LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le jeudi 18 mai 2023
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui, à 11 h 31 (HE), avec vidéoconférence, afin d’examiner la teneur des éléments des sections 8, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 25, 27, 28, 29, 35 et 38 de la partie 4 du projet de loi C-47, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 28 mars 2023; et à huis clos, pour l’étude d’un projet d’ordre du jour (travaux futurs).
La sénatrice Ratna Omidvar (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Je veux souhaiter la bienvenue aux membres du comité, aux témoins, ainsi qu’aux gens qui nous regardent. Je m’appelle Ratna Omidvar. Je suis une sénatrice de l’Ontario et je préside ce comité.
J’aimerais d’abord faire un tour de table afin d’inviter les sénateurs à se présenter, en commençant par la vice-présidente du comité.
La sénatrice Cordy : Je m’appelle Jane Cordy, et je suis une sénatrice de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Bernard : Wanda Thomas Bernard, également de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Osler : Gigi Osler, du Manitoba.
La sénatrice Burey : Sharon Burey, sénatrice de l’Ontario.
Le sénateur Kutcher : Stan Kutcher, de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice McPhedran : Sénatrice McPhedran, du Manitoba.
[Français]
La sénatrice Petitclerc : Chantal Petitclerc, division sénatoriale de Grandville, au Québec.
[Traduction]
La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Julie Miville-Dechêne, division sénatoriale d’Inkerman, au Québec.
[Traduction]
La sénatrice Dasko : Donna Dasko, sénatrice de l’Ontario.
La présidente : Merci, chers collègues.
Nous allons passer à huis clos à 13 h 15 pour discuter d’un projet d’ordre du jour. Nous devrons donc réduire quelque peu le temps consacré à nos deux groupes de témoins. Nous allons prendre les dispositions nécessaires pour pouvoir entendre nos témoins et leur poser des questions afin de conclure cette portion de notre étude.
Nous allons traiter avec nos premiers témoins de la section 18 qui vise à modifier la Loi sur le Collège des consultants en immigration et en citoyenneté. Nous accueillons à cette fin les représentants du Collège des consultants en immigration et en citoyenneté, soit M. John Murray, président et chef de la direction, et M. Michael Huynh, directeur du Service de la conduite professionnelle. Nous recevons aussi M. Dory Jade, chef de la direction de l’Association canadienne des conseillers professionnels en immigration.
Merci d’être avec nous aujourd’hui. Chacune des deux organisations a droit à cinq minutes pour nous présenter ses observations préliminaires.
Nous allons d’abord entendre M. John Murray.
John W. Murray, président et chef de la direction, Collège des consultants en immigration et en citoyenneté : Merci, madame la présidente, et bonjour à tous.
Je m’appelle John Murray. Je suis le chef de la direction et le registraire du Collège des consultants en immigration et en citoyenneté. Je reconnais que je m’adresse à vous aujourd’hui sur le territoire non cédé et non abandonné de la nation algonquine anishinabe. Je suis en compagnie de mon collègue Michael Huynh, directeur du Service de la conduite professionnelle du collège.
Je vous remercie de m’offrir l’occasion de comparaître devant vous pour discuter du collège et des modifications importantes proposées aux dispositions législatives régissant notre organisme dans le cadre de la section 18 du projet de loi C-47. De plus, je serai ravi de répondre à vos questions.
Le Collège des consultants en immigration et en citoyenneté a été constitué en vertu de la Loi sur le Collège des consultants en immigration et en citoyenneté, une des sections de la Loi d’exécution du budget de 2019. Cette loi a été adoptée par le Parlement et a reçu la sanction royale en juin 2019, mais n’est entrée en vigueur qu’en décembre 2020.
En vertu d’un arrêté ministériel, le collège a ouvert officiellement ses portes en novembre 2021 lorsque le Conseil de réglementation des consultants en immigration du Canada a été prorogé à titre de collège.
La loi sur le collège a institué le collège en tant qu’organisme indépendant du gouvernement et lui a donné le mandat de délivrer des permis aux consultants en immigration et en citoyenneté et de les réglementer dans l’intérêt public. L’établissement du collège constituait un élément clé des initiatives déployées par le gouvernement pour renforcer la surveillance, lutter contre la fraude et préserver l’intégrité du système canadien d’immigration. La loi sur le collège établit un cadre réglementaire exhaustif visant à permettre aux membres de la profession des consultants en immigration et en citoyenneté du Canada de surmonter les problèmes soulevés dans le rapport présenté en juin 2017 par le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration de la Chambre des communes, dont l’objectif était de mettre le collège sur le même pied que d’autres organismes de réglementation professionnels établis depuis longtemps au Canada.
Tel qu’énoncé dans la loi, le collège a pour mission, d’une part, de régir les consultants en immigration et en citoyenneté dans l’intérêt public et, d’autre part, de protéger le public, notamment :
[...] en établissant et en appliquant des qualifications, des normes de pratique et des exigences en matière de formation continue pour les titulaires de permis [...] en veillant à ce que le Code de déontologie soit respecté [...] en menant des campagnes de sensibilisation auprès du public.
Afin de respecter son mandat, le collège tient à jour un registre des professionnels réglementés qui est accessible au public; et établit et administre la formation préalable, l’accès à la pratique et les autres exigences en matière de délivrance de permis. Je tiens à souligner que le collège a lancé récemment un nouveau programme d’études supérieures que tous les nouveaux titulaires de permis sont tenus de suivre. Ce programme est offert en français à la Faculté de droit de l’Université de Montréal et, en anglais, à la Faculté de droit de l’Université Queen’s.
Le collège met en application le code de déontologie au moyen d’un processus rigoureux de plaintes et de mesures disciplinaires; et informe le public au moyen de campagnes de sensibilisation ciblant les éventuels nouveaux arrivants au Canada et d’autres intervenants.
La loi sur le collège confère également au collège le pouvoir de déposer des injonctions judiciaires contre des praticiens non autorisés dans les cas qui s’y prêtent. Ces pouvoirs légaux jouent un rôle important dans la réussite du collège. Toutefois, certaines modifications sont requises afin de veiller à une meilleure protection de l’intérêt public et de favoriser l’efficience et l’efficacité des activités du collège. Nombre de ces modifications nécessaires sont prévues dans le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui.
Ces modifications prévoient notamment l’ajout de pouvoirs actuellement manquants et les changements requis pour clarifier les dispositions de la loi originale. Parmi ces modifications, notons celles visant à préciser que le collège peut offrir des programmes de formation et de perfectionnement aux titulaires de permis; permettre au collège d’assurer l’exécution des ordonnances disciplinaires par l’intermédiaire des tribunaux; assurer l’immunité en matière de responsabilité aux administrateurs, aux dirigeants et aux employés lorsqu’ils agissent de bonne foi; clarifier des éléments du processus disciplinaire et les sanctions pouvant être imposées; permettre au collège d’exercer une tutelle sur l’entreprise d’un titulaire de permis dans certaines circonstances pour veiller à ce que les intérêts des clients soient protégés, notamment en désignant un autre titulaire de permis pour s’occuper des dossiers en cours ou en retournant les documents et les fonds aux clients; permettre au collège de conclure des ententes officielles d’échange de renseignements avec d’autres organismes ou ordres de gouvernement; et élargir la capacité du conseil d’administration du collège à prendre des règlements administratifs dans certains domaines.
Bien que les modifications proposées permettent d’atteindre plusieurs objectifs, je tiens à mentionner que le collège demeure une organisation relativement récente. Nous savons que nous avons encore beaucoup à faire. Par exemple, nous travaillons actuellement avec le ministère de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté pour trouver des solutions à d’autres défis législatifs auxquels fait face le collège, notamment en ce qui concerne la Loi sur l’accès à l’information et la Loi sur la protection des renseignements personnels.
Le Canada demeure une des destinations prisées par les immigrants talentueux du monde entier...
La présidente : Espérons que vous pourrez nous faire part du reste de vos observations en répondant aux questions des sénateurs ou si l’un d’eux est disposé à vous céder son temps de parole à cette fin.
Dory Jade, chef de la direction, Association canadienne des conseillers professionnels en immigration : Bonjour à tous.
Je suis heureux de pouvoir comparaître devant vous aujourd’hui pour discuter des préoccupations liées aux modifications apportées à la Loi sur le Collège des consultants en immigration et en citoyenneté au moyen du projet de loi C-47. L’Association canadienne des conseillers professionnels en immigration, ou ACCPI, est le regroupement professionnel des consultants en immigration accrédités du Canada qui compte parmi ses membres des consultants réglementés en immigration canadienne, ou CRIC, des conseillers réglementés en immigration pour étudiants étrangers, ou CRIEE, et des avocats spécialisés en immigration.
Depuis de nombreuses années, notre association joue un rôle déterminant dans l’autoréglementation de cette industrie en application de la loi fédérale, se distinguant ainsi d’autres groupes de représentation autorisés, sans doute en mode de concurrence, qui préconisent l’élimination de la réglementation sous toutes ses formes. Nous faisons plutôt pression de notre côté pour que les règles soient resserrées au moyen de paramètres de réglementation en faveur d’une pratique misant sur la compétence et l’éthique.
Notre première réserve vient du fait que le projet de loi C-47 propose que le mandat du collège soit élargi avec l’ajout d’un paragraphe 4(a.1) suivant lequel le collège élaborera et mettra en œuvre des programmes de formation et de perfectionnement pour les titulaires de permis. L’ACCPI est d’avis que l’addition de nouvelles responsabilités au mandat de l’instance réglementaire à ce moment-ci va sans doute être à l’origine d’un conflit d’intérêts, car cette instance deviendrait du même coup l’entité qui conçoit le programme et celle qui est chargée de l’accréditation.
