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SECD - Comité permanent

Sécurité nationale, défense et anciens combattants


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE LA SÉCURITÉ NATIONALE, DE LA DÉFENSE ET DES ANCIENS COMBATTANTS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le lundi 24 octobre 2022

Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants se réunit aujourd’hui, à 16 heures (HE), avec vidéoconférence, pour examiner, pour en faire rapport, les questions relatives à la sécurité et à la défense dans l’Arctique.

Le sénateur Jean-Guy Dagenais (vice-président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le vice-président : Bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants. Je m’appelle Jean-Guy Dagenais, je suis un sénateur du Québec, et je suis vice-président du comité. Malheureusement, notre président, le sénateur Tony Dean, n’a pu se joindre à nous aujourd’hui. Je suis accompagné de mes collègues du comité : la sénatrice Anderson, le sénateur Boehm, le sénateur Boisvenu, la sénatrice Dasko, de l’Ontario, la sénatrice Marty Deacon, de l’Ontario, le sénateur Richards, du Nouveau-Brunswick, et le sénateur Yussuff qui va arriver plus tard.

Aujourd’hui, nous poursuivons notre étude sur la sécurité et la défense dans l’Arctique, y compris l’infrastructure militaire et les capacités de sécurité. Nous accueillons deux panels de témoins; tous deux se concentreront sur l’acquisition de biens pouvant être utilisés dans l’Arctique.

Dans le premier panel, nous accueillons, du ministère de la Défense nationale, Troy Crosby, sous-ministre adjoint, Matériel; Rob Chambers, sous-ministre adjoint, Infrastructure et environnement; le vice-amiral Angus Topshee, commandant de la Marine royale canadienne; le lieutenant-général Eric Kenny, commandant de l’Aviation royale canadienne; le lieutenant-général Jocelyn Paul, commandant de l’Armée canadienne. Nous recevons également de Services publics et Approvisionnement Canada, Simon Page, sous-ministre adjoint, Approvisionnement maritime et défense.

Merci de vous joindre à nous aujourd’hui. Nous allons maintenant vous inviter à présenter vos remarques préliminaires, qui seront suivies des questions de nos membres.

Je vous écoute pour votre présentation.

Troy Crosby, sous-ministre adjoint (Matériel), ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes : Monsieur le président, distingués membres du comité, je tiens à vous remercier de l’invitation à comparaître devant vous afin de discuter de la sécurité de l’Arctique, en ce qui a trait à la Défense nationale.

[Traduction]

Je m’appelle Troy Crosby et je suis sous-ministre adjoint (Matériel) au ministère de la Défense nationale. C’est mon rôle de m’assurer que les membres des Forces armées canadiennes disposent des services et de l’équipement nécessaires qui sont sécuritaires, adaptés aux objectifs prévus et disponibles pour que les Forces armées canadiennes puissent accomplir les missions qui leur sont confiées par le gouvernement du Canada. Aujourd’hui, nous discutons de l’approvisionnement de biens pouvant être utilisés dans l’Arctique.

[Français]

L’Arctique a toujours été une région de coopération. Cependant, des défis en matière de sûreté et de sécurité sont apparus à mesure que l’importance stratégique de la région grandit. Les effets des changements climatiques facilitent l’accès aux ressources et aux routes maritimes de l’Arctique circumpolaire. Combinés aux facteurs démographiques, géopolitiques et économiques, ces facteurs contribuent à accroître l’intérêt, l’activité et la concurrence stratégique dans la région.

[Traduction]

Équiper les Forces armées canadiennes pour qu’elles soient prêtes à relever ces défis est une mission immense qui s’étend sur des décennies de travail et qui mobilise des milliards de dollars des contribuables. Pour mettre les choses en contexte, le Canada travaille avec les États-Unis pour moderniser le NORAD et s’est engagé à investir 38,6 milliards de dollars au cours des 20 prochaines années. Ce plan comprend des investissements importants dans la capacité des Forces armées canadiennes à soutenir les opérations du NORAD dans le Nord et l’Arctique, notamment avec les navires de patrouille extracôtiers et de l’Arctique, les systèmes d’aéronefs télépilotés, l’expansion de la capacité de ravitaillement en vol, la mise à niveau des bases nordiques et une surveillance accrue. Il comprend également un nouveau financement pour une expansion importante de la recherche et développement pour la défense de l’Amérique du Nord.

[Français]

La priorité du Canada est de maintenir l’Arctique en tant que zone de coopération mondiale à basse tension. Le Canada s’est engagé à renforcer ses capacités de connaissance du domaine, de surveillance et de contrôle dans l’Arctique, à travailler en étroite collaboration avec ses alliés et ses partenaires sur les questions arctiques et à maintenir l’ordre international fondé sur des règles.

[Traduction]

Sur ce, nous répondrons à vos questions avec plaisir.

[Français]

Le vice-président : Merci, monsieur Crosby, pour votre présentation. Nous allons maintenant passer aux questions, mais avant de passer aux questions, sénateurs, veuillez noter que MM. Crosby et Chambers seront avec nous jusqu’à 17 heures, alors que les commandants Topshee, Kenny et Paul resteront pour continuer à répondre aux questions jusqu’à 18 heures. Afin de permettre le plus grand nombre d’interventions possibles, je vous demande d’être concis dans vos questions.

[Traduction]

La sénatrice Anderson : Excusez mon retard.

Vous avez parlé de s’assurer que les collectivités dans les zones nordiques ont l’équipement adéquat. Comme vous le savez, nous venons tout juste de terminer une tournée là-bas, et nous avons constaté qu’il manquait d’équipement. On nous a dit qu’il manquait d’équipement. Par exemple, à Inuvik, on nous a dit que le hangar qui servait à abriter le Hercules n’était plus utilisé, et que l’entretien du Hercules était maintenant fait à l’extérieur. Dans quels délais prévoyez-vous vous assurer que les collectivités ont accès, de façon suffisante et efficace, aux ressources, à l’équipement et aux structures nécessaires pour la prestation de services vitaux?

M. Crosby : Merci de la question. Je vais demander à M. Chambers de compléter dans un instant.

À mesure que le programme d’investissement pour la défense de l’Amérique du Nord et la modernisation du NORAD progresse, les consultations avec les collectivités joueront un rôle clé dans le plan de travail qui sera mis en œuvre sur une certaine période et qui a d’ailleurs déjà commencé. Ensuite, nous comptons utiliser l’information recueillie pour comprendre comment optimiser le rendement de ces investissements afin de répondre aux exigences des Forces canadiennes, et aussi celles des collectivités qui sont concernées.

Rob Chambers, sous-ministre adjoint (Infrastructure et environnement), ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes : Une partie de mon travail consiste à aider à travailler avec les commandants de service lorsqu’ils établissent des exigences opérationnelles, puis je les aide à trouver des solutions sous forme de biens immobiliers ou d’infrastructure répondant à ces exigences. C’est très important de travailler en étroite collaboration avec eux, parce que ce sont eux qui vont dire : « Voilà ce dont j’ai besoin pour faire ce que je dois faire. » Donc, il leur faut ce hangar, ce type de piste d’atterrissage, et cetera.

Un autre facteur tout aussi important, dans le contexte particulier de la modernisation du NORAD, qui s’installe dans la région, ce sont les partenariats avec les collectivités, comme vous le disiez, je pense. Les efforts ont commencé avec l’engagement du ministre devant le Comité de partenariat entre les Inuits et la Couronne, et le travail est repris en aval par chaque planificateur de mon équipe. Nous consultons les groupes des Premières Nations, des Métis et des Inuits de la région pour commencer à déterminer où nos besoins se recoupent, où ils se chevauchent, pour savoir où cibler nos efforts à partir de là.

Nous ne sommes pas seuls. La Défense nationale, au chapitre des infrastructures, n’est que l’un des nombreux acteurs dans cette région. C’est très important que nous gardions cette approche pangouvernementale lorsque nous consultons les collectivités, afin de pouvoir répondre aux besoins et éviter de travailler en vase clos.

La sénatrice Anderson : A-t-on prévu des délais pour corriger certaines des lacunes qui sont très évidentes, du point de vue communautaire? Vous nous avez dit qui vous consultez, alors pouvez-vous nous dire si vous consultez aussi les administrations municipales?

M. Chambers : Je serai heureux de répondre. Je n’ai pas de calendrier sur 20 ans à vous donner. Le gouvernement a annoncé des investissements, établis selon une comptabilité d’exercice, sur une période de 20 ans. Je n’ai pas de plan de projet qui détaille chaque initiative pour les 20 années à venir, du moins pour l’instant. Il est encore trop tôt pour cela.

Vous avez parlé du hangar. Je peux vous parler de ce hangar, puisque vous étiez sur les lieux, si vous le voulez, maintenant ou plus tard. Je m’en remets à vous, monsieur le président.

Pour ce qui est des activités quotidiennes, nous avons aussi des gens qui vivent et qui travaillent dans ces régions, donc nous sommes en communication constante avec les administrations municipales et les gouvernements territoriaux. Je viens justement d’avoir une discussion avec mon homologue des Territoires du Nord-Ouest, avant la réunion, au sujet de l’aéroport d’Inuvik. Donc, nous sommes en communication constante à propos des besoins.

[Français]

Le vice-président : J’aimerais souligner la présence de la sénatrice Audette, du Québec, qui se joint à nous.

Le sénateur Boisvenu : Bienvenue à nos témoins. On arrive de l’Arctique, d’une tournée qui a été très profitable, et je pense qu’on a constaté à quel point les Forces armées canadiennes étaient en retard sur la Russie et même la Chine.

L’un des éléments qui ressort beaucoup, c’est les sous-marins. C’est une épopée, au Canada, qui dure depuis près de 20 ans — depuis qu’on a annulé l’achat de sous-marins dans les années 1990, on s’en souviendra.

Pouvez-vous nous faire un état de la situation par rapport au renouvellement des sous-marins qu’on a? Il semble y avoir un déséquilibre très grand entre la présence des Russes dans les eaux arctiques par rapport à la présence canadienne. Pouvez-vous nous dresser un portrait rapide de l’état de la situation quant à l’état des sous-marins canadiens et leur stratégie de renouvellement, car on a appris que, peut-être, rien ne se ferait avant 2030?

[Traduction]

M. Crosby : Pour répondre à la question sur le projet de remplacement des sous-marins actuellement en service, qui sont des sous-marins de la classe Victoria, je m’en remettrai au commandant de la Marine royale canadienne. C’est lui qui dirige actuellement les efforts, mais je peux vous dire, tout de suite, qu’un projet a été établi. C’est encore tôt, mais le travail commence.

En ce qui concerne le renouvellement des sous-marins de la classe Victoria, les efforts se poursuivent. Nous continuons d’investir pour entretenir ces sous-marins, pour veiller à la capacité de la Marine royale canadienne. Aussi, nous exécutons actuellement un projet visant la modernisation des sous-marins de la classe Victoria, dans le cadre duquel il y a aura des investissements qui serviront à améliorer l’habitabilité des sous-marins et sa capacité de soutenir les opérations conjointes, et aussi sa survivabilité. Ces projets de mise à niveau des sous-marins sont effectués durant leurs périodes en cale sèche. Le but est que les sous-marins continuent d’offrir une capacité opérationnelle durable et importante pour les Forces armées canadiennes.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Même si on modernise les sous-marins actuels, il demeure quand même que les technologies, un peu comme nos F-18 par rapport aux F-35, sont deux mondes complètement différents. On sait que les technologies russes sont beaucoup plus avancées en ce qui a trait aux sous-marins que les nôtres. On sait que s’il y a une guerre — s’il y a des endroits où il y a une guerre dans le monde —, c’est une question de technologie. Il n’y a plus de confrontation homme à homme comme cela existait au XVe siècle; ce sont les technologies qui comptent. Sur ce plan, même si on investit dans de vieux sous-marins, on va toujours demeurer en retard par rapport aux technologies qu’on a aujourd’hui. C’est comme investir dans les F-18. On sera toujours en retard par rapport aux F-35. En ce qui concerne la modernisation des sous-marins, à part dépenser de l’argent pour les sous-marins usagés pour qu’ils tiennent l’eau, quelle est la stratégie pour doter le Canada de sous-marins à la fine pointe de la technologie pour être à force égale par rapport, notamment, aux Russes?

[Traduction]

M. Crosby : Les investissements continus dans l’ensemble de nos capacités sont tout à fait cruciaux si nous voulons conserver une capacité opérationnelle suffisante pour tout le cycle de vie de ce qu’on appelle des plateformes, qu’il s’agisse d’un sous-marin, d’un bâtiment de surface, d’un aéronef ou même d’un véhicule blindé.

Pour répondre à votre question précisément, les investissements continus doivent tenir compte de l’évolution de la technologie pour que nous puissions continuer d’être utiles sur le plan opérationnel, autant pour aider nos alliés que pour conserver un avantage opérationnel sur n’importe quel adversaire potentiel. Nous avons des efforts de développement de la force opérationnelle pour éclairer ces travaux, dans le cadre desquels nous examinons l’évolution technologique au fil du temps afin d’optimiser les investissements importants, quand cela est nécessaire pour maintenir les capacités. Aujourd’hui, et dans l’avenir, je dirais que les plateformes ont moins d’importance que les ordinateurs, les capteurs et les systèmes d’armes intégrés.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Est-ce que le Canada prévoit construire de nouveaux sous-marins?

[Traduction]

M. Crosby : Le projet vient de commencer. Nous allons examiner comment cela a progressé au fur et à mesure des diverses phases du projet.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : En ce qui concerne le renouvellement de la flotte maritime, on a commencé en 2015, nous sommes en 2022 et on n’a pas encore atteint la vitesse de croisière pour rendre disponibles à nos forces armées des vaisseaux qui sont à la fine pointe de la technologie. Même là, on a pris du retard. En quelle année pensez-vous que nous allons livrer à la Marine royale canadienne le premier sous-marin haut de gamme?

[Traduction]

M. Crosby : Le calendrier pour le remplacement du sous-marin doit tenir compte de l’entretien continu de la capacité des sous-marins de la classe Victoria. Il va falloir attendre un certain nombre d’années avant de pouvoir livrer un sous-marin de remplacement, et tout cela va dépendre bien sûr des décisions concernant l’avenir de la capacité sous-marine. Le commandant de la Marine royale canadienne pourra mieux vous expliquer que moi l’importance de cette capacité pour les Forces armées canadiennes.

Le sénateur Boehm : Merci aux témoins d’être ici en personne.

Une des choses qui m’ont vraiment frappé, durant notre voyage en Arctique, c’est à quel point la connectivité est faible, surtout en ce qui concerne Internet. Quand nous avons rencontré le surintendant principal de la GRC, il n’était même pas capable d’établir la connexion avec les collègues à Ottawa, pour qu’ils puissent participer à la réunion. Je pense que nous sommes tous d’accord : il importe vraiment que tout le monde ait accès à une connexion Internet solide et fiable. Nous avons bien voté, au Sénat, au moins deux lois d’exécution du budget accordant du financement à ce chapitre à l’échelle du pays, et bien évidemment dans l’Arctique.

J’aimerais donc savoir, compte tenu de l’importance de l’Arctique pour notre sécurité nationale, si le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes estiment que les mauvaises connexions à Internet constituent une préoccupation pour la sécurité nationale?

Deuxièmement, quel genre d’infrastructure utilisez-vous dans l’Arctique, et qu’avez-vous en place pour garantir la fluidité des opérations? Travaillez-vous avec le ministère compétent, ISDE, pour assurer une mise en œuvre à plus grande échelle, et aussi plus fiable?

Ma dernière question est liée à la première, à dire vrai. La piètre qualité de la connexion à Internet a-t-elle eu des répercussions sur vos opérations dans l’Arctique?

M. Crosby : Monsieur le président, je dois dire d’emblée que je ne suis pas la personne responsable des acquisitions pour les solutions spatiales, et pas plus que de la structure de base de la GI et de la TI. Ce serait plutôt l’un de mes collègues de la Défense nationale. Ce que je peux dire, actuellement, c’est qu’il y a des investissements dans les capacités de commandement, de contrôle et de communications et pour les communications satellites dans le plan de modernisation du NORAD. Cela sera mis en œuvre sur un certain nombre d’années.

Pour ce qui est des conséquences liées à l’état actuel des choses, ou à notre évaluation de l’état actuel des choses, je pense que je vais m’en remettre au commandant de l’Aviation royale canadienne. Peut-être pourra-t-il vous fournir plus d’information.

Le sénateur Boehm : Il n’est pas des nôtres aujourd’hui.

M. Crosby : Il le sera au cours de la deuxième heure, monsieur le sénateur.

Le sénateur Boehm : Je vais peut-être y revenir, dans ce cas.

Je tiens pour acquis — et corrigez-moi si je me trompe — qu’il y a tout de même beaucoup de consultations qui sont menées, aux fins de la modernisation du NORAD, auprès de nos amis américains, pour veiller à ce qu’il y ait une connectivité au-delà de l’Alaska. Est-ce exact?

M. Crosby : Nous avons des discussions continues avec les États-Unis, pour trouver une solution.

Le sénateur Boehm : Merci.

Le sénateur Richards : Merci d’être parmi nous, messieurs.

Le sénateur Boisvenu a soulevé des préoccupations que j’éprouve moi-même, et peut-être que je vais répéter un peu, mais je pense qu’il y a une certaine frustration face à la lenteur du renouvellement de la capacité canadienne depuis un certain nombre d’années. Selon vous, dans combien de temps le Canada aura-t-il la capacité de défendre entièrement son grand territoire? Dans quelle mesure est-ce que notre capacité actuelle ne compromet pas la souveraineté canadienne?

