LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le jeudi 28 septembre 2023
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui, à 11 h 30 (HE), avec vidéoconférence, afin d’examiner pour en faire rapport les questions qui pourraient survenir concernant les affaires sociales, la science et la technologie en général.
La sénatrice Ratna Omidvar (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Je veux d’abord souhaiter la bienvenue aux membres du comité, aux témoins et au public qui regarde notre réunion.
Je m’appelle Ratna Omidvar. Je suis une sénatrice de l’Ontario et je préside ce comité.
Avant de commencer, je propose que nous fassions un tour de table afin que tous se présentent, en commençant par la vice-présidente du comité.
La sénatrice Cordy : Jane Cordy, de la Nouvelle-Écosse. Bienvenue au comité, monsieur le ministre. C’est un plaisir de vous accueillir, ainsi que les fonctionnaires.
[Français]
Le sénateur Cormier : Bonjour. Sénateur René Cormier, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Miville-Dechêne : Sénatrice Julie Miville-Dechêne, du Québec. Je suis ici de façon temporaire.
[Traduction]
La sénatrice Osler : Sénatrice Osler, du Manitoba.
Le sénateur Kutcher : Stanley Kutcher, de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Moodie : Rosemary Moodie, de l’Ontario.
[Français]
La sénatrice Petitclerc : Chantal Petitclerc, division sénatoriale de Grandville, au Québec.
La sénatrice Mégie : Marie-Françoise Mégie, division sénatoriale de Rougemont, au Québec.
[Traduction]
La sénatrice Seidman : Sénatrice Judith Seidman, de Montréal, au Québec.
La sénatrice Dasko : Sénatrice Donna Dasko, de l’Ontario.
La présidente : Merci, chers collègues. Nous poursuivons aujourd’hui notre étude sur la main-d’œuvre temporaire et migrante au Canada. Nous accueillons aujourd’hui l’honorable Randy Boissonnault, c.p., député, ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et des Langues officielles, ainsi que des représentants d’Emploi et Développement social Canada, ou EDSC, soit M. Paul Thompson, sous-ministre; Mme Lori MacDonald, sous-ministre déléguée principale et chef de l’exploitation pour Service Canada; M. Michael MacPhee, sous-ministre adjoint, Direction générale du Programme des travailleurs étrangers temporaires, Service Canada.
Monsieur le ministre, mesdames et messieurs les fonctionnaires, merci d’être des nôtres aujourd’hui. Nous savons que vous êtes très occupés, mais il s’agit d’une étude très importante. Nous sommes donc ravis que vous soyez là pour nous présenter vos points de vue.
Comme d’habitude, nos témoins auront cinq minutes. Ministre Boissonnault, je suppose que vous utiliserez vos cinq minutes. Ensuite, nous passerons aux questions des membres du comité. Je vois que vous êtes venus préparés et en force.
L’ honorable Randy Boissonnault, c.p., député, ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et des Langues officielles : Honorables sénatrices et sénateurs, je vous remercie de me donner l’occasion d’être ici aujourd’hui. Vous avez présenté les fonctionnaires qui m’accompagnent aujourd’hui; je les remercie de leur temps et de leur expertise. Permettez-moi d’abord de dire que c’est la première fois que je comparais devant un comité parlementaire dans mon nouveau rôle de ministre de l’Emploi, du Développement de la main‑d’œuvre et des Langues officielles, titre que j’abrège, pour dire « ministre des emplois et des langues officielles ». Nous avons beaucoup de travail à faire ensemble. Je vous suis très reconnaissant de réaliser cette étude et du travail que vous accomplissez, avec nous, pour améliorer le Programme des travailleurs étrangers temporaires.
C’est un honneur de servir les Canadiens dans ce rôle. J’ai la ferme intention de travailler avec tous les parlementaires — sénateurs et membres de la Chambre des communes — et avec nos partenaires des secteurs de la main-d’œuvre, des entreprises et du secteur à but non lucratif d’un océan à l’autre afin que notre main-d’œuvre reste parmi les mieux instruites et les mieux formées au monde, et que nous puissions tous jouer un rôle pour arrimer le potentiel des gens aux occasions qui leur sont offertes sur le marché du travail.
[Français]
Je tiens également à remercier le comité d’avoir mené cette étude importante.
Je veux souligner d’entrée de jeu que le gouvernement est déterminé à faire en sorte que le Programme des travailleurs étrangers temporaires assure la sécurité des travailleurs et soit adapté aux besoins. La sécurité des travailleurs étrangers temporaires est une priorité pour notre gouvernement et moi-même, et nous la prenons très au sérieux.
Ces dernières années, nous avons pris des mesures concrètes pour la réformer.
Le Programme des travailleurs étrangers temporaires a été créé il y a maintenant 50 ans. Ce programme a évolué au fil du temps en fonction des changements économiques et sociétaux. Le programme et les employeurs canadiens comblent temporairement les pénuries de main-d’œuvre et de travailleurs qualifiés lorsqu’il n’y a pas suffisamment de Canadiens et de résidents permanents pour pouvoir ces postes.
Comme vous le savez, depuis quelques années, nous observons une pénurie de main-d’œuvre criante dans certains secteurs à l’échelle du pays.
[Traduction]
Les travailleurs embauchés dans le cadre de ce programme jouent un rôle essentiel dans de nombreux secteurs de notre économie, en particulier l’agriculture, l’hôtellerie et le tourisme, la prestation de soins et l’industrie des produits de la mer. Ces travailleurs sacrifient du temps qu’ils pourraient autrement consacrer à leur famille et à leurs amis pour soutenir notre approvisionnement alimentaire et notre économie en général. Ils ont droit à notre reconnaissance.
Ils ont droit au même respect, à la même protection et aux mêmes droits que n’importe quel travailleur. Toute forme de mauvais traitement ou de violence à l’égard des travailleurs étrangers temporaires — ou de n’importe quel travailleur — est toujours inacceptable et ne peut en aucun cas être tolérée.
[Français]
Pour renforcer ces droits, le gouvernement a instauré l’automne dernier de nouvelles mesures de protection plus rigoureuses pour les travailleurs étrangers temporaires, au moyen de modifications au Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés.
Les nouvelles mesures de protection consistent notamment à interdire aux employeurs d’imposer des frais de recrutement aux travailleurs, exiger des employeurs qu’ils s’assurent que les travailleurs sont dûment informés qu’ils ont les mêmes droits que les travailleurs canadiens et garantir l’accès à des soins de santé.
De fait, de nombreux employeurs sont également tenus de fournir une couverture d’assurance maladie privée pour les soins médicaux d’urgence jusqu’à ce que les travailleurs aient accès au système public.
Par ailleurs, l’an dernier, nous avons affecté 14,6 millions de dollars en fonds supplémentaires pour améliorer la qualité des inspections auprès des employeurs et renforcer les mécanismes servant à tenir les employeurs responsables du traitement des travailleurs.
[Traduction]
Nous avons également engagé près de 30 millions de dollars pour soutenir les organismes communautaires locaux qui aident les travailleurs étrangers temporaires à se familiariser avec leurs droits dès leur arrivée au Canada. Ce travail comprend la fourniture de services d’arrivée à l’aéroport et des services de soutien communautaires pour aider à atténuer le déséquilibre du pouvoir entre travailleurs et employeurs. Ces organismes ont joué un rôle déterminant dans l’établissement de partenariats et pour aider les travailleurs à exercer leurs droits. Je tiens à les remercier de leur important travail.
Pour aider les employeurs et protéger la santé et la sécurité des travailleurs étrangers, il faut notamment appuyer les employeurs qui prennent leurs obligations au sérieux. Plus tôt cette année, j’ai annoncé la création du Programme pilote pour les employeurs reconnus, ou PPER, qui offre aux employeurs qui ont démontré une adhésion aux normes les plus élevées en matière de protection des travailleurs étrangers le plus de soutien possible pour trouver la main-d’œuvre dont ils ont besoin. Nous pourrons discuter de ce programme plus en détail, si vous le souhaitez.
Honorables sénatrices et sénateurs, nous prenons ce travail au sérieux.
[Français]
Permettez-moi d’être très clair : si un employeur ne satisfait pas aux exigences ou aux conditions du programme ou s’il ne collabore pas au cours d’une inspection, cela peut entraîner de graves conséquences et cela arrive.
[Traduction]
Nous avons imposé de lourdes amendes. Nous continuerons à faire payer les employeurs abusifs. Il s’agit d’amendes importantes pouvant aller jusqu’à 1 million de dollars. Je tiens à le répéter : nous savons que la plupart des employeurs sont respectueux envers les travailleurs étrangers, mais si certains font subir de mauvais traitements ou de la violence aux travailleurs, ou ne respectent pas leurs obligations, nous les trouverons et ils en subiront les conséquences. Il y a un nouveau shérif en ville, et je dis cela en tant qu’Albertain et Canadien. Nous ne tolérerons pas les acteurs malveillants.
[Français]
Voilà mon serment pour vous. Merci.
[Traduction]
La présidente : Merci, monsieur le ministre. J’aime le titre que vous utilisez, « ministre des emplois ». Utilisons-le comme point d’ancrage pour notre discussion. Je dois dire à nos témoins que certains membres du comité reviennent tout juste d’une mission d’étude au Nouveau-Brunswick et à l’Île-du-Prince-Édouard. Avant de céder la parole à mes collègues pour les séries de questions, j’aimerais vous présenter quelques-unes de nos principales constatations.
Tous les employeurs que nous avons rencontrés à l’Île-du-Prince-Édouard et au Nouveau-Brunswick — agriculteurs, producteurs laitiers, transformateurs de fruits de mer ou propriétaires de franchises McDonald’s — nous ont dit que sans main-d’œuvre migrante, ils seraient fermés demain.
Nous avons également discuté — en privé — avec des travailleurs migrants et leurs associations. Ils ont parlé de situations abusives qu’ils subissent, en particulier par rapport au logement, entre autres problèmes. Ce sont là deux récits différents, et cela demeure anecdotique. Nous essayons d’obtenir des preuves pour appuyer nos recommandations, qui vous seront présentées.
La première question revient à notre vice-présidente, la sénatrice Cordy.
La sénatrice Cordy : Merci beaucoup, monsieur le ministre. Vous avez pu dire beaucoup de choses durant le temps qui vous était imparti. C’est formidable d’avoir le temps de poser des questions et de faire un suivi sur certaines choses.
J’aimerais vous parler des étudiants étrangers qui viennent au Canada. Nous avons entendu des témoins hier, et nous avons aussi entendu d’autres gens qui sont venus au Canada.
Je viens de Nouvelle-Écosse; nous avons beaucoup d’universités. Nous avons des universités qui comptent une forte proportion de travailleurs étrangers venus au Canada pour étudier. Beaucoup d’entre eux aimeraient obtenir la résidence permanente à la fin de leurs études. Beaucoup d’étudiants doivent occuper un emploi à temps partiel pendant leurs études afin d’avoir un revenu supplémentaire pour subvenir à leurs besoins dans un autre pays.
On nous a parlé de problèmes liés à la limite de 20 heures de travail par semaine. Nous savons que cette exigence a été suspendue jusqu’à la fin de l’année pour permettre aux gens de travailler plus d’heures au besoin. Il va sans dire que nos témoins d’hier souhaitent que cette suspension soit permanente afin qu’ils puissent travailler plus de 20 heures.
Pouvez-vous faire des commentaires à ce sujet? A-t-on l’intention d’aller en ce sens? Vous ne pourrez peut-être pas le dire, mais vous reconnaissez au moins que c’est ce que souhaitent beaucoup d’étudiants.
Deuxièmement, nous avons entendu dire que les employeurs volent les salaires. Les travailleurs n’obtiennent pas le montant qui leur est dû. S’ils se plaignent, on ne leur répond pas qu’on est vraiment désolé et qu’ils seront payés le plus tôt possible. On leur demande plutôt d’un ton menaçant s’ils veulent rester au Canada, s’ils veulent continuer à étudier ici.
Nous savons que les employés ont besoin d’une référence de leur employeur pour obtenir la résidence permanente. Donc, ils sont réticents à le contredire, car l’employeur pourrait décider de ne pas rédiger la lette dont ils ont besoin pour obtenir la résidence permanente.
Pourriez-vous parler des étudiants étrangers qui viennent au Canada? Je sais que les universités de la Nouvelle-Écosse dépendent d’eux. Vous pourriez peut-être faire des commentaires à ce sujet.
La présidente : Monsieur le ministre, vous avez une minute et 45 secondes, tout au plus, pour répondre. Vous savez comment cela fonctionne.
Chers collègues, étant donné l’intérêt que cela suscite, les interventions seront limitées à quatre minutes.
M. Boissonnault : C’est comme une série de questions éclair, sénatrice Cordy.
La sénatrice Cordy : Nous pourrons discuter plus tard.
M. Boissonnault : J’en serais ravi. Les étudiants étrangers constituent une partie importante de notre tissu économique et de notre pays, et nous voulons que ceux d’entre eux qui souhaitent rester au Canada puissent le faire.