L’amendement proposé fera en sorte qu’il deviendra plus difficile pour le collège de protéger le public. Le collège dispose de ressources limitées et en aurait besoin de beaucoup plus pour assumer les responsabilités qui lui incomberaient avec l’ajout du paragraphe 4(a.1).
Je rappelle au comité que de tels cours ont été donnés par le passé — c’était il y a 19 ans — par l’instance réglementaire précédente, laquelle a été démantelée notamment dans la foulée de cet exercice. Le Conseil de réglementation des consultants en immigration du Canada, ou CRCIC, — dont le rôle réglementaire est maintenant assumé par le collège — n’avait pas un mandat de fournisseur de formation permanente, et l’on a renoncé délibérément à inclure un tel mandat dans le projet de loi C-47.
Il y a aussi un problème avec l’article 17 qui va autoriser le collège à demander une ordonnance judiciaire sans préavis. Dans un contexte où la justice naturelle devrait primer, nous estimons qu’un préavis devrait être donné au titulaire de permis lorsqu’une telle ordonnance est sollicitée. La personne ainsi concernée doit être avisée en pareil cas; c’est l’un de ses droits fondamentaux.
Inscrire un pouvoir d’ordonnance dans la réglementation peut entraîner certaines situations problématiques qui verraient les pouvoirs du gouverneur en conseil être délégués au collège, ce qui prêche selon moi en faveur d’une profession autoréglementée avec la suppression d’un palier de supervision gouvernementale.
Le collège souhaite avoir accès aux installations des titulaires de permis. Comme nos membres sont nombreux à pratiquer à partir de leur domicile et que la loi ne définit pas avec précision le concept de propriété, on autorise en fait l’instance réglementaire à avoir accès à des lieux d’habitation en raison de l’environnement dans lequel travaillent certains titulaires de permis.
Merci du temps que vous me consacrez. Je serai ravi de répondre à toutes vos questions.
La présidente : Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs. Je vais raccourcir le temps alloué pour chaque période de questions et réponses de telle sorte que chacun ait la chance d’intervenir et que nous respections l’horaire prévu. Chacun de vous aura ainsi droit à trois minutes pour ses questions et pour les réponses de nos témoins. Je demanderais donc à ceux-ci de bien vouloir répondre de façon succincte. Vous pourrez toujours nous fournir des compléments de réponse par écrit si jamais vous manquez de temps. Il en va de même pour les sénateurs. Vous pouvez poser vos questions par écrit et obtenir des réponses de la même façon.
Sénateurs, n’oubliez pas en outre d’indiquer à qui vous adressez votre question. La vice-présidente du comité sera la première à pouvoir échanger avec nos témoins.
La sénatrice Cordy : J’ai quelques questions, principalement pour M. Murray que nous avons dû interrompre. C’est au sujet du respect des règles.
Merci beaucoup pour le document que vous nous avez transmis. Il m’a été très utile de pouvoir en prendre connaissance.
Comment vous assurez-vous que les consultants respectent les règles établies? Je sais que vous soumettez des rapports annuels au ministère, mais comment pouvez-vous savoir si chacun respecte la réglementation? Faites-vous des vérifications individuelles ou utilisez-vous à cette fin les formulaires remplis par les consultants? Comment vous y prenez-vous exactement?
Juste avant d’être interrompu, vous avez évoqué la situation des praticiens non autorisés en indiquant que cela demeurait préoccupant. Je pense que vous avez tous les deux abordé la question. Vous êtes au fait de leur existence, mais ils continuent tout de même de pratiquer. M. Jade vient de nous parler de l’accès aux installations, lequel peut devenir problématique lorsqu’un consultant travaille à partir de sa résidence.
De quels outils auriez-vous besoin pour mettre un frein aux activités des praticiens non autorisés? Il peut être difficile pour un nouvel arrivant au pays de faire la part des choses en présence d’un praticien non titulaire d’un permis qui a peut-être aussi l’éthique douteuse.
M. Murray : Merci, sénatrice. Le collège a mis en place une série évolutive d’outils réglementaires dont il se sert pour la délivrance de permis aux conseillers en immigration et aux consultants en immigration pour les étudiants étrangers, et pour le suivi de leurs activités pendant la durée d’application de leur permis. Cela comprend tous les outils habituellement à la disposition d’une instance réglementaire professionnelle, comme des exigences de scolarité rigoureuses préalables à la délivrance du permis; un examen que tous les nouveaux titulaires doivent réussir absolument pour pouvoir pratiquer; et des exigences à suivre obligatoirement chaque année en matière de formation permanente. Les titulaires de permis nous présentent des rapports lorsqu’ils satisfont à ces différentes exigences, et nous vérifions ces rapports au fur et à mesure. Chaque titulaire doit se soumettre à un processus très détaillé de renouvellement annuel pour que son permis demeure en règle.
C’est un processus qui est encore en évolution. Comme je l’indiquais, nous sommes une organisation relativement récente. Année après année, nous approfondissons notre examen des activités de nos titulaires de permis pour nous assurer qu’ils respectent l’ensemble de la réglementation, même si celle-ci est loin d’être établie dans sa forme définitive. Nous attendons que le gouvernement prenne toute une série de règlements en application de la loi sur le collège, notamment dans le but d’assurer le respect de notre nouveau code d’éthique qui a force réglementaire depuis juin 2022.
Le problème des praticiens non autorisés est très grave et touche tous les pays qui sont des destinations de choix pour les immigrants. La loi nous offre trois outils précieux pour contrer cette problématique. Il y a d’abord un pouvoir d’injonction qui nous est accordé par l’intermédiaire des tribunaux canadiens à l’encontre des praticiens non autorisés. Ceux parmi vous qui ont une formation juridique n’ignorent pas qu’un pouvoir d’injonction peut sembler intéressant, mais demeure un moyen pour le moins abrupt d’arriver à ses fins, un moyen qui exige l’établissement d’une preuve substantielle. Comme toutes les autres procédures judiciaires, des sommes considérables doivent être engagées sans que l’on puisse être certain des résultats. C’est un pouvoir que nous devrions utiliser principalement au détriment des praticiens non autorisés au Canada, car il peut être difficile d’obtenir une injonction auprès d’un tribunal canadien relativement à des activités ayant cours à l’étranger.
Il est bien connu que la majorité des praticiens non autorisés qui choisissent d’exploiter de façon malveillante d’éventuels immigrants au Canada travaillent depuis l’étranger, la plupart du temps dans les pays d’où viennent les immigrants en question, comme l’Inde, la Chine et les Philippines.
À cet égard, le collège et le conseil qui l’a précédé ont mené de vastes campagnes d’information publique et de sensibilisation, principalement sur des plateformes numériques, car c’est la meilleure façon de rejoindre les candidats à l’immigration dans ces pays sources pour leur faire savoir qu’ils peuvent avoir accès à des conseillers titulaires d’un permis.
La présidente : Merci, monsieur Murray. Je suis désolée, mais je dois m’assurer que l’on s’en tient au temps imparti.
M. Murray : Je comprends très bien.
La présidente : La sénatrice Seidman devrait être la prochaine à poser ses questions, mais elle m’a gentiment cédé son temps de parole. Ma question est également pour vous, monsieur Murray. Je me souviens très bien de l’étude de ce projet de loi — le C-97, si je ne m’abuse — qui a donné naissance à votre collège. Certaines de mes questions vont dans le sens de celles que j’ai posées à l’époque.
Il y a deux groupes différents d’intéressés en l’espèce. À mes yeux, l’un est plus important que l’autre, et c’est celui que forment les immigrants. L’autre groupe est celui des conseillers en immigration.
J’aimerais savoir dans quelle mesure votre collège est parvenu à guider les praticiens non accrédités — comme vous aviez promis de le faire à ce moment-là — afin qu’ils obtiennent leur permis. Pourriez-vous nous dire également quel est le ratio entre les praticiens détenteurs d’un permis et ceux qui n’en ont pas au Canada?
M. Murray : Je ne saurais malheureusement pas vous dire quel est le ratio entre ces deux groupes de praticiens au Canada. Nous avons essayé d’en établir le nombre en travaillant avec Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, mais je dois vous avouer que nous ne savons pas vraiment à quoi nous en tenir. Il y a un grand nombre de…
La présidente : Combien de vos membres sont actuellement titulaires d’un permis?
M. Murray : Nous comptons quelque 13 000 consultants en immigration et conseillers pour les étudiants étrangers qui détiennent actuellement un permis.
La présidente : Merci. Pouvez-vous nous parler de la situation pour ce qui est des plaintes? Est-ce que leur nombre est à la hausse, en baisse ou bien stable?
M. Murray : Je vais demander à mon collègue, Michael Huynh, de bien vouloir vous répondre à ce sujet.
Michael Huynh, directeur, Conduite professionnelle, Collège des consultants en immigration et en citoyenneté : Merci pour cette question. Le nombre de plaintes par titulaire de permis est à la baisse. Nous en sommes actuellement à environ 5 %, soit 5 plaintes pour 100 titulaires de permis. Simplement pour mettre les choses en perspective, cette proportion se situe aux environs de 8 % sur une base annuelle pour le Barreau de l’Ontario, alors qu’elle atteint à peu près 9 % pour l’Ordre des médecins et chirurgiens de l’Ontario.
