LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le jeudi 19 octobre 2023
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui, à 11 h 30 (HE), avec vidéoconférence, pour l’étude du projet de loi C-35, Loi relative à l’apprentissage et à la garde des jeunes enfants au Canada.
La sénatrice Ratna Omidvar (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Je voudrais commencer par souhaiter la bienvenue aux membres du comité, aux témoins et aux téléspectateurs qui suivent nos délibérations. Je m’appelle Ratna Omidvar, sénatrice de l’Ontario, et je suis la présidente de ce comité.
Avant de commencer, j’invite mes collègues à se présenter brièvement à l’auditoire et à nos témoins, en commençant par notre vice-présidente, la sénatrice Cordy.
La sénatrice Cordy : Merci beaucoup, madame la présidente, et bienvenue à vous tous qui êtes là pour nous aider à étudier notre rapport. Je m’appelle Jane Cordy, et je suis sénatrice de la Nouvelle-Écosse.
[Français]
La sénatrice Mégie : Sénatrice Marie-Françoise Mégie, du Québec.
Le sénateur Cormier : Sénateur René Cormier, du Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
La sénatrice Moodie : Rosemary Moodie, sénatrice de l’Ontario.
La sénatrice Burey : Sharon Burey, sénatrice de l’Ontario.
La sénatrice Osler : Gigi Osler, sénatrice du Manitoba.
La sénatrice McPhedran : Marilou McPhedran, sénatrice indépendante du Manitoba.
Le sénateur Cardozo : Andrew Cardozo, de l’Ontario.
La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.
La sénatrice Dasko : Donna Dasko, sénatrice de l’Ontario.
La présidente : Merci, chers collègues. Pour notre premier groupe de témoins d’aujourd’hui, nous accueillons en personne Morna Ballantyne, directrice générale, Un Enfant Une Place; et par vidéoconférence, Martha Friendly, directrice générale, Childcare Resource and Research Unit; et Taya Whitehead, présidente du conseil d’administration de la Fédération canadienne des services de garde à l’enfance. Je vous remercie de vous joindre à nous aujourd’hui alors que nous poursuivons notre étude du projet de loi C-35.
Je vais demander à chacun des témoins de faire un exposé d’une durée limitée, de cinq minutes très exactement. Nous aurons des questions à la suite de vos présentations, et je vous assure que nous ne verrons pas le temps passer.
Nous allons donc commencer par vous, madame Ballantyne, suivie de Mme Friendly et de Mme Whitehead. Vos cinq minutes commencent maintenant, madame.
Morna Ballantyne, directrice générale, Un Enfant Une Place : Merci beaucoup, madame la présidente et membres du comité. Je vais m’exprimer en anglais.
Je tiens d’abord à exprimer ma gratitude parce que je me retrouve à vivre, à travailler et à faire cette courte présentation sur le territoire non cédé de la nation algonquine anishinabe.
Je parle au nom de l’organisme national de défense des services de garde du Canada, connu sous le nom de Un Enfant Une Place. Notre groupe diversifié, établi il y a 40 ans, réunit des personnes et des organisations de partout au Canada pour promouvoir des services d’éducation et de garde à l’enfance de qualité élevée, abordables, équitables, universellement accessibles et inclusifs pour tous les enfants.
Dès le début, nous avons fait écho à l’appel lancé par la Commission royale d’enquête sur la situation de la femme au Canada en faveur d’un leadership fédéral et d’une législation fédérale visant à établir un système complet et inclusif d’apprentissage et de garde pour tous les enfants, de la naissance à l’âge de 12 ans.
Depuis des décennies, nous demandons à tous les ordres de gouvernement de reconnaître la valeur de l’éducation et de la garde des jeunes enfants et de la considérer comme un bien public.
Nous avons applaudi l’important investissement fédéral dans l’apprentissage et la garde des jeunes enfants prévu dans le budget de 2021 et nous l’avons célébré lorsqu’il a été approuvé par les deux Chambres du Parlement. Nous avons applaudi lorsque le gouvernement du Canada a conclu des ententes de financement pancanadiennes sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants avec les provinces et les territoires, affirmant la vision selon laquelle « toutes les familles au Canada ont accès à des services d’AGJE de grande qualité, abordables, flexibles et inclusifs, et ce, peu importe leur lieu de résidence ». Nous avons été encouragés de voir dans ces ententes l’appel lancé par la Commission de vérité et réconciliation du Canada pour « élaborer des programmes d’éducation de la petite enfance adaptés à la culture des familles autochtones ».
Le projet de loi C-35, Loi relative à l’apprentissage et à la garde des jeunes enfants au Canada, enchâsse les visions énoncées dans ces accords, et nous espérons que le projet de loi suivra le processus parlementaire et recevra la sanction royale le plus rapidement possible.
Nous avons indiqué dans notre mémoire écrit, que j’espère que vous avez eu l’occasion d’examiner — nous l’avons fourni en anglais et en français —, que le projet de loi avait été considérablement amélioré par le Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées de la Chambre des communes. Nous aimerions cependant qu’un autre amendement précise pour les gouvernements futurs que le système, les programmes et les services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants dont il est question dans le projet de loi et qui sont financés par les cadres de travail qui y sont énoncés sont officiellement réglementés et agréés, contrairement à non réglementés et informels.
Les ententes de financement de l’apprentissage et de la garde des jeunes enfants entre le gouvernement du Canada et les provinces et les territoires, conformément aux cadres multilatéraux d’apprentissage et de garde des jeunes enfants, précisent chacune un soutien pour l’apprentissage et la garde des jeunes enfants réglementés. Il est logique que le projet de loi, qui vise à consacrer les principes de ces ententes pour les générations et les gouvernements à venir, précise que le financement public fédéral prévu par cette loi ne vise que les programmes réglementés et autorisés.
La deuxième recommandation que nous faisons dans notre mémoire porte sur la mise en œuvre du projet de loi C-35, qui à bien des égards, a commencé avec l’adoption du budget fédéral de 2021 et la signature des ententes de financement pancanadiennes l’année suivante. Nous pensons qu’il serait avantageux pour les deux Chambres d’examiner les progrès réalisés depuis, particulièrement en ce qui concerne la qualité, l’abordabilité, la disponibilité et l’inclusion, et de formuler des recommandations sur ce qui peut être fait de plus dans ces domaines interreliés. À cette fin, nous espérons que votre comité permanent envisagera d’entreprendre une étude, d’inviter des témoins, de demander des données et des recherches et de formuler des recommandations fondées sur des données probantes sur la façon dont le système pancanadien d’apprentissage et de garde des jeunes enfants peut évoluer le mieux possible au fil des ans.
Comme les témoignages que vous avez déjà entendus hier le confirment, il y a énormément de questions et de préoccupations au sujet de l’utilisation des fonds fédéraux pour l’apprentissage et la garde des jeunes enfants. Nous sommes nombreux à être extrêmement préoccupés par le fait que les fonds publics puissent être utilisés à des fins lucratives. Nous sommes préoccupés par l’accès équitable aux programmes financés par les deniers publics. Nous incluons l’accès pour les minorités linguistiques et les populations vulnérables.
Nous sommes préoccupés par la pénurie actuelle de la main‑d’œuvre, qui constitue un obstacle majeur au maintien et à l’augmentation de l’offre actuelle de programmes de qualité. Nous sommes préoccupés par le manque de services de garde de qualité pour les enfants d’âge scolaire. Il est peu probable que le projet de loi C-35, dans sa forme actuelle, puisse répondre à toutes ces questions et préoccupations, et c’est pourquoi nous pensons qu’une autre tribune est nécessaire pour y répondre et qu’il serait utile de la fournir.
Pour conclure brièvement, le projet de loi C-35 est fortement appuyé par les défenseurs des services de garde d’enfants partout au Canada. Nous croyons qu’il est important de définir l’apprentissage et la garde des jeunes enfants, et nous vous avons proposé un libellé que vous pourrez examiner. Cela dit, compte tenu de votre expérience et de votre connaissance des lois, nous sommes persuadés que vous pouvez améliorer ce que nous avons proposé.
Nous savons à quel point le Sénat du Canada s’intéresse à l’éducation de la petite enfance et à la garde des enfants. Quand je regarde autour de moi, je vois peut-être plus d’experts que de témoins.
Nous pensons qu’une étude par votre comité permanent des possibilités et des défis que nous vivons dans l’édification du système pancanadien contribuerait énormément à son avenir. Merci.
La présidente : Merci, madame Ballantyne.
Martha Friendly, directrice générale, Childcare Resource and Research Unit : Bonjour, honorables membres du comité sénatorial, amis et collègues. Je suis directrice générale d’un petit institut de recherche en politiques sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants. Depuis sa création, notre mandat consiste à travailler à la mise en place d’un système équitable, public et inclusif d’apprentissage et de garde des jeunes enfants à l’échelle du Canada.
La Childcare Resource and Research Unit, aussi connue sous le nom de CRRU, et moi-même jouons un rôle actif dans le milieu de la garde d’enfants en nous consacrant à la recherche sur les politiques en la matière. Nous concevons et réalisons nos propres recherches, et nous collaborons également avec des partenaires, d’autres chercheurs, des organismes de garde d’enfants, des groupes féministes et de justice sociale et des groupes de réflexion. J’ai été conseillère auprès de nombreux gouvernements au cours des 40 dernières années, notamment pour la ville de Toronto, la province de l’Ontario, d’autres gouvernements provinciaux et quelques gouvernements fédéraux.
Mes observations porteront de façon assez étroite sur l’examen du projet de loi dans sa forme actuelle par le comité. Vous avez mon mémoire en français et en anglais pour plus de détails.
Je suis tout à fait d’accord avec Morna Ballantyne. J’ai aussi regardé l’audience d’hier et je suis d’accord avec bon nombre des commentaires du groupe au sujet des données, de la main‑d’œuvre en garderie et de la question des garderies à but lucratif. Je me suis penchée sur tous ces sujets et j’ai envoyé à la sénatrice Omidvar des rapports du CRRU qui pourraient être utiles.
Aujourd’hui, j’aimerais faire valoir trois points. Tout d’abord, comme l’un des organismes défenseurs des 50 dernières années dont a parlé la ministre Freeland lorsqu’elle a annoncé le plan pancanadien d’apprentissage et de garde des jeunes enfants, j’appuie fermement l’adoption rapide du projet de loi C-35 comme élément important de ce plan global.
Deuxièmement, le projet de loi C-35 est essentiel pour appuyer la transformation et la mise en place d’un système pancanadien d’apprentissage et de garde des jeunes enfants. Il doit donc être suffisamment solide pour appuyer, renforcer et protéger le nouveau système.
J’ai été très heureuse de voir les modifications apportées par le Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées, le comité HUMA, à la suite des recommandations du milieu de la garde d’enfants. Ces mesures ont vraiment renforcé la loi. Je tiens à mentionner certains des éléments constructifs qui, à mon avis, sont très importants.
Premièrement, le préambule énonce les intentions, les buts, les rôles, les principes et les engagements envers les peuples autochtones, le tout ayant été renforcé par des amendements. Il décrit une approche fondée sur les droits, énumérant les divers accords internationaux pertinents dont le Canada est signataire. La liste est presque complète. Je pense que c’est important.
Deuxièmement, il y a l’article sur la déclaration, qui a également été renforcé par l’ajout d’un libellé énonçant le droit des peuples autochtones au consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause sur les questions relatives aux enfants.
Troisièmement, le projet de loi comprend des principes directeurs en matière de financement. En vertu de l’alinéa — et je pense que c’est important —, l’alinéa 7(1)a) précise maintenant que les fonds devront avoir pour but « d’appuyer la prestation de programmes et services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants de haute qualité et de faciliter un accès équitable à ceux-ci ». Cet article établit un lien avec les services de garde publics et sans but lucratif.
La recherche à ce sujet est assez impressionnante, montrant qu’il existe un lien étroit entre le soutien et la qualité. L’article fait également le lien avec le fait de refléter les pratiques exemplaires fondées sur des données probantes dans la prestation de services de grande qualité. C’était un bon amendement.
L’article sur les principes de financement a également été modifié pour préciser l’inclusion des groupes systématiquement marginalisés, le respect et la valorisation de la diversité de tous les enfants et de toutes les familles et de leurs différents besoins. Celui sur les principes de financement de la main-d’œuvre en garderie a été considérablement renforcé, je crois, en ajoutant un libellé précis sur le recrutement, le maintien en poste, et les conditions de travail et leur importance.
