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RPRD - Comité permanent

Règlement, procédure et droits du Parlement

 

LE COMITÉ PERMANENT DU RÈGLEMENT, DE LA PROCÉDURE ET DES DROITS DU PARLEMENT

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mardi 3 octobre 2023

Le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement se réunit aujourd’hui, à 9 h 31 (HE), avec vidéoconférence, conformément à l’article 12-7(2)a) du Règlement, afin d’étudier des amendements possibles au Règlement.

La sénatrice Diane Bellemare (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Bienvenue au Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement. Mon nom est Diane Bellemare, je suis une sénatrice du Québec et je suis présidente du comité. Avant de poursuivre, j’inviterais mes collègues à se présenter.

[Traduction]

La sénatrice Cordy : Je suis la sénatrice Jane Cordy, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Busson : Bonjour. Je suis Bev Busson, sénatrice de la Colombie-Britannique.

[Français]

La sénatrice Saint-Germain : Bonjour. Sénatrice Raymonde Saint-Germain, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Woo : Je m’appelle Yuen Pau Woo, et je viens de la Colombie-Britannique.

[Français]

La sénatrice Mégie : Sénatrice Marie-Françoise Mégie, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Greene : Je suis Stephen Greene, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Black : Je suis Rob Black, de l’Ontario.

Le sénateur Wells : Je m’appelle David Wells, et je viens de Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur Tannas : Je suis Scott Tannas, de l’Alberta.

[Français]

La présidente : Merci. Avant de donner la parole à notre témoin spécial — qu’on est très heureux d’accueillir aujourd’hui —, j’ai quelques informations à vous transmettre.

Tout d’abord, je suis très heureuse de vous retrouver après une période d’absence. Je suis bien rétablie et en forme pour poursuivre nos travaux. Je voudrais remercier la sénatrice Batters qui m’a remplacée durant cette période. J’ai observé qu’elle a été équitable et efficace dans la gestion du temps; j’ai appris en la regardant faire de chez moi.

Le comité directeur s’est réuni le 19 septembre dernier, et on a décidé de continuer à recevoir des témoignages parce qu’il y avait trois comités dont nous n’avons pas entendu de témoins soit le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, le Comité sénatorial permanent des finances nationales et le Comité sénatorial des banques, du commerce et de l’économie. Alors, on a décidé de tenter de les entendre avant de terminer notre rapport complet.

Également, nous avons élaboré un ordre du jour provisoire que nous allons vous présenter au retour du Sénat, le 17 octobre, afin de discuter de la marche à suivre.

Aujourd’hui, nous accueillons tout d’abord une experte de plusieurs comités, l’ancienne sénatrice, l’honorable Raynell Andreychuk. Elle a été juge, avocate et diplomate. Elle a également œuvré aux Nations unies dans le domaine des droits de la personne.

[Traduction]

Elle est également une ardente défenseure de la démocratie en Ukraine.

Mme Andreychuk a été nommée en 1993, 26 ans avant de prendre sa retraite. Elle a contribué à la création du Comité permanent des droits de la personne, qu’elle a présidé pendant huit ans. Elle a également présidé le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international pendant de nombreuses années. Nous sommes très heureux de pouvoir profiter de son expérience tant au Sénat que dans les comités. Elle a connu l’ancienne forme du Sénat, avec ses règles bipartites. Elle a également assisté à sa modernisation et à l’apparition de plus de groupes, par exemple. Elle a pu voir les changements.

Il sera intéressant d’entendre son témoignage. Vous pouvez nous dire quelques mots, après quoi nous poserons des questions.

L'honorable A. Raynell Andreychuk, ancienne sénatrice, ancienne présidente de comités, à titre personnel : Je vous remercie. Je crois savoir que des choses ont été améliorées au Sénat. Puisque je ne dois plus toucher l’équipement, avertissez-moi lorsque vous faites la transition, au cas où je m’y prendrais mal.

Je vous remercie de m’avoir invitée. Pendant la pause que nous avons tous prise en raison de la COVID, nous avons réfléchi à notre vie et à notre avenir. C’est un grand privilège de revenir, après avoir songé à mes nombreuses années au Sénat — aux bons aspects, aux volets négatifs, à ce qu’il faut changer, et à la façon dont vous, dans le cadre de vos fonctions, pouvez améliorer le Sénat maintenant, car je pense que c’est un effort constant. Il n’y a pas eu un seul changement. Avec l’arrivée de nouveaux sénateurs, nous les sénateurs d’expérience avons tendance à vouloir faire mieux. Je pense que c’est justement ce que vous êtes en train de faire : vous essayez d’améliorer le Sénat. Je vous en félicite.

Je vais prendre quelques instants pour nous rappeler à tous comment notre rôle au Sénat a commencé. En fait, nous avons tous prêté serment. Je parlerai au « nous ». Je m’en excuse, mais il est plus facile de dire « nous, le Sénat » — j’entends par là les années où j’étais ici, et celles que vous y passez à votre tour — et d’englober les deux.

Nous avons tous fait le serment de représenter nos régions, de nous intéresser aux minorités et de travailler dans l’intérêt supérieur du Canada. C’est le principe fondamental que nous devrions toujours respecter. Il ne semblait pas aussi important à mes débuts. Cependant, il a gagné en importance au fur et à mesure que les choses ont évolué autour de nous, et je voudrais revenir à cette essence. Comment puis-je servir le peuple canadien? Quel est mon rôle? J’ai prêté serment, et je dois y être fidèle. Cela ne veut pas dire que j’ai renoncé à tout ce que je faisais, mais j’ai commencé à remplir un nouveau rôle, qui est fondé essentiellement sur la collégialité, la collaboration et la priorité accordée au Sénat, car tout ce que vous faites ici rejaillit sur moi, et inversement. Voilà pourquoi il faut miser sur la collaboration et la collégialité. C’est vraiment évident au sein des comités. Nous sommes tous ici pour faire valoir les points de vue de nos électeurs et les nôtres afin de parvenir à un consensus.

Au Sénat, il existe de nombreux autres moyens d’agir individuellement. Il y a les interpellations et les déclarations de sénateurs. Des baladodiffusions voient également le jour. J’espère que vous ferez preuve de créativité et d’innovation par vos propres moyens. Je remarque que certains sénateurs se regroupent et font d’autres choses, de sorte que vous continuez à transmettre vos convictions.

C’est ainsi que les gens devraient travailler au sein des comités, bien sûr. Naturellement, tout a commencé il y a de nombreuses années avec un petit groupe de sénateurs qui planchaient sur des enjeux. Il s’agissait d’un gouvernement modeste et d’un petit groupe. Au fur et à mesure que celui-ci a pris de l’expansion, le travail a migré vers les comités. Il consiste essentiellement à examiner les textes législatifs, à les compléter, à les amender et à en assurer le suivi. J’ai d’ailleurs quelques remarques à ce chapitre.

Les comités ont été créés pour examiner attentivement les mesures législatives. Nous avons ajouté les consultations prébudgétaires et les études préalables afin de suivre le rythme de tous les détails et changements apportés au gouvernement. Le moyen le plus efficace d’y arriver est de surveiller les ministres et les ministères, d’examiner les projets de loi et de procéder à un véritable second examen objectif. Nous pouvons élargir la portée des études préalables. J’ai toujours trouvé inquiétant qu’elles fassent l’objet de négociations juste avant Noël et avant juin. Nous devrions savoir ce qu’il adviendra du gouvernement et des citoyens. Nous devrions réaliser des études préalables sur les dossiers en général, et aussi sur les projets de loi. Vous seriez ainsi beaucoup mieux préparés. Nos actions devraient s’inspirer de ces éléments, à savoir ce qu’il adviendra du gouvernement et des citoyens. Il y a une lacune ici à laquelle le Sénat devrait s’attarder, selon moi.

Nos études n’ont pas pour but de couper l’herbe sous le pied des projets de loi. Nous devons les interrompre afin de véritablement travailler sur les dispositions législatives. C’est la chose la plus fondamentale que nous puissions faire, et nous ne sommes pas en concurrence avec la Chambre des communes. Les députés sont élus et s’occupent des questions d’actualité. Ils ont un lien plus étroit avec les électeurs, car ceux-ci savent que les projets de loi proviennent généralement de la Chambre des communes, mais pas toujours.

Parallèlement, lorsque les citoyens ou la presse commentent le travail des sénateurs, nous mettons de l’avant nos études. C’est ce que nous avons toujours fait. Or, regardez nos études. Avec le recul, puisque je ne suis plus sénatrice, je trouve que nos études sont importantes pour les universitaires du secteur, les groupes de réflexion et d’autres qui travaillent dans un domaine donné, mais pas pour la plupart des citoyens. Ils se soucient surtout de la législation. En tant qu’organisation sénatoriale, nous pourrions redoubler d’efforts pour rejoindre les citoyens avec le type de lois qui les intéressent et les réponses apportées par le gouvernement en place. Les gouvernements évoluent, et je ne parle pas seulement de celui qui est au pouvoir. C’est le cas de tous les autres gouvernements que nous avons eus, et même à l’échelle provinciale. Leurs rôles ont changé, tout comme les attentes des citoyens et le rôle des fonctionnaires.

Il n’est plus aussi facile qu’avant pour les citoyens d’échanger avec nous, au Sénat. Les gouvernements avaient auparavant des livres blancs, des livres verts, des moyens d’annoncer ce qu’ils voulaient faire, et ils y précisaient la manière dont ils allaient procéder. Désormais, nous entendons des annonces, et les citoyens viennent me demander ce que cela signifie. Or, je n’en suis pas certaine puisqu’il n’y a plus ni annonce ni fil conducteur. C’est ainsi non seulement au Canada, mais aussi ailleurs.

Je pense donc que la restructuration doit vraiment s’atteler à cet enjeu et rapprocher les citoyens.

Au cours de mes dernières années en poste, il était rare que des citoyens viennent témoigner. Des spécialistes se présentaient, mais pas vraiment des citoyens. Même les universités canadiennes étaient moins présentes. Ce sont donc des choses que vous pouvez envisager. Vous pouvez vous adresser aux universités et aux groupes de réflexion au pays, et offrir un lieu où les personnes qui s’intéressent à certaines questions peuvent venir vous répondre. Voilà quelques exemples.

