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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 5 juin 2024

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui, à 16 h 15 (HE), avec vidéoconférence, afin d’examiner le projet de loi C-50, Loi concernant la responsabilité, la transparence et la mobilisation à l’appui de la création d’emplois durables pour les travailleurs et de la croissance économique dans une économie carboneutre.

La sénatrice Ratna Omidvar (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Je suis la présidente du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, de la science et de la technologie.

[Français]

Je m’appelle Ratna Omidvar. Je suis une sénatrice de l’Ontario.

[Traduction]

Avant de commencer, j’invite les sénateurs et autres participants en personne à consulter les cartes sur la table pour prendre connaissance des lignes directrices visant à prévenir les réactions acoustiques.

Veuillez prendre note des mesures préventives mises en place pour protéger la santé et la sécurité de tous les participants, y compris les interprètes.

Veillez à vous asseoir le plus loin possible du microphone, et à utiliser uniquement les oreillettes noires dûment approuvées. Les anciennes oreillettes grises ne peuvent plus être utilisées. Gardez l’oreillette à bonne distance du microphone en tout temps et, lorsque vous ne l’utilisez pas, déposez-la à l’envers sur l’autocollant placé à cet effet sur la table.

Je vous remercie de votre coopération.

Nous entamons aujourd’hui notre étude du projet de loi C-50, Loi concernant la responsabilité, la transparence et la mobilisation à l’appui de la création d’emplois durables pour les travailleurs et de la croissance économique dans une économie carboneutre.

Avant toute chose, je vais demander à mes collègues de se présenter aux témoins et à l’auditoire, en commençant par la vice-présidente, la sénatrice Cordy.

La sénatrice Cordy : Sénatrice Jane Cordy, de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

La sénatrice Mégie : Marie-Françoise Mégie, du Québec.

Le sénateur Cormier : René Cormier, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

La sénatrice Burey : Sharon Burey, sénatrice de l’Ontario.

Le sénateur Cardozo : Andrew Cardozo, de l’Ontario.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Chantal Petitclerc, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Yussuff : Sénateur Hassan Yussuff, de l’Ontario.

La sénatrice Bernard : Wanda Thomas Bernard, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Moodie : Rosemary Moodie, de l’Ontario.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

La sénatrice Osler : Gigi Osler, du Manitoba.

La sénatrice Dasko : Donna Dasko, de l’Ontario.

La présidente : Notre premier groupe de témoins est composé de MM. Keith Currie et Scott Ross, respectivement président et directeur exécutif de la Fédération canadienne de l’agriculture, qui nous joignent par vidéoconférence. M. Mark Chapeskie, vice-président, Développement de programmes de Ressources humaines, industrie électrique du Canada, et M. Fernando Melo, directeur de la politique fédérale, Section des politiques et des affaires gouvernementales de l’Association canadienne de l’énergie renouvelable, témoigneront en personne. Merci d’être avec nous aujourd’hui.

Nous entendrons d’abord la déclaration liminaire de la Fédération canadienne de l’Agriculture, puis celles de Ressources humaines, industrie électrique du Canada et de l’Association canadienne de l’énergie renouvelable.

Monsieur Currie, vous disposez de cinq minutes.

Keith Currie, président, Fédération canadienne de l’agriculture : Merci, madame la présidente.

Bonjour. Je remercie le comité de m’offrir l’occasion de prendre la parole. Je m’appelle Keith Currie. Je suis le président de la Fédération canadienne de l’agriculture, ou FCA, et je suis également un agriculteur de huitième génération dans le Sud‑Ouest de l’Ontario.

La FCA constitue la plus importante association d’agriculteurs au pays. Les quelque 190 000 familles d’agriculteurs qu’elle représente vivent aux quatre coins du Canada et elles sont au centre d’un système agroalimentaire dont les activités génèrent près de 144 milliards de dollars, ou 7 % du produit intérieur brut annuel.

Je souligne d’entrée de jeu que la FCA et ses membres appuient l’objectif de promouvoir la croissance économique, la création d’emplois durables et le soutien des travailleurs durant la transition vers une économie carboneutre.

Je trouve important de souligner qu’il est primordial de faire un examen attentif des possibilités offertes par le secteur agricole en matière d’emplois durables dans toutes les communautés et toutes les régions du pays.

Les emplois en question se trouvent majoritairement dans les communautés rurales et éloignées, ce qui n’est pas à négliger, mais le secteur agricole offre aussi des possibilités à des groupes sous-représentés, pour qui l’accès à des emplois durables peut être difficile dans d’autres secteurs de pointe.

Notamment, beaucoup d’emplois n’exigent pas de formation postsecondaire, mais une formation ciblée et d’une durée limitée essentielle pour acquérir les compétences uniques dont les travailleurs ont besoin pour réussir dans le secteur agricole canadien.

Ce facteur peut aussi présenter un intérêt particulier pour les nouveaux arrivants qui viennent d’un milieu agricole et qui peuvent avoir de la difficulté à trouver un emploi dans d’autres secteurs verts.

Partout au Canada, les agriculteurs ont fait figure de chefs de file pour ce qui est de l’adoption de pratiques agricoles durables. Leurs efforts soutenus et de longue date en matière de protection de l’environnement ont permis de réduire l’intensité des émissions du secteur de moitié au cours des 20 dernières années.

De plus, l’abondance de ses réserves d’eau douce et de ses terres agricoles offre au Canada un formidable outil de lutte aux changements climatiques grâce à des solutions avancées en matière de biodiversité et de séquestration du carbone à la ferme, pour ne donner que quelques exemples.

L’utilisation des données et des technologies dans les exploitations agricoles canadiennes est essentielle pour assurer l’avenir du secteur et optimiser sa contribution non seulement à la productivité du pays, mais aussi à l’atteinte de ses objectifs de durabilité.

Selon le plus récent Recensement de l’agriculture, la majorité des agriculteurs du pays ont intégré au moins une technologie axée sur les données à leur exploitation. Les progrès liés à l’utilisation de technologies d’agriculture de précision, aux pratiques de conservation du sol et à la robotique de pointe témoignent d’une adoption croissante des technologies dans tous les secteurs agricoles. Autrement dit, les données et la technologie sont en train de transformer le paysage de l’agriculture au Canada.

Toutefois, l’adoption de ces technologies axées sur les données exige une culture informatique et des compétences de plus en plus perfectionnées. C’est pourquoi nous sommes ravis qu’il y ait davantage de ressources et d’outils accessibles pour soutenir les agriculteurs, les conseillers agricoles et les agronomes qui travaillent sur le terrain et dans les champs afin d’aider le Canada à atteindre ses objectifs de durabilité.

Pour faire de cet objectif une réalité dans le secteur agricole, il faudra accorder une attention particulière à trois aspects précis.

Premièrement, nous appuyons les mesures axées sur le perfectionnement des compétences essentielles pour satisfaire aux besoins d’un secteur de l’agriculture et de l’agroalimentaire novateur et durable. Toutefois, nous recommandons un assouplissement des critères d’admissibilité aux programmes de perfectionnement des compétences offerts au titre d’ententes fédérales-provinciales sur le marché du travail pour qu’ils permettent de remédier aux lacunes dans les compétences dans le cadre de formations en cours d’emploi, mais également l’acquisition de compétences plus formelles axées de gestion des affaires et techniques.

Deuxièmement, nous reconnaissons la nécessité d’investir dans les services de vulgarisation agricole, y compris dans la recherche postsecondaire et le soutien à la vulgarisation, pour que les agriculteurs aient accès aux meilleurs conseils possible pour l’adoption de pratiques optimales de gestion durable.

Troisièmement, considérant que le secteur agricole emploie un Canadien sur neuf et le potentiel du projet de loi C-50 de soutenir les agriculteurs et les travailleurs agricoles, il sera important pour réaliser ce potentiel que les agriculteurs aient une voix au Conseil du partenariat pour des emplois durables.

Au Canada, l’agriculture est pratiquée dans une grande diversité de climats, d’écosystèmes et de communautés rurales qui n’ont pas toutes le même accès à l’infrastructure nécessaire pour adopter les meilleures pratiques et innovations environnementales.

Pour pouvoir saisir les possibilités offertes et satisfaire aux demandes des différentes communautés et régions rurales du Canada, les agriculteurs doivent être consultés sur la définition des possibilités, les compromis et les complexités des écosystèmes à prendre en compte dans un futur plan de perfectionnement des compétences à l’échelle du pays.

Nous invitons le comité à réfléchir aux enjeux importants que nous avons soulevés aujourd’hui et à s’assurer que le projet de loi C-50 contribuera à l’effort continu de croissance durable de la productivité du secteur agricole canadien.

Merci de m’avoir donné la parole. Je serai heureux de répondre aux questions des sénateurs.

La présidente : Merci, monsieur Currie.

Je cède la parole à M. Mark Chapeskie, le porte-parole de Ressources humaines, industrie électrique du Canada.

Mark Chapeskie, vice-président, Développement des programmes, Ressources humaines, industrie électrique du Canada : Madame la présidente, distingués membres du comité, merci de m’avoir invité à prendre la parole sur un sujet important qui est au cœur du travail de Ressources humaines, industrie électrique du Canada, ou RHIEC.

RHIEC a pour objectif de bâtir la meilleure main-d’œuvre au monde dans le secteur de l’électricité. C’est cette main-d’œuvre qui va assurer l’alimentation de notre réseau national, sa fiabilité et sa capacité de soutenir une économie verte pour les générations à venir. Nos activités de veille économique nous permettent de fournir des renseignements essentiels à la prise de décisions éclairées sur le marché du travail, et nous jouons un rôle de premier plan dans la création et le maintien d’une main-d’œuvre sûre, compétente et inclusive au sein de l’industrie.

Nos membres et nos partenaires sont notamment des employeurs, des éducateurs, des travailleurs et des décideurs qui travaillent de concert pour établir et prévoir les priorités en matière de main-d’œuvre, de même que pour réfléchir à des solutions pratiques pour combler les besoins de talents les plus pressants dans le secteur.

En guise de contexte, il convient de souligner que RHIEC a publié de nouvelles données dans son rapport Électricité en demande : Perspectives du marché du travail 2023-2028. Selon cette recherche, le secteur canadien de l’électricité, y compris la production, la transmission et la distribution de l’électricité éolienne, solaire et nucléaire, emploie plus de 110 000 personnes à l’échelle du pays. Cette main-d’œuvre essentielle fait tout pour assurer l’acheminement ininterrompu, ou presque, de l’électricité 24 heures sur 24, sept jours sur sept. C’est grâce à son travail que nos habitations sont éclairées, chauffées et climatisées, que nos centres de données fonctionnent, et que les hôpitaux et les épiceries restent ouverts pour servir les Canadiens.

Il faut savoir aussi que l’industrie nucléaire canadienne produit des isotopes médicaux reconnus mondialement. Nous serons parmi les premiers à mettre au point des petits réacteurs modulaires et le monde nous regarde.

Le secteur de l’électricité a connu une croissance de 12 % depuis 5 ans. C’est près du double du taux de croissance de la main-d’œuvre dans le reste de l’économie canadienne. Selon nos prévisions sur les professions, il y aura 28 000 emplois disponibles d’ici à 2028 — ce que nous avons appelé « 28-28 » — en raison de la croissance et des départs à la retraite.

Notre analyse de l’offre et de la demande prévoit des pénuries de travailleurs spécialisés, d’ingénieurs, de techniciens et de technologues, ainsi que de spécialistes des technologies de l’information et des communications. Les perspectives pour la période de 2035 à 2050 indiquent que le nombre total d’emplois disponibles associés à la transition vers la carboneutralité approchera 150 000.

Il faut bien comprendre le cheminement à faire pour travailler dans ces domaines. Pour éduquer, former et certifier des ingénieurs nucléaires qui pourront travailler d’ici à 2030, nous devons nous assurer que les jeunes qui sont en neuvième année actuellement choisissent des cours liés aux sciences, aux technologies, à l’ingénierie et aux mathématiques. Ces matières sont essentielles pour envisager cette carrière. Cela illustre bien l’ampleur des défis qui nous attendent.

Comme pour d’autres secteurs de l’économie, le secteur de l’électricité n’a pas une main-d’œuvre captive. La concurrence est très forte. Par exemple, les chaudronniers et les ingénieurs électriciens peuvent travailler dans d’autres secteurs. Notre recherche nous a permis de comprendre que l’outil de choix des employeurs est de recruter du personnel chez d’autres employeurs de l’industrie, ce qui est communément appelé le maraudage.

Étant donné les perspectives de croissance économique du secteur, il faut voir au-delà du modèle où chaque entreprise essaie d’accaparer la plus grosse part du gâteau. Nous devons trouver tous les ingrédients qui vont nous permettre d’avoir un gâteau complet et beaucoup plus gros. Pour y arriver, le rapport de Ressources humaines, industrie électrique Canada propose une feuille de route articulée autour de cinq grands volets.

Premièrement, le système canadien de l’immigration doit tenir compte de la demande sur le marché du travail, et plus particulièrement des postes en forte demande dans notre industrie. Il faut aussi que les mesures de reconnaissance des titres de compétence et de l’expérience acquis à l’étranger soient établies en collaboration avec les autorités de réglementation visées.

La présidente : Monsieur Chapeskie, vous serait-il possible de ralentir un peu le débit pour permettre à nos interprètes de vous suivre?

M. Chapeskie : Oui, si vous me donnez cinq secondes de plus.

La présidente : Merci. D’accord pour cinq secondes de plus.

M. Chapeskie : Merci, madame la présidente.

Il faut aussi que les mesures de reconnaissance des titres de compétence et de l’expérience acquis à l’étranger soient établies en collaboration avec les autorités de réglementation visées pour accélérer l’intégration des professionnels formés à l’étranger à notre main-d’œuvre.

Deuxièmement, il faut élargir l’accès aux programmes des collèges et des universités qui mènent à une carrière dans notre industrie pour les jeunes et d’autres personnes intéressés. Cette mesure devra être jumelée à une campagne visant à attirer des travailleurs dans le secteur.

D’autres travaux de recherche ont révélé que peu de Canadiens savent que l’industrie offre des emplois de choix, ce qui m’amène au troisième volet.

Il faut trouver des façons de retenir plus longtemps les travailleurs. Il s’agit d’une solution provisoire, qui pourrait englober l’assouplissement des conditions d’emploi et des modifications des régimes de travail et de retraite afin que la prolongation de carrière ne pénalise pas les travailleurs.

Quatrièmement, la multiplication des sources d’énergie renouvelable dans le réseau entraîne de nouvelles fonctions et de nouvelles définitions. Il faut uniformiser les programmes de formation accrédités au Canada en fonction des normes professionnelles nationales.

Il faut aussi recueillir des données sur le marché du travail qui portent plus précisément sur les emplois liés aux énergies renouvelables comme ceux d’installateurs de systèmes photovoltaïques solaires ou de techniciens en éoliennes. Actuellement, il n’y a pas de code pour ces professions dans la classification nationale. À Ressources humaines, industrie électrique Canada, nous déployons beaucoup d’efforts pour aider à établir ces codes.

Enfin, il faut intensifier les efforts de sensibilisation, de recrutement, d’intégration et de maintien en poste auprès d’une diversité de personnes. Les femmes représentent seulement 27 % de la main-d’œuvre de l’industrie. Seulement 1 % de la main‑d’œuvre déclare avoir un handicap à leur employeur. Les personnes autochtones représentent 5 % de la main-d’œuvre et, comme dans le marché du travail global, on les trouve surtout dans les métiers spécialisés.