Enfin, l’article sur les rapports annuels a été renforcé par l’ajout de paragraphes précisant ce que doit contenir le rapport et que celui-ci doit être déposé au Parlement. Ce sont là des éléments clés de la transparence et de la reddition de comptes. Je tiens à dire qu’il s’agit de changements importants qui devraient demeurer dans le projet de loi final.
Mon dernier point concerne la lacune qui subsiste dans le projet de loi, à savoir qu’il ne comprend pas de définition de l’apprentissage et de la garde des jeunes enfants, l’AGJE. Je recommande vraiment d’en ajouter une aux articles décrivant les définitions. Je sais que vous en avez déjà entendu parler, mais j’aimerais adopter un point de vue légèrement différent.
Comme vous le verrez dans mon mémoire, j’ai expliqué comment une classification type de l’éducation élaborée par l’UNESCO pour comparer les systèmes d’éducation d’un pays à l’autre peut constituer une bonne base pour une définition de l’apprentissage et de la garde des jeunes enfants.
Dans le mémoire, je décris de façon assez détaillée les critères qui définissent des choses comme les propriétés éducatives, les qualifications du personnel, le groupe d’âge et le fait que cela ne fait pas partie de l’éducation obligatoire. Le plus important, c’est que la définition précise qu’il doit y avoir un cadre réglementaire, une autorisation ou un règlement.
J’ai décrit ce que pourrait être une définition complète dans le cadre de ce système de classification de l’UNESCO. L’apprentissage et la garde des jeunes enfants peuvent comprendre des milieux autorisés ou réglementés, des centres et à domicile; que le cadre de réglementation est établi par les autorités provinciales ou territoriales ou par des gouvernements ou des groupes autochtones; qu’il pourrait préciser les qualifications des éducateurs; un cadre pédagogique pour l’apprentissage, la santé et la sécurité, l’environnement physique; et que, aux fins de la présente loi, l’apprentissage et la garde des jeunes enfants n’incluent pas la maternelle et la prématernelle fournies par les administrations scolaires.
Dans cette optique, je félicite le processus d’élaboration de ce projet de loi, que nous attendons depuis 50 ans, depuis que la Commission royale d’enquête sur la situation de la femme a recommandé l’adoption d’une loi nationale sur les garderies en 1970.
Je serai heureuse de répondre à vos questions. Merci beaucoup.
La présidente : Merci, madame Friendly. Vous êtes prête, madame Whitehead?
Taya Whitehead, présidente du conseil d’administration, Fédération canadienne des services de garde à l’enfance : Bonjour, honorables membres du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Je vous appelle aujourd’hui à partir des territoires traditionnels des peuples sinixt, syilx, ktunaxa et secwepemc, dans la région rurale de la Colombie-Britannique connue sous le nom de West Kootenays.
Je m’adresse à vous aujourd’hui comme présidente du conseil d’administration de la Fédération canadienne des services de garde à l’enfance, ou FCCE, un organisme qui représente les membres et les affiliés des services de garde d’enfants de partout au pays. Il s’agit du plus important organisme de bienfaisance sans but lucratif au Canada qui appuie la garde d’enfants, la recherche et les politiques.
Je sais que le temps dont je dispose est limité, et la fédération a présenté un mémoire écrit détaillé sur les recommandations à votre comité dans le cadre de son étude du projet de loi C-35, Loi relative à l’apprentissage et à la garde des jeunes enfants au Canada. Je vais donc aborder quelques sujets clés.
Premièrement, je tiens à souligner que la Fédération canadienne des services de garde à l’enfance appuie sans réserve le projet de loi C-35 et qu’elle est un partenaire engagé dans la mise en œuvre du système pancanadien d’apprentissage et de garde des jeunes enfants. Nous recommandons que le comité conserve tous les amendements et tous les changements apportés jusqu’à maintenant dans la version définitive du projet de loi.
La Fédération canadienne des services de garde à l’enfance se réjouit de l’engagement du gouvernement fédéral à l’égard d’un financement soutenu et continu pour veiller à ce que les services de garde soient abordables, accessibles, inclusifs et de grande qualité partout au Canada. Nous recommandons en outre que le financement prévu dans le projet de loi C-35 soit explicitement décrit comme étant annualisé et lié à un système de garde d’enfants agréé et réglementé qui comprend des services de garde en garderie et en milieu familial.
Nous encourageons la mise en place de mécanismes permettant de s’assurer que le financement des services de garde d’enfants demeure prévisible, durable et suffisant dans chaque province et territoire en fonction des besoins et des objectifs des collectivités visés par les ententes.
Enfin, le financement accordé aux exploitants doit refléter le coût réel de la prestation de services de garde d’enfants de grande qualité, accessibles et inclusifs et inclure des augmentations inflationnistes durables dans la formule de financement.
En ma qualité d’éducatrice de la petite enfance et d’administratrice postsecondaire, je ne saurais assez insister sur l’importance de la main-d’œuvre. La Fédération canadienne des services de garde à l’enfance voit l’occasion de renforcer le libellé de la loi afin de souligner le rôle de chef de file du gouvernement fédéral dans le renforcement de la main-d’œuvre dans le domaine de l’éducation de la petite enfance, des professionnels qui créent des environnements d’apprentissage inspirants pour les enfants dans le cadre du programme d’apprentissage.
Cela pourrait comprendre des principes de collaboration et des investissements soutenus dans une stratégie nationale qui comprend le recrutement, l’éducation, le maintien en poste et le recyclage des éducateurs. Une transformation culturelle doit s’ensuivre pour veiller à ce que les Canadiens adhèrent à la valeur des soins réglementés et de qualité et des éducateurs qui fournissent les soins aux enfants.
Enfin, il est important de définir clairement les paramètres du terme « garde d’enfants » dans le projet de loi C-35. Le terme « garde d’enfants » peut englober tous les soins d’un enfant, peut-être par ses parents ou sa famille immédiate, dans des services de garde officiels, et non sous la surveillance du public, comme les services de garde d’enfants non réglementés et non autorisés au domicile de l’aidant naturel ou de l’enfant lui-même. Mais pour ce qui est du système pancanadien d’apprentissage et de garde des jeunes enfants et, en particulier, du projet de loi C-35, nous recommanderions une définition qui serait un système public, réglementé et autorisé d’apprentissage et de garde des jeunes enfants au Canada.
Conformément aux commentaires de Martha Friendly, nous exhortons le comité à envisager d’explorer la classification internationale type de l’éducation, la CITE, de l’UNESCO. Nous convenons que ce serait une bonne base pour une définition de l’AGJE. Le niveau zéro de la CITE est l’éducation de la petite enfance et comprend des programmes pour les enfants de 0 à 2 ans et de 3 ans jusqu’à l’école primaire. Cela comprend les services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants dans les centres et à domicile, pourvu qu’ils répondent aux critères, mais pas les services de garde non réglementés, non agréés ou parentaux.
En se fondant sur cette norme internationale, adaptée pour refléter le Canada, la Fédération canadienne des services de garde à l’enfance recommande une définition claire de l’apprentissage et de la garde des jeunes enfants. Une définition bien formulée pourrait jouer un rôle important dans le soutien et la protection des programmes d’apprentissage et de garde des jeunes enfants à l’avenir.
Je vous remercie de me donner l’occasion de présenter mon point de vue sur le projet de loi C-35. La Fédération canadienne des services de garde à l’enfance appuie sans réserve cette mesure législative essentielle, qui garantit que l’objectif, la vision et les principes fédéraux du système pancanadien d’apprentissage et de garde des jeunes enfants seront maintenus et protégés à l’avenir.
Nous nous réjouissons à l’idée de continuer à travailler avec tous nos partenaires gouvernementaux pour mener à bien ce système transformateur pour les enfants et les familles. Merci.
La présidente : Merci à nos témoins.
Nous allons passer aux questions des sénateurs. Madame Friendly et madame Whitehead, si vous me le permettez, j’aimerais vous poser à toutes les deux, ou à toutes les trois, une question au sujet de votre recommandation voulant qu’il y ait une définition de l’apprentissage et de la garde des jeunes enfants.
Le Canada a déjà signé des ententes avec les provinces. L’insertion d’un amendement à la définition de l’apprentissage et de la garde des jeunes enfants — quelle serait l’incidence d’une telle définition dans la loi sur les ententes qui ont déjà été signées?
Oui, madame Ballantyne...
Mme Ballantyne : Merci beaucoup de la question.
La définition que nous proposons, qui est simple, c’est qu’il s’agit de services réglementés ou autorisés dans les ententes, de sorte que cela n’aurait aucune incidence sur ce qui se trouve dans les ententes.
La raison pour laquelle nous pensons qu’il est important que la loi reflète ce libellé, c’est que nous avons entendu, et hier j’ai écouté le témoignage de la ministre Sudds, qu’il s’agit en grande partie de légiférer dans le souci de protéger les générations futures, ce qui signifie aussi, je présume, que cette loi orientera les gouvernements futurs.
Nous préférerions simplement qu’il n’y ait pas d’ambiguïté, que la loi fournisse un cadre permettant le financement fédéral pour l’apprentissage et la garde des jeunes enfants, et que cela soit dirigé vers les permis et la réglementation.
La raison pour laquelle nous sommes particulièrement préoccupés, et nous l’avons indiqué dans notre mémoire écrit, c’est que dans le témoignage, dans la discussion au comité HUMA, on a laissé entendre que les services de garde d’enfants peuvent être définis de diverses façons et inclure les services de garde non réglementés et non officiels. S’il y avait une telle ambiguïté dans le témoignage au comité HUMA, nous craignons qu’elle subsiste et nous pensons qu’il est préférable que les lois soient très claires sur ce point.
La présidente : C’est une sorte de double assurance que vous voulez offrir.
Mme Ballantyne : C’est cela.
La présidente : Madame Friendly, voulez-vous ajouter quelque chose, vous et Mme Whitehead?
Mme Friendly : J’aimerais appuyer cela. Nous avons recommandé une définition au comité HUMA, mais je pense qu’on n’y avait pas réfléchi autant que maintenant, et nous n’avions pas eu l’expérience du comité HUMA.
D’abord, je pense que ce que nous recommandons, c’est une définition tout à fait standard. L’exigence que l’AGJE soit autorisée ou réglementée se trouve dans le cadre multilatéral et aussi dans les accords, mais l’un des aspects des accords, c’est qu’il s’agit d’accords quinquennaux, à notre connaissance, et que d’autres plans d’action en feront partie.
Lors d’une séance d’information technique, on nous a dit qu’il y aurait de nouvelles ententes après la première période 2025-2026. Nous pensons que c’est un programme pour la postérité. Je vois cela comme un tout. Je considère que le projet de loi est un projet de loi de haut niveau qui ne met pas tous les points sur les i. Le libellé pourrait être plus clair et plus ferme que ce qu’il est maintenant, et les plans d’action sont censés façonner la mise en œuvre.
Nous en sommes aux toutes premières étapes. Nous venons tout juste de nous engager dans cette voie. Nous n’en sommes qu’à un an et demi. Ayant travaillé sur ce dossier pendant tant d’années, je pense que nous pensons vraiment à long terme après qu’aucun d’entre nous n’y a encore travaillé. Nous voulons que ce soit maintenu, et le projet de loi est l’endroit le plus susceptible de l’être, alors je pense que c’est très important.
La présidente : Madame Whitehead, voulez-vous intervenir? Il me reste 31 secondes.
Mme Whitehead : Je n’ai rien à ajouter à ce que Mme Ballantyne et Mme Friendly ont dit.
La présidente : Merci. Cela nous laisse plus de temps.
La sénatrice Cordy : Merci beaucoup à vous trois. J’ai déjà entendu certaines d’entre vous au Comité des affaires sociales parler de ce qui vous passionne vraiment. Vous connaissez très bien toute la question et vous êtes de ferventes défenseures de l’apprentissage et de la garde des jeunes enfants. Merci beaucoup pour tout le travail que vous faites.
Vous avez toutes parlé de la main-d’œuvre, du besoin de recrutement, de maintien en poste, de conditions de travail. Nous savons que les travailleurs en garderie sont inestimables. Ils font un travail incroyable, ils ont besoin de patience, ils ont besoin de gentillesse et de tout ce qu’il faut pour enseigner les jeunes enfants. Mais la réalité, c’est que les salaires sont très modestes et qu’ils ne sont pas aussi appréciés qu’ils devraient l’être au Canada et, je dirais, dans de nombreux autres pays.
Nous avons entendu parler de tout cela hier, mais nous avons aussi entendu dire qu’il y a une pénurie de travailleurs en garderie et que, dès que cette mesure sera mise en œuvre, rien qu’en Ontario, il faudra des milliers de travailleurs de plus. Comment s’y prend-on pour recruter des milliers de travailleurs qualifiés en garderie? Ils sont essentiels pour que cela fonctionne.
