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SECD - Comité permanent

Sécurité nationale, défense et anciens combattants


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE LA SÉCURITÉ NATIONALE, DE LA DÉFENSE ET DES ANCIENS COMBATTANTS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le lundi 24 avril 2023

Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants se réunit aujourd’hui, à 16 heures (HE), avec vidéoconférence, afin d'examiner, pour en faire rapport, les questions relatives à la sécurité et à la défense dans l’Arctique.

Le sénateur Tony Dean (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, je déclare la séance ouverte. Je vous souhaite la bienvenue à la présente réunion du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants. Je m’appelle Tony Dean, je suis le président du comité et je viens de l’Ontario. Je suis accompagné aujourd’hui par les autres membres du comité, qui vont se présenter.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, sénateur du Québec.

[Traduction]

La sénatrice R. Patterson : Rebecca Patterson, sénatrice de l’Ontario.

Le sénateur Oh : Victor Oh, de l’Ontario.

La sénatrice M. Deacon : Marty Deacon, de l’Ontario.

La sénatrice Dasko : Donna Dasko, de l’Ontario.

Le sénateur Cardozo : Andrew Cardozo, de l’Ontario

Le sénateur Yussuff : Hassan Yussuff, de l’Ontario.

Le sénateur Boehm : Peter Boehm, de l’Ontario.

[Français]

Le sénateur Gignac : Clément Gignac, du Québec.

[Traduction]

Le président : Au bénéfice de ceux qui nous regardent aujourd’hui, je tiens à dire que nous terminons notre étude sur la sécurité et la défense dans l’Arctique, y compris les infrastructures militaires et nos capacités de sécurité. Aujourd’hui, nous avons le plaisir d’accueillir l’honorable Anita Anand, c.p., députée et ministre de la Défense nationale, qui sera la dernière personne à témoigner dans le cadre de notre étude.

La ministre Anand est accompagnée des représentants suivants : Bill Matthews, sous-ministre, ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes; le général Wayne Eyre, chef d’état-major de la Défense, ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes; le vice-amiral J.R. Auchterlonie, commandant des opérations interarmées du Canada, ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes; et Jonathan Quinn, directeur général, Politique de défense continentale, ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes.

Nous vous remercions tous pour votre présence aujourd’hui.

Madame la ministre, je vous souhaite la bienvenue et je vous invite à faire votre déclaration liminaire.

[Français]

Anita Anand, ministre de la Défense nationale, ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes : Bonjour, je suis très heureuse d’être ici avec vous en personne, dans cet édifice.

Comme vous le savez, les changements climatiques facilitent l’accès aux ressources naturelles et aux routes maritimes dans l’Arctique. Les progrès technologiques rapides renforcent aussi la capacité des États à projeter une force militaire vers cette région et à l’intérieur de celle-ci. Un nombre croissant d’États, y compris des concurrents stratégiques, ont clairement indiqué que l’Arctique est essentiel à leurs intérêts économiques et en matière de sécurité.

Nous le constatons notamment dans les efforts déployés par la Russie pour renforcer sa présence militaire déjà importante dans la région avec une infrastructure modernisée, l’ajout de brise-glace nucléaires additionnels et d’armes guidées de précision à longue portée, dont des missiles hypersoniques.

C’est aussi apparent avec la Chine, qui s’est proclamée « État quasi arctique » et dont l’objectif est d’accroître sa présence et ses activités dans la région, et d’importer de l’énergie et d’exporter des biens vers l’Europe en transitant par la route maritime du Nord.

De plus, cet hiver, le Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD) a détecté, identifié et suivi un ballon de surveillance à haute altitude chinois dans l’espace aérien du Canada et des États-Unis, qui a pénétré notre continent en passant par nos régions nordiques.

[Traduction]

Il est clair que cette région devient essentielle pour les concurrents stratégiques au XXIe siècle, et je vous félicite pour votre travail et vos efforts visant à accroître la compréhension de l’importance stratégique que revêt cette région de notre grand pays.

À cette fin, nous veillons à ce que les Forces armées canadiennes aient l’équipement et les ressources dont elles ont besoin pour mener leurs opérations et maintenir leur présence dans le Nord. Nous investissons dans six navires de patrouille extracôtiers et de l’Arctique qui fonctionnent dans des glaces plus épaisses, ce qui permet à la Marine de se rendre sans escorte dans des parties de l’Arctique précédemment inaccessibles. Ces navires permettent aux forces armées de mener des opérations dans l’Arctique pour une plus grande partie de l’année qu’avant.

[Français]

Nous faisons aussi l’acquisition d’une nouvelle flotte de 88 chasseurs F-35 par l’entremise d’un accord signé avec le gouvernement américain et Lockheed Martin et Pratt & Whitney.

Les chasseurs F-35 offriront aux pilotes des capacités renforcées de renseignement, de surveillance et de reconnaissance, une connaissance améliorée de la situation et une survivabilité accrue dans l’environnement opérationnel actuel où la menace est élevée, ainsi qu’une meilleure navigation dans le Grand Nord.

[Traduction]

De plus, nous investissons dans l’infrastructure pour continuer à appuyer les chasseurs existants et à permettre aux futurs chasseurs d’exécuter des opérations partout au Canada, y compris dans les régions du Nord et de l’Arctique.

Nous améliorons aussi les plateformes de communication par satellite, qui sont essentielles pour l’exécution des opérations dans le Nord, notamment dans le cas des interventions d’urgence et des opérations de recherche et sauvetage.

Nous travaillons en outre à l’acquisition de systèmes d’aéronef télépilotés qui permettront la circulation d’information en temps réel, essentielle aux opérations nationales.

Passons maintenant au Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord, le NORAD, le commandement militaire binational établi avec les États-Unis, qui est aussi essentiel à la sécurité et à la défense de l’Arctique.

J’étais heureuse d’apprendre que le comité s’est rendu à Colorado Springs afin de mieux comprendre ce commandement militaire binational que nous avons établi avec les États-Unis.

Nous avons pu constater l’efficacité des capacités du NORAD récemment, lorsqu’il a détecté et abattu un objet aérien non autorisé dans le ciel du Yukon en février.

Bien que le NORAD soit un commandement puissant et efficace, nous savons qu’il doit être modernisé pour faire face aux menaces futures.

[Français]

À cette fin, nous nous sommes engagés à investir plus de 38,6 milliards de dollars sur 20 ans pour la modernisation des capacités canadiennes du NORAD, en collaboration étroite avec les États-Unis. Nous pourrons ainsi améliorer notre capacité à détecter et à dissuader les menaces aérospatiales en constante évolution et à nous défendre contre elles, y compris les menaces qui pourraient atteindre l’Amérique du Nord depuis l’Arctique. Le NORAD et sa modernisation sont très importants pour nous et pour nos alliés, surtout les États-Unis.

[Traduction]

Monsieur le président, la Défense nationale est déterminée à travailler en partenariat avec les Autochtones et à tenir compte de leur point de vue, et nos travaux visant à moderniser le NORAD seront entrepris en consultation avec les peuples autochtones et dans l’esprit de la réconciliation. Mon équipe et moi-même avons mené des consultations avec les peuples autochtones et nous croyons que cela fait partie de notre travail de modernisation du NORAD et que nous devons aussi nous assurer qu’il y ait des retombées économiques pour les Autochtones.

[Français]

Monsieur le président, nous prenons au sérieux notre souveraineté et notre sécurité dans le Nord. Aujourd’hui, les Forces armées canadiennes maintiennent une présence permanente dans le Nord, avec des centaines de militaires en poste au sein de la Force opérationnelle interarmées et d’importantes infrastructures comme la Station des Forces canadiennes Alert et le Centre de formation des Forces armées canadiennes dans l’Arctique.

[Traduction]

Notre présence de grande envergure est rendue possible par le 1er Groupe de patrouille des Rangers canadiens, qui comprend 1 750 Rangers organisés en 61 patrouilles. Grâce aux initiatives que j’ai décrites aujourd’hui, et à celles dont nous allons discuter, j’en suis sûre, nous continuerons de renforcer la défense et la sécurité dans l’Arctique canadien. Nous ferons tout notre possible pour que les Forces armées canadiennes aient le matériel, les ressources et les infrastructures dont elles ont besoin pour défendre les intérêts canadiens dans le Nord, que ce soit dans l’eau, sur terre ou dans les airs.

Merci beaucoup. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Le président : Avant que nous passions aux questions, j’aimerais demander aux participants dans la salle, pour des raisons de santé et sécurité, d’éviter de se pencher pour s’approcher trop près du microphone ou, ce faisant, d’enlever leur écouteur. Cela vise à éviter une réaction acoustique dangereuse pour le personnel du comité qui est sur place.

J’aimerais également souligner que la ministre Anand sera avec nous jusqu’à 17 heures, et que nous allons faire de notre mieux pour permettre à chaque membre du comité de lui poser une question durant la première heure. La deuxième période de questions avec les autres témoins aura lieu de 17 heures à 18 heures.

Ceci dit, chaque membre disposera de quatre minutes pour les questions et les réponses. Par conséquent, je demande à mes collègues de poser des questions brèves afin de permettre le plus grand nombre de questions possibles.

La parole est d’abord à notre vice-président, le sénateur Dagenais.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci, madame la ministre. Mes collègues vont trouver que je me répète, mais je commence ma douzième année en tant que membre du Comité sénatorial de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants.

Ma question concernera l’équipement. Je vous avoue que le comportement du gouvernement en matière d’acquisition pour la défense et les Forces armées canadiennes ne m’a pas épaté au cours des 12 dernières années, je dirais même que c’est une catastrophe. Les délais d’action ont été inacceptables. Des années ont été perdues pour finalement commander les fameux F-35 dont le premier ministre Trudeau avait précédemment annulé la commande.

Pire encore, en 2016, vous avez annulé l’achat d’appareils de recherche et de sauvetage pour ensuite acheter 16 appareils C295 de la compagnie Boeing dans un programme d’acquisition de 2,2 milliards de dollars. Ces appareils ont été livrés en 2021, mais ils sont cloués au sol en raison de problèmes techniques et informatiques.

J’ai trois questions concernant l’achat douteux de ces C295. Est-ce vrai que l’usage de ces appareils est maintenant reporté à 2030, soit neuf ans après leur livraison? Combien coûteront aux Canadiens les ajustements qui seront à faire sur ces appareils? Est-ce vrai que Transports Canada a refusé d’accorder une certification de vol pour ces avions, dont nous aurions grandement besoin pour la surveillance du territoire?

Mme Anand : Je vous remercie pour la question ainsi que pour votre service dévoué au Sénat.

Premièrement, je voudrais répondre au sujet de notre approvisionnement en général. Nous avons des projets très importants concernant l’approvisionnement crucial pour notre pays. Par exemple, notre projet de capacité des futurs chasseurs : 88 avions de chasse, et nous avons signé et confirmé un contrat pour ces avions. Nous allons le faire, contrairement à l’autre gouvernement.

Nous allons également continuer à moderniser notre flotte de CP-140 Aurora. C’est un projet très important pour les Forces armées canadiennes, et le gouvernement le fera. Nous avons d’autres projets, et je vais me tourner vers le sous-ministre pour discuter du C295.

Cependant, j’aimerais ajouter que nous ferons beaucoup de travail en ce qui concerne les approvisionnements. Nous avons du travail à faire; c’est important de le reconnaître. Nous sommes en train de faire ce travail et nous continuons de le faire.