M. Crosby : Monsieur le président, depuis que la politique de défense du Canada, Protection, Sécurité, Engagement, a été publiée en 2017, nous avons fait des progrès très importants au chapitre d’un grand nombre d’investissements dans de grands projets d’immobilisations, et nous avons aussi franchi des étapes importantes dans ces projets. Vous savez que trois navires de patrouille extracôtiers dans l’Arctique sur six nous ont été livrés. Nous avons fait des appels d’offres pour divers concours, et sommes maintenant en train d’évaluer les soumissions reçues. Je pense que la capacité future en matière d’avions chasseurs et les systèmes d’aéronefs télépilotés seraient justement dignes de mention. Nous avons observé d’importants progrès, et je peux vous dire que mon groupe, le Groupe des matériels de la Défense nationale, dirige présentement 72 projets évalués à 10 millions de dollars ou plus, dont la valeur collective dépasse largement les 100 milliards de dollars, pour la définition et l’exécution. C’est une tâche immense.

Nous savons que c’est un travail éternel. Nous devrons continuellement évaluer la situation dans l’environnement stratégique. C’est un effort continu. On le fait même maintenant. Il va donc falloir des investissements supplémentaires dans l’avenir, pour la modernisation du NORAD et pour ce qui va suivre, peu importe la forme que cela va prendre. Je dirais, monsieur le président, que c’est un travail sans fin, mais que nous avons accompli de bons progrès dans le cadre du travail qui, nous le savons, doit être priorisé.

Le sénateur Richards : Merci.

Je me posais des questions sur les entreprises étrangères qui soumissionnent sur divers projets. Pourquoi ne pouvons-nous pas entretenir notre propre technologie et créer nos propres plateformes de base, pour notre propre défense? Nous soumissionnons sur des F-35, tout comme on a soumissionné sur des F-18 et des Voodoos, sans parler de l’Avro Arrow au fond du lac Ontario, ce qui est tout à fait ignoble, maintenant que j’y pense. J’étais enfant, à l’époque. Pourquoi ne pouvons-nous pas faire nos propres propositions et créer notre propre technologie canadienne qui ne serait pas interdépendante des Norvégiens, des Américains ou des Britanniques?

M. Crosby : Monsieur le président, je vais peut-être demander à mon collègue de SPAC s’il veut ajouter quoi que ce soit, dans un instant.

Je dirais que nous avons effectivement des entreprises canadiennes qui fournissent des technologies remarquables, que les Forces armées canadiennes utilisent. Les véhicules blindés légers, par exemple. Nous avons beaucoup d’entreprises dans le domaine de l’aérospatiale, et grâce à la Stratégie nationale de construction navale, nous avons une industrie maritime florissante qui est maintenant capable de fournir cette capacité.

Quand nous examinons les acquisitions, nous avons tendance à acheter en plus petites quantités que nos alliés, peut-être parce que notre but est d’optimiser nos ressources, mais aussi parce que nous prenons surtout en considération le soutien en service à long terme nécessaire pour tout l’équipement. Cela ajoute de la valeur d’avoir une capacité nationale pour cela.

Le sénateur Richards : Les plans pour la frégate Irving ne viennent pas du Canada, n’est-ce pas? Je pense qu’ils viennent de la marine d’un autre pays.

M. Crosby : Monsieur le président, ce qu’on appelle la conception d’origine, c’est-à-dire la conception de base pour le bâtiment de combat de surface canadien, provient du Royaume-Uni. Là-bas, on l’appelle la frégate de type 26. Le bâtiment est en train d’être adapté aux besoins qui ont été définis par la Marine royale canadienne, et une grande partie des travaux sont confiés à des entreprises canadiennes.

Le sénateur Richards : Merci.

La sénatrice Duncan : Je tiens à m’excuser de mon retard à mes collègues et aux témoins. Merci beaucoup d’être ici en personne.

M. Chambers a mentionné plusieurs fois « la région » ainsi que des défis communautaires spécifiques, que la collectivité a, à très juste titre, portés à l’attention du comité. Pour économiser du temps, je me demandais si le comité pourrait vous demander d’envoyer, par écrit, une ventilation ou alors vos intentions, mais pas pour la région en entier, mais pour chaque collectivité.

La question que je veux poser — et peut-être que M. Crosby voudra y répondre, je ne sais pas — concerne précisément la consultation dont vous avez parlé, auprès de la collectivité. Traditionnellement, des « consultations », cela peut se traduire et s’interpréter de toutes sortes de façons. Existe-t-il un protocole pour les consultations communautaires? Laissez-moi vous donner un exemple, si vous me le permettez. Au Yukon, nous avons conclu un accord avec les Premières Nations, et il existe un protocole très clair pour les consultations de gouvernement à gouvernement à gouvernement, c’est-à-dire entre les Premières Nations, le Yukon et le Canada. Il y a un protocole très clair. Un tel protocole existe-t-il pour les consultations auprès des collectivités, lorsque la Défense nationale ou l’ensemble du gouvernement doit répondre aux demandes communautaires?

M. Chambers : Merci de la question.

Je serai heureux de vous fournir autant d’informations que possible sur une ventilation par collectivité. Le seul hic, c’est que nous sommes en cours de processus avec ces collectivités, justement. Nous faisons porter considérablement d’accent, pour toutes sortes de raisons dont je serai heureux de parler, sur les partenariats avec les collectivités autochtones, les organisations autochtones et les peuples autochtones parce que cela est crucial pour la réussite de notre initiative. Je ne pourrais pas vous donner beaucoup d’information pour l’instant parce que le travail avec les organisations est en cours.

La sénatrice Duncan : Juste savoir quel est le processus et à quelles collectivités vous parlez serait utile. Ce que je veux savoir, précisément, c’est quel est votre processus pour interagir avec les collectivités? Comment le ministère de la Défense nationale, avec son approche pangouvernementale, définit-il la consultation avec les collectivités?

M. Chambers : Merci de la question. Encore une fois, il y a énormément à dire sur le sujet. Je vais essayer d’être bref.

D’une certaine façon, le MDN entre en terrain inconnu, et nous sommes tout à fait conscients du besoin de définir ce processus auprès de nos partenaires, et je ne le dis pas à la légère. Il ne nous revient pas de stipuler exactement les modalités du processus. Nous discutons avec nos partenaires — qui ne sont pas des intervenants — et nous concevons le processus conjointement. Vraisemblablement, le processus va prendre une forme légèrement différente, selon le groupe avec qui nous discutons. Avec les Territoires du Nord-Ouest, par exemple, nous avons une relation spéciale là-bas. Avec le conseil municipal d’Iqaluit, les choses seront un peu différentes, et pour ce qui est du travail actuellement effectué à Alert, encore une fois, les choses seront un peu différentes : tout dépend de l’interlocuteur, selon qu’il s’agit de l’ITK ou d’une municipalité donnée. Encore une fois, je serai heureux de vous envoyer ce que nous avons, mais comme je l’ai dit, le processus est encore actuellement en gestation avec les collectivités et les groupes concernés.

La sénatrice M. Deacon : Merci à vous tous d’être ici aujourd’hui. Comme on l’a déjà dit, et je le répète, c’est intéressant de pouvoir vous rencontrer et aussi d’avoir eu l’occasion de tenir beaucoup de discussions en personne avec les gens du Nord au cours des dernières semaines.

Pendant que je préparais ma question, et que vous parliez de collaboration et d’intégration, j’essayais de comprendre la situation des vases clos et quelles informations nous pouvons vous demander, qui relèvent véritablement de votre compétence, au lieu d’aborder autre chose et de nous tromper. Je voulais le dire, d’entrée de jeu, parce qu’il y a tellement de sujets et de discussions.

Pour commencer, je vais donner suite à ce que le sénateur Boehm a dit en premier, toujours à propos de l’infrastructure des communications dans le Nord. Il a spécifiquement parlé d’Internet. En ce qui concerne les câbles sous-marins spécifiquement, nous avons entendu, dans des témoignages précédents, que la Russie et la Chine sont en train de mettre au point des systèmes pour sectionner les câbles sous-marins et couper les communications dans cette partie du pays. Je me demandais dans quelle mesure vous pouviez nous parler de cela et nous donner des détails. Que pouvons-nous faire pour détecter et dissuader, disons-le franchement, ces menaces qui pourraient avoir des répercussions à cause de ces câbles?

M. Crosby : Le commandant de la Marine royale canadienne serait plus apte à répondre à votre question. Il aurait probablement une meilleure connaissance que moi des besoins opérationnels et de l’évaluation de la menace qui s’impose.

La sénatrice M. Deacon : Merci.

J’espère que celle-ci sera pertinente. Donc, parlons des problèmes liés aux changements climatiques, à la défense et à l’incidence des changements climatiques sur nos infrastructures de défense actuelles dans le Nord. Nous en avons vraiment beaucoup parlé quand nous étions là-bas. Je me demandais si, à vos yeux, la fonte du pergélisol constitue une menace, par exemple. Quel genre de plans avons-nous, pour l’avenir, en vue de nous adapter aux changements continuels et rapides du terrain?

M. Chambers : Merci de la question. Je serais heureux d’y répondre en partie.

Du point de vue de l’infrastructure, vous avez tout à fait raison de dire que l’accélération des changements climatiques a des répercussions sur le pergélisol et que cela a, évidemment, des conséquences pas seulement pour nous, mais pour tous ceux qui ont des infrastructures dans l’Inuit Nunangat. Je pourrais vous donner de l’information de niveau tactique sur certaines des techniques de construction que nous utilisons pour atténuer ces conséquences en partie, mais je me doute que cela ne vous intéresserait pas. Je serai heureux de le faire, si vous le voulez.

Ce que nous faisons, au niveau stratégique, c’est examiner nos immobilisations dans la région dans son ensemble, puis nous prenons chaque bien individuellement pour définir les conditions locales, les conditions du bien, nos partenaires dans la gestion du bien, puis nous concevons littéralement un plan tenant compte des facteurs cumulatifs — on appelle cela un plan directeur d’aménagement des biens immobiliers, à titre indicatif — et cela est mis en œuvre pour établir une stratégie visant à reconstituer le capital du portefeuille dans cette région au fil du temps et à atténuer les conséquences que vous avez décrites.

La sénatrice M. Deacon : Je pense que vous avez utilisé l’adjectif « tactique ». Pouvez-vous en dire plus à ce sujet?

M. Chambers : Avec plaisir. Je ne suis pas ingénieur civil; j’en sais juste assez pour être dangereux. Je pourrais vous décrire quelques-unes des techniques que vous avez peut-être vues pendant votre visite sur le terrain.

Quand il y a quelque chose de gelé dans cette région, nous voulons que cela reste ainsi autant que possible. Vous avez peut-être vu des bâtiments sur pilotis. Nous essayons littéralement d’éloigner le bâtiment du pergélisol pour que la chaleur de l’endroit reste à l’intérieur et loin du sol. Vous avez peut-être vu des thermosiphons. Ce sont de grandes tiges de métal avec des ailettes. On les installe sur le côté des bâtiments. Vous les verrez si vous allez dans des aéroports. Ce sont des unités de réfrigération passive qui, en gros, tirent la chaleur du sol pour la dissiper dans l’air. Je sais que j’en ai vu à Iqaluit, et je tiens pour acquis qu’on les utilise aussi à Inuvik. Peut-être que vous en avez aperçu ou pas, parce qu’ils ne sont pas très visibles, mais ils constituent une technique passive à faible coût que nous pouvons utiliser pour que le pergélisol reste gelé autant que possible.

La dernière chose que je voudrais mentionner, c’est que nous ne sommes pas seuls, même au gouvernement fédéral. Le Conseil national de recherches, Services publics et Approvisionnement Canada... diverses organisations spécialisées font de la recherche et du développement dans cette région, en particulier — encore une fois — en partenariat avec des intervenants locaux et des collectivités autochtones, afin que nous puissions tous tirer parti de leurs connaissances.

Je ne veux pas trop insister sur Inuvik, mais puisque vous étiez là-bas, il y a un projet en cours actuellement à l’aéroport qui concerne la fonte du pergélisol sous la piste d’atterrissage. Nous ne participons pas à ce projet, mais Infrastructure Canada aide le territoire avec cela. Il y a quand même beaucoup de travail qui se fait à cet égard. Je serai heureux de vous en parler davantage, si vous le voulez.

La sénatrice M. Deacon : Quelque part, il y a un effort concerté, et tout ce qui est fait est relié dans un document commun, même s’il s’agit d’organisations et de ministères différents.

[Français]

La sénatrice Audette : Je vous dis [mots prononcés dans une langue autochtone] de Wendake aussi. Je viens de Mushuau-nipi. Beaucoup de gens viennent nous voir — des Québécois et des Canadiens— et chaque fois, on voit le choc dans le regard des gens qui aperçoivent les anciennes bases abandonnées. Pour ma part, je n’ai pas de critique ni de plainte, mais je nous souhaite collectivement des investissements, une réparation des choses, ce qu’on n’a jamais demandé.

Puisque maintenant, on cohabite, avez-vous, dans vos stratégies à long terme, un plan pour vous assurer qu’on ramasse tout, qu’on n’abandonne pas ces sites qui sont de grands pollueurs et qui sont des espaces qui brisent nos territoires? Lorsqu’on parle de groupes autochtones — moi, je vais parler sur le plan de la gouvernance, au Québec, où il y a des Cris, des Inuits, des Naskapis et des Innus qui cohabitent dans le Grand Nord —, avez-vous réfléchi aux possibilités économiques que cela peut représenter pour les microentreprises locales ou celles du Sud qui peuvent exporter leur expertise? Aussi, pourquoi ne pas offrir de la formation à ces jeunes qui habitent dans ces territoires, qui pourraient être des chefs de file au sein même de vos stations ou du travail que vous faites pour le Nord?

La technologie est puissante dans ces centres ou ces espaces par rapport à notre Internet qui est très, très lent. Alors, on cohabite dans un même territoire, mais on n’a pas la même vitesse d’information.

Selon moi, on a sauvé des vies pendant la pandémie de la COVID, dans la nation innue; je suis convaincue qu’on peut aussi contribuer à une protection d’un grand territoire, dont ceux que je vous ai nommés tout à l’heure.

M. Chambers : Merci pour votre question.

[Traduction]

Pour ce qui est des anciens sites des Forces armées canadiennes ou du MDN, pour ceux qui font toujours partie de notre inventaire et qui n’ont pas été cédés à une autre entité, nous surveillons assurément la situation. Nous avons un ancien programme dans le cadre duquel nous déterminons s’il y a eu de la contamination ou si un assainissement est nécessaire. Nous préférons effectivement céder les biens que nous n’utilisons plus, si nous le pouvons, mais lorsque c’est impossible parce qu’il y a eu de la contamination ou pour n’importe quelle autre raison, nous avons un programme en conséquence. Dans de nombreux cas, nous avons l’obligation en vertu de traités de régler ce genre de problèmes, et nous nous occupons certainement du dossier.

Pour ce qui est des possibilités économiques pour les peuples autochtones, c’est l’un des piliers de notre approche actuelle. Donc, nous ne faisons pas que travailler avec les collectivités autochtones et les peuples autochtones pour cerner des projets : nous échangeons aussi de l’information avec les entreprises autochtones d’une façon équitable et transparente, à l’avance, pour qu’elles puissent tirer parti de ces possibilités et aussi pour continuer d’exécuter ce que nous appelons les plans d’avantages offerts aux Autochtones dans notre processus d’approvisionnement, où nous demandons aux soumissionnaires d’un contrat de nous expliquer comment ils comptent s’assurer qu’il y aura aussi des avantages pour les peuples autochtones, que ce soit des emplois ou, comme vous l’avez dit, de la formation. Ces deux points en particulier sont au centre et à l’avant-plan de nos discussions avec les Inuits, à mesure que la modernisation du NORAD progresse.

Je pense que la seule autre chose que j’ajouterais, c’est qu’il est tout à fait crucial d’adopter une approche horizontale et pangouvernementale dans le cadre de ces discussions parce que la Défense nationale ne dispose pas de tous les leviers : la formation, l’emploi et la formation en milieu de travail, par exemple. C’est très important que les canaux soient ouverts avec mes homologues et mes collègues dans tous les gouvernements, pour que, quand nous nous assoyons avec une collectivité, nous puissions mettre l’accent sur la façon de répondre à leurs besoins, au lieu de dire : « Excusez-moi, ce n’est pas moi qui suis responsable; vous devez en parler à quelqu’un d’autre. »

La sénatrice Dasko : Merci d’être ici.

Quand j’ai été nommée au comité en novembre dernier, on parlait énormément d’approvisionnement. Je me suis dit, wow, c’est énorme, l’enjeu de l’approvisionnement, et voici que nous avons devant nous une équipe de l’approvisionnement. C’est génial que vous soyez avec nous pour discuter de l’approvisionnement, mais ce n’est pas facile de savoir par où commencer avec ce dossier.

Je vais commencer par les 38,6 milliards de dollars investis dans le NORAD. J’aimerais savoir dans quelle mesure il s’agit de nouveaux investissements par rapport à des engagements antérieurs. J’aimerais aussi savoir dans quelle mesure cela est dû à la situation depuis février impliquant l’Ukraine et la Russie. J’aimerais aussi savoir combien d’argent a déjà été utilisé pour les demandes de propositions, pour les contrats, et à quelle étape vous en êtes. Peut-être que vous pourriez nous donner quelques détails. À quelle étape êtes-vous rendus dans le processus de passation de marchés pour ces affectations? Je crois que vous avez dit que ce n’est pas tout qui relève du MDN, et que certaines choses relèvent d’autres ministères. Peut-être que je vous ai mal entendu. Quoi qu’il en soit, j’aimerais avoir un peu plus de détails sur l’investissement dans le NORAD en particulier.

M. Crosby : Merci de la question et merci de nous avoir donné l’occasion d’être ici et de répondre à vos questions sur l’approvisionnement. C’est clairement important.

