintenant notre ambassadeur aux Nations unies. À l’époque, il était l’envoyé spécial du Canada pour les Rohingyas. Il a parlé de ce qui se passait au Myanmar. Il a dit qu’il avait parlé aux gens individuellement. Il est allé là-bas à plusieurs occasions, mais une fois, il a parlé à quelqu’un et a dit : « Lorsque je retournerai au Canada, qu’aimeriez-vous que je dise aux Canadiens? » L’homme lui a répondu : « S’il vous plaît, dites-leur que nous sommes humains. »
Voici le tableau : des millions de gens dans le monde sont déplacés, et des millions sont des migrants. Parfois, lorsque les chiffres sont aussi importants, il est difficile de leur donner un visage. Comment pouvons-nous donner un visage à tous ces migrants?
Mme Vojácková-Sollorano : C’est aussi une question de savoir comment nous regardons ces situations. Si nous disons que deux millions de migrants sont coincés quelque part, cela signifie que deux millions de personnes ont une famille et une communauté. Chacune d’entre elles est partie avec un rêve, et quelqu’un lui a vendu une solution à son rêve, qui était mauvaise. Tout le monde arrive avec une histoire différente.
Lorsque l’on parle plus en détail du Myanmar et des Rohingyas, lorsque le déplacement des Rohingyas a commencé au Bangladesh au début des années 2000, c’est le secrétaire général actuel, qui était à l’époque le chef du HCR, António Guterres, qui demandait à l’époque aux gouvernements de bien voulait aider ces gens à se réinstaller, parce qu’ils ne pouvaient pas retourner à la maison ni rester au Bangladesh. Personne n’a écouté, parce que c’était une communauté inconnue, qu’on avait peu de connaissances à ce sujet et qu’aucun pays de réinstallation n’était prêt à les accepter. Ce n’est qu’un groupe dont nous parlons. Nous avons de ces groupes — un si grand nombre d’entre eux — partout dans le monde.
L’aide à la réinstallation est une chose, mais elle exerce des pressions dès le départ sur les gouvernements qui font cela à leur propre population et ne laissent pas la situation s’aggraver jusqu’à ce qu’il soit essentiellement impossible de communiquer avec les gouvernements, comme c’est le cas actuellement au Myanmar.
La sénatrice Cordy : Merci beaucoup.
Vous avez parlé de la nouvelle migration — je pense que c’est la terminologie que vous avez utilisée — et vous avez dit que le Canada a mis en place des principes pour la migration et pour les migrants. Les principes établis, non seulement au Canada, mais dans de nombreux autres pays, fonctionnent-ils réellement pour de nouvelles migrations? Quels changements devons-nous apporter pour aider ces personnes?
Mme Vojácková-Sollorano : J’ai peut-être dit « nouvelle migration », mais je pensais peut-être aux « nouveaux flux migratoires ».
La sénatrice Cordy : D’accord.
Mme Vojácková-Sollorano : La migration est toujours la même. Les gens partent parce qu’ils poursuivent un rêve ou ils fuient parce qu’ils doivent quitter leur pays pour différentes raisons. La plupart des migrants migrent effectivement de manière régulière et savent ce qu’ils font. Ceux qui sont réellement déplacés et qui sont exploités par les passeurs et les trafiquants sont ceux qui ont besoin de notre aide, et ce, idéalement avant de quitter leur foyer. Ce qu’il faut faire, c’est repérer les communautés où vont les passeurs, où ils recrutent des gens, où les trafiquants voient bien quels sont les rêves des gens et leur disent de tout vendre et de partir. Il faut veiller à ce que l’aide humanitaire soit en route, mais nous devons mettre en place des stratégies préventives. L’analyse de ces flux est donc très importante. Il s’agit, non pas seulement d’aider les personnes, mais de comprendre d’où elles viennent, comment elles se sont retrouvées dans cette situation et d’agir à la source. C’est important.
De son côté, le Canada a toujours été assez innovateur en examinant différentes façons de soutenir l’immigration de divers groupes. Je suis consciente qu’il y a maintenant des débats aussi sur la manière d’élargir les voies d’entrée. Nous aimerions beaucoup participer à cette discussion ou apporter notre aide grâce à nos connaissances, car vous pensez peut-être que de nombreux autres pays... En fait, très peu de pays ont cette compréhension de la migration. Il faut continuellement l’analyser, chercher de nouvelles façons de faire et adapter ces façons à de nouvelles situations. Le Canada est l’un des pays les plus innovateurs, sinon le plus innovateur, en ce sens. Je vous remercie de le faire, et continuez ainsi.
La sénatrice Cordy : Merci. Merci beaucoup également du travail que vous accomplissez.
La présidente suppléante : Madame Vojácková-Sollorano, j’ai également deux questions avant de passer au deuxième tour, si le comité le permet.
Pour la première, je reviens sur certaines questions que vous avez soulevées, mais j’aimerais également poursuivre dans la même veine que la sénatrice Cordy. Tout d’abord, quel est l’impact du travail de l’OIM au chapitre de la violence fondée sur le genre à Cox’s Bazar? De plus, dans quelle mesure, selon vous, les femmes et les filles évitent-elles les camps et autres sites dans lesquels elles pourraient recevoir de l’aide internationale en raison de la crainte de subir des violences fondées sur le sexe? Lorsque j’étais en Syrie l’été dernier, j’ai justement entendu parler de ce problème, et vous l’avez mentionné. Ce serait vraiment bien si vous pouviez en dire davantage sur ces deux points. Merci.
Mme Vojácková-Sollorano : Oui. Malheureusement, cela se produit même dans des sociétés non fermées. Bien entendu, plus une société est fermée, plus une communauté est fermée, plus nous constatons de la violence fondée sur le genre. C’est malheureusement toujours le cas.
Cox’s Bazar est une communauté où les gens n’ont nulle part où aller. Ils n’ont pas la possibilité d’aller ailleurs. Nous sommes là, comme beaucoup d’autres organismes, avec des programmes et des outils de sensibilisation pour réduire au minimum les risques de violence fondée sur le genre, disons-le ainsi. Nous disposons de nombreux outils sur place. Il s’agit non pas seulement de formation, et ces outils s’adressent non pas uniquement aux femmes, mais aussi aux hommes et à l’ensemble de la communauté, afin de favoriser une meilleure compréhension communautaire pour que les membres de la communauté se protègent mutuellement. Notre travail comporte de nombreux éléments. Cependant, l’éradication complète de cette violence reste un rêve.
Je ne sais pas dans quels camps vous étiez en Syrie, mais si vous faites référence à ceux du Nord-Est de la Syrie, la situation est très différente. En fait, aucune des agences des Nations unies ni aucune ONG n’y a un accès approprié. Nous savons que des choses horribles s’y produisent. Nous en sommes très conscients, mais nous n’avons aucun moyen d’influer sur la situation là-bas. J’ai été représentante spéciale adjointe du Secrétaire général en Iraq pendant deux ans, et nous avons reçu des Iraquiens qui revenaient de ces camps. Les histoires étaient vraiment horribles, mais nous n’avons malheureusement aucun moyen d’exercer une quelconque influence sur ces camps.
La présidente suppléante : Dans d’autres pays, avez-vous une idée du nombre de femmes qui ne vont pas dans les camps en raison de ces craintes?
Mme Vojácková-Sollorano : Cela dépend toujours de la situation, car la plupart des camps se trouvent dans des zones où il n’y a rien d’autre aux alentours, et elles n’ont donc pas la possibilité d’aller ailleurs. Là où elles en ont la possibilité, aucune ne préfère aller dans un camp. Il est très rare qu’une personne préfère se retrouver dans un camp. La plupart des réfugiés s’ils le peuvent — surtout les femmes — quittent le camp. Si c’est légalement possible et si c’est une option valable, nous l’appuyons sans réserve, car les camps sont les derniers endroits dans lesquels nous voulons que les gens se retrouvent.
La présidente suppléante : Merci.
Nous allons maintenant passer au deuxième tour, chacun disposant de quatre minutes.
La sénatrice Omidvar : J’aimerais savoir ce que vous pensez, brièvement si vous le pouvez — je ne sais pas si cela peut se faire rapidement.
Si on compare la situation des réfugiés rohingyas au Bangladesh à celle des réfugiés vénézuéliens dans différentes régions de la Colombie et du Venezuela, en Colombie et en Équateur... Des partenaires régionaux se sont réunis. Ils ont conclu un accord, dans le cadre du Processus de Quito, et ils s’efforcent de normaliser certaines de ces conditions afin que les Vénézuéliens puissent travailler et envoyer leurs enfants à l’école. Ensuite, il y a les réfugiés rohingyas au Bangladesh. Franchement, le monde semble les avoir abandonnés, et ils n’ont nulle part où aller, sauf prendre la mer. Je frémis rien que d’y penser. Selon vous, les accords régionaux comme ceux créés par la Colombie et l’Équateur constituent-ils une voie vers l’avenir? Si oui, quel rôle le Canada joue-t-il pour encourager ces accords régionaux? Le Canada attend des recommandations à cet égard.
Mme Vojácková-Sollorano : La situation des Rohingyas est très différente. Tout d’abord, dans leur propre pays, les Rohingyas constituaient déjà une minorité qui, pour le moins, n’était pas traitée de façon égale. Le niveau d’alphabétisation de la communauté rohingya est très élevé. La communauté est tissée serrée. Je sais que l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est, ou ANASE, serait la solution régionale, mais même les États au sein de l’ANASE ne peuvent pas en discuter. C’est très différent.
Nous recherchons toujours des solutions régionales parce que c’est l’idéal. Amener les gens à l’autre bout du monde est le dernier recours. Même si la solution régionale est toujours la meilleure, dans les circonstances actuelles, je ne peux pas imaginer que cette situation puisse changer dans la région.
Naturellement, le Bangladesh fait face à de nombreux défis, non seulement pour absorber l’afflux de Rohingyas, mais aussi sur le plan culturel et religieux. C’est très difficile. De nombreux Rohingyas se sont rendus en Malaisie et en Indonésie. Au début, l’Indonésie les accueillait discrètement, mais maintenant, il y en a trop. Il y a maintenant des manifestations en Indonésie contre les Rohingyas parce qu’ils sont trop nombreux.
Les gouvernements ne parviennent pas à trouver une solution ou n’ont eu aucune discussion pour l’instant. Ils ne sont pas prêts à discuter de la manière de résoudre le problème. C’est une situation dans laquelle nous ne voyons personne contribuer à la recherche d’une solution. Comme vous le disiez, c’est une communauté oubliée. Nous ne les avons pas oubliés, mais le monde change. Malheureusement, c’est extrêmement tragique.
La sénatrice Omidvar : Merci beaucoup de ce commentaire. Cela met en évidence l’isolement des réfugiés rohingyas.