Bill Matthews, sous-ministre, ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes : Malheureusement, nous n’avons personne avec nous aujourd’hui de l’Aviation royale canadienne qui pourrait vous parler du statut des flottes en ce qui concerne le règlement de Transports Canada, je ne suis donc pas en mesure d’offrir des renseignements là-dessus. Nous ferons un suivi à ce sujet après la réunion.

Je crois cependant que lors de votre question, vous avez mentionné Boeing, est-ce le cas?

Le sénateur Dagenais : En fait, les C295 ont été commandés à Boeing, mais ils sont arrivés avec des difficultés techniques.

M. Matthews : Je pense plutôt que le fabricant est Airbus, mais je vais vérifier cette information.

[Traduction]

Nous pouvons revenir là-dessus si le temps le permet. Je pourrai vous donner une réponse. Lorsque j’ai entendu « Boeing », j’ai été surpris, veuillez m’excuser.

Le président : D’accord. Nous pourrons peut-être y revenir plus tard durant la réunion.

Le sénateur Boehm : Je vous souhaite la bienvenue, madame la ministre. Je vais d’abord parler du Soudan, mais je vais parler de l’Arctique ensuite. Au Soudan, nous voyons ce qui semble être une opération internationale coordonnée pour sortir des citoyens de divers pays de cette zone de conflit, et je pense que ce genre d’opération s’est amélioré grâce à des années de pratique lors de situations de crise. Je me souviens d’avoir participé à l’évacuation de Canadiens du Liban en 2006.

Il existe des pratiques exemplaires et des façons de travailler en collaboration avec d’autres pays. Un ou, je l’espère, deux pays de l’Arctique vont se joindre à l’OTAN, et ce sont des pays qui possèdent de l’expérience dans le domaine de la recherche et du sauvetage dans l’Arctique. Nuuk est située à environ deux heures d’avion d’Iqaluit. Lorsque le ministère et les forces armées regardent vers l’avenir en ce qui a trait à la recherche et au sauvetage, vu l’augmentation des navires de croisière et du tourisme d’aventure dans la région grâce à l’ouverture des eaux en raison des changements climatiques, envisagent-ils de collaborer de façon plus constante et plus étroitement avec d’autres pays qui ont de l’expérience dans ce domaine dans l’Arctique?

Mme Anand : Merci, sénateur, et merci, monsieur le président, pour cette question. J’ai moi-même réfléchi à cela à plusieurs reprises, d’autant plus que j’ai assisté à de nombreuses rencontres à l’OTAN, où souvent la Finlande et la Suède étaient présentes.

Je peux dire que j’ai pris l’initiative d’inviter tous les pays de l’Arctique, sauf la Russie, à une rencontre que j’avais fixée. Nous nous sommes réunis à d’autres reprises par la suite pour discuter de cette question, à savoir la collaboration future dans l’Arctique pour assurer la paix et la sécurité mondiales, et pour discuter des conséquences des changements climatiques sur nos pays, pris ensemble et individuellement, ainsi que de l’idée de continuer à nous rencontrer. Nous nous sommes rencontrés à plusieurs reprises. Nos représentants sont en communication étroite. Il est certain que nous allons continuer à nous pencher sur les questions concernant la souveraineté dans l’Arctique et la paix et la sécurité dans cette région.

Je sais que le chef d’état-major de la défense a aussi rencontré ses homologues de ces pays de l’Arctique. En fait, il les a invités au Canada. Ils se sont réunis au Labrador l’année dernière, et ils ont eu la même discussion. Votre question est donc très pertinente.

Nous prenons très au sérieux les actions collectives. Nous entretenons d’excellentes relations avec nos alliés. Ils voient le Canada comme un chef de file parce que nous prenons au sérieux les changements climatiques et la sécurité dans l’Arctique. Ils en ont eu la preuve avec notre projet de modernisation du NORAD, que nous avons présenté l’année dernière et auquel nous allons consacrer 38,6 milliards de dollars sur 20 ans. Merci.

Le sénateur Oh : Merci, madame la ministre, pour votre présence. La situation au Soudan est très grave, et de nombreux Canadiens ont hâte de quitter ce pays. Le Canada dispose de cinq appareils C-17 et de 17 aéronefs de transport CC-130, ainsi que de cinq aéronefs de transport Polaris. Est-ce que le Canada compte utiliser certains de ces appareils pour évacuer des Canadiens du Soudan, ou est-ce qu’il va compter sur ses alliés?

Mme Anand : Je vous remercie, sénateur, pour votre question. Toute l’équipe s’est penchée durant le week-end et la semaine dernière sur cette question pour s’assurer que nous faisons tout notre possible à l’égard des Canadiens et de la situation sur le terrain.

Permettez-moi de faire le point. Nous avons suspendu temporairement les opérations du Canada au Soudan. Nos diplomates sont en sécurité. Ils ont été évacués et ils travaillent à l’extérieur de ce pays. Nous examinons toutes les options possibles pour soutenir notre personnel local ainsi que les Canadiens qui se trouvent au Soudan.

Nous sommes extrêmement préoccupés par les dangers et l’évolution rapide de la situation sur le terrain. Votre question est donc très pertinente. Nos représentants demeurent en communication avec les Canadiens touchés par la situation.

Je dois dire que des membres des Forces armées canadiennes se trouvent dans la région et ils travaillent en très étroite collaboration avec certains de nos alliés et partenaires pour trouver des options pour évacuer les gens, et des représentants du Canada sont en contact avec des citoyens canadiens qui se trouvent au Soudan.

Je vais demander au chef d’état-major de la Défense de vous donner davantage d’informations.

Général Wayne Eyre, chef d’état-major de la Défense, ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes : Merci, madame la ministre et monsieur le président.

Au cours des 96 dernières heures, nous avons été accaparés par cette question afin de nous assurer que les Canadiens sont en sécurité. Nous devons porter une attention très particulière aux difficultés que pose le Soudan en ce qui a trait aux opérations d’évacuation de non-combattants. C’est un environnement contesté en proie à de nombreux combats. Le principal aérodrome international à Khartoum est fermé. Il n’y a pas beaucoup d’autres têtes de pont aériennes dans la région de Khartoum, alors, les infrastructures constituent un problème. Les patrouilles motorisées des Rapid Support Forces, les RSF, posent également un problème. Il ne faut pas sous-estimer ces problèmes.

Cela étant dit, nous collaborons très étroitement avec nos alliées. Nous sommes en train d’élaborer des plans. Nous avons envoyé des militaires dans la région. Certains survolent actuellement la région à bord de certains des appareils que vous avez nommés, alors, nous travaillons fort pour protéger le plus possible les Canadiens.

Mme Anand : Permettez-moi d’ajouter quelque chose. Le chef d’état-major de la Défense a parlé de notre relation avec nos alliés, et je dois dire que c’est dans des moments comme ceux-ci que nous comprenons l’importance de l’excellente relation du Canada avec ses alliés. Durant tout le week-end, nous avons travaillé avec nos alliés, et je me suis aussi entretenue avec le secrétaire à la Défense des États-Unis.

C’est un moment extrêmement important, non seulement pour la sécurité des citoyens canadiens qui se trouvent là-bas, mais aussi pour notre collaboration continue avec d’autres pays.

Le sénateur Oh : Madame la ministre, est-ce que l’ensemble du personnel de notre ambassade a été évacué? Est-ce que tous les membres du personnel ont quitté le Soudan?

Mme Anand : Nos diplomates ont été évacués et ils travaillent à l’extérieur de ce pays. Nous sommes en train d’examiner toutes les options qui s’offrent à nous pour évacuer tous les autres citoyens canadiens.

Le président : Merci, madame la ministre.

[Français]

Le sénateur Gignac : Bienvenue, madame la ministre. Je remercie également les hauts officiers de l’armée pour leur présence et leur service pour assurer la protection des Canadiens.

Madame la ministre, je vais profiter de votre présence pour viser un peu plus large que simplement la sécurité et la défense dans l’Arctique. J’ai le privilège d’être aussi membre du Comité sénatorial permanent des finances nationales, et je remarque que le Budget principal des dépenses de la prochaine année dépasse à peine 15 % du niveau d’avant la pandémie. Si on s’ajuste face à l’inflation, cela indiquerait que le budget de la Défense n’a pas réellement augmenté par rapport à 2019, contrairement au reste du gouvernement.

D’ailleurs, lorsqu’on regarde aussi les dépenses militaires, le pourcentage du PIB est d’à peine 1,3 %, soit bien en deçà de ce que l’OTAN recommande. La semaine passée, il y avait un article dans La Presse où d’anciens ministres et sénateurs ainsi que des généraux à la retraite mentionnaient que la sécurité et la défense du pays étaient en péril.

Pouvez-vous nous rassurer, madame la ministre, et nous dire que la sécurité nationale n’est pas en danger?

Enfin, à quel moment allons-nous atteindre la cible de 2 % du PIB? Il y a des fuites, apparemment du Washington Post, disant que le premier ministre n’est pas très empressé d’atteindre la cible de 2 %.

Mme Anand : Merci pour votre question, monsieur le sénateur, et aussi pour votre engagement dévoué.

Notre engagement à l’égard de la sécurité euroatlantique et mondiale est inébranlable et nous faisons des investissements historiques pour équiper nos forces.

Premièrement, j’aimerais dire que nous continuons d’augmenter nos dépenses en matière de défense. En fait, cela représente 70 % de nos prévisions dans notre politique de défense de 2017. Deuxièmement, nous investissons aussi 38,6 millions de dollars pour moderniser le NORAD et pour la défense continentale. Troisièmement, nous avons également annoncé des dépenses de 8 milliards de dollars dans le budget de 2022.

Donc, on peut voir que nous continuons d’investir dans les Forces armées canadiennes (FAC). Nous procédons actuellement à une mise à jour de notre politique de défense qui examinera les capacités et les besoins des FAC dans l’avenir.

Donc, il y a une histoire qui s’inscrit ici, et elle est plus positive que ce qu’on a pu voir durant le week-end de la semaine passée. Merci beaucoup.

Le sénateur Gignac : Avec mes collègues, on a visité les quartiers généraux du NORAD au Colorado.

J’ai été surpris, lors d’une séance d’information en après-midi, d’apprendre que la politique d’approvisionnement était différente de la nôtre.

Si nous avons un commandement conjoint Canada—États-Unis au point de vue militaire, pourquoi notre politique d’approvisionnement est-elle différente de celle de l’armée américaine?

Mme Anand : Merci pour la question, monsieur le sénateur.

Ce n’est pas nécessairement le cas. On doit reconnaître qu’à chaque occasion qui se présente, nous avons une conversation avec nos homologues américains sur ce sujet. Maintenant, avec la modernisation du NORAD, nous avons eu et nous continuons d’avoir des conversations cruciales pour nous assurer que l’approvisionnement pour la modernisation du NORAD contribuera aux apports nécessaires pour les deux pays. Par exemple, pour maintenir le Système d’alerte du Nord, nous avons conclu un contrat avec Nasittuq Corporation de 6 millions de dollars. C’est important pour les deux pays. Nous avons ces conversations régulièrement pour nous assurer que nous faisons les investissements nécessaires pour nos deux pays.

Je vais me tourner maintenant vers mon sous-ministre qui pourra compléter ma réponse.

M. Matthews : J’ai deux points à ajouter. Premièrement, ce sont les opérations qui sont semblables à celles des États-Unis, mais les processus pour acheter les actifs en vue de soutenir les opérations sont la responsabilité de chaque pays, indépendamment.

