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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 5 octobre 2022

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui, à 16 h 5 (HE), par vidéoconférence, pour étudier le Cadre fédéral de prévention du suicide.

La sénatrice Ratna Omidvar (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Je m’appelle Ratna Omidvar. Je suis une sénatrice de l’Ontario et présidente de ce comité. Bienvenue, mesdames et messieurs.

Avant d’accueillir nos témoins, j’aimerais faire une mise en garde sur le contenu. Aujourd’hui, notre comité poursuit son étude sur le Cadre fédéral de prévention du suicide. Nous discuterons de sujets liés au suicide et à la santé mentale. Ces discussions pourraient être perturbantes pour les gens qui sont dans la salle avec nous, ainsi que pour ceux qui nous regardent et nous écoutent à la maison. Les numéros de téléphone de services téléphoniques de crise seront diffusés pendant cette réunion. Nous rappelons également aux sénateurs et aux employés du Parlement que le Programme d’aide aux employés du Sénat est à leur disposition et qu’il offre des services de counselling à court terme pour les problèmes personnels et professionnels, ainsi que des services de counselling en situation de crise.

Dans le cadre de notre premier groupe de témoins, nous accueillons par vidéoconférence le Dr Tyler Black, professeur adjoint d’enseignement clinique, Département de psychiatrie, Université de la Colombie-Britannique, et M. David Klonsky, professeur, Département de psychologie, Université de la Colombie-Britannique. Merci de vous joindre à nous aujourd’hui.

Avant de vous inviter à nous présenter votre exposé, je tiens à rappeler à nos témoins et aux membres du comité que cette étude porte sur l’évaluation du Cadre fédéral de prévention du suicide, publié en 2012, et non sur la prévention du suicide en général. Je vous demande de vous en tenir au cadre et, chers collègues, de restreindre vos questions, dans la mesure du possible, au cadre. Cela vaut, bien sûr, pour nous tous. J’invite les témoins à faire leur déclaration préliminaire. Je vous rappelle que vous disposez de cinq minutes pour faire votre déclaration préliminaire, après quoi les membres du comité vous poseront des questions. Merci beaucoup.

Dr Tyler Black, professeur adjoint d’enseignement clinique, Département de psychiatrie, Université de la Colombie-Britannique, à titre personnel : Je remercie le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie de me donner l’occasion de lui faire part de mon point de vue sur le Cadre fédéral de prévention du suicide dans sa forme actuelle, ainsi que de ce qui est nécessaire pour ajouter une solide base de données probantes aux efforts fédéraux.

Je me présente, je suis un psychiatre de l’enfance et de l’adolescence qui pratique presque exclusivement la psychiatrie de crise et d’urgence au B.C. Children’s Hospital de Vancouver, situé sur les terres des Salish du littoral, des Musqueam et des Tsleil-Waututh. Je suis suicidologue et chercheur en médecine d’urgence à l’Université de la Colombie-Britannique.

Bien que je sois fier de mes employeurs, je n’exprimerai ici que mes opinions personnelles et je ne présenterai que mon propre témoignage. Pour ce qui est de la prévention du suicide, et plus particulièrement du suicide chez les jeunes, j’apporte non seulement l’expertise de mes recherches et de mes études, mais aussi l’expérience de l’interaction et de la consultation de plus de 10 000 enfants, adolescents et familles en crise au cours de ma carrière.

J’aimerais d’abord décrire la situation actuelle, avant et après l’adoption en 2012 du Cadre fédéral de prévention du suicide. Je vais me reporter aux cinq premiers éléments visuels de mon mémoire, que vous devriez avoir reçu.

Dans le graphique 1, les taux de suicide des 12 années antérieures au cadre pour tous les Canadiens sont illustrés au fil du temps. Nous pouvons voir qu’il y a eu une tendance à la baisse légère, quoique significative. Pour vous situer rapidement, le taux de suicide est souvent exprimé pour 100 000 personnes par année, et 11 suicides pour 100 000 personnes équivalent à environ 4 300 suicides par année au Canada, selon les données démographiques de 2020.

Le graphique 2 montre l’année de référence 2012 et les sept années suivantes. On voit que la diminution générale a cessé. En fait, si ce n’était d’une année aberrante en 2016, la tendance à la hausse est plus élevée que les 12 années précédentes.

En raison de la pandémie, il est difficile pour nous de compiler des données pour 2020, mais je vous soumettrais le graphique 3 pour montrer clairement que la pandémie, contrairement aux scénarios de catastrophe envisagés au sujet du suicide à l’ère de la COVID-19, est associée à une forte baisse de 17 % des taux de suicide au Canada.

La situation est pire, et non meilleure, pour les jeunes Canadiens de moins de 24 ans, un groupe démographique clé identifié dans le cadre fédéral. Par exemple, dans le graphique 4, je suis en mesure d’illustrer que les taux de suicide chez les filles et les jeunes femmes canadiennes augmentent de façon générale au cours de la période qui a suivi l’adoption du cadre fédéral.

Pour les Autochtones, les taux de suicide font peur. Ils sont clairement illustrés sur le graphique 5, où nous constatons une surreprésentation grave chez les Premières Nations et les Inuits, les jeunes Inuits, hommes ou femmes, étant 24 fois plus nombreux que les non-Autochtones à mourir. À noter que j’utilise l’expression « surreprésentation » au lieu de « risque accru », car le risque n’est pas inhérent aux peuples autochtones, mais reflète les traumatismes causés par la colonisation et la discrimination systémique.

J’ai soumis au comité d’autres ventilations démographiques, mais la somme des données est claire. Nous n’avons aucune preuve que le cadre fédéral a amélioré la situation des taux de suicide au Canada pour la population en général ou pour des tranches de la population en particulier.

J’ai constaté que les principaux échecs du cadre correspondaient aux sections 2a), 3 et 4, qui portent sur les statistiques sur le suicide et sur l’échange de connaissances en collaboration. Nous dépendons encore beaucoup des données diffusées par les provinces et de celles que publie Statistique Canada, qui sont extrêmement tardives et limitées. Il est impératif que nous disposions d’une base de données nationale contenant des renseignements sur les mesures de prévention du suicide, des renseignements démographiques sur les personnes en cause et que nous appuyions des enquêtes rapides et exhaustives visant à établir les facteurs présents et manquants dans un décès par suicide. Si, comme pays, nous avons la prétention de nous soucier du suicide chez les 2ELGBTQI+, pourquoi n’avons-nous pratiquement aucune information sur les décès par suicide, les tentatives de suicide ou les hospitalisations qui y font suite à leur sujet?

Le cadre charge également le gouvernement du Canada de définir des pratiques fondées sur des données probantes en matière de prévention et de promouvoir la recherche pour établir ces pratiques, mais nos efforts n’ont pas été à la hauteur de la tâche à accomplir. Cette situation est aggravée par le manque de recherche de grande qualité sur la prévention du suicide. Il est clair que si le Canada veut des données probantes de grande qualité, il devra faire de la recherche pour produire des résultats fiables et de grande qualité. Cette recherche ne doit pas seulement être liée statistiquement ou strictement à la santé mentale. Bien que je sois psychiatre, dans le cadre d’un programme pilote portant sur la kétamine, et j’adore mes recherches, mais la recherche nécessite la participation d’un enfant suicidaire. Il y a tellement d’interventions qui valent la peine d’être étudiées et qui peuvent empêcher un enfant de se suicider.

Le Cadre de prévention du suicide ne peut pas être fondé sur des vœux pieux ni être éphémère; il doit être associé à des résultats tangibles et à déclaration obligatoire, comme une réduction des décès, des hospitalisations ou des tentatives de suicide. Les gens qui ont des pensées suicidaires et les familles qui survivent à un suicide n’ont pas besoin de documents contenant des platitudes ou des mots gentils, mais de mesures gouvernementales qui créent des avantages tangibles et mesurables. Merci.

E. David Klonsky, professeur, Département de psychologie, Université de la Colombie-Britannique, à titre personnel : Je vous suis reconnaissant du travail que vous faites et de l’intérêt que vous portez à mon domaine d’expertise. Je m’appelle David Klonsky et je suis professeur de psychologie clinique à l’Université de la Colombie-Britannique. J’ai publié plus de 100 articles sur le suicide, l’automutilation et des sujets connexes. Au-delà de mes recherches, j’ai été rédacteur principal en ce qui concerne le diagnostic de l’automutilation pour le DSM-5, le manuel diagnostique psychiatrique le plus utilisé dans le monde. J’ai travaillé avec diverses organisations gouvernementales canadiennes et américaines sur la prévention du suicide et de l’automutilation.

Un cadre fédéral de prévention du suicide ne fonctionnera que si trois conditions sont remplies. On doit y préciser les mesures à adopter, et non seulement des idées, on doit y choisir les mesures les plus susceptibles de donner des résultats et on doit veiller à ce que des ressources soient disponibles pour que les mesures puissent être menées à bien. Dans ce contexte, j’aimerais vous faire part de mes réflexions sur le cadre actuel, en commençant par ses points forts.

Un point fort, c’est qu’il dissocie le suicide de la maladie mentale et qu’il englobe une approche de santé publique. En bref, le suicide est motivé par des extrêmes de douleur et de désespoir. La maladie mentale est un contexte dans lequel ces extrêmes se produisent, mais l’expérience humaine est constituée de nombreux autres événements, conditions et contextes qui peuvent causer une douleur extrême et un désespoir et motiver le suicide. Il est approprié et essentiel de tenir compte à la fois des points de vue de la santé publique et de la santé mentale.

Un deuxième point fort est l’importance accordée aux données de qualité. Comme l’a souligné le Dr Black, nous ne pouvons pas savoir ce qui se passe au Canada et nous ne pouvons pas connaître les répercussions de quoi que ce soit que nous faisons sans disposer de données de grande qualité sur le suicide et les résultats connexes.

Une troisième force est l’accent mis dans le cadre sur l’amélioration de l’échange de connaissances entre les chercheurs et les praticiens. D’après mon expérience subjective, il y a souvent un décalage de 20 ans entre les connaissances de pointe dont nous disposons et leur mise en œuvre.

J’aimerais concentrer le reste de mes observations sur certains aspects du cadre qui ne sont peut-être pas si bons et qui pourraient être améliorés.

Premièrement, le cadre met beaucoup l’accent sur la sensibilisation. Je crains que l’on ne confonde la sensibilisation avec la connaissance et la déstigmatisation. La prise de conscience sans connaissance peut être effrayante et même paralysante. Il faut mettre l’accent sur les connaissances et sur l’importance d’être à l’aise d’utiliser ces connaissances.

Deuxièmement, la vision qui sous-tend le cadre est axée sur l’espoir et la résilience, ce qui est très bien, mais je pourrais suggérer d’inclure le sens et la connectivité. Je pense que ce serait tout aussi bien accueilli, mais davantage fondé sur des faits.

Troisièmement et surtout, le cadre considère la restriction ou la sécurité des moyens, la restriction de la disponibilité des moyens létaux, davantage comme un détail dans le cadre d’une intervention. De mon point de vue, il s’agit de la seule intervention vraiment fondée sur des données probantes au niveau de la population, et il faudrait donc en parler. Autrement dit, la première étape d’un plan gouvernemental de prévention du suicide devrait consister à présenter ce qui fonctionne, ce que le cadre actuel ne fait pas tout à fait.

Quatrièmement, le cadre considère l’effort de définition des pratiques exemplaires en matière de prévention du suicide davantage comme une formalité qu’un objectif central. Si notre première priorité consiste à présenter ce qui fonctionne, la deuxième consiste à trouver des options fondées sur des données probantes qui, selon les experts, pourraient fonctionner et d’étudier leur efficacité dans un contexte limité. De cette façon, nous pourrons déterminer celles qui devraient être déployées à plus grande échelle ou même à l’échelle nationale. Il peut s’agir, par exemple, de programmes d’éducation en milieu scolaire annonçant des résultats prometteurs pour réduire les tentatives de suicide, de changements ciblés de la façon dont le personnel des services d’urgence et des hôpitaux et les médecins, dans leur pratique de tous les jours, identifient les personnes à risque et y réagissent, l’identification d’un petit ensemble de signes avant-coureurs de crises suicidaires qui pourraient changer la façon dont le public comprend les crises de suicide et y réagit, ainsi que l’efficacité des services d’écoute téléphonique.