Le travail que nous effectuons débouchera sur une série de recommandations au gouvernement du Canada. Mon temps est écoulé, mais je vous ai entendu dire que le Canada devrait être proactif et non réactif et qu’il devrait continuer d’innover avec de multiples voies d’accès. Si vous pensez à d’autres recommandations que le Canada devrait adopter, n’hésitez pas à nous les transmettre. Merci.
La sénatrice Jaffer : Merci de votre patience en répondant à nos questions.
J’ai été très intéressée — dites-le-moi si j’ai mal compris — lorsque vous avez dit qu’il n’y avait pas beaucoup de voies permettant aux femmes avec enfants de sortir des camps de réfugiés. Est-ce exact? Ai-je bien compris vos propos?
Mme Vojácková-Sollorano : Non. Je voulais dire que la plupart des camps de réfugiés ou des camps, également pour les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, se trouvent dans des zones isolées. En sortir est encore plus dangereux que d’y rester. Cependant, si ces gens sont plus proches des communautés et qu’ils ont la possibilité de vivre en dehors du camp, c’est toujours beaucoup mieux et préférable. Nous soutenons également cette solution à condition que cela soit juridiquement viable.
La sénatrice Jaffer : Ce n’est pas ce que je voulais dire, mais ma question était mal formulée. Je voulais dire qu’il est difficile pour eux d’émigrer, disons, pour venir au Canada, à partir des camps. Je vous pose cette question, car lorsque j’exerçais le droit, nous avons convaincu le gouvernement Chrétien de mettre en place un programme spécial pour faire venir dans les communautés les femmes et les enfants qui se trouvaient dans des camps. Je devrais le savoir, mais ce programme fonctionne-t-il toujours? Selon vos propos, je ne pense pas que ce soit le cas.
Mme Vojácková-Sollorano : Vous voulez dire dans les communautés des collectivités voisines?
La sénatrice Jaffer : Non, disons du Soudan. Même lorsque j’étais envoyée spéciale, nous faisions venir au Canada seulement les femmes et les enfants qui étaient dans les camps.
Mme Vojácková-Sollorano : Oh, au Canada. Oui.
La sénatrice Jaffer : Ces programmes existent-ils toujours?
Mme Vojácková-Sollorano : Je n’en connais pas en particulier, mais je sais que, pour des motifs humanitaires, il est toujours possible que des cas individuels soient présentés au Canada, et, à cet égard, le Canada est beaucoup plus généreux que d’autres pays. Si nous voyons des femmes qui sont dans une situation particulière et que le Canada est ouvert à les accueillir, notamment les mères seules avec enfants, alors oui.
La sénatrice Jaffer : Comme vous le savez, nous étudions cette situation. Si vous nous aidiez avec une recommandation, quelle serait-elle? Comment pouvons-nous aider davantage de femmes et d’enfants? Vous ne pouvez peut-être pas nous le dire maintenant, mais pouvez-vous la transmettre au greffier? Cela nous aiderait vraiment. Vous êtes sur le terrain, et cela nous aiderait vraiment à recommander à notre gouvernement la manière dont nous pouvons accueillir au pays davantage de femmes et d’enfants dans le besoin.
Mme Vojácková-Sollorano : Il est naturel, pour des raisons humanitaires, d’avoir la possibilité de se réinstaller au Canada. De nombreuses femmes ont reçu l’aide du Canada de cette façon, et cela leur a sauvé la vie.
Il existe une autre façon, soit de soutenir des projets dans lesquels nous travaillons avec les hommes des communautés. Par ailleurs, nous devons protéger les femmes, mais nous devons commencer à la source. Nous devons travailler avec les hommes de ces communautés afin qu’ils protègent la communauté, et les femmes représentent 50 % de leur communauté. Voilà où l’aide est absolument nécessaire, oui.
[Français]
La sénatrice Gerba : J’aimerais vous entendre sur la situation des violences faites aux femmes en République démocratique du Congo, où il y a 6,9 millions de personnes déplacées. Étant donné que l’OIM est présente dans plusieurs provinces de ce pays, j’aimerais savoir si vous avez des recommandations à faire ou des choses à nous dire par rapport à ces femmes qui sont dans des situations précaires, qui subissent de la violence et dont les enfants sont déplacés eux aussi dans ces pays. Pourquoi la communauté internationale semble-t-elle oublier ce coin de pays où l’OIM est pourtant très active?
[Traduction]
Mme Vojácková-Sollorano : Merci d’avoir évoqué la situation au Congo. C’est le pays où le plus grand nombre de cas de violence contre les femmes sont signalés et statistiquement prouvés. Cela dure depuis plusieurs décennies au Congo. L’OIM y est présente. Là où nous avons accès aux communautés, nous faisons tout ce que nous pouvons en matière de prévention et d’assistance directe également. Pour être honnête, c’est très difficile. C’est extrêmement compliqué au Congo en raison de la situation sociale dans son ensemble.
Notre aide est également très limitée compte tenu du financement que nous recevons. L’OIM étant une organisation qui fonctionne par projet, nous disposons de ressources propres très limitées. Tout ce que nous faisons, l’aide directe, est toujours fonction du financement de projet. Cela dépend du montant de financement que nous recevons et de l’aide que nous pouvons fournir.
Les régions où nous sommes présents au Congo, c’est là où nous étions traditionnellement. Nous nous engageons à y rester. Nous espérons pouvoir rester, car la situation devient malheureusement très tendue au Congo. Nous craignons que la situation ne s’aggrave. Mais nous sommes déterminés à rester là où nous sommes, auprès des communautés, et à continuer de les aider.
[Français]
La sénatrice Gerba : Si vous aviez une recommandation à faire au gouvernement du Canada par rapport à cette partie du monde — ce pays où la situation est l’une des plus désastreuses pour les femmes —, quelle serait cette recommandation?
[Traduction]
Mme Vojácková-Sollorano : D’un côté, nous devons être réalistes. Que pouvons-nous faire en tant que communauté internationale? Une des choses que nous pourrions faire est de pouvoir rester et de continuer à faire ce que nous faisons actuellement. C’est déjà un succès. À cause de la situation tendue, c’est déjà un succès de pouvoir être là. La communauté voit que nous sommes là. Tant que nous y sommes, elle se sent mieux protégée.
La situation politique est très différente, et nous n’avons pas beaucoup d’influence là-bas. Comme vous le savez, les Casques bleus ont été renvoyés chez eux, ce qui a ouvert la porte à la violence à bien des égards. Je ne veux pas m’étendre au sujet des pays voisins, mais nous craignons que les choses n’empirent.
Ce qui est important, c’est de nous soutenir pour que nous puissions rester et acheminer l’aide là où nous nous trouvons. Au Congo, ce sera un succès si nous réussissons à faire cela et si le Canada nous appuie ouvertement.
La sénatrice Simons : Je voulais revenir au Venezuela, si vous le permettez. Le HCR indique qu’il y a environ 300 000 personnes qui ont été officiellement reconnues réfugiés du Venezuela, mais bien évidemment, il y a des millions d’autres personnes qui sont des migrants. Oui, nous parlerions de migrants économiques, mais je ne veux pas banaliser le chaos économique qu’ils laissent derrière eux.
Mme Vojácková-Sollorano : Oui.
La sénatrice Simons : Je me demande quels sont les défis à relever lorsque vous avez une population aussi importante de personnes déplacées qui ont choisi de partir à cause de la crise économique dans leur pays et qui pourraient souhaiter retourner au Venezuela, mais qui, en attendant, envahissent les pays avoisinants de l’Amérique latine et des Caraïbes. Quels sont les défis que pose la gestion d’une communauté de réels migrants comparativement aux réfugiés au sens de la convention?
Mme Vojácková-Sollorano : Oui. D’après nos estimations, 7,7 millions de Vénézuéliens sont déplacés dans la région hors du Venezuela.
La sénatrice Simons : Selon le HCR, seuls 300 000 d’entre eux seraient des réfugiés.
Mme Vojácková-Sollorano : Il s’agit de réfugiés. Ce sont des personnes qui sont reconnues comme des réfugiés, mais nous avons 7,7 millions de Vénézuéliens déplacés dans la région de l’Amérique latine. C’est beaucoup de gens.
Vous disiez que les personnes pourraient vouloir rentrer chez elles. Dès que la situation s’améliorera chez eux, ils rentreront tous. Les réfugiés seront les premiers, car ils ont toujours rêvé de retourner chez eux. Ils veulent rentrer chez eux dès que c’est possible.
C’est dans ce genre de situation que nous devons aider à stabiliser les communautés là où elles se trouvent. Pour elles, il est également préférable de rester dans la région et de ne pas migrer plus loin. Elles ne migrent plus loin que si la région ne les intègre pas suffisamment. L’objectif serait d’aider les pays de la région à stabiliser les communautés. Cela serait préférable pour la région et pour les migrants plutôt que de migrer plus loin, à moins que ce ne soit une situation extrême d’aide humanitaire où les gens ne peuvent pas survivre à cause de leur situation spécifique. La majorité des personnes sont des jeunes en pleine possession de leurs moyens, de jeunes familles qui sont prêtes à travailler, à s’installer et à s’établir lorsqu’elles en auront la possibilité. Soutenir les pays dans la région pour stabiliser ces communautés et leur donner la possibilité de rester sera certainement la meilleure option. De plus, je sais également que le Canada soutient cette option. Ce serait la priorité.
Naturellement, des milliers de personnes chercheront encore d’autres solutions, mais si 80 % des 7,7 millions de personnes restent dans la région et y trouvent un emploi d’une façon ou d’une autre, ce sera certainement la meilleure option. Le retour chez eux dès que la situation le permettra sera beaucoup plus facile.
La sénatrice Simons : Il serait dans l’intérêt égoïste des États-Unis et du Canada de mieux aider ces autres pays à les intégrer.
Mme Vojácková-Sollorano : Oui, tout à fait.
La sénatrice Simons : Un nombre limité de personnes de la Birmanie, du Congo ou du Soudan vont aller aux États-Unis, mais il est beaucoup plus simple de se rendre aux États-Unis à partir du Venezuela et, pour éviter ce type de migration de masse vers le nord, il est manifestement dans l’intérêt de tous de protéger les gens là où ils se trouvent.
Mme Vojácková-Sollorano : Oui.
La présidente suppléante : En février 2024, le Conseil de sécurité des Nations unies a appris que la famine était presque inévitable à Gaza — nous en sommes témoins — s’il n’y avait pas une augmentation de l’aide et qu’un minimum de 576 000 personnes étaient exposées à des niveaux catastrophiques de famine. Pourriez-vous nous dire dans quelle mesure cette crise humanitaire touche de manière disproportionnée les femmes et les filles et ce que le gouvernement du Canada pourrait faire afin d’empêcher que la situation ne se détériore?