Comme je l’ai dit, nous ne participons aucunement aux politiques publiques. Il semble toutefois que nous ayons une incidence sur les répercussions. Vous constaterez en fait que les projets de loi sont minces au sein du gouvernement, à moins qu’il ne s’agisse d’un projet de loi omnibus. Ils n’ont pas le même poids qu’autrefois. De grands sénateurs — notamment le sénateur Eymard Corbin, si ma mémoire est bonne — affirmaient sans cesse que le projet de loi ne contient rien, et que tout se trouve dans la réglementation. C’était un problème. Nous ignorons comment les dispositions législatives sont mises en œuvre. Mes années au tribunal m’ont également appris que le Code criminel ne suffit pas, et que l’administration de la justice joue un rôle tout aussi important. Je peux tenir à une politique donnée, mais sa réussite ou son échec dépend de sa mise en œuvre, alors qu’elle n’est bien souvent jamais appliquée.

Pour conclure, je propose que les comités s’attardent à ceux qui se rattachent aux ministères afin d’en faire le suivi. Vous passez beaucoup de temps ici. Vous pouvez les appeler. Vous devriez connaître leur travail. Vous pouvez voir s’ils jouent un rôle actif au sein du gouvernement. Prennent-ils des décisions? Autrefois, les fonctionnaires disaient aux gouvernements : « Si vous prenez cette voie, voici quelles en seront les conséquences, tandis que si vous choisissez cette autre option, les répercussions seront les suivantes. » Ce sont les universitaires plus que quiconque qui me font savoir que les choses ne se passent pas ainsi. Les fonctionnaires se font demander : « Voici ce que nous voulons faire. Dites-nous comment procéder. » Ils sont souvent consultés pendant le processus ou après coup. Les fonctionnaires sont alors dans une position fort étrange. Voilà une autre raison qui m’incite à dire qu’il faut examiner la situation avant, pendant et après l’adoption des mesures législatives, puis continuer à surveiller les choses.

Au Sénat, combien de fois avons-nous décidé de ne pas introduire d’amendement, mais d’ajouter une disposition d’examen? J’ai été très heureuse de voir que les Affaires étrangères ont donné suite au projet de loi de Magnitski auquel j’ai participé, mais il y en a tant d’autres. Combien de projets de loi n’ont jamais été mis en œuvre, et pour lesquels avons-nous mis en place un processus d’examen visant à les abolir?

Je pourrais maintenant parler des différents comités, mais je le ferai en réponse aux questions.

[Français]

La présidente : Merci beaucoup, madame Andreychuk. Nous allons passer aux questions en commençant par la sénatrice Mégie.

La sénatrice Mégie : Bonjour, sénatrice Andreychuk.

Je suis contente de vous revoir au Sénat. J’ai adoré tout ce que vous avez dit en introduction, surtout concernant le suivi des projets de loi et ce qui passe après leur adoption. C’est génial, mais ce n’est pas l’objet de ma question.

Ma question touche les mandats des comités.

Certains comités se voient confier un mandat riche et varié; ils réussissent à remplir leur mandat, sauf que, parallèlement à d’autres comités, cela crée une iniquité parce que d’autres comités se voient quant à eux confier moins de tâches. Je pense entre autres à l’un des comités dont je suis membre, SOCI, et à la liste des domaines qu’il doit toucher.

Croyez-vous que, en faisant une révision des mandats des comités, nous pourrions faire une subdivision comme à l’autre endroit, où on a déterminé des sujets bien précis pour les comités, ou alors que nous pourrions nous-mêmes créer différents comités qui se verraient confier un mandat plus restreint et plus facilement gérable?

Avez-vous des idées à ce sujet?

[Traduction]

Mme Andreychuk : J’ai passé beaucoup de temps à plancher sur l’efficacité des comités, leurs mandats et leur définition au sein des Nations unies, et j’ai constaté que plus il y avait de comités, plus la confusion régnait. C’est pourquoi j’ai fait le commentaire sur la bonne foi. Tout commence par le Comité de la régie interne, qui a l’argent. Ce que je n’ai pas vu au Sénat, c’est l’endroit où se déroulaient les négociations stratégiques.

Les mandats sont convenables. Ils pourraient être restreints ou élargis, mais il incombe en fin de compte au comité de décider ce qu’il peut gérer, sans quoi il doit passer le flambeau. Nous avons tendance à vouloir tout faire. Les comités doivent sélectionner eux-mêmes les renvois.

Les affaires étrangères et le commerce international relèvent de la politique générale du Comité des affaires étrangères et du commerce international. Je vais vous donner deux exemples.

Le président d’un autre comité est venu me dire : « Nous voulons étudier un sujet qui relève de notre mandat, mais qui empiète sur le vôtre. » Je lui ai répondu : « C’est vrai, mais n’oubliez pas que le commerce international et le commerce national sont deux côtés d’une même médaille. Choisissez ce qui est de votre ressort, limitez-en la portée, et nous poursuivrons peut-être. » Il s’agit donc d’une négociation visant à limiter ou étendre la portée de l’étude.

Si vous prenez trop de temps à définir le mandat, les gens continueront à faire ce qui leur plaît. J’ignore si je réponds à la question, mais le comité doit sélectionner ce qu’il peut gérer, puis travailler dans la collégialité, sans empiéter sur les autres.

Un sénateur qui présidait un autre comité a entamé le processus, mais j’ai dû communiquer avec lui pour lui dire : « Voici comment vous devriez procéder pour respecter votre mandat sans empiéter sur le nôtre. » Il y a donc des compromis à faire au sein du comité, de même qu’entre les comités. Cependant, je ne comprends pas bien le rôle des leaders, et j’espère que vous pourrez m’aider à clarifier la question. Je me demande ce qu’ils gèrent réellement et les références qu’ils obtiennent. J’ai constaté qu’il n’y a pas de discussion stratégique. La question est présentée, puis elle est renvoyée, après quoi il faut s’adresser au Comité de la régie interne, des budgets et de l’administration pour obtenir les fonds nécessaires à sa mise en œuvre. Il faudrait consacrer plus de temps à établir ce que vous voulez faire, ce qui répondrait à une partie de vos interrogations. Je vais abréger mes réponses.

Le sénateur Kutcher : Je vous remercie infiniment de votre présence. Je vous suis très reconnaissant de vos interventions pertinentes et bien réfléchies. En tant que sénateur relativement jeune — je pense être le plus jeune sénateur à la table, ou plutôt, le dernier arrivé. J’ai essayé de faire un lapsus, mais il n’a pas fonctionné.

La sénatrice Cordy : C’est bien essayé.

Le sénateur Kutcher : J’ai essayé.

J’aimerais savoir ce que vous pensez d’un enjeu quelque peu vexatoire, à savoir la sélection des témoins. D’après ce que je comprends du rôle des témoins — j’ai peut-être tort —, ils devraient être considérés comme des intervenants désintéressés. Ils devraient nous fournir les meilleures informations possible. Ils sont des amis du comité, et non des courroies de transmission d’un point de vue donné. J’ai éprouvé des difficultés parce que tous les témoins ne semblent pas voir leur rôle de cet œil. Peut-être devrions-nous les informer que c’est ce qu’ils doivent faire.

J’ai deux questions. D’une part, que pensez-vous de la vérification des faits dans les réponses que nous donnent les témoins? Parfois, ils nous fournissent des réponses dans des domaines que je connais et bien qui, nous le savons, sont erronées. Nous arrivons à trouver la correction, mais il semble n’y avoir aucun moyen de vérifier les faits. D’autre part, y a-t-il moyen d’utiliser des sources indépendantes pour la sélection des témoins, au lieu des membres des comités ou de la Bibliothèque du Parlement, qui ont tendance à revenir vers les mêmes personnes? Nous avons des groupes comme la Société royale du Canada et le Conseil des académies canadiennes qui pourraient nous trouver des témoins indépendants très compétents pour aider le comité. Je vous invite à nous faire part de vos réflexions sur ces deux questions.

Mme Andreychuk : Vous reprenez le point que j’essayais de faire valoir. Si nous attendons de recevoir un projet de loi, nous nous démenons pour trouver des témoins et tout faire. Nos analystes font du bon travail, et je pense que les présidents et les vice-présidents tentent de faire de même, mais il vaudrait mieux que nous connaissions le sujet plus tôt pour pouvoir trouver des témoins.

Lorsque je suis arrivée, l’une des bonnes choses était que les groupes d’experts présentaient généralement des arguments favorables et défavorables. Dans le cas du projet de loi sur le cannabis dont nous avons été saisis, j’ai constaté que tous les points de vue y étaient favorables. Ils étaient mobilisés, tandis que les autres ne l’étaient pas. Ce n’est que plus tard que ces témoins nous ont demandé pourquoi nous ne les avions pas convoqués. Ce n’était pas pour les exclure, mais par manque de temps. Il serait donc bon d’en parler à vos analystes et de réfléchir à l’avenir pour voir s’il est possible d’inclure l’ensemble du Canada. Si nous voulons respecter les régions, nous devrions trouver des sources qui viennent de là. C’est généralement... Si le sénateur Stewart était ici, lui qui était mon grand mentor au Sénat, il dirait que nous ciblons la « population de TOM », c’est-à-dire de Toronto, d’Ottawa et de Montréal, parce que c’est plus facile et rapide. Il y a toutefois de brillants esprits dans tout le pays.

L’autre chose que nous avions l’habitude de faire, c’était de réunir les points de vue favorables et défavorables. Nous nous assurions que les témoins ne représentent pas un seul côté de la médaille. Je pense que les témoins ne veulent pas comparaître à titre d’intervenants désintéressés. Ils veulent faire valoir leur point de vue, mais si quelqu’un présente un avis contraire, je trouve que le dialogue nous aide à nous unir. Il a dit ceci, elle a dit cela, et nous devons maintenant trouver une façon de présenter un rapport.

Ce qui est bien au Sénat, c’est que nous essayons de ne pas présenter de rapports minoritaires. La Chambre en regorge en raison de son caractère politique. Les députés veulent faire passer leur point de vue. Pour notre part, nous obtenons de meilleurs résultats lorsque nous présentons un rapport consensuel, mais auquel nous intégrons des opinions minoritaires. Il s’agit de faire preuve de doigté dans le rapport, dans la façon de le rédiger et de le formuler en laissant une marge de manœuvre à tout le monde.

Je ne vois pas cela si souvent dans les rapports d’aujourd’hui. Ce sont des pratiques dont j’ai hérité, et je pense qu’elles étaient bonnes.

La sénatrice Ringuette : Sénatrice Andreychuk, c’est un plaisir de vous voir. Vous avez l’air en pleine forme, ce qui est encore mieux.

J’ai deux questions à vous poser immédiatement. En ce qui concerne le mandat des comités — vous avez parlé de l’examen que nous devons réaliser pour la plupart des projets de loi après cinq ans, et parfois après trois ans ces temps-ci —, diriez-vous que les différents comités devraient avoir pour mandat d’examiner les projets de loi qui relèvent de leurs compétences?