Il est évident qu’on doit acheter les actifs et les équipements requis pour permettre aux deux pays de travailler ensemble. Cependant, c’est le règlement ou le régime de chaque pays qui a force de loi pour acquérir ces biens. Il y aura des moments, éventuellement, où il sera réellement nécessaire d’acheter le même type d’actifs; à ce moment-là, on pourra s’engager auprès des États-Unis afin de régler cette question de concert avec eux.

[Traduction]

Le sénateur Cardozo : Je remercie beaucoup la ministre et les représentants pour leur présence et pour leur mise à jour sur le Soudan. Je suis étonné et ravi que vous ayez le temps de comparaître devant nous alors qu’un dossier aussi urgent vous occupe.

Il n’y a aucune option? D’accord, c’est très bien.

J’aimerais aller un peu plus loin et vous poser une question plus large concernant les 5 à 10 prochaines années. Je me suis penché sur les questions que vous avez abordées au sujet de l’Arctique, des routes maritimes et de l’incertitude à l’égard de la Russie et de la Chine. Je pense à toutes les dynamiques, aux menaces à la démocratie à l’échelle de la planète, à la montée de dirigeants autocratiques, aux menaces à la cybersécurité, aux changements climatiques et aux déplacements massifs de populations.

Au cours des 5 à 10 prochaines années, quelles seront vos priorités, selon vous, d’après le travail que vous effectuez en collaboration avec d’autres ministères, comme le ministère des Affaires mondiales, et avec vos collègues dans d’autres pays? Que feront les pays dans le monde face à toutes ces menaces, et quel sera votre rôle au sein du ministère de la Défense nationale dans tous ces dossiers? La situation au Soudan est très grave, mais elle se déroule dans un contexte où toutes sortes de choses se produisent.

Mme Anand : Je pense que c’est une très bonne question, car l’environnement stratégique et le contexte de menace à l’échelle mondiale sont très différents de ce qu’ils ont été depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale.

Il n’y a pas que l’invasion illégale et injustifiable de l’Ukraine par la Russie qui devrait retenir notre attention, mais aussi les agressions accrues dans la région indopacifique. La situation au Soudan doit également être examinée. Nous devons nous dire qu’il est important que nous soyons prêts non seulement pour ce qui se passera au cours du prochain mois ou de la prochaine année, mais aussi durant les 5 à 10 prochaines années.

C’est pourquoi nous procédons à la mise à jour de notre politique de défense. J’en ai parlé durant ma déclaration liminaire. Nous reconnaissons que la politique de défense que nous avons mise en place en 2017, qui s’intitule « Protection, Sécurité, Engagement », était fondée sur une analyse d’un contexte de menace qui a beaucoup évolué depuis. Par conséquent, nous devons entreprendre un examen du contexte de menace actuel et reconnaître que le contexte mondial en ce qui a trait à la sécurité a changé considérablement et que nos réflexions sur la défense et la sécurité doivent tenir compte des nouvelles menaces.

C’est ce que nous ferons dans le cadre de la mise à jour de notre politique de défense. Nous discutons avec des intervenants externes. Nous procédons à une vaste évaluation de nos besoins en matière de sécurité à court et à long terme, notamment dans le domaine de la cybersécurité, pour nous assurer que les Forces armées canadiennes disposeront à court et à long terme de suffisamment de capitaux. Nous adoptons une approche pangouvernementale et nous devons nous assurer que les questions de sécurité sur lesquelles nous mettons l’accent concordent avec les besoins urgents dont notre gouvernement doit s’occuper au pays et à l’étranger. Merci.

Le sénateur Yussuff : Je remercie les représentants pour leur présence. Je vous remercie pour tous les efforts que vous déployez, particulièrement dans le dossier de l’Ukraine. Notre pays s’occupe de ce dossier, bien entendu, et je sais que beaucoup d’efforts y ont été consacrés et que bien des engagements ont été pris, mais nous ne pouvons pas nous permettre d’échouer, car ce dossier concerne la sécurité de notre pays.

Nous avons beaucoup entendu parler dernièrement de l’état de préparation de notre armée. Lorsque nous étions dans le Nord, nous avons observé certaines choses dont je dois vous faire part. L’hiver dernier, j’ai été décontenancé par la piste et le hangar de l’armée que nous avons visités. Je n’ai pas été impressionné par ce que j’ai vu. Un aéronef qui sortait du hangar a dû faire un demi-tour pour se rendre sur la piste afin de décoller. Comme nous le savons, un ballon-espion a été repéré récemment dans le Nord, et un avion militaire ne pouvait pas décoller parce que la piste était glacée. Il a fallu travailler pour déglacer la piste et permettre à l’avion de décoller. Cela témoigne du grand défi qui nous attend et de la raison pour laquelle nous devons renouveler notre engagement, surtout dans le Nord, compte tenu de l’état de préparation de nos forces armées dans la région. Nous devrons déployer énormément d’efforts.

Ce que nous avons également entendu dans le Nord, c’est que les communautés des Premières Nations veulent être nos partenaires dans cette démarche. C’est crucial, car elles considèrent que la base militaire ne doit pas seulement répondre à des besoins d’ordre militaire, mais qu’elle doit également répondre à leurs besoins au sein de la communauté. Vous pourriez peut-être nous parler de certaines de nos lacunes sur le plan de l’état de préparation dans le Nord, ainsi que de ce que nous déployons comme efforts pour veiller à ce que le Canada ne soit pas pris au dépourvu, compte tenu de l’hostilité de la Russie et d’autres pays dans le Nord.

Mme Anand : Merci beaucoup. Je vais commencer par donner une vue d’ensemble et ensuite parler plus précisément de certains des actifs que vous avez mentionnés.

J’ai dit d’emblée que nous investissons environ 38,6 milliards de dollars dans la modernisation du NORAD et, plus généralement, dans la défense continentale. De ce montant, environ 500 millions de dollars seront consacrés à la modernisation de l’infrastructure, notamment dans les bases situées dans le Nord de notre pays. C’est ce qu’a annoncé le premier ministre lors de la visite du président Biden. En fait, nous avons reconnu qu’il est important d’avoir cette infrastructure en place pour les raisons mêmes que vous avez évoquées dans votre question, ainsi que parce qu’elle sera nécessaire quand nous recevrons les F-35. À Bagotville et à Cold Lake, la modernisation de l’infrastructure sera très importante, mais elle se fera dans diverses bases à travers le pays, comme je l’ai mentionné.

C’est à venir, et on reconnaît ainsi l’importance de disposer d’une infrastructure solide et, je dirais, interopérable. Ces bases seront dotées de technologies qui nous permettront de communiquer avec nos alliés et de relayer rapidement aux décideurs le commandement et le contrôle ainsi que les décisions qui s’y rapportent.

En ce qui concerne les actifs que vous avez mentionnés, permettez-moi tout d’abord de dire que nous sommes tout à fait conscients de la nécessité de disposer d’actifs qui soutiennent les opérations et qui, dans la mesure du possible, profitent aux communautés locales. Nous réévaluons régulièrement nos besoins pour nous assurer que les Forces armées canadiennes disposent des installations appropriées pour soutenir ces opérations dans le Nord, et nous devons continuer notre travail sur ce front en ce qui concerne le hangar d’Inuvik et l’installation navale de Nanisivik, ainsi que l’exploitation de ces actifs. Les opérations dans l’Extrême-Arctique sont, bien entendu, au cœur de nos préoccupations. Nous travaillons à un plan à long terme qui vise à allonger la saison d’opération une fois que le modèle actuel aura donné de bons résultats et que les capacités auront été établies. Je vais demander au chef d’état‑major de la Défense s’il a quelque chose à ajouter à ce sujet.

Gén Eyre : J’aimerais rectifier les faits en ce qui concerne le décollage pendant une tempête de verglas. Quel que soit l’investissement dans l’état de préparation, si vous vous trouvez au milieu d’une tempête de pluie verglaçante, il sera dangereux de décoller avec n’importe quel type d’avion, en particulier si votre cible ne constitue pas une menace cinétique. Nous sommes au Canada. Ce sont les conditions climatiques et la réalité, et nous devons y faire face. Le problème n’est pas particulièrement lié à l’investissement dans l’état de préparation, dans ce cas précis.

Mme Anand : Pour conclure à ce sujet, dans le cadre de nos efforts pour renforcer nos capacités, nous ne nous contentons pas de réserver 500 millions de dollars pour l’infrastructure des bases. La Défense nationale s’est également engagée à verser environ 230 millions de dollars pour l’allongement de la piste de l’aéroport d’Inuvik. L’augmentation annoncée du coût du projet est la conséquence des retards causés par la COVID-19, des problèmes de chaîne d’approvisionnement et de l’augmentation des coûts du matériel, mais la Défense nationale est très heureuse de soutenir ce projet d’infrastructure, car elle reconnaît l’importance de la région et des communautés locales, comme votre question le laisse supposer. Merci.

La sénatrice M. Deacon : Merci, madame la ministre, et merci aux fonctionnaires et à l’équipe d’être présents. C’est très apprécié. Ce dont nous discutons me fait penser au privilège que nous avons eu quand nous sommes allés à Colorado Springs et dans l’Arctique, de même qu’à l’importance de cela. Tant de choses ont été mises en lumière. Pour faire suite à un commentaire de mon collègue, le sénateur Cardozo, j’aimerais mentionner, concernant les défis rencontrés depuis 2017, que l’un des exposés les plus impressionnants à Colorado Springs a été celui de la dernière partie de la journée. Les participants ont reconnu ce qui est différent dans notre monde actuel, les grands enjeux auxquels nous devons faire face et ce que nous prévoyons de faire. C’était un exposé très impressionnant.

Je vais revenir sur un point que vous avez brièvement souligné dans votre déclaration liminaire, à savoir la présence des Rangers canadiens dans le Nord. Dans les témoignages précédents, notamment en personne, nous avons entendu dire que la présence et le rôle des rangers pourraient être renforcés par une meilleure infrastructure dans les communautés où ils assurent le service. Un bâtiment polyvalent chauffé, par exemple, pourrait servir de lieu de formation et d’entreposage sécuritaire, et répondre aux besoins opérationnels; il pourrait même accueillir d’autres ministères fédéraux, selon les besoins.

Ma question est la suivante. Est-ce que de tels investissements dans les Rangers canadiens feront partie des plans de dépenses du gouvernement dans l’Arctique? J’aurai une question complémentaire.

Mme Anand : Il ne fait aucun doute que les rangers jouent un rôle absolument essentiel dans notre pays, en particulier pour ce qui est du soutien aux communautés isolées et autochtones, notamment à la suite de catastrophes naturelles et dans le contexte de la pandémie de COVID-19. En cas de crise, ils sont nos yeux et nos oreilles sur le terrain, et ils se montrent à la hauteur à chaque occasion. J’en profite d’ailleurs, en particulier à l’occasion de leur 75e anniversaire, pour remercier les Rangers canadiens de leur contribution aux Forces armées canadiennes et à la sécurité de notre pays. Ils constituent un élément essentiel de notre équipe élargie, et nous prenons leur rôle très au sérieux.

