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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 23 novembre 2023

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui, à 11 h 30 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi S-235, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté et la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

La sénatrice Ratna Omidvar (présidente) occupe le fauteuil.

La présidente : Je veux d’abord souhaiter la bienvenue aux membres du comité, aux témoins et aux gens qui assistent à nos délibérations.

Je m’appelle Ratna Omidvar; je suis sénatrice de l’Ontario et présidente de ce comité.

Avant d’aller plus loin, il serait peut-être bon que nous fassions un tour de table pour que vous vous présentiez à nos témoins — mais peut-être davantage dans ce cas-ci aux gens qui nous regardent — en commençant par l’une des membres de notre comité directeur, la sénatrice Seidman.

La sénatrice Seidman : Sénatrice Judith Seidman.

Bienvenue à notre comité, sénatrice Pate et sénatrice Jaffer. Nous avons grand-hâte d’entendre vos exposés.

Le sénateur Cormier : Sénateur René Cormier, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Je suis ravi de vous rencontrer.

[Français]

La sénatrice Mégie : Marie-Françoise Mégie, du Québec.

[Traduction]

Je suis moi aussi heureuse de vous rencontrer.

La sénatrice Bernard : Wanda Thomas Bernard, de la Nouvelle-Écosse. Bienvenue.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Chantal Petitclerc, du Québec. Merci d’être là.

[Traduction]

La sénatrice McPhedran : Marilou McPhedran, du Manitoba. Bienvenue.

La sénatrice Moodie : Rosemary Moodie, de l’Ontario.

La sénatrice Burey : Sharon Burey, sénatrice de l’Ontario. Bienvenue

La présidente : C’est avec plaisir que nous accueillons deux collègues qui nous sont chères pour cette étude du projet de loi S-235. Il s’agit de la sénatrice Jaffer qui parraine ce projet de loi; et de la sénatrice Pate, qui est un peu à l’origine de cette initiative. Nous nous réjouissons à la perspective de vous entendre toutes les deux. Vous avez 10 minutes pour nous présenter vos observations préliminaires. Vous pouvez les partager comme bon vous semble.

L’hon. Mobina S.B. Jaffer, marraine du projet de loi : Merci à tous pour votre accueil si chaleureux. C’est vraiment agréable d’être reçue de cette manière.

Honorables sénateurs, permettez-moi d’abord de vous faire entendre la voix d’un de ces nombreux non-citoyens pris en charge par l’État avec lesquels j’ai eu l’occasion d’échanger dans le cadre de mon travail de préparation pour le projet de loi S-235 :

J’ai été placé dans une famille d’accueil à l’âge de 5 ans pour des raisons qu’un enfant de cinq ans ne peut pas comprendre. Je ne savais pas trop quoi penser et ma famille me manquait beaucoup.

Je ne savais pas où je m’en allais et pour quelle raison mes parents ne venaient pas avec moi.

Ils étaient toujours avec moi, même lorsque nous étions en fuite.

On m’a emmené dans une famille qui n’était pas la mienne.

Pourquoi donc? Est-ce que j’avais mal agi? Était-ce une punition?

Puis, les choses se sont bousculées. J’ai vécu dans 12 foyers d’accueil différents.

À l’école, je me levais chaque matin pour l’hymne national du Canada. Le 1er juillet de chaque année, je célébrais ma fierté d’être canadien. Même si je considérais ce pays comme le mien, je n’ai jamais eu le statut de citoyen.

À 16 ans, j’ai essayé de retracer ma mère, mais je ne me souvenais plus de l’endroit où elle vivait.

Je me suis retrouvé dans la rue, et j’ai commencé à avoir des démêlés avec la justice. Je devais me débrouiller pour survivre.

De l’itinérance, je suis passé à l’incarcération avant d’être expulsé vers la Jamaïque. Mais pourquoi la Jamaïque? Je ne connaissais personne dans ce pays.

Honorables sénateurs, ce n’est là que l’une des nombreuses histoires déchirantes que j’ai pu entendre en préparant ce projet de loi. Celui-ci fera toutefois en sorte que nous n’entendions plus jamais de récits semblables.

Avant d’aller plus loin, je veux remercier la sénatrice Omidvar et le comité de procéder à l’étude de ce projet de loi. Je veux aussi remercier la sénatrice Pate de m’avoir encouragé à le parrainer.

On peut dire d’une manière générale que le projet de loi S-235 vise à conférer la citoyenneté canadienne aux enfants de parents réfugiés et immigrants qui ont été pris en charge par l’État. Après avoir passé 365 jours comme pupilles de l’État, ces enfants seront officiellement reconnus comme des citoyens canadiens. Ainsi, le projet de loi S-235 comble un vide juridique qui, bien que d’une envergure restreinte, a des conséquences dramatiques pour les pupilles n’ayant pas la citoyenneté canadienne du fait qu’ils risquent, une fois rendus à l’âge adulte, d’être expulsés s’ils sont reconnus coupables d’une infraction criminelle.

Le projet de loi S-235 repose sur trois éléments fondateurs : la Convention relative aux droits de l’enfant; la Charte canadienne des droits et libertés; et le rôle de l’État tenant lieu de parent pour les enfants confiés à sa charge, comme le prévoient les lois provinciales.

En vertu de la Convention relative aux droits de l’enfant, les gouvernements canadien et provinciaux doivent prendre toutes les décisions voulues dans l’intérêt supérieur des enfants pris en charge par l’État de telle sorte qu’ils puissent notamment vivre à l’abri de toute discrimination, se développer normalement, obtenir le soutien nécessaire et bénéficier d’un appui adéquat à long terme.

La Cour suprême du Canada l’a d’ailleurs confirmé comme suit dans l’arrêt Baker :

Les valeurs et les principes de la Convention reconnaissent l’importance d’être attentif aux droits des enfants et à leur intérêt supérieur dans les décisions qui ont une incidence sur leur avenir...

Étant donné les répercussions dramatiques et néfastes pour les pupilles de l’État qui n’ont pas la citoyenneté, le gouvernement se doit, en vertu du droit international, de conférer ce statut aux pupilles non canadiens.

Le projet de loi S-235 reconnaît que les enfants en question sont victimes de discrimination par rapport aux autres pupilles de l’État du fait qu’ils n’ont pas la citoyenneté canadienne, ce qui pourrait contrevenir aux articles 7 et 15 de la Charte canadienne des droits et libertés.

Étant donné l’incertitude qui règle quant à leur avenir en tant que Canadiens, les plans de prise en charge de ces pupilles demeurent incomplets si l’État n’entend pas leur donner accès à la citoyenneté. Leur droit à la vie et à la sécurité pourrait être en péril, comme c’est le cas pour M. Abdi, un dossier dont je vais vous parler dans quelques minutes.

Il n’en demeure pas moins que les pupilles n’ayant pas la citoyenneté ne doivent pas être traités différemment en raison de leurs origines, d’autant plus qu’ils sont pris en charge par l’État. Cette discrimination est particulièrement répréhensible parce que ces pupilles sont des citoyens canadiens à tous les égards, à la différence près qu’ils n’en ont pas le statut officiel. Ils ont des racines ici; ils connaissent la langue et la culture. Ils font partie du Canada au même titre que tout autre citoyen. Le projet de loi S-235 permettra donc de reconnaître officiellement le statut ces pupilles qui sont déjà des Canadiens sous tous les autres aspects.