Les investissements dans la modernisation du NORAD sont un prolongement des efforts entrepris dans le cadre de la politique Protection, Sécurité, Engagement. Lorsque la stratégie a été publiée, on a reconnu le besoin d’en faire davantage pour la modernisation du NORAD. Nous avons poursuivi l’analyse de ces exigences, et cela a donné lieu aux annonces récentes sur l’accroissement de notre capacité de surveillance, de commandement et de contrôle, de réaction aux menaces, d’infrastructure et, comme je l’ai dit dans ma déclaration préliminaire, aussi de recherche et développement.

Une partie de ces nouveaux investissements vont donner suite à ce qui est déjà en cours. Par exemple, cela comprend l’acquisition d’armes de pointe supplémentaires pour notre capacité future en matière d’avions-chasseurs. Il y a aussi des investissements dans les capacités satellitaires pour lesquels on vient tout juste de lancer des projets, avec toutes les analyses que cela suppose, toutes les analyses des options, pour déterminer la meilleure voie à suivre. Ce sont des projets qui vont se dérouler sur un certain nombre d’années.

Pour ce qui est des montants précis attribués à chacun, chaque investissement est soumis aux processus habituels de gouvernance, avant que l’accès au financement soit accordé. Les fonds sont réservés dans le plan d’investissement. Nous devons faire ce qui s’impose avant de présenter une demande aux autorités pour pouvoir obtenir réellement les fonds. Au moment opportun du processus, il va y avoir une discussion sur les stratégies d’acquisition qui, à terme, permettront de livrer la capacité. Certaines des dépenses auront lieu dans un certain nombre d’années.

La sénatrice Dasko : Sur combien d’années s’échelonne le plan de dépenses?

M. Crosby : Pour les 38,6 milliards de dollars, c’est sur 20 ans selon la comptabilité d’exercice.

La sénatrice Dasko : Selon la comptabilité d’exercice. Cela se fait aux diverses étapes de la mise en œuvre?

M. Crosby : C’est exact.

La sénatrice Dasko : Une question a été soulevée durant notre voyage dans l’Arctique. Il y a énormément de préoccupations à l’égard des activités de la Russie dans l’Arctique, concernant ce que ce pays fait, et les raisons pour lesquelles nous devrions être préoccupés et devrions investir davantage. Par ailleurs, comme on l’a aussi laissé entendre — comme cela a été dit, en vérité — la Russie est tellement préoccupée par l’Ukraine qu’elle consacre effectivement moins de temps à l’Arctique. C’est aussi quelque chose que j’ai entendu dire. Je me demandais si vous pouviez me dire quoi que ce soit à propos des activités de la Russie dans l’Arctique. Y en a-t-il plus, moins, autant ou est-ce différent?

M. Crosby : Monsieur le président, honorables sénateurs, je pense que le mieux serait probablement de poser cette question aux témoins de la deuxième partie de la réunion d’aujourd’hui.

[Français]

Le vice-président : Avant de passer au deuxième tour, j’aimerais revenir sur les propos du sénateur Boisvenu. Pour votre information, cela fait plus de 10 ans que je siège au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants et je me rappelle qu’il y a environ cinq ans, on avait soumis un rapport pour le renouvellement de l’équipement de l’armée. On parlait à ce moment-là d’hélicoptères Griffon, de sous-marins, des fameux F-18 et des frégates. Je ne sais pas ce qui est arrivé au rapport. Je suis toujours un peu surpris par les délais qui séparent les promesses des ministres et du premier ministre à nos forces armées et la réalisation de ces promesses.

On dirait qu’il y a quelqu’un, quelque part, qui fait du ralentissement, et je ne blâme personne. Quelle est la principale cause des retards dans le cheminement d’un projet? On nous avait dit : on va acheter de vieux F-18 de l’Australie pour réparer les F-18 qu’on a au Canada, en attendant d’avoir les F-35.

Depuis que je suis au Sénat, ça fait 11 ans, on parle d’études sur les F-35; je pense que les études auront coûté plus cher que les F-35. Pourquoi y a-t-il un ralentissement? Est-ce que c’est la politique? Est-ce que ce sont les budgets? Est-ce que ce sont les militaires ou est-ce que des gens sont chargés du dossier, mais ne peuvent pas aller plus vite? Depuis 10 ans, oui, je comprends que des efforts sont déployés, mais dans toutes nos recommandations, dans notre rapport — je me rappelle avoir dit à un journaliste qui m’avait demandé : si je croyais qu’on allait tenir compte de mon rapport que j’espérais qu’il ne serait pas tabletté.

Je comprends qu’il y a certains investissements qui ont été faits, mais pourquoi cela ralentit-il nos alliés et nous-mêmes? On a l’obligation de fournir 2,2 % du PIB pour être en accord avec nos alliés, entre autres les États-Unis.

Pourquoi est-ce si long? Sans que l’on soit blâmés par nos alliés, je crois que l’Arctique devient très important. Pouvez-vous m’expliquer ce qui cause ces retards?

[Traduction]

M. Crosby : Je pense que M. Page va vouloir ajouter quelque chose à ce sujet.

Je vais commencer avec la politique Protection, Sécurité, Engagement, qui précise non seulement ce que nous avons besoin d’accomplir pour les acquisitions, mais en plus nous oriente quant à nos priorités. Nous avons accompli, comme vous l’avez reconnu, des progrès dans un très grand nombre de ces projets, et j’en ai énuméré quelques-uns en réponse aux questions précédentes, mais il s’agit de longs projets qui prennent beaucoup de temps. Je le reconnais. C’est extrêmement complexe. Cela ne se résume pas à une pièce d’équipement, à un aéronef ou à un véhicule qu’on obtient au bout de la chaîne d’approvisionnement. Nous devons livrer l’infrastructure, et mon collègue, M. Chambers, fait partie du processus, pour l’armement, pour l’intégration, pour la formation et pour les publications. Nous devons penser à toute la capacité, de A à Z, avant même de publier un appel d’offres.

Nous consultons toujours énormément l’industrie dans le cadre de ce processus, pour déterminer la meilleure façon de procéder, puis nous lançons habituellement un processus concurrentiel, avec un appel d’offres. L’industrie a besoin de temps pour répondre. Comme je le dis, c’est complexe. L’industrie s’expose quand même à un certain risque qu’elle doit comprendre avant d’embarquer dans un projet.

Quand nous sommes rendus à l’étape de la mise en œuvre, il peut falloir des années — selon la complexité du projet — pour livrer la capacité et la déclarer opérationnelle, même s’il s’agit de la capacité initiale, puis, au bout du compte, de la pleine capacité opérationnelle, à terme. Nous sommes en train de réaliser, comme je l’ai dit plus tôt, 72 projets actuellement dans le groupe.

J’ai peut-être créé une certaine confusion dans l’esprit de quelques-uns des sénateurs ici présents. Mon organisation s’occupe surtout de l’équipement : les véhicules, les aéronefs, les navires, l’équipement personnel pour les soldats, et d’autres choses du genre. Il y a une autre organisation qui est responsable des communications satellitaires et des projets de type GI ou TI. Voilà pourquoi j’ai peur de ne pas pouvoir répondre à votre question autant que vous l’auriez espéré, même si les processus sont fondamentalement très similaires.

Je ne sais pas si M. Page a quelque chose à ajouter.

[Français]

Simon Page, sous-ministre adjoint, Approvisionnement maritime et défense, Services publics et Approvisionnement Canada : À Services publics et Approvisionnement Canada, on reçoit les demandes des ministères, de clients comme la Défense nationale, comme c’est le cas pour M. Crosby de la Garde côtière et pour M. Smith, plus tard, et on transforme cela en processus d’approvisionnement

Ces processus d’approvisionnement sont complexes et on veut faire un bon travail. Il y a trois piliers à considérer dans chaque processus. Ces piliers sont les piliers de la performance, qui viennent du client, après ça, on a un pilier optimisation des ressources, ce qu’on appelle value for money.

Donc, on veut bien faire les choses et avoir un bon résultat par rapport à l’argent investi, et on veut prendre en considération ce qui se passe dans notre industrie, au Canada. Le troisième pilier repose sur les retombées économiques pour le Canada, sur les plans industriel et technologique. Souvent, dans le cadre des gros projets d’acquisition, ça inclut une proposition de valeur. Il faut équilibrer tout cela.

Si on regarde un projet d’une complexité comme celle du combat de surface canadien, le Canadian Surface Combatant, ou les jets qu’on achète présentement, c’est très complexe, alors on veut bien faire les choses. On commence avec un appel d’offres qui est une ébauche, on demande à l’industrie de nous donner une rétroaction sur ces appels d’offres, et après ça, on consulte de nouveau, puis on a d’autres critères à considérer après cette consultation. Éventuellement, on publie un appel d’offres et il faut donner assez de temps pour répondre. Souvent, l’industrie nous demande plus de temps pour répondre à l’appel et ajouter à celui qu’on a déjà alloué. Ensuite, il faut faire l’évaluation; on parle de millier de critères qui doivent être évalués un par un, d’une manière très méthodique et très minutieuse. Donc, c’est beaucoup de travail.

Je pense qu’en général, les processus vont bon train et il s’agit juste de bien les faire. Si on les réalise bien, les choses sont faites dans des échéances que je trouve personnellement acceptables. En ce qui a trait à l’appel d’offres pour le futur jet canadien, on parle d’un appel lancé en 2019, on est en 2022 et on approche de la conclusion, en ce moment. Je regarde ça d’un point de vue général et je trouve qu’en ce qui concerne le rendement du processus, cela donne quand même un bon résultat.

Le vice-président : Depuis que je suis arrivé au Sénat, on parle des F-35; pour les quelques années qu’il me reste au Sénat, est-ce que vous pensez que je vais voir un F-35 avant de prendre ma retraite?

Le sénateur Boisvenu : Pas plus que vous n’allez voir un sous-marin.

Le vice-président : Je vous remercie.

Le sénateur Boisvenu : Je pense que la plus grande contrainte des Forces armées canadiennes c’est la bureaucratie canadienne. On a vu les Russes et la Chine renouveler leur flotte marine et aérienne en un temps record. Lorsque vous parlez de processus, je pense que vous parlez de bureaucratie. Alors, dans un monde en évolution aussi rapide qu’on a actuellement, avec des défis énormes devant nous, tout retard à suivre le pas de ce que l’on peut appeler les gens qui représentent une menace pour notre sécurité — si on n’est pas capable de se renouveler en un temps record, nous allons toujours être en retard; toujours.

La question que je vous pose, c’est qu’on avait de futurs navires de soutien interarmées, entre autres, le MV Astérix qui devait être livré au début des années 2000. On apprend qu’ils seront livrés en 2025 ou peut-être plus tard. Pourquoi avoir une planification qui dit qu’en 2020, les navires seront livrés, alors qu’on apprend que ce sera seulement en 2025?

Je ne crois pas que les forces armées ont changé assez de critères pour entraîner des retards de dix ans dans la livraison de navires.

Est-ce qu’on va avoir la capacité, comme pays, de se doter de processus légers, le moins complexe possible, pour faire en sorte que lorsqu’on est devant une menace, on puisse réagir rapidement? Avons-nous cette capacité? Je pose la question à des fonctionnaires. Moi, ce que j’entends des Forces armées canadiennes, et j’y ai beaucoup d’amis, c’est que la bureaucratie fige nos forces armées.

[Traduction]

M. Crosby : Nous avons prouvé que nous avons la capacité d’être très rapide quand les exigences opérationnelles l’exigent. Pour prendre l’exemple des dons qui ont été faits à l’Ukraine, je pense que les gens de la Défense nationale et ceux qui ont travaillé là-dessus ont agi très rapidement pour faire en sorte que l’équipement puisse être livré en quelques jours. Lorsqu’il est question de notre processus habituel d’acquisition...

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Je vous arrête là. Ce que j’ai su par rapport à ce qu’on a donné à l’Ukraine, c’est qu’on a vidé nos entrepôts d’équipements dont on ne se servait pas, qui étaient désuets. Oui, il y a eu des armes qui étaient à la fine pointe, mais on en a profité pour renouveler nos stocks. Oui, on a réagi rapidement en ce qui concerne l’Ukraine, mais ce qu’on lui a envoyé, ce n’étaient pas des matériaux que l’on avait construits, c’est ce qu’on avait en stock.

[Traduction]

M. Crosby : Un exemple d’équipement qui n’était pas dans notre inventaire et pour lequel nous avons réussi à passer un contrat rapidement, puis à recevoir l’équipement, est celui des caméras pour drones, comme vous le savez déjà tous, j’en suis sûr. Je reconnais qu’il s’agit d’équipement exceptionnel et que les circonstances étaient exceptionnelles, et que nos processus sont habituellement longs et ardus.

S’il y a un enjeu sur lequel nous devons nous concentrer, et sur lequel nous sommes en train d’axer nos efforts présentement, c’est la question de savoir — j’en ai parlé plus tôt — comment nous pouvons assurer la continuité de nos opérations, compte tenu de l’obsolescence émergente des plateformes, des aéronefs, des véhicules et des navires qui sont présentement en service? Ce n’est pas un enjeu qui attire suffisamment l’attention, honnêtement, parce que les projets n’en tiennent pas toujours compte. Nous avons accès à des fonds, dans le cadre de notre plan d’investissement, qui permet à nos gestionnaires de capacité de cerner les problèmes liés à l’obsolescence qui vont survenir, cela en consultation avec les services opérationnels, lesquels sont chargés de définir les exigences et de s’assurer que les investissements sont faits en temps opportun. Je pense que nous pouvons faire mieux à ce chapitre. Je le crois vraiment. Lorsque nous devons acquérir un bâtiment de combat de surface qui sera en service pendant 30, 40 ou 50 ans, nous devons honnêtement nous assurer d’être prudents, vu les conséquences.

[Français]

La sénatrice Audette : Monsieur Page, j’ai une question parfaite ou un commentaire parfait. Au sujet de vos piliers, pouvez-vous nous répondre par écrit à savoir si une compagnie autochtone aimerait — pas faire des avions —, sur le terrain, proposer son expertise ou son entreprise, quelles seraient les barrières qui feraient qu’elle ne serait pas choisie, parce que le rendement n’est pas au rendez-vous, parce qu’elle est jeune ou nouvelle, ou qu’elle n’a pas le même chiffre d’affaires qu’une multinationale ou une grosse compagnie du Sud?

M. Page : Je vais répondre très rapidement en sachant qu’il y aura des suivis. Il y a des efforts très concrets à l’intérieur du gouvernement qui sont faits en matière d’approvisionnement autochtone, y compris dans le portefeuille de la défense et de la marine. Ce n’est pas le portefeuille idéal pour l’approvisionnement autochtone, mais il y a des efforts concrets qui sont déployés et il y a des résultats qui s’ensuivent. Merci.

[Traduction]

La sénatrice M. Deacon : Une dernière chose à ajouter au sujet des piliers et de la stratégie dont vous avez parlé. Clairement, c’est quelque chose de complexe, comme vous l’avez un peu expliqué. Pendant que ces travaux sont en cours — et c’est un cas d’approvisionnement à son meilleur — à quoi ressemble votre situation, et est-ce que vous regardez ce que fait le reste du monde? Par exemple, y a-t-il des projets menés en partenariat? Y a-t-il des projets sur lesquels nous devrions, selon vous, aller de l’avant stratégiquement, compte tenu de notre présence en Amérique du Nord? À quoi ressemble la situation quand vous regardez à l’extérieur de notre pays, à l’étranger, en ce qui concerne les données collectives que vous avez sur l’approvisionnement? Si vous pouviez nous donner des détails là-dessus, je vous en serais reconnaissante.

M. Page : Merci de la question. Je pense que c’est une excellente question, parce que cela concerne la Stratégie d’approvisionnement en matière de défense, laquelle fait intervenir trois ministères : ISDE, le ministère client — disons le MDN, dans ce cas-ci — et nous, SPAC.

Dès qu’on nous fait part d’une exigence spécifique, nous avons une discussion précise sur cette exigence, pour déterminer comment se fera complètement l’approvisionnement et quelle serait la meilleure approche. Parfois, quand il s’agit d’un partenariat, cela sera décidé à l’avance. Peut-être qu’il y a un partenariat ou un consortium avant qu’un projet ne nous soit confié. Mais c’est pour cette raison que les trois piliers sont si bien équilibrés : qu’est-ce que le Canada peut faire, quel est le rendement souhaité par le client, et quelle est la meilleure stratégie d’approvisionnement pour regrouper les trois? Parfois, nous allons penser à un partenariat, parfois à une solution à l’intérieur du pays, et parfois ce sera un grand concours ouvert et transparent.

Le sénateur Richards : Je vais garder mes questions pour les prochains témoins. Donc vous êtes tiré d’affaire. Je voulais simplement vous dire à quel point j’admire les Forces armées canadiennes et les hommes et les femmes qui y servent. Si le débat s’est un peu enflammé, c’est probablement à cause de ça.

[Français]

Le vice-président : Nous arrivons à la fin de notre premier panel, messieurs Crosby et Chambers. Je vous remercie d’avoir pris le temps de venir nous rencontrer.

Nous allons suspendre la séance quelques instants afin de permettre au vice-amiral Topshee, au lieutenant-général Kenny et au lieutenant-général Paul de participer à la rencontre.

Merci d’être restés avec nous, messieurs les commandants. Nous allons continuer la période des questions avec le sénateur Richards.

[Traduction]

Le sénateur Richards : Merci d’être ici, messieurs.

