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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 20 octobre 2022

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui, à 11 h 31 (HE), avec vidéoconférence, pour son étude sur le Cadre fédéral de prévention du suicide; puis, à huis clos, il étudiera un projet d’ordre du jour (travaux futurs).

La sénatrice Ratna Omidvar (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonjour. Je suis Ratna Omidvar, sénatrice de l’Ontario et présidente du comité.

Avant de souhaiter la bienvenue aux témoins, je tiens à faire un avertissement quant au contexte de la réunion d’aujourd’hui. Notre comité poursuit son étude sur le Cadre fédéral de prévention du suicide. Nous allons donc discuter de sujets qui sont liés au suicide et à la santé mentale, ce qui pourrait déclencher des traumatismes chez les gens ici présents dans la salle ainsi que chez ceux qui nous regardent et qui nous écoutent à la maison. Les numéros de lignes d’écoute seront diffusés durant la réunion. Je rappelle aussi aux sénateurs et sénatrices ainsi qu’au personnel parlementaire qu’ils ont accès au programme d’aide aux employés et à leur famille, destiné aux sénateurs, et que ce programme offre des séances de counseling à court terme touchant les préoccupations professionnelles et liées au travail et aussi du counseling en cas de crise.

Notre premier témoin d’aujourd’hui est l’honorable sénateur Patrick Brazeau, du Québec. Sénateur Brazeau, merci beaucoup d’être avec nous aujourd’hui.

Chers collègues, sénateur Brazeau, le comité directeur a accepté de déroger à sa pratique habituelle de donner cinq minutes pour la déclaration préliminaire. Nous espérons tout de même que nous aurons du temps pour des questions, une fois que le sénateur Brazeau aura terminé sa déclaration. Sénateur Brazeau, vous avez la parole.

L’honorable Patrick Brazeau : Merci beaucoup, et bonjour à tous et à toutes. Je m’appelle Patrick Brazeau. Je suis Algonquin, membre inscrit d’une bande de la réserve Kitigan Zibi-Anishinabeg près de Maniwaki, au Québec. Je suis aussi le fils d’une mère canadienne-française et le père de six beaux enfants. Si je m’adresse à vous aujourd’hui, c’est parce que j’ai survécu à deux tentatives de suicide. Je vous en ai souvent parlé, et je ne replongerai pas dans les détails aujourd’hui. Je dirai simplement que, si nous voulons abattre les barrières et réduire la stigmatisation, nous devons pouvoir en parler ouvertement et donner de l’espoir à ceux et celles qui sont en difficulté.

Aujourd’hui, je suis ici en tant que collègue pour répondre à la question parrainée par le sénateur Kutcher. Sénateur, je vous remercie d’avoir proposé que le comité entreprenne cette étude.

[Français]

J’aimerais remercier la sénatrice Omidvar de son travail en tant que présidente. Elle prend son rôle très au sérieux. J’aimerais la remercier, ainsi que le comité directeur, d’avoir facilité les choses pour que je puisse disposer de suffisamment de temps ici aujourd’hui. Je leur suis grandement reconnaissant de leur esprit d’accueil et de leur flexibilité.

Aux membres du comité, merci de votre intérêt et de votre dévouement. Je tiens à vous remercier tous d’avoir courageusement abordé le sujet. Il n’est pas facile d’affronter et de critiquer le travail des experts, mais vous avez pris les devants.

Aux chercheurs parlementaires, aux greffiers du comité et au personnel, je vous remercie aussi pour vos efforts. De même, je tiens à remercier tous les membres du personnel, qui n’ont eu d’autre choix que de suivre notre volonté de faire cette étude. Cela peut être très difficile, surtout si on a perdu quelqu’un de cette façon. Je ne connais pas personnellement tous les membres du personnel, mais nous sommes tous dans le même bateau.

Certains m’ont contacté en privé pour me dire à quel point ce travail compte pour eux. Je dirai simplement que votre soutien moral et votre gentillesse m’ont donné de la force et que je vous en remercie.

Aux experts et aux témoins spécialisés qui ont pris le temps de témoigner et de répondre à nos questions, j’ai été particulièrement intéressé d’entendre les témoins autochtones, hier. Merci de consacrer votre vie professionnelle à aider les autres. Je peux imaginer que ce n’est pas un parcours facile, jour après jour, d’essayer de comprendre et de faire quelque chose.

Bien que ceux d’entre nous qui siègent à cette table reçoivent le titre « honorable », consacrer sa vie professionnelle à la réduction et à la prévention du suicide est vraiment une voie honorable.

Enfin, je veux faire quelques remerciements très spéciaux. Je remercie tout particulièrement la sénatrice Frances Lankin de m’avoir offert son siège au sein de ce comité pour la durée de cette étude. Bien que tout sénateur soit libre d’assister à n’importe quelle réunion du comité, le fait d’être un membre à part entière a été essentiel, et je suis reconnaissant à la sénatrice Lankin de vivre selon ses valeurs de manière aussi personnelle. La sénatrice Lankin joint le geste à la parole et je l’admire pour cette raison.

[Traduction]

Chers collègues, je vais maintenant faire quelques observations générales, puis je répondrai à vos questions.

Il est impossible de parler du Cadre de prévention du suicide sans parler du suicide et de la prévention du suicide. Avec respect, le comité le sait déjà. C’est pourquoi il a sagement décidé d’afficher des numéros de ligne d’écoute au cas où quelqu’un ressentirait de la détresse, mais ce n’est pas nos discussions sur les cadres gouvernementaux ou sur des points de données anonymes qui causent de la détresse, c’est le sujet du suicide lui-même qui crée de la détresse. À dire vrai, c’est un sujet qui crée tellement de détresse que nous faisons souvent tout ce que nous pouvons pour éviter d’en parler ouvertement, même durant l’étude d’un comité sénatorial sur la question. J’espère que vous comprenez tous que je fais ce commentaire avec énormément d’humilité et de respect, pour que vous puissiez y réfléchir. Cela dit, parlons maintenant du cadre fédéral.

Comme de nombreux témoins l’ont déclaré, une refonte du cadre fédéral s’impose. Une faiblesse évidente est qu’il n’intègre aucune composante d’évaluation. Ses forces sont ses principes directeurs, que nous pouvons tous appuyer, par exemple le principe de renforcer l’espoir et la résilience, de tirer parti des initiatives complémentaires et des partenariats, de s’appuyer sur les données probantes et d’appliquer une approche de santé publique.

Le cadre fédéral souffre du même mal que votre étude : il s’agit d’un problème de ciblage et de proportionnalité. Si nous voulons réduire le plus possible les taux de suicide au Canada, nous devons axer la recherche, les programmes et les évaluations sur les populations où il y a le plus de suicides. Mesdames et messieurs, les chercheurs s’entendent sur le fait que ces populations sont les Autochtones et les hommes. Si on pouvait réduire de moitié les suicides dans ces deux groupes seulement, cela changerait toute la situation au Canada. Honorables sénateurs et sénatrices, je n’essaie pas ici de comparer la souffrance des divers groupes. Ce n’est pas un concours. Nous ne devons jamais nous arrêter à comparer la douleur. Il s’agit plutôt de cibler les priorités. Il est vrai que leurs problèmes sont complexes et profondément ancrés, mais ces populations sont celles qui ont le plus besoin d’aide.

J’ai été heureux de voir des experts autochtones. C’est une bonne chose, mais avec respect, vu la proportion de suicides chez les peuples autochtones du Canada, cela aurait dû être la priorité. Mais ce n’est pas seulement une question d’être en tête de file, de pouvoir s’exprimer en premier; c’est qu’il faut commencer par les problèmes les plus importants d’abord et se focaliser sur ces problèmes. Quiconque prétend avoir quelconque expertise sur le suicide au Canada doit absolument, d’abord et avant tout, avoir énormément de connaissances sur la santé mentale des Autochtones et la santé mentale des hommes.

J’ai été un peu découragé de constater qu’aucun groupe d’experts en santé mentale des hommes ne participe à votre étude, et ce, pour la même raison : les hommes comptent pour 75 % des suicidés. Trois suicidés sur quatre sont des hommes. Votre comité prend bien soin d’appliquer une démarche comparative entre les sexes lorsqu’il étudie des questions stratégiques, mais ce que je vous demande aujourd’hui, c’est de reconnaître le genre des hommes et des garçons et de mobiliser des ressources pour les dissuader de poser ce dernier geste fatal. L’analyse comparative entre les sexes sert à évaluer des inégalités systémiques, et l’histoire nous a montré que le fait de mettre en relief les inégalités systémiques peut entraîner de la résistance et parfois de l’hostilité. Il faut une certaine humilité, au moment d’examiner les données, pour reconnaître que nous n’avons pas distribué proportionnellement les ressources pour lutter contre le suicide des hommes et des garçons.

Lorsque vous examinerez les données, je vous invite à consulter le rapport produit par mon bureau, qui porte spécifiquement sur la prévention du suicide et les besoins en santé mentale des peuples autochtones et des hommes et des garçons au Canada. Je crois que la présidente l’a transmis à tous les membres. Le public peut trouver le rapport sur la page Web du comité, à l’onglet « Mémoires et autres documents »; il existe dans les deux langues officielles. Pour le moins que je puisse dire, cela n’a pas été facile d’attirer l’attention du Parlement sur ce rapport, mais j’essaie à nouveau. Je l’ai déposé au comité aux fins de votre présente étude. Je demande à tous les sénateurs, aux témoins, aux chercheurs et aux Canadiens de le lire et de réfléchir aux solutions qui auront un impact sur les populations clés.