Je conclus en soulignant que dans le cadre de notre examen de la Loi canadienne sur les emplois durables, il ne faut pas perdre de vue que notre main-d’œuvre est déjà très compétente. Selon les employeurs du secteur, la pénurie de travailleurs spécialisés représente la principale contrainte à court terme.

L’adoption de nouvelles technologies exigera des investissements dans le perfectionnement des connaissances et des compétences, ainsi que dans l’adaptabilité de la main‑d’œuvre. C’est fondamental.

La présidente : Merci.

Monsieur Melo, nous vous écoutons.

Fernando Melo, directeur de la politique fédérale, Section des politiques et des affaires gouvernementales, Association canadienne de l’énergie renouvelable : Madame la présidente, honorables sénateurs, merci de l’invitation à témoigner au nom de l’Association canadienne de l’énergie renouvelable, ou CanREA, dans le cadre de votre étude du projet de loi C-50, Loi canadienne sur les emplois durables.

J’aimerais souligner avant de commencer que je vous joins depuis le territoire traditionnel et non cédé du peuple algonquin anishinabe.

CanREA est la voix d’un secteur qui offre les solutions d’énergie éolienne, d’énergie solaire et de stockage de l’énergie qui assureront l’avenir énergétique du Canada. Tous nos membres — ils sont plus de 300 — sont aux premiers rangs pour offrir les solutions propres, économiques, fiables, souples et modulables dont le Canada a besoin pour répondre à une demande énergétique qui, selon les prévisions, connaîtra une croissance sans précédent.

Pour satisfaire à la demande grandissante d’électricité, il faudra plus d’éoliennes, plus de panneaux solaires et plus de blocs-batteries, mais il faudra aussi plus de gens. Les membres de CanREA ont besoin de monteurs de ligne, d’installateurs de systèmes solaires, de biologistes de terrain et de beaucoup d’autres spécialistes. Les biologistes et les ingénieurs obtiennent les autorisations et conçoivent les projets, et ils collaborent ensuite avec des travailleurs spécialisés pour réaliser ces projets et assurer le bon fonctionnement des installations. Le temps venu, ces mêmes travailleurs spécialisés procèdent au rééquipage des installations ou à leur mise hors service.

L’an dernier, en raison de cette demande importante et grandissante de main‑d’œuvre spécialisée, CanREA a établi une stratégie nationale de lutte à la pénurie de main‑d’œuvre dans les secteurs de l’énergie renouvelable et du stockage de l’énergie.

Nous nous sommes centrés sur trois objectifs précis : attirer de nouveaux talents qualifiés dans l’industrie; conserver la main‑d’œuvre actuelle et conserver la connaissance de l’industrie au sein des organismes. Dans le cadre de cet exercice, nous avons constaté que les perspectives de carrière dans les secteurs de l’énergie renouvelable et du stockage de l’énergie sont méconnues et que c’est un des principaux obstacles au recrutement. Cela dit, des mesures sont prises pour que cela change. De nombreux établissements d’enseignement postsecondaire et organismes de formation tiers ou non gouvernementaux — comme Ressources humaines, industrie électrique du Canada que représentent mes collègues — ont travaillé très activement à créer des programmes permettant d’intégrer les industries de l’énergie renouvelable et du stockage de l’énergie et pouvant attirer des candidats à différents stades de leur carrière.

Certains de ces programmes de formation sont conçus expressément pour être jumelés avec des projets communautaires et des offres de formation à des communautés autochtones par l’intermédiaire d’ateliers virtuels et de programmes offerts en classe pour améliorer l’accès aux ressources de formation. Ces initiatives sont essentielles pour faire connaître les possibilités de carrières dans l’économie verte et réduire les obstacles à l’accès à ces carrières par l’offre de ressources.

Le gouvernement fédéral doit collaborer avec l’industrie et le milieu universitaire pour l’établissement d’un plan pour des emplois durables. C’est essentiel pour que l’offre de formations et les programmes de certification tiennent compte des compétences requises pour réussir dans les industries de l’énergie renouvelable et du stockage de l’énergie. Pour donner un coup de pouce à cette collaboration, l’Association canadienne de l’énergie renouvelable a lancé le site Web Emplois Énergie Propre Canada, qui vise à établir un lien entre les employeurs et les chercheurs d’emploi afin de bâtir la main‑d’œuvre de demain. Les chercheurs d’emploi y trouvent aussi de l’information sur les possibilités de formation ainsi que des entrevues avec des travailleurs du domaine qui donnent des conseils sur la manière de bâtir une carrière dans les industries de l’énergie renouvelable et du stockage de l’énergie.

Il serait important également d’inclure les formations professionnelles offertes dans d’autres domaines que les métiers spécialisés dans les cadres de financement afin de promouvoir le perfectionnement des compétences associées à l’économie verte. Par exemple, la Subvention à l’achèvement de la formation d’apprenti du fédéral est offerte exclusivement pour les métiers désignés Sceau rouge. Les étudiants qui aspirent à devenir techniciens en éoliennes ou à se perfectionner dans un autre domaine professionnel n’ont pas accès à la subvention de 2 000 $ offerte aux mécaniciens-monteurs ou aux électriciens. Pourquoi un élève du secondaire choisirait-il de devenir un technicien en éoliennes — un domaine pour lequel il n’y a guère, voire aucune aide économique offerte par les programmes gouvernementaux —alors qu’il pourrait devenir électricien et recevoir une aide de différents programmes fédéraux et provinciaux pour ses études et ses outils?

Le Canada doit revoir de fond en comble le financement de la formation des travailleurs spécialisés. Sans ce financement, nous courons le risque que les étudiants délaissent des formations qui seront déterminantes dans la capacité du Canada à bâtir le système électrique sans lequel il ne pourra pas rivaliser avec la concurrence dans l’économie mondiale et atteindre ses objectifs climatiques. Si le gouvernement canadien souhaite vraiment réaliser ses objectifs climatiques et économiques sans laisser aucun travailleur pour compte, il devra proposer des mesures pour combler les lacunes de financement dans le plan pour des emplois durables. Il devra aussi collaborer avec les provinces et les organismes comme CanREA et RHIEC pour attirer des étudiants dans ces domaines.

Merci de m’avoir consacré votre temps et votre attention. Je suis impatient de répondre à vos questions.

La présidente : Merci beaucoup, monsieur Melo.

Chers collègues, nous allons entamer la période des questions. Chaque sénateur disposera de quatre minutes pour poser ses questions et entendre les réponses. Mais auparavant, j’aimerais poser une question rapide qui s’adresse à tous les témoins et je les inviterais à me donner une réponse brève. Merci de vos exposés sur vos industries respectives. J’ai appris beaucoup de choses.

Quel est votre avis au sujet du Conseil du partenariat pour des emplois durables proposé? M. Currie a déjà donné son appui tout en demandant que ses membres y soient représentés, mais je n’ai rien entendu de la part de MM. Melo et Chapeskie concernant le Conseil.

M. Melo : CanREA appuie largement les objectifs du Conseil et du projet de loi. Notre secteur a besoin d’un plan pour savoir dans quelle direction nous allons.

M. Chapeskie : J’abonde dans le même sens. Un changement systémique est en cours à l’échelle du pays et dans l’économie mondiale. Tout ce qui sera fait pour favoriser la participation économique des Canadiens à cette transition ou à ce changement sera important, autant aux échelons du fédéral et des provinces qu’à un échelon plus régional.

À notre avis, une mesure législative comme celle qui est proposée peut y contribuer. L’importance accordée à l’inclusion de gens de différents groupes démographiques au Canada mérite d’être soulignée. C’est un élément phare du projet de loi.

La présidente : Monsieur Currie, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Currie : J’ajouterais seulement que dans le secteur agricole, comme dans beaucoup d’autres secteurs, le départ à la retraite des baby-boomers va changer la dynamique en matière d’emploi. Au cours des 10 prochaines années, il va y avoir une réduction massive du nombre de travailleurs, notamment dans les domaines de la gestion et divers domaines d’expertise. Nous voulons être représentés au Conseil pour nous assurer que les mesures et les possibilités qui seront proposées en matière d’emploi — autant aux travailleurs canadiens qu’aux nouveaux arrivants — tiendront compte des besoins sur le plan des compétences, de la formation et des niveaux de gestion.

La sénatrice Cordy : Merci énormément à vous tous. Vous nous avez donné beaucoup d’informations. J’ai essayé de prendre des notes. J’ai réussi à noter des mots et des bribes de phrases. Je vais essayer de transcrire mes notes quand je vais arriver chez moi ce soir pour m’assurer de bien comprendre.

Messieurs Currie et Chapeskie, vous avez évoqué l’écart entre les sexes et le faible nombre de travailleurs autochtones dans votre secteur. Qu’entendez-vous faire à ce sujet? Si j’ai bien compris, 82 % des emplois dans les secteurs de l’agriculture et des ressources naturelles sont occupés par des hommes. Qu’entendez-vous faire à court terme pour attirer des gens dans vos industries?

M. Currie : Je suis particulièrement enthousiaste de voir que le secteur de l’agriculture est redevenu attrayant, surtout parce qu’il est à la fine pointe de la technologie, je dirais même plus que beaucoup d’autres secteurs. C’est un aspect qui intéresse particulièrement les jeunes, y compris beaucoup de femmes.

Les femmes ont toujours été très actives en agriculture, même si leur contribution était loin d’être aussi reconnue que maintenant. La main‑d’œuvre agricole est composée à près de 30 % de femmes, qui travaillent en majorité à la ferme. Il ne faut pas oublier que 90 % des fermes sont des exploitations familiales, et que les filles et les épouses participent beaucoup plus au processus décisionnel et aux activités de la ferme. C’était déjà le cas avant, mais c’est sans doute plus reconnu maintenant. Les rôles se sont diversifiés parce que les fermes s’agrandissent et les activités de gestion sont mieux délimitées. Les femmes jouent des rôles clés qu’elles n’avaient peut-être pas dans le passé sur le plan décisionnel.

Il faut continuer sur la même voie et offrir de plus en plus de soutien, de possibilités et d’encouragement aux femmes pour qu’elles participent davantage au secteur agricole, pas seulement à la ferme, mais également en occupant des emplois extrêmement importants à l’extérieur. Nous sommes très favorables à ce genre de mesures.

M. Chapeskie : Je suis désolé si mon débit trop rapide vous a empêchée de prendre des notes.

La première chose que je tiens à dire concernant la participation des femmes, c’est que RHIEC a une assez longue expérience du marché du travail et que, il y a 5 ans, elles représentaient 26 % de la main‑d’œuvre, et que 5 ans avant, ce taux se situait à 25 %. Je dis souvent qu’à ce rythme-là, il faudra 120 ans pour atteindre la parité des sexes.

Je pense quand même que les choses sont en train de changer. Nous le constatons. Malheureusement, il n’existe pas de solution miracle pour augmenter la participation des femmes dans le secteur. Le premier défi est lié aux compétences, et il n’a rien à voir avec la capacité des femmes de réussir dans ces emplois. Elles peuvent faire le travail aussi bien que les hommes. Quand je parle d’un défi lié aux compétences, je parle des quatre ou cinq années nécessaires pour atteindre la pleine compétence, ou entre le début et la fin des études postsecondaires ou d’un programme de formation dans un métier spécialisé. Si les femmes ne s’inscrivent pas à ces programmes de formation, elles n’auront pas accès à des rôles techniques dans l’industrie.

Pour intéresser les femmes à ce domaine professionnel, il faut faire deux choses.

Il faut faire du recrutement et il faut s’assurer que les femmes restent. En matière de recrutement, il faut faire plus d’efforts au niveau secondaire, et idéalement dès les dernières années du primaire, durant lesquelles on commence à explorer les sciences, les technologies, l’ingénierie et les mathématiques. Dans la plupart des provinces et des territoires canadiens, un élève peut décrocher un diplôme d’études secondaires sans avoir fait de sciences ou de mathématiques en onzième année. Or, ces cours sont exigés pour presque tous les emplois techniques de notre industrie, que ce soit dans les domaines des métiers spécialisés, du génie ou des techniques et des technologies.

Le recrutement demande de faire davantage de promotion, tandis que le maintien en poste demande de redoubler d’efforts pour changer les politiques et la culture dans l’ensemble de l’industrie.

La sénatrice Seidman : Merci à vous tous pour vos exposés.

Je vais citer un extrait du rapport Une transition équitable vers une économie à faibles émissions de carbone, publié en 2022 par le Bureau du vérificateur général, que vous connaissez peut-être. Cet audit portait sur les travailleurs des collectivités touchées par l’accélération par le gouvernement fédéral de l’élimination progressive de la production d’électricité à partir du charbon. Je vais vous lire une partie du message général et des constatations de ce rapport :

Dans l’ensemble, nous avons constaté que Ressources naturelles Canada et Emploi et Développement social Canada n’étaient pas prêts à soutenir une transition équitable vers une économie à faibles émissions de carbone pour les travailleuses, les travailleurs et les collectivités.

Il est ajouté plus loin:

Même si le gouvernement avait désigné Ressources naturelles Canada à titre de ministère responsable de la présentation d’une loi sur la transition équitable en 2019, le ministère a peu fait à ce sujet avant 2021. Il n’a pas établi de structure de gouvernance... et n’a pas non plus établi un plan de mise en œuvre de la transition adapté à une diversité de travailleuses et de travailleurs, de situations géographiques et de parties prenantes fédérales et autres.

Ils ont utilisé des mécanismes et des programmes existants qui n’avaient pas été conçus pour appuyer une transition équitable.

C’est très important parce que nous entamons la deuxième étape de la transition que l’on dit équitable et d’autres secteurs vont être touchés. J’aimerais savoir ce que vous pensez de cette transition qui va maintenant toucher le secteur agricole, entre autres, et si à votre avis certains mécanismes prévus au projet de loi vont changer quoi que ce soit et nous éviter, peut-être, un rapport comme celui que le Bureau du vérificateur général a publié en 2022.

Si vous le voulez bien, monsieur Currie, je vais vous demander de répondre en premier.

M. Currie : Merci de poser cette question.

Tout d’abord, la demande que j’ai faite concernant notre représentation à la table va sûrement avoir un effet positif sur la suite des choses.

Je vais demander à mon collègue, Scott Ross, qui est notre directeur exécutif, de donner une réponse plus détaillée à la question.

Monsieur Ross, pouvez-vous continuer?

Scott Ross, directeur exécutif, Fédération canadienne de l’agriculture : Merci de cette question, madame la sénatrice.

Je vais commencer en soulignant à quel point il sera important que des gens compétents guident le Conseil du partenariat pour l’élaboration d’un plan d’emploi. Ce que les agriculteurs constatent actuellement, c’est que la difficulté à comprendre les complexités de notre secteur constitue un des aspects les plus problématiques de la transition vers une économie carboneutre ou à faibles émissions de carbone.

Contrairement à bien d’autres, les agriculteurs vivent dans un écosystème naturel et leur travail est lié à cet écosystème. La situation géographique dans le pays, le type de production et le stade auquel les entreprises se trouvent dans leur cycle de vie ont tous des répercussions très lourdes sur les besoins en compétences qu’il faudra combler dans le secteur et l’éventuelle évolution du profil de ces compétences.

Les pratiques et les technologies novatrices vont continuer de se multiplier, et un des grands défis sera de suivre le rythme des progrès et de comprendre les écarts qui existent entre les régions du pays. Par expérience, nous savons que ce qui compte avant tout, c’est d’intervenir tôt dans le processus d’élaboration de politiques, de fournir des informations et des avis pour que la complexité soit prise en compte…

La présidente : Monsieur Ross, je vais donner la parole à M. Melo pour qu’il puisse donner une très courte réponse à la question.