Cinquièmement, il y a peut-être un élément manquant dans le cadre, et c’est la nécessité de mettre au point des traitements cliniques conçus spécialement pour le risque de suicide. La grande majorité des traitements psychologiques et psychiatriques qui existent visent un diagnostic. Certains diagnostics sont plus associés au risque de suicide que d’autres, mais très peu de traitements sont conçus spécifiquement pour réduire le risque de suicide. Pour ceux qui existent, les preuves de leur efficacité sont limitées et ces traitements ont été conçus il y a plus de 10 ans et ne sont pas éclairés par les connaissances les plus récentes sur le suicide.

Enfin, pour concrétiser l’une ou l’autre de ces idées, de mon point de vue, il faut une équipe simplifiée pour déterminer un nombre limité de mesures prioritaires, parce que nous ne pouvons pas tout faire. Les équipes comptant un grand nombre de membres et d’experts-conseils, tout en ayant des avantages évidents, ont l’inconvénient de produire des documents qui comprennent tout ce que quiconque juge important, et le résultat est lourd et ne peut donner lieu à des mesures. D’après mon expérience subjective, après cinq ans au comité consultatif canadien de recherche sur le suicide et sa prévention, c’est ce qui est arrivé. Nous avons produit un document qui comportait 28 thèmes, groupes prioritaires et paramètres prioritaires avec 69 mesures possibles, mais nous ne pouvons pas prioriser 28 idées et 69 mesures. Pour qu’un plan national de prévention du suicide puisse être mis en œuvre, il faudra probablement un effort simplifié de la part d’un nombre relativement restreint de personnes engagées.

Je vous remercie beaucoup de votre attention. Je serai heureux de poursuivre la discussion avec vous ou de répondre à vos questions.

La présidente : Merci beaucoup.

Nous passons maintenant aux questions des sénateurs. Nous allons commencer par la sénatrice Bovey, du Manitoba, qui est vice-présidente du comité.

La sénatrice Bovey : Je remercie nos deux intervenants. C’est un sujet très intéressant.

Je ne sais pas si vous serez d’accord avec moi, mais j’ai souvent l’impression que les cadres de travail pour des questions sociétales importantes sont souvent assimilés à la construction de fondations pour des bâtiments. Si nos fondations ne sont pas solides, l’édifice ne le sera pas. Si je peux emprunter votre formule, il faut se concentrer.

Ma question porte sur la recherche. Si nous voulons développer ou actualiser le Cadre fédéral de 2012, vous avez tous les deux parlé de la nécessité de la recherche. Vous avez parlé de la nécessité d’obtenir des résultats tangibles. Vous avez parlé de la nécessité d’échanger des connaissances. J’ai été abasourdie de vous entendre dire qu’il y a souvent un délai de 20 ans entre les connaissances de pointe et leur mise en œuvre. Dites-moi, que pouvons-nous faire pour renforcer ce cadre afin que les résultats souhaités soient ciblés et que nous sachions ce que le cadre est censé permettre de bâtir? Ma question s’adresse à nos deux témoins, si vous me le permettez.

M. Klonsky : Dr Black m’a gentiment fait savoir par texto qu’il me cédait la parole pour cette question en particulier, ce qui est gentil de sa part.

C’est une question très difficile, car les choses se compliquent très rapidement. Les recherches ne s’appliquent pas toutes de la même façon aux contextes appliqués. Toutes les recherches ne sont pas aussi valables. Le résultat d’une étude non contrôlée n’est pas le même que celui d’une méta-analyse de 20 études très bien contrôlées. Il peut y avoir de nombreuses raisons, souvent sociologiques, pour lesquelles les connaissances ne se traduisent pas plus rapidement en un outil concret. Cela dépasse en partie mes compétences. Il y a des gens qui ont une expertise particulière en matière de diffusion et de mise en œuvre. C’est un domaine en pleine croissance. Je ne sais pas si cela a été reconnu comme un sous-domaine il y a 20 ans. Nous devons nous en servir et inclure les personnes qui ont cette expertise dans ce dialogue et dans les plans de prévention du suicide.

Je dirais cependant qu’en général, un autre obstacle réside dans le fait que les chercheurs ne s’entendent pas tous au sujet des connaissances les plus importantes sur la meilleure façon de comprendre le suicide et d’y réagir. À un moment donné — et c’est très difficile et je n’envie pas les décideurs —, le gouvernement doit choisir quelques chercheurs qui, selon lui, ont la bonne approche et leur permettre d’identifier ces priorités. Sans cela, il n’y a qu’un fouillis de centaines d’études et de gens qui disent que c’est la leur qui devrait être diffusée. On ne peut pas tout diffuser. C’est une tâche écrasante, et même si on le pouvait, ce serait une quantité d’informations écrasante à recevoir. Il faut diffuser les bonnes informations, sous la bonne forme, pour les bonnes personnes.

Encore une fois, je pense qu’à un moment donné, il faut simplifier l’équipe et lui donner l’expertise voulue. Cela comprendrait une expertise en matière de suicide et en matière de diffusion des informations et de mise en œuvre, ce qui est une expertise différente. Ensuite, il faut prendre des décisions avec l’aide d’experts en santé publique et d’autres experts gouvernementaux sur ce qui devrait être diffusé et à l’intention de qui dans un contexte appliqué. Cela comprend non seulement les milieux de la santé, mais aussi les écoles et d’autres types de milieux qui sont très bien placés pour réduire le risque de suicide.

La sénatrice Bovey : Si nous voulons avoir un cadre solide, la recherche doit être fondée sur des données probantes plutôt que sur des données anecdotiques. Est-ce exact?

M. Klonsky : Entièrement exact.

La sénatrice Bovey : Docteur Black, avez-vous quelque chose à ajouter?

Dr Black : Je suis entièrement d’accord avec M. Klonsky.

J’ajouterais à cela que la perspective de la santé publique est différente de celle de l’approche clinique. Lorsque vous travaillez dans le cadre d’une approche clinique — honnêtement, j’enseigne l’évaluation du risque de suicide à des étudiants partout dans le monde, et elle est individualisée : ce qui se passe pour eux, la réduction des facteurs de risque et la recherche d’un logement. C’est une foule de choses. Le point de vue de la santé publique à l’échelle nationale est une optique différente.

Lorsque M. Klonsky parlait de restriction des moyens, avec ce que nous savons sur la relation entre la pauvreté et le suicide, tous les troubles de santé et le suicide et les grands groupes de la population qui sont surreprésentés comme les communautés autochtones au Canada, cela nous donne des cibles sur lesquelles nous pouvons nous concentrer pour élaborer de grandes stratégies. Parfois, nous utilisons nos recherches cliniques et nous essayons de planifier en fonction de la santé publique. Le déploiement de masse de la thérapie cognitivo-comportementale n’est probablement pas aussi utile que nous le voudrions.

Le sénateur Patterson : Merci à vous deux.

Docteur Black, vous avez présenté des données terriblement bouleversantes, soit 25 fois la moyenne nationale des décès par suicide chez les Inuits, et des statistiques tout aussi alarmantes au sujet des Premières Nations. J’aimerais vous demander à tous les deux, étant donné ces chiffres choquants qui sont très difficiles à entendre pour ceux d’entre nous qui vivent dans ces régions, s’il ne faudrait pas mettre davantage l’accent sur cette question dans notre Cadre fédéral de prévention du suicide.

Dr Black : Vous avez entièrement raison. De mon point de vue, si nous voulons voir les effets les plus importants sur la réduction du suicide, nous devons nous adresser aux populations et aux groupes qui sont les plus surreprésentés dans les taux de suicide. Par exemple, les types d’études nécessaires pour prouver que le nombre de suicides est réduit dans un groupe qui est très peu susceptible de mourir par suicide ou moins susceptible de mourir par suicide exigent plus de gens, mais il serait possible de faire des interventions auprès de groupes ciblés. Lorsque les taux sont aussi élevés, on pourrait voir des effets concrets. Je pense que la recherche et l’accent doivent être mis sur les Autochtones au Canada. C’est crucial selon moi.

Le sénateur Patterson : S’il me reste du temps de parole, j’aimerais le céder à mon collègue, le sénateur Kutcher.

La présidente : Sénateur Kutcher, vous gagnez le gros lot. Vous disposez de cinq minutes de votre propre temps et de 3,2 minutes du temps du sénateur Patterson.

Le sénateur Kutcher : Le sénateur Patterson a posé la question fondamentale, et nous avons entendu le Dr Black. Je me demande si M. Klonsky pourrait nous dire ce qu’il en pense. Monsieur Klonsky, vous avez parlé d’établir des priorités. À mon avis, compte tenu de ces chiffres catastrophiques et de leurs répercussions tragiques, cela ne devrait-il pas faire partie des priorités établies?

M. Klonsky : Cela devrait certainement être l’une des priorités. Je suis parfaitement d’accord avec le Dr Black.

Il n’est pas nécessaire que ce soit l’un ou l’autre. Nous pouvons observer des principes universels qui guident notre prévention du suicide et qui peuvent ensuite être appliqués à des contextes très différents de façon idéologique et qui tiennent compte des différences entre les collectivités, par exemple. Même dans le contexte autochtone, le taux de suicide n’est pas le même dans toutes les communautés. Certaines ont des taux inférieurs à la moyenne nationale, et d’autres affichent des taux beaucoup plus élevés. Même à ce niveau, ce que nous faisons doit être adapté.

En même temps, cependant, je dirais que la connaissance est maintenant à un point où nous pouvons résumer le cheminement menant au suicide en disant que la motivation quasi universelle est la douleur accablante et la perte de l’espoir que les choses puissent s’améliorer. Ce qui peut garder les gens en vie, même dans ce contexte, c’est un sentiment d’appartenance ou un sens qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue malgré la douleur. Même si les gens en sont à un point où ils ont un désir suicidaire à cause de la douleur, du désespoir et peut-être d’une moins grande connectivité, ils doivent quand même avoir la capacité de faire une tentative de suicide, ce qui présuppose une certaine dose de courage pour faire quelque chose d’aussi effrayant, et les moyens pratiques de le faire. Ce sont les quatre facteurs — la douleur, le désespoir, la connexion et la capacité — qui peuvent être appliqués universellement selon moi.

Si nous devions choisir une communauté autochtone en particulier sur laquelle nous concentrer, nous devrions mettre l’accent sur les causes de la douleur dans cette communauté. Qu’est-ce qui rend les gens moins optimistes? Quels sont les obstacles qui empêchent une personne de se sentir en contact, que ce soit avec sa famille et ses amis, sa communauté ou le pays au sens plus large? Qu’est-ce qui rend la capacité plus élevée? Et quels types de moyens mortels sont les plus répandus? Il y aura des principes universels qui pourront nous aider à déterminer des façons très personnalisées, pour ainsi dire, d’intervenir et où nous pourrions collaborer beaucoup avec les dirigeants de cette communauté. Cela devrait vraiment être une priorité, mais je pense qu’il y a des façons de le faire.

Le sénateur Kutcher : Excellent. Merci beaucoup.

Je m’adresse à vous deux. La ministre et ses fonctionnaires, lorsqu’ils étaient ici, ont parlé de l’importance de fonder les travaux sur une base de données probantes. Elle a dit que le suicide est un problème trop grave pour financer des idées au détriment de programmes fondés sur des données probantes. Vous avez tous les deux abordé cette question.

