LE COMITÉ PERMANENT DU RÈGLEMENT, DE LA PROCÉDURE ET DES DROITS DU PARLEMENT
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mardi 18 octobre 2022
Le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement se réunit aujourd’hui, à 9 heures (HE), avec vidéoconférence, conformément à l’article 12-7(2)a) du Règlement, pour étudier des amendements possibles au Règlement, et l’étude d’un projet d’ordre du jour (travaux futurs).
La sénatrice Diane Bellemare (présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La présidente : Nous allons commencer notre séance d’aujourd’hui au Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits au Parlement. Mon nom est Diane Bellemare, je suis sénatrice du Québec et je préside ce comité.
Je vais demander aux gens qui sont autour de la table de s’identifier en nommant leur région. Je vais commencer à ma droite.
Le sénateur Oh : Sénateur Oh, de l’Ontario.
Le sénateur Woo : Sénateur Woo, de la Colombie-Britannique.
Le sénateur R. Black : Sénateur Black, de l’Ontario.
Le sénateur Gold : Sénateur Gold, du Québec.
La sénatrice Ringuette : Sénatrice Ringuette, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Busson : Sénatrice Busson, de la Colombie-Britannique.
La sénatrice Deacon : Sénatrice Deacon, de l’Ontario.
Le sénateur Marwah : Sénateur Marwah, de l’Ontario.
La sénatrice Saint-Germain : Sénatrice Saint-Germain, du Québec.
La présidente : Aujourd’hui, à l’ordre du jour, nous avons prévu de discuter de la problématique de l’équité entre les groupes dans le Règlement et de regarder quels sont les changements qu’il est souhaitable d’y apporter pour régler cette problématique.
Puisque nous avons amorcé cette discussion au Sénat avec les sénateurs Woo et Tannas, qui ont déposé une motion, laquelle a été amendée et reprise, à la demande initiale de certains membres du comité, nous avons mis cette motion à l’ordre du jour. C’est l’ordre du jour qui est prévu, et nous avons aussi décidé de demander au sénateur Tannas d’être témoin aujourd’hui pour en parler.
Alors, voilà qui résume l’essentiel de notre réunion. Sur ce, je lui laisse tout de suite la parole.
[Traduction]
L’honorable Scott Tannas, leader, Groupe des sénateurs canadiens : Je suis ravi d’être avec vous ce matin, et je suis particulièrement heureux que le sénateur Woo soit ici. C’est lui qui a accompli tout le travail de fond initial sur la motion que lui et moi avons proposée en alternance au cours des législatures et des sessions du Parlement quand toutes les mesures proposées mouraient au Feuilleton et qu’il fallait repartir à zéro. À tour de rôle, nous avons proposé diverses versions de cette motion sur l’équité. C’est maintenant son tour de la proposer au Parlement, et j’espère que cela se fera bientôt, comme je m’y attends. Ma plus récente motion est morte au Feuilleton lors des dernières élections.
Cette motion a en fait été proposée en réaction au 13e rapport du Comité sénatorial sur la modernisation du Sénat, intitulé Refléter la nouvelle réalité du Sénat. Ce rapport comprenait des recommandations de modifications à apporter au Règlement du Sénat pour faire en sorte que tous les partis et les groupes parlementaires reconnus soient traités équitablement.
Le sénateur Woo a initialement pris l’initiative de réagir au rapport en déposant une motion proposant certaines modifications aux règles qui régissent le Sénat. Quand mon tour est venu, j’ai légèrement modifié la motion initiale, et c’est en juin 2021 que je l’ai proposée la dernière fois.
Je me réjouis de voir que le Comité du Règlement se penche sur la teneur de la motion. Cette dernière tient compte du fait que la réalité actuelle du Sénat, soit l’existence de plusieurs groupes reconnus, est là pour de bon. Les modifications apportées récemment à la Loi sur le Parlement du Canada, lesquelles découlent aussi des recommandations du Comité sur la modernisation, sont le reflet de la réalité pérenne de notre composition à groupe multiple. Le Sénat ne peut pas fonctionner à long terme à coup de nouveaux ordres sessionnels et d’ententes informelles entre les leaders. Le Règlement doit tenir compte de la réalité de notre Sénat multipolaire.
L’objectif de la motion et la motivation derrière les changements que je propose au Règlement visent à faire en sorte que tous les groupes soient traités équitablement. En aucun cas certains groupes ne devraient être traités plus équitablement que d’autres en vertu du Règlement. Je ne propose pas de réduire ou de modifier le rôle de l’opposition officielle. La motion que je propose n’enlève rien à l’opposition officielle, mais accorde plutôt un statut égal à tous les autres groupes reconnus. Autrement dit, elle met tous les groupes sur un pied d’égalité.
Par exemple, dans ma motion, l’opposition officielle continuera d’avoir des critiques d’un projet de loi, lesquels disposeront d’un temps de parole de 45 minutes lors du débat. Les autres groupes reconnus auraient la possibilité de nommer des porte-parole disposant également de 45 minutes pour traiter de leurs projets de loi. L’opposition conserve ses prérogatives, mais d’autres groupes auront maintenant la même occasion d’expliquer les projets de loi par la bouche d’un expert. C’est une modification bénéfique pour la qualité et la profondeur de nos débats. Un adage veut que la marée montante soulève tous les bateaux.
Dans la motion, je propose plusieurs éléments que je porte à votre attention : la durée des temps de parole des leaders et des facilitateurs; les consultations élargies auprès de tous les leaders et facilitateurs concernant les questions de procédures; l’ajout de membres d’office au sein des comités; et la définition révisée de critique d’un projet de loi.
Le comité est libre d’étoffer ou de modifier la substance de ma motion. Ce n’est en rien une proposition immuable, et je pense que le sénateur Woo a indiqué la même chose lorsqu’il a proposé cette motion. Dans le cadre de votre examen, il importe de conserver ce qui fonctionne et de modifier ce qui ne fonctionne pas.
Ce que nous avons vécu en février dernier lors du débat sur la Loi sur les mesures d’urgence constitue un bon exemple montrant qu’une modification pourrait être apportée. Vous vous souviendrez que lors de ce débat, le sénateur Gold a passé six heures à répondre aux questions des sénateurs, une situation rendue possible parce que le Règlement accorde un temps de parole illimité au leader du gouvernement. Dans le cas présent, le temps de parole illimité était une composante très importante de la responsabilité parlementaire. Dans le cadre de l’examen de la motion, le comité devrait chercher à trouver un juste équilibre entre la responsabilité parlementaire rigoureuse et l’équité entre tous les groupes pour que tous les sénateurs puissent être sur un pied d’égalité.
Je vous remercie.
La présidente : Je vous remercie, sénateur Tannas.
Le sénateur Gold : Je salue mes honorables collègues et tous ceux et celles qui nous regardent. Je remercie également les sénateurs Tannas et Woo. Je suis enchanté d’être ici.