Mme Vojácková-Sollorano : Elle touche de manière disproportionnée les femmes, les jeunes filles et les enfants. Nous savons que plus d’un tiers des personnes qui sont mortes au cours des mois derniers étaient des enfants.
Il y a toujours cette crainte de parler de famine, mais une fois qu’elle a commencé, il est difficile d’y mettre fin, car c’est un processus physique qui se déroule. Même lorsque les gens reçoivent de la nourriture, ils ne peuvent plus l’absorber. L’OMS a publié plusieurs rapports à ce sujet.
Quant à ce que le Canada peut faire, je sais que le Canada dispose du regroupement familial et d’un genre de réinstallation. Je pense que c’est quelque chose qui serait utile dans cette situation. Ce serait la chose la plus réaliste, soit réunir les membres de la famille et négocier pour qu’ils puissent quitter Gaza et rejoindre leurs proches au Canada.
La présidente suppléante : Merci beaucoup.
Mme Vojácková-Sollorano : Essentiellement, nous attendons de voir ce que la communauté humanitaire sera autorisée à faire. Dans l’état actuel des choses, c’est tout ce que nous pouvons proposer. Oui.
La présidente suppléante : Merci beaucoup, et merci, madame Vojácková-Sollorano, de votre exposé. Je tiens à vous remercier tout particulièrement parce qu’il est très tard pour vous à l’étranger, et nous apprécions énormément que vous soyez restée et que vous ayez participé jusqu’à tard dans la nuit. Nous vous remercions de votre participation.
Mme Vojácková-Sollorano : Merci. Je suis heureuse d’avoir eu la possibilité de m’adresser à vous.
La présidente suppléante : Merci.
Je vais maintenant présenter notre deuxième groupe de témoins. Chaque témoin a été invité à présenter une déclaration préliminaire de cinq minutes. Nous entendrons les témoins et passerons ensuite aux questions des sénateurs.
Par vidéoconférence, veuillez accueillir Kelsey Norman, chercheuse sur le Moyen-Orient, directrice du Programme des droits des femmes, des droits de la personne et des réfugiés du Baker Institute for Public Policy de la Rice University. Bienvenue, madame Norman. Nous accueillons également Dr Jason Nickerson, représentant humanitaire au Canada pour Médecins sans frontières. Bienvenue, docteur Nickerson. J’invite maintenant Mme Norman à faire sa déclaration préliminaire, qui sera suivie de celle de Dr Nickerson.
Kelsey Norman, chercheuse sur le Moyen-Orient, directrice du Programme des droits des femmes, des droits de la personne et des réfugiés, Baker Institute for Public Policy de la Rice University, à titre personnel : Je vous remercie. Je suis très honorée d’avoir la possibilité de présenter mon témoignage aujourd’hui.
Depuis plus de 14 ans, je fais de la recherche, de l’enseignement et de la mobilisation du public sur le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, et c’est donc sur ce sujet que ma déclaration portera.
Plus de 10 ans après le Printemps arabe de 2011, le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord sont encore aux prises avec des niveaux de déplacement sans précédent. Dans les minutes dont je dispose, je parlerai brièvement de quatre aspects.
Tout d’abord, la guerre en Syrie a été le plus grand facteur de déplacement causé par l’humain au Moyen-Orient au cours de la dernière décennie. La présence de réfugiés syriens est presque oubliée, mais il y a plus de six millions de Syriens qui ne pensent pas pouvoir rentrer chez eux, et la situation dans les pays d’accueil reste précaire. La Turquie continue d’accueillir plus de trois millions de Syriens, et le tremblement de terre de 2023 ainsi que l’élection présidentielle ont ravivé les tensions entre les citoyens et les réfugiés. Le Liban continue d’accueillir un réfugié pour quatre citoyens, et les réfugiés des collectivités d’accueil les plus pauvres sont touchés de façon disproportionnée par la détérioration de la situation économique. Il y a également eu une augmentation marquée de la xénophobie à l’égard des Syriens au Liban au cours des dernières semaines, ce qui a fait augmenter la crainte de violence. Même s’ils ne sont pas exposés à la même crise économique que le Liban, 80 % des Syriens en Jordanie vivent dans la pauvreté. En ce qui concerne les recommandations, le Canada devrait encourager ces pays d’accueil à ne pas renvoyer de force les réfugiés syriens car cela pourrait relancer le cycle de violence et de répression et, finalement, augmenter la probabilité d’un futur conflit.
Ensuite, je parlerai du Soudan. La guerre civile actuelle qui se déroule au Soudan a causé le déplacement de plus de huit millions de personnes au cours de la dernière année. Aujourd’hui marque en fait l’anniversaire du début de la guerre civile. Environ 1,8 million de personnes ont demandé la protection aux frontières internationales, et parmi elles, plus de 450 000 sont allées en Égypte. Vu la dépréciation récente de la devise égyptienne alliée à l’inflation record, ces migrants vivent dans un environnement économique difficile et un climat politique dont la sécurité s’est renforcée. Les personnes qui ont eu la chance de pouvoir se rendre en Égypte ont dû s’efforcer d’y mener une vie temporaire avec peu d’accès à de l’aide et composer avec des difficultés à trouver un logement. Cependant, plutôt que de soutenir les ONG et les initiatives locales qui tentent d’aider ces nouveaux arrivants, l’aide financière — particulièrement celle qui provient de l’Europe — a servi à sécuriser les frontières, ce qui a eu pour effet de piéger davantage les réfugiés en Égypte.
Puis, je parlerai brièvement de Gaza. L’ampleur des déplacements internes à Gaza est sans précédent puisque 80 % des habitants de la bande, soit 1,9 million de personnes, ont été contraints de quitter leur domicile. La situation est également unique puisque les habitants de Gaza n’ont littéralement nulle part où aller. La grande majorité des deux millions d’habitants de la bande de Gaza ont d’abord été forcés de fuir vers la moitié sud, principalement à Khan Younis, avant d’être forcés de fuir à nouveau vers le gouvernorat de Rafah qui accueille désormais plus de la moitié de la population de la bande. La ville de Rafah, située à la frontière égyptienne, ne comptait que 280 000 habitants avant la guerre, et sa surpopulation actuelle a causé une pénurie marquée d’abris, de nourriture, d’eau et d’installations sanitaires. Les Nations unies et les organismes humanitaires ont qualifié d’impossible l’assistance aux personnes déplacées à l’intérieur de la bande de Gaza. Lorsque même ceux qui fuient vers des zones réputées sûres par Israël sont tués et que le nombre de morts a dépassé 30 000 personnes en six mois, on comprend pourquoi les Palestiniens croient qu’ils n’ont plus d’autres choix.
Enfin, j’aborderai les préoccupations croissantes au sujet des répercussions causées par le changement climatique qui aggravent les problèmes de déplacement qui existent déjà. Par exemple, l’Irak compte plus d’un million de PDI qui seront touchés par la hausse des températures et la sécheresse. Plus de 90 % de la population de l’Irak dépendent de l’Euphrate et du Tigre, dont les niveaux sont historiquement bas. Le Yémen compte plus de quatre millions de PDI en plus d’un million de réfugiés et de demandeurs d’asile venant de la corne de l’Afrique. Le changement climatique était déjà un problème grave au Yémen avant la guerre civile, mais l’utilisation de l’eau comme arme au cours des huit dernières années de combat a exacerbé la famine au Yémen et a prolongé le conflit. Les femmes et les filles ont été particulièrement touchées car elles sont généralement chargées d’aller chercher l’eau, ce qui leur fait entreprendre des trajets dangereux dans les zones touchées par le conflit et où elles sont davantage exposées aux mines terrestres.
Pour résoudre ces nombreux problèmes, les pays riches comme le Canada devraient s’efforcer d’accroître les possibilités de déplacement que ce soit grâce à des visas humanitaires, des parrainages privés de réfugiés, des possibilités d’accès à l’enseignement ou des permis de travail pour les personnes forcées de quitter leur pays. Le Canada devrait également s’assurer que ces personnes ont accès à la résidence permanente et à la possibilité de reconstruire leur vie et de contribuer dans leur nouveau pays.
De plus, le Canada devrait concentrer ses efforts d’aide humanitaire sur le soutien aux organismes qui aident les demandeurs d’asile et les réfugiés à s’intégrer localement et sur la réduction des répercussions du changement climatique. Le Canada devrait prendre des mesures fortes afin de s’assurer que son aide ne sert pas à renforcer la sécurité aux frontières, ce qui donnerait davantage de pouvoir aux acteurs répressifs dans les pays bénéficiaires.
Je vais m’arrêter ici, et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions sur ces enjeux. Merci.
La présidente suppléante : Merci, madame Norman.
Jason Nickerson, représentant humanitaire au Canada, Médecins sans frontières : Bonsoir, honorables sénateurs, et merci de me recevoir.
En tant qu’organisation médicale humanitaire, Médecins sans frontières, MSF, ou Doctors Without Borders, répond régulièrement à des situations d’urgence liées aux déplacements forcés. Nos équipes travaillent avec des communautés exposées à la violence, aux conflits et de plus en plus, aux impacts des changements climatiques qui les obligent à fuir pour subsister et se mettre en sécurité. Notre rôle est de fournir des soins médicaux essentiels.
Nous sommes témoins de lacunes de plus en plus alarmantes dans la réponse à de grandes crises de déplacements forcés dans des endroits comme la République démocratique du Congo, la RDC, et le Soudan. Cela fait d’ailleurs aujourd’hui un an depuis que le conflit a englouti ce pays, déplaçant des millions de personnes à l’intérieur et dans les pays voisins, dont le Soudan du Sud et l’est du Tchad. Le Tchad est d’ailleurs devenu le plus grand pays d’accueil des personnes réfugiées du Soudan, et la réponse humanitaire y reste inadéquate.
Nous pourrions discuter d’une multitude de crises. Je voudrais toutefois concentrer mes remarques sur trois urgences qu’il me semble important de porter à l’attention du comité, afin d’examiner la réponse du Canada. Chacune de ces crises est distincte, mais présente une similitude frappante : elles sont toutes caractérisées par la lenteur de l’action mondiale, malgré l’augmentation des besoins humanitaires.
Dans la province du Nord-Kivu, en République démocratique du Congo, un conflit lié à la résurgence du groupe armé M23 dure depuis plus de deux ans. Cela a massivement aggravé le conflit qui sévit depuis des décennies dans cette province, en plus de toucher aujourd’hui également le nord de la province du Sud-Kivu. Pas moins de 2,5 millions de personnes sont aujourd’hui déplacées dans le Nord-Kivu. C’est plus d’un tiers de la population. Depuis le tout début, la réponse humanitaire internationale à cette crise a été totalement inadéquate. Malgré quelques améliorations, de nombreuses personnes vivent encore dans des sites indignes et dangereux où elles manquent d’eau potable, de nourriture, d’installations sanitaires, d’abris et de soins de santé adéquats et sûrs.