La sénatrice Seidman : Si c’est possible, je préférerais entendre le point de vue du secteur de l’électricité.

M. Chapeskie : Merci de me donner cette possibilité.

Je dirais, pour répondre à la question, que nous pouvons tirer diverses leçons du passé. Tout d’abord, la production d’électricité à partir du charbon — pour parler de notre secteur — nécessite plus de main‑d’œuvre que la plupart des technologies. Il sera donc essentiel d’établir la grille des compétences actuelles des travailleurs du charbon pour déterminer les emplois qu’ils pourraient occuper dans l’industrie.

J’ai parlé de la partie de notre rapport qui porte sur les pénuries de main‑d’œuvre prévues dans le secteur. En fait, ces pénuries existent déjà. La planification axée sur les compétences est essentielle, que ce soit à l’échelon des entreprises, des industries ou des provinces, et je pense que certaines dispositions du projet de loi vont faciliter ce travail. Nous avons déjà fait beaucoup de travail dans ce domaine.

La présidente : Merci beaucoup.

La sénatrice Osler : Je vais aller dans l’ordre inverse et demander à M. Melo, puis à M. Chapeskie et à M. Currie de répondre à tour de rôle, si le temps le permet.

Nous entendons parler de la nécessité de créer une main‑d’œuvre diversifiée, qui possédera les connaissances et les compétences requises dans une économie verte. J’aimerais entendre vos points de vue respectifs sur la manière dont le projet de loi C-50 va contribuer à la création de ce bassin de ressources humaines.

M. Melo : C’est très clair que le plan devra être appuyé par un effort très soutenu de sensibilisation et d’éducation. Je vais remonter à 20 ans en arrière. Quand j’étais au secondaire, on m’a dit qu’il fallait éviter les métiers spécialisés. Aujourd’hui, le meilleur conseil que je pourrais donner à quelqu’un qui veut travailler dans un domaine lié à la lutte aux changements climatiques, ce serait d’apprendre un métier spécialisé.

Il faudra faire de la publicité et travailler de manière concertée avec les provinces. C’est essentiel si nous voulons que les jeunes, quand ils commencent à réfléchir à leur avenir professionnel, comme mon collègue l’a mentionné, connaissent ces possibilités et puissent faire des choix en conséquence. C’est la même chose pour les personnes qui envisagent une nouvelle carrière : elles doivent connaître les possibilités. Par exemple, qui peut offrir une formation de recyclage de qualité à un électricien qui veut travailler à une altitude de 100 mètres?

M. Chapeskie : Un projet de loi comme celui-là va permettre de nous concentrer sur ces enjeux. Nous savons qu’un des défis de notre industrie est que très peu de gens sont au courant des débouchés offerts.

Il y a cinq ans, si vous m’aviez demandé s’il y avait des pénuries de main‑d’œuvre à l’horizon, j’aurais répondu que c’était possible. Les bureaux de placement étaient pleins et il y avait beaucoup de candidats pour chaque poste offert. Ce n’est plus le cas dans notre secteur.

Les gens des ressources humaines nous demandent où sont les gens. Où sont passés tous ces gens?

C’est un énorme défi et il va le rester, mais je pense qu’un projet de loi comme celui-là va permettre de nous concentrer de manière stratégique sur ces enjeux. Il va nous aider à concevoir de meilleurs systèmes pour le marché du travail et à mieux définir les orientations sur lesquelles nous devrons nous focaliser à l’échelle du pays. De meilleures prévisions pour le marché du travail permettent d’offrir de meilleurs programmes de formation et, au bout du compte, de nous assurer d’avoir de la main‑d’œuvre là où nous en avons besoin.

Nous collaborons énormément avec nos partenaires du milieu de la formation postsecondaire pour nous assurer que leurs programmes offrent les places nécessaires pour répondre à nos besoins futurs. Je crois que le projet de loi va nous aider en ce sens.

M. Ross : Je vais donner le point de vue de la Fédération canadienne de l’agriculture. Le plan d’action pour la main‑d’œuvre est axé sur l’industrie, y compris les parties prenantes du secteur agroalimentaire.

Je suis d’accord avec ce qui a été dit concernant le rôle essentiel du projet de loi pour focaliser l’attention sur ces enjeux qui vont guider le travail déjà bien amorcé pour trouver des solutions aux pénuries chroniques de main‑d’œuvre dans notre secteur, et notamment pour aider à cibler les grandes priorités et à mobiliser les efforts. Le travail considérable de mobilisation des parties prenantes qui a été réalisé depuis quelques années pourra être mis à profit pour établir un plan de lutte aux pénuries de main‑d’œuvre chroniques et grandissantes dans notre secteur. Au train où vont les choses, il manquera 15 % de travailleurs dans notre secteur en 2030.

C’est un enjeu qui nous préoccupe au plus haut point et nous sommes très contents que ce projet de loi permette de concentrer l’attention là-dessus.

[Français]

Le sénateur Cormier : Je vais poser mes questions en français et elles s’adressent à M. Melo, du secteur de l’énergie renouvelable, et à M. Currie, du secteur de l’agriculture.

Vous avez tous les deux, dans vos secteurs respectifs, identifié un certain nombre de métiers différents et un certain nombre de travailleurs différents, que ce soit les néo-Canadiens ou d’autres catégories. Dans le projet de loi, on parle de plans d’action pour des emplois durables. Quels genres de mesures incitatives les futurs plans d’action pour des emplois durables devraient-ils contenir pour attirer les investissements nécessaires dans votre secteur? En d’autres mots, quels types de soutien ou de mesures incitatives supplémentaires seraient nécessaires? Est-ce que le projet de loi, tel qu’il est rédigé, couvre la totalité des besoins que vous avez en la matière? Monsieur Melo, peut-être?

M. Melo : Merci beaucoup.

[Traduction]

Le projet de loi prévoit la création d’un plan. Le plus important, comme mon collègue l’a expliqué, sera de mettre l’accent sur la codification — je n’ai pas d’autre mot — pour que les travailleurs intéressés par notre domaine aient accès aux mêmes mesures incitatives que celles qui sont offertes pour les métiers Sceau rouge à l’échelle du pays et que nous puissions orienter différemment nos efforts.

Le projet de loi n’explique pas dans le détail les mesures prévues. En revanche, il contient un engagement à créer un plan auquel mon collègue et moi pourrons participer pour assurer un accès équitable de nos travailleurs au financement déjà offert.

M. Ross : Je vais donner le point de vue de la Fédération canadienne de l’agriculture. Nous partageons en bonne partie les sentiments exprimés par mes prédécesseurs. Beaucoup de bonnes choses peuvent découler d’un plan de cette nature. Comme le diable est dans les détails, nous verrons bien.

Du point de vue de l’agriculture, le projet de loi offre des possibilités pour deux enjeux majeurs. Le premier est la sensibilisation à l’égard des possibilités de carrière dans notre secteur. Nous continuons de nous battre contre les perceptions très rétrogrades de l’agriculture même si c’est un secteur technologiquement très avancé. Le plan va permettre de faire beaucoup à ce sujet. Par ailleurs, nous réclamons depuis des années un assouplissement des programmes de formation qui sont financés. Plus particulièrement, les formations à la ferme ont énormément d’importance en agriculture, mais beaucoup de programmes et de structures en place ne sont pas adaptés et n’offrent pas de telles possibilités de formation.

Nous espérons que le plan établi en vertu de ce projet de loi tiendra compte de cette nécessité et qu’il offrira toute la souplesse dont notre secteur a besoin.

[Français]

Le sénateur Cormier : Le projet de loi, tel qu’il est rédigé, n’a-t-il pas besoin d’être renforcé? Identifiez-vous dans le projet de loi des éléments qui devraient être renforcés, selon vous?

[Traduction]

M. Ross : Du point de vue du secteur agricole, le plus important sera la représentation de nos employeurs au Conseil du partenariat, comme nous l’avons mentionné dans notre déclaration liminaire.

C’est très difficile de faire entendre la voix unifiée des travailleurs du secteur agroalimentaire canadien dans ce genre d’assemblée. Les agriculteurs doivent pouvoir contribuer à l’élaboration de ces plans et donner leur avis. C’est ce qui va permettre d’apporter les nuances nécessaires dont j’ai parlé tout à l’heure.

M. Melo : [Difficultés techniques] le secteur de l’énergie renouvelable participe déjà aux discussions et la poursuite de cette collaboration avec nos collègues du secteur pour donner nos éclairages concernant le projet de loi au sein du Conseil du partenariat… C’est là que le gros du travail se fera pour faire bouger les choses dans la bonne direction.

La sénatrice Moodie : Je remercie les témoins d’être ici. Ma question va porter sur les groupes en quête d’équité. L’équité, la diversité et l’inclusion font expressément partie des objectifs du projet de loi en matière de main‑d’œuvre et d’emplois durables. Quels sont les obstacles auxquels se heurtent actuellement les membres des groupes en quête d’équité pour ce qui est de l’accès aux emplois dans votre secteur? Comment ce projet de loi va-t-il les aider?

J’aimerais que MM. Chapeskie et Melo nous touchent quelques mots à se sujet. Je crois que tous les deux, vous avez indiqué que la formation doit commencer au secondaire et que des changements s’imposent à ce sujet. Pouvez-vous m’aider à comprendre ce qui se passe dans votre secteur à cet égard?

M. Chapeskie : J’ai parlé un peu de la participation des femmes dans notre industrie et, si j’ai du temps, je pourrais parler des autres groupes qui pourraient être touchés.

Par exemple, la représentation des travailleurs autochtones dans notre secteur est très comparable à leur représentation dans le marché du travail, soit 5 %, et ils exercent en majorité des métiers spécialisés. Nous savons que c’est dû aux obstacles auxquels font face les Autochtones pour ce qui est de l’accès aux études supérieures exigées pour des emplois d’ingénieur, de technicien ou de technologue, par exemple. Il faut éliminer ces obstacles.

Les formules ou les programmes de financement du fédéral comportent des obstacles structurels qui compliquent le travail d’organismes comme le nôtre qui agissent comme intermédiaires du gouvernement pour le versement des fonds au titre de la Stratégie emploi et compétence jeunesse, notamment. Pour une partie, l’accès au financement est lié à l’obtention d’un diplôme postsecondaire. Pour cette raison, c’est difficile de collaborer avec les communautés autochtones pour ce programme en particulier.

Nous avons obtenu beaucoup de succès auprès des communautés autochtones quand l’obtention d’un diplôme postsecondaire n’est pas une condition du programme. C’est un des groupes.

Les personnes handicapées forment un autre groupe. Dans la société en général, il y a beaucoup de préjugés entourant leur participation au marché du travail. Ce n’est pas propre au secteur de l’électricité. Le problème est généralisé au Canada. C’est un enjeu auquel notre organisme et beaucoup d’autres travaillent actuellement. Des efforts ont été faits par le passé dans le secteur, mais il faut en faire davantage.

Actuellement, ce groupe représente 1 % de notre main‑d’œuvre, mais ce taux devrait être beaucoup plus élevé si on considère que 6 millions de Canadiens déclarent avoir un handicap. Pour y arriver, il faut des politiques, il faut un changement culturel, et il faut comprendre que les adaptations nécessaires pour les personnes handicapées ne sont pas forcément compliquées ou coûteuses. De façon plus générale, les organismes devront améliorer leurs politiques et leurs procédures.

La sénatrice Moodie : [Difficultés techniques] — la deuxième partie.

M. Chapeskie : Tout comme mes collègues ont dit que le diable se cache dans les détails, ce sera un résultat de la mise en œuvre. C’est là que l’on commencera à voir si le projet de loi a l’effet que nous espérons. Le fait qu’il en soit même question dans le projet de loi nous met sur la bonne voie et dans la bonne direction parce que cela donne au conseil et au secrétariat l’attention dont ils ont besoin, au fond, quant aux résultats de la mise en œuvre.

M. Melo : Je n’ai, en fait, rien à ajouter. Mon collègue a tout dit.

La sénatrice Moodie : Je vous remercie.

Monsieur Currie, des réflexions sur le sujet?

M. Currie : Le secteur agricole a ceci de particulier qu’il se compose d’entreprises individuelles que nous représentons dans tout le pays. Chaque entreprise est non seulement individuelle, mais aussi très différente des autres. Il est certain que nous communiquons beaucoup dernièrement avec le Cercle national pour l’agriculture et l’agroalimentaire autochtones, afin de partager des idées, de collaborer et de réfléchir ensemble à la manière d’aller de l’avant et d’être inclusifs, non seulement dans ce que nous considérons généralement comme étant l’agriculture traditionnelle, mais aussi dans notre façon d’inclure les Autochtones dans l’évolution du secteur.

Certainement, si l’on considère l’agriculture sous l’angle de la diversité, près de 70 000 travailleurs viennent chaque année dans ce pays, principalement du Mexique, de l’Amérique centrale et des Caraïbes. Bien sûr, ils sont tous d’origines ethniques différentes et ils jouent certainement un rôle clé dans la production agricole au Canada, car sans eux, je ne sais pas où nous en serions, même en songeant au déficit d’emplois agricoles que nous connaissons actuellement, avec près de 100 000...

La présidente : Monsieur Currie, nous allons devoir revenir sur ce point plus tard.

La sénatrice Burey : Je vous remercie de votre présence.

Monsieur Currie, je siège au Comité de l’agriculture et des forêts. Je comprends donc vraiment vos observations, et je ne les répéterai pas. Nous entendons les mêmes thèmes de la formation, de l’éducation, d’un vivier d’étudiants et d’un manque d’information. Ce sont des thèmes qui reviennent constamment.

Premièrement, pensez-vous que ce projet de loi y changera quelque chose?

Je vais me concentrer sur autre chose, et je pose la question parce que nous savons à quel point il est important de faire participer différents intervenants pour obtenir une adhésion, découvrir les préoccupations tôt dans le processus et procéder à des ajustements. J’écoute M. Currie parler et plaider pour que le secteur agricole soit d’une manière ou d’une autre inclus dans le conseil.

Or, je constate que le conseil a été réduit. J’ai consulté le procès-verbal de l’autre endroit et j’ai vu que l’on est passé de 20 à 15 et maintenant à 13. Que pensez-vous de cette réduction? Peut-elle avoir pour conséquence involontaire de ne pas inclure tous les secteurs qui doivent y être représentés?

M. Currie : Tout d’abord, je vous remercie de votre travail au Comité de l’agriculture et des forêts. Nous vous en sommes très reconnaissants.

Le projet de loi lui-même parle de transparence et d’engagement. Si nous accomplissons ces deux choses, nous aurons fait un pas de géant vers la résolution de bien des problèmes d’emploi sur lesquels nous nous penchons. En ce qui concerne la réduction du conseil, même si je comprends que cela puisse être logique d’un point de vue logistique, il est très préoccupant que l’agriculture n’y siège pas. Ce que les gens ne comprennent pas...

La présidente : Je vais aussi essayer d’obtenir la réponse de M. Chapeskie et de M. Melo à cette question.

M. Currie : Plus nous pouvons faire connaître les possibilités dans l’agriculture, plus nous devons le faire, car nous avons besoin de moyens financiers, de recherche et de tout le monde...

La présidente : Je vous remercie, monsieur Currie. Les deux autres témoins ont maintenant moins d’une minute pour répondre à la question sur la taille du conseil.