J’ai quelques questions afin d’éclaircir certains points. Avec votre indulgence, puis-je en poser quelques-unes et laisser les réponses venir quand elles viennent?
Les deux premières sont en quelque sorte liées, car elles portent sur le même point. Sénateur Tannas, nous savons tous qu’après l’adoption du projet de loi C-19, la Loi sur le Parlement du Canada a été modifiée pour reconnaître tous les leaders et les facilitateurs des partis et des groupes parlementaires reconnus autres que ceux du gouvernement et de l’opposition.
Ces modifications ont également modernisé les titres des sénateurs qui occupent des postes de leader au gouvernement afin de tenir compte de la manière dont le gouvernement les utilise. Je suis le représentant et non le leader du gouvernement. Je remarque cependant que la question n’est pas abordée dans votre motion — y compris dans la motion initiale — si on la comprend en tenant compte des échéanciers, bien entendu. Pour assurer l’équité entre tous les partis et groupes parlementaires et l’alignement avec la Loi sur le Parlement du Canada, conviendriez-vous que tous les titres applicables figurant dans le Règlement du Sénat devraient être mis à jour pour inclure — et je cite ici encore la Loi sur le Parlement du Canada — le leader ou représentant du gouvernement, de leader adjoint ou de coordonnateur législatif du gouvernement, et le whip ou l’agent de liaison du gouvernement?
Toujours en lien avec ce deuxième point, je formule la remarque suivante. Dans la motion initiale, dans votre motion, vous proposez d’éliminer les références explicites aux titulaires de postes de leadership dans certains passages du Règlement et d’utiliser des mots comme « leader ou facilitateur » ou « tous les leaders et facilitateurs ». Les modifications apportées récemment à la Loi sur le Parlement du Canada, quand elles sont applicables, nomment expressément le leader du gouvernement, le leader de l’opposition et, dans sa version modernisée, « le leader ou facilitateur de chacun des autres partis ou groupes parlementaires reconnus au Sénat ». Ici encore, pour assurer la clarté et éviter toute ambiguïté procédurale quand le Règlement doit être interprété et appliqué, ne devrions-nous pas, dans le Règlement, énumérer en termes clairs tous les titres de leaders tels qu’ils figurent dans la Loi sur le Parlement du Canada, en disant leader ou représentant du gouvernement, leader de l’opposition et leader ou facilitateur de tout autre parti ou groupe parlementaire reconnu? Ce sont des questions de rédaction, mais ces interventions permettraient d’harmoniser le Règlement avec la Loi sur le Parlement du Canada, laquelle est maintenant le modèle ou le point de départ de ces démarches, il me semble.
Avec votre indulgence, je poserai une dernière question. Elle porte sur un point plus sérieux, auquel vous avez fait référence dans votre allocution. D’après ce que je comprends, la motion propose d’éliminer le temps de parole illimité accordé au leader du gouvernement et, bien entendu, au leader de l’opposition pour que tous les leaders disposent d’un temps de parole maximal de 45 minutes.
Permettez-moi de soulever une préoccupation à ce sujet, compte tenu du rôle unique que je joue au Sénat. La capacité d’avoir un temps de parole illimité est un important outil que moi et mon prédécesseur avons dû utiliser pour défendre les politiques et objectifs législatifs du gouvernement et, dans certains cas, expliquer la position du gouvernement au Sénat ou des modifications proposées par ce dernier. C’est un outil très important, plus important que jamais peut-être, car je n’ai pas de caucus à diriger. L’exemple que vous avez donné est pertinent. J’ai parlé de la Loi sur les mesures d’urgence, mais j’ai répondu à des questions pendant plus de six heures parce que le Règlement m’y autorisait, comme vous l’avez fait remarquer, car j’ai des comptes à rendre. Je n’allais pas refuser de répondre aux questions avant que le débat ne soit épuisé, même si j’en avais le droit en vertu du Règlement.
Dans l’intérêt de l’équité, pourquoi ne pas simplement envisager d’élargir le temps de parole illimité à l’ensemble des leaders et des facilitateurs? Personne ne veut parler indéfiniment ou écouter quelqu’un parler ad vitam aeternam. Je comprends cela. Je m’inquiète en raison de mon rôle, mais je cherche aussi à assurer l’équité. Je proposerais donc d’accorder à tous le temps de parole dont a occasionnellement besoin un représentant du gouvernement dans un Sénat moderne — et je ne pense pas avoir jamais abusé de ce droit — ou de réfléchir à un compromis équitable. Je pense que vous penchiez dans cette direction ou, du moins, vous en donniez l’impression. Nous sommes ouverts à l’idée si nous pouvons trouver un compromis équitable qui pourrait fonctionner et qui tiendrait compte du rôle unique du gouvernement, lequel doit à la fois rendre des comptes et communiquer ses objectifs quand il importe de le faire.
J’ai une autre question, mais je pense avoir accaparé suffisamment de temps. Je vous remercie.
[Français]
La présidente : S’il n’y a pas d’autres questions, je préciserais qu’on s’interroge sur le concept d’équité; l’équité n’est pas synonyme d’égalité. On était tous conscients de cet enjeu, sénateur Gold, alors nous allons essayer d’être très équitables dans notre gestion de cette motion. La sénatrice Batters avait également levé la main — oui, excusez-moi.
[Traduction]
Le sénateur Tannas : En ce qui concerne la nomenclature relative aux titres, vu où nous en sommes, le gouvernement a agi comme bon lui semble. Le prochain gouvernement pourrait décider de ne pas bouger. Tant que la nomenclature est suffisamment souple pour reculer, avancer ou ajouter quelque chose de nouveau que nous pouvons considérer comme un leader, un leader adjoint, un whip ou tout autre titre, je pense que c’est important. Je pense que nous devons tenir compte du fait le Sénat a changé et sera différent de ce qu’il a été pendant ses 150 premières années, et le Règlement devrait accorder une certaine souplesse sur le plan de la nomenclature.
En ce qui concerne les temps de parole, je suis d’accord. Je pense que, comme la sénatrice Bellemare l’a souligné, il y a l’équité et l’égalité. Je pense que le marathon de six heures que vous avez accompli dans le cadre du débat sur la Loi sur les mesures d’urgence, qui a été extrêmement utile, devrait être autorisé. Il me semble logique de laisser ce droit de parole tel qu’il est actuellement pour le leader du gouvernement et le leader de l’opposition. À titre de chef d’un groupe, je ne peux imaginer de situation dans laquelle un chef de groupe ne s’occupant pas de questions législatives aurait besoin d’un temps de parole illimité. Je pense qu’il y a du travail à faire dans la prochaine version. Je suis impatient de voir ce que le sénateur Woo proposera à cet égard.
La sénatrice Batters : Je vous remercie, sénateur Tannas. J’ai quelques remarques à formuler.