Pour ce qui est de l’exigence des 20 heures, nous avons fait pression pour qu’elle soit éliminée. La limite est maintenant de 40 heures. J’ai déjeuné avec les ministres Miller et Fraser ce matin, et nous avons discuté de cette question. Nous continuerons d’étudier la question et d’obtenir des informations sur le terrain.
Personnellement, je suis favorable à ce qu’ils aient cette possibilité. J’ai eu des discussions à ce sujet avec des étudiants étrangers de ma circonscription et de partout au pays. Chers collègues, à une époque où l’on compte 780 200 postes vacants au pays, employons la main-d’œuvre qui est là et qui veut travailler. Ils peuvent concilier études et heures de travail. Nous pensons que 40 heures, c’est le nombre adéquat. Certains nous ont demandé d’éliminer complètement la limite. Je ne veux pas m’aventurer sur ce terrain. Je suis certain que le ministre pourra vous dire ce qu’il en est lorsqu’il comparaîtra.
Quant à votre autre question — il me reste 36 secondes, sénatrice —, je comprends le point que vous soulevez lorsque vous dites que les employés sont réticents à dénoncer leur employeur en raison de l’exigence liée à la résidence permanente. Mes fonctionnaires et moi retiendrons cela. Vous avez été très claire à ce sujet.
Nous avons une ligne de dénonciation accessible 24 heures sur 24 et sept jours sur sept, offerte en 200 langues. Les gens peuvent y dénoncer les mauvais acteurs en toute confidentialité. Il n’est pas nécessaire que les employés fassent eux-mêmes le signalement. Les représentants de leur consulat ou d’organismes de soutien aux travailleurs migrants peuvent le faire en leur nom, et nous les encourageons à le faire.
La sénatrice Osler : Merci, monsieur le ministre. Je vous félicite de votre nomination.
J’aimerais en savoir plus sur le Programme de soutien aux travailleurs migrants. Vous avez mentionné les services d’arrivée à l’aéroport. Pourriez-vous renseigner le comité sur le processus de sélection des projets? Applique-t-on une optique d’équité? Comment détermine-t-on le montant de financement pour chaque projet? Comment mesure-t-on l’incidence du Programme de soutien aux travailleurs migrants — de l’ensemble du programme —, et quels sont les plans pour l’avenir de ce programme?
M. Boissonnault : Tout cela en quatre minutes maximum, madame la présidente?
La présidente : Oui.
M. Boissonnault : Je vais répondre brièvement puis céder la parole aux fonctionnaires, car c’est une question pointue, sénatrice.
Permettez-moi de nommer les organismes avec lesquels nous travaillons : Polycultural Immigrant & Community Services, à Toronto; Calgary Catholic Immigration Society, en Alberta; S.U.C.C.E.S.S., à Vancouver; Atlantic Region Association of Immigrant Serving Agencies; Association for New Canadians, à St. John’s, Terre-Neuve; Immigrant Québec; The Neighbourhood Organization, ou TNO, à Toronto; Workforce WindsorEssex; DIVERSEcity Community Resources Society, à Surrey, en Colombie-Britannique; MOSAIC, à Vancouver.
Voilà nos partenaires sur le terrain. Nous avons augmenté le financement pour les organismes de soutien aux travailleurs migrants à 49,9 millions de dollars. C’était une demande des organismes, et nous y avons répondu.
Quant à vos questions techniques, je demanderai aux fonctionnaires de répondre.
J’ai rencontré les représentants de MOSAIC dans les deux semaines après mon entrée en fonction. J’ai pris connaissance de certaines des lacunes du système et nous nous emploierons à les corriger.
Soyons clairs : nous avons besoin de ces organisations pour identifier les mauvais acteurs afin que les organismes d’application de la loi puissent intervenir. Aucun gouvernement ne peut à lui seul s’assurer que les employeurs respectent toutes les règles.
Avant de céder la parole aux fonctionnaires, j’ai un message à livrer : quiconque au pays accueille un travailleur pour un emploi ayant fait l’objet d’une étude d’impact sur le marché du travail et fait subir à ce travailleur de mauvais traitements, délibérément ou par négligence, se verra contraint à se conformer aux règles. Le contrevenant se verra imposer une amende ou sera exclu du système.
Je cède maintenant la parole aux fonctionnaires pour les questions détaillées.
Paul Thompson, sous-ministre, Emploi et Développement social Canada : J’ajouterais qu’outre les 11 organismes qui reçoivent un financement direct, nous utilisons un modèle en cascade touchant une centaine d’organismes supplémentaires. Le but est de maximiser la portée géographique. Cela nous a permis d’avoir environ 100 000 interactions avec la clientèle dans le cadre du programme. Donc, le rayonnement du programme auprès des travailleurs est considérable.
Si vous avez des questions plus détaillées sur l’administration du programme, nous y répondrons avec plaisir.
La sénatrice Osler : Pouvez-vous faire un bref commentaire sur vos plans pour le programme au-delà de 2024?
Michael MacPhee, sous-ministre adjoint, Direction générale du Programme des travailleurs étrangers temporaires, Service Canada, Emploi et Développement social Canada : Nous évaluons actuellement l’efficacité du programme. Nous avons l’intention de présenter sous peu au ministre des recommandations concernant l’avenir de ce programme.
M. Boissonnault : Sénatrices et sénateurs, votre travail est important pour me guider. Je m’occupe de ce dossier depuis deux mois. En 2015, je me suis fait élire en promettant de faire le ménage dans ce programme.
Le programme est différent de celui de 2015. Les fonctionnaires peuvent vous donner les statistiques, mais si l’on retire le secteur agricole, la moitié des gens veulent une voie d’accès à la résidence permanente. Ce n’était pas le cas il y a huit ans. Il existe tout un volet appelé « volet résidence permanente ».
Ce programme n’est pas parfait. Nous voulons l’améliorer, et nous avons besoin de votre aide pour y arriver.
La sénatrice Seidman : J’aimerais remercier le ministre et les fonctionnaires d’être des nôtres.
Peut-être devons-nous poser chaque question deux fois pour avoir suffisamment de temps de réponse. Nous répéterons les questions de collègues, donc.
J’ai sous les yeux des graphiques plutôt impressionnants de la Bibliothèque du Parlement qui contiennent des données du gouvernement du Canada. On y constate de très fortes augmentations depuis 2015 à tous les égards, y compris en ce qui concerne les détenteurs de permis d’études unique.
Vous avez dit que la situation a énormément changé depuis 2015. Le gouvernement prévoit-il rendre ce programme permanent?
En 2022, le Canada comptait 807 000 détenteurs de permis d’études unique. En 2015, il en comptait 352 000. C’est énorme. Pendant la COVID, le gouvernement a allégé les restrictions sur les heures de travail pour les étudiants étrangers.
Parlons de l’emploi et du développement de la main-d’œuvre. Ces nouveaux arrivants sont-ils perçus comme des étudiants ou des travailleurs? Le gouvernement fédéral investit-il suffisamment dans les services qui leur sont offerts? Dispose-t-il d’une stratégie pour répondre aux besoins de plus en plus criants en matière d’infrastructure?
M. Boissonnault : Combien de temps me reste-t-il, madame la présidente? Cinq minutes ou quatre minutes et demie?
La présidente : Non, moins que cela.
M. Boissonnault : Mesdames et messieurs les sénateurs, vous avez passé votre carrière dans ce milieu. Ne le dites pas à mes collègues de l’autre endroit, mais j’ai l’impression que mon intelligence émotionnelle et mon quotient intellectuel augmentent lorsque j’entre dans cet édifice.
J’ai besoin de votre aide et de vos conseils pour déterminer la voie à suivre. Il y a cinq volets : l’agriculture primaire, les bas salaires — je n’aime pas ce titre —, les hauts salaires, les talents mondiaux et les résidents permanents. Je peux vous donner la répartition des pourcentages des programmes.
Les étudiants étrangers constituent une tout autre partie du système.
À l’époque, le ministre de l’Immigration s’est tourné vers les résidents permanents ou vers ceux qui étaient prêts à le devenir pendant la COVID afin d’atteindre les objectifs du ministère. Le Canada n’allait pas accueillir beaucoup de nouveaux arrivants, parce que les frontières étaient fermées. Qu’a fait le gouvernement? Il s’est tourné vers ceux qui étaient déjà ici, qui étaient prêts à devenir résidents permanents. Le ministère a atteint ses objectifs en accélérant le processus pour ceux qui étaient déjà installés au pays.
Mes fonctionnaires pourraient vous en dire plus à ce sujet, mais les étudiants étrangers sont présents au Canada et sont la responsabilité des établissements qu’ils fréquentent. Les employeurs doivent s’assurer qu’ils sont bien traités. Les employeurs, les groupes d’étudiants militants et les groupes d’étudiants étrangers se sont exprimés en chœur. L’association des étudiants diplômés de l’Université de l’Alberta a fortement milité pour l’ouverture du permis de travail afin que les étudiants puissent bénéficier de 40 heures. S’agira-t-il d’un programme permanent? Je ne saurais vous le dire. L’ensemble du Programme des travailleurs étrangers temporaires sera-t-il permanent? Cela s’inscrit dans une discussion beaucoup plus large.
Vous pouvez voir les statistiques. La participation au programme a doublé en un an. Pourquoi? Nous comptons 780 200 postes vacants. C’est le secteur de notre économie où les Canadiens et les résidents permanents n’affluent pas pour occuper les emplois. Certains de nos partenaires internationaux nous ont dit qu’ils aimeraient que leurs travailleurs viennent travailler au Canada. C’est ainsi que tout a commencé. Le Mexique et le Guatemala sont nos principaux partenaires. Nous avons également divers partenaires dans les Caraïbes, comme vous avez pu le constater dans le cadre de votre étude.
Cette question revêt également une dimension internationale. Comme vous le savez, dans le domaine de l’agriculture, un grand pourcentage de ces travailleurs étrangers temporaires veulent venir ici pour travailler pendant quelques mois avant de retourner dans leur famille. Comment concilier cela avec le fait que, comme vous l’avez entendu, des employeurs fermeraient boutique demain sans ce programme? Je ne peux pas prédire notre avenir économique. J’ai été ministre associé des finances pendant un certain temps. J’ai examiné les chiffres passés. Sais‑je si nous allons entrer dans une récession technique? Non. En revanche, je sais qu’il y a déjà un certain ralentissement sur le marché du travail. Le taux de chômage augmente.
Le système doit être souple et s’adapter à ce qui se passe au Canada, mais je ne veux pas que des secteurs entiers de l’économie ferment parce que nous n’avons pas accès à cette main-d’œuvre.
La présidente : Nous sommes au Canada, monsieur le ministre, et non pas dans un pays du tiers monde. Or, nous avons entendu des histoires d’horreur. J’ai une question pour vous. Que pensez-vous de l’idée d’octroyer des permis de travail sectoriels ou régionaux ouverts pour répondre à la demande d’une région ou d’un sous-secteur de l’économie? Certains employeurs militent en ce sens, d’ailleurs.
M. Boissonnault : Madame la sénatrice, je vis dans la capitale de l’Alberta, Edmonton, et plus précisément dans le quartier Inglewood. Je me souviens de m’être retrouvé sur la 111 e avenue pendant la campagne électorale de 2015 et d’avoir cogné à une porte. L’occupant du logement a à peine entrebâillé la porte et je lui ai alors dit : « Bonjour, je suis ici pour vous parler des élections ». Il a alors regardé autour et a dit quelque chose. J’ai compris qu’il parlait espagnol et j’ai commencé à lui parler dans la même langue. Il m’a dit : « Vous avez l’air d’un fonctionnaire. Je ne peux pas vous parler. Je ne sais pas si je vais avoir des problèmes si je vous parle. »
Il s’appelait Juan. Il a fini par ouvrir la porte et nous avons eu une bonne discussion. Je lui ai dit : « si je deviens votre député, je vais me mettre sur ce dossier. Je vais m’assurer que vous vous sentiez à l’aise de parler à quiconque a l’air d’un fonctionnaire. »
Nous savons donc que certains cas ne répondent pas aux objectifs du programme, madame la sénatrice. Nous savons qu’il y a de mauvais acteurs dans le système. Nous investissons plus d’argent dans le système de conformité pour les attraper.
Pour en revenir à votre question sur les permis de travail ouverts, nous sommes en train d’évaluer les implications potentielles d’un permis sectoriel ouvert. Nous devons nous attarder à l’évaluation de l’impact sur le marché du travail, parce qu’elle sert à s’assurer qu’aucun Canadien ou résident permanent ne veut ou n’acceptera un emploi donné. Elle permet ensuite — et surtout, peut-être — de veiller à ce que l’employeur comprenne ses obligations à l’égard du travailleur qu’il fait venir. Cette personne est alors surveillée.
Avec un permis de travail ouvert, un travailleur qui ne se sentirait pas bien traité pourrait quitter un employeur surveillé pour un employeur qui ne l’est pas, ce qui le mettrait davantage en danger. Le risque est réel.
Je ne dirai pas que c’est une solution parfaite, mais il existe une mesure de sécurité pour les employés qui estiment ne pas être bien traités. Il ne s’agit pas d’une solution idéale. J’en suis conscient, madame la sénatrice. Cela dit, cette mesure existe. J’attendrai votre rapport pour m’en inspirer quant à l’importance des permis de travail sectoriels.