Le projet de loi S-235 reconnaît que les gouvernements provinciaux et les autorités locales agissent explicitement en tant que parents de remplacement quand vient le temps de prendre des décisions dans l’intérêt supérieur des pupilles dont ils ont la charge, qu’ils aient ou non la citoyenneté.

Cela ressort clairement des lois provinciales, comme la Loi sur la protection de la jeunesse au Québec et la Loi sur les services à l’enfance, à la jeunesse et à la famille en Ontario. Il est en effet mentionné à maintes reprises dans ces lois que l’État a les droits et les responsabilités d’un parent aux fins de la prise en charge, de la garde et de la surveillance des enfants.

En conséquence, le projet de loi S-235 reconnaît que cette responsabilité exige notamment que l’on attribue la citoyenneté aux pupilles qui ne l’ont pas, encore une fois dans le souci de servir leurs intérêts supérieurs.

En terminant, je voudrais porter à votre attention le cas d’Abdoul Abdi qui est arrivé en Nouvelle-Écosse à titre de réfugié à l’âge de six ans. Après avoir été pris en charge en 2001, il a dû séjourner dans pas moins de 31 foyers d’accueil. J’ai pu constater que, surtout dans certaines provinces, les enfants noirs ou racisés doivent changer de famille d’accueil à de nombreuses reprises, et ce, même lorsqu’ils n’ont rien à se reprocher. Je suis certaine que vous êtes nombreux à le savoir déjà. Abdoul Abdi et sa sœur, qui va témoigner devant vous d’ici quelques semaines, ont été victimes de graves sévices d’ordre sexuel, physique et émotionnel. Une fois jeune adulte, il a dû composer avec des accusations criminelles et la menace d’être expulsé vers la Somalie, un pays qu’il connaissait à peine. Je vous rappelle qu’il est arrivé au Canada à l’âge de six ans.

Bien que l’ordonnance d’expulsion ait été ensuite infirmée grâce à des démarches juridiques et publiques, Abdoul n’a toujours pas obtenu sa citoyenneté canadienne. Grâce à ce projet de loi, aucun pupille de l’État n’ayant pas la citoyenneté ne pourra désormais se retrouver dans une situation semblable.

Honorables sénateurs, nous voulons toutes les deux vous rappeler que les enfants pris en charge par l’État sont des enfants au même titre que les nôtres. Nous devons les protéger et en prendre bien soin. Veiller à ce qu’ils obtiennent leur citoyenneté canadienne est l’une des clés pour y parvenir.

Pour avoir été moi-même réfugiée, je peux vous dire sincèrement que la citoyenneté canadienne revêt une importance capitale. Lorsqu’on nous a accordé notre citoyenneté, mon fils avait sept ans. Il a agité son petit drapeau toute la journée en disant à tout le monde : « Maintenant, je suis un citoyen canadien. » C’est l’essence même du sentiment d’appartenance. C’est à partir de ce moment-là qu’il a senti qu’il vraiment faisait partie de ce pays. Nous venons vous dire que les enfants qui sont pris en charge par l’État méritent notre protection.

Je vous remercie, honorables sénateurs, de m’avoir écoutée. La sénatrice Pate a peut-être aussi quelques observations à vous faire.

L’hon. Kim Pate : La seule chose que je pourrais dire, c’est que je vous remercie d’avoir parrainé ce projet de loi, sénatrice Jaffer. Je tiens également à remercier la sénatrice Omidvar qui en a été l’inspiration.

Ceux parmi vous qui étaient au Sénat lorsque le projet de loi C-6 était à l’étude se souviendront qu’un amendement avait alors été proposé par le sénateur Oh. Il a soumis cet amendement en se fondant sur un dossier qui m’occupait lorsque j’ai été nommée au Sénat. C’était celui de Fliss Cramman, une jeune femme blanche qui a obtenu sa citoyenneté après coup. Je pense que personne ne devrait l’oublier. Il a présenté cet amendement dans le but de corriger les mêmes problèmes que le projet de loi S-235 permet maintenant de régler. À ce moment-là, il a été déterminé par certains députés à la Chambre que si j’allais de l’avant en voulant apporter un correctif au moyen d’un autre amendement, un amendement favorable en quelque sorte, le projet de loi serait rejeté. Pour ne pas sonner le glas de ce projet de loi, j’ai accédé à cette requête et, comme la sénatrice Omidvar m’a encouragée à le faire, j’ai mis au point un projet de loi d’initiative parlementaire que la sénatrice Jaffer a gentiment accepté de parrainer.

Voilà donc un peu l’historique de ce projet de loi. Il s’agit d’apporter un correctif alors qu’on croyait l’avoir déjà fait avec cet autre projet de loi. Le gouvernement est bien conscient de l’importance cruciale de cet enjeu comme en témoigne la politique récemment élaborée dans l’espoir de régler la question. Cela n’a malheureusement pas été le cas parce que l’on ne garantit pas la citoyenneté à tous les enfants qui se retrouvent dans des situations semblables. On offre bien au contraire un mécanisme auxiliaire permettant uniquement l’octroi d’un permis de séjour temporaire en précisant la nécessité d’une ordonnance judiciaire établissant l’entière responsabilité parentale légale du régime de protection de l’enfance.

Nous devrions certes obtenir les statistiques des différentes provinces à ce sujet, mais je peux vous dire, pour avoir moi-même traité quantité de dossiers semblables depuis quatre décennies et demie, que le nombre de ceux où une telle chose se produit n’est pas significatif, surtout pour ce qui concerne certains de ces jeunes dont nous parlons. En effet, cette politique vise à sauver les apparences. Elle cherche à donner l’impression que le problème sera réglé, alors que ce n’est pas le cas. Il s’agit seulement d’une politique; ce n’est pas une loi.

Je vous encourage vivement à appuyer le projet de loi présenté par la sénatrice Jaffer. Je serai ravie de répondre à vos questions.

La présidente : Merci, sénatrices Jaffer et Pate, pour vos remarques liminaires. Je me dois aussi de vous féliciter pour votre persévérance. Le projet de loi C-6 a été présenté en 2016. Nous voilà rendus en 2023. Je veux que les gens qui nous regardent comprennent bien que les choses peuvent parfois évoluer très lentement. Elles finissent toutefois par bouger grâce à la détermination de collègues comme la sénatrice Jaffer et la sénatrice Pate.

Nous allons maintenant passer à la période consacrée aux questions. Vous aurez droit à quatre minutes chacun pour ce faire. Si vous me permettez de poser la première, je voudrais demander une précision aux sénatrices Jaffer et Pate. Pouvez-vous me confirmer que ce projet de loi n’aura aucune application rétroactive?