Tout d’abord, je ne pense pas que nous souhaitions retirer leur temps de parole illimité aux leaders du gouvernement et de l’opposition, car cela les limiterait à un temps de parole de 45 minutes. C’est une diminution draconienne. Cela permettrait à quelqu’un qui ne veut répondre à aucune question de livrer simplement un très long discours, empêchant ainsi tous les sénateurs de poser au gouvernement des questions importantes qui ne pourraient pas vraiment être posées dans un autre genre de forum. Je pense que ce serait fort malheureux. Si le gouvernement et l’opposition ont des temps de parole illimités, c’est en raison de leur rôle unique au Sénat. L’opposition officielle joue également un rôle important et unique, bien entendu. Nous avons le devoir de réclamer des comptes du gouvernement. D’autres sénateurs peuvent le faire également, mais c’est en fait le rôle de l’opposition. Mais le gouvernement a l’information. Le leader et les critiques du gouvernement ont l’information gouvernementale qu’on ne peut obtenir qu’en leur posant des questions, et le fait de limiter leur temps de parole à 45 minutes quand ils parlent des projets de loi du gouvernement et de ce genre de choses ne constitue absolument pas un bon objectif.
De plus, le fait de désigner quelqu’un à titre de porte-parole d’un projet de loi en ferait, je suppose, une sorte de critique, alors que de façon générale, les critiques font partie de l’opposition officielle actuellement. Ils disposeraient d’un temps de parole de 45 minutes pour potentiellement faire un discours et répondre aux questions, et pourraient également tenir un bref débat quand nous examinons les divers projets de loi. Le fait de considérer un certain nombre de personnes de divers groupes comme porte-parole éparpille l’opposition. Ce n’est peut-être pas ce que vous voulez faire, mais c’est l’effet qu’aurait cette modification. Quelle serait la différence entre le critique qui dispose de 45 minutes et le porte-parole qui a 45 minutes? Cela enlève également ce rôle important.
Je vois aussi, dans vos modifications proposées, qu’il n’y a pas de limite au nombre de groupes parlementaires qui seraient visés. Il pourrait donc y avoir jusqu’à 11 groupes parlementaires, vu le nombre de sénateurs au Sénat, et les leaders et les porte-parole de chacun d’entre eux pourraient potentiellement avoir un temps de parole de 45 minutes. Si nous optons pour une solution comme celle proposée par le sénateur Gold au sujet d’un temps de parole illimité... mon Dieu.
Je pense qu’un des grands principes du Sénat, sénateur Tannas, est l’équité entre les sénateurs en tant qu’individus, et non pas entre les groupes. C’est dans cette distinction que réside mon opposition à ce que vous essayez de faire. J’aimerais avoir votre réaction.
Le sénateur Tannas : Au sujet du temps de parole, particulièrement du temps de parole illimité, je suis sénateur depuis 10 ans et il ne me semble pas, jusqu’à récemment, avoir vu de situation où les 45 minutes étaient insuffisantes. Il faut avoir siégé ici longtemps pour avoir vu tout l’éventail des scénarios.
Vous avez raison. Nous devons mener une bonne réflexion et nous assurer de maintenir ce qui doit être maintenu et de modifier ce qui doit être modifié. Ces décisions, comme vous l’avez dit, reviennent à tous les sénateurs; ceux-ci peuvent très bien apporter une modification pour l’annuler ensuite à leur guise des années plus tard. Le Sénat a toujours été maître chez lui.
Prenons la question des porte-parole. Dans le nouveau Sénat des sept dernières années, nous avons vu défiler de nombreux experts. Auparavant, les experts que nous invitions étaient en bonne partie des spécialistes du domaine de la politique. Aujourd’hui, nous avons de nombreux experts provenant de domaines variés et intéressants, mais qui ne sont peut-être pas des amis du gouvernement ou des membres du caucus de l’opposition. Il est important que les porte-parole puissent donner leur opinion sur le projet de loi, en sa faveur ou contre, ou de présenter des idées pour des personnes qui pourraient bénéficier de cet examen. Agir autrement reviendrait à gaspiller l’expérience des sénateurs. Il arrivera souvent, mais pas systématiquement, que l’expert en la matière et le critique ou le parrain du projet de loi soient deux personnes différentes.
Ceux qui dirigeront bien leur groupe respectif désigneront comme porte-parole le sénateur qui possède la plus grande expertise dans le domaine en question. Cette personne assistera, au même titre que le critique, à la séance d’informations que donne normalement le ministère et obtiendra un temps de parole de 45 minutes. Ce n’est pas un grand prix à payer pour que des gens dotés d’une expertise ou animés par un intérêt ou une passion puissent être entendus, peu importe le groupe auquel ils appartiennent.
La sénatrice Batters : Tout d’abord, je ne suis pas d’accord avec vous lorsque vous dites que le Sénat n’était composé que d’experts dans le domaine de la politique avant votre arrivée. Vous n’étiez pas versé en politique avant votre arrivée au Sénat, mais vous avez sûrement développé différentes compétences depuis. C’est la même chose pour moi. Les sénateurs ont des bagages très variés, y compris en sciences. Évidemment, je ne veux pas dire par là que nous nous sommes transformés soudainement en experts dans un domaine que nous ne connaissions pas auparavant.
Je pense aussi que les sénateurs peuvent communiquer leur grande expertise de plusieurs manières, que ce soit en livrant des discours ou encore en posant des questions ou en participant d’une autre manière aux comités. Qu’en pensez-vous?
Le sénateur Tannas : Je pense que nos opinions divergent à ce sujet. Je vais me rallier à ce que les sénateurs décideront.
[Français]
La présidente : J’espère que nous aurons la possibilité de tenir une deuxième ronde de discussions sur ces propos. Éventuellement, nous procéderons autrement que dans l’ensemble. Ce sont des remarques introductives.
[Traduction]
La sénatrice M. Deacon : Je remercie les témoins d’être présents parmi nous ce matin.
Je vais m’attarder à ce qui est prévu sur les porte-parole à l’article 6 en essayant de ne pas répéter ce que la sénatrice Batters et le sénateur Gold ont soulevé. Dans votre réponse, vous avez mentionné le rôle du porte-parole. Vous avez au moins effleuré le sujet. Je voudrais seulement explorer un peu plus l’hypothèse selon laquelle le porte-parole aurait un rôle élargi.
En même temps, en écoutant nos collègues au Sénat, nous constatons que les débats sont devenus des discours préparés sur les façons de voter. La prolongation du temps de parole de quelques sénateurs qui assument le rôle de porte-parole renforcerait peut-être cette perception ou cette impression. Je me demande si la qualité des débats s’améliorerait si les sénateurs qui connaissent bien le sujet à l’étude étaient encouragés à mettre de la créativité dans leurs questions et à rendre les débats moins artificiels. C’est peut-être là que je veux en venir. Peut-être pourrions-nous modifier la règle pour que les sénateurs obtiennent automatiquement cinq minutes supplémentaires au lieu d’avoir à demander la permission du Sénat tout entier. Je me demandais ce que vous en pensiez. Je comprends l’intention derrière le porte-parole, mais j’essaie également de voir comment nous pourrions rendre les débats plus authentiques.