Je serai très clair : je suis presque sûr que tous les employeurs n’approuveront pas l’idée, mais s’il existe des données et des preuves qui me permettent d’affirmer que ce permis assurera la sécurité des travailleurs, alors j’y suis tout à fait ouvert.
La présidente : Certains employeurs aiment beaucoup l’idée, parce qu’ils ne peuvent même pas envoyer leurs employés d’un lieu de travail à un autre dans le même uniforme en raison du permis de travail fermé.
J’ai une autre question très brève. Que pensez-vous de l’idée de créer un poste d’ombudsman à l’échelle nationale avec représentation de travailleurs migrants, d’employeurs et du gouvernement — un modèle tripartite — au sein de la Commission de l’assurance-emploi?
M. Boissonnault : C’est une idée intéressante, et j’ai hâte de lire vos impressions à ce sujet dans votre rapport, si vous l’incluez. Mes fonctionnaires voudront peut-être parler de ce que le ministère a fait pour veiller à ce qu’il y ait un suivi de facto dans la communauté.
Soyons clairs : les inspections papier et par Zoom ont eu lieu pendant la COVID. Le travail de terrain a repris. Cela dit, je vous conjure de veiller à ce que les provinces comprennent leurs responsabilités dans ce domaine, car 90 % des réglementations s’appliquant aux employeurs qui s’installent dans une province relèvent du provincial. Il y a de bons acteurs. J’ai vu du bon travail au Québec et en Colombie-Britannique. Les provinces et les territoires doivent assumer leurs responsabilités envers les travailleurs dont ils ont besoin pour le développement de leur économie.
La présidente : Merci, monsieur le ministre.
Le sénateur Kutcher : Je vous remercie, monsieur le ministre, ainsi que vos fonctionnaires, de votre présence parmi nous. Je vous en suis reconnaissant.
Ma question sera un peu différente, un peu plus générale. Initialement, le Programme des travailleurs étrangers temporaires a été créé parce qu’on estimait avoir besoin de main-d’œuvre externe à court terme. C’était censé être une solution temporaire. C’est ce qu’on pensait autrefois.
C’était peut-être le cas à l’époque où le programme a été lancé, mais la situation est tout autre des décennies plus tard. Ce qu’on entend, c’est que les travailleurs étrangers temporaires sont essentiels à la vitalité des collectivités rurales. Nous nous sommes notamment rendus à Tignish, sur l’Île-du-Prince-Édouard, qui a accueilli des travailleurs exemplaires. La communauté philippine a redonné vie à cette collectivité. Les églises et les écoles sont maintenant pleines et les épiceries vendent de la nourriture décente.
Ma question est la suivante : pourquoi le cadre politique de ce programme est-il toujours basé sur des présomptions datant de plusieurs décennies? N’est-il pas temps, monsieur le ministre, d’examiner les présomptions sous-jacentes sur lesquelles nous nous sommes basés pour établir le cadre politique? Bon nombre des problèmes auxquels nous faisons face — et nous les avons tous entendus — découlent du fait que les présomptions retenues pour le Programme des travailleurs étrangers temporaires ne correspondent pas à la réalité du Canada d’aujourd’hui, qui est de soutenir la croissance de nos collectivités rurales en tant que communautés. Je vous pose donc la question : allez-vous modifier les présomptions du Programme des travailleurs étrangers temporaires?
M. Boissonnault : Discutons-en dans quelques mois.
Je tiens à être clair. Je veux m’assurer que nous ne créions pas de politique d’avenir aujourd’hui. La main-d’œuvre est limitée sur notre marché. Imaginons que, d’ici un ou trois ans, nous pourvoyions 700 000 postes vacants ou que nous ayons un jour un taux élevé de chômage. Cela changerait le raisonnement sous-jacent du programme. Peut-être que les collectivités ne souhaiteraient alors plus faire venir des travailleurs étrangers temporaires, parce que les gens voudraient se trouver du travail dans leur région.
Suis-je prêt à modifier le principe fondamental du programme? Absolument. Je pense que les données que nous recueillons et la responsabilité des provinces font vraiment partie de la donne. Je répète que cet enjeu concerne trois ministères : le nôtre, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada et l’Agence des services frontaliers du Canada. On compte également une myriade d’organisations provinciales impliquées. Je ne mâcherai pas mes mots : la mise en œuvre du programme se fait en partie à ce niveau.
Si vous pouvez indiquer très clairement quels devraient être, selon vous, certains des fondements théoriques ou philosophiques du programme pour passer à une main-d’œuvre moderne, j’y jetterai un coup d’œil, parce que le premier ministre m’a demandé de bâtir la main-d’œuvre moderne du XXI e siècle. Si le programme inclut de manière permanente une main-d’œuvre qui vient ici pour un certain temps, alors il n’est pas temporaire. Il existe depuis 50 ans. Les travailleurs restent au pays temporairement. Peut-être devrions-nous changer la nomenclature. Peut-être devrions-nous également changer la nomenclature du volet des bas salaires.
Je suis ouvert à tout cela, monsieur le sénateur.
Le sénateur Kutcher : Je suis heureux d’entendre que vous pouvez œuvrer sur deux fronts en même temps, monsieur le ministre. C’est également notre cas.
M. Boissonnault : J’aimerais me tourner vers mes collègues. Avez-vous quelque chose à dire? Il s’agit d’une discussion ouverte. M’avez-vous vu utiliser mes cartons? Je veux que nous ayons une discussion, parce qu’il est essentiel d’améliorer le programme. Allez-y, monsieur Thompson.
M. Thompson : Les divers volets du programme répondent à des besoins très différents. Le volet agricole, par exemple, traite des cas récurrents de courte durée, mais des besoins permanents. Nous avons également constaté une croissance du volet non cyclique, qui reflète une pénurie permanente de travailleurs dans ces domaines. Le ministre a souligné que c’est là où nous avons constaté une plus grande conversion à la résidence permanente. Plus de 50 % de la cohorte de 2016-2017 a obtenu la résidence permanente. Il est important de réfléchir aux différents cas d’utilisation du programme, qui répond à divers besoins.
Le sénateur Kutcher : Très bien, merci.
[Français]
Le sénateur Cormier : Félicitations pour vos nouvelles fonctions, monsieur le ministre.
Dans ce système où il y a des employeurs et des employés, il y a aussi des organisations sans but lucratif qui offrent des services d’accueil et d’intégration. Ils rencontrent notamment deux enjeux majeurs : le premier est qu’ils sont en contact avec les travailleurs et qu’ils reçoivent leurs plaintes et leurs préoccupations. Cependant, il semble qu’il n’y a aucun mécanisme officiel mis en place par le gouvernement fédéral pour permettre à ces organismes d’être en dialogue constant avec le gouvernement fédéral pour faire état de ces enjeux.
Le deuxième enjeu est le suivant : ces organismes sans but lucratif travaillent, par exemple, avec des entrepreneurs francophones qui se font proposer d’embaucher des travailleurs qui proviennent de régions ou de pays anglophones, ce qui pose de grands défis d’intégration et de formation linguistique.
Le gouvernement fédéral ne devrait-il pas se doter d’une stratégie claire et précise pour harmoniser ces pays francophones avec les régions francophones où les employés travaillent?
M. Boissonnault : Merci pour la question.
Je vais répondre à la dernière question d’abord. Cela m’interpelle beaucoup, à titre de ministre des Langues officielles, d’étudier ce dossier de très près. Il existe une belle complicité entre les deux ministères; je comprends très bien les difficultés. C’est un travail que nous devons faire, à savoir qui vient des pays francophones parmi les bassins que nous comptons déjà. Il faudrait peut-être examiner d’autres sources de travailleurs francophones. Je prends cela en note, car c’est très important pour moi.
En ce qui concerne le rapport ou les commentaires des organismes qui croient qu’il n’y a pas assez de liens directs entre le gouvernement et les organismes, je tiens cela pour acquis parce que vous l’avez entendu. Je vais tantôt demander à M. MacPhee de parler de ce sujet, car l’objectif du ministère, au cours des dernières années, était d’être très près de ces organismes et de les bonifier. On a octroyé beaucoup d’argent à ces organismes pour que le travail sur le terrain soit effectué.
Je pense que lorsque nous avons l’appui des provinces, le travail se fait mieux; lorsque nous n’avons pas cet appui, c’est moins bien.
Si vous avez des suggestions ou que les différents organismes ont des suggestions pour nous dire comment ils pourraient davantage entrer en lien direct avec le gouvernement, j’aimerais les connaître, car ce sont, selon moi, des organismes clés. Nos agents ne peuvent pas être sur le terrain 24 heures par jour pour travailler avec les travailleurs migrants, mais nous voulons que ces travailleurs migrants sachent qu’ils ont des droits. Les changements apportés au programme de protection obligent les employeurs à faire savoir à leurs employés qu’ils ont des droits.
Je cède la parole à mon collègue concernant la question de savoir comment nous entrons en lien avec les organismes sur le terrain.
[Traduction]
M. MacPhee : Le ministre a souligné une chose importante. Le programme a évolué au cours des dernières années. Depuis 2021, nous avons mis en œuvre une série de changements destinés à remédier à cette situation. Cela dit, nous n’avons pas pleinement communiqué ces changements, ce qui explique en partie la situation actuelle. Nous devons faire un meilleur travail de communication. Nous devons aller dans les diverses communautés et informer les gens de ces changements.
En ce qui concerne les organisations de soutien aux travailleurs migrants, nous avons organisé l’été dernier une table ronde au cours de laquelle elles ont été invitées à venir nous parler de l’efficacité du programme. Il n’y avait pas que 10 ou 11 organisations. Il y en avait d’autres qui n’obtiennent pas de financement. Nous nous sommes assurés d’obtenir de la rétroaction équilibrée.
À l’avenir, nous envisageons notamment de mettre en place une stratégie de gouvernance plus robuste, avec des points de contact permanents.
La sénatrice Moodie : Je vous félicite de votre nomination, monsieur le ministre.
Tout comme vous, j’estime qu’il faut s’attaquer aux besoins actuels. Lors de notre voyage au Nouveau-Brunswick et à l’Île‑du-Prince-Édouard, nous avons souvent entendu qu’il y avait des lacunes en matière d’imputabilité et d’application des conséquences dans le programme. La surveillance et l’application des règles laissent à désirer. Ce n’est pas un secret. Malheureusement, les problèmes semblent souvent venir de Service Canada. Les gens se plaignent de visites ou d’inspections irrégulières et peu fréquentes, du manque de clarté des processus prévus pour signaler des préoccupations diverses, etc.
Vous prétendez être le nouveau shérif en ville. Vous avez expliqué la façon dont vous entendez régler le problème. Comment pensez-vous pouvoir déceler plus efficacement les employeurs fautifs et les mauvais acteurs compte tenu des lacunes majeures du système d’inspection et d’application des règles?
M. Boissonnault : Sénatrice Moodie, vous faites preuve de tellement de compassion et de passion dans ce dossier. Hier, j’ai publié la première de toute une série de déclarations qui seront publiées par mon bureau pour avertir les employeurs qui ont obtenu une étude d’impact sur le marché du travail que s’ils enfreignent les règles ou la loi, le système les trouvera et leur infligera une amende. Comment allons-nous faire cela? Je lance un appel aux organismes d’application de la loi pour leur demander d’assumer leurs responsabilités et de sévir auprès des entreprises contrevenantes. Ce n’est pas au gouvernement du Canada que revient cette tâche, mais aux organismes d’application de la loi partout au pays. Hier, le ministère a publié un communiqué indiquant le nombre d’inspections qui ont été réalisées au cours du dernier exercice. Nous en avons dénombré 2 100, honorables sénateurs. Au terme de ces inspections, 94 % des entreprises ont été jugées conformes, tandis que 6 % ont été jugées non conformes.
Je vais vous donner d’autres statistiques. Le 22 avril, 116 employeurs ont été jugés non conformes au programme. Quatre-vingt-quatorze employeurs se sont vu infliger des pénalités administratives pécuniaires totalisant 1,53 million de dollars. Vingt-deux pour cent des employeurs ont reçu un avertissement et six employeurs ont été bannis du programme, dont certains pour une période allant jusqu’à cinq ans. En 30 secondes, honorable sénatrice, je peux vous donner un exemple. Un employeur du secteur des transports a reçu une amende de 258 000 $ et a été banni pour 5 ans du programme pour des manquements tels que le fait de ne pas avoir donné de salaires adéquats et de ne pas avoir fourni de conditions de travail sécuritaires à ses employés. Un autre employeur du secteur des transports s’est vu infliger une amende de 152 000 $ et a été banni du système pendant 5 ans.
Nous prenons les choses au sérieux. J’aimerais que le comité me transmette ses recommandations sur la façon dont nous pourrions améliorer nos pratiques. J’ai besoin de la contribution des gouvernements provinciaux, des organismes d’aide aux migrants, ainsi que des travailleurs, qui peuvent recourir, tous les jours de la semaine à n’importe quelle heure de la journée, à notre ligne de signalement qui offre des services en 200 langues. Il y a quelqu’un au bout du fil — corrigez-moi au besoin, monsieur Thompson — de 6 h 30 à 20 heures, heure normale de l’Est. Une boîte vocale recueille les messages les week-ends et les agents répondent aux plaintes dans les 48 heures. Nous nous classons au 99e percentile pour le traitement efficace des plaintes. J’inviterais les sous-ministres à répondre à la question de la sénatrice, qui se demandait comment nous pourrions faire mieux dans ce domaine.