Mme Friendly : Par où voulez-vous commencer?
La sénatrice Cordy : C’est un peu ce à quoi je pensais hier soir, alors vous pourriez peut-être me donner des précisions.
Mme Friendly : En bref, il y a deux raisons pour lesquelles les salaires sont bas, l’une d’elles étant que c’est un ghetto d’emplois pour les femmes. Nous savons que les professions de soins sont moins bien rémunérées parce qu’elles sont exercées par des femmes.
Mais l’autre raison qui est vraiment importante, c’est que les services de garde d’enfants n’ont pas encore été financés par l’État au Canada. Tout l’argent qui allait au personnel, aux éducateurs de la petite enfance, venait principalement des parents, pas entièrement, mais surtout, suivant la province.
La situation a maintenant changé. La vraie question est de savoir s’il y a suffisamment d’argent pour payer la partie qui manque une fois qu’on aura réduit les frais des parents. Pour assurer la prestation de services, nous avons besoin d’éducateurs de la petite enfance.
Les services de garde d’enfants sont efficaces lorsqu’ils sont financés par l’État. Si vous regardez n’importe quel pays, dans n’importe lequel de nos travaux internationaux, la réalité est que nous avons été l’un des pays où le financement public des services de garde d’enfants était le moins élevé. Nous avons commencé à le faire, mais nous venons tout juste de commencer à bâtir ce système.
Nous ne bâtirons pas le système si nous ne nous attaquons pas vraiment à la question de savoir comment nous pourrons compter sur ces éducateurs pour fournir les services que nous envisageons. Si nous ne les avons pas, nous n’aurons pas les services et tout cela ne fonctionnera pas.
Je pense qu’il faut l’envisager sous cet angle. L’élément suivant doit être l’expansion du système. Pour ce faire, nous devons accroître le nombre d’éducateurs de la petite enfance qui sont prêts à travailler pour de meilleurs salaires. Malgré les nombreux problèmes que l’on a signalés au chapitre de la main‑d’œuvre, le plus grave, c’est qu’il n’y a pas assez d’argent. Il y a des raisons historiques à cela et il nous faut aller au-delà. Il y a beaucoup d’autres choses à dire.
La sénatrice Cordy : Allez-y.
Mme Ballantyne : Très rapidement, je pense que nous savons exactement ce qu’il faut faire parce que cela a été étudié de façon exhaustive, y compris par l’OCDE.
Si nous voulons fidéliser plus de personnes qui travaillent dans le domaine de l’apprentissage et de la garde des jeunes enfants ou recruter toutes celles qu’il faudra pour l’expansion des services, il s’agit d’augmenter les salaires. Il faut notamment offrir de bons avantages sociaux et des soins de santé complémentaires qui soient comparables à ceux d’autres services financés à même les fonds publics. Autrement, nous continuerons de perdre du personnel au profit du système d’éducation primaire financé et géré par le gouvernement.
Nous devons offrir de bonnes pensions, pas seulement des prestations de retraite, mais de vraies pensions, comparables à celles d’autres services financés, et, détail extrêmement important, nous devons nous occuper des conditions de travail.
Pour tout cela, il faudra de l’argent, mais il faudra aussi réfléchir à long terme au genre de système public subventionné que nous voulons dans ce pays, et au genre de main-d’œuvre qu’il faudra pour le faire fonctionner, se répandre et répondre aux besoins changeants des familles. Cela prend de l’argent.
La présidente : Merci, madame Ballantyne. Vous aurez sans doute l’occasion d’y revenir.
La sénatrice Seidman : Merci beaucoup aux témoins de nous avoir renseignés. C’est vraiment important dans le cadre de notre examen du projet de loi. Je pense que nous sommes tous d’accord sur l’importance de compter sur une base de données probantes à l’heure d’élaborer ce genre de système, d’autant plus lorsque nous l’examinons. Je sais, madame Ballantyne, que vous nous invitez dans votre mémoire à prendre le temps d’examiner les progrès réalisés depuis 2021 en ce qui a trait à la construction du système.
Ma question est la suivante : en parcourant les accords conclus avec toutes les provinces, je constate que celles-ci s’engagent invariablement à échanger les données financières et administratives. Or, nous savons ce qui se passe au Canada quand le gouvernement fédéral cherche à recueillir des données comparables auprès des provinces. Nous avons vu à quel point cela peut être ardu dans le système des soins de santé. J’aimerais savoir si vous pensez qu’il y a suffisamment de dispositions pour recueillir le genre de données dont nous aurons besoin pour examiner le système, savoir à quoi nous attendre et à quel point nous obtenons ce qu’il nous faut pour atteindre nos objectifs.
Mme Ballantyne : Merci. Martha Friendly est l’experte en recherche et en données parmi nous. Cependant, tout comme Gordon Cleveland, je siège au conseil consultatif et au groupe de travail dont il a parlé. Je ne peux donc absolument pas me prononcer au nom du conseil consultatif.
Je ne pense pas que nous ayons en place les mécanismes, ou la volonté politique de faire preuve de transparence à l’heure de recueillir et d’analyser les données ou de diffuser les résultats des recherches. Les militants comme nous ont de la difficulté à suivre l’évolution des choses, à rester dans le concret et le réel. Nous sommes condamnés à articuler des platitudes générales, ce que personne ne veut faire.
Il y a du travail à faire. Je pense que nous pouvons considérer le système de soins de santé comme un exemple où le gouvernement fédéral est intervenu de façon importante pour ce qui est de la coordination, de la collecte et de l’analyse des données. Cela a permis d’élaborer des politiques fondées sur des données probantes à tous les niveaux, et je pense que c’est ce dont nous avons besoin pour l’apprentissage et la garde des jeunes enfants.
La sénatrice Seidman : J’aimerais entendre Mme Friendly, mais dans le mémoire que Un Enfant Une Place a présenté au comité HUMA, vous avez recommandé un changement à l’article 14 du projet de loi concernant la collecte de données désagrégées, mais cela ne s’est pas fait. Pensez-vous qu’il y a quelque chose que nous pourrions faire dans ce projet de loi pour aider à soulager l’agonie d’essayer de recueillir le genre de données nécessaires?
Mme Ballantyne : Nous vous invitons à examiner les changements et les amendements que nous proposons, mais sachez que nous faisons preuve de prudence parce que nous voulons trouver le juste milieu entre l’adoption de ce projet de loi et l’obtention de la sanction royale. En ce qui concerne les données et les indicateurs, nous pensons qu’il y a d’autres moyens qui pourraient être utilisés indépendamment de la loi pour obtenir des mesures plus efficaces dans ce contexte.
La sénatrice Seidman : Merci. À cet égard, la surveillance est une fonction de base. Je crois que c’est le professeur Cleveland qui a dit que la surveillance est une fonction fondamentale d’une société démocratique. Nous devons être en mesure de surveiller ce genre de choses. Madame Friendly, avez‑vous quelque chose à ajouter à ce sujet?
Mme Friendly : Je travaille sur les données sur les garderies depuis une bonne trentaine d’années. Le CRRU recueille et rend certaines formes de données aussi comparables que possible entre les provinces. C’est l’un des rapports que j’ai transmis à la sénatrice Omidvar hier soir. C’est la treizième version de cette collecte de données que nous avons faite. Nous l’avons rendue le plus comparable possible dans toutes les provinces et au fil des ans afin qu’elle vous soit utile. Mais ce n’est pas une stratégie statistique.
Le premier rapport que j’ai fait sur les données a été rédigé avec Gordon Cleveland en 2001. Nous avons besoin d’une stratégie statistique qui nous permette de recueillir officiellement certains types de données. Je pense que StatCan doit vraiment jouer un rôle à cet égard. J’ai fait partie du Comité consultatif sur les données sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants de StatCan pendant environ quatre ans, où nous nous sommes efforcés d’élaborer des instruments qui pourraient commencer à combler certaines lacunes.
J’aimerais citer Gordon Cleveland à ce sujet. Il a dit un jour que les données sur les garderies au Canada présentent beaucoup plus de lacunes que d’informations.
La présidente : Merci, madame Friendly. Nous devons poursuivre.
La sénatrice Osler : Je remercie les témoins de comparaître aujourd’hui. Ma question porte sur la qualité.
Les principes directeurs du projet de loi C-35, à l’alinéa 7(1)d), proposent que l’investissement fédéral soutienne des services de garde de haute qualité grâce à l’utilisation d’une main-d’œuvre qualifiée et bien soutenue en éducation de la petite enfance.
Madame Ballantyne, je vous ai entendu parler de la nécessité d’affecter les fonds aux programmes réglementés et agréés. Madame Whitehead, je crois que vous en avez parlé, vous aussi.
Ma question s’adresse à vous trois, en commençant peut-être par Mme Ballantyne, ensuite Mme Whitehead et Mme Friendly. Quels autres facteurs faudrait-il mettre en place pour assurer la prestation de services de grande qualité?
Mme Friendly : C’est une bonne question.
Mme Ballantyne : Je vais revenir à la question de la rémunération. C’est essentiel parce qu’une main-d’œuvre bien rémunérée est le gage d’une grande qualité. Il faut des éducateurs hautement qualifiés pour pouvoir offrir et soutenir des programmes de grande qualité, et il faut les rémunérer comme il faut, ce qui n’est pas le cas.
L’autre question est celle des conditions de travail. Je laisserai à la fédération le soin d’en dire davantage à ce sujet. Les travailleurs nous disent qu’on impose un fardeau trop lourd aux seuls éducateurs, sans soutien adéquat, dans des milieux de travail inappropriés et difficiles, pour protéger le bien-être et les besoins éducatifs des jeunes enfants. Le système est obligé de dépendre de nombreux employés dépourvus de qualifications et d’une éducation formelle, ce qui est tout à fait inacceptable. Ce n’est pas ce qu’on trouverait acceptable pour l’éducation primaire et ce ne l’est certainement pas pour l’éducation de la petite enfance.
Mme Whitehead : J’aimerais poursuivre sur cette lancée. L’éducation formelle et la formation de ces éducateurs sont essentielles au développement du système et à la définition globale de la qualité.
Lorsqu’on travaille avec une main-d’œuvre sous-financée, sous-payée et dont les conditions de travail sont loin d’être idéales, et que l’on ne fait qu’augmenter ce personnel souvent sous-qualifié ou sous-instruit, la qualité ne peut que se détériorer.
Comme éducatrice postsecondaire, ma passion réside dans l’élaboration de normes nationales susceptibles d’offrir aux éducateurs de partout au pays un cheminement scolaire officiel semblable à celui d’autres professions, un cheminement qui offrirait des possibilités de transfert, de mobilité entre les provinces et une amélioration de la qualité globale.
Lorsque notre main-d’œuvre est instruite et bien rémunérée, la qualité s’ensuit automatiquement.
Mme Friendly : J’abonde dans le même sens, mais je pense que c’est une question à plusieurs niveaux que nous n’avons pas examinée au Canada. Nous n’avons jamais eu de stratégie de recherche. Nous avons [Difficultés techniques] — ce qui est lié à la qualité.
Premièrement, si on a des règlements qui exigent que le personnel possède des qualifications, notamment qu’il ait une formation postsecondaire en éducation de la petite enfance, et si l’on veut que ces qualifications soient effectivement respectées, il s’agira d’appuyer ces éducateurs comme il faut. Ils ont besoin de perfectionnement professionnel. Ils ont besoin d’installations convenables pour offrir des services de garde, car cela a une incidence sur le déroulement de leur travail. Il faut de la bonne nourriture et un environnement extérieur. C’est une question à laquelle nous ne nous sommes jamais attaqués au Canada.
Il s’agit de commencer par le début, avec les exigences en matière de permis et le fondement de la qualité, c’est-à-dire disposer de la main-d’œuvre et la soutenir de toutes les façons dont nous avons discuté — c’est le point de départ. Nous devons ensuite aller au-delà pour étoffer les autres éléments à l’appui, comme un cadre pédagogique, que la plupart des provinces et des territoires ont fini par mettre en place au fil du temps.
Nous devrions dire : « Voici notre objectif. Voici ce que nous faisons maintenant, alors mettons-nous à bâtir. »
La présidente : Je dois être un peu sévère avec le chrono, chers collègues. Il ne nous reste que 20 minutes et tout un tas de questions. Nous passons maintenant à la sénatrice Moodie, qui parraine le projet de loi.
La sénatrice Moodie : J’ai une question au sujet de la capacité et de la qualité. Nous entendons beaucoup parler de la nécessité des deux.
Que diriez-vous aux personnes qui affirment que les services de garde privés sont la meilleure façon de régler les problèmes d’accès, surtout dans les régions rurales et éloignées?