Dans le cadre de l’initiative Protection, Sécurité, Engagement, nous nous assurons d’avoir une équipe d’amélioration des Rangers canadiens. Nous avons créé cette équipe en juin 2022 afin d’améliorer l’efficacité des rangers. L’objectif est d’améliorer leurs capacités fonctionnelles grâce à une vision intégrée de leur rôle, de leur mission et de leurs tâches, le cas échéant. Nous allons continuer à soutenir les Rangers canadiens, qui contribuent à la protection de nos communautés, en particulier dans les communautés isolées, éloignées et nordiques à faible densité de population.

Je vais demander au chef d’état-major de la Défense s’il souhaite faire des commentaires au sujet des rangers.

Gén Eyre : La ministre a tout à fait raison. Le programme d’amélioration des Rangers canadiens nous aidera à aller de l’avant et à développer cette capacité. Chaque patrouille est légèrement différente, et certaines d’entre elles disposent des installations dont vous avez parlé, alors que d’autres n’en ont pas. Nous devons donc nous pencher sur cette question.

Nous avons également des questions plus fondamentales. L’hypothèse sous-jacente est que les rangers arrivent avec la formation dont ils ont besoin sur la base des connaissances traditionnelles et de la vie sur le terrain, et ainsi de suite. Cette hypothèse doit être revue à mesure que les temps changent. Il se peut que ces connaissances traditionnelles n’existent plus. Il faut donc se pencher sur la formation, sur les aspects financiers dont la ministre a parlé et sur l’équipement. Ce sont tous des aspects du renforcement de la capacité de nos rangers, mais il ne fait aucun doute que les rangers sont nos oreilles, nos yeux et nos guides dans le Nord, et qu’ils forment ainsi une partie essentielle de la solution en matière de sécurité.

La sénatrice M. Deacon : À ce sujet, selon les propos du colonel à la retraite Pierre Leblanc, publiés récemment dans un article d’opinion, les rangers devraient se doter d’une capacité maritime pour faire face à l’augmentation de l’activité prévue dans les eaux arctiques. Est-ce que vous envisagez quelque chose de ce genre à l’avenir, ou est-ce que cela fait partie de la réponse que vous venez de donner?

Gén Eyre : Je crois qu’il faut que nous explorions l’option d’envoyer les rangers sur l’eau également, dans le cadre de notre examen en profondeur du rôle futur des rangers.

La sénatrice Dasko : Je remercie la ministre et les témoins de leur présence aujourd’hui.

Madame la ministre, je tiens à vous remercier, le gouvernement et vous, de votre soutien indéfectible à l’Ukraine au cours de l’année écoulée. C’est très précieux pour nos alliés et pour le monde entier. J’en suis très reconnaissante, comme tous les Canadiens.

D’après ce que j’ai lu, la guerre en Ukraine a notamment révélé certaines faiblesses, celles de la Russie, de son armée et de sa société. Il est apparu que la Russie dispose de piètres ressources, et que son armée est mal entraînée et peu motivée. Vous avez mentionné qu’ils ont resserré leur présence dans l’Arctique, mais est-il possible que ces ressources ne soient que des villages Potemkine? Ce n’est pas une coïncidence si l’expression « village Potemkine » nous est venue de la Russie, et qu’elle désigne une attitude de défi et un simulacre. C’est une hypothèse sur laquelle j’aimerais que vous vous penchiez. La Russie s’affaiblit peut-être, avec la guerre qui se poursuit, si j’en crois ce que je lis tous les jours dans les médias.

Est-il possible que la Russie soit moins menaçante pour le Nord qu’elle ne l’aurait été parce qu’elle s’affaiblit à cause de la guerre et qu’elle n’est pas en mesure de se battre ou de se défendre comme elle devrait le faire pour atteindre ses objectifs? J’aimerais entendre vos commentaires sur cette hypothèse. Par ailleurs, je voudrais prendre un peu de recul et vous demander votre pronostic pour l’Ukraine, ce que vous pouvez nous dire sur ce que vous entrevoyez pour les prochaines années, ou pour la prochaine année, dans la mesure où vous le pouvez. Merci.

Mme Anand : Je vous remercie beaucoup pour cette question très pertinente. Avant toute chose, je tiens à souligner, comme vous le savez certainement, que la menace arctique ne vient pas uniquement de la Russie. Nous constatons une plus grande activité dans cette région. Par exemple, la Chine s’est proclamée pays quasi arctique. Donc, sans insister sur cette nomenclature, nous devons comprendre que la menace réelle et potentielle dans cette région n’est pas le fait d’un seul pays. Notre analyse de la menace doit reposer sur la nécessité de prendre toutes les mesures qui s’imposent en matière de capacités et de ressources humaines pour défendre cette région, que ce soit individuellement, grâce au NORAD, ou collectivement, avec d’autres pays qui sont, en fait, des pays arctiques.

Le plus important à retenir est sans doute qu’il faut constamment analyser la situation et reconnaître que le contexte de menace évolue rapidement. Vous vous souviendrez que nous avons récupéré et intercepté, dans cette région, des bouées qui avaient été placées par un pays agresseur, à savoir la Chine. Nous sommes très attentifs à cela, et je tiens à souligner que le contexte mondial de menace évolue rapidement. Nous devons être conscients de ces menaces, non seulement chez nous, mais aussi dans la région, car le Canada est lui-même une nation du Pacifique. C’est la raison pour laquelle nous avons présenté notre stratégie indopacifique à la fin de l’année dernière. C’est pour cela que nous intensifions notre présence militaire dans la région indopacifique, que nous ajoutons une troisième frégate, et que nous améliorons nos activités de formation et de renforcement des capacités, et nos cyberopérations avec nos partenaires et alliés dans cette région.

Dans l’environnement stratégique mondial actuel, il est essentiel de construire et de consolider nos relations avec nos alliés, qu’il s’agisse de nos alliés du Groupe des cinq, de l’OTAN ou du NORAD. À l’heure actuelle — et je peux le dire, car je reviens d’Allemagne où nous avons rencontré plus de 50 pays qui appuient tous une réponse collective en soutien à l’Ukraine —, nos relations avec nos alliés sont très solides, et nous devons continuer de veiller à ce qu’elles le restent.

Pour ce qui est de l’avenir de l’Ukraine, c’est à l’Ukraine elle‑même de décider. Notre rôle sera de continuer à lui proposer notre aide, notamment militaire, afin qu’elle dispose des ressources nécessaires pour assurer sa défense, sa souveraineté, sa sécurité et sa stabilité, et pour se reconstruire une fois qu’elle aura remporté cette guerre. C’est pourquoi le Canada a offert plus de 1 milliard de dollars en aide militaire et plus de 8 milliards de dollars en aide humanitaire, économique et militaire combinée, ce qui comprend un prêt de 2 milliards de dollars à l’Ukraine par l’intermédiaire du FMI, montant qui est prévu dans notre dernier budget. C’est le genre d’effort que nous allons fournir au vu de l’importance de réagir à cette invasion illégale. La démocratie de l’Ukraine est aussi celle du Canada et des alliés, et nous continuerons à soutenir fermement l’Ukraine à court et à long terme.

Ne vous y trompez pas, nous sommes parfaitement conscients de l’évolution de l’environnement stratégique mondial, et la mise à jour de notre politique de défense sera fortement axée sur la manière dont le Canada doit réagir à la lumière des changements qui se produisent. Je vous remercie.

Le président : Merci.

La sénatrice R. Patterson : Je vais rester assez concise, et je vais me concentrer sur l’aspect humain. Les investissements sont bons, en particulier dans l’Arctique où nous parlons d’infrastructure et d’équipement, de notre participation au NORAD et du recours à des solutions contractuelles pour l’entretien de certaines lignes. Nous savons également qu’il faut absolument des humains pour certaines activités — des humains qui, souvent, portent un uniforme —, et qu’il est extrêmement difficile d’amener des gens à vivre dans le Nord. Vous dites « Grand Nord », et la réponse est : « Pas question. »

Madame la ministre, nous venons de participer à une réunion interparlementaire de l’OTAN, et certaines personnes ont parlé « en connaissance de cause » de la situation qui prévaut au sein du personnel des Forces armées canadiennes. Comme nous le savons, par nécessité, les choses changent rapidement dans l’armée. J’avoue que, ayant récemment quitté l’armée, j’ai trouvé certains messages assez troublants, en particulier en ce qui concerne les difficultés internes auxquelles je sais que nous nous sommes attaqués.

La question que j’ai à vous poser comporte deux volets. Le premier volet est le suivant. Quels messages les Canadiens devraient-ils entendre à propos de notre situation actuelle et des progrès accomplis dans la mise en place d’une culture que les gens trouvent attrayante? Deuxièmement, en ce qui concerne le Nord, nous pouvons certainement envisager d’étendre notre empreinte et notre présence, mais nous devrons probablement faire appel à d’autres personnes qui ne vivent pas normalement dans le Nord pour travailler dans cette région.

Donc, quelle sera votre empreinte selon vous, et comment envisagez-vous les choses du point de vue de la combinaison de militaires, de civils, et ainsi de suite? Merci.

Mme Anand : [Difficultés techniques] cette question qui me permet d’aborder l’un des projets les plus importants de l’histoire des Forces armées canadiennes et de l’équipe de défense au sens large, à savoir veiller à ce que chaque personne qui revêt un uniforme puisse bénéficier de la protection et du respect qui lui sont nécessaires pour s’acquitter de sa mission au service de ce pays. Cela signifie qu’il faut s’attaquer au harcèlement sexuel, à l’inconduite et à la discrimination, et veiller à ce que notre institution soit accueillante pour tous.

Je tiens à rassurer le comité : toute l’équipe prend cette question très au sérieux. C’est ce qu’on appelle globalement le changement de culture dans les Forces armées canadiennes, mais c’est aussi le changement institutionnel et la croissance nécessaires pour que l’institution des Forces armées canadiennes reflète la démographie de notre pays et garantisse une place à chacun; tous ceux qui veulent servir peuvent le faire avec la protection et le respect qu’ils méritent.

Pour cela, il faut des réformes. Nous avons entrepris de réformer les Forces armées canadiennes afin de garantir la réalisation de cet objectif général, notamment en mettant en œuvre toutes les recommandations formulées par la Cour suprême, l’année dernière — les 48 recommandations. J’ai présenté à la Chambre des communes un plan qui explique comment nous allons entreprendre cette tâche.

Ce ne sont pas que des paroles; nous agissons. Vous verrez que nous allons continuer d’agir afin de bâtir les Forces armées canadiennes de l’avenir.

Voilà un volet du renouvellement des Forces armées canadiennes, mais il y en a d’autres : le maintien en poste et le recrutement. Comme vous le savez fort probablement, nous nous sommes dotés de stratégies pour ces deux enjeux. Pourquoi? Parce qu’il est nécessaire de bâtir des Forces armées canadiennes de plus en plus nombreuses afin de compter sur des troupes robustes pour notre sécurité et notre défense.

Depuis ma nomination, j’ai déclaré sans ambages que nous devons faire croître les Forces armées canadiennes. Nous en demandons davantage de la part de nos membres et nous avons besoin de plus de personnel. Nous demandons à nos membres d’en faire davantage au Canada, lors de feux de forêt et d’inondations. Nous leur avons même demandé de mettre la main à la pâte pendant la pandémie de COVID-19 en les envoyant dans les centres de soins de longue durée et en leur confiant la livraison des vaccins. À l’international, nos forces ont formé plus de 36 000 soldats ukrainiens. Elles se trouvent en Pologne. Elles sont actuellement en Angleterre pour former des membres des forces ukrainiennes.