Lori MacDonald, sous-ministre déléguée principale, Emploi et Développement social Canada, et cheffe de l’exploitation pour Service Canada (Emploi et Développement social Canada) : Je n’exagère pas en disant, honorable sénatrice, que lorsque le programme a été lancé, nous n’étions pas vraiment prêts à mettre en place un régime d’inspection de la conformité. Le concept était nouveau pour nous. Nous mettions au point un programme et nous apprenions au fur et à mesure. Pendant la pandémie de COVID, nous avons beaucoup régressé. Nous avons appris à la dure. Le ministre a parlé des efforts nécessaires pour renforcer les processus. Dans les deux dernières années, nous avons ajouté un grand nombre de structures et de mesures de soutien.
Je prends vos commentaires très au sérieux. Nous ferons d’ailleurs un suivi sur les points que vous avez relevés lors de votre récente mission. Par exemple, les gens ont dit que les règles n’étaient pas toujours bien comprises parce que pas assez claires. Voilà le genre de rétroaction dont nous avons besoin pour nous assurer de bien communiquer et d’instaurer notre régime de conformité de façon professionnelle.
[Français]
La sénatrice Mégie : À mon tour, monsieur le ministre, de vous féliciter pour votre nouveau rôle. J’ai deux brèves questions à vous poser.
Premièrement, des ententes bilatérales sont-elles absolument nécessaires afin que les ressortissants d’un pays quelconque puissent accéder au Programme des travailleurs étrangers temporaires?
Deuxièmement, comme vous devez le savoir, j’ai immigré d’Haïti en 1976; la diaspora haïtienne au Canada s’exprime déjà dans nos langues officielles. N’aurions-nous pas avantage à régulariser les milliers de sans-papiers et les milliers de demandeurs d’asile haïtiens au Canada, comme l’a souligné la professeure Catherine Bryan hier, devant notre comité, en réponse à l’une de nos questions?
M. Boissonnault : C’est une bonne question. Merci, sénatrice, de votre question. Cette question sur les demandeurs d’asile et des personnes sans papiers, peu importe le pays d’où ils proviennent, relève du domaine de mon collègue le ministre Miller.
En ce qui concerne les ententes bilatérales, je vais poser la question à M. Thompson ou à M. MacPhee pour savoir si cela doit être officiel ou si c’est simplement que cela nous donne accès au consul, s’il est en place; est-ce le cas?
M. MacPhee : Oui, c’est cela. C’est expressément dans le domaine des travailleurs agricoles saisonniers. Le programme a débuté en 1966, et on a encore des ententes bilatérales avec 12 pays. On réexamine ces ententes chaque année afin de nous assurer qu’elles sont alignées avec les demandes du pays.
La sénatrice Mégie : Y a-t-il moyen d’ajouter un pays francophone comme Haïti, pas loin du Canada, pas loin du Québec ainsi que du Nouveau-Brunswick, qui a aussi besoin de francophones?
M. Boissonnault : Quand le sénateur Cormier a posé sa question, j’ai pensé à Haïti. Soyons francs, nous n’avons pas d’entente formelle avec Haïti, mais c’est quelque chose que l’on pourrait sûrement examiner. M. MacPhee, voulez-vous renchérir?
[Traduction]
M. MacPhee : Nous avons conclu 12 accords associés au Programme des travailleurs agricoles saisonniers. Nous regardons en ce moment comment nous pourrions en conclure davantage dans le cadre des vastes réformes que nous comptons apporter au programme. Nous déterminerons ensuite quels pays additionnels nous voudrions inclure conformément aux exigences établies. C’est un élément qui figure dans nos plans.
[Français]
La sénatrice Mégie : Merci. Je vais garder l’œil ouvert, ainsi que l’oreille tendue.
M. Boissonnault : Les commentaires des sénateurs et des sénatrices, qu’ils soient féroces ou gentils, nous aident également à bâtir des programmes.
La sénatrice Mégie : C’est cela. Merci beaucoup.
[Traduction]
La sénatrice Dasko : Merci aux témoins de leur présence aujourd’hui. Je vais poser deux questions, qui s’inscrivent un peu dans la foulée des autres questions qui vous ont été posées.
Monsieur le ministre, vous avez dit qu’il fallait repérer les mauvais acteurs. La question de la sénatrice Moodie portait là-dessus, mais je voudrais poursuivre dans la même veine. Lorsque nous sommes allés dans l’Est du Canada, à l’Île-du-Prince-Édouard, la population savait qui étaient les mauvais acteurs. Tout le monde pouvait pointer du doigt les entreprises en question. Je me demande pourquoi vous ne le saviez pas. Pourquoi le ministère n’était-il pas au courant? Pourquoi ces entreprises semblent-elles poursuivre leurs opérations? Y a-t-il un élément manquant? Je me demande pourquoi le système ne détecte pas ce qui est pourtant bien connu de tout le monde.
M. Boissonnault : C’était la première question.
La sénatrice Dasko : Oui.
M. Boissonnault : Il y a différents degrés. J’en ai parlé aux sous-ministres en prévision de la réunion d’aujourd’hui. Les employeurs doivent remplir 28 conditions. Par exemple, pendant la COVID, ils devaient s’assurer que les employés savaient où se trouvaient les bouteilles de désinfectant pour les mains. C’était un des critères. Les employeurs qui ne le respectaient pas étaient jugés non conformes. Les règles de base de santé et de sécurité au travail doivent être suivies. La question est la suivante : en quoi les mauvais acteurs dont les gens vous ont parlé étaient-ils non conformes? Les manquements étaient-ils liés au logement, à l’accès aux soins de santé, au salaire? Les employeurs entassaient-ils trop de personnes dans une même pièce? Je me demande quelle était la nature des infractions, si je peux employer ce terme. Lorsque les employeurs enfreignent la loi, les forces de l’ordre locales doivent faire leur travail et porter des accusations, point à la ligne. J’espère que le rapport énoncera clairement que les organismes d’application de la loi ont un rôle à jouer par rapport aux lois sur le travail. Les employeurs qui commettent un crime doivent répondre de leurs actes.
De notre côté, je peux vous dire les choses que nous avons faites. Nous avons bonifié la formation, comme Mme MacDonald l’a mentionné. En quoi est-ce important? Eh bien, les agents doivent avoir les outils appropriés pour aller chercher la vérité sur le terrain. Il faut gérer de façon stratégique la charge de travail pour que les agents puissent bien s’occuper de leurs dossiers. La collaboration avec les parties prenantes est capitale. Lorsque les gens de MOSAIC me disent qu’ils ont repéré trois mauvais acteurs en Colombie-Britannique, cela me signale que nous pouvons effectuer un suivi. La ligne de signalement est très importante, tout comme les inspections consulaires. Lorsque les consuls décident d’aller visiter un site, les employeurs réalisent soudainement qu’une infraction est probablement commise ou que des vérifications s’imposent.
Les sous-ministres pourront parler des autres choses que nous faisons. Je tiens par dessus tout à m’assurer que le programme est rigoureux. Si nous nous débarrassons des mauvais acteurs, les bons employeurs....
[Français]
— on peut valoriser les bons employeurs en expulsant les mauvais acteurs du système.
[Traduction]
M. Thompson : J’ajouterais seulement que notre ligne de signalement est très active. Nous avons 5 000 appels par année, qui sont immédiatement pris en charge. Les demandes urgentes comportant des violations importantes sont transférées aux organismes d’application de la loi, et les autres sont transférées aux équipes chargées des inspections. Le suivi de ces cas est très rigoureux.
Une partie du travail qui reste à faire sera peut-être d’accroître encore plus la visibilité, de réduire l’intimidation et d’éliminer les obstacles qui empêchent les travailleurs de composer la ligne de signalement, qui peut être utilisée de façon anonyme...
La sénatrice Dasko : Peut-être alors que les informations vous parviennent en différé. Si la population est au courant...
M. Thompson : Voilà un autre aspect où nous voulons instaurer plus de rigueur. Je veux parler du délai entre la réception et le traitement des signalements. Comme le disait M. MacPhee, nous avons fixé une norme de 48 heures entre la réception des signalements importants et la prise de mesures...
La sénatrice Dasko : Vous avez mentionné tout à l’heure qu’il existait différents types de sanctions, telles que les avertissements et les pénalités.
[Français]
La sénatrice Petitclerc : Merci, monsieur le ministre et bienvenue à notre comité.
Que comptez-vous faire ou quel est votre plan de match? Vous avez parlé des inspections, des pénalités, des protections, des outils; la ligne de signalement revient aussi souvent, et c’est super.
D’un autre côté, nous avons entendu ici des personnes de tous les secteurs, y compris des étudiants et les organismes qui les représentent. On sait que cela existe, mais les travailleurs vulnérables, en très grande majorité, ne vont pas faire appel à ces organismes parce qu’ils sont justement en situation de vulnérabilité. Ces mêmes organismes nous ont dit qu’ils vont toujours hésiter et avoir peur d’utiliser ce qu’on leur donne comme outils en raison de l’inégalité dans le rapport de force entre les employeurs et les employés.
Ma question est la suivante : est-ce qu’on s’attaque aussi à la source de cette vulnérabilité, qui est ce rapport de force déséquilibré, que ce soit en raison des contrats de travailleur unique ou des lettres que les étudiants doivent avoir pour faire une demande afin d’obtenir la résidence permanente, et ainsi de suite? Va-t-on à la source de ce rapport de force qui n’est pas équilibré?
M. Boissonnault : Merci beaucoup, sénatrice Petitclerc.
J’en profite pour mentionner à tous les sénateurs que nous étions au Campus Saint-Jean en même temps dans les années 1990, à l’Université de l’Alberta, dans le bon vieux temps.
D’abord, il faut être plus clair quant aux protections existantes pour les travailleurs migrants, point à la ligne. Deuxièmement, il faut qu’on bonifie les partenaires afin d’accomplir plus de travail sur le terrain. Troisièmement, il faut que les mauvais acteurs sachent qu’ils nous trouveront sur leur chemin et qu’on va les sortir du système. Je veux être très clair là-dessus.
J’aimerais également profiter de l’occasion pour m’adresser aux travailleurs étrangers temporaires : permettez-moi de vous dire directement que vous avez des droits et qu’il existe une ligne de signalement accessible en 200 langues. Je veux savoir s’il y a un mauvais acteur au sein du système; je prends cela en note à titre de ministre. Nous allons agir et nous serons à la hauteur de vos demandes pour que vous soyez sains et saufs au Canada [mots prononcés en espagnol].
[Traduction]
La présidente : Merci, monsieur le ministre. J’ai été très impressionnée de voir que vous profitiez de la réunion du comité pour vous adresser directement aux travailleurs au Canada.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Je veux tout d’abord saluer l’énergie, la détermination, presque celle d’un Don Quichotte, pour attaquer ce problème terrible qui nous donne une mauvaise réputation en matière de droits de la personne.
Je vais vous poser une question assez difficile : vous avez parlé de droits, presque de droits égaux pour ces travailleurs et les Canadiens; or, ce n’est pas le cas. Par définition, les travailleurs agricoles ont des permis ouverts, alors que tout Canadien peut changer de travail au gré de la façon dont il est traité. Je reviens exactement à ce qu’a dit la sénatrice Petitclerc : c’est la différence fondamentale dans le rapport de force qui fait la différence. Le permis de travail fermé est au cœur du problème. Le rapporteur l’a dit, j’ai travaillé sur l’esclavage moderne dans le cadre de mon projet de loi S-211, on parle ici d’une contrainte qui s’apparente au travail forcé.
Le permis fermé permet à l’employeur, en toute impunité, de menacer son employé ou de le faire travailler plus d’heures en lui disant qu’il le renverra chez lui s’il ne fait pas ce qu’il veut. Fondamentalement, il y a un problème. J’aimerais que vous abordiez ce problème des droits de la personne. Je vous trouve très positif et très confiant sur la question des inspections, mais étant donné les sphères de compétences provinciales, je pense au Québec, et dans les inspections et dans le travail policier, comment pouvez-vous être aussi certain de remporter la manche?
M. Boissonnault : Merci beaucoup, je vais répondre à votre question et continuer ma réponse à la sénatrice Petitclerc. Ce sont des questions semblables, mais différentes. Tout d’abord, je dois travailler avec le ministre Miller, car il assure la gestion des permis de travail.
Cela dit, je pense que si je suis convaincu par les données ou par votre rapport indiquant que des permis sectoriels ouverts vont nous aider à nettoyer le système, je vais examiner cette question, car on peut absolument mettre en œuvre cette solution. On a la capacité de le faire. J’ai besoin de connaître la réaction des employeurs à cet effet, car ils investissent du temps et de l’argent. Les bons acteurs ne seront pas nerveux de ces développements, car ils savent que leurs employés vont rester. J’ai besoin des recommandations de cet auguste comité pour faire mon travail.