Pouvez-vous nous en dire davantage sur les pratiques exemplaires que vous avez vues dans divers pays et que vous pensez que le gouvernement fédéral devrait adopter comme norme nationale?
Mme Friendly : Pourriez-vous préciser ce que vous entendez par là, sénatrice Moodie?
La sénatrice Moodie : Compte tenu des importantes restrictions en matière de capacité, on fait valoir que les soins fournis par le secteur privé constituent la meilleure façon de relever les défis liés à l’accès, surtout dans les régions rurales et éloignées. Que répondriez-vous à ce point de vue?
Mme Friendly : Je dirais que toutes les preuves montrent que ce n’est pas nécessaire et que ce n’est pas le cas. L’expression « fournis par le secteur privé » peut désigner une femme soignante dans sa propre maison, sans surveillance publique, ou un centre à but lucratif. Je dirais que ni l’un ni l’autre n’est la bonne solution. Nous avons de très bons exemples de garderies réglementées à but non lucratif dans les collectivités rurales et éloignées où il y a la volonté de mettre en place un programme et de le financer pour qu’il puisse fonctionner. C’est ce qui fonctionne le mieux. On le voit partout au Canada.
Les gens des collectivités rurales ont besoin d’une surveillance publique. Je ne pense pas que les garderies à but lucratif, si c’est ce que vous voulez dire, soient la bonne solution, et ce n’est pas la bonne solution nulle part.
Les obstacles sont liés à la faible densité de la population dans les collectivités rurales. Auparavant, ils ne pouvaient pas établir un budget pour offrir une garderie sans but lucratif ou publique lorsqu’elle n’était pas financée. À présent que c’est financé à même les deniers publics, il faudra un leadership public pour étendre les services de garde dans les collectivités où ils sont inexistants. Nous pourrons alors commencer à être plus équitables dans la façon dont ces services sont répartis.
Nous avons des exemples de petites garderies de bonne qualité dans les petites collectivités, mais seulement si le financement public est suffisant pour leur permettre de fonctionner.
C’est une question de leadership public, de gestion publique et de volonté politique pour s’assurer que l’offre de services de garde sera répartie équitablement — si cela répond à votre question.
Les gens, les enfants des collectivités rurales, ont aussi besoin de services de garde de bonne qualité avec d’autres enfants, en groupes, sans but lucratif, et ce, au même titre que les citadins.
La sénatrice Moodie : Merci.
Mme Ballantyne : Si le recours à la prestation de services privés pouvait assurer un accès équitable, nous aurions alors un système accessible et équitable. Or, ce n’est pas le cas. En fait, au Canada, depuis des décennies, nous comptons sur la prestation de services privés, à but lucratif ou sans but lucratif. Essentiellement, nous nous sommes fiés à des particuliers et à des organisations qui ont fait le nécessaire pour offrir des services de garde.
Si nous en faisions autant avec les soins de santé ou l’éducation publique, il y aurait un tollé massif parce que ce sont les collectivités les plus riches qui en profiteraient le plus. Les familles les plus riches en profiteraient le plus. C’est essentiellement ce que nous observons avec les garderies. Ce n’est donc pas la bonne solution. Nous avons essayé, et c’est un échec. Tous les pays qui ont essayé ont échoué. Le seul moyen est le système public...
[Français]
Le sénateur Cormier : Tout d’abord, je vous félicite et je remercie le leadership des femmes, de façon générale, dans ce secteur d’activités.
Hier, nous avons entendu que des services de garde et d’apprentissage à la petite enfance publics bénéficieraient davantage aux minorités, notamment les minorités linguistiques. Nous avons entendu que les services à but lucratif seraient moins volontaires pour desservir les minorités, car ce serait généralement moins profitable pour eux.
Ma question a deux volets. Avons-nous des données — je m’adresse à Mme Friendly, notamment — qui viendraient renforcer ce constat?
Par ailleurs, considérant le principe directeur dans le projet de loi, qui stipule bien qu’il faut appuyer la prestation, y compris auprès des collectivités rurales et éloignées, notamment les enfants handicapés et ceux issus des minorités linguistiques francophones et anglophones, etc., si le projet de loi ne prévoit pas que le financement doit bénéficier aux services publics qui desservent davantage les minorités, y a-t-il un danger que ce projet de loi ne réussisse pas à mettre en œuvre le principe directeur que je viens de mentionner? Ce projet de loi pourrait-il être plus clair quant au fait que les engagements financiers doivent bénéficier aux minorités linguistiques?
Merci. Mme Friendly ou quiconque peut répondre à la question.
[Traduction]
Mme Friendly : Votre question comporte de multiples volets. Je vais simplement parler de la question des minorités linguistiques.
Cela a été le cas pour d’autres types de services au Canada. Les minorités linguistiques ont un statut officiel que les groupes marginaux ou sous-représentés n’ont pas. Nous nous attaquerions à certains de ces problèmes non pas sur le plan législatif, mais plutôt par la mise en œuvre d’une approche beaucoup plus planifiée de la façon dont les services de garde d’enfants apparaissent et de leur nature.
Si je décide de réunir d’autres parents et de lancer un programme de garde d’enfants en anglais seulement, nous ne servirons pas la population francophone parce que c’est un effort individuel, même si c’est sans but lucratif. Ce phénomène touche l’ensemble du secteur des garderies. Cela passe par la mise en œuvre, et non par le biais du projet de loi. Nous avons insisté pour que le développement des services de garde devienne une initiative dirigée et gérée par le secteur public. Les collectivités devraient participer, mais elles ne devraient pas être responsables — comme l’a dit Morna Ballantyne, je crois — de se porter volontaires pour créer une garderie. Certains d’entre nous l’ont fait à plusieurs reprises, mais ceux qui sont le plus susceptibles de le faire ont tendance à être plus privilégiés, à connaître les ficelles et à avoir plus de temps et de ressources pour le faire.
Je ne sais pas si j’ai vraiment répondu à votre question. J’ai parlé d’un niveau élevé de la législation. Une grande partie de ce travail doit se faire au moyen de la mise en œuvre, ce qui signifie que chaque province et territoire doit avoir un plan qui précise la forme que prendra le développement et le public auquel il s’adressera. Cela veut dire les minorités linguistiques, francophones comme anglophones, mais aussi les nouveaux arrivants au Canada, les communautés à faible revenu, les communautés racisées. C’est ainsi que je procéderais.
[Français]
Le sénateur Cormier : Merci beaucoup, madame. Au fond, le financement accordé aux organismes sans but lucratif ou aux services publics ne devrait-il pas être favorisé, sachant que ces organisations desservent mieux, généralement — d’après ce que l’on sait —, les minorités? Je parle de toutes les minorités, y compris les minorités linguistiques, si le financement n’est pas priorisé pour ces services.
[Traduction]
Mme Ballantyne : En fait, la loi dit que nous essayons de bâtir un système qui est principalement public et sans but lucratif. Il est essentiel de veiller à ce que cela se produise.
Le sénateur Cardozo : Merci aux trois témoins. Je félicite Martha Friendly et Morna Ballantyne. Nous sommes ici grâce à votre détermination. Je cherchais des synonymes — tenaces, implacables, entêtées. Vous avez persévéré pendant de très nombreuses années, alors félicitations. Nous sommes ici pour discuter de la loi proposée relative à l’apprentissage et à la garde des jeunes enfants au Canada en raison de votre travail. Merci.
Martha Friendly, vous avez proposé d’adopter ce projet de loi le plus tôt possible. Le dilemme est le suivant. Nous pouvons l’adopter tel quel, et il avancera plus rapidement, ou nous pouvons y apporter quelques amendements pour en faire un meilleur projet de loi. Mais vous savez comment le système fonctionne. Il faudrait que le projet de loi soit renvoyé au Sénat parce que les deux Chambres doivent adopter exactement le même projet de loi au bout du compte. Que préféreriez-vous que nous fassions?
Mme Friendly : Vous soulevez le véritable dilemme. Nous voulons que ce projet de loi soit adopté; nous ne voulons pas qu’il traîne en longueur. Nous ne voulons pas nous lancer dans une longue bataille pour savoir à quel point il pourrait être bon. Nous sommes tous déterminés à l’adopter le plus rapidement possible avec un certain nombre d’amendements qui, nous l’espérons, ne vont pas causer de retard.
Étant moi-même devenue très pragmatique au cours de la période dont vous venez de parler, je suis parfaitement consciente que la loi devrait être aussi bonne que possible. Je mettrais une définition simple dans cette catégorie, mais je sais très bien qu’une bonne partie du travail se produira avec les autres éléments de l’ensemble, et c’est ce qui sera déterminant au bout du compte.
J’aurais renforcé le libellé relatif aux services à but lucratif. Nous avons essayé au comité HUMA. Je ne suis pas sûre que nous réussirons. Je veux éliminer toute ambiguïté. Nous aimerions que ce projet de loi soit adopté sans délai.
Le sénateur Cardozo : Pour gagner du temps, ce que vous demandez, c’est la définition d’un service à but lucratif, de la formation et de la qualité du service. Est-ce que ce sont les trois principaux problèmes?
Mme Friendly : Oui. Cependant, je n’ai pas parlé du libellé concernant le service à but lucratif et la main-d’œuvre dans mon mémoire. S’il était possible de le renforcer, je le ferais. Je ne l’ai pas appuyé parce que, pour essayer de le faire adopter, je ne pouvais pas penser aux amendements qui permettraient de le renforcer. C’est la réalité.
Nous avons renforcé le volet à but lucratif et sans but lucratif en proposant un amendement fondé sur des données probantes et en établissant un lien avec la qualité. Il n’est pas aussi solide qu’il pourrait l’être, mais je pense qu’il ferait l’affaire. À l’avenir, je ne voudrais pas que soit financé le développement des services de garde à but lucratif, mais je pense que cela doit se faire en grande partie à l’étape de la mise en œuvre, si cela répond à votre question.
La sénatrice Dasko : Le comité a l’habitude de faire en sorte que des changements soient apportés dans des délais serrés. S’il y a un groupe qui peut le faire, c’est bien le nôtre. C’est un commentaire qui s’applique au comité, et pas à moi personnellement.
Madame Friendly, je n’arrive pas à croire que nous en soyons encore à parler ici après 35 ans de discussions à ce sujet.
Mme Friendly : Je n’arrive pas à le croire non plus.
La sénatrice Dasko : C’est incroyable. J’aimerais d’abord vous demander de compléter ce que vous avez dit plus tôt au sujet de l’article sur les données dont la sénatrice Seidman vous a parlé. Vous étiez en train de parler de votre expérience avec Statistique Canada. Vous avez fait un travail incroyable malgré les données erronées fournies par le système. Vous avez fait un travail remarquable toutes ces années.
Pouvez-vous terminer ce dont vous aviez commencé à parler au sujet de votre expérience des données et sur la mesure dans laquelle vous avez tenté d’apporter des changements? S’il reste du temps, j’aurais une autre question.
Mme Friendly : Nous avons besoin d’une stratégie de données solide. J’ai fait partie du précédent groupe d’experts qui y a travaillé. Je crois que le conseil consultatif national actuel, dont je ne fais pas partie, travaille également à ce dossier.
Tout le monde convient qu’il nous faut non seulement ce que nous avons recueilli pendant toutes ces années et qui a été financé par le gouvernement fédéral, mais d’autres types de données qui sont recueillies de différentes façons et qui ont été présentées sous forme d’indicateurs et autres renseignements du genre pour que nous puissions vraiment savoir ce qui se passe. Je suis tout à fait d’accord. Cela doit se faire par l’entremise du gouvernement fédéral. Il faut des experts en données. Il y a des experts en données qui ont travaillé sur le sujet de différentes façons et qui peuvent apporter une contribution. Il faut aussi une stratégie de recherche. Je dirais que ces deux éléments doivent aller de pair pour que nous puissions répondre à de vraies questions de recherche.
L’une des choses qui me déçoivent, c’est que cela n’a pas encore été développé. Je pense que la surveillance et la production de rapports doivent absolument s’accompagner de données, parce que nous pouvons répondre à certaines questions, mais pas à d’autres, avec les données dont nous disposons. Je pense que personne n’estime que nous avons une stratégie de données à l’heure actuelle. Il reste à la développer. Pour cela, il faut la contribution du gouvernement fédéral et des provinces.
La sénatrice Dasko : Exact.
La présidente : Avez-vous une autre question, sénatrice Dasko?
La sénatrice Dasko : Combien de temps me reste-t-il?
La présidente : Je vous invite à poser la question et nous pourrons obtenir la réponse par écrit.
La sénatrice Dasko : Je vais poser la question.