Le sénateur Tannas : Merci.
Tout d’abord, comme certains d’entre vous le savent probablement déjà, ce n’est pas parce que vous disposez de 15 ou de 45 minutes que vous devez toutes les utiliser. J’essaie toujours de garder cela en tête. Parfois, vous dépassez votre temps de parole parce qu’il y a des questions. C’est une bonne chose. Sur le sujet précis du temps, j’ai tendance à préconiser la philosophie du be bright, be quick, be gone : soyez bref, brillant et ne vous étendez pas. Je n’imagine pas vraiment une file de porte-parole impatients d’écouler leurs 45 minutes, sauf ceux qui ont vraiment quelque chose à apporter au débat. C’est souvent le cas des critiques des projets de loi d’initiative parlementaire qui ne prêtent pas à controverse. Il se prononce alors d’excellents discours très concis.
La proposition visait à trouver un moyen d’instaurer l’équité. C’est avec plaisir que j’écoute vos recommandations et vos solutions de rechange. Mon expérience au Sénat m’a fait comprendre que le leader du gouvernement et le leader de l’opposition, que ce soit dans une assemblée législative ou dans un contexte opposant un gouvernement à une opposition, doivent disposer d’un temps de parole illimité. On me l’a clairement indiqué. Mais pour les autres, je pense que les 45 minutes suffisent.
[Français]
La sénatrice Saint-Germain : Nous en sommes actuellement à la mise en œuvre de la réforme du Sénat, qui incombe au Sénat. Le gouvernement a proposé des modifications à la Loi sur le Parlement. C’est maintenant à nous de les mettre en œuvre. Cette motion, à mon avis, s’inscrit très bien dans ce contexte.
Mon commentaire principal portera aussi sur la question du porte-parole. Toutefois, auparavant, je souhaite appuyer les propos du sénateur Gold de façon générale. Il est important pour nous d’être en mesure, du point de vue opérationnel, de mettre en œuvre les amendements que nous apporterons au Règlement. Cette dimension me préoccupe et je la partage également.
Par ailleurs, cette motion des sénateurs Woo et Tannas respecte le rôle du gouvernement et celui de l’opposition, mais reconnaît qu’il y a maintenant des groupes qui ne sont pas affiliés à un caucus politique. Dans ce contexte, je crois qu’il est important que nous ayons ce que j’appelle le « critique législatif », mais je comprends qu’on veuille réserver le mot « critique » à l’opposition officielle.
Par ailleurs, j’estime que le mot « porte-parole » n’est pas le bon. Vous me direz que c’est à moi de trouver une solution. Le terme « porte-parole » signifie une personne parle au nom d’un groupe. Dans le groupe que je représente, cela ne se peut pas. Dans votre groupe, si je comprends bien, c’est la même chose, et il en va de même pour les progressistes du Sénat. Il nous faut donc trouver une solution. On parlera du titre potentiel ou de l’analyste par la suite.
Je tiens toutefois à faire remarquer qu’en tant que sénatrice indépendante qui n’a jamais été affiliée à un parti politique ni au Québec ni au fédéral, j’aime bien avoir l’opinion d’un expert en plus de celle du gouvernement qui a préparé un projet de loi et de celle de l’opposition qui critique le projet de loi, dans les deux cas, dont l’objectif est quand même lié à une ligne de parti.
À mon avis, il est extrêmement important que, dans la réforme, ce rôle soit reconnu et que cette personne, au-dessus de la mêlée partisane, puisse avoir un temps de parole en Chambre qui nous permet de nous faire une idée juste et impartiale de la situation. J’insiste donc vraiment sur cet amendement.
Le sénateur Gold : Merci à tous pour les questions. J’aimerais poursuivre dans la même direction que la sénatrice Saint-Germain.
[Traduction]
Au sujet des porte-parole, je pense que ce serait inapproprié d’obtenir le point de vue de personnes qui ne sont pas des membres du gouvernement ou des critiques. Je me fonde sur les mêmes raisons que celles invoquées par la sénatrice Saint-Germain. À la lumière de mon expérience de sénateur au sein du Groupe de sénateurs indépendants, je proposerais un terme comme « sénateur désigné » ou un autre terme semblable. À mon avis, « porte-parole » crée la fausse impression que le sénateur parle au nom d’un groupe. Les groupes ne sont pas organisés de cette façon. Le terme « désigné » est moins ambigu. Cela dit, je n’y tiens pas mordicus. J’adhère au concept, pourvu que la terminologie soit correcte.
J’aurais une dernière question, assez substantielle elle aussi, et à laquelle j’inviterais le comité à réfléchir. La motion — de même que celle du sénateur Woo — renferme la notion de statut de membre d’office. Je pense que vous en avez parlé brièvement dans votre déclaration. J’aimerais que vous expliquiez dans quel objectif vous donneriez aux membres d’office de chaque parti ou groupe reconnu le droit de voter en comité.
Je vais formuler cela sous forme de question. Est-ce conforme aux processus et aux règles du Sénat d’agrandir de façon considérable — et peut-être imprévisible — la taille des comités à l’étape, par exemple, de l’étude article par article? De nombreux leaders pourraient logiquement être présents, de même que les membres du comité qui n’ont pas assisté du tout aux délibérations jusque-là, surtout si la composition des comités est proportionnelle à la taille des groupes, ce qu’elle devrait être à mon avis. Cela romprait l’équilibre ou l’apparence d’équilibre. Voilà matière à réflexion. Je vous laisse cogiter là-dessus. Merci.
Le sénateur Tannas : Ma proposition et celle du sénateur Woo divergent à ce chapitre. Le sénateur Woo propose de désigner tous les leaders membres d’office, mais sans leur donner le droit de vote. Cette proposition est problématique, selon moi, parce qu’elle enlève du poids à l’opposition. En fait, si le gouvernement et l’opposition ont un droit de vote, leurs votes s’annulent mutuellement. L’exercice est stérile. Vous avez raison. Plus il y a de groupes qui entrent en scène, plus le comité perd le contrôle sur tout le travail accompli jusque-là, et court le risque que plusieurs leaders se présentent à la dernière minute et viennent fausser le vote. Dans ce cas, il est logique que tous les leaders acquièrent le statut de membre d’office, mais sans droit de vote. Tout bien considéré, je ne vois pas en quoi cela affaiblirait l’opposition, puisque ses votes sont annulés chaque fois par ceux du gouvernement, et vice versa.