Vous avez mentionné le rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants de l’Organisation des Nations unies. Sachez, chers sénateurs et sénatrices, que je prends le rapport au sérieux. Nous ne sommes pas d’accord avec tous les commentaires qu’il comporte; le seuil de 20 heures pour les étudiants étrangers est devenu un seuil de 40 heures. Il y a d’autres choses avec lesquelles nous ne sommes pas d’accord, mais même le rapporteur a dit que la grande majorité des employeurs, ici au Canada, traite bien ses employés.
C’est une question que j’ai posée à mes collègues du ministère : comment transmettre un signal clair aux travailleurs migrants pour qu’ils sachent qu’ils ont des droits? Comment responsabiliser davantage les employeurs pour qu’ils accomplissent bien leurs tâches? J’en appelle au travail des organismes sur le terrain, et aussi à celui de nos collègues de la main-d’œuvre et des secteurs de l’emploi, dans toutes les provinces et tous les territoires pour qu’ils soient nos partenaires. Sinon, on n’aura pas de système pour l’avenir.
La sénatrice Miville-Dechêne : Ma question avait trait au permis de travail fermé : est-il à la hauteur de notre réputation quand on défend les droits de la personne partout dans le monde?
[Traduction]
La présidente : Nous allons demander une réponse écrite à votre question. Il nous reste cinq minutes et plusieurs sénateurs veulent intervenir pendant la deuxième série de questions. Je propose que nous posions nos questions et que le ministre et les sous-ministres nous transmettent leurs réponses par écrit.
Monsieur Thompson, vous avez formulé quelques commentaires sur le Programme de soutien aux travailleurs migrants. Pourriez-vous nous envoyer ces données par écrit, surtout si vous avez réalisé des évaluations ou des études d’impact concernant la mise en œuvre du programme?
Pourriez-vous aussi nous dire si un préavis est donné aux employeurs qui vont faire l’objet d’un audit? De quelle façon cela est-il géré? Ensuite, avez-vous mené des sondages sur la mobilisation des employés auprès des travailleurs étrangers temporaires? Il y a environ 204 000 travailleurs étrangers temporaires. C’est un nombre précis. Vous pouvez communiquer avec eux dans différentes langues. Avez-vous fait ou pensé faire un sondage de mobilisation des employés?
[Français]
Le sénateur Cormier : Je viens d’une province où l’industrie de la transformation des fruits de mer est importante. Pourquoi n’existe-t-il pas un programme comparable au Programme des travailleurs agricoles saisonniers pour la transformation des fruits de mer? Cela nous a été fortement demandé et revendiqué.
[Traduction]
La sénatrice Moodie : J’aimerais me concentrer sur le projet pilote pour les employeurs reconnus. Le lancement du programme aurait causé une certaine confusion. On nous a également dit que le programme n’était pas bien intégré avec les autres programmes connexes, notamment ceux d’IRCC, ce qui aurait entraîné une sorte de chaos. On nous a signalé que certaines règles entraient en conflit. Ces constats mettent en doute la capacité du gouvernement à gérer efficacement le programme.
J’aimerais savoir comment vous vous assurez que les organismes communiquent entre eux et aplanissent le genre de difficultés qui surviennent lorsqu’un organisme apporte de grands changements aux règles liées au volet d’un programme sans que les autres en soient nécessairement au courant. Mais bon, c’est ce qu’on nous a dit.
La sénatrice Osler : Une préoccupation qui a été soulevée devant le comité est l’accès des travailleurs internationaux à un régime d’assurance maladie adéquat. Par exemple, les employeurs sont tenus de fournir une assurance maladie, mais les couvertures varient d’un régime à l’autre. Par exemple, les assurances voyages ne couvrent que les soins médicaux d’urgence. La durée de certains permis de travail est trop courte pour que les travailleurs soient admissibles au régime d’assurance maladie provincial. Une recommandation soumise au comité proposait que le gouvernement du Canada étende aux travailleurs étrangers temporaires le Programme fédéral de santé intérimaire. Cette option a-t-elle été considérée? J’aimerais beaucoup savoir ce que vous en pensez.
La présidente : Chers collègues, je vous remercie pour vos questions. Monsieur le ministre, je vous remercie, vous et vos collaborateurs, pour les réponses que vous avez fournies. Comme vous pouvez le voir, nous aurions pu vous parler pendant encore trois heures. Il va sans dire que nous resterons en contact. À un certain point, nous présenterons notre rapport et nous nous attendons à une réponse robuste à nos recommandations. Merci beaucoup.
Le deuxième groupe de témoins que nous recevons aujourd’hui est composé de représentants d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, connu aussi sous le sigle IRCC : la sous-ministre, Mme Christiane Fox; la sous-ministre adjointe principale, Politiques stratégiques et programmes, Mme Louise Baird; et le sous-ministre adjoint par intérim, Opérations, M. Jean-Marc Gionet. M. Michael MacPhee, sous-ministre adjoint à la Direction générale du Programme des travailleurs étrangers temporaires, Service Canada, Emploi et Développement social Canada, restera avec nous pour nous donner d’autres informations et pour répondre aux questions. Merci beaucoup d’être venus comparaître aujourd’hui. Vous êtes des personnes très occupées et vous assumez des fonctions très importantes. Votre contribution à nos délibérations est extrêmement précieuse.
Vous aurez cinq minutes pour votre déclaration préliminaire, qui sera suivie par les questions des sénateurs.
Madame Fox, je suppose que vous allez parler au nom de votre ministère.
Christiane Fox, sous-ministre (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada) : Merci beaucoup, madame la présidente, de nous donner l’occasion de témoigner. Merci aux distingués membres du comité. Je tiens à reconnaître que nous nous trouvons aujourd’hui dans le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe.
[Français]
J’aimerais commencer en disant que l’immigration joue un rôle important dans nos politiques économiques et sociales. La croissance récente de la population active du Canada a été presque entièrement attribuable à l’immigration, une tendance qui devrait se poursuivre à l’avenir, mais avec des appuis, de bons plans, de bonnes politiques et des programmes pour appuyer l’arrivée des immigrants.
Pour soutenir les employeurs et l’économie, le gouvernement du Canada offre un certain nombre de programmes pour les travailleurs étrangers temporaires et des milliers de personnes qui obtiennent la résidence permanente chaque année.
[Traduction]
Bon nombre de nos programmes sont axés sur les employeurs dans des secteurs d’activités qui connaissent une pénurie de main-d’œuvre au Canada. Il est important de noter que tous les ressortissants étrangers qui travaillent au Canada ont les mêmes droits que les citoyens canadiens qui leur assurent entre autres des salaires équitables et des protections en milieu de travail. IRCC travaille de concert avec Emploi et Développement social Canada, les provinces et les territoires, car ces partenaires jouent tous un rôle dans la sécurité des travailleurs et la mise en œuvre des lois et des règlements sur le travail.
[Français]
Le gouvernement fédéral dispose d’un solide système de conformité pour créer des environnements de travail sûrs, inspecter les conditions de travail et soutenir les droits essentiels des travailleurs.
L’année dernière, nous avons encore renforcé la réglementation en exigeant que les employeurs informent les travailleurs de leurs droits, qu’un contrat de travail soit mis en place, y compris des salaires et des conditions de travail, qu’aucun coût ou aucuns frais ne soient transférés aux travailleurs par les employeurs, et qu’il y ait une protection contre les représailles de l’employeur lorsque les travailleurs déposent des plaintes. De plus, les employeurs sont tenus de fournir des services de soins de santé en cas de maladie ou d’accident du travail.
[Traduction]
Diverses mesures d’application de la loi permettent d’infliger aux employeurs des amendes ou de les bannir temporairement ou indéfiniment des programmes des travailleurs étrangers en cas d’infraction. La majorité des employeurs respectent les exigences et les travailleurs. Nous conduisons des inspections pour détecter ceux qui ne le font pas.
Il existe plusieurs voies d’accès à la résidence permanente pour les travailleurs temporaires qui veulent rester au Canada. C’est en suivant ces processus que 177 000 personnes ont troqué leur statut de résident temporaire pour celui de résident permanent en 2022. On compte parmi ces personnes des travailleurs et des étudiants. Les processus englobent des programmes autrefois ciblés tels que la Voie d’accès de la résidence temporaire à la résidence permanente, qui est destiné aux travailleurs de la santé, aux diplômés récents d’établissements d’enseignement canadiens et aux travailleurs essentiels dans des domaines autres que celui de la santé.
Nous nous efforçons également d’instaurer des voies d’accès pour les travailleurs sans papiers. Dans la région du Grand Toronto, ou RGT, IRCC a mis en place, en collaboration avec les dirigeants syndicaux, des voies d’accès à la résidence permanente pour les travailleurs de la construction sans statut. Nous avons mis sur pied des initiatives similaires pour les fournisseurs de soins à domicile dans le cadre du programme Guardian Angels. Grâce à ce programme, des candidats entrés au Canada légalement dont le statut de résident temporaire est expiré et qui continuaient à travailler dans l’industrie de la construction ou à participer au programme Guardian Angels en donnant des soins à domicile ou comme travailleurs de soutien ont pu rester au pays et poursuivre leur cheminement vers la résidence permanente.
Dans l’ensemble, les résidents temporaires représentent encore une part importante des efforts d’immigration du Canada. L’augmentation de notre capacité de traitement des demandes et la modernisation de nos efforts accélèrent les examens et réduisent le nombre de demandes en attente de traitement.
[Français]
Nous sommes conscients des conséquences de l’immigration, en particulier dans les régions du pays où les logements sont difficiles à trouver. Le logement est une question complexe et l’immigration n’est pas la cause de la crise actuelle; elle est un des facteurs qui y contribuent.
On doit se rappeler que les travailleurs étrangers contribuent à construire davantage de logements pour atténuer ce problème.
[Traduction]
Nous allons continuer à travailler avec nos partenaires fédéraux, provinciaux et territoriaux à la mise sur pied de programmes et de politiques qui permettront de relever les défis auxquels le pays est confronté.
Merci beaucoup de m’avoir invitée aujourd’hui. J’ai hâte de discuter avec vous et de répondre à vos questions.
La présidente : Merci beaucoup, madame Fox. Nous allons passer aux questions. Chers collègues, comme d’habitude, nous avons cinq minutes pour les questions et les réponses.
La sénatrice Cordy : Je vais poser deux questions.
Nous avons entendu parler des agents auxquels font appel les étudiants et les travailleurs étrangers temporaires. La plupart de ces agents sont très bons, mais inévitablement, certains laissent à désirer et manquent carrément d’éthique, nous a-t-on dit. Existe-t-il un registre que les gens peuvent consulter pour trouver un agent digne de confiance et qui a fait ses preuves?
Ma deuxième question porte sur les soins de santé. Vous et le ministre avez parlé des soins de santé auxquels ont accès les travailleurs étrangers temporaires au Canada. Récemment, en Nouvelle-Écosse, une travailleuse étrangère temporaire — je ne sais pas si vous avez entendu parler de ce cas — a reçu un diagnostic de cancer peu après son arrivée au Canada. Elle n’était plus en mesure de travailler. Je ne dirais pas qu’elle a été congédiée, mais la femme en question n’est pas restée avec son employeur, ce qui lui a fait perdre immédiatement l’accès aux soins de santé. Heureusement, elle connaissait des personnes très généreuses qui l’ont aidée. Elle a reçu des soins et a trouvé un logement.
Qu’arrive-t-il aux travailleurs dans ces situations? Le cas de cette travailleuse n’est sûrement pas un cas isolé. Les travailleurs étrangers temporaires ont-ils une personne-ressource à qui demander de l’aide en cas de besoin?
Mme Fox : Merci de la question. Je vais d’abord parler des consultants. Évidemment, dans nos communications et nos produits, nous encourageons toujours les gens à faire appel à des consultants autorisés.
En novembre 2021, nous avons officiellement inauguré le Collège des consultants en immigration et en citoyenneté. Cet organisme indépendant a pour mandat de surveiller les activités des consultants. Il recommande aussi une liste de consultants. Il y a des mesures établies que le collège peut prendre lorsqu’une enquête révèle qu’un consultant a contrevenu aux normes de conduite professionnelle.
Il est important pour nous de communiquer efficacement les informations. Par exemple, le collège tient un registre de consultants autorisés, mais de nombreux individus qui n’y sont pas inscrits demandent des honoraires exorbitants. Nous préconisons la mise en place d’un barème clair pour que les gens sachent exactement quels honoraires ils devraient normalement payer. En cas de problèmes avec un consultant, le collège peut intervenir directement auprès de ces derniers, après quoi des suivis peuvent être effectués auprès des employeurs ou des travailleurs.
Nous essayons de bien faire comprendre et de renforcer les pratiques éthiques et les normes à respecter pour travailler dans le domaine.
Pour répondre à votre deuxième question, le juste équilibre est difficile à atteindre concernant les personnes qui veulent venir au Canada temporairement. Selon le principe d’économie circulaire, certains travailleurs continuent à contribuer à leur pays, où ils retournent entre deux périodes de travail au Canada. D’autres viennent ici avec l’espoir d’obtenir la résidence permanente. C’est pour ces personnes que nous avons mis en place les voies d’accès en question.