Toutes ces réalités nous indiquent que nous devons continuer à faire croître les Forces armées canadiennes, non seulement sur le plan des capacités et de l’approvisionnement, mais aussi en faisant augmenter le nombre de membres. Ces deux éléments sont interreliés, car lorsque les Canadiens nous voient acquérir, par exemple, du nouvel équipement — les 88 F-35 —, j’espère qu’ils se disent que les Forces armées canadiennes représentent un endroit où ils peuvent bâtir leur avenir.

Je vais maintenant demander au chef d’état-major de la Défense s’il veut ajouter quelque chose.

Gén Eyre : Afin de faire évoluer la culture, nous nous penchons sur les aspects de la culture qui doivent changer. Vous auriez beaucoup de mal à trouver une autre organisation dans ce pays qui déploie autant d’efforts pour garantir que tous les Canadiens peuvent se reconnaître en elle et pour attirer et retenir des employés talentueux de tous les pans de la société canadienne. Nous devons à tout prix conserver certains aspects de notre culture, y compris le service altruiste, la volonté de se mettre en danger pour protéger les autres et la volonté de se rendre à l’autre bout du monde pour faire le bien.

Il faut absolument conserver ces valeurs, mais notre organisation doit faire sentir à tous — de tous les segments de la société canadienne — qu’ils ont une place parmi nous, parce qu’ils en ont réellement une.

Nous communiquons ce message : « L’organisation est fantastique et regorge de gens merveilleux qui accomplissent de grandes choses, et tout le monde y a une place. » Nous sommes inspirés chaque fois que nous parcourons le monde et que nous voyons nos membres au travail. Le travail a un but et a un sens. Voilà notre message.

En réponse à votre deuxième question sur notre présence dans le Nord, je dirais que, à la lumière des défis, surtout en matière d’infrastructures, je n’entrevois pas de vastes bases où habiteraient en permanence des membres avec leurs familles. J’entrevois plutôt une présence continue assurée par des capacités se déplaçant du sud au nord, selon la demande. Il pourrait y avoir un besoin pour de la recherche et du sauvetage — comme on l’a mentionné précédemment —, pour une urgence nationale, ou pour le positionnement à l’avance d’équipement aérien pour parer à une menace. L’accès aux renseignements est nécessaire pour bien positionner les forces et ainsi créer une présence continue plutôt que permanente.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Madame la ministre, je vais revenir aux C295. On dit que les changements de configuration faits à l’intérieur des appareils exigent qu’on mesure 5 pieds 4 pouces pour pouvoir se tenir debout dans ces appareils. C’est bien en deçà de la taille moyenne des hommes et des femmes des Forces armées canadiennes.

En plus, on dit que l’avion présente des problèmes de gravité pour ceux qui doivent sauter en parachute. Ce genre de mission est primordial dans les opérations de recherche et sauvetage, la sécurité des membres des forces armées étant capitale.

Croyez-vous sincèrement que nos militaires vont accepter d’utiliser les C295 si jamais ils sont autorisés à voler? Vous pouvez me répondre par écrit si nous manquons de temps.

[Traduction]

Le sénateur Yussuff : Madame la ministre, je ne veux pas vous mettre sur la sellette, mais avec tout mon respect à l’égard de votre engagement à changer les forces armées, je dois dire que j’entends ce discours depuis des décennies au sujet de la GRC et qu’une crise entourant le traitement des femmes y sévit toujours.

Aujourd’hui, notre pays est diversifié comme jamais auparavant dans son histoire. Si nous voulons attirer des jeunes de diverses communautés dans les forces armées, la première question qu’ils poseront est : quel traitement différent me réservera-t-on?

Deuxièmement, le marché du travail est très concurrentiel en ce moment. Les travailleurs ont des options autres que les forces armées; par conséquent, si vous n’augmentez pas les salaires des recrues, le problème va simplement s’envenimer.

Je crois que ma collègue a posé la question sur le Nord dans le contexte des rangers. Ils font partie intégrante de notre histoire. J’ai rencontré de nombreux rangers lorsque nous sommes allés dans le Nord, et eux aussi vieillissent. Voici la grande question : comment inciter des jeunes à devenir des rangers et à former un segment important de notre présence militaire dans le Nord?

Ce ne sont pas là des questions anodines; je sais qu’elles sont épineuses. Je ne m’attends pas à ce que vous régliez les problèmes du jour au lendemain, mais je m’attends à ce que vous adoptiez une approche cohérente pour changer la culture. La culture ne change pas; je viens du mouvement ouvrier, alors ne me faites pas croire que la culture change. Le changement ne peut s’opérer du jour au lendemain; il faut une approche cohérente pour maintenir les efforts. Comme vous le savez, les ministres responsables des forces armées ne restent pas en poste éternellement. Comment avoir une certaine continuité pour que ce que nous commençons à bâtir se termine réellement? Sinon, la population perd espoir.

[Français]

Mme Anand : Merci pour les deux questions. Premièrement, je sais que mon collègue a une réponse pour vous, maintenant. Je vais l’attendre et il répondra quand je quitterai la salle, si c’est possible.

[Traduction]

Pour ce qui est de la question du sénateur Yussuff, ma propre expérience au sein de chacune des organisations où j’ai travaillé — y compris à des universités et sur Bay Street, avant de me dévouer au service public —, a été ponctuée de cette question : comment faire comprendre aux candidats qu’ils sont les bienvenus?

En tant que femme racisée, je crois me trouver dans une position unique pour comprendre la nécessité de réformer les Forces armées canadiennes et mettre en œuvre les recommandations qu’on nous a formulées. C’est le premier point.

Le deuxième point est que, d’autant que je sache, l’équipe de direction de la défense n’a jamais été aussi unie quant à la nécessité d’entreprendre ces réformes. Nous comprenons qu’il faudra un village et du travail acharné, année après année, pour veiller à ce que l’organisation soit exempte de discrimination et de harcèlement sexuel.

Vous avez devant vous une équipe enhardie par un engagement financier de notre gouvernement et prête à abattre le travail, à suivre le plan et à instaurer les réformes afin de veiller à bien enraciner les changements.

Un exemple de cette approche est le fait que nous acceptons maintenant les candidatures de résidents permanents. Les Forces armées canadiennes ont reçu des milliers de candidatures. Nous devons veiller à écouter, expérimenter, prendre des risques et à nous adapter à une nouvelle génération d’attentes.

Vous avez absolument raison de dire que les pénuries de main-d’œuvre touchent divers secteurs de notre pays. Nous en sommes tout à fait conscients; à vrai dire, nous en ressentons nous-mêmes les effets. Or, la situation nous force à faire preuve d’encore plus d’audace pour remédier à une pénurie potentielle de personnel absolument crucial pour la sécurité et la défense de notre pays. Nous sommes pleinement conscients du problème que vous décrivez et nous voulons faire tout en notre pouvoir pour le régler aussi rapidement que possible.

Pour ce qui est des mesures incitatives, vous avez ici encore tout à fait raison. C’est la raison pour laquelle nous allons réformer certaines des prestations qui seront versées aux membres des Forces armées canadiennes pour en inciter des milliers à rester au sein de l’organisation. Je vais demander au chef d’état-major de la Défense s’il voudrait se prononcer à ce sujet.

Gén Eyre : Monsieur le président, une partie de la question consistait à savoir comment maintenir notre vitesse de croisière lorsque les dirigeants actuels partiront. Il faut d’abord se poser cette question : pourquoi est-ce important?

Au fur et à mesure que le visage de notre pays change, l’enjeu devient existentiel pour nous. Il est paradoxal que notre population augmente, mais que notre bassin de recrutement traditionnel rapetisse. Si nous croisons les bras, notre organisation va faiblir et disparaître. Étant donné le contexte de sécurité qui augmente en dangerosité comme jamais auparavant, l’inaction n’est pas une option. Le pays a de plus en plus besoin de nous. Il est impératif d’agir.

Il est extrêmement important que tous les maillons de la chaîne de commandement comprennent le but, le « pourquoi ». C’est d’une importance vitale pour ceux qui nous suivront. La prise de décisions encadrant ces réformes nécessite de gagner l’appui de tous afin de maintenir notre élan. C’est essentiel.

Le président : Merci. Voilà qui conclut notre discussion avec la ministre Anand.

Avant que vous nous quittiez, madame la ministre, je veux d’abord vous remercier d’avoir invité notre comité, tôt dans le processus, à participer à votre examen sur la politique de défense. Nous avons sans contredit eu l’occasion de fournir nos meilleurs conseils. J’ai aussi le privilège — au nom de ce comité, de mes collègues au Sénat et, bien sûr, des Canadiens — de vous remercier et d’exprimer notre gratitude pour le travail que vous effectuez 24 heures sur 24, sept jours sur sept quand vous parcourez la planète pour nous représenter, nous et vos collègues de la défense et de la sécurité.

Je vous remercie de veiller à notre sécurité et de promouvoir les intérêts de ceux qui ont besoin de notre aide en Ukraine et en Europe de l’Est. Je me suis récemment rendu en Lettonie, où j’ai visité le site d’opérations avancé Adazi. Nombreux sont ceux qui vous sont très reconnaissants de votre travail, à vos collègues et vous, et auxquels les Canadiens contribuent. Je vous remercie de tout cœur pour tout ce que vous faites.

[Français]

Mme Anand : Merci à tous pour votre travail. C’est très important pour notre pays.

[Traduction]

Le président : Pour ceux qui se joignent à nous en direct, je précise que nous poursuivons notre étude sur la sécurité et la défense dans l’Arctique, y compris sur l’infrastructure et les capacités en sécurité du Canada. Au cours de la dernière heure, nous avons eu le plaisir de discuter de ce sujet avec la ministre de la Défense Anita Anand. Nous allons maintenant continuer notre période de questions avec le général Eyre, le sous-ministre Matthews, le vice-amiral Auchterlonie et M. Quinn, qui se joint à nous à la table. M. Quinn est directeur général de la Politique de défense continentale.

Avant de poursuivre, je vous demande, chers collègues, si vous acceptez que le comité permette à la Direction des communications du Sénat de prendre des photos et de filmer le reste de la réunion. Je ne vois personne s’opposer à la demande, alors j’en conclus qu’elle est approuvée.

Nous allons commencer par revenir à une question du sénateur Dagenais à laquelle M. Matthews allait répondre.

Vous souvenez-vous toujours de la question?

M. Matthews : Oui.

Le président : La parole est donc à vous. Merci.

[Français]

M. Matthews : Merci pour la question, sénateur Dagenais. Je m’excuse d’avoir mal compris la question la première fois.

En ce qui concerne le projet d’avion de recherche et de sauvetage, nous avons effectivement respecté les délais. Il y a deux raisons pour cela. Tout d’abord, la COVID; tout le monde comprend que la pandémie a eu des impacts sur beaucoup de projets, mais il y a aussi certains aspects de ce projet qui sont liés au développement, donc à l’informatique.

Lorsqu’on décide de développer un projet, il y a des risques et nous communiquons fréquemment avec les fournisseurs afin d’exprimer nos préoccupations et de résoudre des problèmes techniques. Les Forces armées canadiennes ont aussi un plan pour réduire les risques; il y a un plan d’atténuation pour s’assurer de ne pas avoir d’écart.

[Traduction]

Je ne sais pas si ce volet s’adresse plutôt au général Eyre ou au vice-amiral Auchterlonie.