Lors de nos premiers pas à titre d’instance réglementaire, nous en étions à environ 10 %, soit 10 plaintes par 100 titulaires de permis, et nous voilà rendus à 5 %. Bien que ce résultat puisse sembler encourageant, je dois vous rappeler que les plaintes à l’endroit des professionnels ne sont pas un bon indicateur de la conduite d’ensemble des membres de la profession en question.
La présidente : Combien de temps vous faut-il généralement pour régler une plainte?
M. Huynh : Tout dépend de la nature de la plainte.
La présidente : Monsieur Murray, je pense que cette question est pour vous. Il y a un nouvel article dans cette section — vous en avez parlé —, l’article 56, qui protège les administrateurs de votre collège contre les dommages et la responsabilité. Comment cela sert-il le client, qui est, dans ce cas, le candidat à l’immigration?
M. Murray : Il est très commun de prévoir une disposition générale garantissant l’immunité des administrateurs, des dirigeants et des employés d’un organisme d’autoréglementation. On en retrouve dans les lois régissant les organismes de réglementation professionnelle de toutes les provinces.
La présidente : Merci, monsieur Murray. Encore une fois, je dois vous interrompre, par souci d’équité pour mes collègues.
La sénatrice Osler : Je remercie les témoins pour leurs témoignages d’aujourd’hui. J’aimerais revenir sur certains commentaires que M. Jade a faits au sujet des conflits d’intérêts pour le collège. Le collège a-t-il remarqué des conflits d’intérêts réels ou perçus et, dans l’affirmative, comment comptez-vous les atténuer? Pensez-vous avoir besoin de ressources supplémentaires pour remplir vos rôles d’organisme de réglementation et, pour reprendre ce que disait M. Jade, de concepteur de programmes?
M. Jade : Pour répondre à la première partie de la question, c’est assez simple. La loi ne prévoyait pas que le collège conçoive et établisse, en particulier, des programmes de formation, d’où les programmes offerts à la Faculté de droit de l’Université Queen’s et à l’Université de Montréal. Le problème, c’est qu’à notre avis, cela exige énormément de ressources financières et humaines dont le collège aurait besoin dès maintenant pour s’acquitter d’abord de ses responsabilités en vertu des quatre autres parties — A, B, C — de l’article 4, selon les besoins.
Nous pensons qu’il s’agit d’un conflit d’intérêts ou que cela pourrait en créer un éventuellement, simplement parce que tout programme de formation doit être approuvé par le collège. Si le collège est celui qui autorise les fournisseurs à offrir leurs programmes, comment peut-il concevoir et offrir ses propres programmes, puis les autoriser et en faire la vérification lui‑même? C’est notre principale préoccupation.
La sénatrice Osler : Merci, monsieur Jade. J’aimerais bien entendre les représentants du collège aussi.
M. Murray : Merci, sénatrice. Le mandat du collège est de créer des normes et de réglementer la profession dans l’intérêt du public. Depuis la création du Collège des consultants en immigration et en citoyenneté du Canada, l’organisme élabore des programmes de formation qu’elle offre aux titulaires de permis.
Nous proposons actuellement un programme de formation en gestion de la pratique qui comprend neuf cours et qui est obligatoire pour tous les nouveaux titulaires de permis du collège. De plus, il y a deux ans, nous avons créé un programme de mise à niveau qu’on appelle le programme de spécialisation pour les titulaires de permis qui choisissent d’exercer devant les tribunaux de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada. C’était une réponse directe aux critiques formulées par le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration de la Chambre des communes dans un rapport publié en 2017, selon lesquelles les titulaires de permis de ce qui était alors le Conseil de réglementation des consultants en immigration du Canada, ou CRCI, n’étaient pas en mesure de représenter efficacement les clients dans ce contexte.
Nous offrons de la formation depuis plus de 10 ans. Selon notre politique actuelle, lorsque nous offrons des cours aux titulaires de permis, soit nous le faisons gratuitement — comme pour le programme de formation en gestion de la pratique —, soit nous le faisons en mode recouvrement des coûts. Nous ne cherchons donc pas à gagner de l’argent de cette façon. Notre objectif est d’améliorer les normes de formation.
Lorsque le premier projet de loi a été présenté au Parlement, nous avons demandé pourquoi les programmes de formation ne figuraient pas dans les dispositions sur notre mandat, et on nous a dit...
La présidente : Merci, monsieur Murray.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Je vais poursuivre dans la même veine que la sénatrice Omidvar. Quel est le pourcentage de plaintes — ou quel est leur nombre en chiffres absolus — qui sont fondées dans celles que vous recevez? Sont-elles rendues publiques afin de prévenir les consommateurs?
M. Huynh : Merci pour cette question. Le pourcentage change chaque année, mais la réponse à la question de savoir si la plainte est fondée est publiée sur notre site Web au moment où notre comité disciplinaire...
La sénatrice Miville-Dechêne : Donnez-moi une idée de la dernière année. Quel est le pourcentage de plaintes fondées par rapport à l’ensemble des plaintes?
M. Huynh : Cette année, nous avons publié 60 décisions sur notre site Web. Je ne sais pas si je peux donner un pourcentage, parce que ces plaintes sont reçues lors de différentes années. Je suis désolé, mais je ne peux pas vous donner un pourcentage exact.
La sénatrice Miville-Dechêne : Pourriez-vous nous le faire parvenir par écrit?
M. Huynh : Absolument.
La sénatrice Miville-Dechêne : L’autre question est plus générale. On dit ici, dans l’explication du changement à la section 18, qu’on va renforcer le système de plaintes pour éviter les représentations frauduleuses ou contraires à l’éthique.
Cela veut donc dire que c’est un problème. On en a parlé. Qu’est-ce qui sera fait exactement pour éviter de tromper le consommateur, l’immigrant?
[Traduction]
M. Huynh : Ces modifications au processus de plainte permettront au collège d’appliquer un certain nombre de décisions rendues par le comité de discipline. Je pense qu’il s’agit d’un pouvoir important qui manquait dans la version précédente de la loi. Il nous permettra de veiller à ce que toute décision rendue par le comité de discipline soit bel et bien mise en application. Par conséquent, les titulaires de permis qui font l’objet d’une mesure disciplinaire sauront qu’ils devront se conformer à l’ordonnance, faute de quoi ils s’exposeront à d’autres conséquences que la simple révocation du permis, par exemple, qui est le pire que nous puissions faire pour l’instant.
Il convient également de souligner que certains changements apportés au traitement des plaintes nous permettront d’être beaucoup plus efficaces. Cette efficacité est très importante, en réalité, parce que notre ministère reçoit un certain nombre de plaintes, dont certaines ne sont pas fondées, comme vous l’avez mentionné, sénatrice. Cela nous permettra de faire en sorte que les plaintes qui sont fondées reçoivent l’attention qu’elles méritent. Certains des pouvoirs supplémentaires qui nous seront conférés et des modifications apportées à cette loi nous permettront de mieux trier les plaintes et de nous assurer d’affecter les ressources appropriées aux plaintes les plus graves.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Merci.
La sénatrice Petitclerc : Je vais aussi poser ma question en français. Vous l’avez mentionné, la section 18 propose d’accorder plusieurs nouveaux pouvoirs. L’un de ces nouveaux pouvoirs, si je comprends bien, permettra au Collège des consultants en immigration et en citoyenneté d’aller dans la propriété privée d’un titulaire de permis actuel pour saisir des documents ou des articles.
Monsieur Jade — et monsieur Murray par la suite —, j’aimerais savoir ceci : quelle sera l’incidence de ces nouveaux pouvoirs et de quelle façon cela protégera-t-il les clients des consultants? Ma question est donc en deux volets.
M. Jade : Merci, madame la sénatrice. Tous les autres ordres professionnels ont un pouvoir d’accès à la propriété liée au travail d’une personne professionnelle. Nous sommes d’accord sur ce fait.
Cependant, le seul manque qui existe a trait à la définition de la propriété. Souvent, avec le télétravail qui se fait actuellement, une très grande majorité de consultants travaillent de chez eux. La propriété n’est donc pas bien définie. Ce que signifie une « propriété liée au travail », alors que la loi est très vague actuellement... Je vais vous donner une comparaison qui ne reflète pas la réalité à 100 %, mais qui vous donnera une idée : c’est un peu comme un mandat qui autoriserait la police à saisir tout; c’est criminel. C’est à un tout autre niveau dans notre société.
Sur le plan civil ou pénal, il faut définir ce qu’est la propriété. Toutefois, cela donne beaucoup de soutien aux clients : au cas où un consultant les mettrait dans une situation difficile, ils seront protégés par cette partie. Je ne sais pas si Michael veut ajouter quelque chose.
M. Huynh : Je pense que nous sommes sur la même longueur d’onde sur la question des mandats et le pouvoir nécessaire pour prendre les propriétés, mais auparavant il faut se demander si c’est nécessaire dans le cas de l’article 17.3. Le Collège des consultants en immigration et en citoyenneté devrait-il avoir le pouvoir d’entrer dans la propriété...
[Traduction]
La présidente : Je suis désolée, monsieur Huynh, mais je dois être stricte sur le temps. Nous devons passer à autre chose.
La sénatrice Dasko : Monsieur Murray, vous vous êtes lancé dans une discussion sur vos campagnes de sensibilisation tout à l’heure. J’aimerais approfondir un peu le sujet.