Mme Andreychuk : Oui, je pense que cela devrait être le cas. Souvenez-vous du moment où vous prêtez serment. Nous suivons des pratiques, des précédents et des lois, et de nombreux rapports provenant d’un grand nombre de sources sont déposés dans les deux Chambres, et il y en a très peu qui sont analysés. C’est pourtant une excellente source d’information et grandement nécessaire, et nous devrions dire au gouvernement qu’il aurait intérêt à faire un suivi. Donc, la réponse est oui. Il serait bon que cela figure dans le mandat.

La sénatrice Ringuette : J’ai une brève question. Vous avez également parlé des règlements. La Chambre des communes a actuellement un comité mixte chargé de l’examen de la réglementation. Pour faire un suivi des projets de loi, les règlements ne devraient-ils pas être renvoyés pour approbation au comité qui a examiné le projet de loi plutôt qu’à un comité mixte?

Mme Andreychuk : Je ne suis pas experte à propos de... J’ai siégé au Comité du Règlement; je pense que j’ai siégé à tous les comités. Nous avons examiné de beaux projets de loi sur des médicaments et ainsi de suite, et on se fie donc grandement aux chercheurs.

Je vais donner l’exemple des jeunes contrevenants. On nous a renvoyé le projet de loi, et j’ai demandé comment on allait créer des endroits distincts pour les jeunes. Bien entendu, des sénateurs ont dit que c’était une bonne politique. C’est vrai, mais un médecin a dit qu’il travaillait en Saskatchewan, dans une région rurale, et puis il y a le Nord, et nous avons une prison quelque part là-bas dans une petite collectivité. Comment pouvons-nous y séparer les adultes? Avons-nous les moyens de faire construire ces établissements? Eh bien, nous les envoyons plutôt quelque part dans le Sud dans un établissement distinct. Nous séparons ainsi des familles. C’est le genre de dialogue que nous n’avons pas sur la réglementation et la mise en œuvre, et cela rend les projets de loi moins efficaces, voire carrément inefficaces, et je propose donc que vous commenciez tôt les discussions sur la réglementation et la mise en œuvre, et que vous disiez peut-être que tel ou tel projet de loi ne devrait pas être adopté avant que nous ayons reçu des réponses.

Et, bien entendu, un suivi serait bon. Je ne sais pas s’il devrait être bicaméral ou indépendant. Ce serait donc un changement au Comité du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, et je ne suis pas experte en la matière.

La sénatrice Ringuette : C’est ce que nous examinons en ce moment même, et je vous remercie.

Mme Andreychuk : C’est vous l’experte.

La sénatrice Batters : Je suis ravie que vous soyez parmi nous, sénatrice Andreychuk. Il est formidable de vous revoir dans cet édifice et de pouvoir profiter de vos sages conseils de personne chevronnée. C’est très utile pour nous.

Compte tenu de toute votre expérience, j’aimerais que vous nous disiez ce qui a peut-être été votre meilleure expérience dans un comité lorsque vous siégiez au Sénat et ce qui aurait peut-être pu être grandement amélioré selon vous, et pourquoi.

Mme Andreychuk : J’ai abordé un certain nombre de problèmes, notamment que tout le monde veut avoir son mot à dire sur ce qui est d’actualité. Quand il s’agit d’accords commerciaux, l’Accord de libre-échange nord-américain ou un autre, tous les comités veulent en être saisis parce que c’est le dossier de l’heure.

Dans ce genre de situations, il était difficile de s’adresser à un autre président pour lui demander de s’en tenir à son domaine ou pour lui dire que nous allons nous partager le dossier. Des négociations étaient nécessaires, ce qui demandait beaucoup de temps. Certains d’entre nous doivent parcourir de longues distances. Il nous faut cinq heures pour revenir ici, puisque vous et moi venons de Regina. Nous voulions discuter le lendemain, mais l’autre président n’était pas là; il siégeait déjà à un comité. Il était frustrant d’essayer de savoir ce que faisaient d’autres comités, d’apprendre trop tard qu’ils faisaient peut-être quelque chose qui relevait de mon comité ou que nous étions censés avoir un rôle à jouer. Cela dépend de cette collégialité, de cet esprit d’équipe et de tout le reste. C’est une réponse parmi d’autres.

La bonne expérience que j’ai vécue, c’est lorsque nous avons formé le Comité des droits de la personne. Je vais situer un peu le contexte pour ceux qui ne sont pas au courant. Nous avions parlé de créer un comité des droits de la personne, car aucune des deux Chambres n’avait déjà eu un comité distinct pour la question. Les sous-comités avaient été formés. Il y avait beaucoup de discussions, mais personne ne voulait accroître le nombre de comités. On parlait d’un comité de la défense distinct, mais personne ne voulait aller de l’avant parce que cela faisait partie du Comité des affaires étrangères et du commerce international.

Un accord a été conclu pour qu’un comité des droits de la personne et un comité de la défense se réunissent seulement les lundis et soient composés d’un plus petit nombre de députés. Ce qui me posait problème, c’est que le nombre réduit de députés, lorsqu’on siège uniquement les lundis et qu’on tient compte des déplacements et de tout le reste, rendait le travail difficile. Nous avions une poignée de personnes vraiment déterminées. Nous nous sommes présentés tous les lundis, année après année. C’était un sacrifice pour les députés. L’expérience a été bonne. Cela leur tenait vraiment à cœur. Dans ce comité, nous avons pris une décision, à savoir que les droits de la personne reposent beaucoup sur des idéologies et des valeurs. Par conséquent, le travail ne peut pas se faire dans un esprit de collégialité, car nous faisons valoir notre point de vue, qui nous est très cher.

Nous nous sommes penchés sur le mécanisme international des droits de la personne. Nous avons décidé de commencer par là, car personne ne le faisait. Nous siégeons ici aujourd’hui et nous examinons comment nos conventions et nos traités de droits de la personne sont menacés et vulnérables.

Les anciens sénateurs Pearson, Carstairs, Oliver et Kinsella participaient. Nous nous sommes tous mis d’accord. Le sujet nous tenait tellement à cœur que nous évitions d’aborder nos divergences d’opinions. Nous avons collaboré. La sénatrice Pearson est décédée dernièrement. Elle me manque vraiment beaucoup.

La sénatrice Batters : C’est très intéressant. Je ne savais pas que la défense relevait initialement du Comité des affaires étrangères et du commerce international. Merci pour ces explications.

La sénatrice Omidvar : Merci, sénatrice, de nous honorer de votre présence. Vous avez l’air en pleine forme. Il faut que vous dévoiliez vos secrets à ceux parmi nous qui souhaitent dégager la même énergie.

Mme Andreychuk : Prenez votre retraite.

La sénatrice Omidvar : Ce sera également bientôt pour moi.

Ma question porte sur le Comité des droits de la personne, auquel je siège. Je souscris à toutes les observations que vous avez formulées. Il est difficile de siéger à ce comité puisqu’il se réunit les lundis. Il est plus petit. Nous faisons toutefois un travail extraordinaire. Puisque nous ne sommes pas saisis d’un grand nombre de mesures législatives, nous sommes capables de faire les importantes études sur les prisons, sur l’expérience des personnes noires dans la fonction publique, etc.

Dans le cadre de notre étude, on a toutefois suggéré que le Comité des droits de la personne devienne un sous-comité du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international, le comité CIBA. Ce que je crains, c’est que la question des droits de la personne soit uniquement abordée du point de vue international, ce qui, je sais, est important, mais les droits de la personne au Canada ne seraient plus étudiés. Pouvez-vous donner votre point de vue à ce sujet?

Mme Andreychuk : Je vais commencer par dire une chose. Je suis très impressionnée par l’ampleur des activités relatives aux droits de la personne et l’expertise dont on fait preuve d’un bout à l’autre du Canada.

Ce sont les Canadiens qui devraient indiquer ce qu’ils veulent dans leur pays, le type de lois qu’ils souhaitent avoir. Il pourrait y avoir un rôle important à jouer, ce que j’ai vu dans votre comité des droits de la personne. Il y en a d’autres.

Je ne vois pas ce genre d’examen sur le plan international. Le problème est là. Si nous nous étions penchés davantage sur le fonctionnement des conventions, nous aurions pu amener notre gouvernement à en faire plus à l’échelle internationale. Nous regrettons maintenant qu’un si grand nombre de pays se détournent des droits internationaux de la personne, ou qu’ils ne se soient pas joints à nous.

J’ai passé ma vie à essayer d’obtenir l’adhésion de pays à la Cour pénale internationale. Un certain nombre de pays disent maintenant qu’ils pourraient faire marche arrière. Il faut continuer de mettre l’accent là-dessus, car il y a un écart. Nous rendrions ainsi service aux Canadiens et au reste du monde. Un nombre croissant d’ONG canadiennes tendent la main à la communauté internationale, car nous nous en sortons mieux lorsque tout le monde le fait.

Cela dit, le comité doit continuer d’examiner des dossiers canadiens, pourvu que nous fassions valoir le point de vue de la population et que nous l’abordions dans le contexte des mécanismes en place autant que de l’enjeu. À mon avis, c’est là que devrait se trouver la force du comité.

Lorsqu’on regarde les mécanismes — vous avez parlé des prisons —, on constate qu’il était d’abord question d’articles dans la loi sur les libérations conditionnelles, des mises en liberté et ainsi de suite, ce qui n’a pas été mis en œuvre. C’est de cette façon que nous avons commencé l’étude. Nous avons ensuite écouté l’opinion de tout le monde à ce sujet. Avec prudence, vous pouvez aborder les enjeux internationaux autant que les enjeux nationaux.

D’autres pays font des choses intéressantes. J’aimerais notamment que nous cessions de dire à quel point nous nous en sortons bien. Il y a un temps pour être fier, mais aussi un temps — pas pour la critique —, mais pour apprendre des autres. Nous ne savons pas ce qui se passe dans le système judiciaire international en Amérique du Sud. Nous faisons partie de ce système, mais nous ne nous sommes jamais joints à la Cour interaméricaine. Nous devrions jeter un coup d’œil et voir ce qu’elle fait. Cela nous aiderait dans des dossiers locaux. Je propose d’élargir ainsi notre champ d’action. La création d’un sous-comité n’est pas la solution.

Le message que je reçois ici, c’est que cela vous tient à cœur; vous travaillez au Comité des droits de la personne et vous siégez au Sénat. Bravo. C’est un rôle pour le Sénat.