Je suis préoccupée et intéressée par ce qui se passera après la fin des ententes actuelles avec les provinces, surtout en ce qui concerne le modèle de frais réduits. J’aimerais savoir ce que vous pensez de ce qui va se passer. Les frais vont-ils augmenter? Dans l’affirmative, de combien? C’est une question d’ordre général sur l’avenir.
Ma question s’adresse à qui veut bien y répondre.
Mme Ballantyne : La plupart des fonds fédéraux qui ont été transférés aux provinces et aux territoires ont servi à financer une réduction des frais imposés aux parents, ce qui laisse très peu d’argent pour les autres. Je ne crois pas qu’il y aura de fortes augmentations des frais imposés aux parents. Cependant, les pressions pour augmenter ces frais seront énormes. Cela risque de miner toute la proposition.
L’autre risque, c’est que tout le projet soit miné par le manque d’accès. On ne peut pas avoir un système financé presque entièrement par l’État si seulement 30 % des enfants de 0 à 6 ans y ont accès. C’est injuste et inéquitable. Accroître l’accès doit être prioritaire. Cela veut dire régler la crise de la main-d’œuvre. Nous ne pouvons pas maintenir les places existantes en raison de la pénurie de main-d’œuvre, et encore moins l’augmenter.
La présidente : Merci, madame Ballantyne.
Mme Ballantyne : Cela prendra des pressions politiques et d’autres moyens, pas nécessairement des changements législatifs.
La présidente : Merci, madame Ballantyne.
Chers collègues, je vais dépasser de cinq minutes le temps alloué à ce groupe de témoins. Merci.
La sénatrice McPhedran : Pourrais-je parler un peu plus de la définition proposée dans votre mémoire, madame Friendly?
En comparant une partie de la référence d’hier aux normes européennes, je lis dans votre définition, à la toute dernière ligne, qu’aux fins du projet de loi, l’apprentissage et la garde des jeunes enfants n’inclut pas les classes de maternelle ou de prématernelle offertes par les autorités scolaires. Hier, nous avons appris que le projet de loi porte sur les enfants de tous âges, à partir de la naissance. Pouvez-vous m’aider à comprendre l’importance de cette dernière ligne?
Mme Friendly : C’est surtout une question de compétence. Je considère que la maternelle fait partie de l’apprentissage et de la garde des jeunes enfants, ou de l’éducation et de la garde des jeunes enfants. Au Canada, bien sûr, la maternelle relève des autorités scolaires et le gouvernement fédéral n’a aucun rôle à jouer à cet égard. La maternelle joue un rôle [difficultés techniques] programme de plus en plus axé sur la garde d’enfants. Vous pourriez nous dire ce que vous en pensez.
L’autre chose, c’est l’inclusion de la garde d’enfants d’âge scolaire dans la loi, ce avec quoi je suis tout à fait d’accord, parce que je pense qu’il faut s’en occuper. Une définition de l’apprentissage et de la garde des jeunes enfants, le niveau 0 dans la définition de l’UNESCO — qui est appliquée en dehors de l’Europe, soit dit en passant — ne fait pas référence à ce qui arrive aux enfants de 8 ans après l’école, ce qui est également important.
J’ai opté pour la simplicité et j’ai utilisé une définition de l’éducation et de la garde des jeunes enfants. L’une de nos collègues, Susan Prentice, m’a dit que nous laissions tomber — à ce jour, le plan fédéral ne s’adresse pas aux enfants qui sont en âge d’aller à l’école en montant. Dans ce que nous appelons les services de garde d’enfants d’âge scolaire au Canada à l’heure actuelle, il y a beaucoup de jeunes de 4 et 5 ans, même de 3 ans, qui participent à des programmes d’activités après l’école. Ils sont inclus. C’était trop compliqué pour l’inclure dans un mémoire.
C’est une autre question. Il nous faudrait vraiment une autre définition qui ne porte pas sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants. C’est pourquoi je m’en suis tenue à cela, par souci de simplicité, si cela peut vous aider.
Cela répond-il à votre question, sénatrice McPhedran?
La sénatrice McPhedran : Oui. Cela m’amène aussi à vous demander si vous pensez que la définition peut contenir tout ce que vous voulez.
Mme Friendly : Disons que j’ai fourni une définition complète, parce que je voulais montrer toutes les possibilités qui existent selon moi. Comme je l’ai dit, l’élément clé est l’obligation d’être agréé ou d’être réglementé. Il serait essentiel d’établir un cadre réglementaire pour, encore une fois, simplifier les choses. En général, tous ces éléments sont inclus dans un cadre réglementaire. J’avais l’intention d’expliquer ce qui semble être une possibilité.
Permettez-moi de réfléchir à la façon de présenter les choses. La question de la garde des enfants en âge d’aller à l’école — pas ceux de la maternelle, parce que c’est différent — pour les activités après l’école des enfants au-delà de l’âge obligatoire, n’a pas été abordée par le mouvement de la garde des enfants — des gens comme nous — depuis des années parce que nous avons été trop occupés avec les autres aspects. Il faut vraiment s’attaquer au problème. Il faut en tenir compte. Je vois où le gouvernement fédéral se dirige. Cela ne s’est pas encore produit, si cela répond à votre question.
La présidente : Sénatrice Burey, vous avez la dernière question.
La sénatrice Burey : Merci beaucoup. Je suis vraiment impressionnée par tout le travail que vous avez fait. Merci encore.
Pour être bref, madame la présidente, je voulais parler de la question du financement, parce que, bien sûr, c’est là que toutes les mesures sont prises en ce qui concerne la main-d’œuvre, les ratios personnel-enfants, la réglementation, et tout cela.
Le gouvernement a dit qu’en 2021-2022, des accords supplémentaires, et ainsi de suite, pourraient atteindre 27 milliards de dollars sur cinq ans et 9,2 milliards de dollars tous les deux ans.
Maintenant, combien cela coûte-t-il vraiment? Quelqu’un a-t-il trouvé une solution? Bien sûr, est-ce que c’est vraiment le coût? Et comment combler cet écart? Parce que cela semble être un facteur essentiel.
Mme Ballantyne : Le coût dépend de toutes vos hypothèses. Quel devrait être le salaire de la main-d’œuvre? Que devrions‑nous viser comme couverture? Dans les pays nordiques, une fois que les services de garde d’enfants ont été rendus accessibles, plus de 90 % des familles ayant de jeunes enfants ont utilisé le système, non seulement pour travailler ou étudier, mais parce que les systèmes sont conçus pour les enfants.
Nous aimerions que le prochain budget fédéral prévoie des fonds supplémentaires pour améliorer la situation de la main‑d’œuvre, pour régler la crise de la main-d’œuvre. Nous pensons qu’il faut plus d’argent. Nous pensons que le gouvernement fédéral a besoin de plus de moyens pour amener les provinces et les territoires à investir plus d’argent, parce que nous avons besoin d’un meilleur financement des opérations pour être en mesure d’améliorer la qualité, les conditions de travail, et ainsi de suite.
Combien faut-il prévoir? Encore une fois, nous ne pouvons pas vous donner de chiffre absolu. Nous pouvons vous dire tout ce que nous aimerions que le système permette de faire, mais cela prendra du temps aussi. La situation évolue. Ce que nous considérons comme un bon système aujourd’hui pourrait être différent dans trois ou quatre ans, et c’est pourquoi la surveillance, l’évaluation et l’obtention de données sont si importantes. C’est la raison pour laquelle nous voulons que le Sénat continue de participer à ce processus, et c’est pourquoi nous vous demandons de mener une étude.
La sénatrice Burey : Merci.
La présidente : Cela nous amène à la fin de notre premier groupe de témoins.
Pour le prochain groupe de témoins, je vais nous limiter à quatre minutes.
Je tiens à remercier nos témoins pour tout le travail qu’ils font depuis si longtemps. Nous savons que c’est un travail difficile sur le terrain, mais j’espère que vous verrez des résultats.
Nous allons commencer à entendre notre deuxième groupe de témoins.
Nous accueillons aujourd’hui par vidéoconférence Jennifer Nangreaves, directrice générale, Association pour le développement de la petite enfance de l’Île-du-Prince-Édouard; Jodie Kehl, directrice générale, Manitoba Child Care Association; et Jane Bertrand, directrice de programme, Margaret and Wallace McCain Family Foundation Inc.
Merci de vous joindre à nous aujourd’hui. Je rappelle à tous les témoins qu’ils disposeront de cinq minutes pour faire leur déclaration préliminaire, après quoi les membres du comité leur poseront des questions. Nous allons commencer par Mme Nangreaves, qui sera suivie de Mme Kehl et de Mme Bertrand.
Jennifer Nangreaves, directrice générale, Association pour le développement de la petite enfance de l’Île-du-Prince-Édouard : Bonjour. Je vous remercie de m’avoir invitée à témoigner aujourd’hui. Je m’appelle Jennifer Nangreaves, et je suis directrice générale de l’Association pour le développement de la petite enfance de l’Île-du-Prince-Édouard, ou ECDA.
Je représente notre conseil d’administration, et nous représentons plus de 90 % des éducateurs de la petite enfance de l’Île-du-Prince-Édouard.
Nous sommes un organisme provincial sans but lucratif qui se consacre à la promotion et au soutien de programmes et de services de qualité en matière de développement de la petite enfance pour les enfants et les familles de l’île.
C’est un honneur pour moi de me joindre à vous aujourd’hui sur le territoire traditionnel et non cédé du peuple mi’kmaq d’Epekwitk.
Au nom de l’ECDA, je tiens d’abord à remercier chacun des membres du comité pour le travail qu’il a accompli dans le cadre de l’étude de ce projet de loi. Nos membres suivent ce processus avec un vif intérêt, car il s’agit véritablement de leur passion et de leur gagne-pain, et nous vous remercions collectivement du temps que vous y consacrez, car ce dossier passera sans aucun doute à l’histoire de notre profession.
La position de l’ECDA est que nous appuyons sans réserve le projet de loi C-35. L’importance de l’engagement du gouvernement fédéral à l’égard du système pancanadien d’apprentissage et de garde des jeunes enfants, quel que soit le gouvernement en place à l’avenir, permettra de bâtir un véritable système à l’échelle du pays. Le fait d’avoir accès à un financement prévisible, suffisant et soutenu au lieu de ce que nous faisions par le passé, avec l’octroi de subventions ici et là, assurera une stabilité et une prévisibilité qui favoriseront des investissements stratégiques et à long terme afin que les provinces, les territoires et les peuples autochtones puissent atteindre leurs objectifs en mettant en place un système d’apprentissage et de garde des jeunes enfants de grande qualité, accessible et abordable.
La qualité est importante. La recherche suggère que la mauvaise qualité de l’apprentissage et de la garde des jeunes enfants peut avoir un effet négatif, en particulier pour les enfants les plus vulnérables. C’est pourquoi il est aussi important pour nous que les enfants fréquentent un centre d’apprentissage et de garde des jeunes enfants de grande qualité que les familles puissent aller travailler et ainsi contribuer à l’économie. Tout le monde y gagne.
L’ECDA appuie les centres gérés par le secteur public afin d’assurer la meilleure qualité possible pour les enfants et les familles. À l’Île-du-Prince-Édouard, 90 % des centres agréés font partie d’un système public d’apprentissage et de garde des jeunes enfants de grande qualité. Dans le cadre de ce système, les exploitants ont convenu d’un partenariat avec le gouvernement provincial pour atteindre une norme de qualité plus élevée. Par exemple, nous avons tous du personnel formé, nous suivons le cadre provincial d’éducation préscolaire, nous acceptons les enfants qui ont des besoins exceptionnels, nous offrons des repas sains, nous mettons sur pied un comité consultatif familial, et ainsi de suite.
Le système géré par le secteur public doit également imposer des frais familiaux réglementés par la province, ainsi qu’avec une grille salariale provinciale pour les employés. Ce système a été mis sur pied il y a plus d’une décennie et s’est appuyé sur l’investissement provenant du gouvernement provincial et, plus récemment, du gouvernement fédéral. Il est important de souligner que cet engagement à l’Île-du-Prince-Édouard a été pris par un gouvernement libéral et maintenu par un gouvernement progressiste-conservateur, ce qui démontre que, peu importe le parti au pouvoir, un engagement à l’égard de l’apprentissage et de la garde des jeunes enfants est un investissement judicieux.
Pour souligner les initiatives avec lesquelles l’Île-du-Prince-Édouard a connu du succès jusqu’à maintenant grâce à l’entente pancanadienne, qui a été signée en juillet 2021, deux fois maintenant, les frais familiaux ont été réduits de façon importante et les salaires ont augmenté sur la grille salariale des éducateurs de la petite enfance et des éducatrices et éducateurs en garderie de la province, les deux le même jour.