Nous vivons au nord d’un monolithe militaire, et je me demande si cela contribue parfois au sentiment — dans la population, peut-être pas dans les forces armées — d’indifférence à l’égard de nos seules dépenses militaires et de ce que nous devons peut-être faire pour protéger notre propre territoire. Est-ce que cela donne parfois l’impression que, parce que les États-Unis sont notre plus grand allié, nous n’avons pas vraiment besoin de nous préparer à protéger notre territoire dans le Nord, ou en mer ou n’importe où ailleurs? Je me demandais simplement si vous croyez que cela nuit à l’engagement canadien.

Vice-amiral Angus Topshee, commandant, Marine royale canadienne, ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes : Merci beaucoup de la question.

Je vais céder la parole à mon collègue de la force aérienne, pour qu’il vous parle du NORAD dans un instant, mais parce qu’il est entouré de trois océans et des États-Unis au sud, le Canada est un pays privilégié. Nous en sommes reconnaissants, mais nous gardons à l’esprit le fait que le monde est dangereux, et que c’est notre travail de nous préparer aux menaces potentielles futures, en plus de celles qui existent aujourd’hui. Même si notre situation géographique est relativement bonne, sur le plan stratégique, cela ne change rien au fait que les menaces peuvent tout de même nous viser et nous atteindre dans n’importe quel des domaines de guerre. Nous sommes aussi très conscients des menaces qui existent dans l’univers cybernétique et dans l’espace. Je pense que le NORAD, particulièrement, est l’une des choses qui nous aident.

Lieutenant-général Eric Kenny, commandant, Aviation royale canadienne, ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes : Merci de la question. C’est une très bonne question.

Au sujet du NORAD, comme vous le savez, il s’agit du seul commandement binational au monde où deux pays ont accepté de collaborer à la mission d’alerte aérospatiale, de contrôle aérospatial et d’alerte maritime, cette dernière étant la plus récente, en 2006. En tant que commandant de l’Aviation royale canadienne, j’estime que le Canada a l’obligation de générer les capacités nécessaires pour maintenir sa connaissance du domaine et ses capacités de contrôle aérospatial, et aussi de travailler avec le commandant de la marine relativement à l’alerte maritime. Nous demeurons fermement résolus à nous assurer, d’abord, d’avoir les capacités voulues pour protéger le Canada, conformément à la politique Protection, Sécurité, Engagement, et ensuite, de collaborer avec les États-Unis. Parallèlement, je pense que c’est très important que nous demeurions interopérables avec notre plus proche allié, les États-Unis, pour veiller à ce que nous puissions accomplir cette mission avec synchronisme et dans le respect des exigences canadiennes.

Le sénateur Richards : Merci.

Nous avons parlé aujourd’hui des Russes, de leurs intentions dans le Nord et de leur proximité du Canada. Je me demandais si nous avions les mêmes préoccupations à propos des Chinois, qui font maintenant des incursions pour cartographier les fonds océaniques du Nord. Gardons-nous un œil sur la situation, et savons-nous quelles sont leurs intentions? Parce que je doute que leurs intentions soient entièrement dans l’intérêt du Canada.

Vam Topshee : Merci de la question.

Les activités les plus importantes de la Chine dans l’Arctique canadien ont été le passage du Xue Long, l’un de leurs navires de recherche arctique, dans le passage du Nord-Ouest, il y a quelques années. Je souligne cependant que, quand le navire est entré dans nos eaux, il a demandé notre permission, et nous la lui avons accordée. Il y avait des scientifiques à bord, et le pilote des glaces était un amiral canadien à la retraite, et c’était lui qui était responsable de la navigation dans nos eaux.

D’une certaine façon, il existe un régime réglementaire robuste qui oblige les navires et les gens qui entrent dans nos eaux arctiques à se conformer à notre réglementation, qui les oblige à préserver l’environnement et à faire en sorte que leur présence ne crée pas de préjudice. Bien sûr, nous accordons beaucoup d’attention au fait que la Chine s’est qualifiée d’État quasi arctique — une déclaration étrange, de notre point de vue —, et nous savons qu’elle s’intéresse aux ressources potentielles du Nord, et nous surveillons donc la situation de très près.

Le sénateur Richards : Merci beaucoup.

Le sénateur Boehm : Merci beaucoup d’être avec nous.

J’ai posé une question aux témoins précédents, et on m’a encouragé à vous la poser, plutôt, alors je vais la poser de nouveau. Cela concerne la connectivité dans l’Arctique. Pendant notre voyage, nous avons remarqué qu’il y a des problèmes et des écarts gigantesques. Ailleurs, nous avons bien sûr, au Sénat, voté des crédits dans les divers budgets pour améliorer l’infrastructure de connectivité. La question que je pose est plutôt simple : est-ce que l’absence de connectivité est une préoccupation en matière de sécurité nationale? Dans le cadre de vos opérations, êtes-vous capable de travailler avec ce que vous avez présentement? Devez-vous peut-être dépendre davantage de nos partenaires américains que vous ne l’aimeriez? Est-ce que cela menace la capacité d’intervention que vous devriez avoir?

Lgén Kenny : Merci de la question.

Comme vous le savez, nous menons des opérations dans l’Arctique depuis longtemps. Les communications demeurent un défi là-bas, que ce soit l’Internet ou les autres formes de communication. Les forces armées, dans le contexte de la défense nationale, ont étudié des solutions pour accroître notre capacité en matière de connectivité. En tant que commandant de l’Aviation royale canadienne, l’une de mes priorités consiste à s’assurer que nous pouvons mener nos opérations partout dans le monde, et idéalement de façon ininterrompue. Nous n’utiliserons pas toujours l’Internet, par exemple, ou du moins nous utilisons différents mécanismes, par exemple le 4G, le 5G, les communications satellitaires, les communications terrestres ou la fibre optique.

Pour ce qui est de nos emplacements d’opérations avancés, nous avons développé des capacités en travaillant avec les cantons locaux, les municipalités et les territoires précisément pour accroître la capacité de la bande passante, mais cela continue d’être un défi. À mesure que nous progressons avec la modernisation du NORAD, une partie du volet de financement sera utilisée pour soutenir l’infrastructure et notre structure de GI et TI, et dans la plupart des cas, dans l’Arctique, cela comprendra des solutions satellitaires. Nous devons tenir compte du fait que nos fournisseurs commerciaux perfectionnent rapidement leurs capacités dans l’espace; ils commencent à lancer cela. Nous ne devons pas nous limiter à des solutions qui utilisent des satellites militaires; nous devons plutôt regarder ce que l’industrie peut faire, que ce soit au Canada ou dans le monde entier, pour nous fournir la connectivité dont nous avons besoin. Nous concluons des partenariats avec l’industrie et avec nos alliés, et nous examinons aussi quelles capacités militaires précises pourraient nous permettre, surtout en temps de conflit, d’être certains d’avoir un avantage opérationnel.

Le sénateur Boehm : Voulez-vous parler des pratiques exemplaires dans d’autres pays du Nord et de l’Arctique? La Suède et la Finlande vont rejoindre l’OTAN. La Norvège a une longue tradition de disponibilité et de capacité opérationnelle dans ses archipels plus au nord. Est-ce que cela fait partie des discussions, à mesure que le renouvellement du NORAD prend forme?

Lgén Kenny : Merci de la question.

Le chef d’état-major de la Défense a récemment assisté au forum des chefs d’état-major de l’Arctique. La Russie ne faisait pas partie de la discussion. Lors de ces forums, ils ont discuté de la façon d’améliorer la collaboration dans l’Arctique. Je devrais m’en remettre à lui en ce qui concerne la teneur des discussions.

Je travaille avec mes homologues chefs de l’Aviation, comme vous venez de le dire — justement dans ces pays — pour trouver des façons d’améliorer la collaboration. En tant que membre de l’OTAN et pour travailler avec nos partenaires au sein de l’OTAN, nous devons effectivement adopter une approche holistique. Il y a toujours des leçons que nous pouvons échanger entre nous et des façons d’apprendre les uns des autres. Nous nous intéressons aussi à ce que les partenaires de l’industrie commerciale dans ces pays pourraient fournir. À mesure que nous avançons, nous allons en tirer parti lorsque c’est logique.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Bienvenue à nos témoins des Forces armées canadiennes. J’ai aussi une très grande admiration pour le travail que vous faites. Je suis conscient que les défis que le pays doit relever pour vous offrir les meilleures capacités d’intervention sont énormes. On a de grands retards à combler et je pense qu’on a une obligation, en tant que pays, de répondre à vos attentes. C’est ma principale préoccupation.

Même si je n’ai pas visité toutes les communautés, le premier constat que je peux faire à la suite de mon séjour dans le Nord est l’absence de nos forces armées. À part avoir vu un F-18 et la garde côtière, j’ai l’impression qu’on n’occupe pas ce territoire sur le plan militaire. Je comprends que c’est différent plus au sud — je pense à Yellowknife, où on a des structures plus imposantes, plus permanentes —, mais lorsqu’on arrive sur la mer Arctique, on est complètement absent alors qu’on voit que de l’autre côté, on assure une présence beaucoup plus grande. Je sais qu’on ne se fera pas attaquer demain matin par les Russes, mais comme occupation militaire — et non seulement civile — du territoire, cela me préoccupe beaucoup.

Je comprends que vous êtes entre l’arbre et l’écorce. Il y a un travail politique et un travail de réflexion militaire à faire.

Lorsqu’on achète un avion, on comprend que ce n’est pas le militaire, mais la bureaucratie qui va procéder à l’achat. Est-ce que le lien avec la bureaucratie est efficace au point où l’on relèvera à court terme les défis auxquels nous faisons face — quand je parle de court terme, je parle d’une décennie — ou est-ce qu’on y répondra à long terme — et là, je parle de deux à trois décennies?

Est-ce que notre structure de décision — militaire, civile — est adéquate pour 2022, pour répondre à ces besoins qui m’apparaissent urgents et extrêmes?

Vam Topshee : C’est vrai que l’approvisionnement, c’est frustrant parfois, mais je crois que la bureaucratie est composée de bonnes personnes qui font de leur mieux pour répondre à nos besoins.

Le sénateur Boisvenu : J’en suis convaincu. Je ne vise pas les hommes, je vise les processus.

Vam Topshee : C’est difficile parce que les dépenses se comptent en milliards de dollars. Pour accueillir des capacités pour les Forces armées canadiennes, il faut que l’on dépense cet argent d’une façon prudente qui bénéficiera au Canada et qui me permettra, en même temps, d’acquiescer aux demandes que j’ai comme commandant de la marine. M. Page a donné une excellente réponse sur la façon de trouver l’équilibre entre ces différents objectifs.

Le sénateur Boisvenu : [Difficultés techniques], du monde, au Canada. Je pense à la capacité de la Davie, je pense à Vancouver, je pense aux Maritimes. Est-ce que c’est normal qu’il y ait eu un plan de révision de la marine dans les années 2010, et que l’on soit encore si peu équipé en 2022? On attend encore des navires qui auraient dû être livrés il y a cinq ou six ans.

Vam Topshee : Absolument; le problème, c’est qu’on avait établi un processus de boom and bust. On a construit toutes les frégates qu’on utilise aujourd’hui. On a construit les vaisseaux côtiers, on a construit une flotte pour la Garde côtière canadienne, et ensuite, on a arrêté de construire des navires. Construire un navire de guerre est quelque chose de très complexe.

Maintenant, au chantier naval d’Irving, on fait un très bon travail pour construire les quatrième, cinquième et sixième vaisseaux pour l’Arctique. Toutefois, le premier qui a été construit était un défi. C’était vraiment difficile d’établir toutes les bonnes méthodes de production pour s’assurer que la qualité soit là. Irving a beaucoup appris pendant ce projet.

Au même moment, sur la côte Ouest, à Seaspan, on avait le même problème : déterminer comment construire les navires pour la garde côtière et ensuite, des navires d’approvisionnement pour la marine; on a beaucoup appris, mais ça prend du temps.

Le sénateur Boisvenu : Je comprends. C’est un peu comme pour le coronavirus, on a construit un avion en plein vol.

Vam Topshee : Exactement, et maintenant, on a la possibilité de construire des navires. C’est la meilleure préparation pour construire les navires de combat de surface pour le Canada.

Je suis certain que l’on continuera à développer et à perfectionner nos processus afin de pouvoir construire la flotte dont le Canada a besoin, mais c’est frustrant parce que ça prend beaucoup de temps.

Le sénateur Boisvenu : Est-ce que le chantier Davie à Québec est opérationnel à sa pleine capacité?

M. Page : Avant d’aborder ce sujet, j’aimerais apporter un complément à la réponse du vice-amiral Topshee. On ne se cachera pas qu’on fait face à la bureaucratie. Ce qu’on fait quand on mène un processus de sollicitation, c’est un processus bureaucratique, il n’y a aucun doute, et ce processus doit être bien exécuté.

Le navire de combat canadien est une collection de plus de 200 systèmes sur un navire intégré, prêt pour le combat. On ne fait pas la conception d’un tel navire du jour au lendemain. Il faut tenir compte de l’ampleur du problème, il faut comprendre l’ampleur de la situation.

Grâce à la Stratégie nationale de construction navale, le Canada s’est positionné avec deux partenaires stratégiques en vue de faire des investissements à long terme, ce qui va nous permettre d’éviter ce que l’amiral décrivait, soit le fameux boom and bust qu’on a connu dans les années précédentes. On est dévoué à ces chantiers, à long terme; dans le cas de la côte est, au chantier Irving, ce sera pour 30 ans.

Le sénateur Boisvenu : Ai-je quand même raison de croire que des pays comme la Russie et la Chine ont des processus qui semblent plus courts? La Chine a renouvelé sa flotte navale en un temps record. Je suis convaincu qu’ils doivent avoir des technologies d’avant-garde.

M. Page : Nos chantiers navals ont pris beaucoup de maturité depuis le début de la stratégie nationale. Ils ont besoin de prendre encore plus de maturité. On s’attend à de meilleures performances, mais on n’atteindra probablement pas, avec nos chantiers au Canada, le rendement que connaissent les chantiers sud-coréens ou des pays scandinaves. On n’est pas encore rendu à ce stade. On avait un élan avant la COVID. Il faut se reprendre, mais il n’y a aucun doute qu’à un moment donné, on devrait être assez performants pour produire des navires à une bonne cadence.

Pour ce qui est de votre dernière question au sujet du troisième chantier, il y a une bonne quantité de travail qui se fait en ce moment. Il y avait un projet de conversion pour les brise-glaces moyens de la Garde côtière canadienne. Il y a un travail d’entretien de radoub sur la classe Halifax et il y a aussi le projet des traversiers pour Transports Canada.

Le sénateur Boisvenu : Est-ce que le navire Obélix est commencé?

M. Page : Non, le navire Obélix n’est pas considéré.

Le sénateur Boisvenu : Merci beaucoup.

La sénatrice Audette : Avez-vous déjà lu le livre La casquette de mon père, écrit par des Innus du Labrador sur l’impact qu’ont eu les vols à basse altitude? Je vous encourage à le lire; l’histoire est touchante. Est-ce qu’on continue à voler dans ces territoires? Si c’est le cas, quelles sont les relations avec les Innus?

Lgén Kenny : Je n’ai pas encore lu le livre. Dans des endroits comme Goose Bay, nous avons beaucoup de discussions. Nous travaillons fort pour créer un dialogue transparent et ouvert. Oui, il y a toujours des vols. La plupart du temps, nous essayons de tenir des consultations et des discussions à l’avance si les vols ont lieu près de ces régions, mais ce n’est pas toujours le cas. Quand un des alliés vient pour faire des entraînements, il est important de travailler avec la province ou le territoire et les communautés locales pour s’assurer que tout le monde sait que nous voulons effectuer des entraînements, et nous prenons leurs besoins en considération pour nous assurer que tout est fait avec respect.

[Traduction]

La sénatrice M. Deacon : Merci d’être ici aujourd’hui pour répondre à nos questions.

J’ai réfléchi à une question très fonctionnelle et pratique. Je m’intéresse énormément aux phares, et au rôle que les phares ont joué et jouent toujours. J’ai lu qu’il est devenu constamment difficile de trouver du personnel pour ces postes éloignés, pour des raisons liées aux salaires et au moral. Ce qui me préoccupe, c’est que maintenant que la saison navigable s’allonge dans la région arctique, les navires et les navigateurs vont avoir de plus en plus besoin que du personnel s’occupe de ces stations, vu leur importance pour la navigation et aussi compte tenu du fait qu’ils sont les premiers qui peuvent vraiment voir quand il y a des ennuis, des défis et des problèmes.

Je me demandais ce que la Garde côtière faisait présentement de ce côté-là, pour régler la situation. Pouvez-vous d’ailleurs me dire si c’est bien autant une préoccupation que je le crois? Y a-t-il des façons de rendre ces postes plus attrayants, ou alors une option serait-elle l’automatisation et l’utilisation d’une technologie?

Vam Topshee : Merci beaucoup de la question.

Je vais céder la parole à la Garde côtière, qui pourra vous donner des réponses précises à propos des problèmes de dotation pour les phares, mais pour avoir parlé avec un marin comptant 30 ans d’expérience en mer, je dirais que les phares sont d’une aide absolument essentielle à la navigation. À notre époque, nous ne savons jamais quand quelqu’un va peut-être essayer de perturber un système mondial de positionnement ou d’autres formes d’aide à la navigation, alors la capacité de voir quoi que ce soit sur les côtes est très utile, pourvu que la visibilité le permette. Les phares peuvent être automatisés dans de nombreux cas, alors la valeur qu’ajoute une personne là-bas pour la capacité d’intervention est surtout liée à la recherche et sauvetage. Entre le commandant de l’aviation et la Garde côtière et les commandants des opérations de recherche et de sauvetage sur les deux côtes, nous réfléchissons toujours à des moyens de nous assurer que nous sommes aptes à intervenir, sur l’une ou l’autre des côtes, pour aider les Canadiens en difficulté.