M. Chapeskie : Je ne peux pas me prononcer précisément sur la taille que devrait avoir ce conseil en particulier, mais une plus grande représentation est certainement importante.

Il sera probablement important par ailleurs, selon moi, de définir le mandat du conseil et que les membres du conseil adhèrent aux conditions qu’ils doivent respecter. Par exemple, si un secteur n’est pas représenté comme tel au conseil, il est important que les membres du conseil représentent les Canadiens plus généralement. Une fois de plus, il est important de veiller à une bonne mise en œuvre.

M. Melo : En bref, il sera essentiel d’avoir une représentation plus large et qui reflète le Canada et les industries canadiennes qui participent à cette transition.

La présidente : Je vous remercie. Si j’étais ministre, vous siégeriez tous au conseil, mais je ne le suis pas.

Le sénateur Yussuff : Permettez-moi de remercier les témoins de leur présence.

La sénatrice Seidman a soulevé un point intéressant au sujet du rapport de la vérificatrice générale. Je coprésidais le rapport du groupe de travail, et le travail n’est pas terminé. La Saskatchewan doit encore passer de centrales au charbon à autre chose, de même que la Nouvelle-Écosse et une partie du Nouveau-Brunswick. Le processus n’est pas terminé, mais il est vrai qu’il n’arrive pas à s’adapter localement. Je pense que le projet de loi tient compte de cette réalité. C’est à la suite du rapport du groupe de travail qu’il a été présenté.

Pour revenir à mon ami M. Chapeskie à propos de la production d’électricité, le pays sera électrifié de toutes les manières possibles. Qu’il s’agisse de conduire une voiture ou de chauffer un bâtiment, c’est vers cela que tend le pays d’ici 2050.

Sachant tout ce que nous devons faire — et je pense que mes collègues ont posé cette question très précise —, il est fondamental d’avoir la main‑d’œuvre voulue et diversifiée. Comme votre secteur énumère tous les emplois qui devront être pourvus, j’entends certains de vos arguments, mais je suis dubitatif sur d’autres. Vous ne pouvez pas continuer de me dire, oh, ce problème! Pourquoi ne publiez-vous pas, tout simplement, le salaire que gagnent les personnes qui travaillent dans votre secteur, car cela pourrait faire changer d’attitude des personnes qui veulent y travailler? Je sais que la grande majorité des salaires sont supérieurs à 100 000 $ par an.

M. Chapeskie : C’est vrai. Je le confirme. Le salaire moyen dans l’industrie de l’électricité au Canada est de 105 000 $ par an. Cela va du PDG au technicien de ligne électrique en première ligne.

Le sénateur Yussuff : Dans le contexte du changement, le gouvernement a prévu des réacteurs nucléaires modulaires et beaucoup de fonds pour la recherche. Cela va créer des milliers d’emplois, mais il ne s’agit pas seulement des emplois dans les métiers du Sceau rouge — il y aura aussi des emplois dans l’ingénierie.

À cet égard, comme nous le savons, il y a un problème dans ce pays à propos de l’emploi des femmes dans votre secteur. Comment pouvons-nous améliorer la situation? Beaucoup de femmes sont ingénieures. Ma fille envisage d’étudier en ingénierie, si elle va un jour à l’université. Comment faites-vous la promotion de votre secteur dans les universités pour faire connaître les possibilités qui s’offrent aux jeunes diplômés?

M. Chapeskie : Ce sont d’excellentes questions, sénateur. Cela nous ramène à ce que j’ai dit tout à l’heure à propos de la représentation. Nous ne pouvons pas commencer la promotion dans les universités, car c’est trop tard. Nous devons en fait commencer à soutenir l’intérêt au secondaire et même avant.

Qu’on le sache ou pas, c’est entre la 6e et la 8e année que les élèves commencent à s’orienter. S’ils commencent à s’orienter à ce moment-là, qu’ils se désintéressent des STIM — sciences, technologie, ingénierie et mathématiques — avant d’arriver en 10e année et qu’ils décident de ne pas continuer en mathématiques et en sciences, peu importe s’ils veulent s’orienter vers les métiers spécialisés, les programmes de technicien-technologue ou l’ingénierie — qui représentent plus de 50 % des emplois dans l’industrie des services publics —, ils viennent de s’exclure eux-mêmes sans formation d’appoint, en fait. Par conséquent, si nous ne les motivons pas durant ces jeunes années, nous continuerons de rencontrer ces difficultés au fil du temps.

Le sénateur Yussuff : Très rapidement, monsieur Currie, votre secteur ne se limite pas à la production alimentaire. Il comprend aussi la transformation des aliments. À propos de la grande majorité des emplois qui se trouvent aussi dans ce secteur, pouvez-vous nous parler des changements en cours et de la nécessité d’avoir une bonne politique des ressources humaines pour y attirer des travailleurs?

M. Currie : Certainement. Quel que soit votre parcours professionnel, vous pouvez utiliser votre formation dans le secteur agroalimentaire, et l’agriculture est la mère de l’économie verte. La façon dont nous informons pour attirer des travailleurs non seulement dans l’agriculture primaire, mais aussi dans le secteur agroalimentaire par-delà la ferme, est essentielle, car nous ne pouvons pas faire ce que nous faisons si nous n’avons pas un secteur dynamique au-delà de la ferme. La sensibilisation dans l’éducation, comme l’a mentionné l’autre intervenant, est capitale pour que l’on sache que ces possibilités existent et qu’il est possible de mener une longue carrière dans l’agriculture tout en faisant partie de l’économie verte.

La sénatrice Bernard : Je vous remercie. Je voudrais revenir à votre réponse, monsieur Chapeskie, à une question posée par ma collègue, la sénatrice Moodie. Vous avez parlé à plusieurs reprises dans vos réponses aujourd’hui de la diversité dans l’industrie. Je suis certainement heureuse de vous entendre parler des femmes, des personnes handicapées et des Autochtones. Je ne vous ai pas entendu parler des personnes racisées, et je sais, d’après le travail que j’ai fait dans la communauté noire, qu’elle est exclue de ces métiers. La recherche montre que l’orientation, dans son cas, notamment pour les jeunes Noirs, commence autour de la 3e année.

Que savez-vous au sujet de cette communauté en particulier et, selon vous, le projet de loi peut-il régler la question de son inclusion?

M. Chapeskie : Je vous remercie, sénatrice. Pardonnez-moi, mais chaque fois que je parle, je dispose de 30 secondes à une minute, alors j’essaie d’en dire le plus possible et de mentionner chaque fois tous les groupes. Je vous remercie de me donner l’occasion de parler plus particulièrement des Canadiens noirs et racisés.

Nous savons que notre secteur, bien qu’il fasse mieux dans ce domaine particulier que dans d’autres domaines de représentation, a encore beaucoup de chemin à parcourir. La représentation dans notre secteur est pour moi comme la parité sur le marché du travail, et nous n’y sommes pas encore — nous sommes encore à 10 % environ du but.

À propos de ce que je disais au sujet de certains autres groupes, nous devons faire en sorte que les jeunes Noirs — les jeunes hommes et femmes racisés, en fait — se voient dans ces rôles. Nous avons beaucoup d’exemples de réussite de Noirs et de personnes racisées dans les métiers spécialisés, les professions de l’ingénierie et les professions de technicien et de technologue. En tant qu’industrie, cependant, nous ne faisons pas ce qu’il faut en matière de promotion, et nous ne faisons certainement pas assez, en tant que pays, pour promouvoir les possibilités que ce secteur offre aux personnes issues des communautés noires et racisées en particulier. Il y a beaucoup à faire dans ce domaine.

En outre, il faut aider plus généralement les personnes venant de divers milieux à entrer dans le système. Si, à un moment ou à un autre de son parcours, un conseiller d’orientation, un enseignant ou un parent l’encourage, ce jeune pourra ajouter une corde à son arc — je ne sais pas ce que j’essaie de dire. En fait, cela aide ces jeunes à choisir d’entrer dans ce secteur.

En revanche, si quelqu’un les décourage d’y aller à cause de leur couleur — parce qu’ils sont Noirs ou Autochtones —, cela aussi diminue la probabilité qu’ils continuent de travailler dans le secteur à long terme.

Je pense que le projet de loi ne va pas résoudre la question du changement de culture plus généralement, mais je pense, une fois de plus, qu’il trace l’axe dont nous avons besoin pour faire en sorte que les gens se retrouvent dans ce secteur par choix.

La sénatrice Bernard : D’autres témoins souhaitent-ils formuler des commentaires à ce sujet?

M. Currie : Tout ce que je dirai, c’est que le monde agricole représente environ 1,5 % de la population, que les collectivités rurales du Canada représentent probablement moins de 5 % de la population totale et qu’il n’y a donc pas tant matière à encourager.

Il est certain, toutefois, de notre point de vue, que nous cherchons de la main‑d’œuvre et que nous n’allons pas faire de discrimination en fonction de la race, de la couleur, du sexe ou de vos antécédents. Nous cherchons simplement des personnes intelligentes et instruites prêtes à venir travailler dans nos exploitations. Nous ferons certainement tout ce qui est en notre pouvoir pour offrir ces possibilités.

La sénatrice Dasko : Je remercie tous les témoins de leur présence. J’ai du mal à comprendre l’importance du projet de loi pour vos secteurs d’activité. Je pense à des mots comme « impact » , « effet », « signification » ou « importance » du projet de loi pour vos secteurs.

Ce projet de loi aura-t-il un impact important, moyen, faible ou nul sur vos secteurs d’activité?

La présidente : Faisons un tour de table. Monsieur Melo, je commencerai par vous.

M. Melo : Je dirai que ce projet de loi aura un gros impact.

La présidente : Un gros impact?

M. Melo : Est-ce que je peux en dire plus à ce propos, brièvement?

La présidente : Oui.

M. Melo : Un mécanicien-monteur qui travaille dans les champs de pétrole peut facilement se reconvertir en mécanicien-monteur dans la construction de parcs d’éoliennes dans tout le pays. Les électriciens du secteur pétrolier ou de la région de South Montney peuvent également se reconvertir. Ces personnes travaillent sur du courant triphasé et travaillent dans l’industrie lourde. Elles peuvent construire une installation solaire ou aider à monter des usines de batteries et des installations hybrides dans tout le pays.

Le projet de loi aidera à créer un plan —un secrétariat— destiné à aider les personnes qui voient des emplois disparaître ou, surtout, qui assistent à la montée de l’automatisation qui supprime plus d’emplois dans le secteur de l’énergie conventionnelle ou de l’énergie non électrique, à trouver des places chez mes membres qui, à l’heure actuelle, réclament de la main‑d’œuvre à cor et à cri. Il nous faut des programmes pour faire venir des réfugiés déjà formés pour que nous ayons du monde sur le terrain pour construire les installations dont nous avons besoin.

La présidente : Je vous remercie. Monsieur Chapeskie, un impact moyen, aucun impact, un impact important?

M. Chapeskie : Je ne crois pas être prêt à quantifier l’impact parce que je suis d’avis —comme nous collègues l’ont mentionné— que le diable se niche dans les détails. Tout dépend de la mise en œuvre.

Cependant, le projet de loi donne une orientation. En tant que pays, il nous permet de mettre l’accent sur ce qui est nécessaire, de faire en sorte que les possibilités économiques offertes partout aux Canadiens, de reconnaître qu’il y aura des défis à relever pour y parvenir et, espérons-le, de nous concentrer sur ces défis pour les transformer en possibilités.

La présidente : Je vous remercie. Une minute, monsieur Currie.

M. Ross : Je parlerai au nom de la Fédération canadienne de l’agriculture. Pour être bref, je suis du même avis que le dernier intervenant. Il est difficile de quantifier l’impact du projet de loi. Il pourrait, potentiellement, avoir un réel impact sur notre secteur, mais tout dépend de la façon dont les emplois agricoles sont définis dans ce processus. S’il y a une réelle compréhension du secteur, c’est-à-dire que l’on présente les possibilités comme étant dans un secteur durable, le potentiel est là. Mais tout dépend de la manière dont la mise en œuvre et la gouvernance seront structurées.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Ma question s’adresse à M. Chapeskie et je vais la poser en français.

Vous avez beaucoup parlé du focus. J’avais une question, parce qu’on parle beaucoup de cette transition dans l’avenir à long terme vers cette économie carboneutre. Actuellement, est-ce qu’on peut dire que les secteurs, par exemple votre secteur, sont proactifs ou réactifs? J’ai l’impression que, pour viser à long terme, on a besoin de faire de la modélisation, des prédictions et des scénarios. Est-ce qu’on le fait actuellement et est-ce qu’on le fait bien? Ce sont trois questions. Est-ce qu’on le fait bien? Est‑ce que ces scénarios sont la responsabilité du secteur? Est-ce que cela devrait être lancé par le secteur en question? Comment ce projet de loi va-t-il contribuer à aider ce genre de processus, s’il est important?

M. Chapeskie : Merci, madame la sénatrice. Je m’excuse, mais je vais répondre en anglais.

[Traduction]

La voix de l’interprète s’est éteinte vers la fin, mais j’espère avoir tout entendu. Pour répondre à votre question, la modélisation est importante. En ce qui concerne la première partie de votre question, à savoir si le secteur est proactif ou réactif, je dirai qu’il est proactif, mais prudent —un petit C— parce qu’il est très réglementé. Notre secteur est soumis à de multiples pressions et nous devons maintenir nos tarifs. Nous voulons qu’ils restent plus bas pour les Canadiens. Nous devons maintenir le service. Ils s’attendent à une alimentation électrique ininterrompue, 24 heures sur 24, sept jours sur sept, tout au long de l’année. Et il s’ajoute maintenant à cela un défi supplémentaire, celui de parvenir à la carboneutralité.

Le secteur dans son ensemble s’emploie déjà à relever ce défi. Il planifie. Il a des scénarios. En Ontario, la Société indépendante d’exploitation du réseau d’électricité, la SIERE, fait des modélisations et des prévisions jusqu’en 2035 et 2050. Il en va de même en Alberta et dans les différentes sociétés d’État de tout le pays, selon la province. Je ne parlerai pas de toutes aujourd’hui. Le réseau de production d’électricité canadien est complexe.

Beaucoup de modélisations sont en cours à l’échelle nationale et dans chaque province aussi. Aujourd’hui, les entreprises et ceux qui planifient le réseau se penchent sur le problème pour voir comment le résoudre. Beaucoup de choses ont déjà été écrites sur le fait qu’il sera plus facile pour certaines provinces que pour d’autres d’atteindre les objectifs de 2035 et 2050. Mais j’estime —pour répondre à votre question— que les données joueront un rôle important. Ce projet de loi parle de l’importance de la collecte de données. Personnellement, je ne saurais trop insister sur cette importance. Je suis d’accord avec vous.

Il ne s’agit cependant pas seulement du nombre total de gigawatts. Je pense que nous devons aussi réfléchir à l’aspect relatif au transport d’énergie. À l’heure actuelle, beaucoup de nos lignes sont orientées nord-sud plutôt qu’est-ouest. Nous devons aussi réfléchir, de manière plus générale, à qui va travailler sur tout cela. Nous avons besoin de prévisions par rapport au marché du travail qui correspondent aux prévisions concernant le nombre total de gigawatts et les besoins totaux en matière de transport d’énergie.

La sénatrice Petitclerc : Le projet de loi aidera-t-il à cet égard?

M. Chapeskie : Je pense que oui. Je suis désolé, je n’ai pas entendu la fin de la question.

La présidente : Je tiens à remercier les témoins, qu’ils soient présents en personne ou en ligne.