Votre organisation est encore toute nouvelle, elle n’existe pas depuis longtemps, soit depuis un peu plus d’un an et demi, mais vous avez dit mener des campagnes de sensibilisation. Pouvez‑vous nous décrire en quoi consistent ces campagnes, à qui elles s’adressent et quels en sont les objectifs? Qu’essayez‑vous de transmettre précisément à vos publics cibles? Cela m’en dirait long sur la nature des problèmes.
M. Murray : Bien sûr. Merci, sénatrice. Chaque année, le collège, comme le conseil avant lui, mène d’importantes campagnes de sensibilisation du public dans les médias numériques et ailleurs, principalement pour informer les immigrants potentiels et les autres parties des services et des compétences des consultants agréés et des dangers qu’il y a à faire affaire avec des fournisseurs non agréés. Comme je le disais, il s’agit de campagnes numériques. Elles sont menées jusque dans huit langues, selon les statistiques que nous recevons d’IRCC sur les principaux pays d’origine des immigrants. Nous ciblons également les membres de ces communautés qui se trouvent déjà au Canada et nous utilisons les médias qui s’adressent à elles.
Nous menons aussi des campagnes de sensibilisation du grand public à l’intention des autres acteurs, comme les parlementaires. D’ailleurs, nous organisons la semaine prochaine une rencontre en ligne pour présenter l’information la plus récente sur le collège, et vous et votre personnel avez tous reçu une invitation à y participer. Nous en organiserons une autre en février.
Nous participons également, avec IRCC et d’autres organismes gouvernementaux, dont l’ASFC et la GRC, aux activités annuelles du Mois de la prévention de la fraude, au cours duquel nous mettons l’accent, dans nos messages, sur la fraude en matière d’immigration.
Nos messages visent à inciter les candidats à l’immigration à consulter notre registre accessible au public, qui répertorie les consultants agréés. On y trouve une adresse de courriel sécurisée pour communiquer avec eux. Nous mettons les gens en garde contre les dangers du recours à des consultants non agréés. Enfin, nous présentons de l’information générale sur la façon de travailler avec un consultant. Quelles sont les questions à poser? Quel genre d’honoraires les consultants peuvent-ils proposer pour leurs services?
La sénatrice Dasko : Il s’agit donc de messages destinés aux communautés ethniques du Canada, plutôt qu’aux immigrants ou aux immigrants potentiels d’autres pays?
M. Murray : Non. Ils s’adressent aussi aux gens à l’étranger.
La sénatrice Bernard : Ma question s’adresse encore à M. Murray.
Je m’interroge sur le nombre de consultants depuis la création du collège. Avez-vous constaté une augmentation, une diminution de leur nombre ou est-il resté le même?
M. Murray : Leur population a considérablement augmenté depuis cinq ans. Vous vous souviendrez que le collège est venu remplacer l’organisme de réglementation précédent, le Conseil de réglementation des consultants en immigration du Canada. Il s’agit donc d’une nouvelle organisation, mais d’une organisation qui porte une histoire empruntée à une autre.
Il y a environ cinq ans, il y avait à peine plus de 10 000 consultants. Aujourd’hui, nous en sommes à 13 000, ce qui signifie que leur population augmente beaucoup. Nous avons remarqué, grâce à nos sondages auprès des étudiants et d’autres personnes, que l’intérêt vient principalement des annonces gouvernementales concernant le relèvement des cibles d’immigration, c’est donc à l’image de la politique gouvernementale.
La sénatrice Bernard : Retrouve-t-on des consultants non agréés dans ce secteur?
M. Murray : Oui.
La sénatrice Bernard : Les amendements permettront-ils de rectifier le problème?
M. Murray : Les amendements aideront grandement à lutter contre les consultants non agréés, à la fois au Canada et à l’étranger.
L’un de nos principaux objectifs pour la session, c’est de conclure des ententes sur l’échange de renseignements avec le gouvernement et d’autres organismes ici au pays et à l’étranger. Dans le cas des consultants non agréés qui exercent à l’étranger, nous devons coopérer avec leurs gouvernements. Souvent, l’échange de renseignements fait l’objet de restrictions, et cela vaut également pour les gouvernements des provinces canadiennes et des organismes gouvernementaux. Nous pensons que les ententes sur l’échange de renseignements prévues dans les amendements nous aideront énormément à établir des liens avec les autres acteurs.
La sénatrice Bernard : Quelles sont les mesures prévues pour protéger les immigrants prospectifs contre ces consultants non agréés?
M. Murray : Le gouvernement, IRCC, Affaires mondiales Canada, l’Agence des services frontaliers du Canada et la GRC sont tous habilités à appliquer les dispositions créant des infractions de la loi visant le collège, selon lesquelles le fait de se représenter frauduleusement en tant que consultant agréé est une infraction quasi criminelle.
Nous n’avons pas ces pouvoirs. Seuls ces autres organismes sont habilités. Ils sévissent, pas aussi souvent que nous aimerions, mais ils sévissent.
La sénatrice Bernard : Merci.
La présidente : Ô miracle, il nous reste environ 10 minutes. Nous allons retourner à la question de la sénatrice Dasko à laquelle vous n’avez pas pu répondre, monsieur Murray. Vous vous souvenez de la question?
M. Murray : Non. Pouvez-vous me la répéter s’il vous plaît?
La sénatrice Dasko : Bien sûr.
Je vous prie de terminer votre description des campagnes de sensibilisation et de nous indiquer si vous êtes en mesure de mener des campagnes dans d’autres pays et, le cas échéant, quels pays sont ciblés. Je crois que vous avez déjà expliqué le message.
M. Murray : D’accord. Le message vise à orienter les immigrants prospectifs vers notre registre public, afin qu’ils puissent trouver et éventuellement engager un consultant agréé qui pourra les aider.
En ce qui concerne nos activités de sensibilisation menées dans d’autres pays, nous avons tissé des liens avec les bureaux des visas canadiens en Inde. Nous discutons avec des représentants d’autres pays. Nous avons récemment rencontré des représentants de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, par exemple, pour discuter de façons qui nous permettraient d’échanger des renseignements sur les consultants non agréés, car ces deux pays connaissent de nombreux problèmes semblables aux nôtres. Nous avons aussi cherché à créer des messages plus détaillés qui pourraient être diffusés à une plus grande échelle par l’entremise de leurs organisations respectives.
Comme je l’ai dit, c’est un début. Nous avançons aussi rapidement que possible. Je le répète, la capacité de conclure des ententes sur l’échange de renseignements nous aidera non seulement à lutter contre les consultants non agréés, mais également à transmettre des messages aux immigrants prospectifs à l’étranger.
La sénatrice Dasko : Les consultants qui se trouvent dans d’autres pays ne sont pas agréés par le Canada, n’est-ce pas?
M. Murray : Non, ils ne le sont pas.
La sénatrice Dasko : En fait, ils font ce qu’ils veulent dans ces autres pays. Il me semble que c’est tout un défi, car les immigrants prospectifs pourraient se faire embobiner là-bas.
M. Murray : En fait, de nombreux pays qui sont les principales sources d’immigrants au Canada perçoivent ces immigrants presque comme une ressource nationale, et ils souhaitent vivement protéger cette ressource contre les abus. Ces pays veulent travailler avec nous et d’autres acteurs afin de lutter contre les consultants frauduleux présents sur leur territoire, tout comme nous.
La sénatrice Dasko : Merci.
La sénatrice McPhedran : Merci beaucoup d’être des nôtres aujourd’hui.
Ma question vise un sujet différent, à savoir les gens victimes du comportement répréhensible, frauduleux et abusif ciblé par votre collège. Quel soutien leur est offert?
Le collège répertorie-t-il les torts et si oui, comment procède‑t‑il? Quelles réparations cherche-t-il à offrir, à la lumière des renseignements qui guident vos processus ici au pays?
M. Huynh : Deux démarches sont possibles selon notre processus de traitement des plaintes que nous recevons de clients existants qui ont connu des problèmes. La première, c’est la résolution du différend, qui prévoit une audience. Nous prenons acte des préoccupations et des renseignements fournis par les personnes ayant déposé des plaintes, et nous tentons de trouver des solutions et, dans certains cas, d’offrir une réparation.
Dans d’autres cas, qui sont souvent plus graves, nous publions la décision. Cette décision permet à la personne de s’en servir comme motif, par exemple, de dépôt d’une nouvelle demande à cause de la négligence de son consultant.
L’autre aspect consiste à prendre note des renseignements recueillis dans le cadre des plaintes et de s’en servir dans nos activités d’éducation et de formation, afin d’éviter que ce genre d’erreur ne se reproduise pas.
Nous avons également un processus de rétroaction visant à éviter les écueils soulevés lors du traitement des plaintes.
La sénatrice McPhedran : Voilà ce qui m’amène à une deuxième question.
Ai-je raison de dire qu’en général, les décisions ne sont pas rendues publiques? Ensuite, y a-t-il une façon pour les gens de vérifier s’ils travaillent avec un consultant légitime, digne de confiance et si un consultant a déjà fait l’objet de plaintes ou de procédures disciplinaires?
M. Huynh : Les décisions de notre comité de discipline sont publiées sur notre site Web. Les membres du public peuvent le consulter pour voir si le titulaire de permis avec lequel ils travaillent ou pensent travailler fait ou a déjà fait l’objet d’une procédure disciplinaire.
Ce ne sont pas toutes les plaintes qui se soldent par un constat d’inconduite. Dans le cas de plaintes d’ordre mineur, nous trouvons qu’il est beaucoup plus efficace et avantageux pour toutes les parties de trouver une solution en évitant une procédure de type non contradictoire.
La sénatrice Burey : Bonjour. Merci d’être des nôtres et de faire ce travail important.