Quand j’ai souligné qu’aucun expert en santé mentale des hommes n’avait été invité dans le cadre de votre étude, je me suis demandé si le Canada n’avait tout simplement pas cette expertise. Rapidement, j’ai découvert que ce n’est pas le cas. De fait, M. Rob Whitley, professeur agrégé au département de psychiatrie de l’Université McGill et chercheur scientifique au Centre de recherche Douglas, par exemple, a écrit énormément d’articles sur la santé mentale des hommes et la prévention du suicide. Il a publié un livre intitulé Men’s Issues and Men’s Mental Health: An Introductory Primer, un ouvrage rigoureusement documenté, mais assez facile à lire pour un profane. Ce livre, chers collègues, représente des dizaines d’années d’expérience en santé mentale des hommes.

Dans son chapitre sur les déterminants sociaux du suicide masculin, M. Whitley souligne qu’il y a six groupes d’hommes qui présentent les plus hauts risques : sans les mettre dans un ordre particulier, il s’agit des hommes d’âge moyen, des hommes autochtones, des anciens combattants, des hommes vivant dans les régions rurales et éloignées, des hommes blancs et des hommes ciblés par le système de justice pénale. M. Whitley a décrit une combinaison de facteurs interreliés qui semblent exacerber le problème : il s’agit de facteurs liés à l’emploi, à l’état matrimonial, au divorce et aux problèmes familiaux, aux problèmes de santé mentale et à la toxicomanie.

Idéalement, M. Whitley aurait été présent aujourd’hui pour vous parler de ses études et pour répondre aux questions que vous devez sûrement vous poser, après avoir entendu ce que je viens de dire, mais vu les délais très serrés de cette étude, il était impossible qu’il témoigne aujourd’hui. Il a cependant présenté au comité un mémoire très instructif, et je vous invite tous à le consulter très attentivement.

Il y a certains faits de base à propos du suicide masculin et des principes de prévention que nous devons tous et toutes connaître. Comme je l’ai dit plus tôt, nous ne sommes pas des experts si nous ne comprenons pas l’information fondamentale dans ce domaine, et nous ne pouvons même pas nous considérer comme des gens informés. Si nous ne savons pas qui sont les gens qui se suicident, dans quelle proportion et pourquoi, nous ne pouvons pas étudier la question de la prévention du suicide, et, si nous ne pouvons pas étudier la prévention du suicide, nous ne sommes certainement pas qualifiés pour évaluer un cadre national.

Honorables sénateurs et sénatrices, ce que vous avez entrepris est admirable. Je vous en suis reconnaissant, professionnellement et, évidemment, très personnellement. Je vous demande, avant que vous ne déposiez votre rapport, de réfléchir profondément et de façon critique à la place accordée aux peuples autochtones et aux hommes dans votre étude. Leur donnez-vous l’attention qu’ils méritent, compte tenu de la proportion qu’ils représentent?

Avant de répondre à vos questions, j’aimerais m’adresser directement aux personnes qui, autochtones ou non, hommes ou non, éprouvent de la difficulté présentement en regardant la diffusion. Vous n’êtes pas seuls. Vous avez de la valeur. Nous avons besoin de vous, parce que vous avez votre place ici. Nous vous aimons. S’il vous plaît, demandez de l’aide maintenant et acceptez la main qu’on vous tend. S’il vous plaît, téléphonez au numéro affiché à l’écran, et si vous ne le voyez pas à l’écran, peu importe la raison, le numéro est le 833-456-4566; par message texte, c’est le 45645. Pour mes frères et sœurs autochtones, qui se sentiraient peut-être plus à l’aise avec une ligne d’écoute adaptée à leur culture, s’il vous plaît téléphonez à la ligne d’écoute Espoir pour le mieux-être, au 855-242-3310.

Je vous remercie de votre temps et de m’avoir écouté. Je répondrai avec plaisir à vos questions. Meegwetch.

La présidente : Sénateur Brazeau, merci beaucoup de vos commentaires. Merci également d’avoir déposé votre étude au comité. Je suis certaine que nous l’avons consultée. Je pense que votre déclaration ici aura de profondes répercussions, et le temps est justement opportun, puisque nous sommes en train d’examiner l’ébauche du rapport.

Sénateur Brazeau, peut-être que je pourrais poser la première question. Vous avez dit au comité, et vous l’avez dit à nouveau aujourd’hui, que nous devons adopter une démarche comparative entre les sexes pour examiner la prévention du suicide chez les Autochtones, en mettant particulièrement l’accent sur les hommes, parce que les données montrent que le taux de suicide chez les hommes est disproportionné, au Canada. Je crois connaître la réponse, mais j’aimerais vous l’entendre dire : le cadre tenait-il compte de la population des hommes autochtones, et si oui, comment? Dans le cas contraire, que devrait-on y ajouter, selon vous?

Le sénateur Brazeau : Avant tout, merci de votre question.

Si vous consultez le cadre, vous constatez qu’il s’agit surtout d’un document idéaliste. Cela dit, son contenu est très pauvre, présentement. Si quoi que ce soit avait été prévu au cours des 10 dernières années spécifiquement pour les peuples autochtones, pour les garçons et pour les hommes, nous ne serions probablement pas ici à en discuter ce matin.

Je ne suis pas un expert. Je ne suis ni psychiatre, ni psychologue, ni chercheur. Mais j’ai vécu des choses, et je sais compter. Quand on sait que trois suicides sur quatre sont commis par des hommes, peut-être que cela veut dire que nous avons tout simplement fait ce que nous avons toujours fait dans le passé, c’est-à-dire penser que les hommes sont forts, que les hommes sont censés être des durs et que les hommes n’ont pas besoin d’aide, qu’ils vont se débrouiller seuls. Je suis la preuve vivante que cela n’est pas vrai. Cela n’est tout simplement pas vrai.

Comme je l’ai dit, je ne suis pas un expert, mais il faut que le cadre utilise des termes forts, qui ont du mordant. Au cours de la prochaine décennie, quand le gouvernement fédéral va s’attaquer à ce problème et mettre en œuvre des programmes, surtout pour les peuples autochtones, il faut qu’il soit indiqué en termes forts qu’on cible ces deux populations. Dans le cas contraire, et je suis triste de le dire, mais je peux prédire sans hésiter que, si nous n’aidons pas ces deux populations spécifiques, nous sommes de retour ici dans 10 ans. Dans 10 ans, si ma santé est bonne — espérons-le —, je serai de retour ici pour vous dire : « Je vous l’avais dit. » J’espère que cela n’arrivera pas.

Je sais que de nombreuses études comme celles-ci sont souvent entreprises par le Sénat et par la Chambre des communes quand elles reçoivent l’appui du gouvernement au pouvoir. Mais nous devons aller plus loin. Nous devons suivre les données. Si nous ne le faisons pas, nous allons revenir à la case départ. Il nous revient, collectivement, de décider exactement ce que nous voulons faire et ce que nous voulons recommander. Je dirais simplement que nous devons avoir le courage moral, parfois, de dire ce qui doit être dit. Le Sénat est la Chambre de second examen objectif. Je ne sais pas, mais je ressens énormément de frustration et peut-être même un peu de colère, parce qu’il me semble que personne ne fait quoi que ce soit pour cela, alors je dis, chers collègues, faisons-le ensemble. Merci.

La présidente : Ce que vous dites ou ce que vous recommandez, c’est que nous devrions désigner spécifiquement les populations que vous venez de décrire plutôt que d’utiliser des termes généraux?

Le sénateur Brazeau : Absolument. Je ne vois pas d’autres façons de le faire. Je ne vois pas comment nous pourrions mener à bien cette étude en fermant tout simplement les yeux sur le fait que les populations autochtones sont surreprésentées, et nous savons tous pourquoi. Nous n’allons pas discuter des raisons qui expliquent cela. Nous sommes tous assez intelligents pour le comprendre. Il y a aussi les garçons et les hommes. Des hommes sains peuvent mettre fin à la violence. Nous n’avons pas besoin d’hommes forts ni de surhommes. Nous avons besoin d’hommes sains.

La présidente : Merci, sénateur Brazeau.

La prochaine question sera posée par la sénatrice Pat Bovey, la vice-présidente du comité.

La sénatrice Bovey : Sénateur Brazeau, je tiens à vous féliciter. Je vous félicite de votre dévouement, de votre honnêteté, de votre ouverture et de votre sincérité, et je vous félicite d’avoir continué à braquer un projecteur non seulement sur ce problème national, qui concerne nos peuples autochtones, mais aussi sur votre propre histoire. Cela prend du courage. Alors, bon courage, mon ami.

Dans votre rapport — et je tiens à vous féliciter aussi pour ce rapport —, je trouve vos recommandations éloquentes. L’une de vos recommandations était d’adapter les soins de santé aux pratiques culturelles autochtones. Vous savez à quel point je valorise le rôle de la culture dans tous les aspects de la société. Vous recommandez aussi que les travailleurs sociaux qui travaillent auprès des collectivités autochtones soient mieux formés et davantage sensibilisés à la réalité et aux cultures autochtones.

Comment pouvons-nous mettre cela à l’avant-plan dans le cadre fédéral, mais aussi dans la société en général? J’appuie vos recommandations, et je connais certaines des familles dans le Nord dont les — je vais dire les garçons — se sont suicidés au cours des dernières années. Quand je discute avec les gens de ces communautés, on me dit qu’il y en a eu quatre dans les deux dernières semaines, quatre dans le dernier mois. C’est horrible.

Le sénateur Brazeau : Merci, sénatrice Bovey, de votre question. Merci de votre amabilité. Je vous en suis très reconnaissant.