La sénatrice Omidvar : Je suis heureuse de vous dire que le Sénat entreprend une étude sur les personnes déplacées hors de leur pays puisque la convention ne nous est pas aussi utile qu’elle l’était après la Deuxième Guerre modiale.

J’aimerais vous poser une question sur les règlements, sur votre point de vue selon lequel nous devrions en faire plus pour comprendre leur fonctionnement.

Les projets de loi-cadres semblent être devenus la norme. Je préside le Comité permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Nous avons examiné un projet de loi-cadre sur un crédit d’impôt pour personnes handicapées. Nous allons en étudier un autre sur les services de garde.

Il semble presque y avoir une convention voulant que les projets de loi-cadres se limitent au cadre, pas à ce qui se trouve à l’intérieur, car c’est là que les règlements interviennent. Laissez-vous entendre que nous devrions modifier le mandat des comités pour inclure un examen plus rigoureux des règlements?

Mme Andreychuk : Oui. Cela pourrait être un examen des règlements. Cela pourrait aussi être un changement. Comme je le dis, nous n’avons pas changé; ce sont les gouvernements qui modifient de plus en plus le contenu.

Si vous avez le temps, on pourrait vous nommer ici les sénateurs qui ont sans cesse demandé pourquoi les règlements contiennent des questions de fond alors qu’ils devraient servir à la mise en œuvre. J’ai passé plus de temps à parler de la mise en œuvre depuis que j’ai quitté le Sénat. Je vis dans l’Ouest. L’approvisionnement en eau potable et les affaires autochtones sont des dossiers très importants. La volonté était là pour prendre des mesures, mais il n’y a pas de stratégie de mise en œuvre. Les réunions de comité se succèdent, et nous n’avons toujours pas ce qu’il nous faut.

Je pourrais passer en revue un projet de loi après l’autre. La mise en œuvre ne devrait pas se faire séparément.

La présidente : Je dois vous interrompre. C’est mon erreur. Je pensais que nous avions jusqu’à 10 h 30, mais c’est plutôt jusqu’à 10 h 15. Je suis désolée. Nous allons donc raccourcir notre temps d’intervention. Je vais sauter ma question.

[Français]

La sénatrice Saint-Germain : Bienvenue. C’est formidable d’entendre toute l’information que vous nous transmettez. Ma question sera concise, mais je pense que la réponse est complexe et j’ai bien hâte de vous entendre.

Vous avez décrit les difficultés rencontrées à l’époque pour vous réunir. Il y avait deux groupes : celui du gouvernement et celui de l’opposition. Aujourd’hui, nous comptons cinq groupes au Sénat, et sommes généralement plus près d’un nombre de 90 sénateurs que de 105 sénateurs en poste. Un des groupes représente le gouvernement et est composé de trois sénateurs; le groupe le plus nombreux compte une quarantaine de sénateurs, et les comités sénatoriaux permanents sont au nombre de 19.

Les enjeux et les questions d’intérêt contemporains au Canada sont énormes et croissants. Quels seraient vos conseils quant aux critères qui devraient faire en sorte qu’un comité doit exister? Quels comités pourraient être fusionnés à d’autres comités pour nous assurer qu’ils peuvent faire leur travail et surtout que, au sein de chacun, nous avons une représentation des minorités et des régions du Canada qui est raisonnable?

[Traduction]

Mme Andreychuk : Je pense que le mot était « raisonnable ». Nous avions ce débat même lorsque nous n’avions que deux groupes. Il y avait les indépendants. Ils ne pouvaient pas siéger à tous les comités. Et les leaders négociaient avec les indépendants, qui disaient que nous ne pouvions pas les exclure, qu’ils avaient besoin de l’information et ainsi de suite.

C’est encore une question de bonne volonté. Et plus il y a de comités et de groupes, plus c’est complexe. On atteint un point de rupture où il est impossible que tout le monde siège à chaque comité, où il est impossible de respecter les souhaits de tout le monde. On sait qu’au sein de son propre groupe, on n’obtient pas ce que l’on veut puisqu’il faut céder la place à d’autres.

Je ne suis pas ici pour dire aux différents groupes comment se gérer, mais une certaine responsabilité devrait leur revenir. Il devrait y avoir des échanges entre les leaders de chaque groupe. Je pourrais peut-être vous donner un des aspects négatifs. Des députés représenteraient leur groupe, et dans le cadre d’une réunion, le président et le vice-président leur diraient de transmettre à leurs collègues l’information qui est vraiment importante pour eux.

Certains députés pourraient ne pas tout à fait comprendre l’information pour une raison ou une autre, ce qui créerait des frictions et des difficultés. C’était d’ailleurs mon rôle lorsque j’étais présidente; je devais parler à tout le monde. On pouvait me voir me faufiler au Sénat et aborder des gens parce que c’était le seul endroit où je pouvais le faire. Sinon, je les appelais chez eux ou je m’y prenais autrement.

Je ne suis pas l’experte qui pourra vous dire comment procéder maintenant. Je sais juste qu’il faut nouer des liens, et je ne voudrais pas un plus grand nombre de comités.

La sénatrice Saint-Germain : [Difficultés techniques] qui reste.

Mme Andreychuk : Je sais. Il pourrait donc être nécessaire d’en combiner certains. Je pourrais vous dire ce qui pourrait être fait selon moi avec certains, mais je ne pense pas que je devrais.

La sénatrice Cordy : J’ai une question complémentaire. Certains d’entre nous ont parlé de nos comités, et cela se rapporte aux observations et aux questions de la sénatrice Saint-Germain à propos de la façon de procéder pour avoir une représentation régionale et de la diversité aux comités. Dans certains comités, nous avons une ou deux personnes, et on ne sait donc pas qui il y a dans les autres groupes, et on veut des gens qui s’intéressent au sujet. Mais encore une fois, on aimerait avoir aux comités de la diversité et une représentation régionale. Dans certains comités, ce sont les sénateurs des régions côtières, dans d’autres, d’autres personnes. Y a-t-il une solution?

Mme Andreychuk : Je vais répondre très rapidement. Je serais prête à en dire plus long à ce sujet, si quelqu’un est intéressé, car j’y ai beaucoup réfléchi après avoir été approchée. N’hésitez pas à communiquer avec moi pour discuter d’un sujet donné, peu importe lequel. J’éviterais ainsi de prendre le temps du comité ici.

Ce n’est pas tout le monde qui peut siéger au comité, et il doit donc y avoir une vérification au sein des groupes puis entre eux pour veiller à ce que l’ajout d’une personne de l’Atlantique soit peut-être suivi de l’ajout d’une personne de la Colombie-Britannique. Tous les sénateurs devraient savoir qu’il y a des compromis à faire à cet égard.

Je pense qu’il y a du bon à avoir des gens qui détiennent une expertise dans le domaine, mais aussi du bon à faire venir des gens qui n’ont jamais abordé la question. Je crois que ce sont les leaders qui doivent s’en occuper, peu importe la méthode retenue. Il devrait y avoir un mécanisme qui permet aux leaders de trancher ensemble les questions de représentation régionale, d’équité entre les sexes, de diversité et ainsi de suite, et des compromis seraient ensuite faits.

Mais rien n’arrête qui que ce soit. J’avais l’habitude d’assister aux réunions de comité qui portaient sur des sujets qui m’intéressaient, même si je n’étais pas membre. Tout le monde était ravi de me voir parce qu’il manque parfois des membres et que j’apportais un souffle nouveau. Ma seule mise en garde à cet égard, c’est qu’il ne faut pas reprendre tout le débat. Je dirais aux non-membres qui veulent participer d’avoir l’obligeance de lire les documents et de ne pas aborder des questions qui l’ont déjà été.

Vous parlez de la gestion des comités, et n’hésitez donc pas à m’appeler si vous le voulez.

La sénatrice Busson : Merci beaucoup. Je serai aussi brève que possible. Je suis plus que ravie que vous ayez pris le temps de venir nous parler. Votre expertise et vos observations sont extrêmement utiles. Merci beaucoup.

Vous avez employé des mots et des expressions comme collégialité, consensus et bonne volonté, et ensuite parlé un peu des rapports minoritaires. Pouvez-vous nous dire rapidement ce que vous entendez par consensus?

Mme Andreychuk : Le consensus signifie que vous ne pouvez pas... Je ne parle que des comités, car ailleurs au Sénat, la collégialité et le consensus ne sont pas perçus de la même manière. Personne n’est totalement indépendant et libre. Nous sommes tous soumis à la loi qui régit le Sénat et au serment que nous avons prêté. C’est ce qui nous rassemble, et notre rôle est de travailler pour les citoyens de notre région et de notre pays. Nous apportons notre expérience et nos réflexions, et c’est tout.

En matière de consensus, si nous ne réussissons pas à nous mettre d’accord sur une recommandation, si nous nous engageons sur la voie des rapports minoritaires comme nous l’avons fait à un moment donné pendant une courte période, nous ne rendons pas justice au Sénat comme nous avons juré de le faire, et nous nous retrouvons alors au centre d’un débat public. Vous n’êtes pas élus. Comment osez-vous dire ceci ou cela?

Si vous parvenez à un consensus — et nous avons tous des points de vue différents —, le gouvernement devrait en tenir compte, de même que les membres de l’opposition. Le public devrait en tenir compte aussi. Nous sommes si diversifiés.

Le sénateur Wells : Merci, sénatrice Andreychuk. Je ne peux m’empêcher de vous appeler ainsi, même si vous n’êtes plus sénatrice.

Récemment, le Comité des affaires étrangères et du commerce international a demandé un budget de voyage pour réaliser une étude importante et se rendre en Europe. Un sous-comité du Comité de la régie interne, des budgets et de l’administration a répondu que 50 % des membres pouvaient s’y rendre, mais que les autres devaient rester au pays pour des raisons budgétaires ou à cause d’une décision budgétaire.

Que pensez-vous de la décision de ne permettre qu’à la moitié des membres du comité d’aller faire l’important travail que le comité doit réaliser au nom du Sénat?

Mme Andreychuk : J’aimerais que le sénateur Stewart, d’Antigonish, soit encore présent, car il répondrait bien mieux que moi à cette question.

Je souhaiterais que tous les membres des comités puissent voyager, mais il suffit de regarder le bilan des comités pour constater que de nombreux membres ne voyagent pas. La règle que j’ai longtemps appliquée était que ceux qui assistaient le plus aux réunions avaient la priorité en cas de réduction du nombre de participants. Nous n’étions pas ceux qui décidaient, en comité, de réduire le nombre de participants, mais si c’était le cas, il fallait avoir une bonne raison de le faire.