L’un des problèmes qui est ressorti de votre critique très utile du cadre, c’est que, bien qu’il y soit question de certaines mesures de santé publique — comme la restriction des moyens — on ne se concentre pas sur des mesures, mais il n’y est pas question non plus d’interventions cliniques. Certaines interventions cliniques pourraient être utiles. Que pensez-vous d’un cadre qui pourrait combiner les deux types d’interventions?

Dr Black : L’importance de l’aspect clinique vient du fait que nous savons que les gens qui ont une maladie mentale ou d’autres formes de souffrance peuvent interagir avec des professionnels, et que ces professionnels, s’ils ont les connaissances, la formation et le soutien nécessaires, peuvent en fait faire partie de la prévention du suicide. J’aimerais pouvoir dire que nous avons des preuves fantastiques, mais je peux dire que nous avons de bonnes preuves qui montrent qu’il vaut la peine d’examiner la formation de gardiens, par exemple, pour les médecins de famille — peut-être pas d’aussi bonnes preuves pour les membres de la communauté, mais certainement pour certains médecins.

Chaque fois que des professionnels interviennent, nous voulons qu’ils se sentent à l’aise de le faire. C’est là que les programmes de formation prennent tout leur sens. Malheureusement, lorsque nous évaluons ces programmes de formation, nous le faisons habituellement en nous demandant si les gens ont senti qu’ils avaient bénéficié du programme ou s’ils ont répondu à un test bien après le programme. Ce ne sont pas les résultats que nous recherchons. Nous cherchons à réduire le nombre de suicides; nous cherchons à réduire le nombre de personnes qui se présentent à l’hôpital ou à réduire les pensées suicidaires, même dans le cadre d’un sondage. Il est beaucoup moins important de savoir ce que les administrateurs d’un programme pensent de leurs compétences, mais il importe surtout de connaître l’impact de leurs compétences.

Il faut vraiment renforcer les données probantes si nous voulons les utiliser sérieusement, mais nous avons beaucoup d’idées clés qui valent la peine d’être poussées plus loin. Nous devons faire la recherche nous-mêmes. Nous ne pouvons pas continuer à faire la méta-analyse des 18 mêmes études.

M. Klonsky : Je suis d’accord. Il faut absolument que les données scientifiques soient exactes. Il y a une histoire en général, mais il y a aussi des antécédents en suicidologie de gens bien intentionnés qui ont des idées, qui créent des traitements de groupe et qui font des choses au niveau communautaire qui ne sont pas utiles ou qui sont même parfois nuisibles et risquent même d’accroître le risque de suicide. La seule façon de savoir lesquelles de ces belles idées fonctionnent, c’est de faire de la recherche et de s’appuyer sur de solides données scientifiques. C’est absolument essentiel, et nous devons le faire.

Pour ce qui est de la question des interventions cliniques, d’après ce que j’ai lu dans la littérature spécialisée, jusqu’à maintenant, les données scientifiques indiquent qu’elles ne sont pas très efficaces. C’est mieux que rien, mais pas beaucoup mieux. Je parle précisément de celles qui sont créées pour le risque de suicide, et non d’autres types de diagnostics associés au risque de suicide. Puisque c’est mieux que rien, nous devrions continuer à les utiliser comme un bon complément aux approches de santé publique. À mon avis, nous devons également mettre l’accent sur la mise au point de nouveaux traitements en utilisant les connaissances les plus récentes qui n’ont pas encore été intégrées aux traitements existants.

Le sénateur Kutcher : Merci beaucoup. L’un des aspects utiles d’un cadre, c’est qu’il peut nous aider à corriger les erreurs, en surveillant ce que nous faisons et en mesurant l’incidence que nous avons sur les résultats désignés.

Vous avez tous les deux parlé — tout comme la ministre — de l’importance des résultats clés comme la diminution des taux de suicide ou des hospitalisations pour tentative de suicide ou la diminution des visites à l’urgence pour tentative de suicide, qui sont des critères clés. Le cadre ne prévoit aucun mécanisme d’évaluation; il n’intègre aucune évaluation. Si vous deviez conseiller le gouvernement sur la façon de créer un cadre, comment aborderiez-vous cette question de l’évaluation continue afin qu’elle puisse servir à en tirer des leçons et à donner une orientation à mi-parcours?

Dr Black : C’est vraiment difficile à faire, mais il faut un soutien fédéral, probablement, pour créer une surveillance en temps réel ou quasi réel. Avec les données sur le suicide, il faut du temps pour enquêter sur un suicide. J’apprécie tous les efforts des coroners, mais nous finissons par attendre des mois et des mois pour obtenir de simples chiffres sur le suicide avant même de pouvoir nous lancer. Lorsque nous faisons de notre mieux pour obtenir les données dont nous avons besoin, elles doivent être nationales. Elles doivent être partagées. Il faut que ce soit en temps relativement réel. J’espère qu’avec suffisamment de paramètres et un effort approfondi, nous pourrons commencer à examiner les cibles à viser.

J’ai donné l’évaluation dans mon témoignage, et je dirais que l’évaluation du cadre fédéral est plutôt mauvaise. S’il n’y avait pas eu la pandémie, les mesures de soutien économique, l’effet de regroupement et autres facteurs, je ne pense pas qu’il y aurait eu une diminution de 17 % des suicides en 2020. Les taux augmentaient depuis l’adoption du cadre.

Le sénateur Brazeau : Bonjour à vous deux. Merci d’être ici. De toute évidence, nous traitons d’un sujet qui n’est pas nécessairement une priorité pour tout le monde, mais, malheureusement, nous devons en parler, et cette question me touche de très près.

En 2019, mon bureau a fait des recherches. Essentiellement, nous avons demandé à tous les gouvernements provinciaux de nous faire part des types de programmes qu’ils avaient en matière de prévention du suicide. Pour résumer — et les chiffres sautent aux yeux —, 75 % des suicides sont commis par des hommes. Lorsqu’on examine les programmes offerts aux femmes et aux hommes dans l’ensemble du pays, on constate qu’il y a une énorme disparité en ce qui concerne les programmes offerts aux hommes. Je tiens à dire que ce n’est pas une question de sexe, d’hommes par rapport à femmes, mais si 75 % des personnes qui se suicident sont des hommes, et s’il y a une surreprésentation des Autochtones dans ce pays en termes de suicide, que recommanderiez-vous que nous mettions dans ce rapport pour que nous nous attaquions à ces problèmes de front pour une fois? Merci.

Dr Black : C’est une excellente question. Lorsque nous pensons aux populations ciblées, nous devons certainement penser aux hommes. Il faut penser particulièrement aux jeunes. Dans les communautés autochtones, il y a un taux de suicide extrêmement alarmant par tranche de 100 000 personnes chez les moins de 40 ans.

Les programmes doivent cibler des groupes en particulier. J’aime beaucoup ce que disait M. Klonsky au sujet de ces principes. Par exemple, ce qui cause de la douleur chez les hommes au Canada et le manque de liens, et des choses de ce genre, pourrait être différent de ce qui touche les femmes au Canada ou, pour certaines femmes, les causes pourraient être les mêmes. Nous devons cibler des facteurs, mais des principes doivent nous guider dans la détermination de ces cibles. Si tout ce que nous faisons, c’est jouer au chat et à la souris avec le taux de suicide le plus élevé, cela ne s’arrêtera jamais. Ce que nous devons faire, c’est cibler une approche fondée sur des principes à l’égard du risque de suicide, puis peut-être utiliser le déploiement de ces principes vers des cibles très préoccupantes comme cadre de travail.

M. Klonsky : J’apprécie également la question. Nous devons cibler les populations prioritaires, mais tout ce que nous faisons doit être fondé sur une compréhension des raisons. La réponse à la question de savoir pourquoi il y aura des différences dans différentes populations, et vous en avez donné d’excellents exemples, car même si je pense que nous pouvons comprendre le suicide en termes de douleur, de désespoir, de connexion et de capacité à tenter de se suicider, lorsque nous appliquons ces facteurs à différents sous-groupes, nous trouvons des réponses différentes.

Par exemple, on constate toujours que les taux de sentiment suicidaire et même de tentative de suicide ne sont pas plus élevés chez les hommes. Les taux de décès par suicide sont plus élevés chez les hommes. D’après ce que nous savons, c’est à cause des moyens létaux dont ils disposent et qu’ils choisissent. Les armes à feu en sont un exemple. Si nous devions appliquer ces principes de douleur, de désespoir, de connexion et de capacité de se suicider à une communauté autochtone en particulier, nous pourrions trouver un type de réponse très différent. Nous pourrions y trouver une explication attribuable à la douleur que les gens vivent ou au sentiment de désespoir ou de déconnexion. C’est peut-être une question de capacité.

Nous devrions nous concentrer sur ces populations, comme vous le suggérez, mais nous devrions nous concentrer sur elles de façon à pouvoir déterminer le « pourquoi », et nous aurions une réponse différente pour différentes populations. Nous pourrions alors intervenir en conséquence.

La sénatrice Cordy : Toute cette question est très importante, et je tiens d’ailleurs à remercier le sénateur Kutcher, qui a proposé que le comité l’étudie. Je vous remercie tous d’être parmi nous aujourd’hui.

C’est aujourd’hui la Journée nationale des enseignants, et comme j’ai déjà été enseignante, j’aimerais poser des questions sur l’information qui est donnée aux enseignants. Parfois, un enseignant pose la question, et cela revient à ce que vous disiez plus tôt au sujet de la nécessité de simplifier les données. Si vous donnez aux gens un document de trois pouces et demi d’épaisseur à lire, en disant qu’après l’avoir lu, ils seraient des experts, cela ne fonctionnera pas. Il faut que ce soit précis. Il y a longtemps que je n’ai pas enseigné. En vous écoutant et en me fondant sur mes lectures, je ne suis pas certain que les choses aient beaucoup changé.

Quelle information est donnée aux enseignants sur ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas? À qui les enseignants s’adressent-ils pour obtenir de l’aide lorsqu’ils pensent qu’il peut y avoir un problème? Quand j’étais enseignante, je me souviens d’un élève qui avait écrit quelque chose qui m’avait préoccupée. J’ai téléphoné au service des conseillers scolaires et on m’a dit qu’ils étaient très occupés et que je pouvais m’en charger moi-même et parler à l’élève. C’est ce que j’ai fait, mais j’étais seule. Je priais Dieu de ne pas dire ou faire la mauvaise chose. Comment pouvons-nous parler à des gens de première ligne comme des enseignants qui voient des élèves interagir entre eux — ou ne pas interagir entre eux — et qui voient des choses préoccupantes que les élèves écrivent? Comment pouvons-nous y arriver?

Dr Black : C’est une excellente question.

Nous devons faire comprendre aux administrations scolaires que c’est un sujet important. J’ai publié un article dans Scientific American dans lequel j’ai utilisé les données sur 7,9 milliards d’années de vie d’enfant pendant 21 ans, qui montrent qu’il y a une augmentation de 60 % des suicides pendant l’année scolaire comparativement à l’année non scolaire aux États-Unis. Ce n’est pas différent au Canada; c’est la même chose dans nos services d’urgence. L’école est un emploi à temps plein pour un enfant. Ils ont des collègues, des patrons, des supérieurs et des heures supplémentaires avec des devoirs. Il y a des conflits et des situations d’intimidation. C’est un emploi à temps plein qui exige beaucoup de soutien. Bien sûr, si une organisation n’accorde pas la priorité au bien-être mental de ses employés, ceux-ci en souffrent. De la même façon, si les administrateurs des écoles n’accordent pas la priorité à cette question — si le sujet intéresse peu de monde —, elle est laissée de côté, où l’on passe d’une situation d’urgence à une situation d’urgence sans plan précis.