Chaque fois qu’il est question des peuples autochtones au Canada, il faut toujours attendre le point critique, parce qu’il y a un manque de volonté politique. Il y a toujours un manque de volonté politique. Si 75 % des suicidés étaient des femmes, ou des gens de n’importe quel autre groupe, je pense que nous agirions très rapidement. Mais peut-être que, puisque ce sont des hommes et que nous avons ces idées traditionnelles de ce qu’un homme doit être, nous rendons un mauvais service à beaucoup de gens et à beaucoup de familles en ne ciblant pas cette population.

Il faut une volonté politique. Il faut des ressources. Il faut de l’argent. C’est drôle, et c’est ironique, mais, quand il est question des problèmes autochtones, il n’y a jamais assez d’argent. Il y a seulement de l’argent quand il y a un problème vraiment grave ou alors une urgence. Quand cela arrive, on trouve des fonds. Mais pour la question du suicide en particulier et la sous-représentation des suicidés autochtones, où sont les programmes pour aider ces personnes? Il y en a très peu. Il y en a quelques-uns, mais vraiment pas beaucoup. À la place, nous avons des non-Autochtones et des travailleurs de la santé qui ne sont pas nécessairement sensibilisés à la réalité et aux cultures autochtones. Cela pose problème. Pour répondre directement à votre question, cela dépend de la volonté politique et des ressources, voilà tout.

La sénatrice Bovey : Pour revenir aux ressources, si vous me le permettez, des représentants de Services aux Autochtones, entre autres ministères, ont témoigné hier soir devant le comité des finances. J’ai posé la même question à propos de la santé et de la santé mentale, et j’ai demandé où étaient les fonds pour Services aux Autochtones. Je vais devoir continuer de poser la question, parce que je n’ai pas vraiment obtenu de réponse.

La présidente : Sénatrice Bovey, est-ce que c’était une question ou une observation?

La sénatrice Bovey : Le sénateur en sait beaucoup plus sur le sujet.

La présidente : Sénateur Brazeau, vous avez une minute pour répondre à la question.

Le sénateur Brazeau : Je dirais simplement que, en tant qu’ancien chef national d’une organisation nationale, je connais très bien les pièges et les difficultés qui se présentent quand on essaie d’accéder aux ressources, parce que tous les ministères travaillent en vase clos. Il y a différentes enveloppes de financement un peu partout. Le gouvernement du Canada le sait très bien, et il permet cela; il a créé un système où les peuples et les organisations des Premières Nations doivent se battre pour les miettes qu’on leur laisse.

La présidente : Merci, sénateur.

Le sénateur Patterson : Merci beaucoup de vos commentaires aujourd’hui, sénateur Brazeau, et tout le reste. Je suis très content que vous participiez à notre étude et de savoir que vous allez nous aider à rédiger notre rapport et nos recommandations pour le gouvernement, la semaine prochaine.

Je pense qu’il ressort clairement de votre recommandation que le cadre, qui ne semble pas avoir donné de résultats, a raté ses véritables cibles. Vous avez parlé des hommes. En proportion, la population des Autochtones est trois fois celle des non-Autochtones. Ajoutez à cela le fait que les trois quarts des victimes de suicide sont des hommes et que le taux de suicide est trois fois plus élevé chez les Autochtones que chez les non-Autochtones, nous avons des arguments convaincants pour demander de cibler les efforts sur ces deux populations. Je vous remercie d’avoir entrepris cette étude et d’avoir consulté les provinces et les territoires.

Dans votre rapport, une de vos recommandations tient au fait que ce problème terrible — et qui me touche personnellement, malheureusement, parce que c’est arrivé dans ma propre famille —, est une crise que nous ne reconnaissons pas en tant que crise. Diriez-vous que ça devait faire aussi partie de nos recommandations, afin que le pays et le gouvernement puissent enfin prendre conscience du fait qu’il s’agit d’un problème urgent, sur lequel nous fermons depuis longtemps les yeux? Devrions-nous recommander qu’il y ait une déclaration de crise?

Le sénateur Brazeau : Merci, sénateur Patterson, pour tout.

Absolument, nous avons besoin de termes forts. Comme je l’ai dit, c’était un problème grave, et cela fait 10 ans que nous endurons cette honte nationale. Maintenant, 10 ans plus tard, nous continuons de dire qu’il s’agit d’une honte nationale. Mais est-ce vraiment une honte nationale? Il s’agit du peuple autochtone, alors on déploie très peu d’efforts. Si cela concernait des personnes blanches, je peux vous garantir que des mesures auraient été prises très rapidement. Vous le savez, vous aussi. Il faut que nous soyons honnêtes, et nous devons le reconnaître. Si nous le cachons, nous n’arriverons à rien.

C’est un sujet difficile. Je l’ai vécu. J’ai été en désintox, plus d’une fois, et il y avait beaucoup d’hommes. En désintox, il y avait des gens qui sortaient tout droit de prison, par exemple, des gens avec des problèmes de toxicomanie et d’autres avec des problèmes comme la dépendance au jeu ou au sexe. Mais on les mettait tous dans le même panier. J’ai pris le temps d’en écouter beaucoup. Quand vous entrez dans un centre de désintox, vous comprenez que c’est une entreprise. Les propriétaires vous disent que le taux de réussite est de 2 %. Je répète : 2 %. Pourquoi diable le système de justice envoie-t-il des gens dans ces endroits, où on les traite comme un numéro : un numéro entre, un numéro sort. Les gens en sortent, puis ils y reviennent, et on n’accomplit rien. J’ai dit 2 %, et je suis l’un des rares chanceux qui s’en sont sortis. Je remercie le ciel chaque jour.

Vous avez parfaitement raison de dire que nous avons besoin de termes forts pour pousser le gouvernement à agir. C’est un problème complexe, comme je l’ai dit, mais avec les chiffres, les données et les études qui existent, nous pouvons formuler des recommandations importantes, qui sont nécessaires pour pousser le gouvernement à agir. Si le gouvernement ne fait rien, il devra rendre des comptes. Nous devrions pousser aussi fort que possible, pour veiller à ce que, au cours des 10 prochaines années, nous verrons, espérons-le, les chiffres chuter.

Le sénateur Kutcher : Sénateur Brazeau, je vous remercie du fond du cœur d’être ici et d’avoir continué votre travail incroyable et important sur ce dossier, parmi d’autres.

J’ai trois questions. Avec de la chance, j’aurai le temps de les poser, et vous, de répondre. La première concerne les interventions fondées sur la race, la deuxième, les connaissances, et la troisième, l’alcool.

Vous avez soulevé un point que des témoins précédents ont aussi soulevé, à savoir que nous devrions axer les activités de prévention non pas sur la population générale, où les taux sont très faibles, mais plutôt sur les populations où les taux sont les plus élevés. Ce n’est pas ce que fait le cadre. Croyez-vous que l’une de nos recommandations devrait être que le cadre cible les populations où les taux sont les plus élevés?

Le sénateur Brazeau : Il le faut, parce que le gouvernement du Canada a eu 10 ans pour le faire, mais il a choisi l’inaction. Les statistiques sont restées les mêmes, et les peuples autochtones sont toujours surreprésentés. Je crois fermement que nous devons orienter nos efforts sur cela.

Le sénateur Kutcher : D’accord. C’est ce que disent tous les experts. Ils se feraient l’écho de vos paroles. Les statistiques pour la population comprennent déjà les populations où le taux est le plus élevé. Donc, si nous voulons diminuer les statistiques générales, nous devons d’abord nous attaquer aux taux les plus élevés.

Le sénateur Brazeau : Pour répondre, je vous rappelle que nous avons accueilli une experte, la semaine dernière, qui nous a essentiellement montré un graphique indiquant que les taux de suicide n’avaient pas changé beaucoup au cours des 10 dernières années. J’ai été frustré d’entendre cela. J’ai pensé : « Attendez, madame l’experte. Les peuples autochtones sont surreprésentés. » Je n’ai entendu aucun de ces experts sonner l’alarme ou attirer l’attention là-dessus, alors voilà ce que j’essaie de faire, lancer ces signaux d’alarme. Si vous examinez les taux de suicide chez les Autochtones, il n’y a pas de quoi être fier. Donc, je dirais oui, absolument.

Le sénateur Kutcher : Ma deuxième question concerne les pratiques exemplaires. Le cadre parle des pratiques exemplaires. Avant que je devienne sénateur, on définissait les pratiques exemplaires dans mon travail comme ceci : « On aime cette idée, et on espère que cela va fonctionner. » Des acteurs de la santé mondiale sont allés plus loin et ont créé des structures où les gens peuvent présenter des interventions qui ont été mises à l’épreuve et étudiées. Il y a un groupe d’experts qui effectue des examens et des analyses critiques et qui en évalue la qualité, pour voir si les interventions sont adaptées à la culture ou si elles sont prêtes pour une mise à l’échelle. Mais nous n’avons rien de tel au Canada. Si nous avions accès à ce genre de service, croyez-vous que cela serait utile et que les collectivités pourraient se renseigner sur ce qui fonctionne, au lieu de ce qui fonctionne peut-être selon nous?

Le sénateur Brazeau : Si on veut parler des interventions qui fonctionnent, évidemment, il est important d’utiliser des interventions dont l’efficacité a été démontrée et dont les gens sont satisfaits. Cela dit, encore une fois, tout dépend des ressources. Je peux dire sans avoir peur de me tromper qu’il se fait de nombreuses interventions autochtones d’un bout à l’autre du pays, mais que les connaissances à ce sujet ne sont pas très répandues parmi les experts de ce domaine précis. S’il y avait des ressources pour les gens et les collectivités autochtones qui mettent en œuvre ces processus d’intervention, cela aiderait les professionnels de la santé à lutter contre ce fléau, collectivement.