Dans le cas des travailleurs de la santé, nous sommes très conscients des lacunes.
Lorsqu’un travailleur vit une situation difficile en raison de mauvais traitements ou de problèmes de santé, il y a d’autres options et outils que nous pouvons utiliser pour l’aider.
Par exemple, nous pouvons étudier la possibilité d’offrir un permis de travail ouvert aux titulaires d’un permis de travail qui les lie à un employeur donné si ces personnes disent qu’elles ont été maltraitées dans le milieu de travail ou que leurs conditions de travail ne correspondent pas aux normes. Les circonstances motiveront notre décision.
Nous pouvons aussi délivrer rapidement des permis de résidence temporaire pour des motifs d’ordre humanitaire ou si la personne nécessite des soins urgents, afin d’aider celle-ci à régulariser son statut jusqu’à ce que nous déterminions les prochaines étapes.
Je ne peux pas parler du cas de la Nouvelle-Écosse en particulier. Cela dit, lorsque des travailleurs étrangers temporaires se trouvent dans une situation difficile ou dangereuse, nous nous efforçons de trouver les bons processus et les bonnes mesures pour les soutenir.
La présidente : Chers collègues, je vais donner au sénateur Cormier ses cinq minutes, car nous devons terminer la réunion à 13 heures. J’espère que vous êtes d’accord.
[Français]
Le sénateur Cormier : Lors de nos missions, nous avons entendu beaucoup d’anecdotes sur des situations, mais manifestement, il y a un manque de données probantes pour comprendre la situation dans le domaine de l’immigration, notamment sur le terrain.
Quelles mesures prenez-vous pour améliorer votre collecte et votre analyse de données? Comment normalisez-vous la collecte de données sur les programmes d’immigration parmi les ministères et administrations? Nous manquons de faits vérifiables pour avoir un portrait juste des défis rencontrés par les employeurs et les employés sur le terrain.
Mme Fox : Merci beaucoup pour la question. Je dirais que l’échange de données est essentiel à notre collaboration au sein du gouvernement fédéral. On a beaucoup de données sur les demandes, soit entre les deux programmes temporaires pour les travailleurs. On a effectivement des données qui sont recueillies presque tous les mois et cela donne un portrait du nombre de travailleurs qui sont au Canada dans une période donnée et dans quel secteur, et s’ils comblent les défis liés à la pénurie de main-d’œuvre. On a quand même un certain nombre de données.
Il faut collaborer davantage avec le secteur privé pour faire des échanges de données, pour permettre une meilleure compréhension de la pénurie de main-d’œuvre à venir et des défis à venir. De cette façon, on peut avoir des stratégies en place pour répondre à des besoins d’employés en particulier et dans des secteurs particuliers. Oui, effectivement, on pourrait avoir de meilleures données d’échange.
Également, avec le public, on pourrait faire en sorte qu’il y ait davantage de transparence quant aux exigences des ministères envers les entreprises privées afin de participer au programme des travailleurs temporaires et d’avoir un accès précis. On a des données internes qui démontrent qu’il semble y avoir un besoin. On pourrait faire un meilleur effort.
Dans la dernière année, on a affiché plus de renseignements sur les demandes actives, le temps de traitement et les données sur les pays d’origine, mais on est ouvert à d’autres suggestions si ce n’est pas suffisant.
Le sénateur Cormier : Avez-vous des données plus spécifiques sur les conditions de travail et les plaintes soumises concernant les employés? C’est ce qui nous préoccupe ici, au comité. Nous souhaitons avoir un portrait juste de la situation des travailleurs à partir de faits et de données.
Mme Fox : J’ai quelques données que je peux partager maintenant et on pourra vous en fournir d’autres ultérieurement. Au sein du ministère, on a un système permettant aux gens de faire des plaintes anonymes. À la suite de ces plaintes, on a pu faire presque 570 inspections. C’est une donnée d’importance.
Dans la dernière année, en 2022, on a pu délivrer au-delà de 1 000 permis de travail ouverts à la suite de rapports d’incidents, d’abus ou de conditions de travail problématiques. C’est une autre donnée. Cette année, jusqu’à présent, de janvier à août, on a presque les mêmes chiffres.
On pourrait vous faire parvenir ce genre de données pour vous donner un portrait du nombre d’inspections et des actions qui les suivent. On a aussi des détails sur les pénalités, sur les sommes d’argent payées à la suite des sanctions administratives financières. Nous avons collecté ces données auprès des ministères et on pourrait certainement les fournir au comité.
Le sénateur Cormier : Merci.
[Traduction]
La sénatrice Seidman : Merci de votre présence aujourd’hui.
Dans le cadre de notre étude, des personnes de tous les horizons ont parlé à mes collègues des dédales du Programme des travailleurs étrangers temporaires du Canada. Vu le désarroi causé par le programme, des intermédiaires sans scrupules en profitent pour exploiter les travailleurs. Que fait le gouvernement fédéral pour simplifier les programmes d’IRCC?
Mme Fox : C’est une excellente question, qui nous a souvent causé des maux de tête. La complexité du système d’immigration se justifie dans certaines circonstances par la nécessité d’établir des mécanismes de contrôle. Nous essayons de changer de paradigme pour nous concentrer davantage sur les personnes qui interagissent avec le système que sur les unités fonctionnelles, les opérations, les programmes et les demandes en attente. Notre objectif est d’y arriver tout en rendant le système un peu plus convivial et transparent.
La modernisation du système d’immigration nous fournit une belle occasion de nous pencher sur l’expérience du client. Pendant longtemps, à l’ère des formulaires papier, nous n’avions pas toujours la souplesse de faire volte-face et de réagir rapidement. En ce moment, au ministère, il y a deux choses sur lesquelles nous travaillons et que nous essayons progressivement de mettre en œuvre. D’abord, nous mettons au point un système modernisé qui nous permettra de cartographier les différents parcours. Vous voulez venir au Canada en tant que travailleur? Voici ce que vous devriez savoir. Vous voulez venir travailler et étudier au Canada? Voici les informations dont vous allez avoir besoin. Nos efforts de modernisation doivent tenir compte de l’utilisation de la plateforme par le client.
Dans l’intervalle, tandis que nous poursuivons ce travail — qui ne se réalisera pas du jour au lendemain, car c’est complexe —, nous examinons comment nous pouvons ajouter des éléments axés sur le service à la clientèle dans le cadre de nos programmes actuels, notamment un outil de suivi des demandes pour permettre aux gens de mieux comprendre où en est rendu le traitement de leur demande et à qui ils peuvent s’adresser pour obtenir de l’aide.
Je ne vous cacherai pas que durant la pandémie de COVID et pendant que nous étions au cœur des problèmes engendrés par l’arriéré l’été dernier ainsi que lors de mon arrivée au ministère, nous avons eu beaucoup à faire pour régler l’arriéré. Nous misons sur la mise en place d’un système convivial permettant la tenue de conversations et l’obtention de renseignements en temps réel, afin d’éviter aux gens d’avoir recours à des consultants.
J’ai rencontré un étudiant étranger qui travaille actuellement au Canada, qui était au courant des lacunes du système et qui connaissait exceptionnellement bien ce système. Cette rencontre m’a grandement préoccupée. Il s’est adressé à de nombreux consultants, et presque chacun d’entre eux — il testait en quelque sorte le système — a tenté de lui facturer des frais qu’il n’avait pas besoin de payer. Cela en dit long, selon moi, sur la réalité à laquelle les gens sont confrontés.
Le gouvernement doit mieux communiquer l’information, rendre ses systèmes plus conviviaux et utiliser un langage clair afin d’éviter de telles situations et d’aider les gens. Si nous pouvons offrir un service moderne et appliquer de bonnes normes de service et de traitement, alors les gens n’auront pas l’impression qu’ils doivent contourner le système, car ils verront qu’il est efficace.
Nous n’en sommes pas encore tout à fait là, mais c’est l’objectif que vise le ministère.
La présidente : Madame Fox, lorsque nous étions dans les Maritimes et au Nouveau-Brunswick, nous avons rencontré de nombreux travailleurs étrangers temporaires originaires des Philippines. Ils nous ont expliqué que le gouvernement philippin exige qu’ils aient recours aux services d’un agent pour le traitement de leurs documents et que ces agents imposent des frais considérables. Êtes-vous au courant de cette situation?
Mme Fox : Je sais que dans certains pays il faut suivre un processus initial, qui fait partie des exigences de sortie. Je n’étais pas au courant de la procédure aux Philippines. Je vais certes m’informer à ce sujet maintenant que vous m’en avez parlé. Parfois, nous ne pouvons malheureusement pas faire grand-chose lorsqu’une situation ne relève pas de notre compétence. Je crois que nous devons mieux communiquer les démarches à faire pour venir au Canada et améliorer les relations bilatérales. Nous collaborons étroitement avec les Philippines. Nous avons une plus grande présence maintenant à Manille grâce à nos stratégies visant la région indo-pacifique. C’est donc un sujet que nous pouvons aborder avec ce pays.
La sénatrice Osler : Je vous remercie tous pour votre présence. Je vais poursuivre dans la même veine en ce qui concerne la question de la navigation dans le système et des intermédiaires dont nous avons parlé.
D’après votre vision de la modernisation du système d’immigration, comment envisagez-vous ces consultants en immigration? Malgré la mise sur pied du Collège des consultants en immigration et en citoyenneté en 2021, le comité a entendu parler à maintes reprises de problèmes vécus par des gens au Canada et dans leur pays d’origine lorsqu’ils ont fait affaire avec des consultants en immigration. À titre d’exemple, les frais exigés semblent varier énormément.
Le collège prévoit-il un plafond pour les frais facturés aux immigrants? Qui détermine les sommes exigées par les consultants? Enfin, quelle est votre vision du nouveau système? Le gouvernement sera-t-il en mesure de devenir une source d’information suffisante pour éviter qu’autant d’immigrants doivent faire appel à des consultants en immigration?
Mme Fox : C’est une excellente question. Ce que je pense et que je vous dirai aujourd’hui, c’est que la création du collège est assez récente, alors, nous n’en voyons pas encore tous les effets. J’ose espérer qu’au fil du temps nous observerons une amélioration du système.
Dans l’avenir, il y aura une place au sein du système pour les consultants accrédités qui agissent au nom de leurs clients avec intégrité et respect. Si nous pouvons établir clairement non seulement les attentes en matière de respect des normes professionnelles, mais aussi les conséquences qu’engendre le non-respect de ces normes, je crois que cela nous permettra de renforcer le système d’immigration. Parallèlement, il faut fournir de bons renseignements, non seulement aux consultants, mais aussi aux autres pays, aux employeurs et directement aux personnes qui souhaitent venir au Canada. Nous devons mieux expliquer les avantages et l’importance de faire affaire avec des consultants accrédités, qui font partie du système et qui peuvent aider les gens à naviguer au sein du système sans profiter d’eux.
C’est ce que nous visons au bout du compte. Pour atteindre cet objectif, le gouvernement doit constamment veiller à mettre en place des systèmes qui retirent le pouvoir qu’ont ces consultants de naviguer dans le système.
Je vais vous donner un exemple. Le Programme des étudiants étrangers suscite de grandes préoccupations. Les mesures d’intégrité que nous devons envisager en vue d’améliorer ce programme concordent en partie avec les mesures à prendre pour retirer ces mauvais consultants du système. Nous disons ceci aux universités et aux collèges dans l’ensemble du pays : « Nous accueillons un très grand nombre d’étudiants étrangers. Cela est très profitable pour notre pays, mais avez-vous en place les mesures d’intégrité nécessaires pour éviter certaines des conséquences inattendues des acteurs malveillants? »
Nous examinons certains modèles. Nous demandons à ces établissements quelles mesures d’intégrité ils mettent en place à l’égard du Programme des étudiants étrangers. Ils pourraient imiter le modèle d’employeurs de confiance. Ce n’est peut-être pas le bon mot, mais ils peuvent imiter ce modèle et établir des critères qui, je l’espère, empêcheront des consultants de profiter des gens. Malheureusement, de tels consultants existent, mais si nous améliorons les critères, cela nous permettra d’améliorer le système.
La sénatrice Osler : Merci.
Le sénateur Kutcher : Merci, madame la sous-ministre. Je suis ravie de vous revoir.
Je vais continuer sur le sujet des étudiants. Je vous remercie d’avoir parlé de la responsabilité des universités. Après vous avoir entendue, je suis d’avis que c’est très important.
J’aimerais me concentrer sur un élément un peu différent dont nous avons entendu parler récemment. Il s’agit des vols de salaires dont des étudiants étrangers sont victimes et de la protection de ces étudiants qui sont actuellement sur le marché du travail. Il existe plusieurs problèmes, mais les vols de salaires constituent un problème important.
Une étude menée en 2020 par l’Université de la Nouvelle-Galles du Sud, en Australie, a révélé qu’environ les trois quarts des étudiants étrangers étaient rémunérés en dessous du salaire minimum, et qu’environ 40 % d’entre eux n’avaient pas dénoncé la situation par crainte de représailles. Des témoins qui ont comparu devant le comité hier nous ont raconté des anecdotes à ce sujet.