Je trouve souvent que les enseignants sont très surpris lorsque j’explique ce lien, puis je parle beaucoup des mesures que l’on pourrait prendre dans les écoles et sur lesquelles nous pourrions enquêter presque immédiatement pour réduire la pression sur les enfants. Il y a des choses comme le fait de faire commencer la journée plus tard, d’annuler les devoirs — des mesures qui semblent radicales, mais qui sont très clairement appuyées par la science. Les administrateurs doivent toutefois appuyer ces mesures. J’ai toujours l’impression que nous pensons d’abord aux enseignants, et ils sont certes en première ligne, mais ils ont besoin de l’appui de leur administration et de l’orientation générale d’un cadre, d’une ligne directrice ou d’un principe.

M. Klonsky : Ce n’est pas parce que nous comprenons le suicide, qui est un défi en soi, que nous savons comment appliquer ces connaissances dans différents contextes. Le contexte dont vous avez parlé est incroyablement compliqué, et il requiert une expertise. Il y a des gens qui ont cette expertise et qui font du bon travail pour mettre en œuvre des lignes directrices sur la prévention du suicide. Certains programmes de prévention du suicide semblent avoir de solides éléments probants selon lesquels il y aurait lieu d’adopter une approche globale quant à la façon de gérer le système scolaire. Nous avons besoin de cette expertise, parce que les systèmes scolaires soulèvent beaucoup de questions très complexes.

L’un des éléments qui ressortent de votre exemple, ce sont ces complications. Par exemple, il n’est pas rare qu’un élève ait des pensées suicidaires, mais expression de sentiments suicidaires n’est pas une urgence. Si nous nous mobilisons pour faire face à une urgence alors que ce n’est pas le cas, cela pourrait avoir un effet dévastateur pour l’enfant, qui ne voudra peut-être plus jamais faire part de ses sentiments. En même temps, nous ne voulons pas nous tromper. De plus, nous ne voulons pas nous tromper sur le plan de la responsabilité en loi, ce qui est une autre considération. Parfois, il y a un décalage entre ce qui est le mieux pour l’enfant et ce que nous sommes censés faire aux yeux de la loi. C’est très compliqué.

Heureusement, il y a des gens qui font ce travail. Je pense qu’il y a des programmes existants dont nous pourrions nous inspirer, qui affichent déjà des preuves prometteuses et qui pourraient nous aider à relever les défis que vous avez soulevés.

La sénatrice McPhedran : Je remercie nos témoins experts qui sont avec nous, et je remercie le sénateur Kutcher d’avoir lancé cette étude très importante.

Cette semaine, il y a eu plusieurs manchettes. Je vais vous en citer une, puis je poserai ma question. Je suis une sénatrice indépendante du Manitoba, et voici ce qui a fait les manchettes au Manitoba : « Une femme de Winnipeg qui a choisi l’aide médicale à mourir avec un médecin a dit que la lutte pour obtenir de l’aide pour des soins à domicile a mené à sa décision. » Ce n’est là qu’une des nombreuses manchettes auxquelles nous faisons face depuis la récente loi sur l’aide médicale à mourir. Avant cette expression, nous parlions probablement davantage de suicide assisté. À l’heure actuelle, nous entendons souvent parler de l’aide médicale à mourir dans un contexte où des personnes handicapées font ce choix et affirment qu’il est en grande partie attribuable au fait qu’elles n’ont pas pu avoir accès à des ressources adéquates de notre société pour vivre dans la dignité. Y a-t-il une catégorie émergente pour ce genre de suicide? Que pouvez-vous nous dire à ce sujet.

Dr Black : Je vais céder rapidement la parole à M. Klonsky, car il a probablement plus de choses à dire que moi sur le plan théorique.

Il y a une différence frappante entre les types de suicides qui se produisent en fonction de quelques paramètres. La première est à quel point il peut être impulsif par rapport à un geste planifié et fataliste. Si quelqu’un fait face à une bataille difficile qui ne s’améliorera jamais, il n’a pas seulement besoin d’une ligne de soutien. En fait, nous devons aider considérablement cette personne à améliorer ses conditions de vie. La motivation suicidaire fataliste est la voie la plus courante en matière d’aide médicale à mourir, quand il s’agit d’une démarche calculée et réfléchie de personnes qui, devant l’incapacité de vaincre leur problème, veulent mourir dans la dignité, tandis qu’un suicide anormal, qui est de type impulsif, est très souvent motivé par une rupture amoureuse ou un congédiement, et c’est une réaction excessive. Il y a différentes motivations.

Il est vraiment important pour nous de ne pas confondre l’aide médicale à mourir et le suicide en général. Ce n’est pas du tout la même chose. À mon avis, dans le domaine de l’aide médicale à mourir — et j’ai soumis ce principe au comité sénatorial chargé d’étudier l’aide médicale à mourir —, suivant l’un des principes à observer, personne ne devrait choisir l’aide médicale à mourir en raison de son incapacité d’obtenir un service du gouvernement. Cela devrait être l’un de nos principes. Cependant, si la personne choisit, connaissant tous les risques et les avantages de tout ce qui est à sa disposition, de mourir dans la dignité, nous ne pouvons pas non plus lui retirer les droits des personnes qui ont des troubles de santé mentale par rapport à d’autres types d’incapacités. Il faudra une évaluation réfléchie par des professionnels qualifiés, et je pense que c’est possible.

M. Klonsky : C’est une question extrêmement importante.

Je pense que nous pouvons comprendre la décision des gens de choisir l’aide médicale à mourir et celle de choisir le suicide en appliquant les mêmes principes. Les gens ont recours à l’aide médicale à mourir du fait qu’ils souffrent, qu’ils sont constamment en douleur et qu’ils n’ont plus espoir de voir leur état s’améliorer. Dans leur cas, ils ont vraiment raison de penser ainsi. Le pronostic de leur maladie ne laisse voir aucune amélioration de leur situation. En fin de compte, ils en arrivent à un point où la douleur est telle qu’ils ne peuvent plus discerner ou établir les rapports nécessaires pour continuer de vivre.

Dans le cas du suicide, la grande différence, qui rappelle ce que disait le Dr Black, c’est que les accès de douleur et de désespoir, dans la plupart des cas, sont ponctuels; ils ne constituent pas un état permanent. Les personnes sont, sur le moment, sont désemparées. Nous savons que leur choix n’est pas fait une fois pour toutes, puisque, selon des études, plus de 90 % des gens qui survivent à une tentative de suicide ne se suicident pas par la suite. La personne qui, en crise suicidaire, décide de passer à l’acte sera vraisemblablement heureuse d’avoir survécu, contrairement à la personne qui opte pour l’aide médicale à mourir qui, théoriquement, maintiendrait sa décision.

Ce qui est frappant et désolant dans l’exemple que vous donnez, c’est que l’état organique de la personne ne semble pas être en cause. Comme l’a souligné le Dr Black, on a refusé un service qui aurait pu soulager la souffrance de cette personne et lui donner l’espoir d’un avenir plus fonctionnel. Il va sans dire qu’une telle situation est inacceptable et révoltante et qu’elle exige notre attention et un changement dans nos façons de faire.

La sénatrice Martin : Je remercie nos témoins experts de leur témoignage sur ce sujet très difficile.

Je regarde les éléments visuels, les graphiques, et je constate qu’il n’y a pas de tendance marquée. Les chiffres ont peu changé même après l’adoption du cadre fédéral, ce qui nous indique que nous devons faire mieux. Il y a des façons d’améliorer le cadre actuel.

Je sais qu’il y a des pratiques exemplaires au Canada. Regardant vers l’étranger, comment le Canada se compare-t-il aux autres pays au chapitre des pratiques exemplaires en matière de prévention du suicide? Y a-t-il des éléments manquants dans notre cadre actuel et qu’on aurait intérêt à adopter pour le renforcer? Je commencerais peut-être par M. Klonsky.

M. Klonsky : Il y a de très bonnes chances que le Dr Black ait une meilleure maîtrise des données épidémiologiques, puisque c’est l’un de ses nombreux domaines d’intérêt, qui ne figurent pas nécessairement dans sa description de poste, mais simplement quelque chose qu’il fait en plus.

Il est difficile de comparer le Canada à d’autres pays, en partie parce que les facteurs sont très différents d’un pays à l’autre. Aux États-Unis, il est abondamment clair que les armes à feu sont probablement le premier point d’intervention. C’est aussi une excellente illustration du fait que le suicide n’est pas seulement une question de maladie mentale, puisqu’aux États-Unis les ménages possédant des armes à feu ont un taux de suicide de trois à cinq fois plus élevé que tous les autres, bien que rien ne montre que leur taux de maladie mentale soit plus élevé. Cela démontre d’excellente façon qu’il s’agit bien d’une question de santé publique. Le Canada ne peut pas en tirer les mêmes leçons que les États-Unis, où la possession d’armes à feu est un problème. C’est un domaine auquel il faudrait porter attention, mais le problème n’est pas aussi répandu.

Il est difficile de répondre à la question pour une autre raison. Quand on examine les tendances des taux de suicide au fil du temps, les résultats sont très différents selon la durée qu’on considère. Il y a une période de 12 années consécutives où le taux de suicide a augmenté aux États-Unis, mais a diminué au Canada. Cependant, si on considère la situation sur 30 ou 40 ans, les taux au Canada sont à peu près les mêmes qu’ils étaient dans les années 1970. On pourrait dire à peu près la même chose des États-Unis.

Il vaut certainement la peine de voir si d’autres pays ont des pratiques que nous n’avons pas. Parallèlement, au bout du compte, nous devrons trouver quelque chose qui correspond au contexte canadien parce que nous sommes suffisamment différents pour qu’il y ait des limites aux leçons à tirer de comparaisons avec d’autres pays. Le Dr Black a peut-être quelque chose de plus utile à dire.

Dr Black : C’est un excellent point. Par exemple, le taux de suicide rapporté en Italie est extrêmement bas, de trois à quatre par 100 000 habitants par année. Je reste incrédule devant ce chiffre. Je pense que nous mesurons des choses différentes. Nous savons, grâce à certaines études, que même la religiosité des médecins légistes peut déterminer le constat de suicide ou de non-suicide. L’utilisation de statistiques nationales présente de nombreuses difficultés.

En général, la situation du Canada est semblable, en gros, à celle du reste du Commonwealth. Souvent, ce sont les États-Unis qui donnent le ton à nos médias et dans nos débats politiques du fait de leur proximité, de leur poids démographique et de leur influence dominante dans les médias. Cependant leurs taux de suicide varient différemment des nôtres. M. Klonsky l’a très bien fait ressortir. J’aimerais signaler une différence notable. Pendant la pandémie de la COVID-19, les États-Unis ont offert des prestations d’aide très modestes à leurs citoyens, et leur taux de suicide a diminué d’environ 3,6 %. Au Canada, par contre, les prestations ont été relativement généreuses, et notre taux a diminué de 17 %. Je ne pense pas que ce soit une coïncidence. Je pense qu’on pourrait constater que les pays qui investissent dans l’aide à leur population en période de difficultés en retirent des avantages financiers considérables. Cet effet est confirmé par des études sur l’emploi, qui montrent que les difficultés économiques, qui se reflètent ordinairement dans le taux de suicide, sont largement éliminées lorsque les gouvernements investissent dans l’aide financière à la population en période d’austérité, plutôt que de réduire les programmes. Il y a de grandes leçons à tirer des interventions gouvernementales en temps de crise. Je pense que la pandémie nous révèle un phénomène très intéressant, à savoir que la baisse de notre taux de suicide en 2020 a probablement été plus forte que dans les autres pays.

La présidente : Docteur Black, puisque vous avez soulevé la question des armes à feu et du suicide, est-ce que le cadre fait entrer en ligne de compte la corrélation entre le contrôle des armes à feu et les suicides au Canada? La Coalition canadienne pour le contrôle des armes a constaté que la plupart des décès par arme à feu sont en fait des suicides. Devons-nous accepter ce constat? Recueillons-nous des données à ce sujet? Que pouvez-vous en déduire?