À mon arrivée, nous étions en mode de réduction des dépenses, et il y avait des compressions importantes partout au gouvernement et au Canada. En pareilles circonstances, quelle serait la perception des gens si 12 personnes partaient en voyage? Serait-ce efficace? On savait que nous voulions tous voyager. Cependant, nous faisons comme vous, les citoyens, qui réduisez vos déplacements. Peu d’entreprises faisaient voyager leurs employés. Nous avions une raison pour justifier ces réductions. Il fallait que la raison soit valable et acceptée, et cela ne devait pas être une simple question de gestion.

Par ailleurs, je pensais que nous vivions dans un monde nouveau. Nous n’avons plus besoin de voyager aussi souvent. Nous devrions y réfléchir à deux fois. Quand devons-nous absolument voyager? J’espère que cela a été éclairci. Nous avions l’habitude de dire que dans une situation urgente, il fallait se rendre sur place. Cependant, il ne restait plus d’argent pour un comité qui avait géré ses déplacements de manière plus prudente, mais qui voulait obtenir de l’argent. Cela créait des tensions. Nous avons donc adopté une règle qui veut que l’on réfléchisse à l’avance et qu’on s’interroge. S’il s’agit d’une demande spéciale, il faut comprendre que cela exigera une affectation budgétaire spéciale et qu’il vous incombera d’expliquer les raisons pour lesquelles nous demandons plus d’argent au contribuable. J’aimerais que tous les comités puissent se déplacer. J’ose espérer que les comités feront attention à leurs déplacements. S’il faut les réduire, ainsi soit-il.

L’autre question est la suivante : pourquoi voyagez-vous? Vous n’avez peut-être pas besoin de 12 personnes pour recueillir des témoignages d’un type particulier. Vous pouvez vous limiter au président et aux coprésidents. Après que nous ayons rédigé un rapport, le Comité des affaires étrangères nous a invités à le présenter au Sénat du Mexique et, en fin de compte, à l’autre Chambre du pays. Nous savions que nous ne pourrions pas obtenir de fonds. L’invitation avait été transmise à la présidence, en l’occurrence moi, et j’avais dit que je n’irais pas sans le vice-président et un troisième membre du comité.

Je pense qu’il existe des moyens de voyager et de permettre à tout le monde d’en profiter. C’est une question délicate. Si vous voulez le poste de président, cela va de soi. Ce problème n’est pas propre au Sénat. Nous ne devrions pas penser que nous sommes différents sur ce plan.

[Français]

La présidente : Merci beaucoup, sénatrice. J’ai également l’habitude de vous appeler sénatrice, alors je vais continuer de le faire jusqu’à la fin.

Je vous remercie de votre témoignage, et soyez assurée que vos réflexions ne resteront pas lettre morte, puisqu’on vous contactera — moi personnellement — afin d’obtenir plus de renseignements, notamment sur la question dont je voulais vous entretenir et qui concernait les ordres de référence du Sénat et la structure. On pourra en discuter et je pourrai transmettre vos réflexions au comité. Merci infiniment de vous être déplacée, c’était fort utile.

[Traduction]

Mme Andreychuk : Merci de m’avoir permis de revenir dans ce qui a été mon chez-moi pendant tant d’années.

Des voix : Bravo!

La présidente : Nous allons maintenant entendre les témoins du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Nous avons avec nous dans la salle le sénateur Francis, président du comité, et le sénateur Arnot, vice-président du comité.

Nous accueillons également le sénateur Christmas, qui a siégé parmi nous jusqu’en janvier dernier. Il est également un ancien président du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Chacun de vous dispose de trois minutes, et nous aurons ensuite une agréable et intéressante conversation. Je pense qu’il en ressortira beaucoup de choses. Nous commencerons par le président du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Vous disposez de trois minutes.

L’honorableBrian Francis, président, Comité sénatorial permanent des peuples autochtones : Merci, sénateurs. Ma déclaration risque de dépasser un peu les trois minutes, alors n’hésitez pas à m’arrêter. Je pense que mes observations seront importantes pour le travail que vous accomplissez au sein du comité et qu’il serait bon que vous les entendiez.

Weli eksitpu’k. Bonjour. En ma qualité de président du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, poste que j’occupe depuis décembre 2021, je suis heureux d’être ici pour contribuer à votre étude sur la structure et les mandats des comités. Aujourd’hui, je parlerai brièvement du travail du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones et je soulignerai certaines des difficultés et des possibilités. Je commencerai par le mandat.

Le mandat du comité est d’étudier toutes les questions relatives aux peuples autochtones du Canada. À mon avis, ce mandat est large et nous a permis d’étudier diverses questions. Depuis que je suis à la présidence, le Comité des peuples autochtones a étudié et publié des rapports sur de nombreux sujets, tels que les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, la Loi sur le cannabis et les pensionnats indiens.

Le Comité des peuples autochtones a étudié et publié des rapports sur cinq textes de loi, de 2022 à aujourd’hui. Dans les semaines à venir, nous terminerons l’examen du projet de loi C-29, Loi prévoyant la création d’un conseil national de la réconciliation. Nous avons tenu huit réunions à ce jour et avons entendu, en moyenne, six témoins par réunion. Une autre réunion aura lieu cette semaine avant que nous ne passions à l’étude article par article.

Nous savons que le travail du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones est important. Il contribue notamment à attirer l’attention sur les violations graves des droits et à obtenir réparation. J’aimerais vous donner un exemple. En juin 2022, le Comité des peuples autochtones a publié un rapport sur les dispositions relatives à l’inscription dans la Loi sur les Indiens qui sont discriminatoires à l’égard des femmes des Premières Nations et de leurs descendants. Début 2023, après avoir reçu une réponse du gouvernement, nous avons organisé d’autres réunions avec des fonctionnaires et des personnes et groupes concernés. Par la suite, en juillet 2023, le rapporteur spécial des Nations unies sur les droits des peuples autochtones a demandé au gouvernement du Canada de mettre en œuvre les recommandations de notre rapport.

Le Comité des peuples autochtones a été saisi de cette question il y a de nombreuses années, mais je suis fier de souligner la façon dont nous continuons d’attirer l’attention nationale et internationale sur ce problème persistant.

En ce qui concerne les mandats, je tiens également à souligner qu’en effet, le Comité des peuples autochtones bénéficie de connaissances et de compétences spécialisées concernant les individus, les communautés, les gouvernements et les organisations des Premières Nations, des Inuits et des Métis, mais je ne pense pas que d’autres comités soient incapables d’entreprendre des travaux liés aux peuples autochtones.

Ces dernières années, le Comité permanent des pêches et des océans a étudié les pêcheries fondées sur les droits des Micmacs, des Wolastoqiyik et des Peskotomuhkati et a rédigé un rapport à ce sujet. Ce travail a également attiré l’attention tant au pays qu’à l’étranger et, à mon avis, il illustre parfaitement la manière dont les comités peuvent travailler dans le cadre de leur mandat pour traiter des questions qui ont des incidences sur les peuples autochtones.

Je recommanderais aux autres comités qui examinent des projets de loi sur les questions relatives aux peuples autochtones de demander des orientations au Groupe de travail des sénateurs autochtones, par exemple.

Ensuite, je veux parler du calendrier et de la composition du comité. Le Comité des peuples autochtones se réunit deux fois par semaine pour un total de quatre heures, et nous avons la chance que les séances soient rarement annulées à la dernière minute. Le comité compte 12 membres, et je n’ai pas d’opinion ferme sur le nombre de membres qu’il devrait compter. À mon avis, ce qui importe, c’est que nos collègues soient mobilisés. Il est précieux qu’il y ait des membres autochtones et d’autres, non autochtones. Pour entendre le plus de personnes possible durant les séances, le comité invite souvent trois témoins par heure. Nous limitons aussi les exposés à cinq minutes, et nous limitons les questions et réponses à cinq minutes par sénateur. Étant donné que les échanges restent brefs, nous invitons toujours les témoins à soumettre des réponses écrites aux questions laissées en suspens. Je dois admettre que cette méthode est très rigide. Idéalement, nous aurions plus de temps. Je préférerais ne pas intervenir quand les gens parlent et laisser la discussion se poursuivre naturellement. Cela dit, je pense que nous avons trouvé la meilleure formule possible.

Toutefois, il est embêtant que les séances soient généralement aussi structurées et formelles, ce qui peut être intimidant ou même déstabilisant pour certains témoins autochtones. N’oublions pas que cette institution a pu être un lieu insécurisant et inaccessible pour beaucoup de gens et que pour certains, c’est toujours le cas, surtout lorsque nous traitons de sujets difficiles et sensibles. Le Comité des peuples autochtones préconise de mettre à la disposition des témoins qui comparaissent devant les comités des services de soutien adaptés à la culture et tenant compte des traumatismes. C’est une avancée importante, mais il faut en faire plus.

Nous devons discuter de la façon d’intégrer les manières d’être et de faire des Autochtones et leurs savoirs au travail des comités. Par exemple, pour créer un environnement plus sécuritaire et bienveillant pour les témoins autochtones, nous pourrions favoriser des cercles de partage, ainsi que diverses méthodes d’observation des faits et de collecte de données. Cela pourrait nous aider à réduire le déséquilibre des pouvoirs. Ces changements ne sont pas forcément en dehors du mandat du comité, mais nous pourrions les apporter si nous osions sortir un peu des sentiers battus. Je vais m’arrêter là, merci, wela’lin.

La présidente : Je vous remercie beaucoup, sénateur Francis. Je cède maintenant la parole au sénateur Christmas.

L'honorable Dan Christmas, ancien sénateur, ancien président, Comité sénatorial permanent des peuples autochtones : Merci, madame la présidente. C’est sincèrement un plaisir de témoigner devant vous ce matin.

J’aimerais vous faire part de mes remarques sur votre étude concernant la structure et le mandat des comités du Sénat, en particulier pour ce qui est du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. J’ai eu la grande chance de siéger au comité de direction de ce comité durant mes six ans comme sénateur, notamment en qualité de président et de vice-président. Je pense que durant mon bref exposé de ce matin, il serait utile de donner au comité un aperçu général du contexte autochtone dans lequel se trouve le Comité des peuples autochtones de nos jours. Je vous soumettrai également une demande, madame la présidente.

Le monde autochtone évolue rapidement au Canada. Il semble que le choc de trouver 215 dépouilles d’enfants autochtones à l’ancien pensionnat indien de Kamloops en mai 2021 ait accéléré la cadence pour nous attaquer aux nombreux enjeux autochtones en suspens au Canada.