Vice-amiral J.R. Auchterlonie, commandant du Commandement des opérations interarmées du Canada, ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes : Je vous remercie de la question. La situation est complexe. Je suis le commandant national de la recherche et du sauvetage, alors c’est moi qui suis responsable de ce domaine et de la recherche et du sauvetage aéronautique et maritime partout au pays.

Pour pallier l’immobilité des aéronefs C-295, nous disposons maintenant de CC-130H Hercules dans tout le pays. Toutes nos régions de recherche et de sauvetage sont dotées d’aéronefs CC-130H de l’Aviation royale canadienne. Il ne nous manque pas d’aéronefs à voilure fixe à l’échelle du pays.

Nous avons mis ce plan en œuvre dès que les aéronefs Buffalo — les anciens aéronefs — ont été retirés de la flotte sur la côte Ouest. Nous avons maintenant des aéronefs à voilure fixe et à voilure tournante dans toutes les régions de recherche et sauvetage qui nous serviront jusqu’à l’arrivée des C-295.

[Français]

Le sénateur Dagenais : J’aimerais revenir sur la question du sénateur Gignac concernant le Washington Post qui mentionnait que le Canada raterait les cibles requises par les alliés sur le plan des investissements militaires. Je ne vous parlerai pas de la réaction du premier ministre, mais croyez-vous que le fait de passer des commandes pour des équipements que nous recevrons dans quatre, cinq ou dix ans — car cela peut être assez long en raison des problèmes techniques — fera du Canada un allié plus ou moins responsable face à nos alliés?

En ce qui concerne cette information qui nous provient du Washington Post, pouvez-vous nous dire si les dirigeants des Forces armées canadiennes ont appris cela dans le journal la semaine dernière ou si elles en avaient déjà été informées?

M. Matthews : Je vais répondre à la première partie de la question en ce qui concerne les fournisseurs et les projets pour l’achat d’actifs pour les Forces armées canadiennes. Donc, l’industrie de la défense au Canada et partout dans le monde est un domaine qui exige de la planification à long terme.

[Traduction]

Détrompez-vous si vous croyez que nous vivons dans un monde où une vaste gamme de biens militaires dort sur des tablettes en attente de trouver preneurs. Pour la majorité de nos projets qui exigent des capacités spécialisées, nous devons faire connaître nos plans à l’avance. Nous les communiquons, puis nous examinons les exigences des Forces armées canadiennes, qui sont parfois identiques à celles de nos alliés, parfois différentes en raison de la taille de nos forces armées. Il est alors important que l’industrie saisisse clairement nos plans.

Peu importe la hauteur des dépenses que désire effectuer le gouvernement, il est essentiel de faire une planification à long terme et de communiquer nos plans à l’industrie afin qu’elle puisse bien s’organiser. Il faut compter 5, 10, 15 ans pour qu’un projet atteigne sa pleine capacité opérationnelle. C’est la nature même de l’industrie de la défense.

Le deuxième volet de la question s’adressait plutôt à la direction des forces armées, alors je vais laisser le général Eyre répondre.

[Français]

Gén Eyre : Je vous remercie pour la question. Notre avantage compétitif est que nous faisons partie d’un système d’alliés qui regroupe des nations ayant des valeurs semblables aux nôtres.

[Traduction]

La demande pour accroître le nombre de Canadiens dans le monde est continue. Je reçois continuellement des demandes de la part de nos alliés pour fournir plus de personnel dans leurs quartiers généraux, plus d’agents canadiens et plus d’unités canadiennes. Nous sommes très appréciés partout dans le monde. Tout le monde veut une plus grande présence canadienne.

Dans le cadre de notre travail avec nos alliés, nous devons continuer à maintenir ces relations, notre réputation et notre influence.

[Français]

Pour moi, c’est primordial. Merci beaucoup.

Le sénateur Gignac : J’aurais deux questions. Ma première question s’adresse au chef d’état-major, le Gén Eyre. On parle beaucoup de l’état des sous-marins. Je crois comprendre que le Canada n’a pas de sous-marin à propulsion nucléaire; c’est le seul joueur majeur qui n’en a pas, si on compare avec la Chine, Royaume-Uni et les États-Unis.

Pour aller sous la glace, la calotte polaire, il faut ce type de sous-marin à propulsion nucléaire. Est-ce bien le cas? Est-ce l’intention des Forces armées canadiennes de s’en procurer éventuellement?

Gén Eyre : Je vous remercie pour la question. Je dois admettre que je ne suis pas un expert des navires ou des sous‑marins, mais il faut dire que les caractéristiques de la guerre du futur sont un volet, mais il y a aussi la gestion des signatures. C’est très difficile de trouver un sous-marin sous la mer, donc pour nous, c’est un atout très important d’avoir les nôtres, mais aussi d’avoir la capacité de trouver les sous-marins sous la mer. C’est très utile.

[Traduction]

En ce qui a trait aux capacités sous la glace, je crois qu’il existe des systèmes de propulsion anaérobie — ou technologie AIP, l’abréviation de l’anglais — qui permettent d’aller sous la glace.

[Français]

J’aimerais donner la parole à l’officier de la marine, le Vam Auchterlonie.

Vam Auchterlonie : Je vous remercie pour la question. C’est une question très complexe, puisque je ne suis pas un membre des forces sous-marines, mais je suis un marinier.

[Traduction]

La capacité des sous-marins par rapport à la posture de la force, à la détection et à la faculté d’agir au nom du gouvernement est primordiale. Le gouvernement manifeste donc clairement son besoin en sous-marins.

La capacité réelle d’aller sous la glace dépend toujours des circonstances : même si un sous-marin nucléaire n’a pas la capacité de traverser une couche de glace, il pourrait être fonctionnel sous la glace. Or, comme le chef d’état-major l’a souligné, il existe de nos jours d’autres capacités du côté des systèmes de propulsion anaérobie qui permettent de rester longtemps sous l’eau, ce qui est essentiel.

Nous avons tous gardé en tête l’image des années 1970 et 1980 d’un sous-marin transperçant le plateau de l’Arctique. Ironiquement, les sous-marins ne peuvent plus le faire aujourd’hui parce que leurs kiosques ne sont plus composés d’acier inoxydable. Ils sont maintenant faits de matériaux composites, alors leurs kiosques ou leurs tourelles s’écraseraient au contact d’une surface dure. L’image gravée dans nos esprits est donc bien ancienne.

Nous participons avec nos alliés à des exercices liés à la glace. ICEX est un exercice que nous faisons dans le Nord avec les Forces navales américaines. On y voit des cas où les participants réussissent à traverser la glace. Le nom ne convient pas vraiment à l’exercice. Le fait est qu’il y a d’autres capacités de nos jours pour les opérations sous la glace.

Parmi les autres capacités, il faut aussi avoir la connaissance du domaine, qui est essentielle. Il ne faut pas seulement détenir des sous-marins; il faut aussi une connaissance du domaine.

Merci beaucoup de la question.

[Français]

Le sénateur Gignac : Ma seconde question est la suivante. Nous avons eu la chance d’aller visiter différentes stations radars, dont celle de Cambridge Bay.

Je comprends que 5 milliards de dollars ont été investis pour la modernisation du Système d’alerte du Nord. Pouvez-vous nous expliquer si, pour ce qui est des missiles de croisière supersoniques qu’utilise la Russie, comme on le voit dans la mer du Nord, ces nouveaux radars qui seront installés seront en mesure de les détecter ou non?

Jonathan Quinn, directeur général, ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes : Merci beaucoup pour cette question.

[Traduction]

Je crois que vous faites référence aux capacités de radar transhorizon qui font partie de l’annonce de modernisation du NORAD, mentionnée tout à l’heure par la ministre.

Dans le cadre de ce projet, le Canada fournira un site pour le radar près de la frontière canado-américaine; le rayon de détection de ce radar se rendra jusqu’aux dernières limites du territoire canadien. Nous fournirons aussi un autre système beaucoup plus au nord, dans l’Extrême-Arctique : le système s’appelle le site de réception radar transhorizon polaire, et son rayon de détection ira au-delà du pôle. Ensemble, ces deux projets amélioreront radicalement la capacité des Forces armées canadiennes et du NORAD de détecter les menaces aérospatiales approchant du Canada.

En ce qui a trait aux infrastructures pour ces projets, je crois que, dans son témoignage précédent, la ministre a fait référence à un contrat d’entretien pour le Système d’alerte du Nord, et nous moderniserons aussi grandement les emplacements d’opérations avancés dans le Nord.

Le sénateur Gignac : Ce nouvel équipement pourra-t-il aussi détecter le missile supersonique? D’accord. C’était ce que je cherchais à savoir.

[Français]

Gén Eyre : J’aimerais ajouter quelques points importants pour répondre à cette question. Il faut dire que la technologie évolue rapidement. Les caractéristiques de la guerre changent rapidement et nos adversaires investissent beaucoup dans la recherche et le développement. C’est la raison pour laquelle nous investissons dans la recherche et le développement, pour trouver les menaces comme les missiles hypersoniques; c’est très important.

[Traduction]

La sénatrice Dasko : J’aimerais poursuivre sur le thème que j’ai abordé avec la ministre : les forces et les faiblesses de la Russie. Les Russes sont partis à la guerre et ils n’ont pas connu le succès auquel ils s’attendaient.

La Russie s’est-elle considérablement affaiblie en l’espace d’un an? Comment évaluez-vous la situation dans ce pays? La Russie est-elle beaucoup plus faible en raison de ses efforts infructueux, de toutes ses pertes de vies et d’équipement et de ses autres revers?

Gén Eyre : Je vais répondre à cette question en premier. Votre question précédente portait aussi sur le contexte arctique et la menace dans la région, alors nous devons tenir compte de toutes les composantes de la guerre : les composantes terrestre, aérienne, maritime, spatiale et cyberspatiale. Dans l’espace terrestre, les Russes ont été malmenés. Les Ukrainiens leur ont infligé de lourdes pertes dans l’espace terrestre.

Dans le domaine maritime, ils sont pratiquement indemnes, à l’exception d’un certain nombre de navires dans leur flotte de la mer Noire. Nous constatons un peu plus d’activité sous-marine que ce que nous avons observé dernièrement.

Dans le domaine aérien, oui, ils ont perdu des avions de chasse. Ils ont perdu des aéronefs de transport et des hélicoptères, mais pas leurs bombardiers à longue portée, qui leur donnent encore beaucoup de capacités.

Dans le domaine spatial, nous avons observé des capacités antisatellite troublantes, ainsi que des essais de capacités antisatellite extrêmement irresponsables. Ils se sont soldés par des déchets laissés dans l’orbite terrestre basse et par la création de risques pour les autres nations.

Dans le cyberespace, nous avons vu à quel point les Russes continuent d’être très actifs.

On peut dire que les Russes sont sans aucun doute affaiblis dans la composante terrestre, mais pas dans les autres.

La sénatrice Dasko : Nous étudions la cybersécurité, et le comité entend parler de la désinformation qui se pointe à l’horizon. Je vous remercie.

Le sénateur Richards : Merci beaucoup de votre présence ici. Les témoins ont peut-être répondu à ces questions car je suis arrivé en retard. Le cas échéant, je m’en excuse.

Le Canada a-t-il vu venir le conflit au Soudan? Si oui, quand a-t-il émis un avis aux voyageurs ou un avis d’évacuation?