Dr Black : La mort par arme à feu demeure l’une des principales causes de suicide. Au Canada, la pendaison et la suffocation — désolé d’utiliser des termes aussi crus — viennent souvent au premier rang. De toute évidence, dans les régions rurales, la possession d’armes à feu et, par conséquent, les suicides par arme à feu sont plus élevés. Si nous regardons la différence entre les hommes et les femmes, nous voyons plus d’armes à feu, même au Canada. Le contrôle des armes à feu a certainement un rôle à jouer dans la prévention du suicide. C’est bien établi. Ce n’est pas controversé. Il y a une solide corrélation entre, d’une part, la réduction des suicides et, d’autre part, le contrôle judicieux des armes à feu, qui empêche les personnes suicidaires d’en acquérir, qui réduit l’accès aux armes à feu ou qui rend plus difficile leur utilisation impulsive.

Le sénateur Ravalia : Merci beaucoup à nos témoins.

J’ai réfléchi à ce que vous avez dit tout à l’heure, monsieur Klonsky, au sujet d’éviter de surcharger le cadre d’énormes quantités de données. Nous avons un nombre important de collectivités vulnérables, et il se peut qu’il n’y ait pas de solution applicable partout. D’après votre expérience de questions comme la diversité culturelle, la divergence entre les régions rurales, éloignées et urbaines, les groupes d’immigrants et de réfugiés et l’influence des médias sociaux, comment ces facteurs entrent-ils en ligne de compte dans l’élaboration d’un cadre plus souple, plutôt que rigide et fixe?

M. Klonsky : Je vous remercie de la question.

Cela nous ramène au point que j’essayais de faire valoir plus tôt. Je pense qu’il y a des principes universels de suicide qui offrent une grande souplesse et qui amèneraient à comprendre différemment ce qui se passe dans différentes collectivités. Je crois vraiment que 98 ou 99 % des suicides sont motivés par une douleur insurmontable et un désespoir devant l’avenir. La connectivité peut donner aux gens une raison de vivre qui rend même la douleur utile, si bien que le désir de suicide n’aboutit pas à une mort par suicide, à moins qu’existe la capacité de passer à l’acte. Je pense que ce sont quatre principes universels qui peuvent être appliqués partout. Cependant, lorsqu’on les applique à des collectivités différentes, à un groupe d’immigrants ou à une école différente, les histoires de douleur, de désespoir, d’obstacles à la connexion et de capacité différeront grandement. Cela permet une compréhension personnalisée de ce qui se passe dans le contexte. D’une part, nous voulons des initiatives déployées à l’échelle nationale; d’autre part, ces principes peuvent être mis en œuvre de manière à habiliter les collectivités ou les groupes particuliers à s’aider eux-mêmes.

Voici un exemple pénible. Il y a quelques années, une école secondaire aux États-Unis a commencé à voir un certain nombre de suicides. Ceux-ci avaient tendance à se produire sur le chemin de fer. Pour tout dire, les élèves se lançaient devant la locomotive. Mais les gens ne comprenaient pas ces principes. Même si des données à l’époque montraient que le taux d’idéation suicidaire dans cette école était à peu près le même que la moyenne nationale, la différence était ailleurs. Ce qui était différent, c’était le nombre de personnes qui passaient des pensées suicidaires aux actes. Ce qui s’est probablement passé, c’est que toutes les personnes tentées par le suicide, mais incapables d’imaginer comment s’y prendre, avaient maintenant des exemples de leurs pairs suicidés d’une certaine façon qui leur était accessible. Autrement dit, c’est leur capacité, cette quatrième voie, qui était différente. Cela est même ressorti des entrevues. L’école n’avait pas cette information. Elle a embauché plus de conseillers en orientation et essayé de rendre les choses moins stressantes, mais ses interventions manquaient la cible. Là où il aurait fallu intervenir, c’était sur le plan de la capacité: bloquer les accès aux chemins de fer, y poster des gardiens de sécurité, des panneaux de signalisation, les éclairer. C’était la première étape qui s’imposait et un exemple de la façon dont les principes généraux peuvent être appliqués à une collectivité en particulier.

Je suis d’accord avec vous pour dire que nous voulons des principes universels qui peuvent s’appliquer avec souplesse afin d’éviter d’imposer à des collectivités ayant des besoins particuliers des solutions qui ne conviennent pas. Je pense que c’est possible.

La présidente : Cela nous amène à la fin du temps prévu pour ce groupe de témoins. Messieurs Black et Klonsky, merci beaucoup de votre temps. Vos témoignages nous sont très utiles. Nous vous remercions de nous faire profiter de vos compétences.

Dans notre deuxième groupe de témoins, nous accueillons, par vidéoconférence, la Dre Johanna Henderson, directrice, Centre Margaret et Wallace McCain pour la santé mentale des enfants, des jeunes et des familles, et chercheuse principale, Programme pour les enfants, les jeunes et les nouveaux adultes, Centre de toxicomanie et de santé mentale; Dre Allison Crawford, médecin-cheffe, Parlons suicide Canada, Centre de toxicomanie et de santé mentale; et Mme Mara Grunau, directrice générale, Centre for Suicide Prevention.

J’invite maintenant chacune d’entre vous à faire sa déclaration préliminaire. Je vous rappelle que vous disposez chacune de cinq minutes pour votre déclaration préliminaire, qui sera suivie de questions de la part des membres du comité.

Dre Johanna Henderson, directrice, Centre Margaret et Wallace McCain pour la santé mentale des enfants, des jeunes et des familles; chercheuse principale, Programme pour les enfants, les jeunes et les nouveaux adultes : Je vous suis très reconnaissante, mesdames et messieurs les membres du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, de me donner l’occasion de vous parler aujourd’hui du Cadre fédéral de prévention du suicide. Pour me situer, je suis psychologue clinicienne spécialisée dans les soins aux enfants, aux jeunes et aux familles et chercheuse en services cliniques et de santé au Centre de toxicomanie et de santé mentale. Je suis également directrice générale de Carrefours bien-être pour les jeunes de l’Ontario, une initiative provinciale de transformation du système pour les jeunes.

À mon avis, le cadre doit être renforcé en mettant davantage l’accent sur l’intervention clinique, les pratiques éprouvées et les données sur les résultats obtenus. De plus, il est essentiel de mettre davantage l’accent sur l’intervention précoce auprès des jeunes. Je discuterai des possibilités d’intervention du système pour lutter contre le risque de suicide chez les jeunes en tirant parti des nouveaux services intégrés pour les jeunes, des systèmes d’apprentissage en santé et de l’amélioration des observations probantes et des données.

La situation des jeunes est spéciale en ce sens que ceux-ci ont à traverser une succession rapide de stades de développement, de tâches et de jalons de leur parcours de l’enfance à l’âge adulte. Les principaux risques liés au suicide comprennent des facteurs familiaux et sociaux comme l’exposition à la violence et à l’intimidation, des problèmes de santé mentale comme la dépression et des problèmes de toxicomanie comme les méfaits de la consommation de substances et l’intoxication aiguë.

Malgré les avantages du traitement spécialisé des traumatismes et des problèmes de santé mentale et de toxicomanie, la majorité des jeunes qui pourraient bénéficier de ces services ne les reçoivent pas. Les jeunes qui veulent accéder à ces services sont aux prises avec de longues listes d’attente, puisque l’accent est mis sur l’évaluation plutôt que sur le traitement, et avec un système fragmenté qui ne répond pas de façon holistique aux besoins des jeunes. L’occasion de réduire le risque de suicide est manquée.

Au cours des sept dernières années, des services intégrés pour les jeunes, souvent abrégés SIJ, ont été créés conjointement avec des jeunes, des membres de leur famille, des fournisseurs de services et des chercheurs afin de combler les lacunes importantes qui existaient dans les services offerts aux jeunes. Les SIJ regroupent les services dans divers domaines — santé mentale, soins de santé primaires, toxicomanie, éducation, emploi, culture, logement et autres soutiens communautaires et sociaux — de façon à constituer un modèle de prestation de services à guichet unique où l’accent est mis sur l’accès rapide et facile à des interventions cliniques adaptées au développement des jeunes de 12 à 25 ans. Les services sont offerts sans rendez-vous le soir et la fin de semaine, moments où, souvent, d’autres services ne sont pas disponibles. À l’heure actuelle, l’accès à ces services est essentiel pour répondre aux besoins des jeunes qui éprouvent une détresse psychologique intense, précurseur habituel de l’automutilation intentionnelle, des pensées suicidaires et des tentatives de suicide.

À l’heure actuelle, la plupart des provinces et des territoires se sont engagés à mettre en œuvre des initiatives de services intégrés pour les jeunes. Environ 50 centres de SIJ sont en place dans l’ensemble du Canada, y compris dans des collectivités inuites et des Premières Nations. Soixante autres sont en voie d’être créés.

Deux des initiatives provinciales de SIJ les mieux établies, Foundry en Colombie-Britannique et Carrefours bien-être pour les jeunes en Ontario, ont fourni des services à des milliers de jeunes, tant en virtuel qu’en personne, pendant la pandémie. Environ 40 % de ceux-ci ont déclaré qu’ils n’auraient pas su à qui s’adresser ou ne seraient allés nulle part sans les SIJ. En particulier, les jeunes s’identifiant comme étant 2SLGBTQ+, qui, en tant que groupe, sont touchés de façon disproportionnée par les problèmes liés au suicide, ont plus souvent que d’autres recours aux SIJ, ce qui démontre la capacité des SIJ de combler une lacune de longue date dans nos systèmes de santé mentale et de traitement de la toxicomanie.

Les initiatives des SIJ comme les Carrefours bien-être pour les jeunes et Foundry offrent également des soins basés sur des évaluations mesurées au moyen d’une plateforme de données communes. Cela permet de suivre activement les progrès des jeunes et les résultats individuels dans le du temps et facilite également l’amélioration continue des services aux niveaux local et provincial. Il importe de signaler que, comme il s’agit d’un système d’apprentissage en santé, il est facile de cerner les nouveaux besoins des jeunes et les innovations utiles sur le plan des services et, selon la situation, de répondre aux besoins ou de calibrer les services.

La prochaine étape consistera à faciliter la mise en place d’un système pancanadien d’apprentissage en santé, un SIJ-Net, qui permettra aux jeunes, aux familles, aux dirigeants communautaires, aux fournisseurs de services et aux chercheurs de partout au Canada de travailler ensemble pour répondre à des questions auxquelles nous n’avons pu répondre séparément. En travaillant ensemble, nous aurons la possibilité de mieux comprendre ce qui fonctionne pour telle ou telle personne pour ce qui est du dépistage précoce des risques de suicide et du besoin d’intervention rapide. De concert avec les jeunes, nous pouvons les aider à bâtir une vie qui vaut la peine d’être vécue.

Merci de votre attention.

Dre Allison Crawford, médecin-cheffe, Parlons suicide Canada : Bonsoir. Je remercie les membres du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie de m’avoir invitée à témoigner à titre d’expert dans le cadre de votre étude sur le Cadre fédéral de prévention du suicide.

Je suis psychiatre et clinicienne-chercheuse au Centre de toxicomanie et de santé mentale de Toronto et professeure agrégée au département de psychiatrie de l’Université de Toronto. J’exerce deux rôles qui se rapportent directement à l’importance accordée par le comité à la prévention du suicide, en particulier sur le plan de la santé publique. Je suis médecin-cheffe à Parlons suicide Canada, la ligne d’écoute téléphonique nationale financée par l’Agence de la santé publique du Canada. Le Centre de toxicomanie et de santé mentale est l’un des partenaires fondateurs de Parlons suicide Canada et a été choisi pour diriger la mise en place du 988, la ligne téléphonique à trois chiffres que vient d’approuver le CRTC.