On porte désormais une attention renouvelée à la crise de l’eau potable, aux femmes et aux filles disparues et assassinées, à la protection des enfants autochtones, aux survivants des pensionnats indiens et aux nombreuses revendications territoriales et issues de traités au Canada, pour trouver des solutions. Il semble que le barrage politique d’apathie et d’inaction érigé depuis des décennies et même des siècles s’est enfin écroulé.

Lorsque je siégeais à la Chambre haute, j’ai été agréablement surpris par l’adoption rapide du projet de loi C-5 qui a établi le 30 septembre comme la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation. Les deux Chambres l’ont adopté en quelques jours. Le Parlement a trouvé la volonté d’agir. Pour les peuples autochtones, c’était attendu de longue date. La Commission royale sur les peuples autochtones avait présenté son rapport final comportant 440 recommandations 25 ans plus tôt. En 2015, notre ancien collègue, le sénateur Murray Sinclair a déposé le rapport final de la Commission de vérité et réconciliation comprenant 94 appels à l’action. Il y a quatre ans, notre collègue la sénatrice Michèle Audette et les autres membres de la commission ont présenté 231 appels à la justice au nom des femmes et des filles disparues et assassinées.

Mais nous devons nous demander combien de ces 765 appels et recommandations ont été mis en œuvre. J’estime que c’est moins de 10 %. Je peux vous assurer que le barrage d’inaction en politique fédérale génère énormément de déception, de frustration et de colère chez bien des Inuits, des Métis et des membres des Premières Nations du Canada. Heureusement, ce barrage commence quelque peu à céder, mais les parlementaires ont beaucoup à faire pour permettre une justice et une réconciliation véritables entre les Autochtones et les non-Autochtones.

Dans l’immédiat, il faut mettre en œuvre le projet de loi C-15, Loi concernant la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, adopté en 2021. L’harmonisation des lois fédérales avec la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones sera sans contredit un processus long et fastidieux. Elle demandera l’engagement, le dévouement et le dur labeur de tous les parlementaires, mais c’est votre rôle et votre responsabilité en tant que sénateurs. Je vous souhaite beaucoup de succès dans cette tâche titanesque.

Enfin, madame la présidente, je veux vous faire une demande. Lorsque j’étais président du Comité des peuples autochtones, j’ai proposé que nous retenions les services d’un avocat externe spécialisé en droit autochtone, un domaine encore plus complexe et spécialisé qu’il ne l’était. C’est un domaine qui évolue très rapidement, car de nombreuses affaires passent par le système judiciaire canadien. J’estimais que le comité devait avoir accès à un cabinet ou à un avocat spécialisé en droit autochtone pour le conseiller durant l’examen des projets de loi du gouvernement. L’avocat du ministère était là, mais la plupart du temps, il représentait la position du gouvernement qui la plupart du temps, s’opposait au point de vue juridique des Autochtones. Une option aurait consisté à ce que le Bureau du légiste parlementaire engage un avocat externe, mais il y avait des préoccupations en matière de neutralité et de coûts. Au bout du compte, nous ne l’avons pas fait.

Je demande à ce que la question soit réexaminée. Je crois fermement que le comité profiterait énormément d’un accès à des spécialistes du droit autochtone. Je me souviens qu’en 2021, la Bibliothèque du Parlement avait préparé un document de réflexion confidentiel sur la question pour le comité de direction.

Je vous remercie, madame la présidente. Je répondrai aux questions avec plaisir. Merci, wela’lin.

La présidente : Je vous remercie, sénateur Christmas. Sénateur Arnot, vous avez la parole.

L’hon. David M. Arnot : Je vous remercie de l’occasion qui m’est donnée de parler du travail du Comité des peuples autochtones. Comme le sénateur Francis l’a mentionné, le comité se penche sur les questions de l’heure. Il existe depuis 33 ans et traite les enjeux sur lesquels portent les projets de loi que nous devons examiner. Le projet de loi C-51, adopté rapidement en juin, en est un bon exemple. C’était une victoire pour la Première Nation des Dakota de Whitecap, de même qu’une victoire, selon moi, pour le Canada, pour la Commission de vérité et réconciliation et ses recommandations, ainsi que pour le Sénat. C’est un traité moderne fondé sur l’autonomie gouvernementale des Dakota de Whitecap qui a permis de corriger une injustice qui durait depuis environ 200 ans.

Le Comité des peuples autochtones prépare présentement sa réponse aux questions suivantes : pourquoi les Autochtones ont-ils autant de difficulté à obtenir les informations historiques dont ils ont besoin pour comprendre ce qui est arrivé aux membres de leur famille, et pourquoi y a-t-il tant de sépultures d’enfants anonymes près des pensionnats indiens? C’est un exemple de questions contemporaines.

Nous travaillons fort aussi pour appuyer les projets de loi et les études qui montrent les domaines où les communautés autochtones s’épanouissent et excellent. Je pense, par exemple, à la Loi sur la gestion financière des premières nations, qui permet bien sûr aux peuples autochtones de réaliser les aspirations économiques et sociales qu’ils ont, à juste titre.

Dans le cadre de ses travaux, en 2016, le comité a commencé à chercher de jeunes leaders autochtones pour venir lui parler des enjeux qu’ils voient et qu’ils vivent, des obstacles qui les freinent, des effets du traumatisme intergénérationnel, de l’invalidité, de l’isolement et de la perte d’identité. Je le mentionne, car je crois que les Canadiens devraient porter une attention toute particulière aux jeunes Autochtones et que pour démontrer une réconciliation véritable, le comité du Sénat doit mener une étude longitudinale sur ce que ces jeunes leaders ont dit depuis environ sept ans.

En fait, tout projet de loi que nous examinons, toute étude et tout travail que nous menons doit nécessairement être envisagé sous l’angle de la réconciliation et du rétablissement de relations positives entre la Couronne et les peuples autochtones au Canada. Le premier ministre Martin a dit que c’était une honte nationale, et je suis d’accord avec lui. J’ai passé environ 20 ans à dire aux gens de la Saskatchewan et d’ailleurs au Canada que les Canadiens devraient être choqués, consternés et honteux pour ce que le gouvernement a fait subir aux peuples autochtones, mais fondamentalement, ils ne savent pas vraiment ce qui s’est passé. Comme le sénateur Christmas l’a dit, les choses ont changé un peu depuis la découverte des sépultures à Kamloops et ailleurs au Canada. Nous devons poursuivre sur cette lancée.

Je crois que les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation et les appels à la justice pour les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées que le Sénat a examinés sont à l’origine de cette lancée.

Le Sénat peut être fier du Comité des peuples autochtones dans lequel il a investi et auquel il continue de consacrer du temps, des efforts et des ressources pour répondre à la Commission de vérité et réconciliation, aux appels à la justice pour les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées et protéger l’avenir des peuples autochtones au Canada, comme le prévoit son mandat.

Dans bien des comités, les sénateurs réfléchissent à la réconciliation. Par exemple en juin, cette année, le sénateur Cormier a signalé au Comité sénatorial permanent des langues officielles concernant l’étude du projet de loi C-13 que tous les projets de loi adoptés par le Parlement du Canada sont une occasion de faire connaître la vérité, de faire progresser la réconciliation et de passer à l’action en s’éloignant des politiques coloniales nocives. Je crois que c’est vrai, et le Sénat donne l’exemple.

Si j’avais un message à vous transmettre aujourd’hui, ce serait qu’il faut s’assurer que la réconciliation fasse partie du mandat de tous les comités. Il y a un risque réel à nous en tenir à des formules toutes faites et à la reconnaissance du territoire dans le cadre de nos travaux. Nous devons tenir compte de la réconciliation dans tous les comités, car cela a des incidences sur les peuples autochtones quand ils ne sont pas bien pris en compte dans tous les comités.

La réponse aux appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation et aux appels à la justice pour les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, ainsi que le respect des droits issus de traités au Canada, des droits inhérents des peuples autochtones et des droits de la personne font partie de nos obligations et du travail du comité. Il importe de comprendre l’intersectionnalité du travail de notre comité au quotidien. Je vous remercie.

[Français]

La présidente : Merci beaucoup, sénateur.

La sénatrice Mégie : Merci, chers collègues, d’être avec nous. Merci, monsieur Christmas. Ma question est valable pour tous les comités. Cependant, aujourd’hui, c’est vous qui êtes là, donc, je vais vous la poser.

Lors des études de rapport en comité, j’ai observé, et je le vis régulièrement, que la version française des rapports contient des termes qui ne correspondent pas tout à fait à la version anglaise. D’après la composition de votre comité, je ne suis pas sûre qu’il y a quelqu’un qui lève le drapeau rouge pour le dire.

J’aimerais savoir comment vous arrivez à assurer l’exactitude et la concordance des rapports de votre comité dans les deux langues officielles.

[Traduction]

Le sénateur Francis : De ce que j’en sais, nous utilisons les services de traduction, et les traducteurs sont payés pour employer les termes exacts, donc je m’en remets à eux.

[Français]

La sénatrice Mégie : Je sais. Je ne veux pas critiquer le service de traduction. Tout d’abord, sa tâche est colossale et c’est très bien. Sauf qu’il arrive qu’il y ait plusieurs termes dans un rapport qui ne correspondent pas du tout quand on le traduit en français, parce que tout le monde adopte la version anglaise et on ne s’occupe pas du tout de la version française.

Je voulais seulement attirer votre attention sur ce fait. Je sais que vous n’avez pas de réponse à me donner, mais je voulais attirer votre attention sur le fait qu’il faudrait en tenir compte.

[Traduction]

Le sénateur Francis : Je vous remercie de cette question. Nous allons effectivement regarder cela de près.

Le sénateur Wells : Merci à nos témoins, ainsi qu’à l’honorable Dan Christmas. C’est un plaisir de vous revoir.

Nous avons entendu l’honorable M. Christmas mentionner que si le comité demandait un avis juridique au ministère, c’est la perspective du gouvernement qui lui serait présentée. C’est donc une excellente idée d’avoir un conseiller indépendant, surtout pour un comité comme celui-là.

Ne craignez-vous pas qu’un comité en vienne à prendre position en faveur de quelque chose plutôt que de simplement bien comprendre la situation? Voyez-vous une différence entre les deux, compte tenu du fait que le Sénat, et par extension, ses comités, est censé mener une réflexion indépendante? Quelle que soit l’étude menée, qu’elle porte sur un projet de loi ou sur un rapport, voyez-vous un risque qu’un comité se fasse défenseur d’une position plutôt que de simplement en comprendre tous les tenants et aboutissants? De toute évidence, les personnes à la tête de nos comités sont extrêmement compétentes, mais peut-être aussi expriment-elles une préférence pour une position en particulier, et c’est même ce qui se dégage des propos du sénateur Arnot, d’après les commentaires que vous avez faits dans votre déclaration.