MSF répond à cette crise par de multiples projets d’urgence, mais les besoins sont immenses. Les hôpitaux et les centres de santé soutenus par MSF ont reçu un afflux de personnes blessées par la guerre, y compris des blessés par balle et des victimes d’explosions. Nous sommes particulièrement préoccupés par les niveaux choquants de violence sexuelle. En 2023, les cliniques soutenues par MSF ont fourni des soins à 20 556 personnes ayant survécu à des violences sexuelles dans le Nord-Kivu. Dans certaines de nos cliniques, nous constatons cette année une augmentation de la violence sexuelle supérieure à ce que nous avons vu en 2023. Le Canada doit agir.
Je souhaite également attirer l’attention du comité sur la situation déplorable à laquelle est confrontée la population rohingya, au Bangladesh, au Myanmar et en Malaisie. Je me suis récemment rendu au Bangladesh, pour visiter les projets de MSF dans le camp de personnes réfugiées rohingyas de Cox’s Bazar. Ce camp clôturé qui abrite aujourd’hui environ un million de personnes est le plus grand camp de personnes réfugiées au monde. MSF est le principal fournisseur de services de santé à l’intérieur du camp clôturé où les personnes qui ont fui la violence et la persécution se retrouvent aujourd’hui confinées. Ces personnes ont un droit limité — quand elles en ont un — à l’emploi, à l’éducation ou aux moyens de subsistance, et aucune solution claire n’est proposée. Je suis également allé en Malaisie, où nos équipes fournissent des soins médicaux aux Rohingyas qui ont fui la violence et l’avenir incertain des camps de Cox’s Bazar. À leur arrivée en Malaisie, ces personnes font face à une réalité marquée par l’absence de protection juridique et de sécurité. Des milliers d’entre elles se retrouvent arrêtées et détenues dans des centres de détention, en grande partie pour des violations des lois sur l’immigration, et sont privées de recours juridiques pour remédier à la situation.
Parlons ensuite de la guerre à Gaza et de la crise des déplacements forcés qu’elle a engendrée. On estime que plus de 1,7 million de personnes à Gaza, soit près de 75 % de la population, ont été déplacées de force et vivent dans des conditions dangereuses et insalubres. Nos équipes sont aujourd’hui témoins d’une dure réalité. En raison du siège qu’Israël mène sur l’ensemble de la bande de Gaza, les habitants sont privés des biens essentiels comme la nourriture, l’eau, les abris, le carburant et l’électricité, ainsi que des soins de santé. Les approvisionnements autorisés à entrer et destinés aux personnes déplacées ont été jusqu’à maintenant négligeables par rapport aux immenses besoins. La malnutrition progresse. Les maladies transmissibles se propagent. L’eau potable est rare. Des milliers de personnes ont besoin de soins médicaux, chirurgicaux et de réadaptation complexes qui ne sont plus disponibles à Gaza et qui nécessiteraient une évacuation médicale urgente. Les minutes comptent lorsque des vies sont en jeu.
MSF continue de réclamer un cessez-le-feu immédiat et durable, alors que nous sommes témoins de la souffrance des personnes palestiniennes prises au piège et déplacées par un conflit qui ignore de manière flagrante les règles de la guerre. Notre appel au cessez-le-feu est un appel humanitaire, soulignant que, étant donné la manière dont la guerre est menée, c’est la seule voie viable pour pouvoir atteindre et prêter assistance aux personnes qui en ont besoin.
Je termine en remerciant le comité de s’être penché sur cette question et sur le rôle que le Canada peut jouer pour répondre aux besoins urgents des personnes déplacées de force. À l’heure où une grande partie du monde piétine ou détourne le regard face à l’augmentation des besoins humanitaires, nous espérons que le Canada aura le courage moral de relever le défi. Cela suppose de s’engager à financer l’aide humanitaire internationale dans le budget fédéral de demain et d’utiliser tout le pouvoir diplomatique du Canada pour trouver des solutions constructives et significatives à ces crises. Que ce soit en RDC, au Bangladesh ou à Gaza, les minutes comptent pour les personnes qui ont besoin de soins médicaux urgents. MSF continuera à répondre aux besoins des personnes touchées par les crises, et nous demandons au Canada de continuer lui aussi à s’impliquer.
Merci.
La présidente suppléante : Merci à vous deux de vos déclarations. Nous allons maintenant passer aux questions. Chers collègues, vous avez cinq minutes pour poser votre question et écouter la réponse.
La sénatrice Simons : Je n’ai pas voulu paraître trop insistante, mais tout cela me fascine vraiment. Je ne siège pas habituellement à ce comité, mais j’ai participé à deux réunions, et c’est la première fois aujourd’hui que l’on mentionne les changements climatiques en tant que motif de migration de masse. Nous sommes tellement habitués à considérer que les migrations sont une conséquence de la guerre ou d’autres genres de catastrophes naturelles ponctuelles, mais j’aimerais vraiment que vous nous disiez tous les deux quelle pression les changements climatiques vont, à long terme, exercer sur la migration de masse dans le monde. Ils peuvent être le prélude à une guerre, une incitation à la guerre, mais les changements climatiques peuvent aussi créer des conditions de famine qui forcent les populations à fuir l’endroit où elles vivent depuis des générations.
Mme Norman : Merci beaucoup de la question. Tous ceux qui travaillent dans le monde de la migration et des réfugiés s’interrogent et s’intéressent de plus en plus à ce sujet. C’est un phénomène qui nous touche aujourd’hui, mais qui nous touchera de plus en plus et qui influencera de plus en plus les déplacements dans le monde, demain. Les conséquences exactes des changements climatiques sur les migrations sont difficiles à saisir.
D’après ce que nous comprenons maintenant, cela va avoir des répercussions principalement sur la migration interne; par exemple, les gens vont être forcés de quitter les régions rurales ou les régions touchées par les inondations pour vivre dans un environnement plus urbain. Dans cet environnement urbain, cela pourrait entraîner une rareté des ressources ou avoir des répercussions sur les services sociaux ou l’accès à l’électricité; il pourrait y avoir des pressions sur ce genre de choses. Par voie de conséquence, cela cause des tensions sociales. Nous craignons que ce genre de facteurs subtils mènent à une augmentation des conflits et peut-être finalement à des déplacements forcés au-delà des frontières internationales.
Je vais vous donner un tout petit exemple pour illustrer la situation, qui m’a vraiment touchée personnellement. J’ai appris il y a quelques jours à peine que j’avais perdu un ami. Il a été tué par une milice, au Soudan, dans un conflit à Abyei, une région frontalière contestée. Il avait fui le conflit et vivait à Djouba, mais est retourné chez lui pour rendre visite à des membres de sa famille. Des miliciens venant de régions voisines, que des inondations avaient forcés à quitter leur région, se sont installés à Abyei, ce qui a causé un conflit qui a mené ultimement à la mort de 95 personnes dans ce seul incident. Voilà un exemple de la façon dont, à notre avis, les changements climatiques pourraient avoir des répercussions sur les conflits et aussi sur les déplacements forcés.
La sénatrice Simons : Mes condoléances.
Dr Nickerson : Nous sommes aussi en train de démêler exactement les liens entre les déplacements forcés et les changements climatiques. Je pense que la meilleure explication que je pourrais vous donner est qu’il faut considérer cela comme quelque chose qui amplifie une crise. C’est important de se représenter cela ainsi mentalement, et c’est un bon outil, parce que les gens fuient pour toutes sortes de raisons.
Dans certaines de nos cliniques, surtout en Amérique centrale et en Amérique du Sud, où nous avons des cliniques médicales le long de différentes routes migratoires, nous entendons dire que les gens fuient pour l’unique raison que les terres où ils cultivaient des aliments et les régions où ils vivaient depuis des générations sont maintenant inutilisables à cause des changements climatiques. Les pressions économiques que cela engendre créent une situation impossible pour ces gens. Si vous ne pouvez pas cultiver des aliments, gagner de l’argent et subvenir à vos besoins, quelles options vous reste-t-il?
Il y a d’autres interrelations tout aussi complexes entre la façon dont la terre est utilisée et la façon dont les communautés se sont construites, entre autres choses. Nous savons tous parfaitement que cela amplifie les crises et que nous allons devoir surveiller cela de près.
La sénatrice Simons : Même si toute l’attention est tournée vers Gaza, les effets d’entraînement au Liban me préoccupent beaucoup. Avec les bombardements sur Jérusalem en fin de semaine, je suis sûre que je ne suis pas la seule personne à être très préoccupée de ce que cela annonce pour le Moyen-Orient.
Madame Norman, je vous souhaite la meilleure des chances. S’il y a un deuxième tour, j’aimerais vous poser plus de questions sur la situation au Liban.
La sénatrice Jaffer : Merci à vous deux d’être ici.
Je n’ai vraiment pas beaucoup de temps, alors je vais m’adresser à vous d’abord, docteur Nickerson. Médecins sans frontières fait un incroyable travail, surtout pour ce qui est d’aider les femmes sur le terrain et culturellement, pas seulement dans ces régions, mais culturellement, dans le monde entier. Ce qui leur arrive est presque considéré comme étant leur faute. Pour revenir en arrière, je crois que la situation est parfois similaire à celle au Soudan. Pendant que les hommes étaient partis chercher du bois, les garçons ont été tués. Les mères savent que leurs filles courent un risque quand elles sortent, parce qu’elles se font violer — je sais que c’est horrible —, mais elles reviennent. J’ai vu l’excellent travail que votre organisation a fait.
D’abord, je tiens à souligner, pour tous ceux qui travaillent dans des conditions terribles, surtout à Kiev, au Soudan, dans les camps de Rohingyas et à d’autres endroits, pour votre organisation et pour d’autres — cela s’applique à tous —, le travail incroyable que vous faites. Je ne sais pas si les gens savent ce que vous faites ni à quel point vous respectez la dignité des femmes qui demandent de l’aide à votre groupe.
Vous ne pouvez pas supporter cela pour toujours, c’est-à-dire... même si je sais que vous avez la volonté de le faire, mais il y a vraiment beaucoup de violence contre les femmes. Que doit-on faire, maintenant? Je sais qu’il y a beaucoup d’espoir dans cette question, mais c’est difficile de savoir ce qui arrive aux femmes dans les camps de réfugiés.
Dr Nickerson : Merci de vos bonnes paroles, et de la question.
Nous avons déployé de grands efforts pour intégrer dans nos programmes, partout dans le monde, des interventions complètes contre la violence sexuelle et la violence fondée sur le genre. Par « complètes », je veux dire qu’il s’agit d’interventions médicales, par exemple la prophylaxie post-exposition pour dépister les maladies infectieuses, la vaccination et le soutien psychologique. Nous avons des psychologues, des travailleurs sociaux et ainsi de suite, qui sont au cœur de nos programmes.