La sénatrice Jaffer : Il ne sera effectivement pas d’application rétroactive. Par ailleurs, j’ai trouvé dans le projet de loi une erreur que j’ai corrigée. On devrait plutôt dire : « la personne s’est trouvée dans l’une des situations énoncées dans les divisions (i)(A) à (C) pendant 365 jours. » Le libellé actuel n’est pas clair à ce sujet.

La présidente : À quelle ligne du projet de loi trouve-t-on ce passage?

La sénatrice Jaffer : Je vais l’envoyer à tout le monde. C’est à la ligne 3 de la page 3 du projet de loi.

La présidente : À la page 3.

La sénatrice Jaffer : Oui, à la ligne 3. C’est un ajout que je propose pour que les choses soient plus claires.

La présidente : Allez-vous présenter un amendement pour apporter cette correction d’ici la fin de la réunion?

La sénatrice Jaffer : Je vais le faire lors de l’étude article par article du projet de loi. Je voulais simplement porter le tout à votre attention.

La présidente : Nous verrons ce que les gens du ministère ont à nous dire, mais ma question concerne davantage la sphère politique. Avez-vous pu en discuter avec le ministre hier ou aujourd’hui, ou avec son prédécesseur? Est-ce que l’on est disposé à modifier la loi de cette manière?

La sénatrice Jaffer : Le ministre Fraser était très ouvert à l’idée. Je collaborais avec lui avant qu’il y ait remaniement. Vous savez comme moi que le premier ministre a indiqué publiquement qu’il est prêt à envisager un tel changement. Au besoin, je peux transmettre ces prises de position à nos fonctionnaires. Le ministre Miller vient d’arriver en poste. J’ai eu l’occasion de lui parler. Il m’a indiqué être personnellement favorable à cette proposition, mais je ne peux pas vous en dire davantage pour l’instant.

La présidente : Merci.

La sénatrice Pate : Si je puis me permettre d’ajouter quelque chose, lors de la mise au point initiale de ce projet de loi, le ministre Mendicino y était certes favorable.

La sénatrice Jaffer : Oui, très favorable. Je l’avais oublié, mais vous avez raison. Le ministre Mendicino n’a pas cessé de nous appuyer dans cette démarche.

La présidente : Merci à vous deux.

La sénatrice Seidman : Je vous ai déjà souhaité chaleureusement la bienvenue, plutôt que de me présenter. Merci, sénatrice Jaffer, de nous soumettre ce projet de loi. Je sais que c’est une cause qui vous tient à cœur, et je vous en suis vraiment reconnaissante.

Vous pouvez sans doute prévoir le genre de questions que je m’apprête à vous poser. Je ne sais pas s’il existe des données. Par exemple, combien d’enfants sont actuellement placés à l’extérieur du domicile familial au Canada et combien parmi eux atteindront bientôt l’âge limite de la prise en charge? Savons-nous combien d’adultes canadiens ne sont plus ainsi pris en charge? Avons-nous des statistiques sur ces différents aspects? Avons-nous une idée du nombre de personnes risquant l’expulsion qui auraient pu se voir octroyer la citoyenneté en vertu des dispositions que vous proposez? C’est en quelque sorte une question d’ordre général pour savoir si des données sont disponibles.

La sénatrice Jaffer : Merci pour ces questions. Comme j’ai travaillé avec vous pendant toutes ces années, je savais que vous me les poseriez.

Je dois vous avouer qu’il n’est pas facile d’obtenir des données. Notre analyste a accompli un excellent travail pour nous donner accès à un ensemble complet de données que vous trouverez dans la documentation et que je ne répéterai donc pas maintenant. Jusqu’à tout récemment, on ne notait pas la race ou l’origine ethnique des enfants pris en charge. Je n’ai donc pas pu obtenir de données à ce sujet. Les seuls renseignements à notre disposition sont donc ceux que notre analyste a inclus dans la documentation. Je crois que le dernier témoin prévu dans le cadre de cette étude pourra peut-être vous fournir de plus amples informations.

Je peux d’ores et déjà vous dire qu’en 2020, 686 personnes étaient sur le point d’être expulsées du pays.

La sénatrice Seidman : D’accord. Ne croyez-vous pas qu’il devrait y avoir un moyen de collecter des données à ce sujet? Par exemple, le projet de loi ne pourrait-il pas renfermer des dispositions prévoyant l’intégration d’un processus de collecte de données?

La sénatrice Jaffer : C’est vraiment une excellente question, car la collecte des données est cruciale pour bien des raisons. Aucun gouvernement ne le fait, même si ce serait une bonne idée. Je n’essaie pas d’éluder la question. Nous serions disposées à accueillir un amendement si c’est ce que vous souhaitez faire, mais je dirais que les fonctionnaires savent sans doute de quoi il en retourne. On compile maintenant des données sur la race, mais on vient juste de commencer à le faire.

La sénatrice Seidman : Sénatrice Pate, je crois que vous voulez ajouter quelque chose.

La sénatrice Pate : La difficulté vient en partie du fait, sénatrice Seidman, que les données sont réparties entre les différents gouvernements. Lorsque quelqu’un arrive au pays à titre de réfugié ou d’immigrant, certaines données sont consignées. Nous savons donc à quel moment les enfants arrivent au Canada. Les renseignements sur leur prise en charge par l’État sont ensuite du ressort de la province ou du territoire concerné. La situation a notamment toujours été problématique du fait que ces gouvernements ne font pas toujours le nécessaire à ce chapitre.

À ce titre, je peux vous donner l’exemple de Fliss Cramman. Elle a basculé dans la criminalité après avoir vécu une longue suite de situations de mauvais traitements. Elle s’est retrouvée incarcérée, et c’est uniquement lorsqu’on a procédé à des vérifications pour déterminer notamment son admissibilité à une libération conditionnelle que l’on a constaté qu’elle n’avait pas la citoyenneté canadienne, alors même qu’elle croyait l’avoir. C’est d’ailleurs le cas de bon nombre des enfants dont nous parlons aujourd’hui. Ils pensent être des citoyens canadiens. Lorsqu’ils atteignent l’âge limite pour la prise en charge, ils ne savent pas qu’ils n’ont pas la citoyenneté. Il arrive souvent qu’ils le découvrent seulement lorsqu’ils ont des démêlés avec la justice.

La sénatrice Seidman : C’est une partie du problème.

La sénatrice Pate : Tout à fait. Les provinces devraient assumer une responsabilité à cet égard, et c’est un message, possiblement très senti, que l’on pourrait transmettre à tous les ministres provinciaux responsables de la protection de l’enfance.

La sénatrice Seidman : Il y a bien sûr les questions de compétence que vous avez déjà mentionnées, ce qui complique davantage la situation.

[Français]

La sénatrice Mégie : Selon les réponses que vous avez données à la sénatrice Seidman, les données sont difficiles à trouver. Est-ce qu’on pourrait ajouter, dans la recherche, des données sur les pays d’origine de ces enfants et leur appartenance ethnique, qui pourraient peut-être faire partie des données désagrégées?

Est-ce qu’on a déjà fait une analyse comparative entre les sexes plus ou ACS Plus pour comprendre l’impact du projet de loi S-235 sur cette population visée, soit jeune ou adulte, mais qui n’a pas la citoyenneté? Est-ce qu’il existe une ACS Plus qui a été faite là-dessus?