Savons-nous à quel point ce problème est répandu au pays? Existe-t-il des données à cet égard? Disposons-nous de données concernant l’expérience en milieu de travail des étudiants étrangers qui nous permettent de savoir comment se passent les choses pour eux au travail? Est-ce que des organisations étudiantes qui soutiennent les étudiants étrangers reçoivent des fonds qui leur permettraient de défendre les intérêts de ces étudiants auprès du gouvernement fédéral? En outre, la question de l’application des codes du travail provinciaux est épineuse.
Par ailleurs, l’Australie a un ombudsman du travail équitable. Cela pourrait être un modèle intéressant à envisager pour les étudiants étrangers qui sont réellement confrontés à cette situation. Voilà le problème.
Mme Fox : Je vous remercie beaucoup. Je dirais que ce sont là tous d’excellents points. Le ministère s’attaque à certains d’entre eux afin de déterminer comment on peut aider les étudiants étrangers à contribuer à l’économie et, à dire vrai, à avoir l’occasion de travailler et de gagner un salaire pendant qu’ils sont ici, au Canada, sans occulter le fait qu’ils sont ici pour étudier en vertu d’un permis d’études. Comment assurer un juste équilibre?
La situation a atteint un point critique quand nous avons imposé les mesures relatives à la COVID afin d’éliminer la semaine de travail de 20 heures pour les étudiants étrangers. Ils pouvaient travailler un nombre d’heures illimité s’ils travaillaient sur le campus, et 20 heures s’ils travaillaient à l’extérieur du campus.
Je pense que la mesure a suscité une réaction partagée. D’un côté, les gens étaient ravis que les étudiants puissent contribuer à l’économie. Dans une certaine mesure, si on procède adéquatement en respectant les codes et les normes régissant la relation employeur-employé, on peut éviter que les étudiants soient privés de salaire et soient payés à un taux inférieur au salaire minimum. Nous avons entendu dire que de nombreux étudiants travaillaient 20 heures par semaines tout en occupant un autre emploi au noir. C’est ainsi que les conditions de travail moins qu’idéales ont été portées à notre attention.
Nous réfléchissons à la semaine de travail de 20 heures et cherchons à voir comment nous pouvons préserver la capacité des étudiants de travailler des heures régulières dans des conditions que le Canada appuie. Ils doivent gagner le salaire minimum ou un salaire plus élevé, en tenant compte du fait qu’ils sont ici pour étudier, et nous ne voulons pas nécessairement que les mauvais acteurs fassent venir des gens ici au titre d’un permis d’études qui est, en réalité, un moyen d’obtenir un permis de travail. Il faut donc tenter de trouver un sain équilibre.
Nous avons des données sur le nombre d’étudiants qui travaillent, mais s’ils travaillent au noir, cela ne figurera évidemment pas dans nos chiffres.
Vous avez également parlé des organisations étudiantes et du soutien aux étudiants. Notre ministère finance un grand nombre d’organisations d’aide à l’établissement, et je pense que certaines sont situées sur les campus et d’autres sont, de fait, des collèges ou des établissements situés dans des zones rurales ou régionales. Je pense que le gouvernement fédéral offre certaines formes de soutien.
Comme nous voulons que les étudiants étrangers choisissent peut-être la voie de la résidence permanente au Canada, nous réfléchissons notamment aux genres de soutien dont la population étudiante et les étudiants étrangers ont besoin pour effectuer cette transition avec succès pour eux et pour le pays. Nous demandons également aux établissements s’ils imposent des frais très élevés aux étudiants étrangers, et dans les critères que nous examinons en vue d’établir un modèle dans le cadre duquel le programme étudiant est considéré différemment, nous cherchons à voir comment cet argent est rendu aux étudiants sous la forme de soutien à la santé mentale et d’aide à l’emploi. Ce serait un modèle intéressant à envisager, car les collèges et les universités se fient beaucoup aux frais de scolarité pour fonctionner au lieu de retourner l’argent aux étudiants. Nous discutons activement de la question.
[Français]
La sénatrice Mégie : J’ai posé une question au ministre. Il nous a dit que c’était davantage du ressort de son collègue le ministre Miller. Je pense qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada ou IRCC pourrait peut-être me répondre.
Nous savons que les travailleurs étrangers temporaires souhaitent obtenir le visa permanent, toujours dans le but de combler les déficits de la main-d’œuvre. Je me demande s’il ne serait pas avantageux — compte tenu de ce qu’on a lu dans La Presse aujourd’hui sur les nouveaux demandeurs d’asile et le nombre de travailleurs temporaires qui explose — ou s’il y aurait moyen de régulariser les milliers de sans-papiers, les milliers de demandeurs d’asile qui vivent à l’heure actuelle au Canada. D’après la ministre québécoise, ils sont bien répartis à travers le Canada; pour elle, c’est correct. Y a-t-il moyen de faire appel à eux aussi et de leur offrir un visa permanent?
Mme Fox : Merci pour la question. Effectivement, le ministère travaille de près avec plusieurs organisations pour cibler les options afin de régulariser la situation des gens, ici au Canada, qui sont dans des situations vulnérables parce qu’ils n’ont pas de statut actuel. Nous avons pris des mesures, d’abord dans les domaines de la construction et des services de soins personnels, comme les préposés aux bénéficiaires. Il faut regarder les systèmes en place pour régulariser le statut des personnes.
Ce n’est pas un défi qui est facile à relever. On estime que le nombre de ces personnes au Canada va de 200 000 à 500 000 personnes. Ces chiffres sont fondés sur l’information fournie par nos partenaires et sur les données que nous avons ici. Au gouvernement, on réfléchit aux meilleures options pour offrir un statut de résidence permanente.
En même temps, comment pouvons-nous créer des conditions pour que les gens se sentent à l’aise de lever la main et nous dire qu’ils sont sans statut? Comment pouvons-nous penser à l’intégration selon les seuils d’immigration? Nous présentons un plan d’immigration chaque année. Comment intégrer 200 000 à 500 000 personnes? Le ministère réfléchit à cela.
S’il y a un dossier qui m’inquiète particulièrement, c’est celui des demandeurs d’asile. Sur la scène internationale, il y a 110 millions de personnes déplacées partout dans le monde. Le Canada, à cause de sa géographie, ne reçoit pas le même volume que ses partenaires en Europe. Toutefois, nous avons vu des volumes exceptionnels au pays. Il y a eu presque 92 000 demandeurs d’asile l’an passé, et on s’attend à un nombre encore plus élevé cette année.
Nous devons nous pencher sur le système de détermination, sur la protection des personnes. J’ai rencontré à Toronto, samedi dernier, des demandeurs d’asile dans notre système de logement social. Ils m’ont dit qu’ils veulent contribuer; ils veulent des permis de travail, ils veulent utiliser leurs compétences afin d’aider le Canada. Il faut faire l’effort de collaborer avec le secteur privé et les personnes pour faire du matching et reconnaître les acquis des personnes qui viennent au Canada. Ce n’est pas un dossier facile à gérer, mais c’en est un qui nous tient à cœur, ici, au ministère.
La sénatrice Mégie : Merci beaucoup.
[Traduction]
La sénatrice Moodie : Je vous remercie, madame la sous-ministre, de témoigner aujourd’hui. Vous avez entrepris une somme importante de travail, faisant du rattrapage, corrigeant les problèmes et repensant le modèle. Cependant, de véritables problèmes émergent en temps réel dans le système dans lequel les organismes fonctionnent en parallèle et ne réussissent pas à communiquer efficacement. Vous avez mentionné le projet pilote pour les employeurs reconnus. Alors que nous étions dans l’Est du Canada, au Nouveau-Brunswick et à l’Île-du-Prince-Édouard, nous avons entendu parler de la confusion provoquée lors du lancement de ce programme. Nous avons entendu parler d’une mauvaise intégration avec les autres programmes qui se recoupent, qui a créé le chaos en raison des règles contradictoires. Cela soulève beaucoup de préoccupations et, à dire vrai, sème le doute quant à la capacité du gouvernement de gérer les programmes efficacement.
J’aimerais que vous me donniez votre avis et m’expliquiez comment vous pensez que votre organisme peut mieux communiquer pour que lorsque vous mettez en œuvre un programme aussi essentiel que celui-ci, vous parliez aux autres organismes et, quand les règles entrent directement en conflit, vous agissiez de manière proactive au lieu de réagir après-coup.
Mme Fox : Je vous remercie de la question. La plus haute priorité des ministères fédéraux qui s’occupent du dossier des travailleurs étrangers temporaires consiste à veiller à ce que les mêmes droits que nous appliquons aux citoyens canadiens soient appliqués aux travailleurs étrangers qui travaillent pour des employeurs et des entreprises de toutes les régions du pays. Nous essayons d’implanter un système qui permet de combler les besoins du pays en matière de main-d’œuvre économique et équilibré par les droits des employés dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires et le Programme de mobilité internationale.
Nous travaillons en étroite collaboration avec EDSC sur les plans de l’application de la loi, de l’évaluation de l’incidence de nos interventions sur les employeurs et des communications. Y a-t-il place à l’amélioration? Je dirais qu’il y en a toujours. On apprend des modèles que nous avons mis en place. Nous travaillons en très étroite collaboration afin de trouver un juste équilibre et de déterminer les attentes que nous avons envers les entreprises. Grâce à ces échanges, nous essayons de nous améliorer.
C’est le résultat des discussions entre EDSC et IRCC et des communications avec certains employeurs et employés qui font partie du Programme des travailleurs étrangers temporaires. Par exemple, en septembre de l’an dernier, nous avons décidé de tenter d’en faire davantage, car les gens ne comprennent pas nécessairement les droits qu’ils ont au Canada. Les travailleurs étrangers temporaires qui faisaient partie du système nous ont demandé d’en faire davantage sur le plan de la communication, et le fait est que grâce à ce travail conjoint, nous savons qu’il y a des lacunes. C’est un changement que nous avons apporté.
Les gens doivent signer un contrat de travail. Ici encore, les travailleurs étrangers temporaires ne connaissent pas nécessairement ces pratiques, à moins que nous ne les en informions et veillions à ce que les employeurs connaissent leurs responsabilités en matière d’accès aux soins de santé, si des problèmes surgissent en milieu de travail, et ainsi de suite. J’ai mentionné ce genre de changements supplémentaires que nous avons apportés en septembre, car c’est un résultat direct de ce que nous entendons sur le terrain.
Nous tentons également de mettre en place des systèmes permettant aux gens de porter plainte à titre anonyme. Ils peuvent porter plainte auprès d’organismes comme le nôtre pour essayer de changer leur permis de travail. Si une personne vient nous dire qu’elle a de mauvaises conditions de travail, nous avons la possibilité de lui donner un permis de travail ouvert. Nous avons la capacité d’accorder des permis de travail ouverts, pas en divulguant beaucoup d’information, mais en nous appuyant sur des motifs de compassion et de facilitation. Si les choses ne sont pas claires avec les employeurs que les travailleurs ont rencontrés dans le Canada atlantique, nous voulons en savoir davantage à ce sujet, car nous voulons essayer de combler ces lacunes.
J’ai eu de nombreux échanges avec le secteur privé dans le Canada atlantique sur le fait que les employeurs veulent avoir plus de travailleurs dans leur communauté pour survivre et faire fonctionner leurs usines. Nous avons donc instauré le projet pilote sur les travailleurs critiques du Nouveau-Brunswick. Non seulement nous avons demandé aux gouvernements de faciliter l’arrivée de travailleurs, mais nous avons obligé les employeurs à rendre des comptes, leur demandant s’ils peuvent fournir de la formation linguistique sur les lieux de travail, quel genre de soutien ils offrent aux gens et quelles sortes de logements ils ont sur place. C’est un exemple de réaction, mais il pourrait y en avoir d’autres.
La sénatrice Moodie : Pour éclaircir les choses, un grand nombre d’organisations auxquelles nous avons parlé étaient des entreprises familiales. Ce sont de petites exploitations, qui ne disposent pas de beaucoup de ressources au chapitre des ressources humaines. Les processus compliqués sont difficiles. Vous avez entendu plus tôt qu’il fallait que le processus soit plus simple, plus transparent et — ajouterais-je — harmonisé avec d’autres programmes.
Mme Fox : D’accord.
La sénatrice Dasko : Je remercie les témoins de comparaître aujourd’hui.
J’ai une question que je voulais poser au ministre, mais je n’ai pas eu assez de temps lors de mon intervention pendant la dernière heure.
Ce programme semble faire partie intégrante de l’économie et de l’écosystème du pays quand il s’agit de fournir des employés au marché du travail, comme nous l’avons appris au cours des derniers mois.
Ce programme repose sur les contrats qui lient l’employé à l’employeur. Des activistes sont venus nous dire que nous devons nous débarrasser de cette modalité, car c’est la source de l’exploitation. Nous avons également entendu des gens, comme des représentants syndicaux, nous dire que nous n’avons pas vraiment besoin de ces contrats, car si les employés étaient mieux rémunérés, le problème n’existerait tout simplement pas.