Pour notre deuxième groupe de témoins, nous accueillons par vidéoconférence Bea Bruske, présidente du Congrès du travail du Canada, ou CTC. Nous sommes d’avis que vous devriez avoir un bureau au Sénat, étant donné le nombre de fois que vous comparaissez devant un comité. Nous accueillons également M. Alex Callahan, directeur, Service de la santé, de la sécurité et de l’environnement. Nous accueillons aussi, en personne, M. Nathan Carr, gestionnaire des Affaires publiques des Syndicats des métiers de la construction du Canada. Enfin, nous accueillons Steven Schumann, directeur des Relations gouvernementales du Canada à l’Union internationale des opérateurs-ingénieurs.

Je vous remercie tous de votre présence aujourd’hui. Nous commencerons par les observations préliminaires du Congrès du travail du Canada, puis des Syndicats des métiers de la construction du Canada et, enfin, de l’Union internationale des opérateurs-ingénieurs.

Madame Bruske, vous avez la parole. Vous disposez de cinq minutes.

Bea Bruske, présidente, Congrès du travail du Canada : Je vous remercie.

Bonjour, mesdames et messieurs les sénateurs. Je m’appelle Bea Bruske. Je suis présidente du Congrès du travail du Canada. Nous parlons au nom de plus de trois millions de travailleurs canadiens. Nos affiliés sont des syndicats nationaux et internationaux, et le congrès s’exprime au nom des travailleurs de tous les secteurs économiques et de toutes les régions du Canada.

Le Congrès du travail du Canada, ou CTC, a notamment pour principe fondamental que, même si nos affiliés sont des syndicats et des travailleurs syndiqués, nous croyons que chaque travailleur au Canada doit pouvoir former un syndicat ou y adhérer, et que les syndicats renforcent le pouvoir des travailleurs. Le CTC défend le droit de tous les travailleurs d’avoir des emplois de meilleure qualité et plus sûrs.

La Loi canadienne sur les emplois durables sert les intérêts de tous les travailleurs canadiens. Nous demandons instamment aux sénateurs d’adopter rapidement ce projet de loi sans amendements.

La Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité adoptée en 2021 fixe nos objectifs en matière d’émissions et nos jalons climatiques. Nous avons maintenant besoin d’un plan pour les travailleurs et pour l’économie. En réalité, les travailleurs sont déjà aux prises avec les effets concrets des changements climatiques. Nous le constatons quand nous avons des problèmes de qualité de l’air, des inondations, des feux de forêt ou des changements industriels fondamentaux.

Les travailleurs canadiens ont besoin d’un plan pour faire face à ce qui les attend, et ils en ont besoin maintenant. Il ne suffit pas d’espérer un plan pour de bons emplois dans un avenir carboneutre. Ce que les travailleurs veulent absolument, ce dont ils ont besoin, et ce à quoi nous devons viser, c’est la création et la protection de bons emplois qui peuvent faire vivre les travailleurs, leurs familles et leurs collectivités. Cela signifie que les travailleurs doivent avoir voix au chapitre. Comme le dit le dicton, « quand on n’est pas à table, on est au menu ».

Les gouvernements doivent jouer un rôle actif pour ce qui est de s’assurer que nous atteignons les cibles climatiques. Ils doivent également jouer un rôle actif dans la définition de normes de qualité de l’emploi, de formations et de protections pour les travailleurs afin que, lorsque l’économie change, les travailleurs voient les possibilités qui s’offrent à eux. C’est ce que fait le projet de loi. Il a pour objectif la croissance et la création d’emplois durables. Nous sommes heureux que les emplois durables soient définis et qu’ils fassent partie d’un avenir carboneutre, que cela

reflète la notion de travail décent, soit un travail — notamment des emplois où les travailleurs sont représentés par un syndicat partie à une convention collective — pouvant subvenir aux besoins des travailleurs et de leur famille au fil du temps et qui inclut des éléments tels qu’un revenu équitable, la sécurité d’emploi, la protection sociale et le dialogue social.

Cela veut dire que l’objectif, ce sont de bons emplois avec un bon salaire, de bons avantages sociaux, une bonne sécurité de l’emploi et le droit de négocier. De plus, les travailleurs, ainsi que les employeurs, les peuples autochtones et d’autres siègent au Conseil du partenariat pour des emplois durables afin d’avoir un rôle déterminant dans le programme et de fournir de façon continue des conseils d’experts au conseil.

Le Plan d’action pour des emplois durables, plan quinquennal, mettra l’accent sur la création d’emplois syndiqués de qualité et sur la protection des emplois syndiqués de qualité existants, grâce à la décarbonisation de l’industrie.

Avec ce projet de loi, les investissements dans les nouvelles industries, les infrastructures, la transformation de l’énergie et la décarbonisation industrielle seront essentiels pour atteindre les cibles climatiques, et ils comprendront aussi des exigences en matière d’emplois de qualité. La Loi canadienne sur les emplois durables permettra au Canada de faire en sorte que les investissements et les emplois viennent au Canada, restent au Canada et soutiennent les travailleurs et leurs familles dans tout le pays.

Si nous n’avons pas de plan, nous ne serons que spectateurs de l’évolution de l’économie mondiale, et les travailleurs, les industries et les communautés du Canada seront laissés pour compte. Nous constatons que les États-Unis, la Chine et l’Europe ne se contentent pas d’espérer que tout ira bien. Ils investissent dans l’avenir, et nous ne pouvons pas nous laisser distancer en restant les bras croisés, tandis que les emplois du futur se créent ailleurs.

Nous savons que les opposants au projet de loi vont s’opposer à l’avenir des travailleurs canadiens et qu’ils leur disent, alors que nous faisons collectivement face à la plus grande série de changements économiques depuis la révolution industrielle, qu’ils sont livrés à eux-mêmes. Ils empêchent les travailleurs d’avoir leur mot à dire sur leur avenir.

Nous avons absolument besoin d’un plan qui fonctionne pour les travailleurs, avec les travailleurs à la table pour construire notre avenir, et il y a urgence.

Au nom de tous les travailleurs du Canada, je vous demande d’adopter ce projet de loi tel quel.

Je vous remercie. Je répondrai volontiers aux questions.

La présidente : Je vous remercie.

Monsieur Carr?

Nathan Carr, gestionnaire, Affaires publiques, Syndicats des métiers de la construction du Canada : Je vous remercie, madame la présidente, de me donner l’occasion de comparaître devant le comité, et je vous remercie, mesdames et messieurs les sénateurs. Je m’efforcerai d’être bref et de parler très lentement.

Je m’appelle Nathan Carr, et je suis gestionnaire des Affaires publiques des Syndicats des métiers de la construction du Canada, porte-parole national de plus de 600 000 gens de métier qualifiés au Canada qui appartiennent à 14 syndicats et qui travaillent dans plus de 60 métiers et professions.

Je suis accompagné de mon collègue, Steven Schumann, qui représente un de ces 14 affiliés, l’International Union of Operating Engineers, et c’est un plaisir d’être des vôtres aujourd’hui pour parler du projet de loi C-50, la Loi canadienne sur les emplois durables, que les Syndicats des métiers de la construction du Canada souhaitent voir adopter rapidement.

Pour parler franchement, le temps presse. Les effets des changements climatiques menacent déjà les Canadiens et notre économie. Si nous ne prenons pas de mesures décisives pour bâtir une économie propre, les conséquences seront graves pour notre pays et pour notre planète.

Le passage à une économie propre suppose des changements, et la gestion du changement est l’objectif du projet de loi C-50, qui crée un cadre qui permet aux travailleurs, aux entreprises, aux peuples autochtones, au gouvernement et à la société civile de donner leur avis tout au long du processus de transition, afin d’aider à élaborer un plan et de trouver des solutions —de vraies solutions réalisables— qui garantissent que personne ne sera laissé pour compte pendant ce changement.

Les Syndicats des métiers de la construction du Canada considèrent que le Conseil du partenariat pour des emplois durables et le cadre de dialogue social qui le sous-tend constituent un facteur de réussite essentiel pour la transition vers une économie propre carboneutre. Il est essentiel que les travailleurs — en particulier, les travailleurs qualifiés — aient voix au chapitre, car ce sont nos membres qui construisent cette nouvelle économie verte et propre.

Nos membres construisent déjà les usines de batteries pour véhicules électriques et réalisent déjà les projets d’énergie renouvelable dans l’énergie éolienne, solaire et hydroélectrique, dans l’hydrogène, sans oublier le piégeage et le stockage du carbone. Nos membres continuent de construire des réacteurs et des installations nucléaires, qu’ils soient conventionnels ou bientôt petits et modulaires. Nos membres bâtissent chaque jour cette nouvelle économie propre et verte.

Parallèlement, les travailleurs des métiers spécialisés viennent de livrer un pipeline qui acheminera jusqu’à la côte les produits pétroliers de l’Alberta, et nos membres continuent de travailler sur des projets de pipeline et des projets pétrochimiques dans tout notre beau pays.

Les Syndicats des métiers de la construction du Canada reconnaissent qu’il est nécessaire de passer à une économie propre, et nous bâtissons concrètement cet avenir carboneutre. Cependant, nos membres vont avoir besoin de soutiens, car la demande dans la construction passe de projets à forte intensité de carbone à des projets carboneutres. Faire en sorte que nos membres aient les bonnes compétences, qu’ils soient au bon endroit pour le prochain projet et qu’il y ait un prochain projet est la raison même pour laquelle nous pensons que ce cadre de dialogue social est si important.

La cohérence et la coordination des politiques et des règlements sont donc essentielles. Une planification intensive de la main‑d’œuvre, de concert avec le gouvernement et les entreprises, sera nécessaire pour que nos membres actuels et futurs soient prêts et disponibles pour construire ces projets de l’économie propre.

Il sera nécessaire aussi de requalifier d’autres Canadiens et les futurs membres des métiers de la construction et d’améliorer leurs compétences. À cet égard, j’aimerais prendre un instant pour parler des carrières à long terme et à vie dans les métiers spécialisés. Elles existent, et il est important d’éviter les solutions à court terme pour des formations rapides et d’investir dans l’apprentissage tout au long de la vie, qui est assuré par nos centres de formation syndicaux-patronaux. Il est important que les compétences qu’ils acquièrent — les métiers du Sceau rouge — soient transférables dans de nombreux secteurs et industries, afin que ces travailleurs puissent continuer de se reconvertir et d’avoir tout au long de leur carrière des emplois syndiqués bien rémunérés.

Soyons clairs, il ne s’agit pas de défis insurmontables. Ce qu’il faut, c’est un plan, et c’est exactement ce que prévoit le projet de loi C-50 par le dialogue social. Il met tout le monde autour de la table, et nous espérons que les membres du comité appuieront cette mesure et d’autres qui seront envoyées au Sénat dans les jours et les semaines à venir.

Madame la présidente, mesdames et messieurs les sénateurs, je répondrai avec plaisir à vos questions.

La présidente : Je vous remercie.

Monsieur Schumann?

Steven Schumann, directeur, Relations gouvernementales du Canada, Union internationale des opérateurs-ingénieurs : Bonjour. Au nom de l’International Union of Operating Engineers et de nos près de 60 000 membres hautement qualifiés au Canada, je suis honoré de comparaître devant le comité.

Nous construisons et entretenons les infrastructures du Canada. Nous participons à la construction des hôpitaux, des écoles, des barrages hydroélectriques, des mines, des centrales nucléaires, des parcs solaires, des éoliennes et des pipelines de notre pays, pour n’en citer que quelques-uns. En bref, nous construisons tout.

Toute décision concernant la transformation de notre économie aura un impact immédiat sur nos membres, dont beaucoup travaillent dans le secteur des hydrocarbures. Nous faisons partie des quatre syndicats de métiers qui ont construit plus de 90 % des pipelines canadiens sous réglementation fédérale.

Pour réussir, un plan d’action pour des emplois durables doit être bien conçu et il doit placer les intérêts des travailleurs au premier plan. Pour que le Canada prospère et fasse en sorte qu’aucun travailleur ne soit laissé pour compte, il faut que beaucoup de choses prennent forme. Ainsi, un plan directeur clair et réalisable, un partenariat à part entière avec les syndicats et le perfectionnement des compétences doivent être mis en œuvre correctement.

Dans notre secteur, les projets de construction réussis suivent un plan détaillé qui explique ce qui doit être fait, quand et par qui. Ce plan garantit que le propriétaire, le client, l’entrepreneur, les sous-traitants, les fournisseurs et la main‑d’œuvre, etc. comprennent tous le calendrier et les étapes nécessaires à la bonne réalisation d’un projet.

Pour que le Canada réussisse sa transition vers une économie à faibles émissions de carbone, le gouvernement fédéral doit jouer un rôle de premier plan et expliquer ce que la société doit faire pour assurer une transition harmonieuse et réussie. Le projet de loi C-50 marque une première étape cruciale — mais pas la dernière — qui sera déterminante pour ce plan directeur.

Le gouvernement doit continuer de développer sur ce plan. L’enjeu de cette première étape est de taille et les expériences passées — que des sénateurs ont mentionnées — montrent que lorsque les mesures sont appliquées de manière inégale, il est évident que les travailleurs en pâtissent.

Si le gouvernement veut développer la classe moyenne tout en demandant aux Canadiens de soutenir la transition vers une économie à faibles émissions de carbone, les travailleurs doivent avoir des certitudes et une idée précise de possibilités d’emploi comparables que l’avenir leur offrira, ainsi qu’à leurs familles.

Le Conseil du partenariat pour des emplois durables jouera un rôle clé pour ce qui est de ne laisser personne pour compte. Le conseil et ce plan ne réussiront que s’ils sont axés sur les travailleurs. Autrement dit, les travailleurs doivent être entendus. La transition ne réussira que si les travailleurs y adhèrent.

D’après nos récents sondages, nos membres attendent de leurs dirigeants syndicaux, et pas des élus, des conseils sur ces questions importantes. Ce n’est probablement une surprise pour personne ici. Il est essentiel que les métiers de la construction aient voix au chapitre au conseil. C’est nécessaire pour lever les incertitudes auxquelles l’industrie et nos membres font face et pour que leurs intérêts dans cette transformation soient entendus, reconnus et respectés.

Cela n’arrivera que si les syndicats sont des partenaires à part entière au sein du Conseil du partenariat. Autrement dit, nous sommes favorables à ce qu’un tiers des membres viennent des syndicats. Le gouvernement a déclaré que les syndicats conduiront ce changement dans notre économie. Il doit donc montrer que les syndicats jouent un rôle de premier plan au sein du conseil.

Ensuite, la formation. Bien qu’il n’en soit pas directement question dans le projet de loi, à l’exception d’une allusion au développement des compétences dans le cadre du Secrétariat pour des emplois durables, elle est cruciale pour la réussite de tout plan. Le Canada ne réussira que si les syndicats participent au financement et à la formation même des travailleurs touchés ou en passe de l’être. La reconversion des travailleurs, en particulier ceux du secteur pétrolier et gazier, est essentielle pour garantir leur réussite dans d’autres secteurs de l’économie. En dehors des universités et collèges, nos centres de formation aux métiers du bâtiment sont les principaux formateurs privés au Canada. Laissons les centres de formation syndicaux être le fer de lance de toute formation future pour que les formations soient dispensées correctement.