La sénatrice Jaffer : Sénatrice, j’ai cherché les données, comme vous avez dit. Malheureusement, je n’ai pas trouvé. Peut-être que le gouvernement a ces données, mais je ne le sais pas. Je suis désolée.

La sénatrice Mégie : Pour ces enfants, est-ce qu’on est au courant s’ils viennent ici et ne parlent aucune des langues officielles du Canada comme langue maternelle? Comment le gouvernement va-t-il s’assurer que les personnes touchées par ces conditions sont bien informées de ce problème? Est-ce qu’on a pensé à cela? Est-ce que cela a été prévu?

La sénatrice Jaffer : Cette situation est vraiment difficile. Il y a beaucoup d’enfants qui ne parlent pas les langues officielles. Cela ajoute au problème au sujet des enfants. Je ne sais pas ce que le gouvernement a fait. Je suis désolée.

La sénatrice Mégie : D’accord. Merci.

[Traduction]

La sénatrice Bernard : J’ai quelques questions à poser. J’allais poser une question sur les données, mais je pense que nous en avons suffisamment parlé.

J’ai quelques autres questions. Il est bien documenté qu’il existe une voie rapide entre les services de la protection de l’enfance et l’incarcération. Pouvez-vous nous parler de ce que vous avez appris dans vos recherches sur la voie directe entre les services de la protection de l’enfance et l’incarcération pour les pupilles de l’État qui n’ont pas la citoyenneté canadienne? Est-ce que c’est à ce moment-là que la plupart des gens découvrent qu’il s’agit d’un problème? Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce sujet, s’il vous plaît?

La sénatrice Pate : C’est exactement ce qui a motivé la création de ce projet de loi, car la majorité de ces personnes — et c’est ce que le sénateur Oh essayait de corriger dans le projet de loi C-6 — ne savent même pas qu’elles n’ont pas la citoyenneté. Elles croyaient déjà l’avoir, car elles pensaient que lorsqu’elles étaient prises en charge par l’État, c’est-à-dire lorsque l’État devenait leur parent — et c’est effectivement le cas sur le plan juridique —, il revenait à l’État de leur accorder la citoyenneté. Habituellement, ces personnes apprennent pour la première fois qu’elles n’ont pas la citoyenneté lorsqu’elles entrent dans le système judiciaire pour mineurs ou pour adultes. Vous avez raison, c’est-à-dire que même aujourd’hui, les ressources qui sont utilisées pour la détention des mineurs sont souvent aussi utilisées pour les placements par les services de protection de l’enfance, et ce sont même parfois les mêmes lits.

Le fait qu’une personne attire l’attention de l’État — et c’est également à ce moment-là que les questions de classe, de race et de capacités entrent en jeu... Ces intersections signifient qu’une personne est plus susceptible d’être aussi criminalisée. C’est donc dans ce contexte que s’inscrit le projet de loi, car pour parler franchement, le gouvernement ne devrait pas être en mesure d’avoir le beurre et l’argent du beurre. En effet, le gouvernement ne devrait pas pouvoir dire qu’il est le parent d’un enfant, puis abandonner cet enfant et l’expulser lorsqu’il n’a pas fait preuve de la diligence nécessaire à titre de parent pour obtenir la citoyenneté pour son enfant.

La sénatrice Bernard : Comment se fait-il qu’un si grand nombre d’enfants passent à travers les mailles du filet? Si des parents ne demandaient pas la citoyenneté pour leurs enfants, nous les tiendrions responsables. Où est donc la responsabilité des provinces et des territoires à cet égard?

La sénatrice Pate : C’est une très bonne question, et je pense que nous devrions la poser aux autorités qui prennent ces décisions.

La sénatrice Bernard : C’est noté. Je vous remercie.

Vous avez mentionné la race et les handicaps. Quel est le rôle de ces réalités intersectionnelles dans les problèmes auxquels nous faisons face avec les pupilles de l’État qui n’ont pas la citoyenneté? Avons-nous des données sur ce point précis?

La sénatrice Pate : Malheureusement, comme l’a mentionné la sénatrice Jaffer, on ne collecte pas beaucoup de données à ce sujet, car à moins qu’ils ne soient portés à l’attention de personnes ou d’organismes qui se penchent sur la question, nous ne sommes souvent même pas au courant de l’existence de ces cas. Au cours des décennies pendant lesquelles j’ai travaillé dans ce domaine, je ne compte plus le nombre de personnes pour lesquelles j’ai appris qu’elles étaient dans cette situation après leur expulsion.

Fliss Cramman était blanche. La différence entre ce qui s’est passé dans ce cas et celui de M. Abdi est emblématique. Je ne me fais pas d’illusions sur le fait que des attitudes discriminatoires sont entrées en jeu dans cette affaire. Le fait qu’un chirurgien ait pris la défense de Mme Cramman… À titre d’information, il s’agit d’une femme qui était sur le point d’être expulsée, alors qu’elle était littéralement sur son lit de mort à l’hôpital, mais une chirurgienne est intervenue en disant qu’un déplacement ou une expulsion tuerait immédiatement cette patiente. Cela a joué un rôle important dans la décision de lui accorder une assistance humanitaire.

Il ne faut pas oublier que l’absence d’un processus d’appel est à l’origine de toute cette affaire. À une certaine époque, si nous entendions parler de ces cas avant que les personnes ne soient expulsées — je pense à de nombreux cas dont j’entendais parler ou lorsque quelqu’un disait par exemple qu’une certaine personne n’était soudainement plus en prison et qu’elle était sur le point d’être expulsée —, et si nous présentions rapidement une demande d’habeas corpus avec le dépôt d’une demande en justice, nous pouvions parfois obtenir la tenue d’une procédure d’appel d’urgence pour cette personne. Toutefois, lorsque ce processus d’appel a été éliminé, ce n’était plus une option.

C’est en partie pour cette raison que nous n’avons pas de données pertinentes et qu’à ce moment-ci, malheureusement, les données sont surtout anecdotiques. Nous devrions collecter ces données, car nous pouvons trouver des preuves dans les expulsions. Nous devrions être en mesure d’établir un lien avec le nombre de ces personnes expulsées qui sont d’abord venues au Canada à titre de réfugiées et d’immigrantes, ainsi qu’avec le nombre de personnes qui sont arrivées lorsqu’elles étaient enfants. Ces données existent. Le fait qu’elles n’aient pas été accumulées et agrégées représente une partie du défi.

La sénatrice Bernard : Je vous remercie.

La présidente : Nous ne savons donc pas, en ce moment, combien d’enfants qui ont atteint l’âge limite de prise en charge ou qui ne sont peut-être plus des enfants, et qui ont découvert qu’ils n’étaient pas citoyens canadiens soit par hasard, soit lorsqu’ils ont présenté une demande… Nous ne savons pas combien d’entre eux ont été expulsés.