Le sénateur Arnot : Si l’on veut se faire une opinion, il est toujours bon de commencer par bien comprendre le sujet.

Personnellement, je me considère comme un défenseur de l’équité et de la justice et non comme un défenseur des Autochtones. Les Autochtones n’ont pas besoin que je défende leurs intérêts, mais je dois défendre l’équité et la justice, et c’est ce qui est en jeu dans ce problème de réconciliation.

Le sénateur Francis : Oui, j’aurais tendance à être d’accord avec le sénateur Arnot. Il est bon de bien comprendre et il est bon de défendre des valeurs, mais les deux vont de pair. Je défends les intérêts de notre peuple. Je l’ai fait toute ma vie et j’en suis fier. Je sais que nous devons être indépendants, et nous le sommes au sein du comité. Je fais preuve d’une grande indépendance en tant que président, mais en dehors de cela, ce sont des valeurs très importantes pour moi.

M. Christmas : Merci, sénateur Wells. Je vous remercie de cette question, parce que c’est une grande préoccupation.

J’ai peut-être passé trop de temps dans des salles d’audience. J’ai écouté des procureurs de la Couronne défendre la décision du gouvernement dans certaines affaires judiciaires, puis j’ai vu de nombreux avocats autochtones venir présenter des arguments tout aussi solides devant le juge, selon un point de vue autochtone.

Le problème que j’ai rencontré, quand j’étais à votre place, c’est que lorsque nous examinions des projets de loi du gouvernement, il arrivait souvent que des avocats du ministère soient présents. Ils défendaient la position du gouvernement. Comme nous savions qu’il y avait un autre point de vue qui devait être entendu, nous essayions d’inviter des juristes et des experts autochtones à témoigner, et ils essayaient de leur faire contrepoids en présentant un point de vue équilibré.

J’ai toujours considéré mon rôle, sénateur Wells, avant tout comme celui d’un représentant d’une minorité au sein de ce Parlement. Tel était mon objectif, tel était mon rôle. J’étais là pour représenter et défendre les intérêts de la minorité afin que la majorité comprenne qu’il existait un point de vue différent.

À mon avis, il n’y a pas de meilleurs défenseurs, à l’heure actuelle, que les avocats autochtones très talentueux qui sont sur le devant de la scène et qui expriment si bien et si clairement en anglais, et parfois en français, la position juridique des Autochtones. Je pense que les sénateurs devraient avoir le privilège d’entendre les deux versions et de juger par eux-mêmes de ce qui est juste. Mais de refuser arbitrairement d’entendre les arguments juridiques autochtones est intrinsèquement injuste.

Lorsque nous avons discuté de la possibilité d’engager des avocats autochtones, j’ai été assez troublé par le fait que les raisons évoquées concernaient les coûts. Je pense que c’était de l’ordre de 30 000 dollars. Certains craignaient un manque de neutralité, ce qui m’a laissé perplexe. Je me disais que si l’on veut favoriser l’équité, pour y parvenir parfois, il faut entendre les deux points de vue.

Je dirais que pour réussir à faire preuve d’équité, il faut entendre la position de la minorité. Il faut qu’elle soit bien articulée, surtout lorsqu’il est question d’un projet de loi préparé et appuyé par les conseillers juridiques des ministères eux-mêmes, qui représentent souvent le gouvernement. Il faut entendre l’autre partie, et il faut bien l’entendre.

J’espère que cela vous éclaire.

Le sénateur Francis : Pour ajouter à ce que disait le sénateur Christmas, nous devons nous rappeler, en tant que sénateurs autochtones, que nous travaillons dans une institution coloniale et que ce qui se fait ici ne concorde pas toujours avec les lois de nos traditions autochtones. C’est pourquoi il importe pour nous d’avoir une représentation adéquate ici pour défendre nos peuples autochtones.

Le sénateur Arnot : J’appuie ce que le sénateur Christmas vient de dire. J’ai appris, lorsque j’étais commissaire aux traités de la Saskatchewan, que les Premières Nations et les Autochtones voient le monde différemment des non-Autochtones et que ces derniers ont beaucoup à apprendre de la façon dont les Premières Nations voient le monde. Cette deuxième voix doit être entendue et protégée pour que nous puissions faire notre travail correctement.

La présidente : C’est entendu.

La sénatrice Batters : Merci beaucoup à tous d’être ici. Tout d’abord, j’ai une brève question à poser au président actuel, le sénateur Francis.

Je vois les moments où votre comité tient habituellement ses réunions. Vous réunissez-vous habituellement deux fois par semaine? Est-il courant que vous utilisiez les deux créneaux prévus chaque semaine?

Le sénateur Francis : Oui, absolument, nous les utilisons.

La sénatrice Batters : J’aimerais creuser davantage un point que vient de soulever l’ancien sénateur Christmas, à savoir l’idée que ce comité ait recours aux services d’un conseiller juridique externe. Vous avez lancé le chiffre de 30 000 $. Vous avez dit que le coût avait constitué un frein au moment où vous l’avez proposé, puis vous avez parlé d’un montant de 30 000 $. À quoi cela devait-il servir? S’agissait-il d’une estimation pour l’étude d’un texte législatif en particulier, pour laquelle vous auriez souhaité l’aide d’un conseiller juridique externe? De même, j’aimerais que vous m’expliquiez davantage ce que vous espérez qu’un conseiller juridique externe apporte au comité du Sénat, par opposition à la façon dont les choses se passent normalement.

Je siège au comité de la justice depuis un certain temps, donc je sais de par mon expérience au sein de ce comité que lorsque divers projets de loi nous sont soumis, nous avons le point de vue du gouvernement. Il peut s’agir d’un projet de loi du gouvernement, auquel cas l’avocat du ministère compétent présentera un certain point de vue, mais nous ferons ensuite appel à des avocats de nombreux autres horizons pour nous présenter des points de vue différents. C’est ainsi que nous fonctionnons au comité de la justice. Ces juristes donnent généreusement de leur temps au comité alors qu’ils pourraient probablement facturer des clients. Au lieu de cela, ils comparaissent devant nous et viennent nous présenter des exposés détaillés et répondre à nos questions. C’est ainsi que nous procédons.

Je me demande ce que vous espérez obtenir en proposant une formule différente à votre comité.

M. Christmas : Merci, sénatrice Batters. C’est une excellente question.

Oui, nous avons le loisir de faire témoigner des juristes autochtones devant les comités. Ils fournissent alors des conseils essentiellement de manière ponctuelle. Ils comparaissent devant un comité pendant quelques minutes, puis nous avons l’occasion de leur poser des questions, et ils nous donnent leur avis.

Cela nous a vraiment donné envie d’en avoir plus, l’idée étant que le Bureau du légiste signe un contrat avec un cabinet d’avocats autochtone ou un spécialiste du droit autochtone, qui serait engagé par le comité pour lui fournir des conseils en cas de besoin.

Nous voulions faire preuve de respect. On compte sur des témoins bénévoles pour nous faire bénéficier de leur expertise le temps de quelques minutes, mais quand un comité étudie un projet de loi, il peut devoir tenir des conversations approfondies sur l’incidence du projet de loi sur les droits ancestraux et les droits issus de traités protégés par l’article 35, ce qui peut porter à nous demander si la Couronne s’est bel et bien acquittée de son devoir de consultation. La grande question est de savoir si tout cela est conforme à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.

Il s’agit là d’énormes questions auxquelles je ne pense pas qu’on puisse répondre simplement par des questions et réponses après la comparution d’un témoin. Nous avons besoin d’avoir des discussions approfondies pour creuser ces sujets. Pour ne pas utiliser ou épuiser les juristes autochtones en les invitant à comparaître comme témoins, nous devrions vraiment retenir leurs services, afin que leur point de vue soit clairement exprimé au comité et, bien sûr, aux sénateurs eux-mêmes au besoin.

Je pense que cela élargirait notre compréhension, nous donnerait une perspective plus complète, en plus de vous permettre à vous, les sénateurs, d’avoir une approche plus équilibrée et plus complète pour critiquer et améliorer les projets de loi.

La sénatrice Batters : Je suppose donc que les 30 000 $ d’honoraires d’avocat proposés concernaient un projet de loi particulier dont vous vous occupiez. Et aussi...

M. Christmas : Si je peux vous interrompre, sénatrice Batters, ce n’est pas le cas. Il s’agissait d’une provision générale pour toute demande d’avis juridique ou toute conversation qui aurait lieu au cours d’un exercice financier.

La sénatrice Batters : Je tenais également à mentionner brièvement le fait que, si quelque chose de ce genre se produit, une conséquence qui pourrait en résulter, c’est que cela pourrait s’avérer très coûteux si on devait rémunérer par la suite tous les avocats qui viennent comparaître devant le Comité des affaires juridiques, fournissent des mémoires, apportent des témoignages importants, entre autres choses, alors qu'ils le faisaient gratuitement auparavant. C’est ce qui pourrait se produire si une telle démarche était entreprise.

M. Christmas : Oui, c’est l’argument des croustilles. Si vous en donnez une à quelqu’un, vous en donnez une à tout le monde.

La différence, sénatrice Batters, c’est que nous traitons d’un domaine particulier du droit autochtone qui est très compliqué et très précis. Nous espérons obtenir la participation de ce type de personnes dans le cadre du processus sénatorial.

Le sénateur Kutcher : Merci, chers collègues, d’être présents. Monsieur Christmas, c’est un plaisir de vous revoir. Vous nous rappelez que le travail structuré du Sénat n’est pas toujours facile à comprimer en trois jours et demi.

J’ai une question particulière à poser au sénateur Francis. Vous avez parlé du mandat transsectoriel et du travail qui a été effectué en collaboration avec le Comité sénatorial des pêches et des océans, ou le comité POFO, et qui était excellent. Ce travail est toujours en cours, comme vous le savez, mais il a été grandement facilité par le fait que vous et le sénateur Christmas étiez membres des deux comités. Avez-vous pensé à une structure qui pourrait être appliquée au Sénat et qui permettrait à votre comité de transmettre ces informations aux autres comités, afin de les informer, de participer à des études ou de leur faire savoir d’une manière ou d’une autre que certaines des études qu’ils mènent pourraient chevaucher les mandats d’autres comités?

Le sénateur Francis : Je n’y ai pas beaucoup réfléchi. Je sais que dans notre propre groupe, nous communiquons ce que nous faisons à chaque comité, mais je ne sais pas à quoi cela ressemblerait. Cela représenterait certainement un travail considérable. En ce qui concerne le nombre de sénateurs autochtones, nous progressons. Nous apportons de très bons changements, mais nous n’avons pas encore atteint le nombre de sénateurs qui nous permettrait de présenter beaucoup de choses au Sénat.