J’aimerais dire deux choses pour répondre à votre question. Premièrement, les systèmes de santé aux quatre coins du monde devraient eux aussi intégrer des programmes contre la violence sexuelle et la violence fondée sur le genre dans leurs soins de santé de base. Tout le monde, partout, doit y avoir accès, parce que nous savons que la violence sexuelle et la violence fondée sur le genre sont des problèmes extrêmement graves, partout sur la planète.
Deuxièmement, nous avons observé des lacunes importantes dans les services de protection et dans l’accès à la justice et aux soutiens juridiques et en avons nous-mêmes subi les contrecoups. Notre rôle est de fournir, comme je l’ai dit, des soins médicaux et psychosociaux, mais il y a des lacunes immenses après que ces éléments sont en place. Les gens doivent avoir accès à un abri sécuritaire. Dans de nombreux cas, les personnes doivent avoir accès à des services de protection, pour ne pas avoir à retourner dans leur communauté, où se trouve fort probablement leur agresseur ou l’auteur de la violence. Il y a des lacunes énormes dans bien des régions du monde. Nous devons réagir en prenant des mesures holistiques et complètes contre la violence sexuelle et la violence fondée sur le genre. Malheureusement, la protection est un élément qui, trop souvent, n’est pas mis en œuvre.
Tout cela concerne évidemment la violence sexuelle et la violence fondée sur le genre. Il y a un besoin vraiment énorme de mettre en œuvre aussi des programmes de prévention efficaces, afin d’empêcher tout cela en premier lieu.
La sénatrice Jaffer : Vous ne pourrez peut-être pas me répondre aujourd’hui, et si c’est le cas, je vous prierais d’envoyer la réponse au greffier. Comme vous le savez, nous sommes au milieu d’une étude. Si nous devions demander au gouvernement canadien de fournir du soutien pour X — je ne dirais pas quoi —, qu’est-ce que ça devrait être? Vous voulez peut-être du temps pour y réfléchir. Je sais que le gouvernement canadien en fait beaucoup, dans ce dossier, mais je trouve cela insuffisant, vu la taille du problème. Que recommanderiez-vous? Vous pourriez peut-être nous répondre par écrit, ou alors commencer aujourd’hui et poursuivre plus tard.
Dr Nickerson : Bien sûr. Je me ferai un plaisir de vous faire parvenir une réponse un peu plus détaillée.
Tout d’abord, j’aimerais souligner que le gouvernement canadien a fourni beaucoup de fonds pour les programmes de santé et de droits sexuels et reproductifs dans le monde entier. Je voulais seulement le souligner et dire que c’est une bonne chose.
Comme je l’ai dit dans ma déclaration, il y a un écart qui se creuse rapidement entre les besoins et les ressources existantes. Je ne dis pas que le Canada doit à lui seul combler cet écart, mais une partie de la solution consiste à mobiliser d’autres donateurs pour qu’ils comblent l’écart, répondent aux besoins et honorent leur engagement.
Beaucoup de ces problèmes sont liés à des crises politiques. Nous, en tant qu’organisations humanitaires, nous sommes là pour répondre aux besoins des gens. Les médecins ne peuvent pas arrêter les bombes ni mettre fin aux guerres. Il faut des solutions politiques pour régler les crises politiques, et le Canada peut donc jouer efficacement un rôle diplomatique pour régler ces crises à la source.
La sénatrice Jaffer : Si l’occasion se présente, félicitez Médecins sans frontières de l’incroyable travail fait à Gaza.
[Français]
La sénatrice Gerba : Merci aux deux témoins d’être ici aujourd’hui.
Selon les chiffres des Nations unies, on estime qu’environ la moitié des réfugiés dans le monde sont des femmes. En plus de leur état vulnérable — vous l’avez dit vous-même —, dans le Nord-Kivu par exemple, ces personnes déplacées sont exposées à des violences sexistes et sexuelles et elles ont besoin de plus d’attention et d’une protection particulière.
Selon vous — vous avez peut-être dit tout à l’heure que votre organisation ne pouvait pas faire grand-chose par rapport aux conflits à la base de ces déplacements —, quelles sont les initiatives qui ont fonctionné ailleurs relativement à la protection des femmes réfugiées et qui pourraient être répliquées dans des zones comme le Nord-Kivu, le Soudan ou ailleurs? Cette question s’adresse aux deux témoins.
Dr Nickerson : Merci pour la question.
[Traduction]
Comme je l’ai dit, au Nord-Kivu, nous avons vu que l’écart se creuse, et c’est aussi vrai dans le reste du monde. Je ne sais pas si les gens réalisent à quel point les besoins humanitaires se sont multipliés dans le monde. Plus de 360 millions de personnes ont besoin d’aide humanitaire. Cela représente une augmentation de 30 % environ en moins d’un an. Juste dans la discussion d’aujourd’hui, nous avons évoqué de nombreuses crises de déplacements forcés.
Un certain nombre de facteurs expliquent les mesures inadéquates que nous voyons. Pour parler franchement, le financement en est un, tout simplement. Le manque de financement est aigu. Comme je l’ai dit, on ne doit pas s’attendre à ce que le Canada règle à lui seul le problème, mais il peut certainement mobiliser la communauté des donateurs afin qu’ils réagissent aux crises négligées en République démocratique du Congo, dans les camps de Rohingyas au Bangladesh, en République centrafricaine, au Soudan du Sud, au Soudan et au Tchad. La communauté internationale doit tout simplement agir.
Le financement est une pièce du casse-tête, mais, pour mettre en œuvre des programmes efficaces, il faut aussi que l’aide humanitaire ait des accès. Nous devons être en mesure d’accéder aux populations en détresse et dans le besoin, et ces populations doivent en retour avoir accès à nous; donc, une diplomatie humanitaire efficace a tout de même un rôle pour ce qui est de créer et de protéger cet espace humanitaire, en plus de veiller à ce que la communauté internationale mette en œuvre des programmes efficaces. Il faut pour cela tirer parti des organismes locaux. Lorsqu’il s’agit de la violence sexuelle et fondée sur le genre, en particulier, un grand nombre des services de protection offerts aux survivantes de ce type de violence sont fournis par les communautés locales. Nous déployons énormément d’efforts pour collaborer avec des organismes féministes locaux, des organisations de femmes, des refuges et ainsi de suite, ainsi que pour les mobiliser, parce que ce sont souvent ces organismes qui réussissent le plus efficacement à fournir des refuges, des soutiens juridiques, et cetera. J’espère que cela répond à votre question.
Mme Norman : Pour reprendre les premiers commentaires, je pense qu’il y a beaucoup à faire à l’échelon local et pour soutenir les petits organismes qui en font tant pour aider les femmes, surtout les femmes qui — peut-être pour la première fois — sont à la tête de leur ménage, parce qu’elles ont traversé une frontière internationale et que leur époux, leur conjoint ou les autres hommes de leur famille n’ont pas pu les accompagner. La situation en Ukraine est un exemple où cela est certainement très prononcé. Un autre exemple : j’étais en Égypte l’été dernier pour une étude, au moment où un grand nombre de femmes soudanaises arrivaient. On autorisait la plupart de ces femmes soudanaises à traverser la frontière, avec les enfants, mais les hommes n’étaient pas autorisés à quitter le Soudan. C’est une tendance que nous observons à l’échelle mondiale. Dans bon nombre de cas, les femmes se retrouvent dans ces nouveaux rôles, où elles n’ont pas le même genre de soutien qu’elles avaient précédemment et où il n’y a pas nécessairement une infrastructure d’aide internationale pour les aider. Les organismes qui accomplissent la plus grande partie du travail sont souvent dirigés par les réfugiés eux-mêmes ou par de petits organismes sur le terrain. Ils ont aussi le plus de connaissances, parce qu’ils connaissent les enjeux et savent de quoi peuvent avoir besoin les femmes et les enfants. Je pense que cela aiderait énormément de trouver des moyens de financer plus facilement ces organismes.
Aussi, il faut veiller à ce que les programmes qui sont mis en place, ceux qui relèvent d’organisations internationales ou de pays donateurs comme le Canada répondent réellement aux besoins des femmes. Pour vous donner un exemple, en Jordanie, un programme a été mis en place pour aider les femmes syriennes en Jordanie à trouver un emploi, afin qu’elles puissent aider à soutenir leurs familles, mais le genre d’emplois qui leur étaient offerts était des emplois dans des usines situées très loin de chez elles, et aucun service de garde n’était offert. On cherchait à remplir ces postes et à offrir des emplois officiels à ces femmes, mais il y avait une rupture entre les besoins des femmes et ce qui leur était offert. Les organismes qui communiquent plus facilement avec les réfugiés sont ceux qui savent le mieux quels programmes sont efficaces et comment réellement soutenir ces femmes.
[Français]
La sénatrice Gerba : Merci.
[Traduction]
La sénatrice Omidvar : J’aimerais remercier Médecins sans frontières de son incroyable contribution à la sécurité des gens qui n’ont aucune voix.
Ma question s’adresse à Mme Norman. Pourriez-vous nous parler du casse-tête des contributions volontaires aux organismes des Nations unies, en particulier le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés — le HCR —, l’Organisation internationale pour les migrations, l’Office du secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient — l’UNRWA —, et les autres? Même si les Nations unies reçoivent des cotisations obligatoires, les organismes qui y sont rattachés dépendent toujours de contributions volontaires. À dire vrai, les pays donateurs peuvent même destiner leurs contributions volontaires à des endroits bien précis; autrement dit, ils consentent à fournir du soutien aux réfugiés dans une partie du monde, tout en refusant de soutenir les réfugiés à d’autres endroits. Comment pouvons-nous passer d’un système de contributions volontaires à un système de contributions obligatoires, et quel rôle le Canada doit-il jouer, selon vous, dans cette tâche, s’il devait en assumer la responsabilité?
Mme Norman : Merci, sénatrice. C’est une excellente question, quoique très difficile, mais vous l’avez bien formulée.
Vous avez visé dans le mille, en ce qui concerne certains des défis que ces organisations internationales doivent relever relativement aux contributions volontaires et aux contributions destinées aux réfugiés et aux déplacements qui reçoivent le plus de publicité et qui attirent le plus d’attention, et pour lesquels les pays donateurs et d’autres donateurs particuliers ouvrent leurs bourses plus facilement, au détriment de certaines situations très graves ailleurs, où il faut aussi des fonds.
J’ai écrit à ce sujet, et ce n’est pas une tâche facile. Ces organismes et ces structures de financement ont été mis sur pied à une époque où le soutien pour le système international était beaucoup plus fort, et où il était possible de demander des contributions obligatoires. Je dirais que ce soutien international fléchit, sauf peut-être dans certains pays comme le Canada. Le Canada est bien placé pour appuyer une refonte de la structure de ces organismes internationaux, mais ce ne sera pas tâche facile d’obtenir le soutien des autres pays, alors que les besoins en financement, année après année, ne sont pas comblés, comme a expliqué l’autre intervenant.