Je suis également directrice médicale des soins en virtuel et des services de psychiatrie dans les régions rurales et mal desservies et je supervise les services de psychiatrie au Nunavut. J’ai beaucoup travaillé avec l’Inuit Tapiriit Kanatami et j’ai été l’experte-conseil principale dans l’élaboration de la Stratégie nationale de prévention du suicide chez les Inuits. De plus, je suis conseillère scientifique auprès du Groupe de travail sur le développement durable du Conseil de l’Arctique, qui valorise la participation des jeunes et des collectivités dans les efforts de prévention du suicide.

Je vais décrire brièvement comment notre travail à Parlons suicide Canada et la ligne 988 s’inscrivent dans le Cadre fédéral de prévention du suicide et faire ressortir les domaines à élargir qui s’appliquent également à ce cadre.

Parlons suicide Canada offre un soutien aux personnes en situation de crise vivant au Canada par l’entremise d’intervenants formés, en français et en anglais, et est disponible 365 jours par année, 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Nos priorités en matière de services comprennent la création d’un réseau communautaire de centres de crise, la formation d’intervenants en prévention du suicide partout au Canada, l’amélioration de l’équité des services de crise — en d’autres mots, l’assurance d’être présents dans un éventail diversifié de collectivités — la présentation d’une approche éprouvée pour l’intervention en cas de crise et la prévention du suicide, ainsi que la lutte contre la stigmatisation entourant le suicide en favorisant des discussions ouvertes sur le sujet. Nous croyons que la ligne 988 offrira partout au pays un accès facile au soutien essentiel aux personnes en situation de crise suicidaire. Ce travail répond aux objectifs stratégiques du Cadre fédéral de prévention du suicide.

Sur certains points, un effort accru immédiat est nécessaire. J’ai adapté mes observations aux services de crise, mais elles s’appliquent aussi au cadre fédéral de façon plus générale. Le premier est l’équité. Nous devons nous assurer que les services de crise sont culturellement adaptés et valables pour tous ceux qui en ont besoin. Les services de crise fournis par et pour les collectivités des Premières Nations, des Inuits et des Métis constituent une priorité particulière.

Le deuxième point est la mise en œuvre. Cela concerne certainement le cadre fédéral. Nous savons que le 988 doit être établi suivant une approche communautaire, mais une mise en place réussie nous permettra également de formuler des recommandations sur la façon de mieux intégrer les services de crise dans le système de santé.

Le troisième point, dont on a beaucoup parlé aujourd’hui, est d’en mesurer les effets. La mise en place du 988 permettra d’en faire une évaluation plus rigoureuse. Il est essentiel d’examiner les résultats pour assurer un solide rendement du capital investi et déterminer l’orientation stratégique future. Toutefois, pour pouvoir examiner les résultats dans l’ensemble des secteurs, nous devons normaliser davantage les données sur le recours aux services de santé et les rapports des médecins légistes.

Le Cadre fédéral de prévention du suicide comporte beaucoup d’aspects positifs. Il a regroupé divers partenaires pour faire le point sur la prévention du suicide au Canada, et l’Agence de la santé publique a investi dans Parlons suicide Canada et d’autres services essentiels. Cependant, le cadre fédéral néglige certains aspects de la prévention du suicide. Je continue de croire, comme je l’écrivais dans un article paru dans le Journal de l’Association médicale canadienne en 2015, que le Canada a besoin d’une stratégie nationale de prévention du suicide. Le Canada est l’un des rares pays riches en ressources à ne pas en avoir, bien que nous sachions que les stratégies nationales sont une approche efficace. Les stratégies nationales diffèrent considérablement du cadre fédéral. Je sais que le cadre fédéral propose actuellement un plan d’action connexe, mais je ne crois pas que cela réponde aux critères d’une stratégie nationale de prévention du suicide.

En terminant, et c’est le plus important, nous devons penser à la prévention du suicide tout au long de la vie et investir dans l’intervention auprès des jeunes enfants. Il s’agit d’une mesure audacieuse, mais essentielle. Les enfants exposés à l’adversité pendant la petite enfance, notamment à la maltraitance et aux traumatismes, sont beaucoup plus à risque de se suicider plus tard au cours de leur vie. Nous ne devrions pas attendre que les gens appellent les lignes d’écoute. Il s’agissait d’un élément clé de la Stratégie nationale de prévention du suicide chez les Inuits, mais des efforts de ce genre sont nécessaires partout au Canada pour vraiment faire des progrès dans la prévention du suicide.

Merci encore de m’avoir invitée à m’adresser à vous aujourd’hui.

Mara Grunau, directrice générale, Centre for Suicide Prevention : Bonjour. Je me joins à vous aujourd’hui à partir du territoire du Traité no 7, terre ancestrale de la Confédération des Pieds-Noirs, des Nations de Stoney Nakoda et de Tsuut’ina et de la nation métisse de l’Alberta, région 3.

Je remercie les membres du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie de m’avoir invitée à prendre la parole à la réunion d’aujourd’hui. Je suis la directrice générale du Centre for Suicide Prevention, une antenne de l’Association canadienne pour la santé mentale.

Comme l’ont fait ressortir beaucoup des témoignages saisissants entendus aujourd’hui, le suicide est complexe parce que les gens sont complexes. Toute personne qui envisage le suicide le fait pour des raisons qui lui sont propres. Il y a de nombreux facteurs déclencheurs qui peuvent amener quelqu’un à envisager le suicide, certains étant liés à la maladie mentale, d’autres à des déterminants sociaux. Pour la plupart, c’est l’interaction de ces facteurs qui les amène au point de suicide. Les gens qui y songent, ceux qui tentent de se suicider, ne cherchent pas à mourir. Ils veulent un moyen d’échapper à leur intense douleur psychologique ou à leur profond sentiment d’incapacité. C’est pourquoi ce travail est important.

Je me fais l’écho d’autres témoins lorsque je dis que, pour réduire le suicide, nous avons besoin d’une approche en santé mentale axée sur les personnes et d’une approche en santé publique axée sur les populations. Je vais m’attarder à quatre domaines de travail dans le cadre fédéral actuel qui peuvent être élargis.

Encore une fois, comme d’autres témoins l’ont déjà souligné, j’aimerais insister sur l’importance des données. Comme tout le monde ici le sait, certains groupes de personnes ou groupes prioritaires sont plus touchés par le suicide que la population en général. Bien qu’elles soient rapportées par les collectivités et révélées dans les études, il nous manque une façon systématique de recueillir périodiquement ces données.

L’Agence de la santé publique du Canada rencontre actuellement les médecins légistes et médecins examinateurs des provinces et des territoires pour étudier la normalisation de la pratique. Il est également possible d’élargir et de normaliser les certificats de décès, par exemple. La collecte de renseignements comme l’indigénéité, l’ethnicité, la profession et l’identité de genre nous aiderait à mieux comprendre ce qui se passe dans divers groupes démographiques, ce qui pourrait nous amener à orienter avec plus de précision nos efforts sur la base de données valables.

Les lignes d’écoute jouent un rôle essentiel dans l’accès aux soins de santé mentale. L’investissement et l’engagement du gouvernement fédéral dans Parlons suicide Canada et dans la mise en place de la ligne 988 permettront à un plus grand nombre de personnes d’avoir un accès facile aux soins. Si l’on se fie à l’expérience des États-Unis, on peut s’attendre à une forte augmentation du nombre d’appels avec l’avènement du 988. Par conséquent, nous devons également élargir l’offre de soutiens en cas de crise afin que les intervenants de la ligne d’écoute aient la possibilité d’aiguiller leurs interlocuteurs vers d’autres services.

L’élaboration de normes nationales pour les services de santé mentale et de toxicomanie au Canada est un autre exemple du leadership fédéral. C’est la première étape pour aider à officialiser des services de santé mentale et de toxicomanie de grande qualité, fournis en temps voulu et culturellement adaptés. C’est ce à quoi les Canadiens sont en droit de s’attendre quant à la rapidité et à la qualité des services offerts au Canada.

En dernier lieu, comme d’autres l’ont tous dit, à mesure que nous progressons, nous devrons élaborer un cadre d’évaluation complémentaire afin de connaître au fur et à mesure l’utilité des efforts déployés. Nous devons pouvoir mesurer ce qui fonctionne, où et pourquoi en vue de soutenir le plus grand nombre possible de personnes. Nous avons beaucoup de travail à faire.

Merci de votre attention.

La présidente : Je remercie les témoins de leurs exposés très réfléchis.

Nous passons maintenant aux questions. Je rappelle à mes collègues que chacun disposera d’un temps de parole de cinq minutes, question et réponse comprises. Nous allons commencer par la sénatrice Bovey, du Manitoba, vice-présidente du comité.

La sénatrice Bovey : Je tiens à remercier tous les témoins. La complexité de cette question se reflète aussi dans les questions et les réponses.

Dans le groupe précédent de témoins, que vous avez sûrement entendus, il a été question de la nécessité de préciser la mise à jour du cadre fédéral. Pourtant, j’ai l’impression, après avoir entendu les cinq témoins d’aujourd’hui, que les besoins quant au cadre vont en augmentant. Je comprends bien que, pour le cadre fédéral de 2012, il fallait que le gouvernement fasse rapport après quatre ans et tous les deux ans par la suite.

Pour établir un cadre solide, fondé sur des données éprouvées et donnant des résultats positifs, comme nous l’espérons, quels sont les trois principaux problèmes à régler pour corriger les lacunes actuelles? Beaucoup plus de trois problèmes ont été signalés aujourd’hui, et j’ai besoin que vous m’aidiez à me concentrer sur les trois points qui vous paraissent les plus importants à inclure. Ma question s’adresse à chacune d’entre vous.

Dre Henderson : D’accord. Je peux peut-être commencer.

Premièrement, de mon point de vue, il est essentiel de mettre l’accent sur l’action, bien sûr, en réfléchissant vraiment aux mesures pratiques que nous pouvons prendre à court terme, puis en adoptant une vision à long terme. Deuxièmement, il faut que le cadre et le plan d’action décrivent des interventions précises fondées sur des données probantes, mais qu’ils ouvrent aussi la porte à des interventions qui produiront des données probantes. Il faut faire avancer les choses. Troisièmement, il faut que ce soit évalué. Sans plan d’évaluation, le cadre laisse à désirer. Ce seraient mes trois points principaux.

Dre Crawford : Je suis tout à fait de cet avis, et je vais maintenant en ajouter trois autres.

Je reviens avec les données. Il faut uniformiser les données disponibles pour suivre la situation à l’échelle nationale. Il faut qu’elles soient plus actuelles pour que nous puissions déceler les tendances à mesure qu’elles se dessinent. Il faut uniformiser entre les provinces — quelles données elles recueillent lorsqu’une personne met fin à ses jours. Nous ne savons pas ce que nous mesurons à l’heure actuelle, alors il est très difficile de bien évaluer les choses.

Je maintiens aussi que ce plan d’action n’est pas une stratégie nationale de prévention du suicide, parce qu’une stratégie s’attaquerait aux aspects complexes des différents piliers — les démarches de santé publique, les démarches cliniques. Elle regrouperait de multiples secteurs. À l’heure actuelle, nous ne savons pas qui est responsable de quoi ou si les ressources seraient suffisantes. Créer une stratégie nationale de prévention du suicide avec de bonnes données serait... Je vais m’en tenir à deux points.

Mme Grunau : C’est bien de passer en dernier, parce que je peux juste en ajouter.

Un aspect que nous devons examiner et que nous avons tendance à éviter, c’est la relation entre le gouvernement fédéral et les partenaires provinciaux et territoriaux. Une stratégie nationale, comme l’affirme la Dre Crawford, permettrait de vraiment mettre l’accent sur ce que le gouvernement fédéral peut faire. Quelles sont ces pratiques de normalisation que nous pouvons mettre en place et qui peuvent actionner des leviers aux niveaux provincial et territorial? Ne vous en faites pas tant avec le niveau de prestation des services de santé et voyez cela d’abord selon une approche systémique.