Plus récemment, l’ECDA s’est réjouie de participer à l’annonce d’un régime de retraite à cotisations déterminées pour les employés qui travaillent dans le système géré par le secteur public, qui sera assorti d’un financement de 4 % rendu possible grâce à l’entente pancanadienne.
Cependant, soutenir les éducateurs de la petite enfance n’est pas toujours une question de salaires. Cela passe aussi par nos conditions de travail, ce que l’ECDA a préconisé au nom de nos membres, soit un poste supplémentaire financé pour fournir un soutien pédagogique au-delà des exigences du ratio. Les commentaires que nous avons entendus de la part de nos éducateurs au sujet de ce soutien supplémentaire nous ont permis de passer plus de temps à encadrer les expériences des enfants et à éviter de nombreux cas d’épuisement professionnel.
Ces initiatives ont notamment permis de maintenir en poste des éducateurs qui envisageaient une autre possibilité de carrière et elles seront sans aucun doute utilisées comme mesures de recrutement.
En terminant, imaginez un monde où chaque enfant et chaque famille a accès à un centre d’apprentissage et de garde des jeunes enfants de grande qualité dans sa collectivité, guidé par des éducateurs spécialisés de la petite enfance qui sont appréciés pour leur travail essentiel. Cet idéal permettra non seulement à nos enfants et à nos familles de s’épanouir, mais il ouvrira la voie à un avenir meilleur pour les générations à venir.
Donner accès à des services d’apprentissage et de garde de qualité à l’enfance signifie non seulement créer un environnement sûr et stimulant où les enfants peuvent apprendre et grandir, mais aussi veiller à ce que les éducateurs de la petite enfance soient bien formés et reconnus pour leur travail important.
Investir dans l’éducation de la petite enfance a des avantages à court et à long terme pour la société dans son ensemble en appuyant le développement des jeunes enfants...
La présidente : Merci, madame Nangreaves. Madame Kehl, vous avez cinq minutes.
Jodie Kehl, directrice générale, Manitoba Child Care Association : Bonjour, madame la présidente et chers membres du comité. Je vous remercie de votre invitation. La Manitoba Child Care Association, aussi appelée MCCA, est un organisme sans but lucratif et non partisan qui est fier d’être le porte-parole des services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants au Manitoba. Je m’adresse à vous aujourd’hui au nom de notre conseil d’administration provincial et de nos quelque 4 400 membres.
La MCCA appuie avec enthousiasme le projet de loi C-35 et félicite le gouvernement du Canada de son engagement à travailler avec les provinces, les territoires et les peuples autochtones pour bâtir un système d’apprentissage et de garde des jeunes enfants abordable, inclusif, souple et de grande qualité pour les familles de partout au Canada.
Des défenseurs comme nous rêvent d’un système national depuis plus de 50 ans. Le leadership et le dévouement dont a fait preuve le gouvernement fédéral à l’égard du plan pancanadien et, maintenant, de cette mesure législative cruciale sont tout simplement historiques. La possibilité d’enchâsser l’apprentissage et la garde des jeunes enfants dans la loi est tout simplement incroyable.
Depuis la signature de son accord en 2021, le Manitoba a fait de grands progrès pour commencer à bâtir son système. Nous avons été la première province à adopter des frais moyens de 10 $ par jour. Bien que notre province ait connu une baisse notoire des frais de garde d’enfants, cela s’est révélé être un soutien incroyable et a changé la vie de nombreuses familles. Bien que l’abordabilité soit l’un des éléments clés du plan pancanadien, le projet de loi C-35 devrait tenir compte de plusieurs autres priorités.
La MCCA recommande que l’on prenne bien soin d’inclure dans la loi une définition de l’apprentissage et de la garde des jeunes enfants. Plus tôt cette année, au comité HUMA, Susan Prentice a proposé la définition suivante :
L’apprentissage et la garde des jeunes enfants sont un système de prestation de services réglementés et autorisés, fournis par des éducateurs de la petite enfance qualifiés qui ont reçu une formation postsecondaire spécialisée.
Une définition succincte comme celle-ci garantirait une législation nationale solide et efficace. Elle serait importante pour établir le caractère distinct de services de garde réglementés et de grande qualité auxquels toutes les familles et tous les enfants du Canada méritent d’avoir accès.
Le succès de l’édification du système repose uniquement sur les éducateurs de la petite enfance. Il s’agit de professionnels de la petite enfance qui sont instruits, valorisés et rémunérés équitablement. Outre la bonification des salaires et des avantages sociaux, il faut améliorer les conditions de travail des éducateurs de la petite enfance pour améliorer la satisfaction au travail, aider à réduire le roulement du personnel et encourager le personnel qualifié à rester dans le domaine.
Bien que les stratégies relatives à la main-d’œuvre relèvent de la compétence des provinces et des territoires, la MCCA croit qu’il est possible de renforcer le libellé de la loi pour reconnaître le leadership et le rôle du gouvernement du Canada dans le soutien de notre effectif essentiel de l’éducation de la petite enfance. Cela pourrait comprendre des principes de collaboration, des investissements soutenus dans une stratégie nationale globale qui englobe l’éducation, le maintien en poste, le recrutement et la reconnaissance des éducateurs de la petite enfance.
La MCCA appuie l’engagement du gouvernement fédéral à l’égard d’un financement soutenu et continu. Les principes directeurs de l’article 7 proposé visent à faciliter l’accès à des services réglementés offerts par des fournisseurs de services de garde publics et sans but lucratif.
L’apprentissage et la garde des jeunes enfants devraient être considérés comme un bien public semblable aux systèmes publics d’éducation et de santé. Le gouvernement fédéral a signalé que l’expansion des services de garde d’enfants se fera principalement dans les établissements publics sans but lucratif et par des fournisseurs de services de garde en milieu familial. Notre association appuie fermement un modèle géré par le secteur public. Cependant, le libellé de la loi devrait mieux protéger les règles qui régissent le secteur public et les organismes sans but lucratif. Au Manitoba, où le système d’apprentissage et de garde des jeunes enfants est principalement à but non lucratif, nous sommes depuis longtemps considérés comme un chef de file pour nos règlements rigoureux et progressistes [Difficultés techniques]...
La présidente : Excusez-moi, l’écran est figé.
Chers collègues...
Mme Kehl : ... conseil consultatif national sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants et sur [Difficultés techniques] organisme qui a force de loi.
Nous accueillerions favorablement d’autres processus formels et informels continus visant à ce que les politiques, les positions et le financement du gouvernement fédéral pour le plan pancanadien soient éclairés par l’expertise et l’expérience des fournisseurs de services de garde d’enfants comme les membres de la MCCA.
La présidente : Madame Kehl, nous avons beaucoup de peine à vous entendre, alors je vais vous demander de soumettre votre mémoire par écrit aussi, car je vois que vous lisez votre déclaration préliminaire.
Mme Kehl : Nous avons une panne de courant. Je suis vraiment désolée.
La présidente : Je comprends. C’est l’objet d’un projet de loi d’un autre genre pour un autre comité. J’ai trouvé vos propos très intéressants. Nous vous serions reconnaissants de bien vouloir nous les envoyer.
Mme Kehl : Je vous les enverrai.
La présidente : J’espère que vous pourrez nous présenter le reste de votre déclaration en répondant à nos questions.
Madame Bertrand, à vous la parole.
Jane Bertrand, directrice de programme, Margaret and Wallace McCain Family Foundation Inc. : Je vous remercie de m’avoir invitée à témoigner aujourd’hui. Je suis éducatrice de la petite enfance depuis longtemps, et je possède d’excellentes connaissances des politiques, des pratiques et de la recherche sur la petite enfance. Je suis actuellement directrice de programme à la Margaret and Wallace McCain Family Foundation. Notre fondation appuie le projet de loi C-35 et l’idée générale de créer un système public. Nous favorisons également l’accès à des services d’apprentissage et de garde de qualité qui s’harmonisent avec l’éducation publique.
Le 19 septembre dernier, la sénatrice Rosemary Moodie s’est levée au Sénat pour parler du projet de loi C-35. Elle a dit :
Les particuliers et les entreprises qui cherchent d’abord à être rentables ne seront jamais tentés de mettre sur pied le système dont nous avons besoin, un système axé sur le caractère abordable, accessible et inclusif des services offerts plutôt que sur les profits réalisés. C’est la raison pour laquelle il faut un système public à but non lucratif.
Nous sommes d’accord avec elle.
En cherchant à mettre en œuvre un système public et sans but lucratif d’apprentissage et de garde des jeunes enfants efficace à l’échelle du Canada, on fera face à deux grands défis : le manque d’infrastructure et de financement pour développer et soutenir les programmes sans but lucratif d’apprentissage et de garde des jeunes enfants ainsi que la pénurie d’éducateurs qualifiés en apprentissage et en garde des jeunes enfants.
Le comité a entendu dire que l’inefficience de l’infrastructure entrave la croissance des organismes sans but lucratif. Cette infrastructure existe dans le domaine de l’éducation publique. En maximisant les ressources dont dispose le Canada dans ses systèmes d’éducation publics, il sera possible d’atteindre les objectifs d’expansion, d’équité et de qualité du plan pancanadien.
La mise en place rapide et réussie de la maternelle à temps plein pour les enfants de quatre et cinq ans avec des options de prolongation de la journée en Ontario et du programme préprimaire pour les enfants de quatre ans en Nouvelle-Écosse sont deux exemples de ce qu’il est possible de réaliser. Même le Québec, dont les services de garde étaient bien établis, s’est tourné vers ses écoles pour régler les problèmes d’équité et d’accès.
L’infrastructure de l’éducation publique favorise une expansion efficace, rapide et équitable. Les milieux de travail professionnels offerts par l’éducation publique attirent et maintiennent en poste des éducateurs de la petite enfance qualifiés. Ceux qui avaient quitté le secteur reviennent souvent travailler dans des programmes d’apprentissage préscolaire offerts dans les écoles.
J’exhorte le comité à promouvoir des politiques et des pratiques prometteuses qui harmonisent et intègrent l’éducation de la petite enfance à l’éducation publique.
On pourrait le faire en insérant dans la loi une définition de l’apprentissage et de la garde des jeunes enfants qui inclurait tout particulièrement les programmes pour les enfants d’âge préscolaire offerts dans les écoles. Cela éliminerait tous les obstacles perçus dans le projet de loi C-35 et dans les ententes et les plans d’action fédéraux-provinciaux-territoriaux qui risquent d’entraver l’intégration de l’apprentissage et de la garde des jeunes enfants dans l’éducation publique.
Selon ce que nous avons constaté, premièrement, les programmes universels d’éducation préscolaire dans le domaine de l’éducation publique atteignaient les communautés mal desservies, notamment les communautés de langue minoritaire, à faible revenu, racisées et celles des régions rurales et éloignées. Deuxièmement, ils fournissent un continuum d’apprentissage de la petite enfance vers le primaire qui améliore les résultats scolaires de tous les enfants. Troisièmement, ils permettent de cerner les difficultés d’apprentissage des enfants pour intervenir tôt et réduire les dépenses en éducation spéciale. Quatrièmement, ces programmes accroissent la capacité des programmes communautaires agréés de garde des jeunes enfants — qui reçoivent beaucoup d’enfants de deux et trois ans. Cinquièmement, ils incluent tous les enfants dont la participation non obligatoire est fondée sur l’âge et dont l’accès ne dépend pas de ce que font les parents, qu’ils aient ou non un emploi ou qu’ils fassent des études. Sixièmement, l’éducation publique peut offrir de prolonger la journée afin d’aider les parents qui travaillent ou qui font des études.
En donnant la priorité de cette prestation de services au système d’éducation publique, on réduirait aussi le nombre de services de garde d’enfants fournis par l’entreprise, qui semble augmenter depuis quelque temps. En intégrant les services d’apprentissage et de garde d’enfants au système public, le Canada utilisera ces fonds pour le bien public et non pour accroître les profits des investisseurs. Merci.
La présidente : Merci, madame Bertrand. Chers collègues, vous êtes 10, et il nous reste exactement 40 minutes. Je vais vous limiter à quatre minutes, en commençant par la sénatrice Cordy.
La sénatrice Cordy : Merci beaucoup, madame la présidente. Merci beaucoup à tous les témoins. Je suis heureuse de revoir certaines d’entre vous. Madame Bertrand, nous avons parlé à maintes reprises des garderies. Je remercie aussi la fondation McCain pour tout le travail qu’elle accomplit dans ce domaine.