Pour ce qui est de l’UNRWA en particulier, il s’agit d’un des défis les plus importants, parce que les contributions sont entièrement volontaires — à 100 % — et qu’elles dépendent donc beaucoup des caprices politiques. On l’a bien vu avec ce qui est arrivé le 7 octobre et avec les allégations, même si une partie du financement a été rétablie par des pays comme le Canada, mais pas encore par les États-Unis, mon pays d’attache. Il est essentiel de délaisser ce modèle où une organisation dépend entièrement des caprices politiques, si l’on veut fournir une aide vitale à des millions de personnes, dans le cas de l’UNRWA et des Palestiniens. Bien sûr, d’autres organisations, comme le HCR, qui font un travail tout aussi important pour les réfugiés d’autres nationalités, sont cruciales.
Le financement de ces organisations internationales représente un aspect, et, si l’augmentation des contributions est tout simplement impossible, du point de vue politique, à l’échelle mondiale, alors il y a d’autres solutions au problème des déplacements forcés, par exemple augmenter le nombre de réinstallations, aider les gens à quitter les pays où les ressources manquent, où vivent la plupart des réfugiés dans le monde, et à aller dans des pays plus riches, comme le Canada.
La sénatrice Omidvar : Pourriez-vous s’il vous plaît nous confirmer que le Canada ne réserve pas à des fins précises ses contributions au HCR ou à l’OIM?
Mme Norman : Je suis désolée, mais je ne le sais pas, parce que je travaille aux États-Unis actuellement. Je crois que vous en savez plus que moi à ce sujet.
La sénatrice Omidvar : Je n’en sais pas plus que vous. C’est seulement une supposition. Peut-être que notre bibliothèque pourrait nous le confirmer.
Le plus grand défi, c’est qu’il faudrait lancer une campagne pour des contributions obligatoires à un moment où les besoins sont incroyables, où 370 millions de personnes sont en détresse. Je pense que la grande question à laquelle le comité doit répondre, c’est comment passer d’un modèle de bienfaisance à un modèle de financement durable.
Mme Norman : Et c’est une question importante; j’appuierais certainement ce changement.
La présidente suppléante : J’ai remarqué que nos analystes ont pris note de votre demande, alors merci.
Le sénateur Arnot : Merci aux deux témoins. Ma première question s’adresse au Dr Nickerson, et j’aurai une deuxième question pour Mme Norman, au deuxième tour.
Monsieur, vous avez une grande expérience des politiques mondiales de santé publique. Selon vous, dans quelle mesure sommes-nous préparés mondialement à gérer les crises humanitaires causées par les déplacements forcés? C’est une question très générale, mais pour être plus précis, vous avez de l’expérience sur le terrain, relativement à diverses crises. Pourriez-vous nous faire part de votre opinion sur les défis de la prestation de soins de santé dans les zones de conflits et nous dire comment Médecins sans frontières répond à ces défis? Pourriez-vous décrire s’il vous plaît la nature de ces défis et nous dire s’ils ont changé au cours des dernières années ou s’ils se sont aggravés dans une région en particulier?
Si vous deviez conseiller le comité quant à la façon de prioriser le soutien et la participation du Canada, lors des crises humanitaires, quelle mesure recommanderiez-vous immédiatement? Si vous pouviez parler directement au gouvernement du Canada, vous lui diriez de respecter quelles priorités, compte tenu des ressources limitées?
Dr Nickerson : Ce sont des questions très chargées.
Dans quelle mesure sommes-nous généralement préparés à répondre aux crises humanitaires? Je réitérerais une chose que j’ai dite précédemment, et c’est que je ne suis pas certain que le monde saisit bien la portée et l’ampleur des crises dont nous parlons.
Comme je l’ai dit plus tôt, cela fait un an aujourd’hui que le conflit au Soudan a éclaté. Nous parlons de millions de personnes qui ont été déplacées de force, dont des millions sont déplacées de force vers le Soudan du Sud, un pays qui est depuis des décennies aux prises avec son propre conflit armé et ses propres crises humanitaires, ou vers la République centrafricaine. J’étais en République centrafricaine en 2022, et je peux vous dire que l’accès aux soins de santé est extrêmement limité. Ici aussi, le pays est aux prises avec ses propres crises. Les gens sont déplacés vers l’est du Tchad, où l’accès aux services humanitaires est tout à fait inadéquat.
Dans quelle mesure les systèmes mondiaux sont-ils prêts à réagir? Nos ressources sont déjà étirées, extrêmement étirées. Les besoins sont incroyablement élevés, et ces crises sont complexes; les besoins des gens englobent les soins de santé, l’accès à l’eau et aux installations sanitaires, l’accès à la nourriture et à des moyens de subsistance de base. Les enfants doivent aller à l’école et avoir accès à l’éducation. Il y a toutes sortes de choses sur lesquelles on doit agir, pendant ces crises multiples et simultanées.
Maintenant, je suis un professionnel de la santé, donc j’ai tendance à voir les choses dans cette perspective et, encore une fois, compte tenu des conséquences sur la santé publique mondiale de ces crises, nous sommes toujours assez inquiets — surtout que l’on sort d’une pandémie mondiale — parce que nous continuons d’observer de petites flambées de maladies contagieuses auxquelles personne ne réagit. Le monde n’a pas comblé les lacunes primaires en matière de vaccination contre la rougeole ou la diphtérie, le tétanos et la coqueluche, par exemple. Présentement, nous répondons à l’épidémie la plus importante de diphtérie de l’histoire, en Afrique de l’Ouest, et nous avons aussi dû réagir à des éclosions de rougeole, en République démocratique du Congo et au Nigéria, et d’autres maladies qui comptent des centaines de milliers de cas.
Je vous peins un tableau assez sombre, mais la réalité est que les besoins sont très importants et que les gens fuient à la recherche de sécurité; nous devons trouver une façon de répondre adéquatement à ces besoins.
Maintenant, pour ce qui est de demander l’appui du gouvernement canadien dans le cadre des crises humanitaires, je vais présenter les choses sous un jour favorable de la situation et parler des mesures positives qu’a prises le gouvernement canadien en réponse à la crise des Rohingyas. Je viens de revenir du Bangladesh. Je suis allé en Malaisie. Je suis allé dans les camps de Cox’s Bazar, j’ai parlé à des Rohingyas, mais aussi à la communauté internationale qui est là-bas.
Le Canada a bien réagi à ce déplacement forcé d’urgence. Il a désigné un envoyé spécial. Il a élaboré une stratégie pour les Rohingyas et contenant plusieurs recommandations. Le Canada a joué un rôle de chef de file très important, non seulement en tant que donateur — et encore une fois, c’est important —, mais aussi en tant que pays engagé qui essaie toujours de trouver et d’offrir des solutions; il préconise de créer des espaces humanitaires et de faciliter les interventions humanitaires et de faire une foule d’autres choses.
Le Canada doit en faire plus dans ce dossier — il doit trouver des façons d’être un bon acteur humanitaire, non seulement en tant que donateur, mais en trouvant la façon de jouer un rôle diplomatique utile qui nous permet à nous, les organisations humanitaires neutres, impartiales et indépendantes, de faire ce que nous avons à faire, tout en reconnaissant que les pays comme le Canada ont un rôle à jouer sur la scène diplomatique également.
Le sénateur Arnot : Savez-vous pourquoi le Canada a si bien réagi dans le cas des Rohingyas comparativement à d’autres cas? Que pouvons-nous apprendre de cela? Qu’est-ce qui a motivé le pays à mieux réagir?
Dr Nickerson : C’est une excellente question.
Ce n’est pas moi qui ai pris la décision, évidemment. Honnêtement, je ne sais pas quoi répondre. Je crois que cela mérite réflexion, parce que la stratégie pour les Rohingyas a été renouvelée une fois. Elle s’est terminée — à ma connaissance — à la fin du dernier exercice. Nous avons demandé qu’elle soit renouvelée, idéalement, dans le budget fédéral qui sera présenté demain. C’est une intervention que le gouvernement canadien a mise en œuvre, et je pense que ce serait moralement une erreur de tourner le dos aux Rohingyas, surtout à un moment où la communauté des donateurs internationaux se retire, disons-le franchement, et porte son attention ailleurs.
Je crois qu’il vaudrait vraiment la peine d’envisager la possibilité d’établir un cadre plus exhaustif qui favorise la diplomatie humanitaire ainsi que le financement humanitaire des organisations humanitaires fondées sur des principes, qui peuvent faire le travail et offrir les services, parce que ces crises de déplacements forcés sont complexes, évidemment, comme je l’ai dit. Il y a un besoin en services, c’est évident, mais ce sont aussi des crises politiques qui nécessitent des solutions politiques, ce qui n’est pas le rôle de la communauté humanitaire. C’est le rôle des acteurs politiques et des États.
Le sénateur Arnot : Merci beaucoup.
La présidente suppléante : J’aimerais aussi poser une question. Elle concerne l’Office de secours et de travaux des Nations Unies, l’UNRWA, et les conséquences de l’arrêt du financement. J’aimerais bien savoir quelles ont été les conséquences de cet arrêt de l’aide humanitaire des pays donateurs, surtout à Gaza, et, à votre connaissance, quelles mesures de protection ont été mises en place depuis janvier pour améliorer la surveillance, la responsabilisation et la transparence, non seulement là-bas, mais dans tout le secteur de l’aide humanitaire? Qui aimerait commencer?
Mme Norman : Je peux commencer, si cela vous convient.
Les États-Unis sont le donateur le plus important de l’UNRWA, et donc, s’il ne reprend pas son financement, je ne sais pas comment l’organisme pourra continuer ses activités, même si d’autres pays, comme le Canada et d’autres pays d’Europe, ont repris leur financement. L’administration des États-Unis a déclaré qu’elle espérait que le mandat relatif aux réfugiés palestiniens puisse être inclus dans, les faits, au mandat du HRC et que l’UNRWA puisse par conséquent cesser ses activités.
Je pense qu’il est important de rappeler que l’UNRWA est en réalité politisé depuis sa création, donc depuis plus de 70 ans, à la fois par les Palestiniens et les Israéliens et par d’autres parties concernées. Parfois, les Palestiniens pensent que cette organisation perpétue leur déplacement. Les Israéliens quant à eux pensent qu’elle appuie les Palestiniens. Il y a eu des inquiétudes, parce que l’organisation est active dans les camps de réfugiés palestiniens, au cours des premières décennies lorsqu’il y avait, parfois, beaucoup de luttes et de militantisme dans ces endroits. L’organisation a constamment été contestée, mais elle arrive tout de même à mener à bien ses activités, dans les faits, de manière quasi étatique, comme certains l’ont dit. L’organisation offre d’importants services d’éducation et de santé, et actuellement aucune organisation ne peut vraiment la remplacer. Le HRC ne fait pas ça. Il n’offre pas ces services quasi étatiques. Ce n’est pas réellement possible de lui trouver un équivalent.