Le rejet à répétition de cette motion a comme mince avantage de nous astreindre à un travail de révision et de réflexion — pendant que différentes situations continuent à survenir. Je ne sais pas ce que vous en pensez, sénateur Gold, mais pourquoi voter en sachant que le leader de l’opposition va invariablement annuler votre vote? Chaque fois que vous voudrez imposer votre point de vue à un comité, vous pouvez être assuré que le leader de l’opposition ira en sens inverse. Je ne sais pas. Je soumets de nouveau la motion pour que vous puissiez y réfléchir d’ici à la présentation de la nouvelle proposition.
Le sénateur Gold : Je vais faire un peu d’introspection et je vais être heureux de...
Le sénateur Tannas : Vous allez nous revenir là-dessus.
Le sénateur Gold : ... répondre à votre question le plus tôt possible.
La sénatrice Batters : Le sénateur Gold va peut-être, en effet, obtenir une réponse plus rapidement en consultant son reflet dans le miroir.
Sénateur Tannas, j’aimerais faire quelques brèves observations. Nous avons parlé des avis d’experts venant des sénateurs. Diriez-vous que les avis spécialisés fournis aux comités sur les différents dossiers et projets de loi devraient être livrés par des experts? Aucun sénateur ne témoigne aux comités. Leur rôle consiste à examiner attentivement les sujets à l’étude, à poser des questions et à communiquer leurs connaissances au besoin, mais nous ne sommes pas un groupe de réflexion. Nous sommes une institution parlementaire. Nous débattons et...
Le sénateur Tannas : Vous soulevez un très bon point. Comprenez-moi bien. Pour des raisons pratiques, un petit groupe comme le mien ne pourrait pas désigner de sénateur pour tous les projets de loi. Nous le ferions que si nous pensions vraiment apporter quelque chose au débat et que nous avions besoin des séances d’informations du gouvernement et de plus de temps pour intervenir — pas seulement pour parler, mais aussi pour fournir des réponses aux questions des autres sénateurs, qui apparaîtront dans le compte rendu des délibérations.
Cette proposition serait d’une grande utilité si elle se concrétisait. Toutefois, en tant que leader, je ne voudrais pas du tout avoir à dénicher, pour chaque projet de loi, un porte-parole ou un expert. Je pense que nous pourrions établir une tradition. Nous le verrons à l’usage, mais nous pourrions être ceux qui auront fait en sorte que toutes les personnes désignées apportent une valeur ajoutée au débat. Les rôles vraiment importants résistent à l’épreuve du temps. Quelqu’un doit nous vanter les mérites du projet de loi et quelqu’un d’autre doit en relever les lacunes. Nous pourrons ensuite nous forger notre propre opinion, et reconnaître — pas tout le temps, mais dans certaines circonstances — que l’intervention réfléchie de membres des autres groupes peut faire avancer le débat.
La sénatrice Batters : Ce serait bien si les groupes agissaient ainsi, mais les amendements dans leur version actuelle ne prévoient aucune obligation, si je ne m’abuse. Autrement dit, chaque groupe aurait encore cette possibilité. Il n’y aurait aucune restriction. Selon les commentaires que vous avez formulés, ai-je raison de penser que vous êtes d’accord pour que le groupe du gouvernement et celui de l’opposition conservent leur temps de parole illimité et que les autres groupes observent une limite de 45 minutes?
Le sénateur Tannas : C’est exact.
La sénatrice Batters : Ma question porte sur l’article 7-3(1) concernant la fixation de délai. Je voulais vous faire remarquer que dans ce cas particulier, le temps du débat se limite à deux heures et demie. Si tous les leaders prennent la parole, il ne restera plus de temps pour les sénateurs non affiliés, les sénateurs indépendants ou n’importe qui d’autre. Les leaders monopoliseront le débat. Admettez-vous que ce serait quelque chose que nous pourrions...
Le sénateur Tannas : Des correctifs doivent de toute façon être apportés à la fixation de délai. Je ne prétends pas savoir quels seraient exactement ces correctifs, mais il a été signalé dans les discussions que le libellé des dispositions sur la fixation de délai est problématique aujourd’hui et qu’il doit être corrigé dans le cas dont nous parlons. Je pense aussi que le temps des débats et des autres composantes de la disposition sur la fixation de délai doivent être augmentés pour éviter que les leaders aient la mainmise sur le débat.
[Français]
La présidente : Nous pourrons avoir un débat, une conversation plus pointue, plus exhaustive, sur ces thèmes quand nous procéderons règle par règle. Je donne maintenant la parole au sénateur Woo.
[Traduction]
Le sénateur Woo : Merci, sénateur Tannas.
Lorsque la première version de cette motion a été présentée, un argument a été brandi disant que le Sénat n’avait pas le pouvoir de changer les règles étant donné que la Loi sur le Parlement du Canada ne conférait pas à l’époque l’équité entre les groupes du gouvernement et les autres. Tout cela est bien sûr derrière nous. La Loi sur le Parlement du Canada prévoit l’équité réelle entre les groupes de l’opposition et les groupes parlementaires reconnus. La seule distinction est de nature terminologique.
La terminologie a été conservée pour des raisons pratiques, en l’occurrence celle que vous avez mentionnée, afin qu’un gouvernement qui déciderait de revenir à un Sénat partisan permette à un groupe de se désigner par le terme « opposition ». Cela dit, l’obligation d’équité est déjà inscrite dans la Loi sur le Parlement du Canada. Nous avons donc la permission — nous l’avons toujours eue, en fait —, mais aussi des raisons supplémentaires de modifier nos règles pour qu’elles s’harmonisent avec la loi. Nous avons même l’obligation de le faire. Nous ne pouvons pas ne pas le faire.
Nous devons ensuite nous poser la question suivante : si nous avons l’équité réelle entre ce que désigne le terme « opposition » et les autres groupes parlementaires reconnus, pourquoi devrait-il y avoir une distinction entre les privilèges de l’opposition et ceux des autres groupes? Autrement dit, que fait le Groupe des sénateurs canadiens, dans sa critique des projets de loi du gouvernement, de vraiment différent de ce que fait l’opposition, sauf peut-être d’être assez ouvert pour considérer la possibilité de voter contre le projet de loi? S’il n’y a aucune différence ou que le travail du Sénat s’en trouve amélioré, pourquoi ne pas accorder au porte-parole ou au sénateur désigné les mêmes privilèges que ceux accordés au critique du projet de loi?
Le sénateur Tannas : Je pense que tous devraient jouir des mêmes privilèges, soit 45 minutes de parole et la possibilité d’assister aux séances d’information que donne normalement le gouvernement même si cela ne figure pas dans les règles. Ce ne serait pas énorme, mais cela ferait en sorte que les interventions de tous les groupes, qu’ils soient en faveur ou contre — ou ni l’un ni l’autre —, soient consignées dans le procès-verbal et pèsent dans la balance. Je suis d’accord avec la sénatrice Batters pour dire que ces modifications pourraient rapporter, à condition qu’elles soient bien appliquées. Si la prolongation du temps de parole est utilisée à bon escient, et non pas seulement pour la forme, les débats n’en seront que plus productifs.