Y a-t-il un moyen de gérer ce programme sans ce genre de contrat qui lie les parties? Est-il possible de le faire ou ces contrats sont-ils un élément absolument essentiel de ce programme?
Mme Fox : C’est une excellente question. Nous avons réfléchi à ce sujet. Même si on parle à des entreprises dans ce domaine, il est évident que les permis de travail fermés les intéressent, car elles ont recruté de la main-d’œuvre et les travailleurs arrivent. Les bons acteurs — des entreprises parfois petites, parfois grandes — disent parfois que si nous ouvrons les permis, ils investiraient toutes leurs ressources pour faire venir des travailleurs qui pourraient ensuite aller travailler ailleurs, et l’expérience ne serait pas très bonne. C’est en quelque sorte le point de vue des entreprises.
Pour notre part, nous considérons qu’un permis de travail fermé permet de savoir exactement qui est l’employeur et de l’assujettir à notre régime. Si quelqu’un vient ici et est lié à un employeur au titre d’un permis de travail fondé sur l’employeur, nous pouvons faire des inspections, surveiller la situation et agir en interaction avec l’entreprise. Il serait beaucoup plus difficile de faire appliquer la loi dans le cas de permis de travail ouverts, car il serait difficile de suivre l’employé au fil de ses divers emplois.
Cela étant dit, il existe des programmes de nature temporaire qui fonctionnent avec des permis de travail ouverts, comme le Programme de mobilité internationale. Il y a des options où, si une personne travaille dans de mauvaises conditions, elle peut obtenir un permis de travail ouvert. Nous avons accordé plus de 1 000 permis ouverts l’année dernière en pareille situation, quand les gens viennent à nous. Il s’agit d’un équilibre délicat, et nous nous imposons continuellement de réfléchir à de meilleures façons de gérer le programme. Cependant, le permis de travail fermé nous permet d’appliquer la loi comme nous ne pouvons pas le faire avec un permis de travail ouvert.
Je ne sais pas, monsieur MacPhee, si vous voulez ajouter quelque chose du point de vue d’EDSC.
M. MacPhee : Non. Mme Fox a très bien expliqué la situation. Au cours de l’heure précédente, le ministre a indiqué que nous voulons connaître les conclusions du comité, reconnaissant que la question constitue un point de tension et la source d’un grand nombre des problèmes signalés. Nous entendons faire tout en notre pouvoir pour améliorer le programme afin qu’il soit bénéfique pour les travailleurs et les employeurs.
Mme Fox : Nous avons élaboré une politique publique qui permet aux gens de changer d’employeur. Ils arrivent au pays au titre d’un permis de travail fermé, et ils peuvent changer d’employeur. Ce pourrait être parce que l’usine où ils travaillaient a fermé ses portes et ils voudraient rester au Canada; ils peuvent ainsi aller travailler ailleurs. Ce pourrait être en raison de la maltraitance ou d’un changement qu’ils veulent entreprendre. Il n’est pas impossible d’effectuer ce changement. Une politique publique leur facilite les choses. Mais nous sommes entièrement disposés à entendre des opinions et ce que vous avez entendu de la part des entreprises et des travailleurs à ce chapitre.
La sénatrice Dasko : Nous avons entendu dire que c’est la source de la dépendance et l’exploitation qui existent dans le système. C’est le nœud du problème de ce point de vue.
La présidente : Je vous remercie de votre question, sénatrice Dasko. Permettez-moi d’approfondir le sujet et de vous dire ce que nous avons entendu dans la région. Il n’y a rien comme se rendre dans toutes les régions du Canada et parler aux gens pour avoir une idée de ce qu’ils vivent.
La crainte de représailles est considérable. Les gens ont entendu parler de la possibilité de passer d’un permis de travail fermé à un permis de travail ouvert, mais les défenseurs des droits des travailleurs migrants nous affirment que c’est très difficile de passer de l’un à l’autre et que des gens qui se sont manifestés au grand jour en ont payé le prix.
Avez-vous eu des discussions sur les politiques au sujet de permis de travail ouverts limités à un secteur dans une région? En pareil cas, vous seriez capable d’assurer un équilibre entre les besoins des travailleurs et ceux des employeurs. Sachez que les employeurs nous disent qu’ils n’aiment pas le permis de travail fermé, car cela les empêche de transférer un employé d’une de leurs usines à une autre. Cette année, la saison du homard n’a pas été impressionnante et les employeurs n’ont pas été en mesure de fournir 30 heures de travail. Les travailleurs touchés auraient facilement pu faire de la cueillette de bleuets, mais leur permis de travail fermé ne le leur permettait pas. Voilà, en essence, ce que nous voudrions vous communiquer. Avez-vous envisagé un permis de travail limité à un secteur et une région?
Mme Fox : Je vous remercie d’avoir soulevé cette question, madame la présidente. Certes, nous avons étudié cette possibilité. C’est intéressant à entendre. Les deux choses que vous avez dites sur le permis de travail ouvert dans un secteur et une région nous seraient utiles, car il y a d’importantes pénuries de main-d’œuvre au pays, mais la capacité d’accueil est différente d’une région à l’autre. Si on examine les arrivées à Toronto et à St. John’s, au Nouveau-Brunswick, la capacité d’accueil est très différente. Le fait de procéder par secteur et par région nous conférerait de la souplesse, car ce n’est pas tout le monde qui va s’installer à Toronto, à Montréal, à Calgary, à Ottawa ou ailleurs.
Nous cherchons également à déterminer si, dans un cycle de 12 mois, on pouvait offrir des permis de travail ouverts dans plusieurs secteurs, par exemple, s’il s’agit d’un secteur saisonnier. Ce sont des solutions dont nous avons discuté et dont on nous a dit, dans le cadre de nos consultations, qu’elles pourraient être utiles. Il est plus facile d’acquérir la résidence permanente, car les gens sont au pays pour une période entière. Ici encore, certains pourraient ne pas vouloir rester ici aussi longtemps, mais pour ceux qui le souhaitent, cela faciliterait les choses et on pourrait travailler avec le secteur pour tenter de combler les pénuries de main-d’œuvre saisonnières.
La présidente : Comme l’a indiqué un de mes collègues, le modèle a été conçu pour une autre époque.
[Français]
La sénatrice Petitclerc : Je continue dans la même direction. Vous nous offrez des solutions. Vous dites si un travailleur, une personne est dans une situation d’abus, on peut faire quelque chose.
On le comprend très bien, mais si je vous ai bien compris, vous avez même dit qu’on peut aller jusqu’à aider, faciliter une résidence permanente ou aider ce cheminement. On le comprend. Ce que j’essaie de comprendre c’est que ce qu’on nous dit aussi, c’est qu’en raison de la nature de la relation employeur-employé liée au permis fermé, cela laisse les employés dans une situation de vulnérabilité et de dépendance. Dans toutes les situations où il y a une relation de dépendance de toute sorte, dans ce cas-ci sur le plan linguistique, économique ou culturel, les gens ne dénoncent pas. Les gens ne le disent pas quand il y a de l’abus.
J’ai posé cette question souvent, car même si on a de belles solutions à mettre en place, jusqu’à ce qu’on mette en place un espace où la personne se sent en sécurité pour mettre de l’avant ce qui s’est passé, cela ne donne rien ou on ne maximise pas les chances que cela se produise. Que faut-il faire?
Mme Fox : Je pense que c’est une question importante dans le contexte. Au sein du gouvernement fédéral, on veut mettre en place les mécanismes et les outils pour permettre à une personne d’accéder au soutien dont elle a besoin. Vous avez entièrement raison : si la personne ne se sent pas à l’aise de le faire, tous les mécanismes qu’on mettra en place ne seront pas utiles. Il faut créer des conditions où les gens se sentent à l’aise. Ce n’est pas toujours facile dans le contexte des communications, des attentes des employeurs.
On doit considérer les permis de travail ouverts. On ne peut pas ne pas les considérer dans nos réflexions sur les politiques et les programmes à venir. Encore une fois, il y a aussi des avantages à avoir un permis de travail fermé. Plusieurs employeurs, partout au pays, gèrent et offrent des services d’appui, surtout dans les petites communautés; c’est une sorte de rassemblement communautaire offert aux employés. Ils font de l’intégration positive, mais ce n’est pas toujours le cas.
Dans le contexte où c’est le cas, cela peut vraiment permettre à une communauté de s’épanouir. Si on pense à l’immigration régionale au pays et qu’on veut essayer de bien répartir l’immigration, c’est quand même un élément important. On pourrait se retrouver dans un contexte par secteur, régional. Cela pourrait être une considération importante pour voir ce qu’on pourrait faire.
Je serais curieuse de savoir quelles sont vos conversations avec le secteur privé, surtout les petits acteurs, les petites entreprises qui n’ont pas nécessairement les ressources des plus grandes, qui feraient les démarches pour aller chercher des travailleurs temporaires, et qui pourraient effectivement les perdre très rapidement sans avoir le permis fermé. L’impact sur les petites entreprises, c’est quelque chose qui me préoccupe aussi.
[Traduction]
La présidente : Madame Fox, j’aimerais vous poser une question, mais je ferai d’abord une observation.
Je pense que le Canada dispose d’un très bon programme d’immigration. Il a ses problèmes, certes, mais s’il est bon, c’est notamment parce qu’il est géré de main de maître. Nous choisissons très attentivement toutes les personnes qui entrent au pays. C’est un programme finement modulé, notamment parce que nous planifions à l’avenant. Pourquoi n’avons-nous pas de plan annuel pour les travailleurs étrangers temporaires? Nous n’avons pas de chiffres. Je ne demande pas une limite, mais de la transparence. Pourquoi n’avons-nous pas de tel plan?
Mme Fox : Madame la présidente, c’est une excellente question. Le ministre Fraser — notre ancien ministre — et moi avons, de janvier à mai de l’année dernière, procédé à une consultation pancanadienne sur l’immigration et ce dont le système d’immigration du Canada de l’avenir devrait avoir l’air. Il a été instructif de parler aux gens qui ont utilisé notre programme, qui ont des opinions sur la cohésion sociale et d’autres sujets.
Une partie de la consultation portait sur la conversation, en quelque sorte artificielle, sur le plan des niveaux d’immigration. Chaque année, nous déposons notre plan relatif aux résidents permanents. Mais quand on pense au nombre de personnes qui arrivent au Canada chaque année — et nous avons vu les données de Statistique Canada —, ce chiffe est bien plus élevé que celui des personnes qui deviennent résidentes permanentes. La pression est donc moins sur le programme de résidence permanente et plus sur le programme de résidence temporaire.
Dans une période où nous prévoyons une énorme croissance dans le cadre du programme de résidence permanente, mais aussi dans celui de notre programme de résidence temporaire, nous en arrivons à un point auquel nous devons discuter avec les Canadiens de la capacité d’accueil du Canada. Je trouve que le nombre de résidents temporaires est quelque peu imprévisible. Nous avons observé une croissance considérable dans le cadre du programme destiné aux étudiants, alors que le nombre de travailleurs qui arrivent augmente régulièrement d’une année à l’autre. Bien sûr, il y a une importante croissance des personnes qui arrivent pour des motifs humanitaires et, maintenant, des demandeurs d’asile. Quand on met tous ces chiffres ensemble, il y a une croissance indéniable.
Voulons-nous parler de plafonds ou de la meilleure façon de procéder pour harmoniser nos systèmes et faire en sorte que les personnes qui veulent venir ici sont intégrées et accueillies comme il se doit?
C’est pourquoi le programme pour les étudiants doit reposer sur un modèle qui établira des critères de participation dans le but d’obtenir de meilleurs résultats. C’est pourquoi le modèle de l’employeur a le même objectif. Nous devons avoir une discussion sur le logement, l’infrastructure et la santé pour les personnes qui viennent au Canada. Comment utilisons-nous nos systèmes?
Nous avons le nouveau système Entrée express dont nous pouvons nous inspirer et que nous pouvons utiliser pour accorder des points aux travailleurs de la construction, aux travailleurs de la santé, aux enseignants francophones et à l’immigration francophone. Nous avons ces outils. Qu’est-ce que cela signifie pour ce qui est de la reconnaissance des titres de compétences étrangers? Qu’est-ce que cela signifie pour l’emploi?
Nous devons avoir une discussion, en tant que pays, dans le but d’adopter une approche globale relativement à notre plan des niveaux d’immigration, et cela ne se limite pas au ministère de l’Immigration. Cela doit s’accompagner d’une stratégie en matière de compétences et d’une stratégie en matière de logement. Nous devons communiquer cela en rassemblant ces éléments et de manière à ce que les gens voient que c’est ce que le gouvernement fait. En établissant les bonnes conditions, on peut avoir, espérons-le, un programme couronné de succès.
Je suis parfaitement d’accord avec vous lorsque vous dites que le nombre croissant de résidents permanents représente un point de pression. C’en est un pour le ministère, qui doit traiter les demandes, mais aussi un pour le pays, et nous devons envisager la question différemment.
La présidente : Madame la sous-ministre, chers collègues, merci. Ce fut une discussion hautement intéressante. Notre temps est écoulé. Je vous remercie d’avoir ajouté vos points de vue aux nôtres pour nous aider à mieux comprendre cette question complexe.
(La séance est levée.)