La sénatrice M. Deacon : Donc, l’automatisation est un gros morceau de la solution, pourvu qu’il y ait des gens pour s’occuper des aspects liés à la recherche et au sauvetage.

Vam Topshee : Il existe de nombreux systèmes aujourd’hui qui peuvent nous aider à automatiser les interventions, par exemple en envoyant un signal de détresse. Le champ de vision d’un phare est très limité. J’adore l’histoire et j’adore les phares. Si on avait les moyens d’affecter des gens dans chaque phare, j’aimerais vraiment le faire, mais puisque nous voulons optimiser les ressources du gouvernement du Canada, l’automatisation est vraiment très avantageuse. Il y a d’autres façons de veiller à la sécurité des gens dans ces régions.

La sénatrice M. Deacon : Merci de votre réponse.

Juste pour aborder un autre aspect des communications, et aussi pour donner suite à ce que disait mon collègue, le sénateur Boehm, je m’intéresse à une autre composante de l’infrastructure des communications dans le Nord, plus précisément les câbles sous-marins. Dans les témoignages précédents, nous n’avons cessé d’entendre que la Russie et la Chine sont en train de mettre au point des systèmes pour sectionner les câbles et pour saboter cette partie de notre travail, pour rompre nos communications. Dans quelle mesure êtes-vous au courant de cela? Pouvez-vous nous dire ce que vous faites pour détecter ou contrer de telles menaces contre nos câbles souterrains?

Vam Topshee : C’est une préoccupation, tout à fait. Nous surveillons de près les capacités de la marine russe, surtout en ce qui concerne les câbles sous-marins. Par rapport à cela, nous nous assurons tous ensemble, nos alliés et nos partenaires, d’être vigilants pour nous assurer que nous savons ce que les Russes font, dans la plus grande mesure du possible. Dans le cadre du mandat de la mission d’alerte maritime du NORAD, nous devons savoir chaque fois qu’un intrus pénètre dans nos eaux ou près des endroits où il pourrait mettre en danger les câbles. Nous avons une capacité de surveillance des câbles aussi. Si on croit qu’il y a une menace précise pour les câbles, alors nous allons proposer des options d’intervention.

La sénatrice Dasko : J’aimerais revenir à ma question précédente sur la Russie, et peut-être la formuler un peu plus généralement. Le Nord de la Russie semble être beaucoup plus développé que le nôtre, pour ce qui est de l’exploitation des ressources, des centres de population, et cetera. Pouvez-vous nous décrire leurs forces, d’un point de vue militaire? Est-ce leur force terrestre, aérienne ou maritime? Est-ce que leur force tient à la technologie ou à leur formation? Je voulais juste faire une observation. Regardez ce qui se passe en Ukraine présentement, il semble que les militaires russes ne sont pas bien entraînés et qu’ils ne sont pas motivés. Même quand vous avez de bonnes ressources et une bonne technologie, si vous n’êtes pas bien entraîné ou motivé, cela ne sert à rien. Je pense que ce serait l’une des façons dont j’interpréterais leur faiblesse. C’est un aparté. Malgré tout, quelles sont leurs forces, surtout dans le Nord, puisque nous parlons de l’Arctique?

Lgén Kenny : Je vais céder la parole à mes collègues s’ils le souhaitent, ou s’ils veulent ajouter des détails à mon témoignage. Merci de la question.

Monsieur le président, comme on le constate présentement par rapport à l’Ukraine, la Russie est en train d’essuyer de nombreuses défaites. Je pense que nous devons être prudents et éviter d’en tirer des conclusions à l’égard de leurs capacités globales. La Russie a des capacités dans le domaine aérospatial, maritime et terrestre, qu’elle n’utilise actuellement pas en Ukraine. Un autre exemple : elle a aussi des armes nucléaires.

Donc, quelles sont les menaces pour nous? Présentement, il n’y a aucune menace immédiate, de notre point de vue, dans l’Arctique; nous ne risquons pas d’être attaqués demain ou dans un an, mais c’est tout de même quelque chose que nous surveillons de très près, parce que nous devons nous y préparer, pas seulement à cause de la Russie, mais aussi, dans l’avenir, à cause de la Chine, comme je l’ai dit plus tôt.

Quelles sont les capacités de ces pays? Une préoccupation pour le NORAD — le commandant du NORAD aurait dû vous en parler — concerne principalement les missiles de croisière modernisés et les missiles de croisière hypersoniques. Il y a aussi leurs capacités sous-marines, grâce à leurs sous-marins, et le commandant de la Marine pourra vous en dire davantage à ce sujet.

Nous priorisons la connaissance du domaine. Nous devons pouvoir détecter les menaces, si nous voulons pouvoir les décourager ou les neutraliser. Tant que nous n’avons pas une vue d’ensemble, nous ne pouvons pas, à cause de notre superficie et de notre géographie, contrer toutes les menaces qui existent. C’est pour cette raison que je suis heureux qu’on modernise le NORAD, parce que nous aurons des radars transhorizons qui contribueront dans une certaine mesure à la connaissance du domaine ainsi que des capacités satellitaires améliorées au cours des prochaines années, qui seront intégrées au système informatique de commandement et de contrôle, lequel sera aussi mis à niveau pour nos centres d’opération dans le secteur de la défense aérienne. Tout cela va s’aligner sur ce que nous considérons comme les technologies les plus avancées, y compris l’intelligence artificielle et l’apprentissage machine pour que notre connaissance du domaine assure la supériorité de notre renseignement, et idéalement, la supériorité de nos décisions. Mais pour cela, il faut du temps. Entretemps, nous avons de l’équipement et du personnel très compétent qui peut intervenir.

Je vais laisser la parole aux autres, s’ils veulent dire quelque chose.

Vam Topshee : Mon collègue de l’Aviation a très bien décrit la situation. Tout ce que j’ajouterais, c’est que les Russes ont pris grand soin de préserver leur capacité sous-marine. Leurs investissements priorisent leur capacité sous-marine, alors la flotte de sous-marins russes demeure l’une des plus fortes au monde. Nous surveillons bien entendu cette situation de très près.

[Français]

Lieutenant-général Jocelyn Paul, commandant, armée canadienne, Ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes : J’aimerais ajouter que du point de vue des opérations terrestres : je dirais que le domaine où les forces russes sur le territoire ukrainien se démarquent c’est probablement en matière d’engagement à longue portée.

J’aimerais rappeler aux gens qu’afin d’avoir une capacité militaire, vous devez être en mesure de bien mélanger trois choses : l’entraînement, l’équipement et les gens. Donc, nous devons nous assurer de ne pas nous concentrer, outre mesure, strictement sur l’équipement. Ce qu’on voit présentement sur le théâtre des opérations en l’Ukraine démontre clairement que même si vous êtes moins bien équipés, vous êtes en mesure de vous défendre et parfois même de faire des progrès, à condition d’être bien entraînés et bien dirigés.

[Traduction]

La sénatrice Duncan : Merci aux témoins d’être avec nous aujourd’hui.

Quand le sénateur Dagenais m’a présentée, il m’a appelée la sénatrice Duncan et je voulais ajouter que je suis une sénatrice du Yukon, pour vous donner plus de contexte.

J’ai énormément d’admiration et de reconnaissance, comme on l’a déjà dit, à l’égard de votre travail, et je suis aussi consciente que vous avez besoin de ressources. Nous avons un très grand pays à servir et à protéger. Le sénateur Richards a mentionné que nous semblons dépendre de nos voisins du Sud pour notre présence militaire, et on a aussi mentionné les côtes. Personne n’a parlé de la côte Ouest et de la côte Nord-Ouest, en particulier la frontière entre le Yukon et l’Alaska. Ce que j’aimerais vous demander, avant tout, c’est de nous donner plus de détails. Je suis très consciente, et reconnaissante, de la présence américaine en Alaska, y compris leurs F-35, qui sont beaucoup plus près que ceux de Cold Lake. Peut-être que le lieutenant-général Kenny pourrait nous parler de l’interopérabilité des ressources des forces aériennes canadiennes et américaines en Alaska, s’il vous plaît.

Lgén Kenny : Merci de poser la question.

Je suis en mesure de l’examiner du point de vue du NORAD, qui est, comme je l’ai décrit plus tôt, un commandement binational axé principalement sur le domaine aérien, ainsi que sur l’alerte maritime, comme vous l’avez entendu dire plus tôt.

Nous allons souvent en Alaska pour nous entraîner, et les États-Unis viennent également au Canada pour s’entraîner. Il y a des communications quotidiennes entre la région canadienne du NORAD et la région de l’Alaska du NORAD pour que nous puissions nous assurer que nous sommes étroitement alignés et que nous voyons la même image, en travaillant par l’intermédiaire du siège du NORAD à Colorado Springs.

Nous reconnaissons qu’ils ont maintenant des F-35 en Alaska. Ils utilisent leurs F-22 et, récemment, leurs F-16 pour accomplir la mission du NORAD. Ces F-35 ne sont actuellement pas utilisés pour cette mission du NORAD. Cependant, nous faisons une fois par année des exercices en Alaska, au cours desquels nous volons avec nos F-18 et nos F-35, ainsi qu’avec d’autres moyens, pour nous assurer de rester interopérables. Nous devons être conscients du fait que le F-35 fournit une capacité très particulière pour cette génération, souvent décrite de cette manière. Il y a de nombreux pays, y compris le Canada, qui continuent d’utiliser des F-18, des F-16 et des F-15 — ce que nous considérons comme des aéronefs de quatrième génération — et ils seront là pendant encore longtemps. Nous devons être en mesure de passer en douceur aux avions de chasse de quatrième et cinquième générations de manière transparente, car c’est ce qui sera là dans les décennies à venir, quelles que soient nos décisions finales concernant les futurs avions de chasse.

Je me rends compte que c’est une longue réponse, mais nous sommes bien intégrés avec l’Alaska, principalement par l’entremise du NORAD, mais aussi grâce à des exercices que nous faisons au moins une fois par an. Je ne parle que des chasseurs. Je pourrais continuer avec d’autres aspects que les chasseurs.

La sénatrice Duncan : Je me suis peut-être un peu trop concentrée sur les F-35. Pour poursuivre dans la même veine que la sénatrice Dasko au sujet de la Russie et de l’importance de la situation actuelle, il y a eu récemment des reportages sur l’interception par les Américains d’avions russes, pour les empêcher d’entrer dans l’espace aérien nord-américain, et il y a aussi des Russes qui demandent l’asile après avoir atteint des îles éloignées de l’Alaska et des Russes qui sont arrêtés à la frontière canadienne. Cette interopérabilité passe par le Yukon, et j’aimerais que vous mettiez l’accent sur la façon dont le Canada, en particulier le Yukon, s’inscrit également dans ce tableau. Nous semblons presque être un territoire de survol plutôt que de faire partie de la solution et de la présence militaire canadienne.

Lgén Kenny : Merci de poser la question.

Nous menons des opérations de routine au-dessus du Yukon, des Territoires du Nord-Ouest ainsi que de l’Alaska.

L’interception récente dont vous avez parlé, la région de l’Alaska du NORAD interceptant des avions russes qui entraient dans sa zone d’identification, est correcte. Il n’y a pas si longtemps, des avions ont également pénétré dans le secteur de la défense aérienne canadienne. La Russie le fait régulièrement, chaque année. Nous en avons vu moins depuis le conflit en Ukraine, mais cela continue de se produire.

Nous sommes installés à Whitehorse, souvent avec nos avions-citernes et nos avions de transport. Je parle du point de vue aérien, car nous pouvons couvrir des zones assez vastes en peu de temps. Il y a d’autres aspects, et si vous le voulez, nous pouvons parler des Rangers et d’autres composantes dans les différents territoires et au Yukon qui pourraient jouer un rôle dans la défense militaire globale.

Le sénateur Yussuff : Merci à tous d’être ici. Je m’excuse d’être un peu en retard. J’ai quelques questions. Je ne suis pas sûr d’obtenir toutes les réponses.

Permettez-moi de commencer par notre visite dans le Nord. Je comprends très bien les défis liés à ce que vous êtes chargé de protéger et, également, les défis que vous devez relever en traitant avec les communautés du Nord, en reconnaissant que nous n’avons pas très bien fait les choses. Je pense qu’il y a une occasion pour faire mieux, à l’avenir, avec les communautés là-bas.

La mise à niveau des capacités du NORAD à laquelle les gouvernements se sont engagés, tant le Canada que les États-Unis, est pour moi une occasion importante d’avoir une conversation avec les Canadiens quant à ce que cela représente. Si vous demandez à la plupart des Canadiens ce que cela représente, ils se gratteront probablement la tête, pour la plupart, et diront que cela a peut-être quelque chose à voir avec le Colorado. Ils ne sont pas sûrs de savoir ce que c’est.

Étant donné qu’il existe trois niveaux dans l’armée, je suppose qu’il ne s’agit pas seulement des capacités satellitaires et de ce que nous pourrions concevoir pour remplacer l’équipement que nous avons là-bas. Si nous n’avons pas une marine qui fonctionne correctement pour relever les défis maritimes, nous ne serons pas en mesure de défendre le Nord, et il en va de même si nous n’avons pas une force aérienne adéquate. Nous avons vu une partie de notre force aérienne et de ses capacités. Je n’ai pas été vraiment impressionné, mais compte tenu de la réalité de la vie, nous nous débrouillons en attendant. Bien sûr, le fait de travailler avec les Rangers dans le Nord jouera un rôle important dans notre présence.

Dans tout cela, comment faire pour que les Canadiens participent à cette conversation? Ce n’est pas juste une question d’argent, c’est une question de sécurité. Nous avons vu avec l’Ukraine, je pense, qu’un plus grand nombre de Canadiens seront moralement sensibilisés à ce que représente notre sécurité dans l’Arctique. Je ne pense pas que nous ayons cette conversation. Je suis honoré que mes collègues et moi ayons pu voyager pour voir certaines difficultés auxquelles nous sommes confrontés, mais cette conversation est nécessaire pour que les Canadiens reconnaissent pourquoi nous dépensons cet argent, pourquoi nous devrons peut-être dépenser davantage et ce dans quoi nous sommes engagés en ce qui concerne l’avenir du pays. Le changement climatique modifie la façon dont nous devrons gérer le Nord. Nous devons réfléchir à ce qui se produira dans 10, 15 ou 20 ans, parce que la réalité change à une vitesse dont nous ne sommes pas encore conscients ici dans le Sud.

Je vais commencer par ces commentaires généraux, puis j’aurai des questions au sujet des missiles hypersoniques auxquelles vous pourrez ou non répondre.

Lgén Kenny : Merci pour la question, elle est excellente.

Je crois que ce vous faites en ce moment aide à parler aux Canadiens de l’immensité de l’Arctique, des possibilités qu’il offre ainsi que des préoccupations en matière de sécurité dans l’Arctique. Nous sommes bénis par la géographie et par le fait de disposer d’un partenaire solide au sud. Nous reconnaissons que, si vous regardez notre histoire, la plupart des Canadiens ne verraient pas nécessairement beaucoup de raisons de s’inquiéter de leur sécurité, du moins à court terme. La réalité, c’est que nos adversaires ont mis au point des capacités qui ne font plus de nous le sanctuaire... la façon dont nous nous percevions autrefois. Par conséquent, la modernisation du NORAD, par exemple, est la façon dont nous cherchons à examiner, du point de vue de la défense, la façon dont nous pouvons détecter ces types de menaces et les empêcher de s’intensifier. C’est une discussion constante qui, selon moi, est nécessaire pour assurer une compréhension holistique. Le conflit en Ukraine, en particulier, a suscité davantage de discussions.

Je laisse le soin à mes collègues d’ajouter quelque chose.

Vam Topshee : Je suis d’accord avec mon collègue de la force aérienne pour dire que c’est utile pour créer la conversation stratégique que nous devons avoir au Canada.

Je dirais que nous voyons un investissement dans ce domaine. Nous sommes au milieu de la plus grande recapitalisation de la Marine canadienne depuis la Seconde Guerre mondiale. Nous avons pris livraison de trois des navires de patrouille extracôtiers et arctiques qui nous donnent une capacité que nous n’avons pas eue de patrouiller dans l’Arctique et d’intervenir depuis les années 1950. Nous sommes en train de mettre au point le navire de combat de surface canadien qui permettra au Canada de disposer de navires dont il a besoin pour réagir aux menaces du XXIe siècle. Nous continuons de nous assurer que les sous-marins de la classe Victoria et de la classe Halifax demeurent capables et suffisants pour faire face aux menaces d’aujourd’hui. Ce n’est jamais idéal. En tant que commandant de la marine, je veux toujours plus de navires et de meilleure qualité. Ce que nous avons en ce moment suffit pour répondre aux besoins et, fait plus important, les plans que nous avons pour construire la force dont nous avons besoin sont en cours de réalisation.

Lgén Paul : Pour ce qui est des Rangers et de l’Armée canadienne, j’aimerais rappeler à tous que nous célébrons cette année le 75e anniversaire des Rangers. En ce qui concerne l’armée, nous avons beaucoup de publicité à son sujet. Nous tiendrons au cours des prochaines semaines la Course de l’Armée ici, à Ottawa. Les Rangers seront la principale vedette de la Course de l’Armée cette année.

Pour ce qui est des capacités au sein de l’armée en ce moment, nous travaillons fort sur ce que nous appelons le programme d’amélioration des Rangers canadiens. D’ici les prochaines années, soit 2025-2026, nous allons réexaminer tout ce qui a trait aux Rangers : les politiques, les effectifs, les ressources humaines, l’entraînement et l’équipement.