Le sénateur Kutcher : Merci. Merci aussi d’avoir nuancé ce que j’ai dit en déclarant qu’un tel service indépendant et correctement financé devrait s’assurer d’intégrer tous les éléments autochtones.

Le sénateur Brazeau : Oui, pour que les autres suivent l’exemple.

Le sénateur Kutcher : Absolument.

La Dre Niaz et vous avez fait des commentaires très impressionnants, hier, pour attirer notre attention sur le lien entre le suicide et l’alcoolisme ou la toxicomanie. J’aimerais vous faire part de mon expérience professionnelle. Dans mon travail sur les épidémies de suicide chez les jeunes, il y a toujours eu un lien assez clair avec la toxicomanie, l’essence et la colle surtout. Mais rien de tout cela n’est explicitement mentionné dans le cadre fédéral. Croyez-vous que cela devrait l’être? Devrions-nous formuler des recommandations à cet égard?

Le sénateur Brazeau : Merci. Il me faudrait probablement deux ou trois jours pour répondre à cette question.

Comme je l’ai dit dès le début, nous devons être francs et honnêtes. Nous savons que 90 % des suicides se produisent sous l’effet d’une substance. C’est assez élevé. Vous avez parlé des épidémies de suicide. Il y en a eu l’année dernière dans la communauté algonquine de Rapid Lake. Il y a eu 12 tentatives de suicide en seulement quelques semaines. Malheureusement, deux jeunes se sont enlevé la vie, mais il n’y a rien eu dans les journaux. Aucun article n’en a parlé. Mais les peuples autochtones en parlent, et c’est douloureux.

Je ne l’ai pas besoin de vous faire un dessin. Nous savons tous qu’il y a beaucoup de gens, Autochtones ou non, qui se tournent vers l’alcool ou d’autres substances pour affronter leurs problèmes. J’en fais partie. Cela dit, je suis fier de pouvoir dire que je suis sobre depuis deux ans et demi. Je devais changer des choses en moi pour être ici avec vous aujourd’hui. Ce n’est pas toujours facile. C’est une lutte de tous les jours, mais le combat me plaît.

Encore une fois, pour résumer, il faut utiliser des termes forts qui ne laissent aucune place à l’interprétation. Il faut que ce soit direct. Il faut que ce soit fort.

Pour revenir à la question de l’alcool, c’est un problème qu’il faut régler, dans les collectivités autochtones. Nous connaissons les répercussions des pensionnats et les traumatismes intergénérationnels. Nous savons ce que c’est, et nous savons que ça ne se réglera pas du jour au lendemain. Nous avons besoin de programmes pour sensibiliser les peuples autochtones. J’essaie de faire ma part, et je vais présenter très bientôt au Sénat un projet de loi selon lequel toutes les industries qui vendent de l’alcool devront avoir des étiquettes de mise en garde fondées sur des données scientifiques, et la science dit que l’alcool cause au moins sept types de cancer. Si je veux présenter ce projet de loi, ce n’est pas pour dire aux gens ce qu’ils devraient ou ne devraient pas faire, mais c’est pour qu’ils puissent au moins prendre des décisions éclairées et qu’ils aient ce qu’il faut pour prendre des décisions éclairées. Si cela était fait, à un moment donné, cela serait d’une aide précieuse pour les générations futures en ce qui concerne leur relation avec l’alcool. Nous ne sommes pas encore rendus là, et je sais que l’industrie de l’alcool est très puissante. Mais, encore une fois, le combat ne me fait pas peur. J’ai combattu toute ma vie. J’ai remporté quelques combats, j’en ai perdu d’autres. Certaines de mes défaites ont passé à la télévision. Mais ce combat-là, je suis très à l’aise de le mener, probablement parce que tout ce que j’ai vécu dans ma vie m’a peut-être préparé à être où je suis aujourd’hui et à ce que je m’apprête à faire. Mon but, dans tout cela, c’est de donner au suivant. Voilà tout ce que je veux faire avec l’expérience et les connaissances que j’ai.

La sénatrice McPhedran : Merci, sénateur Brazeau. C’est un honneur de siéger près de vous au Sénat et de travailler avec vous et votre équipe.

Votre présence ici aujourd’hui est une excellente occasion d’apprentissage, pour nous, et nous permet vraiment de comprendre beaucoup mieux en quoi consiste réellement l’analyse comparative entre les sexes, parce que, trop souvent — du moins, dans mon esprit —, cela concerne « les femmes et les filles ». Vous avez bien fait de souligner cet aspect très important pour nous, du moins certainement pour moi.

Vous avez souligné diverses lacunes du cadre. Comme nous l’avons entendu dire, hier, et comme vous le dites encore aujourd’hui, une approche qui se veut universelle est complètement inefficace et inappropriée. Nous vous sommes tous reconnaissants de nous avoir ouvert si grand la porte sur votre vécu personnel. Compte tenu de vos circonstances personnelles et de votre identité culturelle profonde, pourriez-vous nous en dire davantage sur des interventions particulières et sur les façons dont les interventions du cadre pourraient être plus efficaces, compte tenu de ce que vous avez vécu en tant qu’homme autochtone?

Le sénateur Brazeau : Merci de la question, sénatrice McPhedran.

Comme vous l’avez dit, aucune intervention ne peut être universelle. Je parle en fonction de ma propre expérience, mais, quand j’avais des difficultés ou des problèmes, d’abord et avant tout, j’avais honte de demander de l’aide. On m’a élevé pour que je sois fort, pour que j’encaisse et pour que je fasse comme si rien ne me dérangeait, mais j’étais arrivé à un point où ce n’était plus possible. J’ai pris le temps, alors, entre 2014 et 2016, de chercher des programmes appropriés et des endroits où je pouvais aller. J’ai parlé avec plusieurs aînés pour savoir ce que je pouvais faire.

Il y a des programmes. Je déteste faire cela. Les gouvernements provinciaux et territoriaux, ceux qui ont répondu, nous ont montré les programmes qu’ils offraient. Nous avons aussi fait des recherches sur Google pour voir chacun des programmes, jusqu’au dernier, auxquels on avait accès. Je peux dire sans avoir peur de me tromper qu’il y a un écart ou une disparité gigantesque entre ce qui est offert aux femmes et ce qui est offert aux hommes. Comme je l’ai dit, ce n’est pas un concours, mais, dans ce cas précis, d’après ce que les données montrent, je crois fermement que c’est la perspective qu’il faut adopter pour la prévention du suicide. Je ne veux pas en parler d’un autre point de vue ou dans un autre contexte, parce que j’ai parlé plus tôt du livre de M. Whitley. Ironiquement, il travaillait en santé mentale des femmes jusqu’à ce que, un jour, une femme lui demande ce qu’il en était des besoins des hommes en matière de santé mentale. Il y a réfléchi un bon moment, puis, voilà, nous avons son expertise.

En ce qui concerne la prévention du suicide en particulier, nous n’avons d’autre choix que d’adopter une démarche comparative entre les sexes si nous voulons réduire les taux. Si ce que nous voulons c’est simplement de maintenir le statu quo, alors maintenons le statu quo, mais si nous voulons réduire ces taux, alors faisons ce que vous avez fait toute votre vie pour les femmes, sénatrice McPhedran, mais cette fois, faisons-le pour les jeunes hommes et les garçons qui vivent des difficultés et qui ont des problèmes liés au suicide.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Merci énormément, sénateur Brazeau, pour le contenu que vous apportez, et pour la façon et la rigueur avec lesquelles vous l’apportez. C’est un témoignage très, très important.

Dans ce contexte, il y a ces chiffres que l’on connaît, mais dont on n’a pas vraiment tenu compte. C’est vrai, vous avez mentionné durant cette étude ce taux de 75 % d’hommes.

Il y a ce cadre fédéral, mais ce qui me frappe aujourd’hui, c’est qu’il y a des hommes comme vous, qui sont des survivants, qui ont ce courage et cette force d’être ici, de briser le silence et d’articuler l’existence des stigmates et des barrières sociales et culturelles. On parle des hommes, du suicide et aussi de la santé mentale.

Cela me frappe, et je trouve que c’est une grande responsabilité que vous vous êtes donnée — un poids aussi, j’imagine, en quelque sorte. Je vous en remercie.

Toutefois, est-ce vraiment à vous et aux autres survivants qui sont dans la même situation que vous de porter cette responsabilité et ce poids? Est-ce que ce Cadre fédéral de prévention du suicide fait partie de la solution pour briser ces barrières, ces tabous et ces stigmates? Est-ce qu’il devrait en faire plus? Comment cela devrait-il s’articuler?

Le sénateur Brazeau : Merci beaucoup de vos questions.

Premièrement, je ne parle pas au nom de tous les survivants de tentative de suicide, évidemment. Je parle seulement pour moi. Cependant, personnellement, même si c’est difficile, et même si, parfois, les larmes commencent à couler, cela m’aide dans mon cheminement personnel. Par contre, cela fait très longtemps que j’entends dire qu’il faut briser les barrières et réduire les stigmates. Malheureusement, je vois souvent cela comme des paroles. Lorsqu’on tient des journées internationales de la santé mentale, on entend de belles paroles pour une journée, mais après, c’est terminé.

C’est donc ma position personnelle, mais je crois qu’en étant ouvert et transparent, et même parfois graphique sur ce qui m’est arrivé, cela aidera des gens qui écoutent ou qui lisent. Ils vont voir que tout est possible. Moi, j’ai atteint le fond du baril et j’ai été chanceux de pouvoir m’en sortir. Je profite de l’occasion pour en parler, chaque fois que je peux le faire, parce que je crois que cela peut aider les gens.

Je ne suis pas un expert comme notre collègue le sénateur Kutcher, mais je fais ce que je peux. Cela me donne de la force et je sais que cela donne de la force aux gens qui ont des problèmes.