Je vais donner suite à la question de la sénatrice Dasko sur la sensibilisation. Avez-vous mesuré l’efficacité de vos activités de sensibilisation?
M. Murray : Merci. Oui, comme la plupart de nos activités sont numériques, nous comptons le nombre de visiteurs. Vous me pardonnerez mes erreurs de terminologie attribuables à mon âge canonique.
Nous comptons également le nombre de visiteurs à notre registre public qui, comme je l’ai indiqué, est au cœur de la plupart de nos activités de sensibilisation du public. Nous voulons que les immigrants prospectifs consultent le registre, afin d’y trouver un consultant qui répond à leurs besoins, parle leur langue et se trouve dans une région qui leur convient. Le nombre de visites est enregistré.
Nous voyons des pics de consultation du registre au début d’une campagne et à sa fin. Voilà comment nous mesurons l’efficacité de nos efforts.
La sénatrice Burey : Merci.
La présidente : J’ai deux dernières questions à poser à M. Murray. Pensez-vous que vos consultants en immigration agréés sont suffisamment qualifiés pour représenter des immigrants devant les tribunaux et lors d’audiences? Ce sont des moments charnières qui peuvent garantir ou anéantir l’avenir d’une personne.
M. Murray : Pour être succinct, oui. Nous avons remanié le programme d’études supérieures pour les nouveaux consultants et avons conçu notre Programme de spécialisation destinée aux consultants en immigration qui souhaitent représenter leurs clients devant les tribunaux.
Ces programmes ont été très bien reçus. Nous sommes sûrs qu’ils ont beaucoup aidé les nouveaux consultants, qui ont suivi le programme d’études supérieures, ainsi que les consultants existants qui ont suivi le programme de spécialisation pour représenter leurs clients.
J’ajouterai également qu’au 1er juillet, tout consultant agréé n’ayant pas suivi le programme de spécialisation ou le nouveau programme d’études supérieures, c’est-à-dire le diplôme d’études supérieures offert par l’Université Queen’s et l’Université de Montréal, ne pourra plus représenter des clients devant les tribunaux. C’est une grande amélioration.
La présidente : Merci. Il nous reste une minute. Permettez‑moi de vous poser une question sur les consultants en immigration qui exercent à l’extérieur du Canada.
Je suis allée au Pendjab récemment. Le secteur des consultants en immigration est en plein essor là-bas. J’y ai rencontré notre consul général. Son bureau s’active à sensibiliser le public sur la nécessité de faire affaire avec ou bien des consultants en immigration agréés, ou bien le gouvernement du Canada directement. Selon moi, c’est cette deuxième possibilité qui est préférable.
Avez-vous songé à établir un organisme homologue qui aurait les pouvoirs nécessaires aux plaques tournantes d’immigration en Inde, notamment dans le Pendjab?
M. Murray : Monsieur Huynh, voulez-vous parler de nos liens avec le Pendjab?
M. Huynh : Je peux le faire rapidement.
Comme M. Murray vient de le mentionner, certains pays désirent protéger leurs citoyens, dont un certain pourcentage décident ou bien d’immigrer ou bien de migrer. Il existe des possibilités de collaboration avec certains pays, mais ce ne sont pas tous les pays qui accepteraient ensuite de sévir en cas d’infraction.
Si nous avions un homologue à l’étranger, le problème serait notre pouvoir d’application de la loi dans d’autres pays. Or, je pense que la capacité d’échanger des renseignements prévue dans les amendements proposés sera un outil fort utile.
Nous devons être en mesure d’échanger des renseignements, non seulement avec d’autres pays, mais également avec IRCC et des organismes fédéraux et provinciaux qui ont eux aussi voix au chapitre quant au nombre de résidents temporaires qui viendraient de certains pays, par exemple.
La présidente : Merci, monsieur Huynh.
Chers témoins, merci beaucoup d’avoir été des nôtres et d’avoir répondu à nos questions. Je suis sûre que nous aurions pu continuer si le temps le permettait, mais vous nous avez permis de mieux comprendre les enjeux.
Chers collègues, nous allons maintenant accueillir le deuxième groupe de témoins sur la section 19, qui porte sur l’amendement à la Loi sur l’immigration. Me Abramovich, qui comparait aujourd’hui au nom de l’Association canadienne des avocats en immigration, a aussi préparé une déclaration sur la section 18. Nous pouvons aussi lui poser des questions sur le sujet dont nous venons de discuter.
Nous souhaitons la bienvenue à Me Abramovich, membre de l’Association canadienne des avocats en immigration, et à Daniel Bernhard, chef de la direction de l’Institut pour la citoyenneté canadienne.
Je vous prie de faire une courte déclaration, après quoi les membres du comité vous poseront des questions.
Me Lev Abramovich, membre, Association canadienne des avocats en immigration : Honorables sénateurs, je comparais aujourd’hui au nom de l’Association canadienne des avocats en immigration. On nous a demandé notre avis sur les amendements proposés à la Loi sur le Collège des consultants en immigration et en citoyenneté. Je vais surtout vous parler de la section 18.
Avant de parler des amendements proprement dits, j’aimerais vous donner le contexte de la genèse de l’organisme encadrant les consultants, car cela vous permettra de comprendre le nouveau régime et les responsabilités du collège.
Le secteur a vu le jour dans les années 1970 en raison d’un vide législatif, et ce vide a donné lieu à des praticiens non agréés qui exerçaient auprès de la Section de la protection des réfugiés et d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada. Historiquement, le secteur a été caractérisé par un code déontologique lacunaire, de la négligence et de la fraude flagrante.
Les législateurs ont créé un organisme de réglementation en 2003. Malheureusement, cela a eu peu d’effets. En fait, l’introduction du terme officiel « consultant » dans le contexte de l’immigration n’a fait qu’encourager la prolifération de consultants fantômes, car la plupart des membres du public n’étaient pas en mesure de discerner si la personne offrant ses services était titulaire d’un permis ou non. Le problème existe toujours. Les consultants fantômes continuent d’occuper une place dominante au sein de l’industrie, à mon avis.
En fait, un rapport récent du bureau des visas de Hô Chi Minh‑Ville indiquait que même si seulement 5 % des demandeurs avaient déclaré avoir payé un représentant, à l’étape de l’entrevue, 47 % d’entre eux ont reconnu avoir engagé un agent. C’est un problème réel, et je ne suis pas sûr que le collège réagit suffisamment rapidement ou est même en mesure de réagir.
Il s’agit de la troisième tentative d’autoréglementation du secteur, après deux échecs qui ont eu comme corollaire l’affaiblissement du système d’immigration et une diminution de la confiance du public. Cette dernière tentative est, à mon avis, le résultat du lobbying qui l’a emporté sur les préoccupations exprimées par les juristes spécialisés en immigration.
On vous dit que des pouvoirs réglementaires supplémentaires sont nécessaires afin d’éviter que les échecs du passé ne se reproduisent. À mon avis, c’est une simplification grossière. Rien n’a empêché les organismes précédents de discipliner leurs membres ou d’éliminer les incitatifs pervers, comme les arrangements de partage des droits avec des consultants non agréés, ce qui a donné lieu à l’exploitation d’étudiants étrangers. De plus, il y avait des combines de recrutement qui ont permis d’exploiter des travailleurs étrangers, combines qui sont restées sans suite et qui persistent, malheureusement. Rien n’empêchait l’ancien organisme de réglementation de resserrer les normes professionnelles.
On recense environ 13 000 consultants, dont environ 4 500 qui ont exercé sous l’ancien régime digne du Far West et qui n’ont pas beaucoup de formation.
Je viens de déposer une plainte à l’encontre d’un consultant et j’attends toujours un accusé de réception. Une collègue m’a informé qu’elle attend depuis une année un accusé de réception suite à une plainte visant de nombreuses erreurs. Les plaintes ne représentent qu’une fraction de ce qui se passe sur le terrain, car la plupart des immigrants ne savent pas à quel point leur demande a été bâclée. Parfois, on leur donne des excuses ridicules quant aux motifs de refus de leur demande.
Comme il a déjà été expliqué au comité, il faut savoir également que le droit des réfugiés en particulier peut être une question de vie ou de mort. Je suis en train de plaider un cas de négligence devant la Cour fédérale. Les normes sont incroyablement élevées, et mon client risque de perdre la possibilité d’immigrer au Canada. Il se peut qu’il soit obligé de rester dans le goulag créé par Poutine en Russie, même s’il ne soutient pas le régime.
En ce qui concerne les amendements, je vous dirai rapidement que les enjeux sont énormes, et que le nouveau régime est accompagné d’une responsabilité politique considérable. À mon avis, nous devons prendre note de cette responsabilité puisqu’elle ne va pas forcément créer des incitatifs qui vont dans l’intérêt public.
Quant à l’article 56, qui confère l’immunité dans le cas de dommages-intérêts causés par les administrateurs, employés et dirigeants actuels et anciens, il faut savoir que cette immunité est normalement accordée aux administrateurs chargés de prendre des décisions judiciaires pour assurer leur indépendance et impartialité et pour faciliter l’administration efficace et en bonne et due forme de la justice.
Nous ignorons pourquoi une telle immunité serait conférée à ce stade-ci, vu ce qui s’est déjà passé. Une telle immunité, à mon avis, doit être méritée. Il se peut que l’immunité ait le résultat contraire, d’après ce que nous avons observé dans le passé.