Alors que nous travaillons et planifions l’amélioration des capacités des Rangers, permettez-moi de vous rassurer en vous disant que nous le faisons main dans la main avec la direction des Rangers, et pas seulement avec la direction située dans le Sud, mais aussi avec la patrouille des Rangers, les personnes qui ne le font pas pour gagner leur vie, mais qui sont vraiment engagées à produire cet effet. J’aimerais profiter de l’occasion pour souligner le travail extraordinaire accompli par la communauté des Rangers, des gens qui donnent en moyenne 10 jours par an pour aider la communauté locale, mais aussi le Canada. Tout cela est fait avec, parfois, des moyens limités.

De plus, je dois dire que c’est fantastique pour nous, en tant qu’armée, de pouvoir aller dans le Nord, d’y arriver, d’être accueillis dans ces communautés et d’apprendre à survivre dans l’Arctique sur les deux côtes. La plupart des membres de l’armée sont des jeunes provenant de grandes agglomérations urbaines de notre pays. Lorsque nous organisons ces événements de formation avec les Rangers, c’est vraiment une question de dire « un petit service en attire un autre », ou encore, c’est donnant, donnant. Les deux groupes apportent leur aide, s’entraident. Pour la plupart des jeunes soldats à qui je parle, lorsqu’ils reviennent de ces événements de formation, c’est presque comme si l’expérience a changé leur vie. Ils apprennent énormément en allant dans les communautés éloignées et isolées de notre pays.

Le sénateur Yussuff : Je n’envie pas, monsieur Page, votre travail dans l’approvisionnement. Tout le monde doit vous dire que vous deviez le faire hier et que vous devez le faire au prix coûtant. Je comprends les défis auxquels nous sommes confrontés.

Une des choses auxquelles nous sommes confrontés en tant que pays, c’est que rien n’est figé pour ce qui est de faire face à notre menace en matière de sécurité. Alors que nous envisageons de renouveler le NORAD, nous avons maintenant des missiles hypersoniques qui se déplacent à une vitesse que nous n’avons pas appréciée ou comprise, ce qui constitue une nouvelle menace pour le pays.

En ce qui concerne le renouvellement du NORAD, mon inquiétude est la suivante : avons-nous les capacités? À quelle vitesse pouvons-nous réagir? Mais également, qu’est-ce que cela ajoute aux défis auxquels le pays doit également penser à l’avenir, parce que c’est maintenant une réalité pour nos adversaires, une autre façon de menacer notre sécurité?

Le dernier commentaire que je voudrais faire, c’est que j’apprécie beaucoup plus nos amis américains pour ce qui est de la défense nord-américaine. Je comprends beaucoup mieux le Nord, et nous ne pourrions pas le faire tout seul. C’est un territoire vaste, et sans les Américains, je ne pense pas que nous ayons cette compréhension. Je crois aussi que les Canadiens, en général, ne sont pas conscients de cette réalité. Tant que vous n’allez pas là-bas, vous n’êtes pas conscient de l’étendue de la région, mais aussi du rôle important de cette intégration dans la façon dont nous défendons le Nord. Je ne fais pas cela par ignorance, sans savoir. Maintenant que je le sais, comment les Canadiens peuvent-ils être sensibles à cette réalité, car nous ne pouvons pas la séparer? Ce n’est pas la même chose avec l’OTAN. La relation avec les Américains est très différente de la relation avec l’OTAN, même si nous en faisons tous partie. Comment pouvons-nous aider les Canadiens, en général, à comprendre cela, mais aussi à composer avec cette nouvelle menace que représentent les missiles hypersoniques qui font maintenant partie du théâtre de la guerre militaire?

Lgén Kenny : Merci pour la question. Je vais commencer. Si mes collègues veulent ajouter quelque chose, je leur céderai la parole.

Tous nos alliés s’intéressent à l’hypersonique et, en particulier, à la façon de suivre, de repérer et ensuite, au besoin, de cibler. C’est un défi commun aux alliés, comme nous le savons. À mesure que nous développons de nouvelles capacités, les adversaires font de même. Nous cherchons toujours à nous assurer que nous restons efficaces sur le plan opérationnel et que nous avons un avantage opérationnel. Nous devons faire attention à ne pas nous lancer dans une compétition en essayant de suivre pas à pas chaque nouvelle mise à niveau des capacités. Nous devons reconnaître qu’une façon d’y faire face est d’attendre qu’elles se produisent et de s’attaquer ensuite à plusieurs choses, ou d’essayer de la devancer dès le lancement, comme l’a décrit le commandant du NORAD.

Que pouvons-nous faire pour comprendre la situation et échanger des renseignements afin de ne pas nous retrouver dans cette situation particulière? Car il y aura toujours le défi de disposer d’une capacité suffisante pour vaincre cette menace particulière. C’est un domaine de recherche et de développement auquel nous consacrons tous des fonds afin de trouver des solutions.

Ce que je veux dire, c’est que nous essayons de nous éviter de nous retrouver dans une défense un pour un contre les différents types de missiles qui viennent sur nous. Il s’agit d’une approche à plusieurs niveaux, comme vous le savez, qui fait intervenir tous les services, y compris NORAD, selon l’endroit où vous vous trouvez. Merci.

Vam Topshee : Pour revenir à l’autre partie de la question, l’un des défis auquel nous sommes confrontés est que, comme vous l’avez souligné, trop peu de Canadiens connaissent le travail que nous faisons dans le Nord et partout au Canada. C’est un des défis que nous avons tous les trois à l’esprit. Je suis inspiré chaque jour par les grands Canadiens qui servent dans la Marine royale canadienne, mais il n’y en a pas assez. Nous devons essayer de trouver de nouvelles façons d’attirer les Canadiens à servir dans tous nos services armés. C’est un problème qui est probablement le principal auquel nous sommes confrontés en tant que commandants de service. Tout conseil ou toute aide que vous pouvez offrir seraient les bienvenus.

[Français]

Le vice-président : Ma question s’adresse à M. Kenny. La semaine dernière, l’armée américaine a intercepté deux bombardiers russes près des côtes de l’Alaska.

Si, au lieu de frôler le territoire américain, ces appareils soviétiques avaient approché le Canada, est-ce qu’on aurait eu la capacité de réagir aussi rapidement, comme pays, avec nos équipements actuels et en combien de temps? Est-ce qu’on aurait dû se fier à un pays allié pour le faire?

Lgén Kenny : Merci pour la question. C’est le NORAD qui est responsable de cette mission. On travaille ensemble avec l’Alaska, ici au Canada, mais aussi aux États-Unis, pour être certains qu’on ait l’intelligence et qu’on soit prêts à réagir chaque jour pour s’assurer que si la Russie ou d’autres veulent entrer au Canada ou s’en approcher, on a la capacité d’être là pour s’assurer que notre souveraineté est bien gardée.

Oui, nous avons la capacité de veiller à ce que si la Russie veut venir près du Canada, on sera là et on le fait principalement avec nos F-18 et d’autres aéronefs qui peuvent nous fournir l’essence dont nous avons besoin. Je crois que nous faisons un très bon travail. Nous avons également un plan pour l’avenir, pour s’assurer d’avoir la capacité d’être prêts pour prévenir tout ce que la Russie fait maintenant, comme la modernisation; c’est important. Merci.

Le sénateur Boisvenu : Encore une fois merci à nos invités, nous apprécions l’échange que nous avons avec vous. Vous avez parlé de recrutement. Effectivement, c’est un autre très grand défi à relever. On aura beau avoir les plus beaux équipements en plus grande quantité, si on n’a personne pour les piloter, on ne sera pas plus avancé. C’est tout un défi d’attirer des jeunes dans les forces armées et il faut que ça se fasse à court terme parce qu’on ne forme pas des militaires en six mois.

On a un grand défi en matière de ravitaillement dans le Nord. On a deux Polaris, je crois, qui font le ravitaillement dans le Nord et le Canada s’est engagé à acheter des Airbus A330; il y en a deux qui sont achetés ou en voie de l’être et il y en aura peut-être quatre autres qui s’ajouteront à la flotte.

Quel est l’échéancier pour que ces deux Airbus 330 soient en état de voler, car il faut les transformer en avions de ravitaillement?

M. Page : Merci pour la question. Comme vous l’avez mentionné, nous sommes en processus pour ce qui est du contrat avec Airbus pour l’achat des A330-200. Pour un des segments, qui est l’achat de deux avions usagés, l’échéance est le début de 2023 et pour le deuxième, c’est plus tard en 2023. Quand je parle de ces échéances, on parle de la mise en service, donc pour le premier, au début de 2023, prêt pour...

Le sénateur Boisvenu : Il va être transformé.

M. Page : Oui, absolument. Pour ce qui est des quatre ou cinq autres suivants, l’échéance est plus longue. Cela va être une combinaison, car on se demande quoi faire avec Airbus, à savoir si on retourne à l’achat d’autres avions usagés ou si on achète des avions neufs qui vont sortir de l’usine.

Lgén Kenny : Si je peux ajouter un point, ces deux avions, qu’on recevra en 2023, serviront au transport. Cela va prendre plusieurs années avant qu’on puisse faire la conversion pour être en mesure de faire du ravitaillement en vol; on va utiliser le A310 jusqu’au moment où ils seront prêts. On a aussi plus d’argent, dans le cadre de la modernisation du NORAD, pour acheter plus d’équipement comme ceux dont on vient juste de parler.

Le sénateur Boisvenu : Quelle est la durée de vie des Polaris? Pour combien d’années sont-ils encore bons? Ce sont des avions qui ont un peu d’âge.

Lgén Kenny : Merci pour la question. Ils seront là jusqu’à 2026, mais on a des plans pour s’assurer qu’ils seront utilisés jusqu’à ce qu’on puisse faire la conversion des A330-200.

La sénatrice Audette : C’est un moment historique aujourd’hui : je remplace le sénateur Gignac et je peux m’asseoir à côté d’un Wendat, le lieutenant-général Jocelyn Paul. Tout le monde doit savoir à quel point j’en suis fière. En même temps, le mandat est aussi de proposer et de faire des recommandations.

Les Rangers, on les a vus pendant la pandémie, on les a vus lorsqu’on a perdu un être cher pendant l’enquête nationale, en train de faire des recherches, ou on les voit tout simplement sur le terrain.

Si on devait faire une recommandation pour être sûr qu’on sente que le Nord est vraiment bien représenté — parce que si on ne va pas dans le Nord on ne le sait pas, et je sais que mes collègues y sont allés et depuis, dans tous les comités, ils en parlent et disent à quel point ils ont été touchés par cette visite. Que devrait-on recommander pour s’assurer qu’il y ait plus d’Autochtones et plus de formations, lieutenant-général Paul?

Lgén Paul : Tout d’abord, j’aimerais rappeler à l’auditoire qu’on est très heureux de compter environ 23 % ou 24 % de membres issus des populations autochtones au sein du programme des Rangers, mais ce ne sont pas seulement des Autochtones, évidemment. À Terre-Neuve-et-Labrador, en Colombie-Britannique, etc., on a des gens de toutes les couches de la société qui œuvrent au sein du groupe des Rangers.

De façon plus large, en ce qui concerne la présence des Autochtones au sein des forces armées et de l’armée de terre, on a différents programmes qui sont en place. Le premier est un programme visant à expérimenter le leadership au Collège militaire royal, à Kingston, qui est offert tous les ans. On offre la possibilité aux jeunes de faire une année préparatoire au collège militaire pour éventuellement devenir officier des forces armées. On offre un programme de trois semaines à Saint-Jean, afin de permettre à des jeunes membres des Premières Nations, des Métis et des Inuits à goûter à l’expérience militaire et peut-être, par la suite, considérer faire une carrière et enfin, il y a des programmes estivaux qui se donnent dans les Maritimes, au Québec, en Ontario et dans l’Ouest.

La marine a également un programme qui, essentiellement, permet à des jeunes Autochtones d’être entraînés au cours de l’été pour une période de sept, huit ou neuf semaines. C’est un programme très intéressant où on enseigne la vie militaire et où on fait de l’enseignement spirituel et de l’enseignement culturel. L’idée de ce programme estival est d’en faire des gens qui vont se joindre à la première réserve.

L’été dernier, dans l’Ouest canadien, à Wainwright, on a formé une cohorte de plus de 90 diplômés; c’est un chiffre record, donc c’était excellent. Du côté du Québec, on a eu un beau succès : près de 30 diplômés, et certains de ces gens sont dans la force régulière.

À titre de champion membre des peuples autochtones au sein des Forces canadiennes, étant moi-même membre des Premières Nations, c’est quelque chose qui est près de mon cœur. Le commandant de l’armée, par le passé, a toujours eu un conseiller autochtone pour l’aider à gérer ces programmes. En étant moi-même Autochtone, je suis toujours à la recherche d’un bon conseil, mais j’ai pris l’idée et l’initiative de doubler le programme. Donc, j’ai maintenant deux conseillers : un qui se concentre sur la force régulière et l’autre qui s’occupe de la première réserve.

C’est certainement un endroit où on aimerait augmenter la représentativité des Autochtones dans les Forces armées canadiennes en général. Ce sont des efforts délibérés.

[Traduction]

Le sénateur Richards : Merci aux trois témoins.

Je vais commencer comme, je pense, le sénateur Yussuff — ou peut-être la sénatrice Dasko — et parler du recrutement. Nous ne sommes pas en 1945, je le sais, et nous ne pouvons jamais y retourner, mais en 1945, nous avions la troisième marine et la quatrième armée en importance au monde. Aujourd’hui, nous avons environ 50 000 hommes et femmes en service. Vu la taille de notre pays, c’est plutôt minuscule. Je respecte chacun d’entre eux, mais je dis que c’est un peu petit pour la zone qu’ils doivent couvrir à l’intérieur et à l’extérieur, si nous devons le faire. Ce n’est même pas une division entière, vraiment. Je m’interroge sur l’incidence du moral des militaires canadiens et de certaines choses qui ont divisé notre pays au cours des quatre ou cinq dernières années. Quel serait le meilleur moyen d’obtenir une meilleure politique de recrutement pour amener plus d’hommes et de femmes dans les forces armées? Le vice-amiral a-t-il une idée de la manière d’y parvenir? Ne vous en remettez pas à moi, parce que je ne peux pas le faire. Je vais vous le dire.

Vam Topshee : C’est ma priorité numéro un en tant que commandant de la Marine, car, en ce moment, il nous manque environ 1 400 marins. Nous lançons un programme pilote d’entrée accélérée qui vise à faire entrer les gens dans la Marine canadienne en environ un sixième du temps qu’il nous faut actuellement, à les faire monter sur les navires dans les trois mois suivant leur entrée dans l’armée, à les employer comme marins, à leur faire voir le monde, ce qui est la proposition de valeur de la Marine. S’ils aiment servir dans la Marine, nous les orientons vers une profession qui leur permettra de continuer de servir pendant une carrière complète. Nous voyons cela comme une occasion possible pour quelqu’un qui n’est pas sûr de savoir ce qu’il veut faire dans la vie, qui cherche à prendre un an ou deux pour avoir une expérience, voir le monde, acquérir certaines compétences et en apprendre sur lui-même et sur le leadership, et c’est le programme que nous mettons en place. Nous espérons le lancer au début de la nouvelle année.

Le sénateur Richards : À votre avis, quel serait le nombre optimal d’hommes et de femmes en service dans le pays? Si nous en avions 200 000, ne serait-ce pas beaucoup mieux que 50 000?

Vam Topshee : La quantité a toujours une qualité merveilleuse, mais toutes ces décisions sont vraiment difficiles pour le Canada, parce que toutes les ressources que nous investissons dans la défense se font au détriment d’autres programmes au Canada. Je n’envie pas la tâche du gouvernement qui doit affecter les ressources précieuses des contribuables canadiens.

Nous donnerons toujours des conseils sur ce dont nous pensons que le Canada a besoin, mais au final, c’est notre travail de nous assurer d’employer les forces et ressources qui nous sont données de la meilleure façon possible pour le Canada.

Le sénateur Richards : Merci.

[Français]

Le vice-président : Pour terminer, j’aimerais remercier nos témoins du ministère de la Défense nationale, et de Services publics et Approvisionnement Canada. Vous jouez un rôle très important pour la sécurité de notre pays. Comme vous le savez, l’échiquier mondial est en train de se transformer en raison des événements en Ukraine, à cause de la Russie et en Chine, qui a un œil sur Taïwan. J’ose espérer que nous ne retournerons pas dans une période de guerre froide comme nous l’avons déjà connue. Votre travail est vraiment apprécié. Les Canadiens comptent sur vous pour assurer leur sécurité. Merci encore.

Nous passons maintenant à notre deuxième panel. Je vous rappelle que notre sujet d’aujourd’hui est l’approvisionnement en biens pouvant être utilisés dans l’Arctique. Nous accueillons maintenant, de la Garde côtière canadienne, M. Andy Smith, sous-commissaire, Construction navale et matériel, M. Neil O’Rourke, commissaire adjoint, Région de l’Arctique, ainsi que Mme Farhat Khan, directrice générale, Planification des investissements, Gestion du matériel et de l’approvisionnement et dirigeante principale de l’approvisionnement. Enfin, de Services publics et Approvisionnement Canada, M. Simon Page, sous-ministre adjoint, Approvisionnement maritime et défense. Merci à tous de vous joindre à nous. Nous vous invitons à faire vos remarques liminaires qui seront suivies de questions de la part de nos membres. Monsieur Smith, vous pouvez commencer dès que vous êtes prêt.