Ma question s’adresse à Mme Nangreaves, de l’Île-du-Prince-Édouard. Il est intéressant de constater que 90 % de vos garderies sont agréées, ce qui est très positif.
J’ai été particulièrement intéressée par le fait que vous avez réussi à prévenir l’épuisement professionnel des éducateurs. Nous avons aussi entendu dire que dans tout le pays, il est très difficile de maintenir le personnel en poste à cause des bas salaires, des longues journées, etc.
Pourriez-vous nous expliquer ce que vous avez fait pour y parvenir? Comment avez-vous encouragé ou motivé le personnel à rester dans le domaine de l’apprentissage et de la garde des jeunes enfants?
Mme Nangreaves : Bien sûr. Je vous remercie pour cette question. C’est une mesure que notre association a préconisée lors du dépôt du budget. Voyant l’investissement considérable qui était affecté à notre secteur, nous avons demandé à nos éducateurs ce qui était le plus important pour eux. Ils ont bien sûr mentionné les salaires, mais ils ont surtout demandé une paire de mains en plus du ratio. Les ratios demeurent, mais la présence d’une personne supplémentaire, d’un éducateur agréé qui aide à effectuer la documentation et la programmation a vraiment permis aux éducateurs de prendre du recul et de réfléchir à l’intention des programmes qu’ils offrent. La qualité s’est considérablement améliorée lorsque nous avons cessé de nous en tenir aux ratios requis. Notre secteur a beaucoup apprécié l’ajout de ce poste.
La sénatrice Cordy : Je vais céder le reste de mon temps de parole.
La présidente : Merci beaucoup. Allez-y, sénatrice Osler.
La sénatrice Osler : Merci, madame la présidente, et merci aux témoins de comparaître aujourd’hui. Nous avons entendu des préoccupations au sujet des exploitants de garderies qui utilisent des fonds publics dans le cadre d’ententes pancanadiennes pour fournir ou pour ouvrir des services de garde à but lucratif. Ma question s’adresse d’abord à Mme Kehl, puis à Mme Bertrand et ensuite à Mme Nangreaves.
Comment le projet de loi devrait-il répondre aux défis particuliers auxquels font face les exploitants de services de garde dans les régions rurales et éloignées où les économies d’échelle pourraient ne pas être réalisables, ce qui pourrait entraîner des pratiques axées sur le profit?
Mme Kehl : Je vais essayer de répondre à cette question. Vous me direz si mon Internet est stable ou non.
J’abonde dans le même sens que Mme Friendly. Nous savons qu’en vertu de l’accord pancanadien, il s’agit d’une expansion vers le secteur public sans but lucratif. Je me base sur l’expérience du Manitoba, où le système provincial est principalement sans but lucratif. De toutes les garderies de jeunes enfants, 95 % sont des garderies agréées sans but lucratif. Nous avons constaté — et les données l’ont démontré — que la grande qualité est souvent reliée au type de modèle d’affaires...
La présidente : Excusez-moi, nous ne vous entendons plus, alors nous ne pouvons pas fournir l’interprétation.
Mme Kehl : Je suis vraiment désolée.
La présidente : Nous le regrettons aussi beaucoup, mais je vous invite à nous faire parvenir vos réponses écrites à toutes les questions que vous pourrez entendre.
Passons à Mme Nangreaves.
Mme Nangreaves : Je vous remercie pour cette question. Lorsque l’Île-du-Prince-Édouard a signé l’entente, c’était pour les garderies sans but lucratif ou réglementées par le secteur public. Pour répondre à votre question sur les régions rurales éloignées, à l’Île-du-Prince-Édouard, nous avons un registre des services de garde, et ces données servent à déterminer les besoins des collectivités et peut-être des régions rurales ou minoritaires.
L’expansion est axée sur ces besoins afin d’effectuer ce travail, mais toujours dans le cadre de la réglementation du secteur public.
La sénatrice Osler : Merci. Madame Bertrand?
Mme Bertrand : Les régions rurales et éloignées du Canada présentent de grandes difficultés. Dans toutes ces régions, les enfants ont accès à une école publique à l’âge de quatre, cinq ou six ans, selon le cas.
Ces installations, ces infrastructures pourraient offrir des programmes agréés de garde des jeunes enfants afin d’étendre les programmes préscolaires à la maternelle et à la prématernelle. Cette stratégie s’est avérée efficace en Nouvelle-Écosse avec le programme pré-primaire pour les enfants de quatre ans. C’est l’une des raisons pour lesquelles notre fondation appuie cette plateforme d’intégration dans l’éducation publique. Elle a déjà fait ses preuves, alors on pourrait l’utiliser pour soutenir un plus grand nombre d’enfants et de jeunes enfants.
La sénatrice Osler : Merci beaucoup.
La présidente : Allez-y, sénatrice Moodie, marraine du projet de loi.
La sénatrice Moodie : Merci, madame la présidente. Ma question porte sur la réglementation de l’autorisation d’exercer. Nous savons que cette exigence figure actuellement dans tous les accords. À votre avis — et je m’adresse à vous toutes —, compte tenu des préoccupations que cause l’intervention des lois fédérales dans les champs de compétence des provinces, est-il essentiel que cette notion de réglementation de l’autorisation d’exercer soit incluse dans cette loi, accompagnée d’une définition?
Mme Nangreaves : Je peux répondre à cette question. Merci, madame la sénatrice. Oui, c’est essentiel. Cette exigence protège l’investissement des fonds publics dans ce système de qualité. Je crois que si on la supprimait, ce serait en fait un retour en arrière pour le Canada, puisque toutes les ententes ont été signées sur la notion de soins autorisés et réglementés.
La recherche — vous l’avez entendu aujourd’hui et hier aussi — porte sur les justes salaires et sur la rémunération des éducateurs. Ce modèle est plus abordable pour les familles et donne de meilleurs résultats pour tous. Cet investissement profite à toutes les parties et il sera bien protégé lorsqu’on définira à quoi sert le financement.
Mme Bertrand : Je suis désolée, je n’ai pas compris la question. Pardonnez-moi. Pourriez-vous la répéter?
La sénatrice Moodie : Nous avons entendu dire à maintes reprises que la réglementation et l’exigence d’agréer les services de garde sont déjà prévues dans les ententes conclues avec chaque province.
Cependant, nous avons aussi entendu dire qu’il faudrait l’inclure dans le projet de loi. Serait-il crucial de le faire?
Mme Bertrand : Comme je l’ai dit dans mon exposé, nous aussi, nous voulons nous intégrer dans le système d’éducation publique. Il peut octroyer des permis pour des programmes destinés aux jeunes enfants. Il peut se charger de l’octroi des permis et de l’application des règlements. Cela fait partie de l’intégration dans le système d’éducation publique.
Oui, la réglementation est importante. Les permis sont importants et doivent faire partie d’un système géré par le secteur public.
La présidente : Je suis désolée de ne pas pouvoir entendre la réponse de Mme Kehl à cette question, car elle est importante. J’espère que nous pourrons approfondir l’examen de cet enjeu. Mme Kehl pourra peut-être nous répondre par écrit.
Chers collègues, tout d’un coup, je passe de la famine à l’abondance. Nous avons du temps, mais peu de questions des sénateurs.
[Français]
Le sénateur Cormier : Ma question s’adresse à Mme Nangreaves de l’Île-du-Prince-Édouard.
En août dernier, Mme Kathleen Couture, directrice de l’Association des centres de la petite enfance francophones de l’Île-du-Prince-Édouard, se disait absolument épuisée par les efforts de recrutement menés dans la région Évangéline pour obtenir du personnel.
D’ailleurs, à la Chambre des communes, des témoins ont suggéré qu’une stratégie nationale sur la main-d’œuvre aiderait à contrer les problèmes de recrutement.
Ma question pour vous est la suivante : dans le contexte des garderies francophones en milieu minoritaire à l’Île-du-Prince-Édouard, le projet de loi C-35, dans sa facture actuelle, peut-il apporter des solutions à ce problème? Est-ce qu’il y a des choses qui devraient être ajoutées? Est-ce qu’on devrait faire des observations à cet effet?
Quelles sont, selon vous, les mesures à prendre pour améliorer la situation, notamment celle des garderies francophones en milieu minoritaire à l’Île-du-Prince-Édouard?
[Traduction]
Mme Nangreaves : Je vous remercie pour votre question, sénateur, et j’espère que vous m’excuserez de vous répondre en anglais.
Bien sûr, une stratégie profitera à tous les secteurs de la main‑d’œuvre. Les centres de la minorité francophone sont intégrés au système de réglementation publique de l’Île-du-Prince-Édouard, alors ils ont accès à tous ces avantages et à des initiatives de financement de grande qualité. Il est certain que la poursuite d’un investissement pour le recrutement et le maintien en poste est une priorité.
Je parle régulièrement avec la directrice, et je sais que le recrutement est difficile pour les centres anglophones, et encore plus difficile pour les centres francophones. Nous entretenons d’excellentes relations avec notre collège francophone local — le Collège de l’Île —, et nous nous efforçons d’attirer un plus grand nombre d’étudiants aux postes de premier échelon des centres. Plus récemment, nous avons visité des écoles secondaires dotées d’un programme d’immersion en français pour souligner que les centres francophones cherchent des éducateurs dûment formés. Il est certain que toutes les nouvelles démarches à l’égard du recrutement et du maintien en poste aident l’ensemble de la main-d’œuvre alors, bien sûr, il aide nos groupes minoritaires.
Le sénateur Cormier : Merci.
La sénatrice McPhedran : J’aimerais revenir à la question que j’ai posée au groupe de témoins précédent sur la proposition d’un amendement visant à ajouter une définition. J’espère que vous avez entendu cette discussion, comme cela je n’aurai pas besoin de tout répéter.
Auriez-vous perçu un consensus parmi les fervents défenseurs de ce projet de loi sur le libellé de cette définition?
J’ai lu un libellé proposé par Mme Martha Friendly. Je sais que dans le document de Mme Morna Ballantyne, il y a une autre définition. Je cherche vraiment à dégager un certain consensus parmi celles d’entre vous qui défendent si ardemment ce projet de loi.
Mme Bertrand : Comme je l’ai dit, si l’éducation publique n’est pas exclue de la définition, nous proposons de ne pas en éliminer les programmes préscolaires que suivent les enfants qui n’ont pas l’âge de fréquenter l’école obligatoire. À mon avis, une définition générale qui reconnaît que l’éducation de la petite enfance, l’apprentissage et la garde des jeunes enfants ainsi que les prématernelles, les maternelles et autres, peuvent être offerts dans le cadre de programmes agréés administrés par les écoles ajouterait beaucoup de valeur au projet de loi.
Nous recommandons fortement que l’on n’élimine pas la possibilité d’offrir ce genre de programmes scolaires et préscolaires dans les écoles, parce qu’ils ont eu énormément de succès lorsqu’on les a offerts de façon générale en Nouvelle-Écosse et en Ontario.
Mme Nangreaves : Il est certain que notre association est en faveur d’une définition. Grâce aux amendements et à ce processus, je pense que la plupart de nos membres comprennent que les défenseurs veulent une définition qui spécifie que les services soient autorisés et réglementés et fournis par des éducateurs de la petite enfance dûment formés et agréés.
Nous ne voudrions surtout pas que si la définition est trop large, dans quelques années, lorsque nous ne serons plus à la table, certains éléments défavorables se glissent dans la loi. Nous savons que pour assurer la qualité, il nous faut un système autorisé et réglementé, un système géré par le secteur public qui exige l’assurance de la qualité. Notre association est favorable à l’adoption d’une définition qui protège clairement cette notion à l’avenir.
La sénatrice McPhedran : Merci.
Le sénateur Cardozo : Merci à nos trois témoins d’aujourd’hui. Vous nous avez fourni beaucoup d’information intéressante.
Je tiens à saluer Mme Jane Bertrand, avec qui j’ai eu la chance de travailler au fil des ans dans le cadre de mes fonctions au Centre Pearson. Je tiens à vous remercier, madame Bertrand, vous et l’honorable Margaret McCain, qui a consacré de nombreuses années à résoudre cette importante question.
Ma question s’adresse à vous deux : en envisageant d’apporter des amendements au projet de loi — vous avez peut-être remarqué que j’ai posé la même question au groupe de témoins précédent —, on se trouve toujours devant un dilemme : voulons-nous améliorer le projet de loi en courant le risque d’en retarder l’adoption ou voulons-nous l’adopter dans sa forme actuelle simplement pour qu’il franchisse la ligne d’arrivée aussitôt que possible?