Nos centres de formation à but non lucratif, axés sur les personnes et bénéficiant d’une confiance mutuelle — et je tiens à souligner le caractère non lucratif, qui est essentiel — garantiront que tous les travailleurs, syndiqués ou non, soient formés aux normes industrielles les plus élevées, et qu’ils soient placés. Nos programmes sont accrédités dans toutes les provinces, à l’exception du Québec. La requalification de la main‑d’œuvre existante et la formation de la prochaine génération prendront du temps et nécessiteront une planification minutieuse. Les gouvernements ne peuvent pas s’attendre à ce que les travailleurs suivent la formation nécessaire pour saisir les nouvelles possibilités d’emploi dans des programmes qui offrent des solutions rapides et une formation accélérée. Toute réelle possibilité d’emploi nécessitera une formation d’une durée et d’une qualité suffisantes pour que les travailleurs acquièrent les compétences de vrais métiers qui peuvent être utilisées presque partout au Canada.

Pour dire les choses clairement, et cela a été mentionné par de précédents témoins, la micro-accréditation est une catastrophe. Ce n’est pas une solution à nos problèmes futurs. Elle créera davantage de problèmes. Laissons ceux qui savent former, et je répondrai avec plaisir aux questions à ce sujet.

Enfin, je dirai que nous pensons aussi que le projet de loi doit être adopté rapidement et sans amendements. Je répondrai volontiers aux questions, notamment sur la formation.

La présidente : Je remercie les témoins. Chers collègues, nous avons 12 sénatrices et sénateurs autour de la table et nous disposons de 45 minutes. Le calcul est simple. Je dois veiller à ce que votre temps de parole ne dépasse pas quatre minutes chacun.

La sénatrice Cordy : C’est un plaisir de vous revoir, monsieur Schumann.

M. Schumann nous a invités, le sénateur Cuzner, moi-même et quelques autres, au centre de formation professionnelle en Nouvelle-Écosse. Je peux vous dire que si tous les élèves du secondaire et du premier cycle au niveau secondaire fréquentaient ce centre, ils deviendraient tous des gens de métier parce que c’était très amusant pour les adultes de faire semblant d’être des enfants sur les grosses machines. Je vous en remercie vivement.

Je vous poserai à tous des questions sur le conseil. Certains d’entre vous l’ont mentionné en passant. Quelle est l’importance du conseil? Nous savons que l’autre côté en a réduit la composition par un amendement, mais quelle est l’importance du conseil?

M. Schumann : J’en ai parlé avec Ressources naturelles Canada, RNCan et la composition a été réduite pour qu’il soit plus fonctionnel. Avoir plus de membres ne veut pas dire que ce sera mieux. Ce peut être une source d’indécision et le conseil peut ne pas fonctionner. Selon moi, le nombre proposé est réaliste et la répartition est bonne avec un tiers pour les syndicats et les employeurs. Je sais que le groupe de l’agriculture a mentionné qu’il souhaite y siéger. Il y a là une occasion d’être du côté des acteurs. Les Autochtones sont représentés.

On parle ici des travailleurs. Avec une représentation syndicale et les bonnes personnes — encore une fois, cela a été dit plus tôt —, avec les bonnes personnes, le conseil fonctionnera. La taille n’a pas d’importance. Ce qui compte, ce sont les personnes qui y siégeront, et je ne pense pas que plus de membres, ce serait mieux.

M. Carr : La composition est importante. Pour répondre aux points soulevés par M. Schumann, les travailleurs doivent avoir voix au chapitre. C’est important parce que, comme l’a également mentionné M. Schumann, nous sommes le plus grand employeur privé du pays à offrir des formations. Pour disposer de la nouvelle main‑d’œuvre de l’économie propre, il faut que nous assurions la formation afin que les apprentis soient prêts et disponibles pour répondre à la demande de l’industrie. Le seul moyen d’y parvenir est le dialogue social et tripartite. Nous avons besoin de fonds publics pour soutenir ces centres de formation. Nous avons besoin que les employeurs nous fassent part de leurs prévisions de travail et des compétences dont ils auront besoin. Nous avons besoin que nos membres soient présents à la table pour dire qu’ils sont bien en mesure d’accueillir tous ces apprentis et de les former aux normes qui leur permettront de faire carrière tout au long de leur vie et de trouver des emplois bien rémunérés. Il faut pour cela une relation tripartite.

Cette relation s’étend non seulement aux métiers de la construction, mais aussi aux autres secteurs syndiqués. Cette relation tripartite est un élément essentiel du projet de loi.

Mme Bruske : Je suis d’accord avec mes collègues. L’important, c’est le résultat de ce que nous pouvons espérer obtenir avec le projet de loi. Il s’agira de savoir si le plan pour des emplois durables sera réellement une réussite à chaque version quinquennale qui en sera présentée et si les travailleurs dont les emplois seront en transition, ainsi que les travailleurs qui prennent des décisions pour leur avenir, y adhéreront. Ils ont besoin de se savoir représentés dans un conseil tripartite, d’être présents à la table, d’avoir leur mot à dire et d’avoir la possibilité de prendre des décisions afin de vraiment faire profiter de leur expérience et d’exposer les problèmes et préoccupations du point de vue du travailleur.

La sénatrice Seidman : Je vous remercie de vos exposés. Je vais vous donner l’occasion, monsieur Schumann, de parler davantage de la formation. Plus précisément, dans le mémoire que vous nous avez adressé, vous dites que la reconversion des travailleurs est essentielle pour assurer leur réussite. Vous dites que, bien que le projet de loi n’en parle pas directement et qu’il n’en soit question que brièvement dans le cadre du développement des compétences dans la section sur Secrétariat pour des emplois durables, la reconversion doit faire partie de ce projet de loi. J’aimerais savoir comment il s’inscrira dans le projet de loi. Comment envisagez-vous de l’y inscrire?

De plus, la reconversion doit garantir des emplois de qualité comparables en salaire et avantages sociaux aux emplois dans le secteur des hydrocarbures. Comment cela s’inscrit-il dans les notions de reconversion ou de recyclage?

M. Schumann : M’accordez-vous une demi-heure? Je vais commencer par la dernière question. Les installateurs de pipeline ne se soucient pas de ce qu’il y a dans le tuyau, ils veulent simplement installer un pipeline. Qu’il s’agisse de gaz naturel, d’hydrogène ou d’eau, peu importe tant qu’ils construisent le pipeline, et tant qu’il ou elle est payé, ils se fichent de ce qu’il y a dans le pipeline. Exact? C’est là qu’on peut passer du pétrole et du gaz au pipeline. C’est ce qu’ils souhaitent à cet égard.

En ce qui concerne le conseil, si des gens de métier et des travailleurs qualifiés y siègent, ils s’assureront que les programmes du secrétariat à l’emploi répondront à ces besoins et incluront le recyclage.

Je vais citer un exemple. Emploi et Développement social Canada, ou EDSC, a un programme appelé Programme pour la formation et l’innovation en milieu syndical, le PFIMS, qui va commencer à s’intéresser aux emplois durables, aux nouveaux emplois. C’est un programme extraordinaire. J’aimerais que tous les gouvernements le copient en ce qui concerne le financement. Je pense que c’est là que nous entendons la voix des syndicats au sein du conseil du partenariat. Ils peuvent citer des programmes qui ont fait leurs preuves et expliquer pourquoi d’autres programmes ne fonctionnent pas.

Ce sont l’expérience et les avis qui nous aideront à orienter les décisions, car en matière de formation, c’est toujours différent. Le budget comporte des annonces fédérales, qui seront donc présentées séparément. C’est en partie pour cela que j’ai dit qu’il s’agissait d’une première étape. Il y aura beaucoup d’autres étapes, et il faut un conseil très solide composé des bons porte‑parole pour garantir que ces prochaines étapes sont bien faites.

M. Carr : Nous devons nous assurer qu’en préparant cette transition, nous préparons nos travailleurs à la transition suivante. C’est là qu’il est vraiment important, dans le système d’apprentissage, qu’ils disposent de toute l’étendue de l’expérience nécessaire sur plusieurs secteurs. Comme mon collègue l’a dit, il est très important d’avoir cette étendue. S’ils ne sont formés que pour faire une chose ou pour acquérir un ensemble précis de compétences dans un métier donné, ils ne posséderont pas l’expérience nécessaire pour faire la transition ou passer à un autre secteur.

C’est ce que nous constatons avec les électriciens qui sont capables d’alterner entre les secteurs industriel, commercial et résidentiel, qui possèdent cet ensemble de compétences fondamentales et qui sont capables de passer sans problème d’un secteur à l’autre parce qu’ils ont ce niveau de formation de base et d’apprentissage qui leur procure de la flexibilité et crée une résilience de l’emploi et rend cet emploi durable indépendamment des émissions de carbone.

Lorsque nous parlons de perfectionnement, de formation et de financement, nous voulons vraiment chercher ces possibilités d’apprentissage qui permettent d’élargir et d’approfondir la formation afin que ces personnes puissent travailler sur un réacteur nucléaire, par exemple, jusqu’à ce que le projet soit terminé, puis passer à autre chose. Nos membres se construisent un emploi tous les jours. C’est le travail. Une fois ce travail terminé, ils peuvent passer à un autre emploi dont les compétences sont proches. Il est très important d’élargir et d’approfondir la formation pour que les gens de métier n’aient pas une seule corde à leur arc.

Mme Bruske : J’aimerais simplement souligner que s’il est extrêmement important de penser aux gens de métier, il est également très important de se pencher sur la fabrication, la production alimentaire et toutes les autres catégories de travailleurs qui seront touchés et qui auront également besoin de possibilités de formation, d’éducation et de recyclage.

La sénatrice Seidman : Nous devons en apprendre plus à ce sujet.

La sénatrice Osler : Je vais m’adresser d’abord à Mme Bruske. Je veux vous donner plus de temps pour vous étendre sur ce sujet, puis j’aimerais demander ensuite l’avis de chaque témoin parce que le dernier groupe nous a parlé de la nécessité de former les futurs travailleurs. Le projet de loi C-50 offre-t-il pour le conseil la vision nécessaire pour constituer cette future filière de travailleurs?

Madame Bruske, à votre tour de conclure.

Mme Bruske : Je vous remercie.

Bien sûr, les gens de métiers revêtent une importance cruciale. Je veux également m’assurer que nous prenons en compte toutes les catégories de travailleurs qui auront besoin de se reconvertir au fur et à mesure de la transition de leur secteur.

Je tiens à souligner que les centres de formation du milieu syndical, y compris dans les métiers, sont des centres de formation de classe mondiale. Les syndicats savent former les travailleurs, et les travailleurs font confiance à leurs syndicats pour qu’ils soient en mesure de fournir la formation nécessaire pour faire en sorte qu’ils soient les travailleurs les plus sûrs et qu’ils savent que la formation a un avenir, car des emplois sont disponibles et ils sont mis en relation avec des employeurs. Comme certains de mes collègues l’ont fait remarquer, il s’agit là d’éléments essentiels pour lesquels les syndicats sont de premier ordre en fait de connaissances et d’application pour garantir que tout cela fonctionne vraiment.

Il est crucial de donner la bonne formation de la bonne manière et que les travailleurs puissent s’exprimer sur la formation.

Je suis désolée, j’ai manqué la deuxième partie de votre question.

La sénatrice Osler : Pour tous les témoins, le projet de loi C-50 prévoit-il les bons éléments au sein du conseil ainsi que les investissements nécessaires pour construire la future filière de travailleurs dont nous avons besoin?

Mme Bruske : Je pense que oui. Je pense que la composition du conseil est appropriée. Je pense qu’il sera extrêmement important que les travailleurs disposent d’un tiers des sièges à la table, avec l’industrie, les Autochtones, les groupes environnementaux et d’autres groupes de parties prenantes, afin qu’on entende une variété de voix et qu’on puise dans une expérience diversifiée. Nous serons alors en mesure de nous pencher sur le défi très complexe qui nous attend.

M. Schumann : Je suis d’accord avec vous. Je pense que tout dépendra de la composition du conseil. Si nous avons les bonnes personnes, je pense qu’elles pourront le guider. Comme je l’ai dit, ce n’est que la première étape d’une longue série. Nous devons faire en sorte de bien établir le conseil, puis aller de l’avant avec le secrétariat à l’emploi proposé et les programmes qui seront mis en œuvre et recommandés par le conseil.

M. Carr : Je reviendrai à ma déclaration préliminaire lorsque nous avons parlé de la gestion du changement. C’est bien ce dont il est question ici, et la première étape de la gestion du changement est d’avoir un plan et de le mettre en place avec les bonnes personnes — comme mon collègue le disait.

Je pense que ce projet de loi remplit son objectif. Il met en place le cadre nécessaire à la gestion du changement, afin d’éviter une transition inégale et anarchique.

Le sénateur Cardozo : J’aimerais tout d’abord faire un commentaire. Je ne suis pas un membre régulier du comité. Je suis venu en raison des excellentes brochettes de témoins que nous avons aujourd’hui.

En ce qui concerne la discussion que vous avez en ce moment, et qui a eu lieu dans le groupe précédent, sur la question de savoir qui devrait faire partie du groupe consultatif, il est pratiquement impossible d’y faire siéger toutes les personnes qui estiment qu’elles devraient y être. Dans une vie antérieure, j’ai travaillé avec une organisation appelée l’Alliance des conseils sectoriels. Nous avions 30 conseils sectoriels issus de différents secteurs. Nous parlions de perfectionnement des compétences et il y en avait encore beaucoup qui étaient laissés de côté. Par conséquent, je suggère au comité de réfléchir à une observation sur la manière dont le gouvernement pourrait former une sorte de groupe de référence informel, qui inclurait les différents autres secteurs, ou trouver d’autres moyens de travailler en réseau.

J’en viens à ma question, et je m’adresserai d’abord à Mme Bruske. Je veux aller au cœur du projet de loi, à savoir le plan pour l’emploi durable. Le ministre a demandé à ce que l’on élabore un plan avec l’avis des personnes concernées. Cependant, comme vous le savez, ce projet de loi suscite de l’opposition. Dans une certaine mesure, je pense qu’il s’agit de personnes qui estiment que le projet de loi pousse les gens à quitter leur emploi au lieu de les aider lorsque leur emploi disparaît.

Quel est votre sentiment sur la façon dont les travailleurs à travers le pays — ce projet de loi est, dans un sens, plus pertinent en Alberta et en Saskatchewan où il y a peut-être le plus d’opposition.

Madame la présidente, j’aimerais savoir si vous pensez qu’il y a de l’opposition et comment vous y réagissez.

Mme Bruske : Merci pour cette question, sénateur.

En réalité, lorsque je m’entretiens avec des travailleurs de l’Ontario et de la Saskatchewan, et franchement de tout le Canada, ce qui les préoccupe le plus, c’est de savoir s’ils auront un emploi l’année prochaine. Est-ce que leur localité devra faire la transition, leur ville mono-industrielle ou une industrie principale au sein de leur localité? Ils posent des questions comme : « Lorsque cette centrale électrique sera mise hors service dans quelques années, quel genre d’emploi restera-t-il pour moi à Estevan, en Saskatchewan? »

Nous devons être en mesure d’offrir des réponses à ces travailleurs. Ils savent qu’ils doivent faire la transition. Les travailleurs qui vivent à Fort McMurray et qui ont dû quitter la ville à toute vitesse il y a quelques semaines à cause des incendies de forêt savent qu’ils doivent faire la transition. Ils le savent. Ils me le disent. Ce qui les préoccupe, c’est de savoir quel emploi ils vont occuper et si cet emploi pourra faire vivre leur famille et leur permettre de rester dans leur localité. Cette possibilité particulière d’avoir un plan pour des emplois durables est d’une importance cruciale pour que nous puissions montrer aux travailleurs qu’il y a une voie d’avenir et qu’ils doivent se rallier. Ils veulent se rallier, à vrai dire, pour être en mesure d’avoir un avenir sûr et d’avoir foi en cet avenir.