La sénatrice Pate : Non. Je ne vais pas tout répéter, mais certains d’entre vous se souviendront que lorsque j’ai parlé de ce projet de loi, ainsi que de l’amendement du sénateur Oh pour le projet de loi C-6, j’ai commencé à inventorier certains de ces cas. Ils sont seulement anecdotiques, car ce sont les cas dont nous avons connaissance. Je suis découragée lorsque je pense au nombre de cas dont je ne suis pas au courant.

La sénatrice Jaffer : J’aimerais ajouter un commentaire rapide à l’intervention de la sénatrice Pate, car Fliss Cramman a fini par obtenir la citoyenneté. Elle a donc la citoyenneté canadienne aujourd’hui. Pour ce qui est de M. Abdi, le ministre a dit qu’il ne prendrait pas d’autres mesures, mais il ne lui a pas accordé la citoyenneté, de sorte qu’il est maintenant apatride. Eh bien, il n’est pas exactement apatride, mais il n’a pas la citoyenneté canadienne et il n’a donc aucun moyen de gagner sa vie ici. En effet, de nombreux emplois exigent la citoyenneté canadienne, et il est très difficile d’obtenir le statut de réfugié.

La sénatrice Burey : Je vous remercie beaucoup du travail que vous faites en présentant ce projet de loi, à la fois en ce qui concerne le contexte historique, sénatrice Pate, et les lacunes de nos lois sur la citoyenneté qui doivent être abordées de toute urgence.

Compte tenu du large éventail d’options de prise en charge à l’extérieur du domicile familial, comment les dispositions proposées garantiraient-elles qu’aucun groupe ne sera exclu? Plus précisément, l’un des arrangements possibles en matière de prise en charge à l’extérieur du domicile familial dans certaines provinces est la prise en charge informelle par la parenté, c’est-à-dire que le mineur est placé chez des membres de sa famille élargie, et le degré d’intervention de l’État varie dans chaque cas. Ce projet de loi viserait-il également ces enfants?

La sénatrice Jaffer : Il les viserait s’il existait une ordonnance du tribunal selon laquelle ces enfants doivent être pris en charge. Mais en l’absence d’une telle ordonnance, je ne peux pas faire valoir que le gouvernement les a pris en charge et qu’il est donc responsable de s’assurer qu’ils obtiennent la citoyenneté.

Au début du projet de loi, on explique cette situation. Si le gouvernement canadien ne prend pas ces enfants en charge à titre de pupilles sous tutelle judiciaire, il est très difficile d’affirmer qu’il est maintenant responsable de ces enfants.

La sénatrice Pate : À titre de précision, les cas dans le cadre d’une entente de placement avec la parenté qui est sanctionnée par les services de protection de l’enfance devraient être couverts. Par contre, s’il s’agit d’une relation informelle, ils ne seront probablement pas couverts.

L’autre groupe qui ne serait pas couvert est celui des personnes qui ne sont pas résidentes du pays ou, selon l’amendement de la sénatrice Jaffer, qui ne font pas l’objet d’un placement depuis un an. Cette recommandation a été formulée par de nombreuses personnes qui travaillent sur le terrain, en raison de la nécessité d’établir un lien avec le pays avant la prise en charge d’un enfant. Le gouvernement devrait peut-être faire preuve d’une certaine souplesse à cet égard.

Pour conclure le cas de Fliss Cramman, il est important de comprendre que c’est la pression exercée par le public qui lui a permis de rester au pays. Le ministre de l’Immigration de l’époque, John McCallum, lui a accordé une dérogation spéciale pour des motifs de compassion et des raisons d’ordre humanitaire. Ce n’est pas comme s’il existait une procédure complète à cet égard. Il s’agissait d’une disposition fondée sur des circonstances exceptionnelles. Tout le monde ne peut pas compter sur une telle mesure, surtout lorsqu’il s’agit d’autres formes de discrimination intersectionnelle. Nous savons que nous ne pouvons pas compter sur une telle mesure.

La sénatrice Burey : À des fins d’éclaircissements, ce projet de loi visera les enfants qui sont sous la tutelle de l’État, comme nous le savons, c’est-à-dire lorsque le gouvernement est officiellement le parent, et les cas de prise en charge pour lesquels les services de protection de l’enfance indiquent qu’ils doivent être placés dans des familles d’accueil. Je vous remercie.

La sénatrice Jaffer : La situation à laquelle vous faites référence peut être visée par les divisions 1(1)(i)(A) à (C).

La sénatrice Pate : Je pense qu’il est également important de souligner que ce projet de loi vise les enfants plus âgés qui vivent de façon indépendante dans le cadre d’une convention de soutien, une situation dans laquelle un grand nombre de ces enfants deviennent malheureusement criminalisés. La politique actuelle ne couvre pas cette situation, car il n’y a pas de décision du tribunal qui stipule explicitement que sur le plan juridique, l’entière responsabilité parentale incombe aux services de protection de l’enfance, puisque ces jeunes vivent dans le cadre d’une convention de soutien. C’est un point extrêmement important, car c’est le groupe le plus vulnérable.

La sénatrice Burey : Je vous remercie.

La sénatrice Moodie : Je vous remercie, sénatrice Jaffer et sénatrice Pate, d’être ici aujourd’hui. Comme vous l’avez toutes les deux souligné, la protection de l’enfance relève en grande partie de la compétence des provinces.

Pouvez-vous nous dire pourquoi vous avez choisi de porter cette question à l’échelon fédéral? Quel est l’impact attendu de ce projet de loi sur les mesures prises par les gouvernements provinciaux dans ce domaine? Qu’espérez-vous accomplir?

La sénatrice Jaffer : Je vous remercie de votre question, sénatrice Moodie. Vous savez que notre grand pays pratique le partage des pouvoirs. Les enfants sont sous la responsabilité des provinces, mais l’immigration relève du gouvernement fédéral. C’est donc le gouvernement fédéral qui doit agir, et cela devient ensuite une loi à l’échelle du pays. C’est ainsi que les choses fonctionnent. Le gouvernement fédéral doit prendre l’initiative.

La sénatrice Pate : D’accord. Et on espère ensuite que les provinces et les territoires donneront des instructions à leurs organismes provinciaux et territoriaux pour qu’ils agissent de manière responsable et veillent à ce que les enfants dont ils ont la charge aient la citoyenneté et à ce que les procédures appropriées soient mises en œuvre. Nous parlons donc en réalité d’un filet de sécurité qui sera utilisé lorsque les provinces et les territoires ne s’acquitteront pas de cette tâche, afin que les personnes qui sont arrivées lorsqu’elles étaient enfants ne puissent pas être simplement expulsées.

Le sénateur Cormier : Ma question fait suite à la question de la sénatrice Moodie au sujet des provinces.

[Français]

Pensez-vous que les organismes de protection de l’enfance pourraient être tenus de fournir du soutien supplémentaire pour pleinement mettre en œuvre ce projet de loi? Tout simplement, je voudrais comprendre quelles sont les responsabilités des provinces en cette matière. Qu’est-ce que cela pourrait vouloir dire pour les organismes qui s’occupent de la protection de l’enfance? Avez-vous des commentaires ou des informations à ce sujet?