Enfin, je sais que M. Bernhard vous parlera des amendements à la section 28.4 de la Loi sur la citoyenneté, qui porte sur ce que nous appelons la prise de décisions par intelligence artificielle. Le recours à la technologie de l’IA crée de sérieux problèmes en matière de transparence et de responsabilité. Or, ces deux critères sont les emblèmes d’une démocratie qui fonctionne bien.
À mon avis, notre société est confrontée à de nombreux défis, et la transparence et la responsabilité sont des facteurs très importants lorsqu’on songe à recourir à l’IA.
J’ai terminé ma déclaration. Merci.
La présidente : Merci, maître Abramovich. Monsieur Bernhard, vous pouvez faire votre déclaration sur la section 19.
[Français]
Daniel Bernhard, chef de la direction, Institut pour la citoyenneté canadienne : Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, merci de m’avoir invité à témoigner aujourd’hui sur les changements proposés par le projet de loi C-47.
Je vais faire ma présentation en anglais, mais je serai heureux de répondre à vos questions en français par la suite.
[Traduction]
L’Institut pour la citoyenneté canadienne est un organisme caritatif indépendant qui encourage les immigrants à devenir citoyens, non seulement en prenant le passeport canadien, mais également en adoptant les valeurs et les habitudes canadiennes. Nous assurons une présence dans chaque province et territoire. Nous offrons des services, non seulement aux immigrants, mais à tout le Canada, car lorsque les immigrants sentent qu’ils sont chez eux au Canada et sont bien intégrés a la population, ils mettent à contribution leur talent et leur énergie pour la réussite de tous. Si la fine fleur du monde fait partie de notre équipe et se donne entièrement, je crois que le Canada en sera le gagnant.
Notre programme principal est le laissez-passer Canoo, qui donne actuellement à plus de 150 000 immigrants l’accès gratuit à plus de 1 400 des meilleures attractions culturelles et naturelles du Canada. Ainsi, nos services axés sur le laissez-passer Canoo sont offerts à un plus grand nombre de gens que ceux qui reçoivent les services d’établissement financés par IRCC réunis, et je suis fier de dire que nous le faisons à moins de 0,1 % du coût.
Aujourd’hui, j’aimerais discuter de l’article 305 du projet de loi. Comme l’a dit Me Abramovich, la disposition suivante sera intégrée à la Loi sur la citoyenneté :
[...] un système électronique, notamment un système automatisé, peut être utilisé pour traiter les demandes, procéder à des interrogatoires ou prendre des décisions sous le régime de la présente loi.
Ainsi, cela permettrait à IRCC de déléguer entièrement la prise de décisions à l’égard de demandes de citoyenneté à un ordinateur, sans aucune intervention humaine.
Nous sommes favorables à ce qu’on modernise le programme de citoyenneté afin d’accélérer le traitement des demandes. Chaque année, nous organisons plus de 60 cérémonies de citoyenneté spéciales et de nombreux nouveaux citoyens nous disent qu’ils ont attendu plus de deux ans avant de pouvoir prêter serment. Cependant, les délais de traitement s’améliorent, heureusement, et nous pensons que l’automatisation complète coûtera cher et qu’elle entraînera beaucoup d’erreurs. IRCC se retrouvera alors avec un nombre encore plus important de litiges que maintenant et un élément d’intervention humaine sera rétabli, mais cette fois-ci, par un juge.
Il est important de rappeler que les systèmes décisionnels automatisés laissent rarement un historique de leur raisonnement qu’un juge peut examiner en cas d’appel. Même Google n’est pas en mesure d’expliquer comment l’intelligence artificielle prend des décisions. En fait, en avril, le PDG de Google, Sundar Pichai, a déclaré ce qui suit à l’émission 60 Minutes :
Il y a un aspect de [l’intelligence artificielle] que nous appelons [...] une « boîte noire ». [...] On ne comprend pas très bien. Et on ne peut pas tout à fait dire pourquoi [le système] a dit ceci, ou pourquoi il s’est trompé [...]
Le fait est que l’intelligence artificielle et les systèmes décisionnels automatisés ne sont pas les bons outils pour ce travail. Ces outils ne peuvent pas offrir aux gens qui veulent devenir citoyens canadiens le traitement équitable, raisonnable et transparent de leur demande qu’ils méritent.
Puisque les délais de traitement diminuent déjà, nous ne croyons pas qu’il soit nécessaire d’apporter ce changement.
Cette mesure nécessite un examen beaucoup plus attentif et nuancé. C’est pourquoi je vous encourage à la retirer du projet de loi afin qu’elle puisse être débattue plus à fond par les deux Chambres dans le cadre d’une mise à jour autonome de la Loi sur la citoyenneté. Puisque je ne crois pas que la disposition ait été débattue à la Chambre des communes et qu’elle n’a pas fait l’objet de discussions dans le cadre de l’examen du projet de loi C-47 par le Comité permanent des finances de la Chambre des communes, il incombe au Sénat de procéder à un second examen objectif, qui s’avère plus que nécessaire.
Après tout, le véritable problème en ce qui concerne la citoyenneté canadienne, ce n’est pas que la prise de décision ne se fait pas de façon automatisée dans le processus de demande. C’est plutôt la diminution rapide de la proportion de résidents permanents qui demandent la citoyenneté. En 2001, les trois quarts des résidents permanents sont devenus citoyens dans les 10 ans. En 2021, ce n’était plus que 45 %. Il s’agit d’une diminution relative de 40 % en seulement 20 ans.
Si nous cherchons à innover en matière de citoyenneté, il nous faut créer des voies d’accès à la citoyenneté qui renforceront l’intérêt de devenir Canadien en premier lieu. À cette fin, l’année dernière, nous avons soumis à IRCC une proposition avant‑gardiste qui donnerait aux candidats à la citoyenneté la possibilité de sauter l’examen écrit pour participer à un programme d’études expérientiel grâce à notre laissez-passer Canoo, ce qui, selon nous, satisferait à l’exigence de démontrer qu’on a une « connaissance suffisante du Canada » en vertu de la loi. Nous pensons qu’il serait possible de le faire dans le cadre de la loi actuelle. Nous sommes impatients de mettre cette idée et d’autres idées à l’essai en collaboration avec IRCC en tant que partenaires de confiance et expérimentés en matière d’innovation qui ont des liens directs avec des centaines de milliers de personnes qui souhaitent acquérir la citoyenneté canadienne et qui ont un solide bilan lorsqu’il s’agit de cultiver un sentiment d’appartenance dont dépendent la citoyenneté et notre avenir.
Merci beaucoup.
La présidente : Merci, monsieur Bernhard. La vice‑présidente du comité sera la première intervenante à poser des questions. Comme pour le groupe de témoins précédent, chers collègues, vous disposerez de trois minutes chacun, questions et réponses comprises.
La sénatrice Cordy : Je n’ai plus à poser les questions que j’avais préparées, car elles portaient sur un point dont vous avez tous les deux parlé, c’est-à-dire l’utilisation de l’intelligence artificielle ou d’ordinateurs. Monsieur Bernhard, vous avez dit qu’il n’y avait pas de logique quant aux raisons — on ne peut pas faire une recherche et dire les raisons pour lesquelles une demande de citoyenneté ou l’entrée d’une personne au pays a été acceptée ou refusée. Maître Abramovich, vous avez parlé de la même chose, à savoir le défi que l’utilisation de l’intelligence artificielle pose pour la reddition de comptes.
Hier, un certain nombre de sénateurs ont posé la question aux représentants du gouvernement, qui ont répondu qu’il ne fallait pas s’inquiéter, qu’il s’agit simplement de dire à quelle partie du ministère ces demandes seront envoyées.
Je me demande si vous pourriez tous les deux nous donner un peu plus de détails sur ce que nous devrions faire — et je sais que tout mon temps de parole sera écoulé par la suite, mais je pense que c’est très important.
Me Abramovich : Mon premier devoir consiste à aller devant la Cour fédérale. C’est ce que je fais. Lorsque l’intelligence artificielle a été mise en place dans le contexte du traitement des demandes, le tout s’est fait discrètement. Nous ne comprenions pas vraiment comment elle fonctionnait, et c’était très problématique du point de vue de l’équité procédurale, parce que nous ne savions pas comment structurer les demandes, comment elles étaient examinées, etc.
En ce qui concerne la Loi sur la citoyenneté, il ne fait aucun doute que cela finira par être adopté dans le cadre de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et d’autres lois. Nous voulons une reddition de comptes quant à la consultation de parties prenantes et de la transparence par rapport aux programmes et nous voulons comprendre pourquoi le système a été mis sur pied. Ce n’est peut-être pas si problématique dans le contexte de la Loi sur la citoyenneté, mais une fois qu’on l’intégrera dans le cadre de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, ce sera une tout autre histoire et nous devons être prêts à en parler ouvertement.
M. Bernhard : Je voudrais seulement ajouter que, dans une certaine mesure, il semble s’agir d’une solution en quête d’un problème. Les délais de traitement ont été importants, en particulier pendant la pandémie, mais ils diminuent, comme je l’ai dit, et les volumes de traitement ont augmenté d’environ 200 % ces derniers mois. Pour les demandeurs, les choses vont beaucoup plus rapidement dans le système.
Dans la mesure où nous cherchons des moyens d’accélérer le processus de citoyenneté, nous avons d’autres idées, comme la préqualification pour certains aspects, de la même manière qu’on doit obtenir une préqualification de prêt hypothécaire parce qu’on en a besoin très rapidement à la toute fin du processus.
Il existe des moyens d’accélérer le processus qui ne nécessitent pas de confier le pouvoir du gouvernement du Canada aux machines. Même les entreprises les plus intelligentes du monde disent ne pas savoir comment elles fonctionnent et comment elles en arrivent à leurs décisions.