Dans mon esprit, quelqu’un doit se lever tous les matins avec l’intention de faire adopter le projet de loi en attirant l’attention sur ses forces et en banalisant ses faiblesses. En revanche, quelqu’un d’autre doit s’efforcer de mettre au jour les problèmes et de réclamer, le cas échéant, que le texte soit modifié, rejeté ou que son étude soit retardée. Voilà pour le contexte. C’est la politique. Nous sommes une institution politique après tout. Je ne vois pas pourquoi il y aurait des tensions entre les points que nous avons soulevés. Le gouvernement et l’opposition ont tous deux un rôle traditionnel et important à jouer.
La nouvelle situation qui s’est développée ces sept dernières années signifie que certains sénateurs abordent le travail différemment et ont, possiblement, de précieuses choses à dire. Si nous pouvons mettre ces personnes à l’avant-plan au moment opportun, cela ne peut être que positif. J’ose espérer qu’avec 45 minutes, quelle que soit l’expertise apportée par la personne — qu’il s’agisse de recherches ou d’expérience concrète —, nous aurons beaucoup de temps pour les questions.
Le sénateur Woo : Je suis d’accord sur la nécessité d’utiliser le temps à bon escient et tout le reste, mais je veux vraiment des précisions sur votre définition des deux solitudes, pour ainsi dire. Je comprends le rôle du gouvernement, qui est de faire adopter des lois. Vous avez parlé du rôle de l’opposition. J’espère que vous avez utilisé le terme au sens large au lieu de viser un groupe désigné, mais vous dites que le rôle de l’opposition — soit le reste du Sénat, selon moi — est de chercher les failles et de critiquer les lacunes des projets de loi. Votre groupe ne le fait-il pas?
Le sénateur Tannas : Oui, certainement.
Le sénateur Woo : Dans ce cas, pourquoi y a-t-il une distinction entre votre rôle dans l’examen d’un projet de loi d’initiative ministérielle et le rôle de la soi-disant opposition lors de l’examen de ce même projet de loi?
Le sénateur Tannas : D’autres, dans la salle, peuvent défendre l’opposition mieux que moi, mais les responsabilités de l’opposition ne se limitent pas à chercher les failles. Il y a un élément politique aux projets de loi mal divisés, où la moitié du public est d’un côté et l’autre moitié est de l’autre. Il y a actuellement une séance dans la salle voisine. Nous serons saisis d’un projet de loi intéressant. Les retards ont une fonction importante. Beaucoup d’entre nous, au Sénat, n’aiment pas cela, mais il s’agit d’un outil important pour l’opposition pour cristalliser l’opinion publique et permettre à la population de voir ce qui se passe vraiment. Tous ces éléments sont pris en compte dans la réflexion de l’opposition.
Lorsque nous présentons nos observations, en tant que sénateurs indépendants, et nous le faisons avec les plus pures intentions possible. Voici notre expérience, notre opinion, etc. Il y a donc un travail différent à faire, selon qu’on est du côté de la critique ou du côté de la vente. Nous le savons.
Il en va de même pour le gouvernement : « Pas d’amendements, s’il vous plaît. Oui, il y a des erreurs. Veuillez les ignorer. Nous les corrigerons plus tard. Adoptez mon projet de loi, s’il vous plaît. » Ce sont les deux côtés de la même médaille.
Le sénateur Woo : Et selon vous, le rôle traditionnel de l’opposition, avec tous les outils que vous décrivez — les retards, l’appel au public, le recours aux calculs électoralistes, la proximité avec le caucus de la Chambre des communes —, tout cela devrait être préservé dans le nouveau Sénat. Est-ce votre position, essentiellement?
Le sénateur Tannas : C’est un équilibre intéressant. À mon avis, s’il n’y avait plus personne pour s’opposer, ce serait comme un match de hockey amical, sans équipes, où tout le monde ne fait que patiner. Cette tension est nécessaire, et je pense que nous avons réussi à la mettre en place.
Le sénateur Woo : C’est le nœud du problème. Vous avez mis le doigt dessus.
[Français]
La présidente : Oui, absolument, c’est effectivement un point central de cette discussion, mais je ne crois pas que nous allons la résoudre aujourd’hui. Il y a différentes façons de faire évoluer la pensée.
D’une part, dans le contexte de ce début d’étude, nous pourrons faire l’analyse règle par règle, mais d’autre part, nous pourrons aussi éventuellement inviter des témoins d’autres parlements et d’autres législations qui pourront nous éclairer.
[Traduction]
La sénatrice Saint-Germain : J’aimerais faire deux observations au sujet des propos du sénateur Tannas.
Il a décrit le Sénat du Canada comme une institution politique, et il a raison, mais ce n’est pas une institution partisane. Il y a de la confusion. Nous avons un représentant du gouvernement qui représente les points de vue du gouvernement et fait la promotion des projets de loi du gouvernement, et nous avons le caucus de l’opposition qui représente et défend les points de vue de l’opposition élue. C’est correct. Toutefois, pour le moment, il n’en demeure pas moins que nous avons trois caucus non partisans. Donc, il s’agit certes d’une institution politique, mais ce n’est pas uniquement une institution partisane. Avoir un Sénat partisan qui ne ferait qu’imiter l’autre endroit ne présente aucun avantage. C’est mon premier point.
Mon deuxième point porte sur le fait de recevoir des témoins. Je dirais, très humblement, que nous sommes les meilleurs témoins que le Sénat puisse trouver, et je ne vois pas pourquoi, encore une fois, nous consulterions les parlementaires d’autres parlements. Nous avons toute la documentation requise, et nous avons reçu d’excellentes notes d’information et une excellente analyse de la Bibliothèque du Parlement. Personnellement, je ne pense pas qu’il est pertinent ou opportun d’entendre d’autres témoins sur cette question.
Le sénateur Tannas : Je suis d’accord avec vos derniers commentaires, sénatrice Saint-Germain. Lorsque cette motion a été présentée, on a fait valoir, à juste titre, qu’elle était en avance sur son temps. Maintenant, nous sommes en retard. Dans le contexte actuel, nous devons apporter des changements pour refléter où nous en sommes aujourd’hui et non ce que nous aspirons à être à l’avenir. Nos règles ne fonctionnent pas. Dans le cas présent, elles sont brisées.
La sénatrice Cordy : Merci de votre présence, sénateur Tannas. Mettre cela sur papier, c’est une chose, mais comparaître au comité à titre de témoin et répondre aux questions, surtout celles de vos collègues, c’est autre chose. Je remercie aussi le sénateur Woo.
Sénateur Tannas, vous aviez raison de présenter ces motions. J’ignore combien de temps s’est écoulé depuis, mais il me semble que cela fait longtemps. C’était difficile, car le Sénat était très différent de ce qu’il est aujourd’hui, bien entendu, et vous avez eu le courage de plonger et de lancer le processus, et nous voici aujourd’hui.