[Traduction]

Andy Smith, sous-commissaire, Construction navale et matériel, Garde côtière canadienne : Bonsoir, mesdames et messieurs les membres du comité. Comme on l’a précisé, je m’appelle Andy Smith et je suis le sous-commissaire à la Construction navale et matériel de la Garde côtière canadienne. Je suis heureux d’être accompagné aujourd’hui de Neil O’Rourke, commissaire adjoint, Garde côtière canadienne, région de l’Arctique, et de Farhat Khan, de notre bureau principal des finances. Comme nous parlons d’approvisionnement dans le Nord, je suis particulièrement heureux d’être ici avec mon collègue et ami, M. Page, que je connais bien et avec qui je communique quotidiennement alors que nous cherchons à travailler et à faire avancer le dossier du renouvellement de la flotte de la Garde côtière canadienne. Je note que je m’adresse à vous à partir du territoire non cédé du peuple algonguin anishinabe.

[Français]

Nous sommes heureux d’être ici aujourd’hui en tant que représentants de la Garde côtière canadienne pour parler de son rôle dans l’Arctique, des activités récentes dans le cadre de la Stratégie nationale de construction navale et de la planification à long terme qu’elle entreprend pour améliorer la sécurité et la sûreté maritimes dans l’Arctique.

[Traduction]

Il y a quelques semaines, nous avons eu le plaisir d’accueillir les membres du comité à Iqaluit et de leur fournir des renseignements supplémentaires pour l’étude sur la sécurité et la défense dans l’Arctique. C’était une occasion unique de discuter du rôle de la Garde côtière dans la protection de la sécurité de l’Arctique au nom des Canadiens et d’expliquer de première main la mise en œuvre des activités de notre région de l’Arctique en collaboration avec des partenaires autochtones, et nous avons présenté aux membres du comité nos activités dans le Nord, comme notre centre des Services de communications et de trafic maritimes, ainsi que nos employés dévoués.

Cette année, la Garde côtière célèbre son 60e anniversaire.

[Français]

La Garde côtière canadienne a été témoin de nombreux changements dans le Nord au fil des ans, notamment en raison des changements climatiques, de l’évolution des paysages, d’un intérêt international accru pour la région et d’une population nationale en hausse.

Au fil de ces changements, la Garde côtière canadienne a joué un rôle essentiel dans la sécurité de l’Arctique et continuera de le faire.

[Traduction]

La Garde côtière est prête à intervenir 24 heures sur 24, sept jours sur sept et exerce ses activités dans presque toutes les conditions météorologiques durant la raison de navigation dans l’Arctique. Lorsque des conditions météorologiques extrêmes surviennent et que d’autres navires sont rappelés au port, les navires de la Garde côtière sont souvent sollicités pour prendre la mer et sauver des vies, fournir une assistance aux navires en détresse, assurer un passage sûr aux navires qui transitent par des voies navigables couvertes de glace et libérer les navires coincés dans les glaces. Notre programme de déglaçage contribue au maintien de la souveraineté du Canada dans l’Arctique, grâce au réapprovisionnement vital des collectivités nordiques, au soutien à d’autres organismes gouvernementaux et autres et à une présence fédérale visible dans les eaux de l’Arctique canadien. Outre le déglaçage, nous assurons également la sécurité des marins en offrant des programmes et des services, pour lesquels la demande est en hausse, dans les eaux de l’Arctique canadien, tels que la recherche et le sauvetage, les aides à la navigation et les interventions environnementales.

[Français]

Nous fournissons également des services essentiels liés à la communication navire-terre et au trafic pour que les marins disposent en tout temps des renseignements nécessaires à la navigation.

Ces renseignements sur le trafic maritime permettent d’approfondir nos connaissances du domaine et de soutenir d’autres ministères et organismes gouvernementaux à l’appui de la souveraineté et de la sécurité du Canada.

[Traduction]

La Garde côtière est la présence fédérale la plus importante dans les eaux arctiques.

Je voudrais également souligner le rôle essentiel que nous jouons dans le soutien aux sciences de l’Arctique. Que ce soit par le truchement de notre partenariat avec le programme ArcticNet, qui mobilise l’un de nos brise-glaces comme plateforme scientifique, ou par nos relevés en partenariat avec le Service hydrographique du Canada, nous sommes l’épine dorsale des sciences marines du Nord du Canada.

[Français]

Nous sommes fiers de ces services de la Garde côtière canadienne, qui sont assurés par la région de l’Arctique, créée en 2018 et sous la direction du commissaire adjoint Neil O’Rourke.

Les travaux en cours dans l’Arctique se poursuivront et seront renforcés dans les années à venir.

[Traduction]

Dans le cadre de la Stratégie nationale de construction navale, nous travaillons actuellement au renouvellement de l’ensemble de notre flotte, ce qui représente un changement majeur pour la région de l’Arctique. La SNCN vise à apporter un vent nouveau sur l’industrie maritime du Canada et à la stimuler, tout en veillant à ce que les employés de la Garde côtière canadienne disposent d’équipements efficaces et modernes pour continuer à servir la population canadienne. L’ajout de deux brise-glaces polaires à la flotte dans le cadre de la SNCN permettra à la Garde côtière de travailler activement dans l’Arctique canadien tout au long de l’année et lui procurera une capacité inégalée par la flotte actuelle. Ces deux navires, en plus du financement pour un maximum de six brise-glaces du programme et de deux navires de patrouille extracôtiers et de l’Arctique, permettront à la Garde côtière de soutenir pleinement les programmes environnementaux dans l’Arctique. Nous préparons la Garde côtière de demain et nous nous assurons d’être bien positionnés pour accepter ces nouveaux navires, les mettre en service pour appuyer la prestation des programmes et les entretenir tout au long de leur vie opérationnelle.

[Français]

Nous travaillons également à l’élaboration de notre première stratégie pour l’Arctique qui vise à fournir une orientation stratégique pour nos futurs services.

[Traduction]

Nous sommes conscients que de nombreux autres changements se produiront dans l’Arctique dans les décennies à venir et qu’une telle stratégie sera mise à jour constamment. C’est avec une telle planification stratégique que nous pouvons positionner et améliorer la Garde côtière à long terme et renforcer davantage notre capacité d’assurer la sécurité et la sûreté maritimes dans l’Arctique.

[Français]

Je vous remercie de votre attention.

[Traduction]

M. O’Rourke, Mme Khan et moi-même serons heureux de répondre à vos questions.

[Français]

Le vice-président : Merci de votre présentation, monsieur Smith.

Nous passons maintenant à la période de questions. J’aimerais rappeler aux sénateurs d’être concis dans leurs questions afin de permettre le plus grand nombre d’interventions possibles. Je demande également aux témoins de répondre de façon concise.

Le sénateur Boisvenu : Bienvenue à nos invités. Est-ce que le chantier Davie fait partie de la Stratégie nationale de construction navale?

M. Page : En ce moment, le chantier Davie fait partie de la stratégie dans le cadre du troisième pilier, qui est un pilier d’entretien, de radoub et de réparation. Si vous consultez l’information que j’ai donnée plus tôt au sujet des activités du chantier Davie, c’est de ces activités qu’on parle, en ce moment. On demeure toujours dans le processus afin de qualifier le chantier Davie pour qu’il devienne notre troisième partenaire stratégique dans la construction de grands vaisseaux dans le cadre de la stratégie.

Le sénateur Boisvenu : C’est en 2020 que le gouvernement s’est engagé à reconnaître le chantier Davie comme faisant partie de la stratégie. Quand on considère tous les retards dans la construction des navires, aussi bien les brise-glaces que les navires militaires, qu’est-ce qui empêche le gouvernement de reconnaître le chantier Davie qui a une expérience d’environ 100 ans en matière de construction des navires? Qu’est-ce qui empêche le gouvernement de reconnaître ce chantier pour accélérer la construction et non pas seulement la rénovation de navires?

M. Page : On est très conscient de l’accélération que le Canada veut se permettre quant à la qualification du chantier. Rien ne nous en empêche. On est en train de réaliser le processus, qui est relativement complexe. Il faut s’assurer que le chantier a les capacités techniques et financières, et les ressources humaines, qu’il ait des plans très précis de modernisation et qu’il soit capable de construire les vaisseaux complexes comme le demande la Garde côtière canadienne. Ce n’est donc pas une question de savoir ce qui nous en empêche, mais plutôt une question de terminer le processus et de l’amener à échéance.

Le sénateur Boisvenu : Au Québec, on se bat depuis 2015 pour que le chantier Davie soit reconnu dans la Stratégie nationale de construction navale. Je trouve inacceptable que sept ans après, en 2022, on nous parle encore de processus complexe. Voilà mon commentaire.

[Traduction]

La sénatrice M. Deacon : Merci d’être ici aujourd’hui. Je vous en suis reconnaissante. Je comprends que c’est un processus long et complexe.

Je vais aborder la question de la construction navale liée au changement climatique et à l’approvisionnement. La Stratégie nationale de construction navale a été lancée, comme nous le savons tous, en 2010, et pour des navires aussi grands que les brise-glaces polaires, il faut beaucoup de temps entre la vision, les soumissions, l’achèvement et la livraison. Au cours de la dernière décennie, il est devenu évident que l’Arctique se réchauffe beaucoup plus rapidement que ce que nous avions prévu à l’origine, et je me demande comment ces projets, qui ont été conçus il y a 10 ans, s’adapteront aux besoins et aux conditions dans lesquelles les navires seront exploités dans 30 ans.

M. Smith : Merci de poser la question; elle est excellente.

Dans un premier temps, alors que nous entrons dans les étapes plus profondes de la conception du brise-glace polaire, nous prenons des mesures très claires pour préparer le navire à l’avenir autant que possible afin qu’il soit prêt pour les programmes futurs. Cela comprendra à un moment donné une réduction des moteurs à combustible fossile au profit d’une technologie qui réduira les émissions de gaz à effet de serre, par exemple.

Avec les brise-glaces de programme et les brise-glaces polaires, nous introduisons un concept appelé « modularité », dans lequel, en utilisant des conteneurs maritimes standard de l’Organisation internationale de normalisation, nous serons en mesure d’exécuter des missions « prêtes à l’emploi », qu’il s’agisse de travaux scientifiques, de recherche et de sauvetage, à bord des navires afin que ceux-ci puissent offrir plus de programmes à l’avenir.

Une autre chose intéressante et peut-être un peu contre-intuitive par rapport à votre point de vue sur le changement climatique, c’est que, à mesure que l’Arctique se réchauffe, certains diraient qu’il devrait y avoir moins de déglaçage. En fait, c’est souvent plus difficile aujourd’hui, étant donné la glace pluriannuelle qui se détache et vient plus au sud, puis gèle à nouveau, et c’est encore plus dangereux pour la navigation. Je pense que dans un avenir prévisible, nous serons également confrontés à ce défi.

La sénatrice M. Deacon : Oui, nous avons su pour cette petite histoire de glace lorsque nous étions absents, puisque c’était, peut-être, une perception.

Je sais que vous étiez ici plus tôt. Je ne vais pas reformuler la question, mais j’ai mentionné les phares. Je ne sais pas si vous souhaitez ajouter quelque chose à cette réponse.

M. Smith : Votre question en ce qui concerne les défis liés à la dotation en personnel des phares est à propos. La Garde côtière en est bien consciente. La politique de recrutement et de maintien en poste des gardiens de phare de la Garde côtière est un défi. Ce n’est pas tout le monde qui souhaite devenir gardien de phare. Il s’agit de l’une des priorités sur lesquelles nous continuons de travailler. Mon collègue de la Marine avait raison de dire que l’automatisation peut aider, mais qu’elle ne remplacera jamais complètement, je ne pense pas, l’exigence d’un gardien de phare. Il s’agit d’une petite communauté, mais qui se fait entendre et qui est nécessaire au sein de la Garde côtière, et nous y prêtons attention.

La sénatrice M. Deacon : Avez-vous des idées pour attirer les candidats et les maintenir en poste en 2022?

M. Smith : Aucune ne me vient spontanément en tête. Je suis heureux de répondre à cette question. Je sais que le commissaire actuel et le commissaire précédent y ont prêté beaucoup d’attention. Je ne vais pas élaborer.

La sénatrice M. Deacon : Quand nous étions dans le Nord, la question a été posée, et la réponse était parfois — ce ne sont que des spéculations — mais quasiment spécifique à une région. Je me demandais s’il existait une stratégie plus globale.

Merci.

Le sénateur Boehm : Merci beaucoup de votre présence, et commissaire adjoint O’Rourke, je suis ravi de vous revoir. Vous nous avez donné un très bon compte rendu à Iqaluit, tout comme l’ont fait vos collègues.

Je donne suite à la question de ma collègue, la sénatrice Deacon. Compte tenu, pour ainsi dire, des changements climatiques et de la fonte croissante des glaces, il y a beaucoup plus de touristes, peut-être dans le passage du Nord-Ouest, dont certains proviennent de l’Europe. Bien entendu, la Garde côtière et le Canada ont l’obligation, conformément au droit maritime international et aux pratiques en vigueur d’aider les personnes en détresse. Évidemment, les ressources sont limitées.

Dans votre planification, envisagez-vous davantage de consultations avec les communautés autochtones et les Inuits en particulier en vue de les aider à cet égard ou de les faire participer davantage aux activités? Ils ont certaines compétences et traditions qui peuvent être très utiles. Nous avons entendu parler, par exemple, du fait que l’emplacement d’un hélicoptère qui s’est écrasé a effectivement été retrouvé par les communautés autochtones au moyen de techniques qu’elles ont apprises au fil des siècles. Je me demande si cela fait partie de votre pensée stratégique, pour l’avenir.

M. Smith : Je demanderais à Neil O’Rourke de répondre à cette question, mais, en bref, la réponse est oui. Tout en lui laissant la parole, j’ajouterais que nous travaillons avec nos partenaires multinationaux et que nous souhaitons mener des opérations multinationales de recherche et de sauvetage. Nous cherchons à mieux comprendre la manière de gérer une opération de recherche et de sauvetage à grande échelle, qui pourrait être liée à l’écotourisme, entre autres choses dans le Nord. Il s’agit également d’une zone à risque.

Le sénateur Boehm : Envisagez-vous de travailler avec le Groenland?

M. Smith : Ou les Français ou toute autre nation arctique avec laquelle nous entretenons d’excellentes relations, oui.

Neil O’Rourke, commissaire adjoint, Région de l’Arctique, Garde côtière canadienne : Je vous remercie de la question.

Pour ajouter aux commentaires de mon collègue, assurément. La réponse plus longue à la question pour laquelle nous avons répondu oui est que nous le faisons effectivement, et l’une des raisons pour lesquelles nous avons établi la région de l’Arctique en premier lieu était, c’était pour renforcer notre capacité à travailler très étroitement avec les Inuits, les Premières Nations et les Métis dans tout le Nord.

Au cours des dernières années, nous avons établi une gouvernance formelle avec les Inuits, donc avec l’ITK, c’est-à-dire l’Inuit Tapiriit Kanatami, l’organisation nationale inuite, et elle regroupe tous les membres qui sont habituellement à la table de l’ITK. Nous nous rencontrons et nous discutons de l’établissement de nos priorités communes. Nous sommes donc très engagés dans ce processus, tant pour ce qui est de la collaboration que nous avons aujourd’hui que pour accroître cette collaboration dans l’avenir.

Lorsque vous parlez plus particulièrement de l’industrie des navires de croisière, j’aimerais ajouter quelques points. Nous collaborons très étroitement avec la Garde côtière auxiliaire. Nous avons beaucoup donné l’expansion à la Garde auxiliaire dans le Nord au cours des dernières années, et c’est un excellent moyen pour nous de tirer avantage des connaissances locales — dans ce cas, principalement des connaissances inuites — que possèdent les gens qui vivent dans cette communauté et qui comprennent les eaux et les alentours, ce qui est très utile pour l’ensemble de notre programme de recherche et de sauvetage. Bien sûr, c’est très utile quand il y a des chasseurs perdus dans cette communauté, mais c’est aussi très utile quand un navire de croisière est en difficulté ou advenant d’autres incidents dans le Nord.

Nous travaillons également, dans le cadre de notre équipe de recherche, et de sauvetage en étroite collaboration avec l’Association of Arctic Expedition Cruise Operators ou l’AECO, une organisation internationale qui, comme vous vous en doutez, compte des navires de croisière organisant des expéditions. La plupart de ses navires qui naviguent au Canada font partie de cette association, et nous avons collaboré étroitement avec elle au cours des trois dernières années. Plus précisément, pendant la pandémie, nous avons profité de l’occasion pour faire de nombreuses simulations d’exercice sur maquette avec les exploitants des navires de croisière. Comme vous le savez sans doute, Transports Canada avait mis en place des restrictions qui les empêchaient d’exercer leurs activités ces deux dernières années, alors nous avons collectivement profité de cette occasion pour renforcer nos relations. Notre programme de recherche et de sauvetage est en mesure de tirer parti de ces éléments et de ces connaissances des Inuits locaux, grâce au travail de la Garde auxiliaire, dans le cadre du travail que nous effectuons avec les exploitants des navires de croisière.

Quant à l’aspect international, nous travaillons en étroite collaboration avec les forces de défense danoises du Groenland ainsi que la Garde côtière américaine du 17e district en Alaska. Nous travaillons avec tous les partenaires de l’Arctique, mais je me concentre surtout sur eux, car ils sont nos deux voisins immédiats. Je tiens à préciser qu’une partie de la discussion que nous avons, soit avec les États-Unis, soit avec nos collègues des forces de défense danoises, porte sur la nature circumpolaire des Inuits. Non seulement il existe une association officielle, le Conseil circumpolaire inuit, mais en plus, de nombreux liens informels unissent les Inuits, surtout en Alaska, dans le Nord du Canada et au Groenland, et nous en sommes très conscients, nous, de la Garde côtière, mais également nos organisations partenaires.

Je vous remercie.

Le sénateur Boehm : Merci beaucoup.

Le sénateur Yussuff : Merci de votre présence.

Monsieur O’Rourke, je vous remercie de vos généreux efforts dans le Nord et merci de nous orienter sur ce que fait votre ministère.