[Traduction]

La sénatrice Jaffer : Lorsqu’ils prennent un enfant en charge, les services de protection de l’enfance savent qu’ils retirent l’enfant à certains parents, et que cet enfant aura besoin de... Chaque enfant qui est pris en charge par ces services a besoin de soins différents. Un enfant peut avoir besoin de la citoyenneté. Un autre peut avoir besoin de soins de santé particuliers. Je pense que cela fait partie du travail que ces services entreprennent à titre de parents.

Je ne suis pas certaine qu’ils doivent fournir un soutien supplémentaire, mais c’est une chose différente qu’ils doivent faire pour ces enfants.

La sénatrice Pate : J’ai certainement déjà parlé à des travailleurs sociaux qui font cela. Dès qu’ils savent qu’ils prennent en charge un enfant d’une famille de réfugiés ou d’immigrants, ils vérifient souvent immédiatement si cet enfant a la résidence permanente.

Cela n’est pas nécessairement fait pour tous les enfants. Le projet de loi vise à reconnaître que lorsque cela n’est pas le cas, il n’est pas acceptable d’expulser un enfant parce que personne n’était au courant de sa situation. De plus, dans certains cas, ce n’était pas intentionnel. Par contre, j’ai également rencontré des travailleurs sociaux qui disent que ces gens sont venus de cette façon — ce sont des attitudes très discriminatoires — et qu’ils méritent peut-être d’être expulsés. On peut espérer que ce projet de loi contribuera aux efforts de sensibilisation qui visent à prévenir ces types de raisonnement.

La sénatrice Jaffer : Pour ajouter à ce que la sénatrice Pate vient de dire, en 2017, le ministre a publié quelque chose pour encourager les gens à demander la citoyenneté d’un pupille, et l’autorisation de le faire a maintenant été accordée.

Le sénateur Cormier : Je vous remercie.

La présidente : Avant de donner la parole à la sénatrice Petitclerc, j’aimerais poser une question par pure curiosité. Certaines provinces ou de nombreuses provinces — je n’en suis pas certaine — ont un ombudsman pour les enfants. Quel rôle cet ombudsman joue-t-il dans tout cela?

La sénatrice Jaffer : Selon moi, l’ombudsman jouera un rôle si ce genre de situation est portée à son attention. Nous parlons des personnes les plus vulnérables. Qui parle en leur nom? Personne ne parle en leur nom. Si elles n’ont pas de voix et qu’elles n’ont pas l’attention de l’ombudsman, qui parlera pour elles?

La sénatrice Pate : Madame la présidente, j’aimerais ajouter un commentaire. Il y a un ombudsman en Ontario, ainsi qu’un avocat des enfants. Il y a aussi des organismes de protection de l’enfance. Toutes ces entités sont intervenues, à un moment ou à un autre, dans ces types d’affaires. Toutefois, comme l’a dit la sénatrice Jaffer, il faut d’abord que ces entités soient au courant de ces cas, car elles ne vont pas enquêter sur chaque enfant qui est pris en charge pour vérifier s’il se trouve dans cette situation. Bien entendu, un tel processus serait assez complexe et nécessiterait des ressources considérables.

D’après mon expérience, si la situation est portée à leur attention, ces entités prennent les mesures nécessaires, mais il s’agit de savoir comment cela sera porté à leur attention. Si elles ne sont même pas au courant, comment quelqu’un peut-il porter ces cas à leur attention?

La présidente : Il ne s’agit donc pas de solutions systémiques.

La sénatrice Petitclerc : J’ai une petite question. Vous nous avez beaucoup aidés à comprendre les raisons pour lesquelles c’est important et les différents types de situations. Ma question est un peu moins complexe.

Comment envisagez-vous le fonctionnement de tout cela? Sénatrice Pate, vous avez dit que le gouvernement fédéral pourrait ou devrait donner des directives aux organismes provinciaux pour les travailleurs sociaux. Nous espérons que cela obligera le processus à se déclencher.

Selon vous, comment cela fonctionnera-t-il dans le cas des jeunes un peu plus âgés? Cela restera-t-il un défi? Je comprends que cela pourrait bien fonctionner lorsque le projet de loi sera en vigueur — les gens entrent dans le système, puis le processus est déclenché —, mais que se passe-t-il pour ceux qui sont déjà un peu perdus dans le système?

La sénatrice Jaffer : S’ils ne sont plus pris en charge en raison de leur âge — et je pense que c’est ce dont vous parlez —, ils peuvent trouver un moyen demander la citoyenneté. Le plus gros problème — et vous en entendrez une témoin en parler plus tard —, c’est que la plupart de ces personnes n’ont pas de documents. Par exemple, lorsque ma famille s’est enfuie, un grand nombre de nos documents ont été volés ou confisqués par les soldats.

Il est très difficile de reproduire ces documents si on ne sait pas comment s’y prendre. C’est un énorme défi. C’est la raison pour laquelle de nombreuses personnes ne demandent pas la citoyenneté. Ce n’est pas qu’elles ne veulent pas le faire, c’est qu’elles n’ont pas les documents nécessaires.

La sénatrice Pate : Fliss Cramman est un bon exemple. Elle avait 33 ans lorsqu’elle a découvert qu’elle n’avait pas la citoyenneté. Elle l’a appris lorsqu’un agent de libération conditionnelle lui a dit: « Je suis désolé, mais pensiez-vous retourner en Nouvelle-Écosse? Eh bien non, vous allez rentrer au Royaume-Uni, votre pays d’origine. »

Une autre femme, qui était née dans une région qui jadis faisait partie de l’Inde, mais qui fait maintenant partie du Pakistan, était apatride. On tentait de l’expulser vers le Royaume-Uni, car elle était arrivée ici depuis le Royaume-Uni à l’âge adulte.

La réalité, en ce qui concerne ce projet de loi, c’est que des mesures doivent être prises à l’échelle des provinces. Cela ne fait aucun doute. C’est l’un de leurs domaines de compétence. Le projet de loi vise à faire en sorte que, lorsque des personnes passent entre les mailles du filet, comme cela a de toute évidence été le cas pour ces deux femmes, le gouvernement canadien ne puisse pas dire à ces personnes: « Étant donné que la province n’a pas fait son travail, nous pouvons vous expulser. » C’est pour éviter une telle chose après coup.

Je présume que ce projet de loi amènera les provinces à mieux faire leur travail. Je présume également que le gouvernement fédéral ne serait pas très ravi d’avoir à intervenir constamment.

La présidente : Merci, chères collègues. Il nous reste précisément deux minutes, alors je vais demander à la sénatrice Bernard et à la sénatrice Seidman de poser leurs questions. Si les sénatrices n’ont pas suffisamment de temps pour y répondre, elles pourront nous faire parvenir leurs réponses par écrit.

La sénatrice Bernard : Ma question porte sur les jeunes qui cessent d’être pris en charge en raison de leur âge et sur le fait qu’il n’existe pas de normes nationales. Est-ce que cela fait partie du problème? S’il existait des normes nationales s’appliquant à l’ensemble des jeunes qui cessent d’être pris en charge en raison de leur âge, est-ce que cela aurait une incidence positive sur ces jeunes qui sont des pupilles de la Couronne?