Le sénateur Arnot : Cet été, le Comité de l’agriculture s’est rendu en Saskatchewan. Le sénateur Black présidait les réunions du comité. J’ai assisté à l’une de ces réunions, et l’une des choses importantes qui en est ressortie, c’est que le point de vue des Premières Nations concernant les enjeux agricoles relatifs aux sols est vraiment important.

Pour la première fois, le rapport du comité mettra l’accent sur ce point de vue, même si le rapport original de notre sénateur de la Saskatchewan ne l’incluait pas. C’est une nouvelle perspective, et c’est une autre façon pour un comité d’envisager le point de vue des Premières Nations. Je vous remercie de votre attention.

La présidente : Avez-vous quelque chose à ajouter, sénateur Christmas?

M. Christmas : Non. Merci, madame la présidente.

La sénatrice Saint-Germain : Je vous remercie, et je salue tout particulièrement le sénateur Christmas. C’est très agréable de vous voir ce matin.

[Français]

Ma question porte aussi sur l’intersectionnalité de votre comité. Tous les projets de loi qui ont une incidence sur les peuples des Premières Nations ne peuvent pas aller à un seul comité, soit APPA. Il est important d’avoir cette collaboration et cette contribution.

Ma question concerne la représentativité des peuples autochtones. On a souvent entendu que les peuples autochtones, les Premières Nations, les Métis et les Inuits, n’avaient pas été adéquatement consultés au sujet des projets de loi. C’est facile pour votre comité, vous avez plus d’expertise. Il est plus difficile pour d’autres comités d’identifier des représentants crédibles, étant entendu que chez les peuples autochtones, il n’y a pas d’unanimité — tout comme on ne retrouve pas plus d’unanimité chez les non-Autochtones.

En termes clairs, pourriez-vous guider les comités non autochtones quant à leurs critères pour choisir des témoins qui représenteraient les Premières Nations, les Inuits et les Métis? Cela est très sensible et très complexe.

[Traduction]

Le sénateur Francis : C’est une bonne question, sénatrice, et je vous en remercie. À l’avenir, il sera important de vérifier auprès du groupe de travail des sénateurs autochtones s’ils ont des questions relatives aux témoins ou à d’autres sujets. Nous savons tous que nous ne pouvons pas être présents dans tous les comités. Si les comités s’adressent à nous, nous les orienterons certainement dans la bonne direction, si nous le pouvons. Mais pour en revenir à votre question concernant certains groupes qui affirment n’avoir pas été suffisamment consultés, ce sera toujours le cas. Vous n’obtiendrez jamais l’unanimité, mais je pense qu’il s’agit simplement de faire de notre mieux, de faire appel à la majorité des voix et de vérifier la situation auprès des gens. Ne nous voilons pas la face : presque tous les projets de loi qui sont renvoyés au Sénat comportent une composante autochtone. Et nous citons toujours ce vieux dicton : « rien de ce qui nous concerne ne doit se faire sans nous ». C’est un dicton simple, mais vrai. Depuis mon arrivée au Sénat, j’ai constaté des changements. Les voies de communication sont ouvertes, et je constate qu’en ce qui concerne ces enjeux, nous avançons d’une façon positive.

Le sénateur Arnot : J’ai une question à poser aux membres du comité. Le comité peut-il établir une politique qui s’appliquerait à tous les comités du Sénat afin de s’assurer que, sous la rubrique de la réconciliation, les opinions des peuples autochtones ou la façon dont un rapport pourrait toucher les peuples autochtones du Canada sont prises en considération, de sorte que ce soit l’un des angles fondamentaux sous lesquels tous les comités examinent les enjeux à un moment ou à un autre?

La présidente : Je peux vous dire que notre comité se penchera sur l’enjeu que vous venez de présenter lorsque nous aurons notre discussion générale à la fin de nos travaux et lorsque nous rédigerons nos rapports. Soyez donc rassuré à cet égard.

La sénatrice Saint-Germain : Ma question complémentaire porte sur le fait de faire appel à un avocat autochtone ou à un cabinet d’avocats autochtones externe. La question n’est-elle pas plutôt de savoir si le Sénat, en 2023, aura besoin de juristes qui feront fonction de conseillers juridiques dans le cadre de l’étude des questions constitutionnelles et autochtones, plutôt que de faire appel à des défenseurs des droits externes qui seront principalement d’autres types de témoins et qui pourraient également être des avocats, des sénateurs ou des experts?

Le sénateur Francis : Je vais céder la parole au sénateur Christmas afin qu’il commence à répondre à la question.

M. Christmas : Merci, sénatrice Saint-Germain. Le fait d’avoir des experts autochtones au sein du Bureau du légiste serait certainement une option et, pour répondre à l’observation du sénateur Arnot, le Comité des peuples autochtones et le Comité des pêches et des océans ne seraient pas les seuls à faire appel à leurs compétences. Ils pourraient partager leurs connaissances avec d’autres comités qui traitent de questions autochtones ou de questions qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur les enjeux autochtones.

Je crois que c’est un argument important parce que le gouvernement a le devoir très clair de consulter les populations autochtones. Parfois, en tant que sénateurs, nous devons être attentifs au fait que le gouvernement ne s’est pas acquitté correctement de cette obligation et que nous avons la possibilité de représenter ce point de vue lorsqu’il s’agit d’examiner les mesures législatives du gouvernement.

Le problème du Comité des peuples autochtones, c’était qu’il n’avait parfois qu’un certain nombre de jours — trois jours, peut-être — pour convoquer des témoins au sujet d’un projet de loi, et les opinions des Autochtones de notre pays divergent énormément. Il y a une grande diversité de Premières Nations, et les communautés métisses et inuites ont des points de vue différents. Il y a aussi des opinions diverses au sein de ces communautés. Il peut s’avérer très difficile d’essayer de saisir cette diversité d’opinions dans le cadre de l’étude d’un projet de loi. En outre, il est difficile d’établir une liste de témoins et de tenter d’achever son travail en un certain nombre de jours. Vous avez parfaitement raison. C’est presque impossible. Vous devez simplement faire de votre mieux et essayer de vous assurer que les personnes que vous convoquez représentent au moins une partie de cette diversité d’intérêts.

La sénatrice Cordy : L’une de mes questions allait être de savoir si l’optique de réconciliation devait faire partie de tous les comités, mais la réponse vient d’être donnée. De plus, la question de savoir si elle devait faire partie de notre rapport faisait également partie de la question qui a été posée. Depuis que je suis au Sénat, il est certain que nous avons constaté des changements positifs au fil des ans, en ce sens que la population autochtone au Sénat est suffisamment importante pour avoir un effet bénéfique, et ce, dans tous les comités. Nous l’avons constaté au sein des comités de l’agriculture, des affaires sociales et des pêches — certainement les comités dont j’ai fait partie — et au sein du Comité des langues officielles dont nous avons entendu parler aujourd’hui. Cela fait une énorme différence.

Sénateur Christmas, soyez le bienvenu, et merci à tous. Les exposés ont été excellents, et les questions et réponses ont été très intéressantes.

Vous avez parlé du nombre de mesures législatives liées aux enjeux autochtones que nous avons étudiées ces dernières années, et c’est une bonne chose. On vous a également interrogé à propos de la mise en œuvre de certains des changements qui sont censés découler de l’adoption de ces lois. Que devrions-nous faire pour assurer un suivi des projets de loi qui ont été adoptés par les deux Chambres du Parlement — ils ont force de loi —, mais qui n’ont pas nécessairement été mis en œuvre?

M. Christmas : C’est une excellente question, sénatrice Cordy. Je me souviens, par exemple, que lorsque la loi sur le cannabis a été adoptée, les groupes autochtones ont fait abondamment savoir qu’ils n’avaient pas été consultés comme il se doit. L’une des activités du Comité des peuples autochtones, ou du comité APPA, a consisté à examiner la loi sur le cannabis et, bien entendu, un grand nombre de ces lacunes sont apparues très clairement. L’un des rôles du comité APPA est d’amener le gouvernement à rendre des comptes par rapport aux lois qu’il a adoptées.

Bien sûr, certaines mesures législatives font l’objet d’un examen quinquennal ou décennal, mais en ce qui concerne les enjeux autochtones, l’un des rôles que le comité peut jouer consiste à demander au comité APPA de procéder à cet examen au nom du Sénat lorsqu’il s’agit d’une mesure législative liée aux Autochtones. La Loi sur les langues autochtones a été adoptée il y a quelques années, et je crois que cet examen a également été proposé. Le projet de loi sur le bien-être des enfants autochtones doit également être réexaminé.

Je pense que ces mécanismes sont très importants. Les comités peuvent jouer un rôle en étudiant d’anciennes mesures législatives et en formulant des recommandations en vue de leur mise en œuvre.

La sénatrice Omidvar : J’ai une question à poser au sujet des comités en général. Pensez-vous que les sénateurs devraient avoir la possibilité de participer en ligne aux travaux des comités, pour des raisons de santé ou de famille? J’aimerais poser cette question à chacun d’entre vous.

Le sénateur Francis : Une possibilité de participer en ligne? Oui, je pense que ce serait utile.

Le sénateur Arnot : Ma réponse est oui.

M. Christmas : De toute évidence, l’accès en ligne est la seule possibilité que j’aie de me joindre à vous. Je ne peux pas me rendre à Ottawa, mais je valorise le travail du Sénat et, si je peux l’aider, je choisirai de le faire en ligne.

La présidente : Y a-t-il des questions complémentaires? Si ce n’est pas le cas, j’ai une question à poser. Pensez-vous que le nombre de nouveaux membres du comité est parfait?

Le sénateur Francis : Personnellement, le nombre ne me pose pas de problème. Ce qui m’importe, c’est que les sénateurs qui sont présents veuillent l’être et qu’ils s’engagent à nous aider à faire avancer les dossiers dont nous sommes saisis. Le comité pourrait être composé de 12 personnes ou de 6. Cela ne fait aucune différence.

Le sénateur Arnot : Ce nombre me satisfait.

M. Christmas : Je m’en remets à mes collègues à cet égard, car ils savent ce qui se passe.

La présidente : Je vous remercie infiniment de vos réponses. Je pense que nous avons terminé pour aujourd’hui, et je vous remercie beaucoup de votre participation. Nous avons pris des notes. Je vous remercie aussi de vos exposés. Ils étaient approfondis et judicieux. Si nous avons des questions, nous communiquerons avec vous.

(La séance est levée.)

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