La sénatrice Bovey : Est-ce que cela comprend les besoins culturels que nous avons et qui se sont manifestés clairement dans différentes communautés culturelles du Canada?

Dre Crawford : Nous hochons toutes de la tête.

La présidente : Je le vois bien, mais allez-y, docteure Crawford.

Dre Crawford : Oui. Nous sommes toutes d’accord là-dessus. Certains des commentaires qu’on a entendus au sujet des approches raisonnées s’appliquent à l’échelle locale. Le leadership qui vient de la collectivité même est très important. Il y a toutes sortes de gens qui travaillent à la prévention du suicide dans les collectivités où le risque et les taux sont plus élevés, et qui sont bien placés pour faire ce travail avec un soutien adéquat.

La sénatrice Bovey : Merci.

La présidente : Sénatrice Bovey, je vais emprunter votre minute pour demander une précision. Docteure Crawford, avez-vous bien dit que la ligne 988 serait offerte en français et en anglais seulement?

Dre Crawford : Pour l’instant, c’est le mandat, parce que le lancement doit se faire en novembre 2023. Le délai est très serré. Je pense que tout le monde est conscient de l’importance de la langue pour l’équité et l’accès.

La présidente : Oui. Je fais remarquer qu’avec un groupe de témoins précédent, nous avons parlé de la stigmatisation associée au suicide dans certaines communautés culturelles. Si elles n’ont pas accès à des services culturellement... laissons tomber l’expression « culturellement adaptés ». Si elles n’ont pas accès à des conseils dans leur langue maternelle, je pense que c’est un problème. Mes collègues pourront y revenir dans leurs questions.

Le sénateur Patterson : Merci aux témoins.

Docteure Crawford, j’ai trouvé très intéressant d’apprendre que vous avez participé à la création de la Stratégie nationale de prévention du suicide chez les Inuits, qui a été conçue par des Inuits et qui a reçu de l’aide financière pour sa mise en œuvre. Nous sommes ici pour étudier le cadre fédéral. J’espère que ma question n’est pas difficile : comment la Stratégie nationale de prévention du suicide chez les Inuits peut-elle nous aider à améliorer notre cadre? Que pouvons-nous apprendre d’une stratégie conçue par des dirigeants inuits pour renforcer le cadre national?

Dre Crawford : Je sais que le cadre fédéral cite en exemple la Stratégie nationale de prévention du suicide chez les Inuits. Elle a certainement été reprise partout dans le monde, en particulier dans les milieux circumpolaires. Elle excelle à marier dans ses méthodes le savoir inuit et les données probantes sur les soins de santé. Elle illustre très bien comment les principes généraux issus des données peuvent aussi être appliqués efficacement à l’échelle locale, par l’entremise des dirigeants inuits dans ce cas. Dans sa portée, elle embrasse systématiquement tout le parcours de vie et elle comporte une évaluation. Elle montre certaines des choses qu’une stratégie nationale de prévention du suicide pourrait faire.

Le sénateur Patterson : Merci.

Plusieurs témoins nous ont dit aujourd’hui que nous n’avons pas suffisamment de données sur le suicide. Nous comptons trop sur les provinces, et il n’y a pas d’information sur les populations minoritaires, dont les populations autochtones. Que pouvons-nous recommander, en étudiant ce cadre, pour combler cette lacune apparente? Est-ce qu’il appartient à Statistique Canada d’intervenir et de recueillir ces données? J’aimerais que vous m’aidiez à éclaircir cette question.

Dre Henderson : Je me ferai un plaisir de faire quelques observations préliminaires.

Nous avons besoin de beaucoup plus d’investissements dans des plateformes de données intégrées qui transcendent les frontières et nous permettent de travailler avec toutes les sources de données. Au lieu de penser à des flux de données particuliers, nous devons réfléchir à la façon d’intégrer les données provenant des milieux de la recherche, des services administratifs et de la prestation des services. Pour déceler, par exemple, les signes précurseurs d’une douleur psychologique insupportable, nous devons mieux comprendre comment cela se présente dans tous ces contextes et avoir la puissance d’analyse qui vient avec les très grands ensembles de données. Pour ce faire, nous avons besoin que le gouvernement fédéral formule un engagement et une vision auxquels les provinces et les territoires puissent se rattacher, mais nous avons aussi besoin d’investissements pour à la fois construire et soutenir ce genre d’approche.

Le sénateur Patterson : Est-ce qu’il me reste du temps?

La présidente : Il vous reste 40 secondes.

Le sénateur Patterson : Docteure Henderson, très rapidement, vous avez dit que vous étiez responsable des services psychiatriques au Nunavut. Nous n’avons pas de psychiatres inuits ni de psychiatres résidents. On nous dit que la guérison passe par des initiatives inuites et par la connaissance des traumatismes subis. Que pouvons-nous faire pour offrir ce genre de services dans nos collectivités au lieu de nous fier aux meilleures intentions des psychiatres du Sud?

Dre Henderson : Je vais céder la parole à la Dre Crawford.

Dre Crawford : Merci, docteure Henderson.

Plus on formera de gens capables de faire le travail dans les collectivités inuites, que ce soit en médecine occidentale ou dans les démarches de guérison propres aux Inuits — et les deux sont nécessaires —, plus on va vraiment changer les choses, y compris la participation et l’engagement des personnes à qui s’adressent les services.

Le sénateur Patterson : Merci.

Le sénateur Kutcher : Avant de poser ma question, je demanderais aux témoins de bien vouloir envoyer au comité, par écrit, ce qui, à leur avis, devrait figurer dans notre rapport, c’est-à-dire quelles données sont nécessaires, quand et comment, et ce, de façon très détaillée. Vous en avez parlé, tout comme le Dr Black et M. Klonsky. Cela nous serait utile, parce que de toute évidence, cela manque au cadre. Nous pourrions demander la même chose à M. Klonsky et au Dr Black pour nous faire une idée exacte de ce que vous recommandez. Cela fait quatre ans maintenant que je fais le tour à Statistique Canada et au ministère de la Santé au sujet des données, et j’aimerais vraiment qu’on éclaire ma lanterne.

Ma question porte sur le cadre. On nous dit qu’il ne met pas l’accent sur des mesures de santé publique que nous savons efficaces, en particulier la restriction des moyens de suicide, et qu’il ne fait guère mention, voire pas du tout, de l’accès aux services cliniques ou de l’amélioration des soins cliniques. Deux d’entre vous ont parlé de l’importance de solides services cliniques et de l’accès aux services de crises. À votre avis, le cadre devrait-il comprendre des soins et des services cliniques en plus de certaines mesures de santé publique?

La présidente : Je vous vois toutes hocher de la tête, mais au moins une de vous doit répondre pour les besoins du compte rendu.

Dre Henderson : De mon point de vue, absolument. Le rôle d’un cadre est de servir de guide et de montrer la voie. Cela fait clairement partie de ses objectifs. Si nous ne pensons pas aux possibilités d’intervenir tout au long de la vie des jeunes et d’en changer le cours, nous ratons une occasion. Je sais que nous manquons de temps et que les autres ont aussi quelque chose à dire.

Mme Grunau : Je vous remercie de votre question, monsieur le sénateur. Je suis tout à fait d’accord pour dire que chaque personne est unique et que nous devons répondre à ses besoins là où elle est rendue dans sa vie. En même temps, le gouvernement doit veiller à la santé publique. Lorsqu’on parle de santé des populations, il faut y mettre les efforts nécessaires. C’est en travaillant sur ces deux plans que nous verrons un vrai changement dans la société en général.

Le sénateur Kutcher : J’aimerais entendre la Dre Crawford, qui a une certaine compétence en la matière.

Dre Crawford : Je suis d’accord avec mes collègues. Il y a la tension habituelle entre les champs de compétence fédérale et provinciale, mais une stratégie nationale qui confierait certaines choses aux provinces entrerait davantage dans le domaine clinique. Nous pourrions mettre en œuvre des programmes comme celui que supervise la Dre Henderson, les carrefours jeunesse, qui s’appuient sur des données probantes, et nous pourrions les rattacher aux domaines d’intérêt fédéral en santé publique. Il faut absolument des partenariats pour faire ce travail, à la fois en santé publique et dans les services cliniques.

Le sénateur Kutcher : Nous avons vu ces dernières années de très bonnes études et méta-analyses des interventions en prévention du suicide. Un des problèmes est qu’il n’y en a pas beaucoup qui s’appuient sur des preuves solides. Comment faire pour nous assurer d’inclure dans le cadre celles qui s’appuient bel et bien sur des preuves solides? Comment le cadre peut-il cerner celles qui semblent prometteuses, pour qu’on puisse pousser la recherche sur leur incidence et leur efficacité?

Dre Henderson : En partie, vous avez fourni la solution. Nous ne pouvons pas nous en tenir aux preuves actuelles. Nous savons que nos méthodes de recherche ont donné lieu à des distorsions et à des lacunes dans les données probantes. Comme vous l’avez souligné, l’incidence n’est pas aussi importante que nous le souhaiterions. En même temps, nous devons voir comment soutenir la production de nouvelles données probantes et l’innovation dans ce domaine si nous voulons vraiment obtenir de meilleurs résultats, et aussi élargir notre démarche de recherche pour que les données ainsi produites soient plus inclusives et tiennent compte de la culture, de l’identité et de l’intersectionnalité davantage que par le passé.

Le sénateur Brazeau : Bienvenue à vous toutes ici cet après-midi. Je me sens très honoré, privilégié et chanceux de pouvoir vous poser les questions suivantes en tant que survivant d’une tentative de suicide.

Dans de nombreuses communautés autochtones, le suicide avait pourtant quelque chose d’étranger, sans vouloir faire de jeu de mots. Cela ne se produisait pas très souvent. Malheureusement, comme c’est le cas pour de nombreux autres problèmes sociaux, les Autochtones sont encore surreprésentés dans les bilans de suicides. Ma question est la suivante : que pouvons-nous inclure dans le cadre en matière de directives pour attaquer de front ce problème de surreprésentation?

Mme Grunau : Je vous remercie, sénateur, de votre question et de nous avoir fait part de votre expérience aujourd’hui. Merci de nous faire confiance.

Il n’y a pas grand-chose que je puisse ajouter à ce que M. Klonsky nous a déjà dit au sujet de la compréhension des différentes communautés et de leur identité. Ce qui cause la douleur doit nous amener à nous demander comment faire pour susciter l’espoir. Cela revient à ce que nous disions tout à l’heure. Nous reconnaissons le traumatisme intergénérationnel et ses effets dans de nombreuses communautés autochtones du Canada, mais nous ne pouvons pas les traiter toutes de la même façon. Il faut s’en remettre aux gens eux-mêmes pour bien comprendre ce qui se passe précisément chez eux.

Dre Crawford : Dans la même veine, il est essentiel de faire participer des gens qui ont une expérience vécue parce que nous ne pouvons pas prétendre savoir. C’est pourquoi votre témoignage est particulièrement utile, sénateur. Nous intégrons cela à tous nos programmes, y compris au niveau des politiques.

Je viens de perdre le fil de ma pensée. Je m’excuse. Je vais céder la parole à la Dre Henderson, et peut-être que cela me reviendra plus tard.

La présidente : Cela arrive à des personnes âgées comme moi, et je suis contente de voir que je ne suis pas la seule.

Dre Henderson : Pour revenir à ce que je disais tout à l’heure, il faut éviter de s’en tenir seulement à nos données probantes actuelles, parce qu’elles dénotent une vision colonisatrice du savoir. Une partie de la solution à l’avenir sera de travailler de concert avec la communauté et d’avoir un leadership communautaire ancré dans la culture. Nous pourrons ainsi élargir notre définition du savoir et des données probantes, et emprunter de nouvelles avenues qui déboucheront sur des résultats.