Je suis d’accord avec la sénatrice Saint-Germain. Je ne pense pas qu’il soit nécessaire d’entendre des témoins. Je pense que nous sommes les meilleurs experts. Le sénateur Tannas l’a mentionné. Ceux qui sont ici depuis un certain temps sont sans doute pleinement conscients que le Sénat d’aujourd’hui est très différent de ce qu’il était il y a 10 ou 15 ans. Nous reconnaissons tous, en tant que leaders des trois groupes indépendants, qu’il ne faut pas dicter aux collègues comment voter. Autrement, nous ne serions pas leaders bien longtemps.
Il est sans doute possible d’aller de l’avant plus efficacement et plus rapidement. Nous sommes saisis de cette question depuis longtemps. La Loi sur le Parlement du Canada a été adoptée. Il convient donc certainement de mettre certaines parties à jour en fonction de ce qui est déjà adopté. Cela faisait partie du projet de loi sur le budget, mais l’ancienne Loi sur le Parlement du Canada. Je pense que nous pouvons tous aller de l’avant et régler cela assez rapidement, car nous connaissons tous très bien ce qui figure dans ce document, sans compter les témoignages que nous avons entendus aujourd’hui. Je vous remercie.
La présidente : Je vous remercie de ces commentaires. Je suis heureuse de l’entendre, car cela pourrait accélérer notre débat.
La sénatrice Ringuette : Je suis ravie de connaître votre point de vue, et je suis d’accord avec vous à 99 %.
Je trouve que 45 minutes, c’est vraiment beaucoup de temps. Comme vous l’avez dit, il faut aller droit au but. Il n’est pas nécessaire de se répéter 10 fois et de prendre 45 minutes. Il y a peut-être quelque chose à faire à cet égard.
Je ne pense pas que nous ayons besoin de témoins. Nous sommes les témoins.
Plus tôt, vous avez dit que la prochaine version de cette motion repose sur les épaules du sénateur Woo. Je vais donc lui poser une question. Sénateur Woo, où en êtes-vous dans la rédaction de la prochaine version? Quelle approche privilégiez-vous pour le travail qui nous attend?
Le sénateur Woo : Merci, sénatrice. Cela repose peut-être sur mes épaules, théoriquement, mais ce n’est absolument pas mon bébé. Cela relève de nous tous, comme nous le savons.
La sénatrice Ringuette : En effet.
Le sénateur Woo : La discussion d’aujourd’hui aide à clarifier certaines questions et fournira des orientations afin de résoudre certains petits détails en suspens.
Si vous le permettez, madame la présidente, j’aimerais proposer deux avenues pour la suite des choses. Sachant que la plupart d’entre nous — ou tous — veulent régler le dossier assez rapidement, le comité pourrait simplement arrêter l’étude et renvoyer cela au Sénat, où un groupe de sénateurs — peut-être moi, mais en collaboration avec de nombreux autres sénateurs de l’autre côté de la salle du Sénat — pourrait présenter une nouvelle motion pour essayer de parvenir à un consensus sur les questions sur lesquelles nous ne sommes pas tout à fait d’accord. Il s’agirait d’en débattre au Sénat, puis de la mettre aux voix. C’est une possibilité, mais cela revient à l’approche que nous avons déjà essayée deux fois, sans succès.
L’autre possibilité serait que le comité termine son étude rapidement, puis qu’il recommande au Sénat de parvenir à un accord sur la marche à suivre. Je suis tout à fait d’accord avec les sénatrices Cordy et Saint-Germain : cela ne nécessite pas une longue étude avec des témoins. À mon avis, une séance supplémentaire suffirait.
Puisque je suis un visiteur au comité, je n’adopterai pas une position très tranchée. C’est à vous d’en décider. Si vous décidez de mettre fin à l’étude, je travaillerai volontiers avec les autres groupes pour présenter une nouvelle motion et demander qu’on en débatte au Sénat.
La présidente : Permettez-moi de faire une remarque à ce sujet : ce groupe est bien équilibré et bien organisé pour procéder à une étude article par article, déterminer si des correctifs sont nécessaires, puis présenter un rapport qui pourra faire l’objet d’un débat au Sénat. On aura au moins réglé les points les plus évidents. Ensuite, les autres décisions politiques qui pourraient s’avérer nécessaires feront l’objet de débats au Sénat. Je pense que c’est une proposition juste, et tout le monde ici pourrait s’acquitter de ce travail.
La sénatrice Batters : Je pensais que nous terminerions la discussion avec le sénateur Tannas avant d’entreprendre ce genre de discussion, mais soudainement, des sénateurs disent que nous n’avons pas besoin de témoins ou même que l’étude du comité n’est pas nécessaire alors que nous venons à peine de la commencer, bien franchement, il y a moins d’une heure, avec la discussion avec le sénateur Tannas aujourd’hui.
Je pense que notre comité devrait y consacrer du temps. Dans sa motion, le sénateur Tannas propose que les leaders du gouvernement et de l’opposition aient 45 minutes pour leurs déclarations, comme tous les autres leaders, et dans le temps qui lui a été accordé ici aujourd’hui, il a déjà abandonné cette idée pour dire que ces deux-là devraient avoir un temps illimité. En outre, nous avons déjà signalé certains problèmes liés à l’attribution de temps et d’autres problèmes qui nécessitent des correctifs. Ce que j’entends, c’est que nous avons terminé, que tout est beau, que nous n’avons pas besoin de témoins, qu’il n’est pas nécessaire d’examiner la question davantage et qu’il ne nous reste plus qu’à renvoyer cela au Sénat. Bien franchement, si on souhaitait en débattre au Sénat, c’est là que le débat aurait dû avoir lieu. Cela aurait pu être renvoyé au Sénat au lieu du comité, mais comme c’est le comité qui en est saisi, je pense que nous devons faire notre travail ici, au comité. Personnellement, je pense qu’il nous serait utile d’entendre d’autres témoins afin d’examiner ces règles précises en détail pour en déterminer l’incidence et savoir s’il s’agit de bonnes idées ou si certaines d’entre elles doivent être modifiées. C’est la meilleure façon de procéder.
Le sénateur Gold : Je pense que le comité est le bon endroit pour faire le travail. Je laisse au comité le soin de décider comment structurer le travail, mais certains auront sans aucun doute d’autres points à soulever. Il y a aussi la question technique de la rédaction et de tout le reste; il convient de tirer parti de l’expertise autour de la table.
De mon point de vue de représentant du gouvernement au Sénat et aussi de sénateur qui croit en la modernisation du Sénat, je pense que c’est la bonne façon de procéder, pourvu que toutes les parties intéressées puissent contribuer de manière appropriée à ce processus. Je ne pense pas que cela doive s’éterniser. Quant à savoir si nous devons entendre des témoins ou non, je n’ai pas d’opinion précise à ce sujet. Je pense que c’est l’endroit idéal pour le faire : nous avons l’expertise nécessaire et tous les groupes sont représentés et peuvent contribuer. Je pense qu’il s’agit d’un bon et sain début pour ce processus; toutes mes félicitations.