Le sénateur Cardozo : L’opposition vient-elle davantage du niveau politique que des travailleurs?

Mme Bruske : Les travailleurs veulent un plan. Ils ne se soucient pas tellement de la façon dont ce plan est élaboré. Ils veulent qu’un plan leur soit présenté, pour qu’ils sachent qu’ils ont un avenir.

Ils ne disent pas qu’ils ne veulent pas de plan. Ils ne disent pas qu’ils ne voteront pas pour la loi sur les emplois durables. Ils disent : « Donnez-moi le plan. Montrez-moi le chemin et montrez-moi que je fais partie de ce plan. »

Le sénateur Cardozo : Je vous remercie.

La sénatrice Petitclerc : Je vais vous poser ma question, monsieur Schumann, mais je serai heureuse d’obtenir des réponses des autres témoins.

J’essaie de me faire une idée. Le projet de loi prévoit un plan d’action quinquennal. J’essaie de me faire une idée de la formation et du recyclage. Je veux comprendre comment cela fonctionne et qui s’en charge.

Si vous avez deux secteurs complètement distincts et que vous savez, d’après les tendances, que les gens auront besoin de se recycler, qui s’en charge? Comment transférer ces connaissances à un secteur complètement nouveau, et combien de temps cela prend-il? Je veux que cela se fasse dans la perspective du plan quinquennal. Est-ce que cinq ans suffisent?

M. Schumann : Je précise tout de suite que les centres de formation du milieu syndical ont un conseil paritaire composé du syndicat et de leurs employeurs. Même sans ce projet de loi, nous nous penchons déjà sur la transition et les emplois verts. Nous avons amorcé cette démarche depuis un certain temps parce que nous nous asseyons avec nos employeurs et discutons de l’endroit où le travail sera effectué et en quoi consistera le travail futur. C’est ce que nous faisons déjà, et nous souscrivons à ce plan parce que nous pensons que tout le monde doit le faire. Nous avons déjà opéré une transition dans ce sens. C’est pourquoi nous avons une main‑d’œuvre dans l’éolien, le solaire et tout le reste. Nous faisons déjà de notre mieux.

C’est la première étape.

En ce qui concerne le recyclage, la formation est assurée, comme je l’ai dit, par nos centres de formation. Nous avons des centres dans chaque province, en fonction du syndicat. Ils peuvent être plus nombreux dans une province. Certaines universités et certains collèges proposent eux aussi des formations, en fonction du territoire dans lequel vous vous trouvez.

Il existe également des formations à but lucratif. C’est un monde dangereux parce qu’on ne se soucie pas de la formation. Ce qui les intéresse, c’est l’argent. Ils ne se soucient pas de savoir si la personne obtiendra un emploi, contrairement à nous. Nous avons un taux de placement d’environ 95 % pour ceux qui viennent dans nos écoles. Ils trouveront un emploi. Les 5 % qui n’en ont pas, c’est parce que cela ne leur plaît pas et qu’ils passent à autre chose. Lorsque vous venez dans notre centre de formation du milieu syndical, vous aurez un emploi si vous en voulez un. Nous vous trouverons une place, que vous soyez syndiqué ou non. Où les milieux de travail non syndiqués trouvent-ils leur personnel formé? Ils font du maraudage dans nos milieux, comme nous l’avons dit. Les gens font du maraudage partout.

Nous pouvons donc former. En avons-nous la capacité? Nous avons besoin de plus d’espace pour former. Si nous obtenons davantage de fonds pour construire les centres de formation et les agrandir, nous formerons davantage de travailleurs.

La sénatrice Petitclerc : Vous me parlez de ce que vous faites déjà. Manifestement, vous faites quelque chose de bien. Qu’est-ce que ce projet de loi ajoutera à ce que vous faites déjà?

M. Schumann : Grâce à notre représentation au sein du Conseil, nous pourrons conseiller le gouvernement sur les domaines dans lesquels il doit investir. L’argent doit être investi dans des centres de formation à but non lucratif. C’est ce qu’il faut envisager. C’est ce qui a déjà fonctionné. Ce système ne fonctionnera pas. Nous serons en mesure de conseiller le gouvernement sur la manière de bien dépenser l’argent, car il y aura beaucoup d’argent pour la formation et, malheureusement, je constate qu’une grande partie est gaspillée. Si nous sommes en mesure de fournir de bons conseils, au moins l’argent ira aux bons endroits et les gens seront réellement recyclés ou formés.

M. Carr : Je tenais à intervenir pour dire que nous faisons déjà ce travail de perfectionnement de la main‑d’œuvre pour la transition vers une seconde carrière. Je pense que l’âge moyen d’un apprenti est aujourd’hui d’environ 27 ou 28 ans, parfois 29. Ce sont des travailleurs qui ont déjà fait des études postsecondaires et qui ont du mal à trouver du travail. Ils se tournent vers les métiers spécialisés comme solutions pour trouver la carrière de leur vie.

Nous faisons déjà partie de cette solution de recyclage. Il s’agit simplement de nous adapter et d’avoir un dialogue social tripartite avec le milieu des affaires pour savoir dans quels domaines ces projets s’en viennent dans le pipeline, pour utiliser un aphorisme. Nous avons besoin d’une planification intensive de la main‑d’œuvre et d’un dialogue tripartite avec, tout d’abord, le gouvernement sur les infrastructures civiles afin que nous sachions quand les ponts, les routes et les hôpitaux seront construits dans le cadre de la planification des immobilisations, puis avec les entreprises pour savoir quand elles feront des investissements majeurs et auront besoin de cette main‑d’œuvre. Cela nous permettra d’accepter ces inscriptions et de nous assurer que ces apprentis sont disponibles.

[Français]

Le sénateur Cormier : Ma question s’adresse à l’ensemble des témoins.

Puisque vous êtes d’accord avec le contenu du projet de loi, j’en déduis que vous êtes d’accord avec les principes directeurs du préambule, qui exigent notamment de prendre en compte les valeurs culturelles des travailleurs et qui indiquent que le plan en matière d’emplois durables doit mettre l’accent sur la création d’emplois au sein des groupes sous-représentés — ils sont nommés dans le projet de loi —, que ce soit les femmes, les personnes vivant avec un handicap, les peuples autochtones, les personnes noires et les membres de la communauté 2ELGBTQI+.

Si le projet de loi est adopté, comment vos organisations vont‑elles s’assurer que les employeurs prennent les mesures nécessaires pour tenir compte des besoins spécifiques des travailleurs issus de ces groupes sous-représentés? Je songe notamment aux communautés 2ELGBTQI+ : que font vos syndicats pour s’assurer que les employeurs tiennent compte de ces réalités, de leurs valeurs et de leur mode de fonctionnement?

[Traduction]

M. Carr : Je dirai d’abord que nous faisons déjà tout ce travail. Les deux principaux éléments à l’origine de notre succès à cet égard sont le Programme pour la formation et l’innovation en milieu syndical, qui affecte explicitement le financement à ces groupes, et nous réalisons ces objectifs lorsque ces fonds sont attribués. Nous avons obtenu d’excellents résultats dans les communautés autochtones et racisées, et d’autres groupes en quête d’équité ont réussi à obtenir des stages dans les métiers de la construction. Un financement du gouvernement destiné à ces programmes a été très utile à cet égard.

Le deuxième élément est également notre approche en matière de recrutement. Dans les métiers de la construction, il y a un emploi pour chacun, peu importe d’où vous venez. Cela fait partie de notre engagement international plus large de veiller à ce que chaque travailleur soit représenté dans les métiers de la construction.

Il y a cette composante, mais il y a aussi les ententes sur les retombées locales. Ces ententes directement liées aux politiques et aux marchés de l’État garantissent des places de stages aux groupes en quête d’équité, aux femmes et aux Autochtones. Ces ententes sur les retombées locales sont extrêmement importantes pour garantir que ces places de formation sont financées. Les apprentis doivent accumuler des heures, et la meilleure façon de le faire est de travailler sur des projets assortis d’ententes sur les retombées locales, où ces groupes en quête d’équité peuvent se voir en train de construire leur propre collectivité dans leur propre ville.

Le sénateur Cormier : Comment contrôlez-vous le succès et l’impact?

M. Carr : Je vais laisser M. Schumann répondre à cette question.

M. Schumann : Il y a plusieurs éléments. Tout d’abord, soyons très clairs, il y a une grande différence entre le secteur syndiqué de la construction et le secteur non syndiqué. Nous sommes favorables aux ententes sur les retombées locales et nous pensons que tout le monde devrait pouvoir travailler.

Nous travaillons également sur des conventions collectives applicables à des projets qui ressemblent beaucoup aux ententes sur les retombées locales, dans le cadre desquels nous collaborons avec les employeurs pour veiller à ce que les communautés marginalisées aient accès à l’emploi, à ce que davantage de femmes et d’Autochtones accèdent à des métiers et les exercent dans ces projets. Vous ne verrez pas cela du côté non syndiqué. C’est là une grande différence. Nous sommes très favorables à ces ententes.

En ce qui concerne les résultats de certains projets, surtout s’il existe une entente sur les retombées locales, l’employeur doit faire la preuve de résultats, et il peut vous montrer les chiffres. Certains bons acteurs sont très fiers de leurs chiffres, ils montreront qui ils ont embauché. Encore une fois, il s’agit d’entrepreneurs dont la main‑d’œuvre est syndiquée. En l’absence d’une main‑d’œuvre syndiquée, vous ne verrez pas les mêmes résultats. Ces entrepreneurs ne s’intéressent pas aux chiffres.

Nous pouvons améliorer la collaboration avec nos partenaires pour montrer les chiffres. Je pense que le gouvernement devrait inciter davantage les bénéficiaires de fonds publics à montrer ces chiffres et les résultats. Il reste du travail à faire, mais pour être clair, il y a deux mondes distincts ici, syndiqué et non syndiqué, et si vous voulez des résultats, vous devez avoir une entente sur les retombées locales.

Le sénateur Cormier : Je vous remercie, madame Bruske.

Mme Bruske : Je dirais que c’est un domaine dans lequel les syndicats en particulier sont très forts, pour compléter ce que les deux intervenants précédents vous ont dit. De nombreux syndicats négocient explicitement des dispositions dans les conventions collectives afin de favoriser l’équité et l’inclusion et d’offrir des possibilités d’avancement équitables à tous les travailleurs, quelle que soit leur origine, qu’il s’agisse de femmes racisées, d’Autochtones ou de nouveaux arrivants, peu importe. Les syndicats ont une longue tradition de collaboration avec les employeurs et de négociation de bonnes conventions collectives. Vous avez entendu...

La présidente : Je suis sûr que vous aurez l’occasion d’en dire plus sur ce sujet.

La sénatrice Moodie : Je voulais simplement approfondir les réflexions du sénateur Cormier sur les groupes en quête d’équité, mais je tiens à me concentrer sur les personnes handicapées. Le recyclage pose souvent un problème pour ces personnes lorsqu’il s’agit d’acquérir les compétences nécessaires à la transition, et c’est peut-être encore plus vrai pour les personnes handicapées.

Comme le préambule du projet de loi C-50 fait explicitement référence à l’engagement découlant de la Convention relative aux droits des personnes handicapées des Nations unies, dans vos efforts pour recycler et faire progresser ces personnes sur ce continuum de compétences, comment le principe selon lequel « rien de ce qui nous concerne ne peut se faire sans nous » sera-t-il appliqué dans le contexte du projet de loi? Comment vous assurez-vous que leur voix est entendue et que vous répondez à leurs besoins?

M. Carr : C’est un défi incroyable que de traiter avec la communauté des personnes handicapées. Il est évident que les métiers syndiqués de la construction ne sont pas étrangers au handicap. C’est un défi incroyable que nous devons relever tous les jours avec nos propres membres qui se blessent au travail. Il est extrêmement important pour nous de veiller à ce que ces membres puissent trouver leur place dans notre industrie, qu’il s’agisse de travailleurs handicapés qui se sont blessés sur leur lieu de travail ou dont le handicap a une origine différente.

Comme Mme Bruske le disait, je pense qu’il est vraiment important que nous codifiions les programmes et que nous les inscrivions dans des conventions collectives. Chaque fois que nous concluons une entente sur les retombées d’un projet, il est important que nous trouvions une place pour les personnes handicapées, quel que soit leur handicap, et que nous les intégrions. Je sais que dans certains métiers et certaines professions, nous pouvons accueillir un nombre important de personnes handicapées en fonction de leur profil de travail. Le fait qu’un plus grand nombre de nos travailleurs blessés restent dans l’industrie de la construction après un accident du travail témoigne des efforts que nous avons déployés.

La sénatrice Moodie : Monsieur Schumann?

M. Schumann : Je ne peux pas vraiment en parler parce que, malheureusement, nous travaillons avec de l’équipement lourd, et l’équipement avec lequel nous travaillons n’est pas le plus accessible pour les personnes qui ont des problèmes de mobilité, comme une grue à tour ou de l’équipement lourd qui se trouve à 20 pieds du sol.

Par contre, je dirai ceci : pendant de nombreuses années, nous avons eu un directeur de la formation qui a frôlé la mort lors d’un accident de travail dans un ascenseur. Il était handicapé, mais il est devenu notre directeur de la formation.

La sénatrice Moodie : Je vous remercie. Madame Bruske?

Mme Bruske : Je pense que nous devons considérer deux groupes : les travailleurs qui se blessent au travail et qui vivent avec un handicap par la suite, et les personnes qui vivent déjà avec un handicap et qui n’ont pas été en mesure de participer au marché du travail, ce qui représente une grande partie de la population handicapée pour laquelle nous devons trouver des voies d’accès. C’est là qu’il nous faut innover et mettre en œuvre des initiatives ciblées.

Comme représentante d’un syndicat du secteur privé qui a travaillé avec de nombreux employeurs sur des dossiers de ce genre, je peux vous dire que les centres de formation du milieu syndical ont un rôle énorme à jouer à cet égard. Je le répète, il faut créer l’occasion d’avoir une discussion tripartite avec le gouvernement, les employeurs et les syndicats autour de la table pour répertorier les emplois, les besoins en formation et les possibilités pour ces personnes, puis trouver une voie d’accès à l’emploi. Il y a des exemples de réussite. Ils doivent être quadruplés, continuellement ajoutés et reproduits dans tout le pays.

Le sénateur Yussuff : Il est assez amusant de me voir dans cette position, de parler à trois d’entre vous aujourd’hui, alors soyez les bienvenus, mes frères et sœurs. Permettez-moi de commencer par la partie la plus importante dont il n’a pas encore été question.

Nous savons que le Conseil n’est pas aussi grand que certains le souhaiteraient, mais une part importante de notre travail consiste à consulter l’ensemble du pays. Pas seulement un seul secteur, mais une variété de secteurs. Le secteur de l’acier va connaître une transition. Les secteurs de l’automobile, de l’électricité et de l’agriculture sont tous en transition. Je pourrais défiler une liste de tous ces secteurs. Comme ce n’est pas tout le monde qui aura un siège, comment pouvons-nous mener une consultation solide avec les Canadiens dans tout le pays pour garantir que le plan quinquennal qui sera proposé soit réellement adapté à la diversité de la main‑d’œuvre et du pays? Chacun d’entre vous pourrait peut-être tenter de répondre à cette question.