J’aimerais ajouter quelque chose. Hier, j’ai demandé à un témoin si le gouvernement fédéral se souciait ou se préoccupait de cela — et peut-être que je n’aurais pas dû poser la question au témoin, parce que ces témoins font affaire avec le gouvernement fédéral pour obtenir des fonds. Peut-être que ce n’était pas la meilleure question à poser, mais si je devais me la poser à moi-même, je dirais que la réponse est non, pas encore. Tant que la surreprésentation des Autochtones pour ce qui est du taux de suicide chez les Autochtones n’est pas mieux traitée, je vais maintenir ma position et affirmer que le gouvernement n’est pas préoccupé par la prévention du suicide chez les Autochtones.

[Traduction]

La sénatrice Cordy : Merci, sénateur Brazeau, d’être ici aujourd’hui.

J’ai été surprise de vous entendre dire, dans votre déclaration préliminaire, que nous devrions parler ouvertement du suicide. D’abord, vous avez aussi dit que nous ne pouvons pas discuter d’un cadre sans réellement parler de suicide, et que cela donne donc l’occasion d’en parler aujourd’hui. Vous donnez l’exemple, parce que je vous ai entendu parler aux témoins, hier, et leur dire que vous étiez prêt à parler « à n’importe quel groupe, à n’importe qui, il suffit de me le demander ». Donc, vous joignez certainement le geste à la parole. Bien des gens se sont fait dire qu’il ne faut pas parler du suicide, que c’est un problème familial ou peu importe. Nous nous améliorons, mais, pour les gens de notre génération, c’était « Non, il ne faut pas en parler, sinon il y en aura encore plus. » Est-ce que nous réussissons à en parler plus ouvertement? Parce que je suis d’accord avec vous, nous devons en parler.

Le sénateur Brazeau : Merci, sénatrice Cordy, de votre question. C’est une question très importante, parce qu’il y a 10 ans, je ne m’intéressais pas autant qu’aujourd’hui à ce problème.

Nous réussissons lentement à le déstigmatiser, mais nous ne sommes pas encore rendus là où nous le devrions, parce que, avouons-le, c’est une discussion qui rend mal à l’aise. Je vais l’admettre : cela a même été une discussion malaisante dans ma propre famille, avec mon père, mes frères et le reste de ma famille, parce que cela a eu de graves répercussions non seulement sur ma vie à moi, mais aussi sur la vie des autres. J’ai dû faire énormément d’efforts pour rebâtir beaucoup de relations.

Cela dit, nous nous améliorons, mais il y a des gens qui ne seront jamais à l’aise d’en parler. Des gens qui ont perdu un être cher et ne peuvent tout simplement pas le tolérer, mais pour ceux qui le peuvent, il est très important de faire entendre leurs voix et de raconter leurs histoires. Nous avons besoin d’eux; nous avons tout simplement besoin qu’ils parlent aux autres, à ceux qui ont des problèmes. Il y a énormément de gens qui ont des problèmes au Canada, aujourd’hui. Il y a de l’espoir, mais il faut faire l’effort. Il y a de l’espoir, et il y a de l’aide. On peut trouver de l’aide partout. Je l’ai souvent dit. Une personne qui a des problèmes peut demander de l’aide, pas seulement à un ami ou à sa famille, mais aussi à un parfait étranger rencontré dans la rue. Tôt ou tard, elle va obtenir de l’aide.

La sénatrice Cordy : Merci.

L’une de vos recommandations était de consulter les collectivités qui ont des solutions efficaces. Parfois, nous avons tendance à regarder les statistiques sur les hommes et les peuples autochtones, mais — et vous en avez parlé un peu plus tôt — les peuples autochtones et les hommes ne sont pas tous identiques. En particulier, en ce qui concerne les peuples autochtones, l’endroit où vous vivez a une incidence. Il y a le Grand Nord, il y a la côte Est et il y a les petites communautés. Il y a aussi la côte Ouest, et les régions éloignées. Il y a aussi des Autochtones qui se sont installés en région urbaine et qui n’ont peut-être pas accès à du soutien. Vous savez déjà tout ça. Ce que j’essaie de dire, c’est qu’il y a une grande diversité, même dans les communautés, mais est-ce qu’il y a des communautés qui ont réussi à mettre en place des solutions efficaces qui fonctionnent chez elles? Parce que même dans une communauté, chaque personne est différente.

Le sénateur Brazeau : Encore une fois, vous posez une question très pertinente et très importante.

Pour être honnête, je ne savais pas grand-chose des pratiques mises en œuvre par les peuples autochtones, pour les peuples autochtones. Comme je l’ai souvent dit, je ne suis pas un expert des modes d’intervention, mais cela dit, depuis que j’ai commencé à parler plus ouvertement de ce que j’ai personnellement vécu et que je fais la promotion de la prévention du suicide et la promotion de la santé mentale, des Autochtones viennent me voir et me disent que je devrais aller voir ce qu’ils font. Ils proposent des interventions nouvelles, mais qui donnent des résultats. Comme je l’ai dit, je ne suis pas un expert, mais je sais compter. Un plus un égale deux. Il y en a quelques-unes — il n’y en a pas beaucoup —, mais je vais prendre du temps au cours des prochaines semaines et des prochains mois pour visiter leurs installations pour voir de mes propres yeux comment la clientèle juge les processus d’intervention. Nous aurons plus d’information dans l’avenir pour ce qui est de communiquer les pratiques exemplaires pour les interventions autochtones. J’en connais quelques-unes, mais je suis certain qu’il y en a davantage.

La sénatrice Cordy : Merci.

La présidente : Si vous me le permettez, j’ai une dernière question, sénateur Brazeau. Je suis en train de consulter votre rapport. Merci beaucoup de nous l’avoir fourni. Il est versé au compte rendu du Sénat, alors nous pourrons l’utiliser pour formuler nos conclusions. J’ai remarqué quelque chose d’intéressant : depuis 2020, le taux de suicide au Québec semble avoir diminué. Il a diminué et depuis, il semble être demeuré stable, surtout chez les garçons adolescents. Avez-vous une idée de ce qui a entraîné cette diminution du taux de suicide au Québec?

Le sénateur Brazeau : Si je me souviens bien, je pense que le gouvernement québécois avait lancé divers programmes ciblant les jeunes, dans les années 1990 ou 2000. Ne me prenez pas au mot, pour l’année, mais c’était il y a plusieurs années. On rapporte que le taux diminue progressivement depuis, mais le gouvernement regarde la situation globalement et ne met pas nécessairement l’accent sur les populations autochtones du Québec. Nous ne devons jamais l’oublier, chers collègues.

La présidente : Mais dans votre rapport, vous dites bien que le Québec est un modèle à suivre. Malgré toutes ses lacunes, la province fait mieux que le reste du pays. Êtes-vous d’accord?

Le sénateur Brazeau : C’est peut-être un modèle à suivre pour les autres provinces et territoires, puisque le gouvernement affirme avoir réussi à faire diminuer les taux. Mais, encore une fois, cela concerne la population dans son ensemble. Si le gouvernement du Québec affirme qu’il enregistre une réduction des taux de suicide, sans mentionner que les suicides chez les Autochtones sont toujours disproportionnés, et qu’il ne fait rien ou très peu pour lutter contre cela, les chiffres seront toujours les mêmes dans deux, trois ou dix ans. Nous pourrions peut-être examiner de plus près le modèle québécois et essayer de l’appliquer, mais ne faisons pas l’erreur de regarder les statistiques pour le pays en entier, sans distinction par province ou territoire, et gardons toujours à l’esprit le taux de suicide chez les Autochtones.

La présidente : Merci, sénateur Brazeau. Nous arrivons à la fin de notre temps avec vous. Je tiens à vous remercier chaleureusement, personnellement, en tant que sénatrice — et je suis sûre que chacun et chacune de mes collègues sont du même avis — de nous avoir raconté votre histoire personnelle. Cela prend énormément de courage et d’audace. Je pense que vous avez de ces deux qualités à revendre. Soyez assuré que votre témoignage éclairera nos réflexions, quand nous allons commencer nos délibérations et que nous discuterons des recommandations à formuler dans le rapport.

Pour la deuxième partie de la réunion, nous accueillons par vidéoconférence Mme Nitika (Rewari) Chunilall, directrice, Programmes de prévention et de promotion, Commission de la santé mentale du Canada; et Mme Kimberly Fairman, directrice générale, Institut de recherche en santé circumpolaire. Merci beaucoup d’être des nôtres aujourd’hui. Je vous invite toutes les deux à présenter votre déclaration préliminaire, et je vous rappelle que vous disposez de cinq minutes pour cela; nous passerons ensuite aux questions de cinq minutes des sénateurs. Madame Chunilall, vous avez la parole.

Nitika (Rewari) Chunilall, directrice, Programmes de prévention et de promotion, Commission de la santé mentale du Canada : Merci beaucoup. C’est un honneur pour moi de me présenter devant vous pour discuter de ce sujet important.

Aujourd’hui, je dirais que le Cadre fédéral de prévention du suicide n’a pas montré sa véritable efficacité à ce jour. Depuis sa publication, les décès par suicide sont restés stables ou ont augmenté, de manière disproportionnée pour certaines populations, comme les hommes, les membres des Premières Nations, les Inuits et les Métis, les jeunes et la communauté 2SLGBTQIA+.