La sénatrice Busson : Lorsqu’on est troisième, il est toujours possible qu’on n’ait pas quelque chose d’unique à dire. Je dois toutefois dire que lorsque nous avons commencé à parler de la participation d’office d’autres sénateurs aux discussions du comité en général, j’ai été frappée de constater qu’on fait toujours l’éloge de la qualité remarquable du travail du comité et de l’incroyable valeur ajoutée qu’il représente, mais qu’on évoque du même souffle la possibilité que d’autres puissent intervenir à la dernière minute et participer à un vote. Cela me rappelle à quel point il est important de reconnaître la valeur du travail des comités, notamment celui de ce comité. J’appuie simplement votre proposition ainsi que les propos de ceux qui estiment qu’il faut aller jusqu’au bout et apporter les changements importants qui s’imposent.
Sans être une nouvelle venue, je ne suis ici que depuis quatre ans. D’autres sont ici depuis bien plus longtemps. Cela fait l’objet de discussions, sans aucun doute, depuis mon arrivée. Je pense que cela nous incombe, avec une importante contribution. Je dirais que les commentaires et les réflexions du sénateur Tannas m’ont vraiment fait revoir certaines de mes positions. Je pense qu’une discussion saine et un débat sain au comité feront progresser les choses bien plus efficacement que la première solution proposée par le sénateur Woo. J’aimerais que notre comité se penche sur la question.
Je vous remercie.
Le sénateur MacDonald : C’est mon premier jour au comité. C’est le premier jour du sénateur Marwah. Je suis un peu choqué qu’on pense déjà à renvoyer cela à un autre comité. Je tiens à réitérer que selon moi, le comité devrait se retrousser les manches et examiner cette question lui-même.
Je vous remercie.
La présidente : Sénateur Tannas, je vous remercie beaucoup de votre présence et de votre témoignage. C’était excellent, et je pense que vous avez soulevé de très importants points que nous devrons examiner de manière approfondie. En outre, nous voyons la limite entre la discussion rationnelle et les questions politiques. Nous tâcherons donc d’établir un équilibre entre ces deux formes de pensée et de présenter un bon projet au Sénat. Nous en débattrons ici. Merci beaucoup de votre participation.
[Français]
Nous sommes toujours en séance publique. Je préférerais que nous poursuivions ainsi pour notre discussion et notre conclusion. Il ne faudrait pas prendre trop de temps.
[Traduction]
Je ne veux pas m’éterniser pour la conclusion de cette première séance, mais voici ce que je vais faire : je vais tenter de résumer ce que j’ai saisi de nos échanges et, si mon récapitulatif vous convient, le comité de direction — avec un peu de chance — se réunira. Nous serons ainsi en mesure de vous fournir un bref ordre du jour pour que ce comité étudie cette question.
Si j’ai bien compris ceux qui ont pris la parole, le comité constitue un bon forum pour examiner le Règlement du Sénat par rapport à l’équité entre les groupes. Je crois que la formule offre un bon équilibre, et les leaders pourront assister aux réunions s’ils le souhaitent. Nous pourrons débattre de l’enjeu plus aisément, et je crois que nous pourrons mieux en comprendre les avantages et les inconvénients que si nous en discutions à la Chambre du Sénat, où les discussions prendraient, j’en suis certaine, plus de temps. Ce pourrait à tout le moins être le cas.
Si les discussions ont lieu ici, nous pourrons parvenir à un projet qui ne sera peut-être ni parfait ni complet. Certaines questions feront peut-être l’objet d’un consensus robuste, alors que d’autres dispositions nous diviseront. Quoi qu’il en soit, ce sera le projet que concevra le comité. Grâce à une réflexion raisonnée, nous cernerons les changements qui nous semblent logiques et qui permettront à un Sénat plus indépendant et comptant plus de groupes de mieux fonctionner. Les questions qui nous divisent et les enjeux politiques pour lesquels nos opinions sont diamétralement opposées seront débattus au Sénat.
Les commentaires d’aujourd’hui quant à la proposition du sénateur Tannas démontrent que des enjeux relèvent du bon sens. Commençons par ces enjeux. La semaine prochaine, nous pourrions examiner chaque disposition, un point à la fois, en suivant le document que vous avez reçu. Nous pourrons voir quels sujets font l’objet d’un consensus — d’un consensus marqué — et comment nous proposerons les changements au Sénat.
La sénatrice Cordy : J’aimerais savoir si le personnel pourrait apposer un astérisque à côté des passages qui doivent être changés en raison de modifications à ce que nous appellerons encore la Loi sur le Parlement du Canada. Nous saurons ainsi où sont les changements. Nous n’avons pas vraiment à en discuter si les changements se trouvent dans la Loi sur le Parlement du Canada ou la Loi d’exécution du budget. Ces textes seront modifiés automatiquement.
Adam Thompson, greffier du comité, Sénat du Canada : Madame la sénatrice, à ce sujet, je peux certainement me servir de la motion du sénateur Tannas comme point de départ. Elle n’est pas complète, et le sénateur Gold a lui-même fait allusion à l’autre élément de la Loi sur le Parlement du Canada qui touche certains des titres. C’est avec plaisir que je préparerai une liste des dispositions qui seront touchées par ces modifications. Je ne qualifierais pas nécessairement ces changements d’automatiques, mais la loi prévoit des options. Je crois que les propositions du sénateur Tannas portent sur la question d’équité; j’ai effectué une analyse préliminaire des propositions, et je crois qu’elles englobent tous les éléments de notre Règlement.
L’autre question est celle des titres. Je peux préparer une liste distincte des titres. La liste sera longue puisque ces titres parsèment l’intégralité du Règlement du Sénat. Je ne sais pas si je pourrai préparer un tableau aussi bien présenté à temps pour la semaine prochaine, mais je pourrai certainement fournir une liste de toutes les mentions de « leader du gouvernement », « leader adjoint » et des termes de cette nature qui nécessiteront notre attention.
La sénatrice Cordy : Ce serait merveilleux. Merci beaucoup.
Le sénateur Woo : Aussi, ma version et celle du sénateur Tannas sont très similaires, mais se distinguent par une importante différence qui mérite d’être soulignée. On l’a déjà mentionnée : la question de la participation des membres d’office. Dans ma version, tout le monde est membre d’office — tous les leaders, en fait —, mais personne n’a de droit de vote. Je crois que ce comité devra discuter de cette importante décision à prendre.
La présidente : Dans les faits, si vous me permettez de faire ce commentaire, chaque sénateur a le droit d’assister à tous les comités.
S’il n’y a pas d’autres commentaires, je déclare que la séance est levée.
(La séance est levée.)