De quel type de plan d’urgence rigoureux les FAC disposent-elles lorsque des crises comme celle au Soudan surviennent? Pourquoi devons-nous souvent compter sur nos alliés pour nous aider à évacuer nos propres citoyens? L’état du monde est en constante évolution. Avons-nous la vision de la programmation pour remettre cela en question? N’importe qui peut répondre à la question.

Gén Eyre : Je vais intervenir. En ce qui concerne l’avis, c’est la responsabilité d’Affaires mondiales Canada, donc je ne peux pas parler de l’avis ou de sa date de publication.

Nous n’avons pas une forte présence militaire dans la région, ni au Soudan, mais en ce qui concerne la préparation à ce que nous appelons une opération d’évacuation de non-combattants, nous avons une unité d’environ 300 à 400 militaires qui se préparent chaque année et se tiennent prêts à mener ces opérations, de même que nos avions et nos Forces d’opérations spéciales.

Étant donné que l’opération se déroule à l’autre bout du monde, dans un environnement très contesté, les moyens nécessaires pour la mener à bien doivent s’inscrire dans le cadre d’un effort allié plus vaste. Pour revenir à mes remarques précédentes, c’est la raison pour laquelle les alliés — amis et partenaires — sont si importants dans ce monde de plus en plus dangereux. C’est pourquoi les liens que nous avons avec nos alliés, en particulier dans le cadre de cette opération en cours, dont nous avons parlé à la séance précédente et dont nous avons donné quelques détails, sont si importants.

Le sénateur Richards : Cela n’arrive probablement pas, mais je veux savoir si des membres des Forces d’opérations spéciales du Canada voyageraient, par exemple, avec les SAS de la Grande-Bretagne ou s’ils se rendraient au Soudan avec les Américains pour venir en aide à nos propres citoyens et les évacuer. Cela arriverait-il?

Gén Eyre : Je ne vais pas entrer dans ces détails opérationnels.

Le sénateur Richards : Merci beaucoup.

Le président : Il faut vous féliciter collectivement d’être ici depuis une heure et demie et de dire cela pour la première fois maintenant.

Le sénateur Yussuff : Encore une fois, je vous remercie tous du leadership dont vous faites preuve. Je sais que vous devrez répondre à des questions difficiles, car des efforts déterminés sont nécessaires pour résoudre certains des problèmes que nous constatons dans l’armée.

L’une des choses auxquelles nous avons été exposés en parcourant le Nord dans le cadre de notre étude est la vitesse à laquelle les changements climatiques modifient l’environnement. C’est extrêmement rapide. Je sais que l’armée s’est penchée sur la question en tenant compte d’un horizon temporel. J’en conclus que nous nous trompons sur tous ces horizons temporels car je pense que la situation évolue beaucoup plus rapidement que nous pourrions le prévoir. Dans le domaine militaire, comment pouvons-nous être prêts, étant donné que nos eaux seront libérées de la glace bien plus tôt que nous pouvons le prévoir?

Par ailleurs, d’autres forces dans le monde veulent avoir accès à cette eau. Si notre souveraineté dépend de notre capacité à protéger le Nord, nous devons être prêts et capables de le faire. Je reconnais que l’une des bonnes nouvelles est que l’OTAN a décidé d’établir ce réseau de recherche au Canada, ce qui sera utile, mais nous n’allons pas empêcher l’horizon temporel auquel nous devons répondre.

Je ne sais pas si l’armée avait fait quelques calculs et si cela se produit beaucoup plus tôt que prévu, mais comment devons-nous réagir?

Gén Eyre : C’est une question qui empêche bon nombre d’entre nous de dormir, car il faut prendre un peu de recul et voir la confluence des facteurs de stress dans l’environnement de sécurité. Nous sommes confrontés à plus de changements dans l’environnement de sécurité que nous ne l’avons été depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il s’agit de la situation géopolitique qui a rapidement évolué vers un état de confrontation persistante dans le monde entier. Il y a aussi les changements climatiques, les avancées technologiques et les changements qui ne sont pas tous positifs dans nos propres sociétés — une partie de la polarisation qui se produit. Ces facteurs de stress combinés auront des résultats difficiles à prédire.

Dans ce contexte d’incertitude, cela signifie que les forces armées doivent être prêtes. Ce que j’entends par là, c’est qu’elles doivent être en mesure d’intervenir en fonction de l’ampleur de la situation, avec la rapidité nécessaire et pendant toute la durée de la crise. Le fait d’avoir une force armée prête est une protection contre l’incertitude à laquelle nous allons être confrontés, que ce soit dans l’environnement géopolitique ou dans notre Arctique en raison des changements climatiques. Nous ne le savons pas, mais nous devons être considérés comme une police d’assurance et disposer de capacités polyvalentes pour répondre à ces incertitudes. Qu’est-ce que je veux dire par « polyvalent »? Je veux dire que nous disposons de capacités qui peuvent intervenir dans différentes régions géographiques — à l’échelle nationale et internationale — et mener à bien toute une série de tâches. Nous devons avoir cet état d’esprit agile en raison de l’éventail des tâches potentielles que nous pourrions être amenés à accomplir.

M. Matthews : Monsieur le président, j’aimerais ajouter un ou deux points. Le chef a abordé la question. On a signalé à juste titre que certaines régions des territoires canadiens sont plus accessibles qu’elles ne l’étaient par le passé et nous savons à quoi ressemble cette tendance. L’incidence des changements climatiques pour ce qui est de solliciter nos forces armées pour répondre aux crises nationales est en hausse; c’est donc un facteur.

L’autre point que je voudrais soulever est que la vitesse à laquelle la technologie et les capacités évoluent est plus rapide que jamais. L’un des avantages traditionnels de l’Occident réside dans sa technologie et sa recherche. C’est pourquoi, dans de nombreuses annonces que le gouvernement fait ou a faites, vous verrez souvent qu’il y a de l’argent pour la recherche, y compris pour la modernisation du NORAD. C’est un élément important de l’avantage de l’OTAN, et il faut continuer à s’y intéresser.

Le sénateur Yussuff : En nous rendant dans le Nord, nous n’avons pas pu échapper au fait que notre population autochtone s’est montrée très ouverte à la collaboration. Elle veut participer à notre réflexion sur le réinvestissement et l’investissement dans le Nord. Nous avons entendu des observations — et des voix se sont élevées — sur le fait que les Autochtones sont conscients de certains aspects de notre engagement, mais qu’ils n’ont pas été vraiment consultés.

Je dirais simplement que nous devons en faire plus, et non moins. Je pense que plus nous pourrons échanger et nous engager, plus cela contribuera à bâtir une approche cohérente sur la manière dont notre pays peut atteindre son objectif à long terme. Je dis cela parce que là où nous sommes allés dans le Nord, nous l’avons entendu à maintes reprises — les gens nous disent désespérément que nous devons faire mieux. Même si vous parlez à certaines personnes, vous devez parler à beaucoup plus de personnes, car vous ne pouvez pas vous tromper en faisant cela. Je vais me contenter de donner ce conseil, à la lumière de ce que j’ai entendu durant mon séjour dans le Nord. Je pense qu’il est essentiel de ne pas perdre — nous sommes allés là-bas le mois dernier et nous avons mené notre consultation, mais nous devons y retourner parce que les personnes à qui nous avons parlé le mois dernier ne sont peut-être pas celles qui veulent participer à cette conversation.

Elles voient également une occasion de faire reconnaître leur territoire. Je pense que c’est essentiel, compte tenu de l’évolution de la reconnaissance de la souveraineté des Premières Nations. C’est l’occasion pour nous de faire preuve d’une réelle collaboration dans la manière dont nous pouvons assurer notre sécurité à l’avenir, car nous n’avons pas le choix.

M. Quinn : Merci beaucoup de la question, monsieur le président. J’ai juste quelques observations à formuler. Premièrement, en ce qui concerne l’engagement avec les communautés autochtones, plus particulièrement dans le Nord, je suis tout à fait d’accord pour dire qu’il doit s’agir d’un processus continu. Avant l’annonce de la modernisation du NORAD, nous avons mené des consultations préliminaires avec les habitants du Nord et, comme vous l’avez dit, nous avons communiqué avec le plus grand nombre de personnes possible pour avoir une meilleure idée des besoins des communautés et de la façon dont les investissements que nous envisagions dans le cadre de la modernisation du NORAD pourraient s’aligner sur ces besoins et créer des avantages doubles ou mutuels pour tout le monde.

Maintenant que l’annonce a été faite, nous avons une idée plus claire des initiatives qui vont de l’avant et de celles qui ont été financées. Je pense que l’engagement est d’autant plus important alors que nous entrons dans les moindres détails de ce qui va se passer exactement sur les emplacements d’opérations avancés du NORAD en ce qui concerne l’infrastructure et les améliorations. Comment pouvons-nous, dans le cadre de ce travail, essayer d’apporter un maximum d’avantages aux communautés locales où se trouvent ces sites d’exploitation avancés et, au-delà des avantages à double usage, comment pouvons-nous maximiser les possibilités économiques pour les habitants du Nord? Nous avons déjà eu la preuve de notre engagement à cet égard en ce qui concerne le maintien des [difficultés techniques], mais nous voyons certainement beaucoup de possibilités à mesure que les travaux avancent.

M. Matthews : J’ajouterai juste une remarque, monsieur le président. C’est un très bon conseil, et c’est quelque chose que nous vivons également. On ne s’engage jamais assez et il faut aller plus loin que ce que l’on pense. Je vous remercie de vos conseils.

La sénatrice M. Deacon : Je vous remercie de cette deuxième heure. J’ai une question, mais juste avant que je la pose, mon collègue, le sénateur Dagenais, a posé une question à laquelle vous avez répondu, général Eyre, sur le recrutement et le fait que le monde voudrait plus de Canada. J’ai entendu ce que vous avez dit, à savoir que nous recevons beaucoup de demandes et que vous ne pouvez probablement pas toutes les satisfaire.

Je suis curieuse de savoir quels sont les critères — votre filtre, le cas échéant — qui vous permettent de décider qui reçoit le Canada et qui ne le reçoit pas à ces moments-là, et si vous êtes en mesure d’en tirer parti pour les demandes, les souhaits et les besoins futurs. Pourriez-vous nous en parler, si vous le voulez bien?

Gén Eyre : Monsieur le président, c’est une question difficile parce qu’il n’y en a pas assez pour tout le monde. Le monde est vaste. Nous travaillons en étroite collaboration avec Affaires mondiales et, dans bon nombre de ces cas, Affaires mondiales doit prendre l’initiative car l’intervention militaire suit notre politique étrangère. Il est très important d’avoir de bonnes relations. À mesure que les demandes arrivent, nous présentons des options au gouvernement et les décisions sont prises en fonction des orientations de notre politique étrangère. Souvent, il peut y avoir des compromis. Nous pouvons investir ici, mais nous ne pouvons pas investir là, ce qui rend les décisions difficiles.

Nous examinons également — et j’ai demandé au vice-amiral Auchterlonie de le faire il y a environ un an et demi — toutes nos missions sous l’angle de la reconstitution et nous cherchons à savoir où nous pouvons économiser les dirigeants de niveau intermédiaire tout en obtenant l’effet stratégique pour la nation. Il s’agit d’un exercice d’équilibre délicat.

Comme le sous-ministre est responsable du volet politique, je vais voir s’il a des points à ajouter.