Alors que le traumatisme collectif lié à la pandémie de la COVID-19 a pu entraîner une baisse des taux de suicide en 2020, reflétant peut-être les effets de la cohésion sociale et de la souffrance partagée, l’idéation suicidaire est à la hausse depuis la pandémie. Cette situation est très préoccupante. Environ 8 % des personnes interrogées récemment ont déclaré avoir songé sérieusement au suicide, et environ une personne sur trois ayant des antécédents de troubles liés à la consommation de substances a déclaré avoir eu des idées suicidaires pendant la pandémie. Malgré cela, l’accès aux services est resté faible. Il y a un manque de compréhension des comportements suicidaires distincts des groupes ethno-racisés et des autres groupes en quête d’équité. Comme c’est souvent le cas, les programmes et les services ne sont pas suffisamment adaptés aux besoins.

Cependant, il y a eu des avancées dans la bonne direction : l’importante nomination de la toute première ministre canadienne de la Santé mentale et des Dépendances; le lancement du portail sur le mieux-être qui permet non seulement d’échanger de l’information, mais aussi d’avoir accès à des conseillers; l’annonce récente du lancement de la ligne d’urgence 998 pour la santé mentale et la prévention du suicide; l’élaboration continue de normes nationales pour les services de santé mentale et de traitement des dépendances au Canada; et la tenue d’un dialogue important entre coroners et médecins légistes pour explorer la normalisation des pratiques et la collecte de données. Cependant, le Canada a besoin de plus, et j’aimerais souligner quatre domaines pour améliorer le travail en cours lié au cadre.

Mon premier point est qu’il faut que le plan d’action soit suffisamment flexible et qu’il faut investir dans les communautés afin qu’elles puissent adapter la mise en œuvre à leur propre situation. Un véritable cadre doit être mis en œuvre en partenariat avec ceux qui sont touchés par le suicide ou ceux dont le risque d’idée suicidaire est le plus élevé. Depuis 2018, la commission travaille avec plusieurs communautés de partout au Canada pour mettre en œuvre une approche de prévention du suicide et de promotion de la vie, élaboré au Canada par des communautés canadiennes un modèle nommé Enraciner l’espoir. Basé sur 13 principes directeurs et 5 piliers d’intervention, Enraciner l’espoir réduit la stigmatisation et sensibilise le public, connecte les communautés aux informations et aux ressources et accélère l’application de la recherche et de l’innovation à la prévention du suicide. Aujourd’hui, Enraciner l’espoir est mis en œuvre à l’échelle de la province en Saskatchewan, au Nouveau-Brunswick, à Terre-Neuve-et-Labrador et au Yukon, ainsi que dans plusieurs autres communautés au Canada.

Mon deuxième point, c’est qu’il faut agrandir la table de cuisine. Je suis membre de la communauté sud-asiatique, et la plupart des conversations utiles, dans ma culture, ont lieu autour de la table de la cuisine. La prévention du suicide, ça se fait à la maison, dans le cabinet du médecin de famille, sur le lieu de travail, à l’épicerie, au théâtre ou au cinéma, au magasin d’alcool et à l’aréna. C’est là que les programmes de formation, les interventions en milieu de travail et leurs avantages, les campagnes publiques et les partenariats secteur privé-secteur public peuvent être efficaces.

Mon troisième point concerne la sécurité des moyens. L’une des façons les plus efficaces de prévenir le suicide est d’assurer la sécurité et la restriction des moyens. Grâce à Enraciner l’espoir, les communautés accordent une importance particulière aux moyens utilisés et en assurent la sécurité. Cela comprend par exemple les boîtes de médicaments verrouillées et les barrières sur les ponts, et ce ne sont que quelques exemples. Le Canada ne dispose pas de directives nationales relatives à la sécurité des moyens. Une meilleure coordination entre les ministères, les provinces et les territoires est nécessaire pour avoir un dialogue collectif sur ce sujet.

Mon dernier point porte sur les données. Investir pour avoir un accès rapide à des données informatives sur le suicide et les comportements suicidaires changera la donne pour les collectivités de tout le Canada. Les données jouent un rôle crucial quand il s’agit de savoir qui est à risque, pourquoi, dans quelles circonstances, à quelle fréquence, quels moyens sont utilisés et où se trouvent les possibilités d’intervention et de prévention. Il doit s’agir d’une priorité absolue, car l’absence d’un accès rapide à des données tirées de plusieurs systèmes signifie souvent des occasions manquées et des vies perdues.

Merci de m’avoir accordé du temps aujourd’hui.

Kimberly Fairman, directrice générale, Institut de recherche en santé circumpolaire : Bonjour, sénatrices et sénateurs. Merci de me donner l’occasion de m’entretenir avec vous ce matin.

Je suis une Nunavummiut. Je vis et travaille à Yellowknife, dans les Territoires du Nord-Ouest, le territoire traditionnel de la Première Nation dénée de Yellowknife, des Métis de North Slave et du peuple Tlicho. J’ai reçu une formation d’infirmière, il y a de nombreuses années, et j’ai travaillé dans la communauté ainsi qu’à l’hôpital régional. J’ai travaillé pendant de nombreuses années pour les gouvernements fédéral et territorial, principalement dans le domaine du développement communautaire. Depuis peu, je travaille avec l’Institut de recherche en santé circumpolaire, ici à Yellowknife, et je m’occupe surtout des questions de renforcement des capacités communautaires, et de recherche communautaire dans le domaine des politiques sur la santé. Je travaille également avec la Société canadienne pour la santé circumpolaire. Je suis membre du comité d’experts Conseil des académies canadiennes sur l’avenir de la recherche dans l’Arctique et le Nord canadien. Un rapport sera publié l’année prochaine.

Je suis heureuse d’être ici ce matin pour vous parler du Cadre fédéral de prévention du suicide. Comme nous le savons, le suicide est un problème de santé publique à multiples facettes. Il est largement reconnu que nous avons besoin d’une approche globale en matière de prévention. Je ne vais pas trop aborder ou répéter un certain nombre de choses que vous avez déjà entendues sur le sujet, mais je veux souligner le fait que les communautés autochtones continuent d’être touchées de façon disproportionnée par le suicide.

En bref, je vais parler de quatre domaines dans lesquels je pense que le cadre présente des lacunes ou de domaines à prendre en compte avant d’aller plus loin.

Les problèmes potentiels sont liés au fait que les décideurs manquent d’orientation. Vous savez que les décideurs, les gestionnaires et les cliniciens ont vraiment besoin de conseils stratégiques et pratiques applicables à leurs besoins. Si l’on envisage d’augmenter les ressources humaines et sanitaires autochtones, d’offrir du financement et des subventions pour soutenir le développement du leadership dans les communautés autochtones et d’éduquer réellement les gens sur la question, on obtiendra des politiques plus claires et une orientation plus précise quant à la direction à prendre à ce niveau pour affronter le problème.

Une autre chose que d’autres témoins ont dite, mais qui me semble aussi très importante à considérer, c’est que l’établissement des priorités dans ce dossier est un problème de justice. Il n’y a pour ainsi dire aucun consensus sur la façon de distribuer les ressources équitablement. Il est essentiel de réfléchir à la manière de fournir un financement continu et équitable pour des interventions locales et conçues par les communautés. Dans le Nord, en particulier, où j’ai passé la plus grande partie de ma vie professionnelle et personnelle, l’accent est mis sur les pratiques axées sur le territoire, pour un certain nombre de raisons. L’une des plus importantes est l’idée de continuité culturelle et le lien entre l’identité individuelle et la culture.

Un autre problème ou enjeu concerne l’état des connaissances. Il est vraiment difficile de faire une analyse complète de la question lorsqu’il n’y a pas suffisamment de données et d’informations sur l’incidence réelle et certaine des mesures préventives qui ont pu être utilisées. Il serait important de penser à un système de surveillance et de contrôle du suicide pannordique et d’essayer de bien comprendre le problème et l’état actuel des approches stratégiques utilisées, et on peut le faire grâce au dialogue. Il faut aussi essayer de comprendre où sont les conflits de valeur et comment ouvrir un peu la conversation sur la façon dont cela influence l’établissement de nos priorités. Un autre élément est le montant du financement disponible pour la recherche sur la question.

Le dernier point que je voudrais soulever en ce qui concerne les problèmes potentiels est le fait qu’il n’y a pas de politiques explicites en matière de cohérence, de transparence et de reddition de comptes, et que les politiques éventuelles, comme d’autres témoins l’ont dit, devraient tenir compte du contexte culturel, linguistique et géographique; il faut aussi améliorer les communications entre les fournisseurs de soins dans le Nord, parce que, quand les gens sont évacués l’information sur les soins n’est pas toujours disponible. Il faut donc intégrer aux solutions possibles des politiques spécifiques sur la protection des renseignements personnels, et ainsi de suite.

Je vais m’arrêter ici. J’apprécie vraiment d’avoir l’occasion de m’adresser au comité ce matin.

La présidente : Merci beaucoup à nos deux témoins. Nous allons commencer nos questions avec la sénatrice Bovey, la vice-présidente de notre comité.

La sénatrice Bovey : Je tiens à remercier nos deux témoins. J’apprécie beaucoup vos perspectives.

Madame Fairman, vous avez parlé du lien entre l’identité et la culture et de l’importance de la culture et des racines, ce qui me ramène aux commentaires de Mme Chunilall sur Enraciner l’espoir, qui a également parlé d’une approche communautaire, qui n’est pas assez présente dans le cadre. La question que je vous pose à toutes les deux est la suivante : lorsque nous parlons de recherches, ce que vous avez fait toutes les deux, et lorsque nous parlons d’espoir, que vous avez toutes les deux, et de ce lien entre la communauté et la culture, comment pourriez-vous intégrer cela dans le cadre afin qu’il soit bref, significatif et aussi solide que vous pensez qu’il devrait être?

Mme Chunilall : Merci beaucoup de votre question.