Si c’est la norme à laquelle nous aspirons, nous avons des raisons de croire que ni nos fonctionnaires, aussi estimés soient‑ils, ni leurs contractuels ne pourraient faire mieux.
La présidente : J’ai une question pour chacun de nos témoins.
Maître Abramovich, vous avez indiqué qu’en ce qui concerne la protection des administrateurs du collège contre les dommages et la responsabilité, c’est un peu trop tôt pour un collège et un organisme de réglementation qui est encore en développement. M. Murray a répondu qu’une telle protection était habituelle et que c’était la norme.
Que répondez-vous à sa réponse?
Me Abramovich : C’est peut-être habituel et c’est peut-être la norme, mais pas pour des organismes dont le bilan est aussi catastrophique. Soyons clairs : il s’agit peut-être d’un nouveau collège, mais c’est la poursuite d’un régime dont la gestion a été absolument désastreuse.
La dernière fois que l’organisme a été dissous, il y avait environ 1 500 plaintes. Aujourd’hui, le collège nous dit que le nombre de plaintes diminue et qu’on établit des normes plus élevées. Donnons-lui quelques années et adoptons cela peut-être ensuite. Il s’agit d’une norme pour les organismes judiciaires et administratifs. À mon avis, ce n’est ni l’un ni l’autre.
Ce sera peut-être approprié une fois que nous aurons un bilan. Pour l’instant, je pense que cela créerait un effet pervers. Il faut rendre plus de comptes, et non l’inverse.
La présidente : Monsieur Bernhard, vous avez indiqué que les délais de traitement diminuent. C’est une bonne nouvelle. Nous avons enfin de bonnes nouvelles. Ma question porte sur l’accession à la citoyenneté.
Vous avez constaté une diminution rapide du nombre de personnes qui demandent la citoyenneté. Croyez-vous que le traitement assisté par machine des demandes aura une incidence sur l’accession à la citoyenneté?
M. Bernhard : Je ne pense pas qu’il aura une incidence positive à cet égard. Dans la mesure où il aura une incidence, elle sera probablement négative en ce sens qu’il rendra le processus de communication avec le gouvernement du Canada encore moins personnel et encore moins agréable.
La présidente : Quelle est votre interprétation de la section 19 quant à ce qu’un juge de la citoyenneté a le pouvoir de faire maintenant? Le juge peut-il décider d’accorder la citoyenneté par un simple clic à l’ordinateur?
M. Bernhard : C’est un changement qui était déjà prévu dans la réglementation précédemment. Il a été publié il y a deux ou trois mois et a suscité un tollé dans les médias. Il permet à une personne de ne pas prêter le serment de citoyenneté et de cliquer simplement sur « Oui, j’accepte ».
Il semble que ce projet de loi apporte certaines modifications à la Loi sur la citoyenneté qui pourraient empêcher quiconque de dire que ce type de règlement est inapproprié, en autorisant le ministre à indiquer que certains formulaires peuvent être soumis électroniquement et que certains paiements peuvent se faire électroniquement, et ainsi de suite.
Je ne crois pas que pour l’attestation, ce soit une bonne idée, mais les autres parties sont relativement inoffensives.
La présidente : J’espère que quelqu’un d’autre reprendra cette question.
M. Bernhard : Merci, sénatrice.
La sénatrice Osler : J’ai deux questions, une pour chacun des témoins. Je vous remercie tous les deux de votre témoignage d’aujourd’hui.
Maître Abramovich, notre comité a entendu parler de problèmes liés aux consultants en immigration à l’étranger. Dans votre témoignage, vous avez mentionné qu’à Hô Chi Minh-Ville, 47 % des personnes ont admis avoir eu recours aux services d’un consultant en immigration. L’association a-t-elle des recommandations à formuler au sujet de ces consultants en immigration à l’étranger et des moyens de mieux protéger les gens qui souhaitent venir au Canada?
Monsieur Bernhard, Me Abramovich nous a parlé de préoccupations concernant la surveillance et la reddition de comptes par rapport au Collège des consultants en immigration et en citoyenneté. L’institut a-t-il une opinion ou des réflexions sur la manière de mieux assurer la surveillance et la reddition de comptes?
Me Abramovich : En ce qui concerne les consultants à l’étranger, il n’y a pas de solution facile. L’Association du Barreau canadien, qui a présenté un certain nombre de mémoires au comité avant l’arrivée du collège, a essentiellement recommandé que les consultants soient supervisés pour l’instant. Par conséquent, les seuls représentants autorisés seraient des avocats, et nous allons éliminer la catégorie des consultants en raison de problèmes graves — remarquez, il ne s’agit pas d’avoir un avantage concurrentiel —, ce qui indiquerait automatiquement à tous ceux qui engagent un consultant qu’il ne s’agit pas d’un représentant légitime.
Ce que je propose, c’est que nous fassions des recherches pour poursuivre, d’abord et avant tout, les personnes qui se trouvent au Canada. La GRC doit jouer un rôle à cet égard, de même que l’ASFC. Nous pourrions peut-être recourir aux lois relatives à la confiscation civile, parce qu’il y a beaucoup de fraudes sur notre territoire. Une fois que nous aurons commencé à nous attaquer au problème de manière plus approfondie ici, nous pourrons peut-être montrer aux immigrants qu’en fin de compte, les personnes avec lesquelles ils travaillent ne sont pas autorisées. Cela permettra de sensibiliser les gens en créant une jurisprudence, en faisant de la publicité, etc.
À mon avis, il est extrêmement difficile de s’attaquer aux praticiens qui se trouvent à l’étranger. Il est impossible de demander une injonction en Inde. Il vous en coûtera 50 000 $ ou 100 000 $, et ce ne sera pas exécutoire.
M. Bernhard : Il existe de nombreuses possibilités de simplifier le processus officiel de manière à ce que les gens n’aient pas à avoir recours à un consultant. Le fait que tant de personnes croient qu’elles doivent obtenir des conseils de l’extérieur pour avoir une chance de faire son chemin dans le système d’immigration témoigne de la complexité du processus.
Il existe plus d’une centaine de voies d’accès à la résidence permanente au Canada et le choix que l’on fait à cet égard a une grande importance. Si nous pouvons soutenir les gens, les informer et simplifier les choses dans le cadre de la procédure officielle, je pense que le besoin de recourir à des consultants sans scrupules diminuera.
[Français]
La sénatrice Mégie : Monsieur Bernhard, on a parlé des possibilités de fraude, mais jusqu’à présent, les candidats à l’immigration reçoivent des formulaires papier. Or, la gestion de ces formulaires par les instances prend beaucoup de temps et on envoie souvent une réponse aux candidats en leur disant que le formulaire est périmé. Les candidats doivent donc le remplir à nouveau. Lorsqu’ils le remplissent, ce sont les mêmes questions, à l’exception du numéro de formulaire.
Le fait de remplir les formulaires en ligne permettrait-il de contourner ce problème ou cela pourrait-il empirer la situation? On peut tout changer d’un clic, en réalité. Qu’est-ce que vous en pensez?
M. Bernhard : En général, j’appuie les changements technologiques pour moderniser les processus de présentation de demandes. Les formulaires électroniques sont très efficaces. Si on garde les processus de vérification pour tous les documents et attestations, on ne compromettra pas l’intégrité du système. On parle maintenant d’autre chose, soit des décisions électroniques. C’est tout autre chose. Donc, c’est très bien de soumettre les documents en ligne, et je soutiens complètement cela, mais j’espère qu’il y aura un être humain qui les lira et prendra la décision, au bout du compte.
La sénatrice Mégie : Beaucoup de candidats ne sont pas à l’aise avec l’électronique. Ce n’est pas une question d’âge — parfois oui — , mais certains ne connaissent rien à l’électronique. Comment pourront-ils présenter leur demande ? On ne peut pas demander à quelqu’un d’autre d’écrire à leur place — ou peut-être que oui, je ne sais pas. Est-ce qu’on a pensé à une façon d’aider ces gens? Sinon, ils seront mis de côté et ce serait injuste et inéquitable pour eux.
Est-ce qu’on a pensé à cela?
[Traduction]
Me Abramovich : C’est un problème. Pour certains types de demandes, il est possible de demander une exemption afin de pouvoir présenter une demande sur papier. Le processus ne fonctionne pas très bien, mais il existe.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Maître Abramovich, si la section 19 est adoptée, il y aura une collecte et une utilisation des renseignements biométriques, des renseignements personnels des clients. Ces clients peuvent avoir recours à un avocat. Dans le cadre de votre travail, vous conseillez et soutenez les avocats en immigration. De quelle manière allez-vous les conseiller en ce qui a trait au respect du secret professionnel et à la confidentialité des dossiers lorsqu’on fait la collecte de renseignements personnels?
[Traduction]
Me Abramovich : Merci, sénatrice. Lorsqu’une personne soumet une demande d’immigration, on recueille des renseignements personnels, y compris des renseignements biométriques, à un moment donné. Les demandeurs le comprennent. Jusqu’à présent, IRCC a fait un assez bon travail pour protéger ces renseignements.
Malheureusement, le monde est confronté à de nombreux défis sur le plan de la sécurité, mais jusqu’à présent, le système a bien fonctionné. Essentiellement, pour soumettre une demande, on doit divulguer des renseignements personnels. C’est inévitable.