M. Matthews : La récente Stratégie pour l’Indo-Pacifique est un bon exemple : le gouvernement communique ses intentions concernant une région importante du monde. Le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes ne sont qu’une partie de cette stratégie, mais je peux vous dire, grâce aux engagements pris tant du côté civil que du côté militaire, que les pays dans cette région ont très bien accueilli la politique et attendent avec impatience une plus grande présence ici, tant du côté civil que du côté militaire. À titre d’exemple, nous avons récemment placé l’un de nos cadres dans un groupe de réflexion américain sur l’Indo-Pacifique pendant un an, simplement pour maintenir notre présence là-bas.

Le chef reçoit de nombreuses demandes ponctuelles pour le placement d’officiers canadiens additionnels et, encore une fois, nous nous alignons toujours sur les priorités du gouvernement et sur la manière dont elles s’intègrent.

La sénatrice M. Deacon : Je vous remercie d’avoir souligné que vous preniez du recul et que vous regardiez où tout le monde en est, ce qui est excellent.

J’ai une question complémentaire à poser depuis la première heure, au cours de laquelle le ministre a parlé de la Chine, qui s’est considérée comme un État quasi arctique. Nous avons tous vu la Russie et la Chine se rapprocher. À l’heure actuelle, la Chine n’a pas d’accès naturel à l’Arctique, mais je me demande si l’on craint que cette alliance puisse permettre à la Chine d’accéder aux bases stratégiques russes dans le Nord, lui donnant ainsi une porte d’entrée dans l’Arctique, en particulier à la lumière du régime russe actuel qui se voit considérablement affaibli par l’invasion de l’Ukraine.

Gén Eyre : Monsieur le président, la question porte sur un sujet qui nous préoccupe. Alors que nous voyons une Russie plus dépendante de la Chine, devenant presque un vassal de la Chine, cela offre des occasions pour ce que l’on appelle un État quasi arctique de s’impliquer davantage.

Jusqu’à récemment, la Russie était quelque peu réticente à la présence de la Chine dans son arrière-cour, en particulier le long de la route maritime du Nord, mais nous avons de plus en plus d’indications qui nous laissent croire à une collaboration sino-russe. C’est une situation que nous surveillons de près. Je ne peux évidemment pas entrer dans les détails au sujet des renseignements, mais c’est un sujet de préoccupation.

Le sénateur Oh : La question que j’allais poser au sujet de l’Arctique et des préoccupations concernant la Russie a déjà été posée.

La sénatrice R. Patterson : J’allais mettre l’accent sur le comment, qui est très lié aux femmes, à la paix et à la sécurité, car nous savons que tout ce dans quoi le Canada s’engage a une incidence considérable sur les femmes, les enfants et les autres personnes marginalisées, mais ils font également partie de la solution pour assurer la paix.

Je crois que cette question comporte deux volets. Le troisième Plan d’action national sur les femmes, la paix et la sécurité du Canada est sur le point d’être déployé, et je me demande comment la réalité d’une perspective géopolitique en évolution rapide est prise en compte dans la contribution du ministère de la Défense nationale dans ce plan. La deuxième partie s’adresserait probablement à l’amiral Auchterlonie et porterait sur la façon dont nous intégrons les femmes, la paix et la sécurité dans nos opérations dans le monde entier afin de continuer de projeter les valeurs canadiennes à l’étranger.

M. Matthews : Je vais répondre à la première partie de la question, monsieur le président. Ce ne sera probablement pas une réponse satisfaisante parce que, comme on l’a précisé dans la question, les données sont en train d’être fournies, et je ne peux donc pas dire grand-chose à ce stade-ci, si ce n’est que le monde évolue. Je ne pense pas que cela change forcément notre point de vue sur les femmes, la paix et la sécurité et sur le rôle que jouent les femmes. Je pense qu’en fait, cela double la mise. Je ne peux pas en dire plus, mais c’est un sujet qui fait l’objet de discussion avec les alliés et c’est certainement un domaine où bon nombre de nos alliés se tournent vers le Canada pour qu’il fasse preuve de leadership, car je pense que nous avons une longueur d’avance dans ce domaine. Cela ne veut pas dire que nous sommes parfaits, mais j’ai l’impression que les alliés reconnaissent que nous sommes au moins un chef de file dans ce domaine.

Vam Auchterlonie : Merci, monsieur le président. Merci, sénatrice, c’est un plaisir de voir cela aussi. Comme le chef et le ministre l’ont mentionné, les Forces armées canadiennes sont de plus en plus sollicitées dans le monde entier. La demande pour les Forces armées canadiennes a augmenté même pendant la pandémie à l’échelle internationale, et c’est ce qui se produit aujourd’hui dans une situation où la sécurité mondiale se dégrade.

Dans toutes nos opérations à l’échelle mondiale, nous prenons en considération l’analyse comparative entre les sexes, notamment dans le cadre d’une opération au Soudan, où nous avons collaboré avec nos services d’Affaires mondiales pour procéder à l’évacuation des non-combattants.

C’est un principe essentiel pour toutes nos opérations dans le monde, qu’il s’agisse d’opérations en Europe, en Afrique et dans l’Indo-Pacifique, ou d’opérations de formation en soutien à l’Ukraine. C’est devenu un principe clé de notre processus opérationnel en cours aujourd’hui, alors que nous examinons ces répercussions. Nous essayons d’évacuer le personnel canadien admissible avec nos alliés et nos partenaires dans la région, et la façon dont nous prenons en compte l’incidence selon le genre affecte non seulement les femmes, mais aussi les familles et les membres de la communauté. L’ACS Plus est incluse dans notre planification.

Je vous remercie de la question.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Monsieur Matthews, la ministre n’a pas caché qu’il y a des problèmes dans le processus d’approvisionnement de biens et d’équipement militaire. D’ailleurs, le général Eyre vient de dire que les technologies évoluent très rapidement. Quand on prend deux, trois ou même cinq ans à étudier une acquisition d’équipement stratégique, il est possible qu’il ne soit plus efficace à sa réception.

J’ai noté qu’en Angleterre, les approvisionnements pour les forces armées sont tellement une priorité qu’il y a un ministre de la Défense et un ministre de l’Approvisionnement militaire. Compte tenu de nos performances et de la lenteur occasionnelle de l’approvisionnement, ne croyez-vous pas que le Canada devrait envisager de nommer un ministre totalement responsable des achats militaires, afin d’être plus rapide et efficace?

M. Matthews : Merci de votre question, qui est compliquée. Je dirais que non. C’est mon avis, mais il y en a d’autres qui pensent que c’est une bonne idée. Selon moi, les défis relatifs aux processus pour acheter des actifs pour les Forces armées canadiennes pourraient être améliorés.

[Traduction]

Je commencerai par dire que la concurrence est notre défaut et que les avantages pour l’industrie canadienne jouent un rôle important dans les pratiques d’approvisionnement du gouvernement. Je ne pense pas que cela change.

Je dirai cependant qu’il y a des circonstances où il est important d’avoir exactement la même chose que notre allié. Il existe des moyens d’expliquer l’absence de concurrence et le recours à une source unique, si c’est justifié.

Je pense que l’une des choses que nous découvrons avec les conflits en Ukraine, c’est que la normalisation de l’OTAN, l’interopérabilité — choisissez le terme que vous voulez —, est peut-être plus importante que jamais. Donc, lorsque nous planifions nos achats futurs, nous examinons attentivement ce que possèdent nos alliés et nous nous posons la question suivante : « Est-il important d’avoir ce que possèdent nos alliés ou quelque chose de très semblable? »

L’autre élément que nous pouvons améliorer se trouve à l’intérieur de nos propres murs. Nous avons des processus très détaillés pour définir nos exigences. Cela se passe bien avant que nous nous adressions à l’industrie, et nous devons accélérer ces processus. Je pense que nous sommes dans un monde où, lorsque nous achetons un navire ou un avion, je sais que tout le monde pense au métal ou à la fibre de verre, mais dans de nombreux cas, il s’agit d’acheter une plateforme que l’on va moderniser à maintes reprises au cours de sa durée de vie utile. La partie informatisée de ces actifs est plus importante. Si vous pensez à un système de renouvellement continu, c’est beaucoup mieux que certaines de nos approches traditionnelles. Je dirais que c’est aussi quelque chose qui est en train de changer.

Nous sommes souvent confrontés à des retards avec l’industrie et, dans certains cas, c’est tout à fait justifié parce que lorsque nous nous engageons dans un projet de développement qui a de nouvelles capacités — qui n’ont jamais été testées auparavant — en raison de besoins uniques ou de lacunes, il est normal de prendre des risques dans ce domaine. Mais nous devons tous comprendre où nous prenons des risques, et il y a des domaines dans lesquels nous ne voulons pas prendre de risques. Nous avons besoin de quelque chose qui a fait ses preuves, et si nous savons que nos alliés l’utilisent et qu’il fonctionne, nous pouvons peut-être le justifier.

Ce ne sont que des idées, et il s’agit d’une question d’opinion. Vous pourriez mettre en œuvre toutes ces idées sans nouvelle structure ministérielle. Cependant, certains pensent qu’une structure différente présenterait des avantages. Ce ne sont là que mes réflexions pour aujourd’hui.

Le président : Eh bien, quel après-midi formidable et utile! Nous arrivons à la fin de notre réunion et je voudrais remercier le général Eyre, le sous-ministre Matthews, le vice-amiral Auchterlonie et M. Quinn de leur participation, de leur aide et de leur contribution à nos travaux de cet après-midi. Nous vous sommes énormément reconnaissants de votre temps et de votre expertise.

Je veux faire écho aux observations que j’ai formulées à la ministre Anand avant qu’elle quitte, en disant que vous vous êtes assis avec nous aujourd’hui et que vous avez répondu à un grand nombre de questions très directes et difficiles. Vous avez fait preuve d’une grande transparence et avez été utiles et disposées à nous faire part de renseignements extrêmement importants.

Je terminerai en disant que chacun d’entre vous et vous collectivement, ainsi que vos collègues de l’armée et de la sécurité de la défense dans le monde — et je les regarde autour de moi — portez un lourd fardeau en notre nom et au nom des Canadiens. Vous avez eu une fin de semaine très chargée, mais nous savons aussi que vous avez été occupés la semaine dernière, l’année dernière et avant cela.

Au nom de mes collègues du comité, du personnel présent dans cette salle, de l’ensemble de la communauté du Sénat et des Canadiens qui comptent sur le travail que vous accomplissez chaque jour et chaque nuit, nous vous remercions. J’espère que vous ferez de même avec vos collègues en dehors de cette salle. Nous avons beaucoup appris aujourd’hui, et nous vous sommes très reconnaissants de vos contributions. Je vous remercie.

Je vais terminer sur une note administrative. Chers collègues, avant de lever la séance, je tiens à vous signaler que deux de nos ordres de renvoi arrivent à échéance le 30 juin, l’ordre de renvoi général autorisant l’étude des affaires des anciens combattants et notre ordre de renvoi plus général. La semaine prochaine, je prévois présenter un avis de motion pour prolonger les dates de présentation de nos travaux au 31 décembre 2025 afin de garantir que nous n’aurons pas besoin de prolonger à nouveau le délai avant la dissolution de la 44e législature. Vous me verrez prendre la parole au Sénat pour présenter un préavis de ces motions.

Notre prochaine réunion aura lieu le lundi 1er mai 2023 à l’heure habituelle de 16 heures, heure de l’Est.

Sur ce, je vous souhaite à tous une bonne soirée et vous remercie à nouveau de votre participation active et de cet excellent moment de discussion et d’apprentissage.

(La séance est levée.)

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