Quel conseil nous donneriez-vous? Les changements que vous aimeriez voir sont-ils suffisamment importants pour que nous les proposions? Comme la sénatrice Dasko l’a souligné, le comité réussit parfois à accomplir ces deux choses — apporter des amendements et les faire adopter —, mais au cas où il n’y parviendrait pas, que nous conseilleriez-vous de faire?
Mme Nangreaves : Je suis optimiste de nature, alors je pense que vous réussirez à faire les deux. Nous n’avons que peu de temps, et je tiens à célébrer ce projet de loi, mais je ne crois pas que la définition ne causera tant de problèmes en cours de route. Elle donne une assurance supplémentaire aux générations futures et aux futurs sénateurs qui se pencheront sur cette question ainsi qu’aux provinces, aux territoires et aux peuples autochtones.
C’est un dilemme, mais je suis optimiste et je suis sûre que le comité parviendra à faire les deux.
Mme Bertrand : C’est un dilemme, en effet. J’hésiterais à proposer une définition qui n’indique pas clairement quels modèles seront inclus et lesquels ne le seront pas. Comme je l’ai déjà dit, je ne voudrais pas perdre ce qui peut être offert par l’intégration de nos services dans le système d’éducation publique à cause d’une définition. Il faudrait la rédiger en gardant cela à l’esprit et envisager une définition aussi simple que possible. S’il n’est pas possible de la rédiger d’une manière simple et que cela entrave l’adoption du projet de loi, alors tant que rien n’empêche la prestation de programmes d’éducation de la petite enfance dans le secteur sans but lucratif et dans le secteur public, j’irais dans cette direction.
Il faut vraiment mettre l’accent sur le principe énoncé au début du projet de loi, à savoir qu’il s’agit d’une prestation de services sans but lucratif réglementée par le secteur public. Nous préférons cela et voulons restreindre cette prestation dans le secteur commercial. Le plus grand risque que court cette initiative est de dépendre du secteur commercial pour progresser. Nous devons veiller à ce que cela ne se produise pas, ce qui nous ramène à notre effort d’exiger que l’éducation publique en devienne la plateforme, l’infrastructure. C’est une prestation publique qui, à l’avenir, favorisera les services d’éducation de la petite enfance.
Le sénateur Cardozo : Comme ces questions sont difficiles à régler, le projet de loi dans sa forme actuelle établit-il un équilibre, et êtes-vous satisfaite du projet de loi dans sa forme actuelle?
Mme Bertrand : Il faudrait que je l’examine plus en détail pour voir s’il s’y trouve des dispositions qui empêchent d’intégrer la prestation de ces services dans le système d’éducation publique. Je ne voudrais certainement pas ajouter quoi que ce soit qui empêche l’intégration de nos services dans le système d’éducation publique.
Je suis désolée de ne pas en savoir plus. Je pourrais peut-être vous proposer d’envoyer une réponse écrite à cette question après y avoir réfléchi davantage.
Le sénateur Cardozo : Oui, si vous voulez bien. Ce serait très utile.
J’ai une question générale à vous poser à toutes les deux pour revenir aux principes de base.
Nous avons conclu toutes sortes d’ententes avec les provinces et les territoires. Pouvez-vous nous dire en une ou deux phrases pour quelle raison nous avons besoin d’adopter ce projet de loi maintenant?
Mme Nangreaves : Cette initiative a transformé notre secteur, à l’Île-du-Prince-Édouard, depuis juillet 2021. En octobre, il y a eu des augmentations de salaire, et une bonne partie des frais de garde que les familles payaient ont disparu. Nous avons besoin de l’engagement du gouvernement fédéral pour effectuer cette intégration et pour bien renforcer nos fondations et notre main-d’œuvre afin de continuer à fournir des services de bonne qualité. Ces engagements et ces investissements provinciaux et fédéraux et le fait que cela soit inscrit dans la loi transformeront notre secteur non seulement à l’Île-du-Prince-Édouard, mais dans tout le pays. C’est très important pour l’Île-du-Prince-Édouard.
Le sénateur Cardozo : Le passage de l’accord à une loi fédérale est-il important pour vous?
Mme Nangreaves : Oui.
Le sénateur Cardozo : Merci. Madame Bertrand?
Mme Bertrand : Oui, une loi fédérale qui renforce vraiment le principe de la prestation des services fournie dans le système d’éducation publique et par des organismes sans but lucratif est importante pour l’avenir. Les gouvernements subséquents auront beaucoup plus de peine à démanteler cela. Ceux d’entre nous qui ont vécu ces choses ont vu ce qui s’est produit lorsque la loi n’était pas encore en vigueur. Le gouvernement suivant a pu très facilement annuler les engagements fédéraux.
C’est en partie pour cette raison que nous tenons à l’inscrire dans une loi. Les gouvernements peuvent intervenir et modifier des lois et démanteler des engagements, mais il est beaucoup plus difficile de démanteler une loi quand elle est en vigueur. C’est ce qui motive les gens à vouloir faire adopter ce projet de loi.
En même temps, nous devons veiller à ne pas ouvrir la voie à des investissements massifs de l’entreprise dans des garderies commerciales qui engloutissent les ressources publiques, comme cela s’est produit en Australie et au Royaume-Uni. Il est important que cet engagement soit en place et que la loi soit suffisamment forte pour le maintenir.
Je n’ai cité que quelques lignes de la déclaration de la sénatrice Moodie au début de mes notes. La sénatrice Moodie a conclu sa déclaration préliminaire devant le comité du Sénat en disant qu’il fallait s’en tenir à la prestation de services publics et sans but lucratif, que ces services sont un bien public. Je pense que c’est l’argument le plus puissant à avancer pour faire adopter ce projet de loi aussi rapidement que possible. D’un autre côté, nous voulons nous assurer qu’il garantira cela.
Le sénateur Cardozo : Merci beaucoup.
La présidente : Chers collègues, il nous reste un peu de temps. Si vous voulez bien, je vais poser ma question, et j’encourage mes collègues qui se sont retenus de poser les leurs à cause du manque de temps le fassent maintenant, parce que nous avons du temps en abondance.
Madame Nangreaves, on nous a dit hier que, même si les ententes qui ont été signées ont entraîné la création de 276 395 nouvelles places dans les garderies, cela ne signifie pas que ces enfants y sont admis, parce que bien des centres manquent de capacité. Je remarque que l’Île-du-Prince-Édouard s’est engagée à offrir 452 places de plus.
Pouvez-vous nous dire si ces postes sont occupés par des bébés et des enfants ou s’il s’agit de postes vacants parce que nous ne trouvons pas de personnel?
Mme Nangreaves : Je vous remercie pour cette question. Nous avons vu une augmentation du nombre de places et d’enfants qui les occupent. Ajoutons que, comme je l’ai dit tout à l’heure, nous tenons un registre des services de garde d’enfants fournis dans toute la province afin de déterminer les régions, surtout les régions rurales, qui ont un besoin urgent de places et de personnel supplémentaires.
Je tiens à souligner que dans tout le pays, les centres manquent surtout de main-d’œuvre. Par conséquent, dans le cadre de son entente de l’année dernière, l’Île-du-Prince-Édouard a beaucoup investi dans des bourses d’études et dans des occasions de formation pour s’assurer qu’à mesure que nous prendrons de l’expansion, nous aurons le personnel nécessaire pour ces nouvelles places.
Nous avons vu toute une croissance depuis juillet 2021. Les familles ont accès à la garde d’enfants. Cependant, comme nous nous joignons maintenant au reste des provinces et des territoires, nous avons encore des familles qui n’y ont pas accès. Nous essayons d’agir de façon stratégique en faisant valoir qu’une autre partie du gouvernement de l’Île-du-Prince-Édouard possède aussi l’infrastructure et les fonds nécessaires pour fournir nos services.
Ce n’est pas toujours évident. Il y a deux ou trois choses en jeu, mais pour répondre à votre question, nous agissons de façon stratégique.
La sénatrice Seidman : Ma question est liée à la question que la sénatrice Omidvar vient de poser. Si je regarde les données publiées par Statistique Canada le 5 octobre 2023, la proportion d’enfants de moins de six ans qui participent à n’importe quelle forme de services de garde, par province, au cours des années 2019, 2020 et 2022, je constate une tendance intéressante. Les chiffres ont diminué au fil du temps au lieu d’augmenter, et dans des proportions assez élevées. À l’Île-du-Prince-Édouard, le nombre a diminué de 8 % en trois ans.
Nous pourrions réfléchir à la raison pour laquelle cela s’est produit, comme la COVID, par exemple, mais je me demande s’il se passe quelque chose d’autre et si les places sont annoncées, mais que l’on manque de personnel. Je me demande si, comme il n’y a pas assez de responsables pour s’occuper des enfants, les places restent vides, et il y a moins d’enfants en garderie.
Madame Nangreaves, puisqu’on vous pose des questions au sujet de l’Île-du-Prince-Édouard aujourd’hui, puis-je vous poser une question à ce sujet, si vous comprenez la situation?
Mme Nangreaves : Pourriez-vous s’il vous plaît me répéter le début de la question? Le nombre d’enfants qui ont accès aux services de garde a diminué? Est-ce bien ce que vous disiez?
La sénatrice Seidman : Oui, la participation. Le nombre d’enfants de moins de six ans qui participent à une forme ou une autre de services de garde a diminué pendant les années 2019, 2020 et 2022. Il a diminué chaque année.
Mme Nangreaves : Je ne veux pas contredire Statistique Canada. Je suppose que la pandémie a eu une influence sur ces chiffres. Je peux seulement parler de ce que nous voyons dans le registre des garderies. Il y a certainement une demande. À mesure que les frais que les familles paient diminuent, la demande augmente, et je ne parle pas seulement des nourrissons et des tout-petits. C’est une demande générale. Je n’ai pas grand‑chose à ajouter, malheureusement, je suis désolée. Si vous le voulez, madame la sénatrice, je peux vous envoyer une réponse plus tard.
La sénatrice Seidman : Il serait intéressant de savoir s’il y a des lacunes dans la collecte des données, surtout parce que cette diminution a été constatée dans toutes les provinces, sans exception. Vous le verrez vous-même. Ce pourrait être dû simplement à la pandémie, car les parents n’ont pas envoyé leurs enfants à la garderie et les ont gardés à la maison.
Cependant, s’il s’agit d’accès, c’est un tout autre problème. Si vous ouvrez des places, mais que les places ne peuvent pas être comblées de sorte que les enfants n’obtiennent pas leur place parce que l’on manque d’éducateurs, il serait difficile de le savoir. S’il y a moyen de le savoir, ce serait intéressant. Merci.
Mme Bertrand : Si vous me le permettez, nous vérifierons cela auprès de l’Atkinson Centre, qui surveille la situation, et auprès de Gordon Cleveland, qui comprend ces données beaucoup mieux que moi, et nous vous enverrons une réponse écrite.
Je dirais que oui, la pandémie a eu un impact énorme. Les centres ont fermé et n’ont accepté que les cas urgents. Il faut du temps pour rouvrir et reconstruire. C’est mon premier point.
Deuxièmement, de nombreux centres ferment des salles parce qu’ils ne peuvent pas attirer de personnel qualifié. C’est certainement un problème à Toronto. Même s’il y a des listes d’attente, ces places et ces salles ne sont pas accessibles parce qu’il n’y a pas assez de personnel qualifié. C’est un facteur très important.
La sénatrice Seidman : J’aimerais vraiment que vous vérifiiez auprès de l’Atkinson Centre. Merci beaucoup.
La présidente : Je suis déçue que nous n’ayons pas pu entendre Mme Kehl sur ces questions locales et plus générales. Je crois que la question s’adresse aussi à vous, madame Kehl, alors tout ce que vous pourrez faire pour nous aider à comprendre le point de vue du Manitoba serait utile.
Madame Bertrand, nous attendons avec impatience votre version de la définition qui inclurait les services de garde pour les programmes d’activités parascolaires dans les écoles et dans les établissements publics.
Mme Bertrand : Je ne parlais pas des services de garde d’enfants d’âge scolaire qui sont en première année et plus. Je parlais des programmes préscolaires à temps plein pour les enfants de 3, 4 et 5 ans, pour qu’ils soient reconnus et intégrés dans le cadre du système pancanadien. Je vais rédiger une définition et vous l’envoyer.
Nous tenons à éviter de laisser dans cette définition tout élément qui empêcherait que les services de garde des très jeunes enfants soient intégrés dans le système d’éducation publique.
La présidente : Nous avons hâte de la lire.
Sur ce, je tiens à remercier nos témoins. Votre travail sur le terrain a beaucoup enrichi notre point de vue sur ce projet de loi.
Encore une fois, madame Kehl, nous nous excusons profondément pour ces problèmes techniques, mais nous tenons à lire vos commentaires.
(La séance est levée.)