Bien sûr, il existe des commissions de sécurité qui se penchent également sur ce genre de choses, mais d’après mon expérience, le système fonctionne assez bien. Il y a eu quelques problèmes à IRCC, où l’on a transmis des renseignements personnels par erreur, mais dans l’ensemble, on a plutôt bien réussi à les protéger.
La sénatrice Miville-Dechêne : Vous diriez qu’il y a des exceptions.
Me Abramovich : Il y a des exceptions. Nous avons entendu parler du programme afghan et de la façon désastreuse dont les choses se sont passées. Nous avons entendu parler de cas où des cartes de résidence permanente ont été envoyées à la mauvaise adresse. Nous avons entendu parler de quelques problèmes.
Dans l’ensemble, on parle d’intelligence artificielle dans l’ensemble du système, mais le système est assez archaïque à bien des égards. Il pourrait être modernisé sur d’autres plans. Dans l’ensemble, compte tenu du nombre de demandes qui sont soumises, je reconnais que les renseignements personnels sont traités avec précaution.
La présidente : Je suis heureuse d’entendre de bonnes nouvelles.
La sénatrice Bernard : Ma question s’adresse aux deux témoins. Je vous remercie de votre présence. Vous avez tous les deux parlé de l’intelligence artificielle. Vous avez tous deux indiqué qu’à votre avis, le gouvernement ne devrait pas prendre cette direction à l’heure actuelle.
La question des préjugés a été soulevée au cours de notre réunion d’hier, soit des préjugés de l’intelligence artificielle, en particulier à l’égard des personnes racisées et d’autres populations vulnérables.
J’aimerais que vous vous exprimiez sur la question des préjugés et de l’utilisation de l’intelligence artificielle dans ce travail et que vous nous disiez ce que vous recommandez, le cas échéant. Merci.
Me Abramovich : Je peux en parler. Je peux aborder brièvement la question des préjugés. C’est un problème bien réel. Les préjugés apparaissent lorsqu’on déshumanise un système et qu’il y a très peu d’interactions entre le demandeur et l’agent, et que ce dernier se contente d’examiner des statistiques.
Certains bureaux sont particulièrement problématiques. À mon avis, le bureau d’Accra, au Ghana, est le pire en matière de préjugés. En effet, ses taux d’acceptation des visas d’étudiants sont très bas. Nous les contestons couramment devant la Cour fédérale. Malheureusement, de nombreux demandeurs n’ont pas les moyens de plaider leur cause.
Revenons 30 ou 40 ans en arrière. Lorsqu’un agent rencontre un demandeur, il peut vraiment comprendre son histoire et la raison pour laquelle il vient au Canada, et dans le cas qui nous occupe, le programme d’études qu’il suivra, etc. Lorsqu’on élimine cette interaction humaine, on se contente de regarder les statistiques. Ensuite, on introduit des outils d’intelligence artificielle et les préjugés peuvent s’enraciner. C’est un vrai problème. C’est inquiétant, car je ne sais pas comment on peut programmer l’élimination de ces préjugés si l’on se contente d’examiner des algorithmes et des statistiques, car les statistiques ne disent pas toujours tout.
M. Bernhard : L’appellation « intelligence artificielle » est mal choisie. Il ne s’agit pas vraiment d’une intelligence, mais plutôt d’un système de recherche d’éléments communs. Dans ce cas-ci, un système d’intelligence artificielle cerne toutes les personnes qui ont été acceptées et toutes celles qui ont été rejetées et il analyse ensuite les points communs entre les membres de chaque groupe.
Dans le contexte de l’emploi, on a constaté que cela ne faisait que renforcer certaines pratiques. Par exemple, si on embauche que des hommes dans un atelier, l’intelligence artificielle conclura que les hommes sont des candidats adéquats, car c’est ce que les humains faisaient auparavant.
Encore une fois, je pense qu’il faut simplement se demander à quoi cela sert. Dans le contexte de la citoyenneté, cela fait diminuer les délais de traitement des demandes. Comme l’a dit Me Abramovich, la personnalisation est l’élément le plus important. Il s’agit souvent de la première interaction des gens avec le Canada et nous voulons donc nous assurer qu’elle est positive. Si la situation est déjà en voie de s’améliorer, je ne vois pas pourquoi nous devrions introduire une mesure aussi controversée.
[Français]
La sénatrice Petitclerc : Idéalement, ma question porterait sur la section 18. Maître Abramovich, avec la section 18, on tente généralement de trouver des mesures pour s’assurer qu’il n’y aura pas de fraude et qu’on aura pour les consultants des normes qui deviendront de plus en plus rigoureuses. Est-ce là qu’on devrait mettre nos énergies? Ne devrait-on pas plutôt s’assurer que les processus d’application sont plus efficaces, simples et accessibles pour les candidats, afin qu’on ait moins besoin de consultants? Je ne dis pas que c’est là l’objectif. Est-ce que cela se tient?
[Traduction]
Me Abramovich : Sénatrice, je suis d’accord avec tout ce que vous avez dit. Vous avez tout à fait raison. Plus le système est complexe, plus il est difficile de s’y retrouver, plus il est difficile pour un employeur d’embaucher un travailleur étranger ou pour quelqu’un de passer, par exemple, d’un permis de travail postdiplôme à la résidence permanente, et plus le risque de fraude est élevé. Le système actuel est beaucoup trop technocratique. Il est beaucoup trop complexe. Il est beaucoup trop inhumain, bien honnêtement, car il faut utiliser différents portails qui ne fonctionnent pas très bien, etc.
Très souvent, le problème se résume à la participation de l’employeur. En effet, les employeurs sont souvent découragés en raison de la complexité du processus et du temps qu’ils doivent consacrer à accompagner un employé tout au long de ce processus.
Je suis donc entièrement d’accord avec vous. Si on simplifiait le processus, on réduirait certainement beaucoup les fraudes. On n’aurait pas besoin d’autant de consultants ou d’avocats. On ne devrait pas avoir besoin d’un avocat pour utiliser le portail d’un employeur, par exemple.
[Français]
La sénatrice Petitclerc : Monsieur Bernhard, avez-vous un commentaire à faire à cet effet?
M. Bernhard : Je suis d’accord avec vous deux pour dire que la simplification est la meilleure option.
La sénatrice Petitclerc : Merci.
[Traduction]
La présidente : J’ai deux dernières petites questions avant que nous nous réunissions à huis clos. Ma première question s’adresse à M. Bernhard. Vous ai-je entendu dire que les demandeurs de citoyenneté font appel à des consultants en immigration? S’il vous plaît, dites-moi que ce n’est pas vrai. C’est la demande la plus simple que l’on puisse faire.
M. Bernhard : Me Abramovich est mieux placé que moi pour dire si ses clients demandent à des avocats de préparer leur demande de citoyenneté, mais je crois que les gens se font aider. Un membre de ma belle-famille est récemment devenu citoyen et, par l’entremise de son employeur, il a reçu de l’aide pour y arriver, tout comme les gens reçoivent de l’aide pour remplir leur déclaration de revenus, même lorsque leur déclaration de revenus est assez simple.
La présidente : Maître Abramovich, dans ce meilleur des mondes que le Canada est en train d’adopter, c’est-à-dire celui de la prise de décisions mécanisée — ou la recherche artificielle d’éléments communs, comme vous dites, monsieur Bernhard —, le Canada est-il en avance sur les pays auxquels nous nous comparons toujours, par exemple l’Australie et la Nouvelle-Zélande, ou sommes-nous en train de suivre leur exemple? Si c’est le cas, quelles leçons pouvons-nous tirer de leur expérience?
Me Abramovich : Je vais brièvement répondre à votre première question.
Le processus de demande de citoyenneté est relativement simple. Je constate que très peu de clients font appel à des avocats ou à des consultants pour les aider dans ce processus. Ils feront appel à un avocat ou à un consultant lorsqu’il y a des problèmes potentiels liés à la crédibilité, etc.
Pour ce qui est d’être en avance ou en retard, je ne suis pas sûr d’être pleinement qualifié pour répondre à cette question. D’après l’expérience de mes clients, je dirais que beaucoup de gens sont frustrés par le manque de transparence, par le fait qu’ils doivent souvent embaucher un avocat pour poursuivre le gouvernement afin d’obtenir une décision, par les demandes de fournir des documents qui ont déjà été fournis il y a des années ou par la confusion au sujet du temps qu’il faudra attendre pour obtenir la résidence permanente. Par exemple, il faudra trois ans pour une personne qui se trouve à Accra, au Ghana, mais quatre mois pour une personne qui se trouve en Autriche.
À mon avis, de nombreux immigrants arrivent aujourd’hui sans être bien équipés pour réussir. Ils arrivent, si l’on peut dire, avec une certaine appréhension. Ils se demandent si le Canada souhaite vraiment les accueillir. Ils se demandent pourquoi ils doivent s’engager dans un tel labyrinthe. Je pense qu’on parle très peu de ces éléments, c’est-à-dire du côté humain de l’immigration. Il n’y a pas que des chiffres, des offres d’emploi et cette sorte de matrice technocratique dans laquelle les gens doivent se retrouver et qui nous permet de prévoir que l’économie sera prospère.
C’est ce que je voulais dire à ce sujet.
La présidente : Je pense qu’il s’agit effectivement de façonner le pays. C’est sur cet aspect que nous devrions nous concentrer.
Maître Abramovich et monsieur Bernhard, nous vous remercions sincèrement d’avoir participé à notre étude sur ces mesures. Nous vous remercions également de nous avoir communiqué vos points de vue.
Chers collègues, nous allons maintenant nous réunir à huis clos.
(La séance se poursuit à huis clos.)