La présidente : Je vais vous demander de répondre par écrit, car nous avons des fonctionnaires à entendre.

La sénatrice Seidman : Il y a un dernier point que je veux aborder. Est-ce que ce projet de loi pourrait avoir des conséquences imprévues selon vous? Par exemple, est-ce qu’il pourrait offrir un moyen détourné d’obtenir la citoyenneté? Je l’ignore, et c’est pourquoi je vous pose la question. Pensez-vous qu’il risque d’avoir des conséquences imprévues?

La sénatrice Jaffer : Nous allons vous répondre par écrit. Merci.

La présidente : Merci, chers collègues, pour vos questions. Je remercie également nos estimées collègues, les sénatrices Pate et Jaffer. Encore une fois, félicitations pour votre ténacité à l’égard de ce dossier et d’autres enjeux. Vous avez toute notre admiration.

Nous accueillons maintenant notre deuxième groupe de témoins. Nous recevons en personne les représentants suivants d’Immigration, Réfugiés et Citoyennenté Canada : Pemi Gill, sous-ministre adjointe, Citoyenneté et passeport; Alexis Graham, directrice générale, Immigration familiale et sociale; Uyen Hoang, directrice générale par intérim, Politique de citoyenneté; Gayle Leith, analyste principale des politiques, Citoyenneté; et Me Anna Turinov, avocate, représentante des services juridiques.

Nous recevons aussi de l’Agence des services frontaliers du Canada, Richard St Marseille, directeur général, Politiques sur l’immigration et les examens externes, Direction générale de la politique stratégique.

Merci beaucoup d’être parmi nous aujourd’hui. Vous disposez de cinq minutes pour vos déclarations liminaires. Allez-y.

Pemi Gill, sous-ministre adjointe, Citoyenneté et passeport, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada : Merci de nous accueillir aujourd’hui. Je m’appelle Pemi Gill, et je suis sous-ministre adjointe du secteur Citoyenneté et passeport à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, ou IRCC.

[Français]

Je tiens à souligner que nous nous trouvons sur le territoire ancestral non cédé de la Nation algonquine anishinabe.

La Loi sur la citoyenneté du Canada définit qui est citoyen canadien. Une personne née au Canada a automatiquement la citoyenneté par naissance en sol canadien, à l’exception des enfants de diplomates étrangers et d’autres employés ou représentants d’un gouvernement étranger ou d’une organisation internationale.

Une personne est également automatiquement citoyenne par filiation si elle est née à l’étranger d’un parent canadien de la première génération, autrement dit, si l’un de ses parents est né au Canada ou a reçu la naturalisation canadienne avant la naissance de l’enfant.

Enfin, une personne peut obtenir la citoyenneté par naturalisation. Il s’agit généralement d’un immigrant au Canada qui est un résident permanent et qui remplit des conditions précises énoncées dans la Loi sur la citoyenneté, comme la présence effective et la connaissance du Canada.

[Traduction]

Le projet de loi C-6 a modifié la Loi sur la citoyenneté en 2017 pour faciliter la présentation d’une demande de citoyenneté par des personnes mineures dont les parents ne sont pas citoyens canadiens. Cette modification a permis aux responsables de la protection de l’enfance habilités à agir au nom de l’enfant de présenter une demande de citoyenneté pour les personnes mineures qui leur sont confiées. Une personne mineure qui n’a pas accès à un responsable habilité à agir en son nom pour présenter la demande peut demander d’être dispensée de cette exigence.

Les personnes mineures dont les parents ne sont pas citoyens canadiens doivent satisfaire aux conditions d’octroi de la citoyenneté, notamment être résidentes permanentes, avoir été physiquement présentes au Canada pendant trois ans au cours des cinq années précédant immédiatement la date de la demande et ne pas être frappées d’une interdiction.

L’exigence de présence effective peut être levée pour des raisons d’ordre humanitaire.

[Français]

Les modifications apportées à la loi ont été communiquées aux provinces et aux territoires et sont accessibles sur le site Web externe du ministère. Le ministère collabore également avec les provinces et les territoires qui prennent l’initiative de faciliter le traitement des demandes pour les personnes mineures sous leur responsabilité légale.

[Traduction]

Le ministère a pris des mesures à l’égard de la situation précaire des ressortissants étrangers qui sont arrivés au Canada avant l’âge de 19 ans et qui étaient sous la responsabilité légale du système de protection de l’enfance. Comme on l’a mentionné plus tôt, depuis le 29 septembre, ces personnes et les membres de leur famille immédiate peuvent présenter une demande de permis de séjour temporaire afin de régulariser leur statut d’immigrant, ce qui leur permet de rester et de travailler au Canada.

Compte tenu de la vulnérabilité de ces personnes, le ministère a également mis en œuvre pour elles une politique publique visant à supprimer tous les frais relatifs au traitement de leur demande et à l’inscription de leurs données biométriques.

Selon notre compréhension, le projet de loi S-235 vise à faire en sorte que les ressortissants étrangers ou les résidents permanents qui sont mineurs, qui ont habité au Canada durant une période de 365 jours avant qu’ils cessent d’être sous la responsabilité du système de protection de l’enfance et qui n’ont pas été remis aux soins de leurs parents deviennent automatiquement des citoyens canadiens. Nous comprenons également que cette règle s’appliquerait aussi aux personnes qui ont été sous la responsabilité du système de protection de l’enfance lorsqu’elles étaient mineures.

Le projet de loi indique également que ceux qui résident maintenant à l’extérieur du Canada ou qui ont déjà été expulsés du Canada sont admissibles à la citoyenneté. Nous comprenons que cela vise à empêcher l’expulsion de personnes qui n’obtiendront pas automatiquement la citoyenneté canadienne parce qu’elles risquent de perdre la citoyenneté d’un autre pays et qu’elles n’ont pas consenti à la perte de cette citoyenneté. Le projet de loi propose une modification afin qu’une mesure de renvoi soit réputée ne pas être entrée en vigueur et être suspendue.

Tel qu’il est rédigé, le projet de loi risque d’avoir des résultats imprévus. Premièrement, le fait d’accorder automatiquement la citoyenneté à des personnes qui satisfont aux conditions précisées dans le projet de loi risque de nuire à l’intérêt supérieur de l’enfant, car cela peut constituer une incitation à placer des enfants. Par exemple, des enfants pourraient être envoyés seuls au Canada dans le but qu’ils obtiennent la citoyenneté.

Deuxièmement, le projet de loi risque de faire en sorte que certains jeunes seront traités différemment en fonction des circonstances qu’ils ont vécues durant l’enfance. Les mineurs qui ont été sous la responsabilité du système de protection de l’enfance pendant un certain temps et qui ont été remis aux soins de leurs parents ou bien ceux qui n’ont jamais été sous la responsabilité du système de protection de l’enfance ne pourront pas obtenir automatiquement la citoyenneté et seront susceptibles d’être expulsés du Canada s’il est déterminé qu’ils sont interdits de territoire aux termes de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

Troisièmement, le projet de loi risque de faire en sorte que la citoyenneté soit accordée d’une manière qui va à l’encontre du régime législatif de l’actuelle Loi sur la citoyenneté. À l’heure actuelle, seules les personnes nées au Canada ou nées à l’étranger de parents canadiens, à quelques exceptions près, obtiennent automatiquement la citoyenneté en application de la loi. En ce qui concerne les immigrants qui souhaitent devenir citoyens canadiens, la loi leur permet de présenter une demande de citoyenneté.