Dre Crawford : J’ai retrouvé le fil de ma pensée, en suivant celui de la Dre Henderson. Je pense aussi que c’est un rappel très important. Nous parlons beaucoup du suicide au niveau personnel — et je sais que le Dr Black en a parlé dans ses observations —, mais il faut se rappeler le contexte social et historique. Si nous ne réglons pas certains problèmes d’équité fondamentale et si nous ne veillons pas à ce que les gens aient un gagne-pain et un logement, nous continuerons d’avoir des problèmes de suicide.

La présidente : Merci. Sénateur Brazeau, il vous reste une minute. Voulez-vous poser une autre question?

Le sénateur Brazeau : Ça va pour l’instant. Merci.

[Français]

La sénatrice Mégie : Merci d’être ici avec nous. Mes questions s’adressent à la Dre Crawford. Il s’agit de quatre questions, mais avec de très courtes réponses, je l’espère. Première question : depuis combien de temps existent les soins virtuels en psychiatrie?

[Traduction]

Dre Crawford : Je vous remercie de la question. On les a utilisés de façon expérimentale depuis les années 1950, mais ils se sont vraiment répandus au cours des 10 dernières années. Évidemment, durant la pandémie, ils ont pratiquement quintuplé. Le recours aux soins virtuels s’est vraiment accéléré ces deux dernières années et demie.

[Français]

La sénatrice Mégie : Merci. À quelle clientèle offrons-nous ces soins virtuels? Définit-on des clientèles en particulier ou est-ce pour tout le monde?

[Traduction]

Dre Crawford : C’est ouvert à tout le monde. Auparavant, il y avait beaucoup de restrictions et on pensait que les soins virtuels n’apporteraient rien de bon à certains types de personnes, ou même qu’ils leur causeraient du tort, mais il est admis maintenant que la plupart des gens peuvent en bénéficier ou y recourir. Nous devons nous assurer que les gens y consentent et que le clinicien qui les voit juge que c’est une bonne façon d’évaluer leur cas ou d’entrer en relation avec eux.

[Français]

La sénatrice Mégie : Depuis tout ce temps, avez-vous des rapports qui donnent des données sur les répercussions des soins virtuels sur le taux de suicide en général?

[Traduction]

Dre Crawford : Je n’ai rien vu qui établissait un lien entre les soins virtuels et les taux de suicide, mais à différents moments pendant la pandémie, j’ai été appelée à décrire davantage le contexte mondial des soins virtuels. Leur utilisation augmentait à peu près partout. C’est un des domaines où nous avons vraiment dû évoluer. Quels sont les paramètres cliniques pour le faire en toute sécurité si une personne est suicidaire? Les gens se sont donné des normes à l’échelle locale. Voilà un autre domaine où le Canada a besoin de normes d’application générale.

[Français]

La sénatrice Mégie : Merci. Puis-je poser ma dernière question? Quels sont les professionnels qui donnent ces soins virtuels? S’agit-il de psychiatres, d’infirmières spécialisées en psychiatrie, ou d’autres professionnels?

[Traduction]

Dre Crawford : Nous avons constaté d’énormes changements au cours des dernières années. Cela s’est répandu dans toutes les spécialités et disciplines. À l’avenir, je vois un enjeu clé dans le financement de ces services. À l’heure actuelle, ce sont surtout les médecins qui ont droit à du financement exprès pour les soins virtuels. Il faut envisager des formules de financement stable pour assurer les soins virtuels et, je dois ajouter, pour veiller à ce qu’ils soient sécuritaires au plan culturel et qu’ils ne grugent pas dans des programmes locaux.

[Français]

La sénatrice Mégie : Merci.

Sénateur Brazeau, pourriez-vous déposer votre étude? Je ne sais pas si vous l’avez déjà fait — je parle de l’étude que vous avez faite sur le suicide.

[Traduction]

La présidente : Merci, sénatrice Mégie. Nous posons des questions à nos témoins. Nous reviendrons plus tard aux questions destinées aux collègues.

La sénatrice McPhedran : Je ne veux pas présumer, mais je pense qu’à titre de témoins experts, vous avez toutes entendu la question que j’ai posée aux témoins précédents, alors je ne la répéterai pas. Vous savez qu’il était question des personnes qui vivent avec un handicap et des choix et des situations difficiles qui sont leur lot quotidien.

Je sais que chacune de vous, à sa façon, a parlé de la nécessité de l’intersectionnalité dans la collecte de données. Vous avez parlé de l’importance de saisir des données qualitatives et quantitatives. Ma question est assez générale. Pouvez-vous nous aider à mieux comprendre comment aborder la conception et la collecte de données qui rendent compte du vécu des personnes handicapées dans notre pays, et en particulier de celles qui sont pauvres?

Dre Crawford : Je vous remercie de cette question cruciale.

Dans le cadre de Parlons suicide Canada, nous cherchons notamment à comprendre l’utilisation des services par groupe sociodémographique, défini en particulier par le revenu, la race et l’origine ethnique. Nous n’avons pas ces données à l’heure actuelle. Je pense qu’il est très difficile de fournir des services équitables sans ces données. C’est une priorité.

Pour ce qui est de nos méthodes, nous travaillons actuellement avec le personnel de la sécurité publique et nous essayons de comprendre l’usage qu’il fait des services de crises. Les données quantitatives sont importantes, mais les données qualitatives le sont tout autant, car elles permettent de bien comprendre les points de vue des gens avant de savoir ce qu’il faut mesurer dans la santé des populations.

Mme Grunau : Notre organisation travaille un peu en application des connaissances et en recherche secondaire. Lorsque nous examinons les déterminants sociaux de la santé et leur incidence sur les populations prioritaires, nous essayons de faire une synthèse des connaissances et des recherches actuelles. Ensuite, lorsque nous rédigeons un mémoire sur l’application des connaissances ou une autre publication, nous invitons des gens de ces populations à venir nous rencontrer, soit dans un groupe de discussion, soit en entrevue seul à seul, simplement pour vérifier auprès d’eux la justesse de l’application des connaissances avant de la rendre publique, et nous la faisons aussi approuver par des gens qui dispensent des soins à ces populations.

Dre Henderson : Nous appliquons un modèle de cocréation à la recherche primaire, à la recherche secondaire, à la mobilisation des connaissances et à la prestation des services. Nous travaillons avec des jeunes qui ont du vécu, de l’expérience et une connaissance de l’intersectionnalité sous toutes ses formes, dont la neurodiversité, par exemple. Nous faisons cela entre autres à cause des longs retards dans l’application de la recherche et des données probantes qui ont été produites dans le passé, qui pourraient s’expliquer en partie par un manque de pertinence ou d’applicabilité dans des contextes réels. En travaillant avec les jeunes, les membres de la famille et les fournisseurs de services, comme avec les chercheurs eux-mêmes, nous en venons à poser des questions plus pertinentes. Nous concevons des méthodes de recherche plus inclusives, où les échantillons sont plus représentatifs des populations que nous espérons toucher, et où les interventions réelles répondent aux besoins des jeunes plus étroitement que le feraient d’autres modèles qui ne feraient pas appel à une participation aussi large.

La sénatrice Cordy : Merci beaucoup pour tous vos commentaires. Vous parlez en toute franchise et nous vous en sommes très reconnaissants.

Les témoins précédents ont dit que nous avions besoin de données, mais qu’elles doivent être exploitables et ne pas être encombrantes. Nous devrions savoir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Nous convenons tous que les données doivent être normalisées. Comment faire pour alléger les données que nous recueillons, pour qu’on puisse les exploiter, qu’elles ne soient pas encombrantes au point qu’il faut tellement de temps pour s’y retrouver que cela n’en vaut plus la peine? Il faut aussi savoir ce que nous devons mesurer pour déterminer ce que nous devons recueillir et ce qui serait efficace. Docteure Henderson, il faut que ce soit exploitable sans être lourd, mais j’ai trouvé votre commentaire très pertinent, à savoir que nous ne pouvons pas nous limiter aux partis pris que nous avons et que nous devons rechercher activement de nouvelles données probantes. Comment trouver un équilibre entre ce que nous savons qui fonctionne et le besoin de laisser entrer de nouvelles données sans que la masse d’information devienne encombrante au point de ne plus être exploitable?

Dre Henderson : Nous devons commencer par là où nous en sommes, tirer parti de ce que nous avons déjà en place. Nous devons faire le meilleur usage des plateformes de données communes et des ensembles de données minimaux que nous avons, et nous poser constamment la question : « Est-ce que ces mesures et ces méthodes-là captent bien ce que nous avons besoin de savoir? » Il faut faire les deux en parallèle. Nous ne pouvons pas attendre d’avoir de meilleures mesures parce qu’il nous faudra alors beaucoup de temps pour arriver à nos fins.

Dre Crawford : Je suis d’accord, et pour revenir à ce que disait M. Klonsky, une fois que vous avez établi vos priorités, si vous avez intégré l’évaluation à votre stratégie, vous pouvez faire un suivi et cerner alors les mesures qui vous ont été le plus utiles pour répondre à telle ou telle priorité. À l’heure actuelle, nous avons beaucoup de priorités, beaucoup de données différentes, et après coup, nous essayons de les apparier avec des données qui sont très en retard. Je pense qu’il faut tout resserrer pour être efficace.

Mme Grunau : J’ajouterai qu’une fois les priorités établies, nous saurons quelles questions nous voulons poser et nous verrons si nous avons les données qui nous aideront à y répondre. Sinon, cela nous aidera à mieux cerner ce que nous devons rechercher.

Le sénateur Ravalia : Merci beaucoup à nos témoins.

Ma question s’adresse à la Dre Crawford. Comment pouvons-nous nous assurer que notre cadre reste souple et adapté à notre démographie en constante évolution? J’ai été particulièrement frappé par deux points que vous avez soulevés au sujet de l’équité et de l’examen du parcours de vie. Les populations qui viennent d’arriver au Canada viennent de régions où des gens ont subi des traumatismes affectifs et physiques importants. Comment pouvons-nous adapter notre cadre aux besoins de populations aussi vulnérables?

Dre Crawford : Je pense qu’il faut connaître les priorités qui s’insèrent dans ce cadre, puis les appliquer auprès des groupes chez qui il y a des problèmes à régler. Les principes communs sont les mêmes. L’évaluation fréquente — que nous appelons souvent évaluation itérative ou évaluation rapide — est très importante. Il ne faut pas la faire seulement à la fin. Nous devons déceler les lacunes à mesure qu’elles apparaissent.

C’est l’autre raison pour laquelle la prévention du suicide doit être l’affaire de la communauté. On ne peut pas se contenter d’un centre d’appels, pour utiliser cette analogie, au milieu d’une grande ville. Il y a des gens dans tout le pays qui veulent participer à la prévention du suicide, et cela se produit partout. Il faut s’en servir pour connaître les besoins locaux à mesure qu’ils se manifestent.

La présidente : Merci beaucoup.

La séance est terminée. Je tiens à remercier tous nos témoins. Vos interventions ont été remarquables. Merci beaucoup. Nous vous sommes reconnaissants aussi de bien vouloir, comme l’a proposé le sénateur Kutcher, nous faire parvenir vos réflexions, collectives ou personnelles, sur la stratégie ou les principes de la collecte de données.

Je rappelle à tout le monde que la teneur de notre étude peut être difficile pour beaucoup de gens. Le Sénat offre des services de counselling à ses membres et aux employés du Parlement, par l’entremise de son programme d’aide aux employés et à leur famille.

Honorables sénateurs, notre prochaine réunion aura lieu demain à 11 h 30. Nous poursuivrons notre étude sur le Cadre fédéral de prévention du suicide et notre étude sur le rôle de l’analyse comparative entre les sexes dans le processus d’élaboration des politiques.

(La séance est levée.)

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