J’ai deux questions qui concernent, bien évidemment, les efforts continus pour renouveler la flotte et mettre la main sur de nouveaux équipements.

Que prévoit à long terme le ministère au chapitre des emplois qui pourraient profiter aux communautés du Nord? Bien sûr, nous avons vu votre chantier de maintenance au Nunavut, et je dois dire qu’il était un peu difficile pour moi de le comprendre. Il ne s’agissait pas d’un chantier chauffé où l’on peut effectuer des réparations au milieu de l’hiver, et cela constitue un énorme problème. De même, je me demande, en pensant à l’avenir et alors que l’Arctique continue de fondre... comment renouveler ces installations? De quelle façon pouvons-nous offrir aux communautés du Nord la possibilité de considérer cela comme un moyen de se rapprocher des efforts que nous déployons en vue d’assurer une présence beaucoup plus solide et plus importante dans le Nord?

M. Smith : Je demanderais à M. O’Rourke de parler de certaines des initiatives liées aux petites embarcations de sauvetage côtières que nous avons.

Pour ce qui est de votre question concernant l’entretien des navires et les chantiers navals dans le Nord, je reconnais que cela représente un défi. Dans un avenir rapproché, nos brise-glaces continueront d’être amarrés dans le Sud et de transiter vers le nord, d’exercer leurs activités dans le Nord, puis de transiter de nouveau vers le sud à des fins d’entretien. La création d’une installation de réparation dans le Nord pouvant assurer l’entretien des navires tout au long de l’année, avec l’investissement que cela nécessiterait de la part de l’industrie, représente à mon avis, pour le moment, une tâche insurmontable, et ce n’est pas quelque chose que nous envisageons activement de réaliser nous-mêmes. Il existe une installation à Hay River qui a des capacités d’entretien limitées, mais tout entretien plus poussé des navires sera effectué dans le Sud.

Évidemment, nous surveillons de près les efforts de la Marine pour établir sa base à Nanisivik et ce que cela pourrait entraîner, ainsi que la manière dont nous pourrions collaborer avec elle si elle devait passer du ravitaillement en carburant à une base d’entretien, mais il ne s’agit que de discussions préliminaires pour l’instant.

M. O’Rourke : Merci de poser cette question.

Pour compléter les réponses du commissaire adjoint, M. Smith, nous avons entendu parler de l’entretien de la flotte. L’autre aspect de la flotte tient à l’exploitation des navires eux-mêmes. Une de nos réalisations ces dernières années a été de chercher à éliminer certains des défis qui se posent actuellement en matière d’embauche de gens du Nord au sein de la flotte. Nous avons de nombreux modèles de dotation différents, mais l’un de ceux que nous utilisons pour les grands navires est le modèle prévoyant 28 jours de travail puis 28 jours de congé. En résumé, vous êtes en mer pendant un mois, puis à la maison pendant un mois. Nous pensons qu’il existe de grandes occasions de permettre aux résidants du Nord de continuer à mener une vie traditionnelle dans leurs communautés tout en venant travailler pour la Garde côtière.

Nous avons travaillé étroitement avec Transports Canada, qui a collaboré avec le Nunavut Fisheries and Marine Training Consortium pour former des marins à Iqaluit en leur donnant une certification maritime de base qui nous permettrait de les embaucher. Voilà l’un des défis que nous avons dû relever. Malheureusement, pendant la pandémie de COVID, tous les programmes ont dû être suspendus, mais ils ont été relancés, et nous avons hâte de pouvoir tirer parti de ces candidats et de les recruter au sein de la Garde côtière.

Outre l’embauche dans la flotte, nous offrons également toutes sortes d’autres emplois, qu’il s’agisse de travail administratif, de postes de technicien en recherche et sauvetage ou de postes en intervention environnementale. En général, la région de l’Arctique cherche des moyens de faire venir plus d’habitants du Nord. Jusqu’à présent, nous avons réussi à embaucher des habitants du Nord. Le dépôt, bien entendu, dont vous avez fait mention, était sous la responsabilité des gens qui s’occupent des interventions environnementales, à Iqaluit, et de fait il n’est pas chauffé à l’heure actuelle. Pour la toute première fois, nous avons engagé cinq employés permanents à Iqaluit, et nous allons partir de là, en nous assurant notamment qu’ils disposent de tous les outils nécessaires pour pouvoir faire leur travail adéquatement.

L’embauche dans le Nord semble constamment poser problème parce qu’il s’agit non seulement de trouver des gens, mais également de s’assurer qu’il y a des locaux à bureaux et du logement, ce qui s’avère difficile à trouver dans de nombreuses collectivités. Il y a des règles à respecter lorsque vous êtes un employé du gouvernement fédéral; nous pouvons soit offrir un logement appartenant à l’État, soit un montant d’argent. Ça reste d’importants défis à relever, mais nous nous engageons à trouver des solutions, non seulement au sein de notre propre organisation, mais à l’échelle du gouvernemental fédéral, en collaboration avec d’autres ministères fédéraux et à en tirer des leçons.

Je terminerai peut-être en soulignant que nous collaborons avec Pêches et Océans, l’autre moitié de notre ministère, et avec les Inuits précisément pour mettre au point une stratégie de recrutement et de maintien en poste destinée à l’Inuit Nunangat. Merci.

Le sénateur Yussuff : De toute évidence, vous parlez de certains navires extracôtiers, qu’il s’agisse de navires de patrouille ou de brise-glaces. Quel autre équipement aiderait la Garde côtière à assurer la sécurité de l’Arctique pour l’avenir? Quelque chose d’autre serait-il nécessaire? Nous avons entendu parler en particulier d’un Européen de la Pologne qui s’était perdu plusieurs fois et que vous avez dû secourir. Je présume que des incidents du genre surviendront plus souvent étant donné que l’Arctique devient plus navigable durant la période estivale. Qu’avez-vous besoin d’autre dans le Nord? Je n’insinue pas que vous n’avez porté secours qu’à une seule personne plusieurs fois, mais compte tenu de la réalité, comment pouvons-nous désormais mieux composer avec la situation? Nous devons reconnaître, comme mon collègue l’a laissé entendre, qu’il y aura davantage de circulation dans la région et que nous allons devoir nous y adapter.

M. Smith : Je proposerais quelques solutions. Dans bon nombre de cas, nous envisageons de prépositionner les fournitures pour éviter de les transporter avec nous jusqu’ici, qu’elles soient destinées à la recherche et au sauvetage ou aux interventions environnementales. Alors que nous envisageons commencer à construire le brise-glace d’ici 2025 en vue de le mettre en service en 2030, nous étudions également le marché très restreint pour trouver un hélicoptère polaire qui pourrait voler dans toutes les conditions de l’Arctique. Pouvoir trouver un tel appareil changerait vraiment la donne. Voilà quelques idées qui me viennent immédiatement en tête.

La sénatrice Dasko : J’allais également faire mention de l’homme polonais que vous avez secouru à quatre reprises. Cette histoire m’a frappée. Je crois que vous avez tenté de souligner qu’il n’y avait eu aucune rémunération.

À mon sens, cela soulève la question du tourisme; les personnes qui s’aventurent dans le Nord et toutes les formes de tourisme, d’aventure ou autre. Consacrez-vous davantage de votre temps aux activités touristiques? Bien entendu, en raison des possibilités environnementales, les gens ont plus tendance à voyager partout dans le Nord et à vouloir traverser le passage du Nord-Ouest et ainsi de suite. Consacrez-vous davantage de votre temps à la surveillance des touristes et à la recherche et au sauvetage, ou consacrez-vous en fait davantage de votre temps aux opérations de sécurité, peu importe comment elles sont définies?

M. O’Rourke : Merci d’avoir posé la question.

Depuis 2018 et le lancement de la région de l’Arctique, je crois que la Garde côtière s’est davantage concentrée de manière générale sur les enjeux liés à l’Arctique.

Ceci dit, et si je comprends bien la question, y consacrons-nous davantage de temps? Oui. Je ne crois pas que nous y passons énormément de temps. Nous portons attention à tout ce qui se passe dans l’Arctique, et cela comprend toutes les catégories de marins qu’il y a. Bon nombre des services que nous offrons, comme la recherche et le sauvetage et les interventions environnementales sont aussi importants pour les chasseurs de la région, les aventuriers, les touristes ou les navires de croisière qu’ils le sont pour certains des grands navires qui font le réapprovisionnement des collectivités ou qui transitent par le passage du Nord-Ouest. Nous continuons à veiller à ce que tous les marins sont en sécurité sur l’eau et que, en fin de compte, si de la pollution provient d’un navire, nous sommes en mesure de faire rapidement un nettoyage ou de surveiller le pollueur. Une fois de plus, nous sommes déterminés à collaborer avec les collectivités.

Si vous prenez, par exemple, les choses que j’ai mentionnées, le travail avec les exploitants de navires de croisière d’expédition dans l’Arctique, c’est quelque chose que nous ne faisions pas nécessairement il y a quelques années, mais en raison de leur présence grandissante dans l’Arctique, nous avons investi un peu plus de temps dans cette relation, sachant que le fait d’établir une communication, de comprendre le fonctionnement des uns et des autres et de pouvoir mieux les préparer pour leurs voyages dans le Nord contribue énormément à atténuer les risques.

[Français]

Le vice-président : Avant de passer au commentaire de la sénatrice Duncan, j’aimerais vous poser une question, à mon tour.

On connaît les problèmes actuels de recrutement dans l’armée; on dit qu’il manque environ 14 000 soldats et on parle de pénurie de main-d’œuvre au Canada. Je pense que c’est généralisé au pays.

Pouvez-vous nous brosser un tableau de votre situation? Comment se passe votre recrutement? Quelles sont les possibilités de parité dans votre organisation? Est-ce que, au Canada, on a les ressources nécessaires pour former vos futurs membres?

M. Smith : Merci de la question. Il s’agit également d’un enjeu pour nous, tout comme pour la marine, comme l’a décrit l’amiral plus tôt.

On a certaines difficultés régionales. Dans l’Ouest, par exemple, il manque plutôt des ingénieurs, alors que dans la région de l’Atlantique, il manque plutôt de navigateurs. Nous sommes très conscients de cela.

Il y a le Collège de la Garde côtière canadienne, à Sydney, au Cap-Breton. Si jamais vous avez l’occasion de visiter ce collège, prenez le temps de le faire, c’est un bijou; c’est une académie peu connue au Canada, malheureusement. La formation qui y est offerte et la qualité de l’enseignement pour les navigateurs et les ingénieurs sont de classe mondiale. Il y a des simulateurs de navigation sur glace et des simulateurs d’engins réels que les élèves-officiers peuvent utiliser.

Actuellement, notre flotte est constituée de 26 navires de grande taille. Grâce au renouvellement de la flotte, il y en aura 31. Nous aurons besoin de rehausser nos équipages et nous avons un plan de recrutement actif. Le collège, lors des deux dernières années, a reçu des classes de recrutement plus grandes que jamais.

[Traduction]

La sénatrice M. Deacon : Je vais formuler ceci du mieux que je peux. Nous avons eu la possibilité de visiter le Nord. Cela ne fait pas de nous des experts, mais cela nous a permis d’avoir des conversations franches sur tous les aspects de la vie, qu’il s’agisse de politique, de la Garde côtière, de la GRC, des habitants de la région, des Rangers, et le reste. Certaines de ces visites se faisaient sur place, et d’autres rassemblaient des experts.

Je me souviens d’une visite en particulier, à Iqaluit, dans leur salle des cadets. Nous avions eu des exposés toute la journée, qui s’est terminée par une présentation ministérielle sur Zoom. J’ai parcouru la salle du regard, et on avait l’impression — c’était palpable — que cette annonce politique où il était question de chiffres, ce que nous avons fait pour vous et toutes les choses que le gouvernement compte faire pour aider l’Arctique, ça ne concordait pas avec les gens dans la salle, comme s’ils étaient liés par une vision commune du genre « par le Nord, pour le Nord, avec le Nord ». Je ne dis pas que l’un a raison et l’autre a tort.

Dans le cadre de votre travail, comment faites-vous pour vous assurer que les choses sur lesquelles vous travaillez si fort sont perçues comme des choses vraiment nécessaires pour répondre aux besoins sur le terrain? Je ne trouve pas de meilleure façon de poser la question, mais j’espère que vous comprenez où je veux en venir.

M. O’Rourke : Merci d’avoir posé la question.

Je comprends tout à fait où vous voulez en venir. Je peux peut-être fournir quelques éléments de réponse. La vision « par le Nord, pour le Nord », que vous avez certainement entendue durant votre séjour, c’est quelque chose que nous avons vraiment pris à cœur au sein de la Garde côtière et de notre ministère.

Tout d’abord, en lançant la région de l’Arctique, nous avons essentiellement passé l’année 2019 à écouter les partenaires dans le Nord — les Inuits, les Premières Nations, les Métis et d’autres — nous dire ce qu’ils voulaient et comment ils voulaient travailler. Nous avons présenté un rapport sommaire des conversations que nous avons eues avec nos partenaires autochtones, et nous avons établi six principes. L’un d’eux concernait la vision de « par le Nord, pour le Nord » et le fait de ne pas tenir des conversations que j’ai entendues de nombreuses fois, lorsqu’on dit que « les gens à Ottawa prennent des décisions à notre sujet, mais ils ne sont jamais venus dans l’Arctique ».

Au sein de notre ministère, non seulement à l’échelle de la Garde côtière, mais à l’échelle notre conseil de gestion de la Garde côtière et dans notre comité de gestion ministérielle — donc, dans l’ensemble du MPO —, nous avons en fait adopté ce concept comme moyen dont, à l’interne, le MPO et la Garde côtière feront des affaires dans l’avenir. Ce que cela veut dire, fondamentalement, c’est qu’il y aura en quelque sorte un changement de culture. Habituellement, les administrations centrales et les régions travaillent ensemble d’une manière bien définie. Dans l’Arctique, les choses se passent un peu différemment dans notre ministère lorsqu’il faut s’assurer qu’il y a au moins un représentant de la haute direction du ministère qui est dans le Nord présent à la table de gestion à Ottawa. Par ailleurs, bien entendu, des hauts dirigeants ou une personne comme moi ne vont pas parler au nom des habitants du Nord. Il est également question de s’assurer que nous sommes au courant de ce qui se passe et que nous travaillons en étroite collaboration avec nos partenaires afin que, à mesure que nous planifions l’avenir de nos services et programmes, de leurs objectifs et ce à quoi ressembleront les choses, nous sommes vraiment à l’écoute, et ce faisant, en partenariat.

Je reviens à ce que j’ai mentionné plus tôt. Nous avons mis en place avec les Inuits une structure de gouvernance officielle à cet égard dans le cadre de laquelle nous nous réunissons tous les trois mois. Nous avons adopté un mandat pour nous assurer de faire ce genre de choses ensemble, notamment de discuter de l’avenir des interventions environnementales; la raison pour laquelle nous avons mis sur pied une équipe à Iqaluit, c’était que, lorsque nous avons travaillé avec NTI, par exemple, on a entendu dire que leur plus grande préoccupation concernait nos capacités et notre présence sur le sol du Nunavut en ce qui concerne les interventions environnementales. Nous avons écouté et pris des mesures, et nous avons maintenant une équipe là-bas. C’est exactement le genre d’exemple dont il est question. Une fois de plus, la stratégie de recrutement et de maintien en poste peut en être une autre.

Je vais m’arrêter ici. J’espère que cela a répondu à la question. Nous prenons cela très au sérieux, et c’est quelque chose que j’ai constaté moi-même en tant que fonctionnaire; un changement interne de culture en raison de ce concept.

[Français]

Le vice-président : Avant de conclure avec le commentaire de la sénatrice Duncan, je tiens à remercier nos témoins. Je crois que vos explications sont lucides et très claires. En raison de la fonte des glaces et du développement de l’Arctique, vous jouerez un rôle essentiel et nous aurons besoin de vos services. Je tiens à vous remercier sincèrement.

Je vais maintenant permettre à la sénatrice Duncan de faire un dernier commentaire.

[Traduction]

La sénatrice Duncan : Je remercie les témoins. J’aimerais remercier mes collègues de m’avoir accordé de leur temps. Je ne vous retiendrai pas.

Les trois territoires dans le Nord du Canada sont vraiment différents; ça reviendrait à comparer des pommes, des oranges et des bananes. Ils sont complètement différents. Le Yukon est différent du Nunavut et des Territoires du Nord-Ouest tout comme la Nouvelle-Écosse est différente de la Colombie-Britannique. Je comprends que le comité s’est concentré sur la côte, et nous avons entendu de nombreux témoins de la Garde côtière, et des militaires étaient présents. Il n’y a pas de poste de la Garde côtière au Yukon. La côte est très petite. Je vous prie de comprendre qu’il ne s’agit pas d’une critique du comité, de la greffière du comité ni de toute personne concernée.

Je vous demande, et je présente une observation écrite au comité, d’envisager sérieusement de visiter le Yukon en personne. Vous avez reconnu que nous sommes à proximité de l’Alaska et vous m’avez entendue en parler, et nous aurions tort, en tant que Sénat canadien, de prendre pleinement conscience de la présence militaire en Alaska sans également reconnaître que le Yukon se trouve à proximité de l’Alaska et entretient avec lui des relations étroites. J’ai formulé mon argument, dans les deux langues officielles — je suis désolée de ne pas parler français aujourd’hui —, au comité, dans une lettre personnelle, que je soumets respectueusement à votre attention.

Je vous remercie beaucoup de votre temps.

[Français]

Le vice-président : Merci, sénatrice Duncan.

Ceci conclut notre réunion. La prochaine réunion aura lieu lundi prochain, le 31 octobre, à 16 heures, heure de l’Est. Merci à nos témoins et à tous les sénateurs.

(La séance est levée.)

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