Pour que ce vocabulaire soit solidement ancré dans le cadre, nous devons reconnaître que les communautés ont déjà beaucoup de forces et qu’elles les mettent à contribution. L’une des expériences que nous avons vécues avec Enraciner l’espoir, c’est que le processus de mise en œuvre du modèle, dans une communauté, commence d’abord par l’arrivée à la table des intervenants et des partenaires de la communauté, des gens avec qui nous avons des relations de longue date, mais aussi des nouveaux partenaires. Il s’agit vraiment de cerner les points forts de la communauté, puis d’évaluer ses points un peu plus faibles. À partir de là, on peut utiliser les approches fondées sur les forces et combler les faiblesses. L’accent doit être mis sur l’apprentissage de ce qui fonctionne bien et sur la création de partenariats uniques et nouveaux afin d’élaborer une approche communautaire dans le cadre de la prévention.

Mme Fairman : Pour aller plus loin, et pour le présenter succinctement dans le cadre, il s’agit en fait, dans le premier cas, d’équité sociale, c’est-à-dire la capacité de nous attaquer aux disparités sociales et aux inégalités en santé qui existent et qui créent des inégalités sociales. Il s’agit de lier les interventions aux déterminants sociaux de la santé. Dans le Nord, en particulier, il s’agit d’enjeux qui ne sont pas inconnus des gens, comme le logement, l’emploi, l’éducation et le bien-être mental.

Je pense que l’élément clé — peut-être pour donner suite aux commentaires des témoins précédents — est de fournir un financement durable pour les interventions existantes conçues par la communauté. Cela pourrait être quelque chose comme le développement sain de l’enfant et de la famille, les programmes de résilience des jeunes, les programmes de bien-être mental — tout ce qui a le potentiel d’être mis en œuvre à l’échelle de la communauté et même à l’échelle régionale. Il est important que ces types de programmes disposent d’un financement durable afin que nous puissions en voir les avantages à long terme.

J’aimerais également souligner l’importance de la culture, de la langue et du mode de vie pour les peuples autochtones qui ont été perturbés par les systèmes coloniaux et qui doivent être rétablis, car ce sont des éléments d’identité qu’il faut soutenir.

La sénatrice Bovey : Merci.

Le sénateur Patterson : Merci aux deux témoins. C’est un plaisir de vous voir, madame Fairman.

J’aimerais adresser ma question à la Commission de la santé mentale du Canada, qui a en fait été créée à la suite des travaux d’un comité sénatorial et de ses recommandations. On a entendu dire, pendant notre étude sur le cadre de prévention du suicide, que bon nombre de nos programmes de réadaptation ne sont pas efficaces. Ils ont des taux de réussite très faibles. Des témoins travaillant dans les communautés autochtones nous ont dit que ce qu’il faut, ce sont des services dirigés par des Autochtones, tenant compte des traumatismes et adaptés à leur culture, pour que les Autochtones aient des programmes de traitement et de réadaptation plus efficaces. Je note que le budget de 2022 a affecté, si j’ai bien compris, 228 millions de dollars par l’entremise de la Commission de la santé mentale du Canada pour faire exactement cela, créer des services tenant compte des traumatismes et de la culture et dirigés par des Autochtones. Madame Chunilall, pourriez-vous nous dire quels sont les plans, pour cet argent, et comment il sera distribué pour atteindre cet important objectif? Merci.

Mme Chunilall : Merci, monsieur le sénateur, de votre question.

Enraciner l’espoir est ancré dans les communautés, et bon nombre des communautés avec lesquelles nous avons travaillé représentent des populations autochtones. Nous avons travaillé avec Edmonton, qui abrite la plus grande population autochtone urbaine du Canada, avec le territoire du Yukon, comme je l’ai mentionné, avec de nombreuses communautés de la Saskatchewan, au Nunavut et à Iqaluit, où nous avons également travaillé avec des communautés. En réalité, si le programme de prévention du suicide proposé par Enraciner l’espoir fonctionne dans ces communautés, c’est parce qu’il leur donne la possibilité de l’adapter et d’élaborer des interventions culturellement appropriées et que les communautés peuvent surveiller les programmes qui fonctionnent dans ce contexte et voir à quoi cela ressemble. Nous avons réalisé de nombreux travaux dans lesquels nous avons cocréé des produits de sensibilisation et des approches de formation pour ces communautés dans les langues concernées. Par exemple, nous avons créé des produits en cri et en inuktitut, et ils ont été très bien reçus parce qu’ils répondaient aux besoins des communautés à ce moment-là.

En ce qui concerne la Commission de la santé mentale du Canada, comme vous le savez, nous sommes financés principalement par Santé Canada, et nous avons des programmes qui couvrent tous les aspects de la santé mentale des Canadiens. Nos programmes touchent les peuples autochtones et nous collaborons avec eux de manière très importante en ce qui concerne le Cadre de prévention du suicide, mais aussi la santé mentale en ligne, la santé mentale au travail ainsi que le cannabis en lien avec la santé mentale. De nombreux secteurs de la Commission de la santé mentale du Canada cherchent actuellement à répondre aux besoins des populations autochtones et à réellement travailler avec elles pour apprendre d’elles et pour qu’elles nous aident à comprendre ce dont elles ont besoin et où les interventions fonctionnent le mieux dans leurs communautés et leurs situations.

Le sénateur Patterson : Si vous me le permettez, évaluez-vous l’efficacité de ces programmes? Pouvez-vous nous donner une liste de ces programmes?

Mme Chunilall : Nous pouvons certainement vous envoyer cela après la réunion d’aujourd’hui.

La présidente : Merci beaucoup, madame Chunilall.

Le sénateur Kutcher : Je remercie les témoins d’être ici. J’ai deux questions auxquelles il ne devrait pas être long de répondre, puis une demande pour la Commission de la santé mentale.

Première question : la ministre Bennett a mis le comité au défi de recommander un examen critique indépendant de l’efficacité des programmes de prévention du suicide actuellement proposés au Canada visant à savoir s’ils entraînent une diminution des taux de suicide et une réduction des visites aux urgences et à l’hôpital. Êtes-vous d’accord avec la ministre pour dire qu’il est important de procéder à un tel examen? Sinon, pour quelles raisons, selon vous, nous ne devrions pas le recommander?

Mme Chunilall : Sénateur Kutcher, cette question m’était-elle destinée?

Le sénateur Kutcher : Oui.

Mme Chunilall : Je pense qu’il y a en effet un certain nombre de programmes offerts au pays qui visent la prévention du suicide et la promotion de la vie. Je pense qu’il est impératif de disposer de recherches et de données empiriques pour étayer leur efficacité. Il faut avoir des critères en place pour nous assurer que l’efficacité dont ils se réclament répond réellement aux normes des recherches, donc je suis d’accord avec cette recommandation.

Le sénateur Kutcher : Compris.

La deuxième question porte à nouveau sur le cadre. La Commission de la santé mentale a joué un rôle de leadership très important dans la création du cadre. Nous avons entendu de nombreux témoins dire que le cadre ne met pas vraiment l’accent sur ce qui est efficace en matière de prévention du suicide. La commission serait-elle d’accord avec les témoins pour dire que le cadre devrait intégrer dans son mandat principal ce qui est efficace pour prévenir le suicide?

Mme Chunilall : Oui, à 100 %. Je pense que nous en apprenons de plus en plus chaque année sur ce qui est efficace. Avec la COVID, également, nous avons pu explorer les possibilités qui n’existaient pas auparavant en termes d’accès virtuel aux soins. Ces possibilités doivent être fondées sur des données probantes et s’inscrire dans les priorités du cadre et du plan d’action pour la prévention du suicide.

Le sénateur Kutcher : Merci beaucoup.

Ma dernière question est similaire à celle du sénateur Patterson. La Commission de la santé mentale, comme vous l’avez noté, a créé et distribué le programme appelé Enraciner l’espoir, qui est très similaire à de nombreux éléments du cadre. Pourriez-vous fournir au comité un rapport écrit sur deux choses : quelles sommes la commission a-t-elle perçues, toutes sources confondues, pour soutenir le programme Enraciner l’espoir, qu’il s’agisse de sources provinciales, fédérales ou privées? Ensuite, et c’est très important, quelles sont les preuves dont dispose la commission qui montrent que la mise en œuvre de cette intervention de prévention du suicide a permis de réduire de manière importante et durable les taux de suicide?

Mme Chunilall : Merci de la question. Je vais peut-être y répondre en partie, puis vous envoyer de la documentation.

Pour mener à bien Enraciner l’espoir, du point de vue de la commission, nous avons commencé par un projet pilote de recherche dans huit communautés du Canada. Notre financement, pour faire partie de ce projet pilote provenait entièrement de Santé Canada : nous devions payer le chercheur principal et son équipe, qui menaient la recherche, et coordonner une communauté de pratique réunissant toutes les communautés qui participaient à ce projet. Ce projet a débuté en 2018.

Nous n’avons reçu aucun financement des huit communautés qui ont participé, mais elles ont apporté leur propre financement reçu de leurs ministères de la Santé ou d’autres sources communautaires, ce qui leur a permis de participer au projet. En plus des programmes et des interventions qu’elles ont mis en œuvre, ce financement leur a également permis d’embaucher un coordonnateur communautaire, pour chaque communauté, qui serait le chef de projet chargé de s’occuper de tous les aspects de la mise en œuvre, ainsi que d’engager un chercheur local dans la communauté, pour travailler avec le chercheur principal que nous financions, pour nous assurer que les données étaient recueillies, contrôlées et analysées.

La COVID a posé quelques défis relativement aux plans et à la mise en œuvre. Quoi qu’il en soit, nous sommes en train d’analyser les données du projet pilote de recherche et un rapport sera accessible dans les prochains mois et nous pourrons vous en parler plus en détail.