M. Carr : Je pense que la composition et le processus de nomination de ces représentants sont vraiment importants. En ce qui concerne la solidarité, le fait d’être un frère et une sœur dans ce processus est très important. Je pense que la représentation est importante et que si nous avons une bonne représentation des travailleurs, nous aurons un très bon dialogue entre les syndicats sur la façon dont nous pouvons joindre les syndicats qui n’ont pas de siège officiel à la table.

En ce qui concerne les autres aspects de la consultation des Canadiens, je pense qu’il faut vraiment choisir les bons représentants au Conseil. Je pense qu’il s’agit de choisir les bonnes personnes qui siégeront au Conseil avec un esprit ouvert et qui ont les contacts, les réseaux et l’écoute pour entendre ces différentes voix, surtout dans le secteur privé et dans la société civile. C’est la meilleure façon; il est vraiment essentiel de faire les bonnes nominations.

M. Schumann : Les travailleurs écoutent les travailleurs, qu’ils soient syndiqués ou non. Si vous regardez les nombreux avantages dont les non-syndiqués bénéficient, c’est grâce au travail des syndicats. Ils se parlent entre eux. Ils entendent parler d’emplois et ils jasent. Si les syndicats et les travailleurs sont bien représentés au sein du Conseil, s’ils sont en mesure de donner leur avis et de communiquer par l’entremise de leurs syndicats et d’autres secteurs d’activité, je pense que les gens écouteront et adhéreront au projet.

Mme Bruske : Le Conseil aurait pour mandat de joindre les parties prenantes de tous les secteurs à travers le pays. Le processus de nomination est important pour garantir que tous les membres du Conseil le comprennent et ne se limitent pas à leur appartenance, qu’il s’agisse de l’industrie ou des syndicats, pour garantir que nous saisissons toute l’ampleur du défi qui nous attend et les différentes catégories de secteurs et de main‑d’œuvre dont nous aurons besoin pour la transition.

Le sénateur Yussuff : Voici ma deuxième question : 2050 et 2030 sont des cibles importantes pour remplir notre obligation de réduire nos émissions nationales de gaz à effet de serre. Étant donné le vaste éventail des secteurs qui doivent apporter leur contribution pour y parvenir, et les travailleurs et les communautés qui en subiront les conséquences, comment pourrons-nous poursuivre le dialogue? Que nous le voulions ou non, nous faisons partie de la planète et nous devons faire notre part pour nous assurer que nous vivrons dans un monde hospitalier.

Comment poursuivre cette éducation dans le travail politique pour garantir que les gens comprennent la réalité des changements climatiques? Comment associer les travailleurs à l’effort qui sera nécessaire pour faire les choses différemment afin de vivre dans un monde meilleur et d’atteindre nos cibles pour 2030 et 2050?

Mme Bruske : Les travailleurs écoutent et font confiance aux travailleurs. Les travailleurs doivent pouvoir entendre d’autres travailleurs parler de leur vécu. Si vous vivez à Fort McMurray, que vous avez perdu votre maison en 2016 et que vous avez dû évacuer la ville encore récemment, ces travailleurs comprennent la réalité de ce qui est en jeu lorsque nous composons avec les changements climatiques. Il s’agit de travailleurs du secteur pétrolier et gazier, dont on pourrait penser qu’ils sont les plus ardents négationnistes du climat. Ce n’est pas le cas. Ils comprennent ce qui se passe. Les autres travailleurs doivent entendre ces histoires et ce vécu. Le Conseil doit diffuser cette information.

Il nous incombe collectivement de veiller à ce que l’information et les connaissances soient diffusées et que les gens comprennent vraiment ce qui est en jeu pour eux-mêmes, leurs enfants et leurs petits-enfants, ainsi que pour leur communauté. Chaque année, nous le constatons collectivement : davantage d’inondations, d’incendies de forêt et de conditions de plus en plus désastreuses. Nous ne pouvons plus fermer les yeux.

La présidente : Je vous remercie.

La sénatrice Dasko : Merci à tous d’être ici. Vous êtes tous des représentants de syndicats et vous avez plaidé avec force pour une représentation des travailleurs au sein du Conseil, et je pense que cela semble faire partie du plan pour que vous ayez une voix forte.

Les emplois durables de l’avenir peuvent être syndiqués ou non. Cela reste à voir. Nous avons quelques images ou visions de l’avenir, mais les emplois futurs seront très hétérogènes. Par exemple, qu’attendez-vous du plan pour l’emploi qui en résultera? Qu’attendez-vous du gouvernement fédéral dans la mise en place de ce plan en ce qui concerne le secteur syndiqué? Au-delà de la voix que vous aurez au sein du Conseil, qu’attendez-vous en fait de résultats en matière d’emploi? Voyez-vous où je veux en venir?

M. Schumann : Oui. Nous travaillons avec les employeurs sur les emplois de demain. En Alberta, avant que la première ministre n’apporte quelques changements aux énergies vertes, nous avions des grutiers qui travaillaient sur les mâts d’éoliennes. Ils gagnaient autant, sinon plus, que n’importe qui dans le secteur du pétrole et du gaz, car c’est là que se trouvaient les possibilités d’emploi. Tout ce que nous demandons au gouvernement, c’est d’écouter les avis de ceux qui travaillent réellement dans ces secteurs, puis de permettre à ces secteurs de faire leur place et là où des possibilités existent, les conditions se mettront en place d’elles-mêmes.

Les possibilités sont nombreuses. Le défi auquel nous sommes confrontés réside en partie dans le fait que le gouvernement fédéral s’oppose aux provinces et que certaines d’entre elles ne veulent pas adhérer. C’est donc là que les syndicats vont essayer d’intervenir et de faire pression sur elles. Les possibilités sont nombreuses, tant pour les syndiqués que pour les non-syndiqués.

Je tiens à faire en sorte que la main‑d’œuvre est formée et qu’on lui offre ces possibilités de travailler dans ces emplois. À l’heure actuelle, si l’on considère certaines technologies vertes, des entreprises font appel à des travailleurs étrangers. Si vous prenez les États-Unis dans le domaine de l’éolien extracôtier, la plupart des travaux sont effectués par des travailleurs étrangers. Je veux m’assurer que la plupart des emplois sont occupés par des Canadiens qui possèdent les compétences nécessaires. C’est ce que je veux voir pour m’assurer que nous offrons aux Canadiens la possibilité d’occuper ces emplois et d’avoir une solution canadienne.

La sénatrice Dasko : D’autres réponses?

M. Carr : Ma seule attente envers le gouvernement, c’est qu’il facilite la création d’emplois bien rémunérés. Si vous regardez le principal projet de loi sur les salaires qui est à l’étude à la Chambre, c’est un bon exemple de l’investissement des crédits d’impôt. Que l’entreprise soit syndiquée ou non, nous attendons qu’elle paie un bon salaire si elle bénéficie d’une subvention ou d’un investissement de la part du contribuable. Tout ce que nous disons dans l’intérêt des travailleurs, c’est que nous voulons que ces nouveaux emplois soient bien rémunérés. Ils doivent être suffisamment bien payés pour que les gens puissent envisager l’avenir dans l’économie propre, et notre attente est que des emplois de grande qualité soient disponibles.

Mme Bruske : Je dirais certainement des emplois bien rémunérés, de qualité, offrant une sécurité d’emploi. Les gens ne veulent pas avoir à toujours être à la recherche d’un nouvel emploi. Une grande chance d’obtenir une sécurité d’emploi. De bonnes protections sociales et de bonnes possibilités de dialogue social au sein de cet emploi, et la possibilité d’adhérer à un syndicat s’il n’y en a pas déjà un, c’est essentiel.

[Français]

La sénatrice Mégie : Je remercie les témoins d’être là. Je vais vous poser mes questions en français et vous pourrez y répondre en anglais.

Le plan de formation en cours est-il développé en fonction des besoins précis de chaque province? Je vais vous poser une deuxième question qui est liée à la première. Quand les candidats ont terminé leur formation, doivent-ils signer une entente avec vous?

Vous avez planifié des emplois durables; les gens seront-ils obligés de signer une entente de travail de trois ans ou cinq ans dans le domaine pour avoir leur diplôme?

[Traduction]

M. Schumann : Non. Une fois que vous êtes formé, vous pouvez travailler dans un milieu syndiqué ou non syndiqué. L’accréditation Sceau rouge est reconnue dans tout le pays et dans le monde entier. Il s’agit de la formation la plus élevée au monde. Elle est largement reconnue. Pour ce qui est des autres formations, cela varie selon les provinces en ce qui concerne le nombre d’heures de travail pour devenir compagnon. Selon l’équipement, pour nous, la formation sur les grues à tour, selon la province, vous avez besoin d’un « X » nombre d’heures pour devenir compagnon, et c’est légèrement différent dans chaque province. Si nous vous formons et que vous allez dans une autre province, vous devez vous soumettre à un examen et si vous le réussissez, vous pourrez y travailler. Il y a des occasions dans cette province. C’est très différent au Québec. Pour travailler dans les métiers, il faut appartenir à l’un des cinq syndicats. Le Québec est très différent du reste du Canada en matière de formation.

La présidente : Je vous remercie.

La sénatrice Burey : Merci beaucoup. Je vais revenir à la question de la formation, et j’entends parler de la formation de travailleurs qui sont déjà ici, et nous essayons d’arriver à cette transition juste, et c’est un élément important de l’adhésion.

Je reviens sur un point que les témoins précédents ont abordé. En tant que pédiatre, j’y pense beaucoup : la formation des jeunes et la filière. Comme la sénatrice Cordy l’a dit, ce sont vos acolytes. Les enfants vivent dans des familles, comme vous le savez, et les familles ont besoin d’espoir. Elles envisagent aussi l’avenir en ce qui concerne leur potentiel de travail pour leurs enfants. Est-ce que des éléments de ce projet de loi permettent d’avoir cette vision? Je sais qu’il en est au stade de la planification, mais y a-t-il des éléments qui vous permettent d’aller chercher la filière de formation pour donner de l’espoir aux familles pour leurs enfants?

M. Schumann : Il n’y a rien de précis dans le projet de loi lui-même, qui fait 12 pages.

Je le répète, ce sont les personnes qui siégeront au Conseil qui vont donner leur avis au gouvernement et au secrétariat à l’emploi pour qu’ils leur donnent cet espoir. Il appartient à ceux qui veulent attirer ces personnes dans le secteur de les contacter.

Nous allons dans les écoles secondaires. Nous organisons des salons d’emploi. Nous invitons toutes les écoles à visiter nos centres de formation. Nous leur offrons des opportunités. Je sais que certaines écoles parlent de mieux en mieux des métiers. Le problème réside toujours dans les écoles secondaires. Elles veulent envoyer leurs élèves à l’université. Ils ne veulent pas les orienter dans les métiers.

Comme les témoins précédents l’ont dit et comme je vais le dire maintenant, c’est une excellente option. On peut faire une carrière à vie dans les métiers et avoir un emploi à vie si l’on acquiert la bonne formation, si l’on se forme entièrement en cours d’emploi, sans micro-accréditation.

J’aimerais que nous puissions en parler un peu, mais ce sera pour un autre jour. C’est un autre monde.

Si vous recevez une bonne formation dans les métiers et que vous devenez un compagnon ou que vous obtenez l’accréditation Sceau rouge, vous aurez un emploi pour la vie, surtout si vous êtes prêt à voyager un peu hors de votre ville natale. Vous pouvez travailler où vous voulez, aussi souvent que vous le voulez.

M. Carr : Malheureusement, ce projet de loi est fédéral, et l’éducation de la maternelle à la 12e année, où nous devons vraiment faire des progrès pour garantir que nos enfants ont la possibilité d’être exposés aux métiers spécialisés et aux compétences qui doivent être intégrées dans leur éducation, relève de la réglementation provinciale. Cela dit, nous sommes vraiment encouragés par les progrès que nous constatons dans les provinces en ce qui concerne l’amélioration de l’apprentissage, le décloisonnement qui a eu lieu en Ontario. Il y a des progrès à l’échelle provinciale. Nous constatons des progrès substantiels dans les provinces en ce qui concerne la présence de métiers spécialisés dans le programme d’études, du moins à ma connaissance, par rapport à l’époque où je fréquentais l’école secondaire.

Mme Bruske : Dans le cadre des consultations avec les parties prenantes, j’entrevois une possibilité de discuter avec les provinces et les territoires qui dispensent cet enseignement, avec les groupes d’enseignants, avec les syndicats d’enseignants, pour voir comment nous pouvons réellement attirer de nouveaux étudiants qui ne pensent peut-être pas à ces emplois et les amener à s’intéresser à un autre type de parcours professionnel.

La présidente : L’une des critiques de ce projet de loi est qu’il crée une structure qui élaborera un plan, et l’on craint qu’elle ne devienne un club de bavardage qui ne fera rien de concret. Quelles mesures de responsabilisation prévues dans le projet de loi serez-vous en mesure de mettre en œuvre?

M. Carr : Je pense que c’est la beauté de la présence des syndicats à la table. Nous serons les premiers à lever la main et à dire que cela ne fonctionne pas. C’est la mesure de responsabilisation d’un accord tripartite, la présence d’une personne à la table qui représente les vrais travailleurs et qui peut lever la main et dire que cela ne fonctionne pas et attirer l’attention sur le problème.

C’est le mécanisme le plus important du projet de loi, la relation tripartite. La présence de travailleurs à la table nous permettra de dire que cela ne fonctionne pas et qu’il faut changer d’approche.

La présidente : Vous avez beaucoup parlé du pouvoir de la présence du syndicat à la table, mais les travailleurs syndiqués ne représentent pas la somme de tous les travailleurs au Canada qui devront se convertir à une économie carboneutre. Qui les représente?

Mme Bruske : J’aimerais dire que nous parlons au nom de tous les travailleurs, en ce sens que nous voulons que tous les travailleurs aient la possibilité de se syndiquer. Il est certain que nous parlons des nouveaux travailleurs qui viennent de se syndiquer ou de ceux qui sont en voie de se syndiquer.

Nous reconnaissons que nous devons parler au nom de tous les travailleurs au Canada, qu’ils soient syndiqués ou non. Nous menons en permanence des activités de sensibilisation et des consultations approfondies auprès de nombreux travailleurs. Je suis convaincue que nous avons la voix, le point de vue et les préoccupations des travailleurs. Ils nous parlent, qu’ils soient syndiqués ou non, et nous avons cette connaissance à apporter à la table. Nous sommes très heureux d’apporter ces connaissances et de défendre les intérêts de tous les travailleurs au Canada.

M. Schumann : À bien des égards, les travailleurs non syndiqués bénéficient de ce que les travailleurs syndiqués obtiennent. Dans le secteur de la construction, les heures de travail, les salaires et certains avantages dont ils bénéficient sont dus au fait que les syndicats ont été les premiers à les obtenir. Le marché de la construction est concurrentiel. Je pense qu’ils ont bénéficié de ce que nous avons accompli dans le passé.

La présidente : La marée montante soulève tous les bateaux.

Chers collègues, ceci conclut la discussion avec ce groupe. Je tiens à remercier tous nos témoins. Vous nous avez énormément appris. J’aimerais encore une fois vous remercier d’être venus en personne ou en ligne.

Mesdames et messieurs, notre prochaine réunion aura lieu demain dans cette salle, à 9 heures. Nous entendrons alors d’autres témoins sur le projet de loi C-50.

(La séance est levée.)

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