Je ne sais pas vraiment ce qui arriverait si l’UNRWA ne pouvait plus mener ses activités en raison d’un manque de financement. Il a réussi à fonctionner dans les territoires palestiniens occupés, en Cisjordanie et à Gaza. Autrement, puisqu’Israël est la puissance occupante, il devra fournir ces services si l’UNRWA cesse de le faire. Il n’y a aucun plan de rechange clair, s’il cesse ses activités. C’est la crainte réelle, surtout en ce moment, lorsque les Palestiniens de Gaza sont clairement dans le besoin, comme il a été dit pendant la séance d’aujourd’hui, et que cela exacerberait davantage tout ce dont nous avons parlé : la famine, l’absence complète d’abris, etc.
La présidente suppléante : Merci.
Dr Nickerson : Je n’ai pas de commentaires précis à faire sur la façon dont l’UNRWA fonctionne et contrôle ses affaires; je ne connais pas non plus ses dossiers. Nous n’avons simplement pas d’information là-dessus en tant qu’organisation externe indépendante, donc je ne peux pas faire de commentaires.
Je dirais seulement que nous avons tendance à nous concentrer sur la logistique de la réalité à Gaza; et c’est important, évidemment, mais il y a aussi la réalité politique de la situation. Cependant, il n’est tout simplement pas réaliste, en ce moment, d’adopter des mécanismes complémentaires ou des solutions de remplacement à l’UNRWA, et encore moins de créer une nouvelle organisation. Ce n’est pas possible; ce n’est pas envisageable. On a besoin de multiples entrées aux frontières et évidemment d’une augmentation de l’aide humanitaire. Il faut aussi pouvoir acheminer cette aide aux gens une fois qu’elle a traversé la frontière et est entrée à Gaza. Comme je l’ai dit, il y a une réalité politique, et il faut garantir la sécurité et assurer la libre circulation de l’aide humanitaire, des patients, des fournitures et ainsi de suite. Il y a une composante de sécurité, mais il est évident qu’il y a aussi une composante de logistique, qu’il serait très difficile de rétablir.
La sénatrice Simons : Comme je l’ai mentionné, madame Normand, je voulais revenir sur la question du Liban. Le Canada compte une très grande population canado-libanaise à Edmonton, où je vis, et à Ottawa, où je suis présentement. Il y a de très grandes communautés libanaises. Les gens communiquent avec moi, soit par écrit à mon bureau ou de vive voix lorsqu’ils me rencontrent, pour me faire part de leurs préoccupations au sujet des membres de leur famille qui vivent au Liban et qu’ils n’ont pas pu faire venir au Canada; ils sont très inquiets présentement des répercussions de la situation en Israël et à Gaza, des répercussions de ce qui se passe en Syrie et de ce qui peut bien se passer en Iran, puisque le Liban est pris en étau. Que pourriez-vous nous dire au sujet de la situation que vos collègues et vous observez au Liban présentement?
Mme Norman : Merci de votre préoccupation. Je peux comprendre l’inquiétude de vos électeurs.
La situation au Liban se détériore depuis des années, maintenant que l’on parle de l’économie, des conséquences de la crise de COVID-19, de l’inflation fulgurante, de l’incapacité d’acheter des biens essentiels et du matériel médical. Bien entendu, il ne faut pas oublier comme vous l’avez mentionné, les autres situations de déplacement, y compris la présence de longue date de Syriens et les déplacements internes au Liban en raison du conflit entre le Hamas et Israël, comme vous l’avez dit, et les conséquences de ce conflit dans le Sud du Liban : des gens ont fui le Sud du Liban pour aller à Beyrouth ou dans d’autres régions du pays pour tenter d’échapper au conflit, dans les faits, même si cette situation n’obtient pas le même genre de couverture internationale que le conflit à Gaza.
Le Canada peut continuer de fournir cette aide et ce soutien essentiels immédiats qui sauve des vies à diverses institutions du Liban. Les organismes des Nations unies actifs là-bas soutiennent aussi l’État de diverses façons, fournissent de l’aide et injectent de l’argent dans l’économie.
La situation est très inquiétante. Nous recevons des rapports selon lesquels des ressortissants libanais, mais aussi des ressortissants d’autres pays, y compris des Syriens, fuient le Liban par bateau pour aller à Chypre ou n’importe où ils peuvent se rendre, dans les faits, et cette tendance est nouvelle depuis quelques années. Cela témoigne du désespoir et du stress que ressentent les ressortissants libanais et les autres personnes vivant au Liban, aujourd’hui, en raison de la situation économique et sociale du pays, qui est au bord d’un conflit possible. C’est une situation très inquiétante pour tous les habitants du Liban, qu’ils soient Libanais ou non.
La sénatrice Jaffer : Je ne sais pas si vous pouvez m’éclairer à ce sujet. Vous êtes au Canada. Ce qui me préoccupe, c’est que, par rapport à ce qu’a dit la sénatrice Simons, le Liban et la Turquie accueillent des millions de réfugiés. Par rapport à ces pays, le Canada en accueille très peu, et les Canadiens réagissent très fortement lorsqu’il est question de réfugiés, comme en ce qui concerne le passage au Québec, et tout ça. Que pouvons-nous, en tant que politiciens, pour communiquer votre message et faire comprendre que les gens ont besoin de tout de toute urgence? Les gens ne décident pas simplement de quitter leur domicile du jour au lendemain, ils veulent trouver un monde meilleur. Il n’y en a pas. Chaque endroit a ses propres enjeux. Je suis moi-même une réfugiée, donc je peux dire cela avec une certitude absolue. Vous êtes toujours mieux chez vous. Est-ce que nous, les politiciens, pouvons-dire quelque chose pour faire changer un peu cette perception?
Dr Nickerson : Je pense que l’on a discuté de la question avec le groupe de témoins précédent. Les humains sont humains. Ils ne sont pas des chiffres. Nous devons humaniser cette discussion, tant dans le contexte qui nous occupe que dans le dialogue public.
Madame Norman a dit que des gens fuyaient les problèmes par bateau. C’est quelque chose dont nous sommes témoins dans de nombreux endroits où nous travaillons. Nous avons un bateau de recherche et de sauvetage qui sillonne la Méditerranée centrale, parce que c’est nécessaire. Les gens fuient un cycle de violence dans les centres de détention en Libye. Ils se sont retrouvés détenus en Libye parce qu’ils fuyaient une situation de violence générale dans un autre pays. Ils se retrouvent ensuite en Méditerranée centrale, sur un bateau de fortune, où des milliers de gens se sont noyés. Ils font ces voyages parce qu’ils sont désespérés. Ce sont des choix impossibles, qu’ils doivent faire.
Lorsque j’étais en Malaisie, en février, j’ai vu une histoire très similaire. Les Rohingyas arrivent en Malaisie, certains par bateau, beaucoup par des voies terrestres, qui sont extrêmement dangereuses. Ils fuient les conditions des camps de réfugiés de Cox’s Bazar et du Myanmar, où ils sont victimes de violence, d’oppression et de violation de leurs droits, et où aucun débouché ne s’offre à eux.
Lorsque vous demandez aux gens ce qu’ils veulent dans l’avenir, je ne peux pas parler pour la communauté, évidemment, mais tant de gens nous disent et m’ont dit qu’ils veulent rentrer chez eux. Fondamentalement, c’est ce que nous voulons tous. Les gens veulent retourner chez eux, avoir accès à leurs terres, être libres, avoir des droits et vivre dans la dignité. Nous devons trouver une façon d’humaniser les gens. Il est important de parler des chiffres pour que les gens comprennent l’ampleur de la situation, mais, au bout du compte, il s’agit de personnes qui aspirent à des libertés fondamentales et veulent une meilleure vie pour eux et leur famille.
La sénatrice Jaffer : J’espère qu’il y en a qui vous écoutent.
Mme Norman : Normalement, lorsque je discute de ce sujet, je ne parle pas des réfugiés au Canada parce que, comme l’a dit Dr Nickerson plus tôt, en réalité, le Canada fait plus que sa part; il fait probablement le meilleur travail dans ce dossier, à l’échelle mondiale, si on pense à la façon dont les pays accueillent et traitent les réfugiés et les personnes déplacées et défendent leurs droits.
Cela dit, le Canada peut également lutter contre les pratiques d’autres pays, y compris, comme on vient de le mentionner dans les commentaires précédents, les centres de détention en Libye. Ces centres sont financés par l’Union européenne. Lorsque le Canada discute de ce dossier avec ses partenaires, il peut s’opposer à ce que d’autres pays font pour empêcher des personnes — si désespérées qu’elles traverseront la mer Méditerranée puis seront interceptées et renvoyées dans un pays comme la Libye — de demander l’asile, alors que c’est un droit garanti par les lois internationales et nationales.
C’est la même chose aux États-Unis. Je suis au Texas, et c’est un problème qui se produit tout le long de notre frontière sud avec le Mexique. C’est inquiétant quand on pense à certaines des mesures prises par le Canada, comme le renouvellement de l’Entente sur les tiers pays sûrs avec les États-Unis, parce que le dossier est très politisé aux États-Unis. Le système d’octroi de l’asile fonctionne mal, ici. On ne peut plus comparer le système d’octroi de l’asile du Canada avec celui des États-Unis. Il est maintenant possible de renvoyer aux États-Unis des personnes qui cherchent asile au Canada et qui ont traversé la frontière pour entrer au Canada; on pourrait donc dire qu’elles ne bénéficient pas de tous les droits ni d’une pleine protection et que c’est une tendance inquiétante qu’il faudra probablement réexaminer plus tard cette année, après les résultats possibles des élections de 2023.
Enfin, si nous parlons des solutions possibles, une manière de remédier au déplacement des personnes à l’échelle mondiale est la réinstallation des réfugiés. Il semble que tout le monde sait très bien de quoi il s’agit, mais il est inquiétant de constater que le nombre de réfugiés réinstallés que prévoit le Canada diminuera, en 2025, alors que les besoins, comme Dr Nickerson et moi-même l’avons dit, sont si grands dans le monde entier. Merci.
Le sénateur Arnot : Madame Norman, vous avez formulé des commentaires sur l’efficacité de la réponse de la communauté internationale à la crise des réfugiés syriens, particulièrement en ce qui concerne les politiques d’intégration et de réinstallation. J’aimerais que vous nous en disiez un peu plus à ce sujet, si possible.
Ensuite, vous avez publiquement critiqué le processus de réinstallation des Afghans. Quelles leçons pourrait-on tirer de vos observations sur ces deux situations? Quelles seraient, selon vous, les pratiques exemplaires à adopter? Comment devraient-elles être élaborées et mises en œuvre, pour l’avenir?