Le sénateur Kutcher : Nous n’avons pas deux ou trois mois.

La présidente : Nous n’avons pas deux ou trois mois, madame Chunilall.

Le sénateur Kutcher : Nous avons besoin de ces informations maintenant, et plus particulièrement de l’efficacité de ces paramètres.

La présidente : Je pense que c’est une excellente demande, sénateur Kutcher, et j’espère que nous obtiendrons ces informations.

La sénatrice Cordy : Merci, sénateur Patterson, d’avoir parlé du fait que la Commission sur la santé mentale fait suite à une recommandation du Comité des affaires sociales d’il y a un certain temps. C’était une excellente recommandation et il est bon que le gouvernement y ait donné suite.

Ma question porte sur les difficultés rencontrées par les personnes qui cherchent de l’aide dans les petites communautés. Madame Fairman, vous avez parlé de la nécessité de dispositions législatives sur la protection des renseignements personnels. Est-ce parce que vous travaillez dans le Nord et que les gens doivent se sentir plus libres de demander de l’aide? Est-ce la raison pour laquelle vous avez suggéré cela ou quelle est la raison d’une disposition sur la protection des renseignements personnels? Et pour vous deux, quelles sont les difficultés que rencontrent les personnes qui demandent de l’aide dans les petites communautés et qui seraient peut-être un peu nerveuses à l’idée que leurs voisins ou d’autres personnes l’apprennent? Parce que c’est une préoccupation pour les personnes qui cherchent de l’aide.

Mme Fairman : La référence à la protection des renseignements personnels tient au fait que, habituellement, les services de base sont accessibles dans la communauté, mais que, pour les services spécialisés de santé mentale et les services spécifiques liés à un risque immédiat de tentative de suicide, les gens doivent chercher des soins dans d’autres administrations, et il y a parfois des contraintes en matière d’information. Il y a déjà des défis au chapitre des communications entre les fournisseurs de soins de santé et les établissements de santé, et parfois, il y a des difficultés supplémentaires au chapitre de l’échange d’information de santé entre administrations. Cela pourrait être attribué à la législation relative aux informations sur la santé.

La sénatrice Cordy : Ainsi, quand les gens se déplacent d’une petite communauté du Nord à une plus grande collectivité, pour obtenir de l’aide, il est très difficile de faire suivre les informations utiles à l’hôpital ou aux professionnels de la santé qui les accueillent; c’est ce que vous voulez dire?

Mme Fairman : Oui. Dans certains cas, le transfert d’information pose des problèmes et cela a des répercussions sur les résultats pour les personnes et leurs soins.

La sénatrice Cordy : Sans aucun doute. Parce que le temps est en jeu dans les situations de santé.

Qu’en est-il des difficultés rencontrées par les gens qui cherchent de l’aide dans les petites communautés? Je pense que vous venez d’évoquer un cas où, parfois, les ressources ne se trouvent pas dans les petites communautés et elles devraient être transférées. Est-ce que ce serait le seul défi?

Mme Fairman : Je pense que l’une des choses que vous avez évoquées est la stigmatisation liée au suicide et aux problèmes de santé mentale. Je pense que c’est une question très intéressante à explorer. Je ne suis pas tout à fait certaine que les gens hésitent à demander des soins parce qu’ils s’inquiètent des membres de la communauté ou d’autres personnes, mais je pense qu’il y a des problèmes de confiance à l’égard des fournisseurs de soins et de certaines personnes. Je pense que les gens se disent que, même s’ils se présentent, les ressources disponibles sont très limitées. Il y a très peu de ressources culturellement appropriées disponibles. Parfois, le racisme du système de santé est un problème énorme dans les communautés. Il ne faut pas le sous-estimer lorsqu’il s’agit de personnes qui cherchent à obtenir des soins, peu importe le problème ou la question. Les gens ont l’impression d’être jugés ou d’être stigmatisés, mais j’ai vraiment l’impression que ce sont ces autres problèmes qui font hésiter les gens à demander des soins.

La sénatrice Cordy : Merci beaucoup de votre réponse.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Ma question s’adresse aux deux témoins. Merci d’être là.

Mon impression, après avoir entendu plusieurs témoignages, c’est qu’on a un cadre fédéral, ainsi que les gens, les communautés et les organisations qui sont sur le terrain, mais qu’il y a une certaine déconnexion entre les deux.

Je pose ma question dans la perspective de ce plan d’action national qui est en cours d’élaboration et qui devrait être publié à l’automne 2023, selon ce que l’on nous dit. Dans cette perspective, quelle est l’importance de s’assurer que l’expérience, les succès et les défis que vivent les communautés sur le terrain, avec les gens sur place, sont intégrés dans ce futur plan d’action national?

Est-ce qu’on en fait assez? Est-ce qu’on le fait bien? Est-ce que cela devrait être une priorité?

[Traduction]

Mme Chunilall : Merci beaucoup, madame la sénatrice, de votre question.

Je ne pourrais pas être plus d’accord. Je pense que l’élaboration d’un plan d’action national doit tenir compte de deux groupes de population très distincts. Quand je dis « groupes de population », je l’entends d’une manière différente de celle dont nous l’entendons habituellement. Je pense que nous devons tenir compte de l’expérience vécue par les communautés jusqu’à présent et que nous devons également tenir compte de l’expérience des personnes ayant une expertise concrète, une expérience sur le terrain, pour nous éclairer sur notre véritable plan d’action et la signification de ses principes.

Je suis certaine que vous entendrez souvent parler d’investissement et d’investissement suffisant dans la communauté pour s’assurer qu’elle ait la flexibilité d’utiliser des pratiques fondées sur des données probantes et d’en tirer parti, mais, dans ce contexte et en même temps, il faut être en mesure de se connecter d’un océan à l’autre afin de ne pas utiliser les ressources de manière inefficace. Une des expériences que nous avons vécues dans le cadre du projet Enraciner l’espoir, c’est que les communautés nous disent que, étant donné que la commission a su créer un modèle de communauté de pratique, selon lequel les communautés de différentes régions géographiques se réunissaient très régulièrement pour régler ensemble les problèmes et parler de ce qui fonctionne dans une partie ou un autre du pays, nous avons pu apprendre les uns des autres et évaluer ce qui fonctionne dans un contexte, sans passer par plusieurs modèles d’intervention qui ne fonctionneraient peut-être pas dans leurs communautés.

Je suis d’accord avec vous pour dire que les communautés doivent être consultées, mais aussi les personnes qui ont une expérience vécue.

Mme Fairman : Je suis très sensible aux commentaires concernant l’engagement de la communauté dans la conception et à l’idée de créer un réseau où les pratiques exemplaires peuvent être partagées, ainsi que d’essayer de maintenir une expertise minimale globale dans le domaine de la prévention du suicide.

Je pense qu’il est également important d’intégrer à cela le fait que l’évaluation du plan d’action doit inclure des indicateurs communautaires. Lorsque nous pensons aux systèmes de santé et à leur rendement, il arrive que les indicateurs n’incluent pas ce que les membres de la communauté considèrent comme des interventions importantes ou efficaces, et ces indicateurs sont essentiels pour que nous puissions nous appuyer sur les réussites communautaires dans ce domaine.

La présidente : Merci beaucoup.

J’ai juste un peu de temps pour poser une dernière petite question à Mme Chunilall. Vous avez parlé de la stigmatisation. La stigmatisation dans certaines communautés a-t-elle été abordée dans le cadre national ou devrait-elle l’être dans le plan d’action? Je parle de la communauté sud-asiatique où la stigmatisation est énorme. On n’en parle pas. Elle peut donc ne pas paraître dans les données. Je n’en suis pas tout à fait certaine, mais je sais que c’est un problème. Quelles recommandations aimeriez-vous voir dans notre rapport pour aider ces communautés à réduire la stigmatisation et, par conséquent, à réduire le nombre de suicides?

Mme Chunilall : Merci de poser cette question très importante.

Je dirais qu’il faut changer de discours. Pour parler spécifiquement de la communauté sud-asiatique, je ne suis pas sûre à 100 % que quand nous rentrons chez nous, nous parlons de santé mentale en disant santé mentale, ou maladie mentale, ou en utilisant un vocabulaire technique ou diagnostique, alors il est important de répondre à la communauté en respectant les mots qu’elle utilise pour parler de santé mentale, de bien-être mental, de maladie mentale dans la communauté; utiliser les mots qu’elle utilise lorsque quelque chose ne va pas et qu’un soutien est nécessaire, c’est précieux. Je pense qu’il est utile de bien comprendre les différentes cultures et de laisser une certaine marge de manœuvre aux gens de cette culture pour qu’ils donnent des conseils sur la façon dont la santé mentale, la maladie mentale et la prévention du suicide peuvent être mieux abordées à ces tables.

Je pense que, dans la communauté sud-asiatique, il y a une démarcation au Canada entre la deuxième ou troisième génération et la population immigrante. Pour les personnes qui viennent d’arriver au Canada et qui sont prêtes à travailleur dur pour réussir ici, leur santé mentale est le cadet de leurs soucis. Prendre soin d’eux, ce n’est pas une priorité pour eux. Ils ne connaissent même pas les ressources qui existent dans leur communauté. Il y a de très bons exemples d’organismes qui travaillent sur le terrain, comme SOCH Mental Health, qui essaient de sensibiliser le public dans la communauté sud-asiatique. Je pense que nous devons parler à un plus grand nombre de ces personnes.

La présidente : Merci beaucoup, mesdames Fairman et Chunilall. Vous nous avez beaucoup aidés à recueillir des perles de sagesse pour notre étude.

Chers collègues, nous avons quelques affaires à traiter à huis clos.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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