Vous avez présenté quatre recommandations claires dans vos déclarations préliminaires. Si vous deviez conseiller le gouvernement du Canada, voudriez-vous allonger cette liste de recommandations et en faire le tri?
Mme Norman : Merci beaucoup.
La première intervention concernait une réponse continue à la crise des réfugiés syriens. C’est quelque chose que j’ai suivi de près pendant la dernière décennie, surtout après 2015, lorsque les Syriens ont commencé à arriver en Europe et que la situation a vraiment changé. Bien entendu, des millions de Syriens étaient allés dans des pays avoisinants, au Moyen-Orient, avant cela, mais, lorsqu’ils ont commencé à arriver en Europe, la situation concernant le financement a commencé à changer.
D’autres personnes et moi-même avons critiqué la façon dont l’aide a été fournie des pays d’Europe à des pays comme la Turquie, le Liban et la Jordanie en particulier, qui ont accueilli et accueillent toujours le plus grand nombre de Syriens, étant donné qu’une bonne partie de cet argent n’a pas nécessairement servi à l’intégration à long terme. Une bonne partie de cet argent a été consacrée à la sécurité aux frontières, pour s’assurer que les Syriens ne puissent pas poursuivre leur voyage et se rendre en Europe, une fois de plus, comme ils l’avaient fait en 2015. Une partie a aussi été consacrée aux programmes, qui, en théorie du moins, portaient sur l’intégration — qu’elle soit économique ou sociale, et cetera —, mais qui ne tenaient pas nécessairement compte des besoins des réfugiés, par exemple en ne s’assurant pas qu’ils obtiennent un permis de travail et contribuent réellement à l’économie des pays où ils vivaient. Il y a depuis longtemps une population de réfugiés syriens qui ne se sont pas pleinement intégrés, qui n’ont pas un accès complet au marché du travail, aux écoles, à l’éducation, aux hôpitaux, et cetera, et cela dure maintenant depuis 13 ans.
Le fait est que, comme je l’ai dit dans mes déclarations préliminaires, bon nombre d’entre eux ne pourront pas rentrer dans leur pays parce que le régime est toujours en place en Syrie. Ils ne se sentent pas en sécurité ou ne croient pas que leurs familles seront protégées, et ils sont laissés dans l’incertitude. Il faut continuer de discuter de plans d’intégration à long terme et de lutter contre la xénophobie, en hausse au Liban à l’heure actuelle et que l’on a vu augmenter en Turquie, l’an dernier, dans le contexte du tremblement de terre et des élections. C’est peut-être à ce chapitre qu’un pays comme le Canada peut jouer un rôle.
Il y avait une question au sujet des Afghans. Elle concernait la rapidité de l’opération qui visait à aider les Afghans à sortir de Kaboul, lors de la chute de Kaboul. Les organismes responsables de la réinstallation des réfugiés et d’autres organismes de défense des droits avaient prévenu l’administration Biden, dès son arrivée au pouvoir — neuf mois plus tôt —, que cela allait se produire et qu’elle devait avoir un plan. Ce plan a été exécuté en quelques semaines. On aurait probablement pu évacuer plus de gens. C’est cet aspect que les critiques ont ciblé.
Maintenant, on dénonce surtout le fait que les Afghans qui sont venus aux États-Unis dans le cadre de cette opération, grâce à l’admission sous conditions pour des motifs humanitaires, n’ont toujours pas accès à la résidence à long terme aux États-Unis. C’est vraiment honteux, puisqu’ils étaient nos alliés durant des années, tout comme leurs familles. Ils ont été amenés aux États-Unis en se faisant promettre qu’ils pourraient y rester et s’y intégrer. Au lieu de cela, ils doivent passer par un long et lourd processus pour demander l’asile à titre personnel, sans avoir un accès général à la résidence permanente.
Je suis désolée, mais pouvez-vous me rappeler votre dernier point?
Le sénateur Arnot : Je voulais vous donner la possibilité de préciser les points que vous avez abordés, si nécessaire. Vous avez mentionné, dans vos déclarations préliminaires, quatre points importants sur les possibilités de mobilité, l’accès à la résidence permanente, dont vous venez tout juste de parler, et l’aide destinée à une intégration locale efficace.
Mme Norman : D’accord. Pour ce qui est d’ouvrir des voies d’accès, le Canada a pris des mesures qui cadrent avec les objectifs du Pacte mondial pour les migrations de 2018 afin d’offrir d’autres voies d’accès aux personnes déplacées afin qu’elles puissent venir dans des pays comme le Canada. Si cela ne passe pas par les programmes originaux ou traditionnels de réinstallation de réfugiés parrainés par le gouvernement ou même par les programmes de réinstallation privés, cela pourrait se faire grâce à d’autres voies d’accès humanitaire ou à des possibilités d’éducation. Je pense que cela deviendra de plus en plus important, étant donné que les autres voies d’accès possibles, y compris peut-être aux États-Unis, vu ce qui pourrait arriver au cours l’année, pourraient ne plus être viables. Le Canada pourrait essayer d’aider à remplacer les possibilités qui pourraient en conséquence disparaître.
Le sénateur Arnot : Merci beaucoup.
La sénatrice Omidvar : J’aimerais revenir sur une chose que la sénatrice Jaffer a dite et qui m’a interpellée. Je suis, moi aussi, une personne déplacée, et je sais aussi qu’il est normal de vouloir rentrer chez soi. Beaucoup de personnes déplacées dans le monde ont besoin d’aide, et — j’envisage la chose de façon pragmatique — aucun pays n’acceptera d’augmenter massivement le nombre de réfugiés réinstallés. Nous avons entendu dire que le Canada diminue, en fait, ce nombre.
Compte tenu de cette déclaration, madame Norman, docteur Nickerson, diriez-vous qu’il serait préférable que le Canada encourage les accords régionaux, disons entre les pays de l’ANASE pour les pays d’accueil des réfugiés rohingyas ou l’accord de Quito que la Colombie et l’Équateur ont élaboré pour régulariser le statut des réfugiés vénézuéliens et, dans une certaine mesure, ce que la Jordanie tente de faire? Ne croyez-vous pas que, au lieu de déplacer les gens vers des endroits où la température est différente, où la culture est différente et où la langue est différente, nous devrions plutôt chercher à assurer leur sécurité dans les régions où ils se trouvent et, à un certain moment, organiser leur retour sécuritaire dans leur pays? Il faut se poser la question.
Mme Norman : Je crois que les accords régionaux font partie de la solution. Je ne crois pas qu’il y ait qu’une seule solution à ce problème complexe. Je crois, surtout que nous avons parlé au début de la séance des changements climatiques, que les solutions régionales sont considérées comme étant probablement la meilleure façon de régler le problème des déplacements causés par le climat ou partiellement causés par les changements climatiques. Des mécanismes de protection régionaux, comme la Déclaration de Carthagène ou la Déclaration de l’Organisation de l’unité africaine, offrent en fait déjà aux réfugiés climatiques des moyens d’obtenir une protection, et ils vont au-delà de la définition de 1951. Il est question notamment dans ces mécanismes de fuir les catastrophes naturelles ou la violence généralisée, dans le cas des Vénézuéliens. Il existe de très importants mécanismes de protection régionaux, et ce n’est pas pour en faire abstraction, mais je ne crois pas qu’il faut s’en servir au détriment des voies traditionnelles de réinstallation et encore moins minimiser l’importance de la réinstallation, et c’est ce qui nous inquiète, au Canada, et ce qui nous inquiète, aux États-Unis, en pensant à l’année qui vient. Nous pouvons envisager toutes ces solutions.
Vous avez raison de dire que, bien entendu, les gens — je ne devrais pas dire « bien entendu ». Bien des gens voudront rentrer chez eux, si c’est possible, mais il faut également tenir compte de ces situations qui n’ont plus de fin — j’ai parlé des Syriens, mais il y a au moins une dizaine de situations qui s’étirent, dans le monde —, où il semble de moins en moins probable que les gens puissent rentrer dans leur pays à court terme ou au cours de leur vie. Il doit également y avoir des mesures en place pour aider les gens à s’intégrer à l’échelle locale, si cela est possible, si cela est faisable sur le plan politique, et on peut sans doute encourager cela par la prise de certaines mesures incitatives, comme le financement, ou autrement, tout en conservant les voies traditionnelles de réinstallation, que ce soit parce que des membres de votre famille se trouvent ailleurs ou parce que vous êtes particulièrement vulnérable et devez avoir la possibilité de vous réinstaller.
Il n’est pas nécessaire d’adopter une solution au détriment d’une autre solution. Nous pouvons continuer à faire pression pour trouver des solutions internationales et des solutions régionales et espérer que les conflits se régleront et que les gens pourront rentrer chez eux.
Dr Nickerson : J’ajouterais qu’il y a une distinction importante à faire. Je suis convaincu que vous seriez d’accord avec moi pour dire que, peu importe la solution proposée, elle doit respecter la volonté et la dignité. Il faut consulter les gens des collectivités touchées pour savoir ce qu’ils veulent.
Il a été question plus tôt de la situation dans les centres de détention en Libye, et ainsi de suite, et du fait que d’importantes parts du financement européen ont servi à soutenir la garde côtière de la Libye et certains de ces centres de détention. Cela invite à la prudence, et les pays comme le Canada doivent porter attention à la situation et savoir qu’il ne faut pas confondre les solutions régionales avec les politiques sur l’externalisation et la limitation des frontières. La pente peut facilement devenir glissante. L’externalisation des frontières et le fait que les gens se font dire qu’ils doivent rester dans une région ou dans un pays et qu’ils n’ont pas accès à certaines voies d’asile, et ainsi de suite, sont, en toute franchise, un affront à la dignité des personnes et à leurs droits de demander l’asile ou de chercher refuge. Nous avons vu que la situation en Libye a très mal tourné.
Nous sommes l’une des très rares organisations internationales à avoir travaillé à l’intérieur des centres de détention en Libye et y avoir offert des programmes médicaux durant plusieurs années. Plusieurs de ces programmes ou projets tirent à leur fin en raison du manque d’accès, mais je peux vous dire que les conditions étaient absolument abominables.
Peu importe les solutions qui sont proposées, nous devons garder à l’esprit que ces solutions supposent de consulter les collectivités touchées et doivent être fondées sur le principe du choix volontaire et de la dignité.
La présidente suppléante : Je remercie nos témoins. Je tiens sincèrement à vous remercier tous deux d’avoir assisté et participé à cette étude importante. Votre aide est grandement appréciée.
Chers collègues et invités, la portion publique de notre séance est maintenant terminée. Nous allons suspendre la séance quelques minutes, puis nous poursuivrons à huis clos pour discuter d’un projet d’ordre du jour.
(La séance se poursuit à huis clos.)