L’attribution automatique de la citoyenneté soulève également la question de savoir si l’enfant né à l’étranger d’une personne faisant partie de la cohorte actuelle pourrait obtenir automatiquement la citoyenneté s’il appartient à la première génération née à l’étranger. Il n’est pas clair si les gens faisant partie de cette cohorte sont considérés comme étant des citoyens canadiens comme s’ils étaient nés au Canada ou comme étant des citoyens canadiens par filiation, étant donné qu’ils sont nés à l’étranger.

Je vous remercie du temps que vous m’avez accordé. Je vais céder la parole à mon collègue.

Richard St Marseille, directeur général, Politiques sur l’immigration et les examens externes, Direction générale de la politique stratégique, Agence des services frontaliers du Canada : Merci. Mes observations porteront sur les répercussions du projet de loi S-235 sur la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, en mettant particulièrement l’accent sur l’exécution de la loi en matière d’immigration.

La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés énonce les motifs pour lesquels un ressortissant étranger ou résident permanent peut être déclaré interdit de territoire. Cela comprend des raisons comme la criminalité, par exemple en raison de condamnations graves au Canada, et des raisons comme la non-conformité, comme le fait de travailler sans autorisation.

La loi accorde un pouvoir discrétionnaire limité aux agents pour déterminer si la loi en matière d’immigration devrait être appliquée à l’égard d’une personne interdite de territoire. De façon générale, les tribunaux ont statué que plus le motif d’interdiction de territoire est grave, moins les agents disposent de pouvoirs discrétionnaires.

La loi exige que les ressortissants étrangers interdits de territoire qui font l’objet d’une mesure de renvoi exécutoire quittent le Canada immédiatement et que l’ASFC procède à des renvois dès que possible

Dans certaines circonstances, la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés prévoit également des exceptions en matière de motifs d’interdiction de territoire. Par exemple, la loi actuelle exclut de l’interdiction de territoire aux fins de motifs criminels les résidents permanents et les ressortissants étrangers qui ont reçu une peine pour adolescents en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.

La détermination de l’interdiction de territoire et les procédures peuvent être longues et coûteuses selon les motifs. Dans des cas relativement simples, les agents délégués peuvent déclarer une personne interdite de territoire et prendre la mesure de renvoi applicable. Les cas plus complexes nécessitent des audiences d’admissibilité devant la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, qui est un organisme quasi judiciaire. Une personne ne peut faire l’objet d’une mesure de renvoi qu’après avoir subi ces procédures d’interdiction de territoire et avoir été jugée interdite de territoire au Canada.

Le projet de loi S-235 propose des modifications à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Les modifications proposées mettent l’accent sur la fin du processus d’exécution de la loi en matière d’immigration, c’est-à-dire la suspension d’une mesure de renvoi plutôt qu’une étape antérieure du processus, comme la détermination de l’interdiction de territoire ou l’appel.

Le projet de loi S-235 établirait un cadre dans lequel une personne ne pourrait pas bénéficier de l’attribution automatique de la citoyenneté lorsque le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration est d’avis que cela entraînerait la perte de la citoyenneté d’un autre pays et lorsque la personne concernée n’a pas consenti à la perte de la citoyenneté dans cet autre pays.

Dans les cas où le consentement de la personne à la citoyenneté canadienne n’est pas encore obtenu ou n’est pas clair, le projet de loi S-235 permet néanmoins d’intenter des poursuites contre elle en matière d’immigration et, selon la gravité du motif d’interdiction de territoire, la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés peut l’exiger.

Cela pourrait entraîner la prise d’une mesure de renvoi, mais cette mesure serait immédiatement suspendue et non applicable.

En ne mettant l’accent que sur la fin du processus d’exécution de la loi en matière d’immigration, le projet de loi S-235 risque d’avoir pour conséquence imprévue d’alourdir le fardeau des procédures d’interdiction de territoire pour la population vulnérable qu’il cherche à faciliter.

Le projet de loi S-235, dans sa forme actuelle, ne précise pas non plus la durée du sursis au renvoi. Les mesures de renvoi pourraient être réputées ne pas entrer en vigueur indéfiniment si une personne ne consent jamais à l’acquisition de la citoyenneté. Il peut s’agir d’une conséquence involontaire du projet de loi dans sa forme actuelle, si l’on s’attendait à ce que la décision d’une personne de ne pas demander la citoyenneté canadienne en vertu du projet de loi S-235 entraîne la reprise de l’exécution des mesures d’immigration et de renvoi.

Par contre, la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés sont généralement précis en ce qui concerne le moment où les mesures de renvoi entrent en vigueur et celui où les sursis prescrits prennent fin. Il existe aussi d’autres enjeux de rédaction technique concernant les dispositions de sursis au renvoi.

De plus, le projet de loi S-235 ne comprend pas de dispositions transitoires concernant les personnes visées par les diverses dispositions. Par exemple, il est possible que cela s’applique à ceux qui ont déjà été renvoyés du Canada en vertu d’une mesure de renvoi exécutoire.

Enfin, j’aimerais souligner un aspect important de l’intégrité de la frontière et de la sécurité publique. En particulier, le projet de loi S-235 ne prévoit aucune exception ou mesure d’atténuation des risques pour les personnes qui pourraient être interdites de territoire pour des motifs graves, par exemple, en raison de leur participation à des crimes particulièrement violents, qu’ils aient été commis au Canada ou à l’étranger.

Voilà qui conclut ma déclaration préliminaire. Merci.

La présidente : Merci beaucoup, monsieur St Marseille. Nous allons passer aux questions.

Madame Gill, il y a une question au sujet de laquelle j’aimerais obtenir des précisions. Je crois vous avoir entendu dire — et corrigez-moi si j’ai tort — que, si le projet de loi S-235 est adopté, d’autres dispositions de la Loi sur la citoyenneté devront être modifiées.

Mme Gill : Pourriez-vous préciser quelles dispositions?

La présidente : Vous avez parlé de l’attribution automatique de la citoyenneté. À l’heure actuelle, la citoyenneté est accordée automatiquement uniquement à certaines personnes en fonction de certains critères.

Mme Gill : C’est exact. Actuellement, la Loi sur la citoyenneté permet d’accorder automatiquement la citoyenneté aux personnes nées de parents qui sont citoyens canadiens, aux personnes nées au Canada, donc en sol canadien, et aux personnes qui ont le statut de résident permanent et qui présentent une demande de citoyenneté. La citoyenneté n’est pas accordée automatiquement à ceux qui viennent au Canada comme résident temporaire ou autre. Lorsqu’une personne arrive au Canada, elle doit présenter une demande pour obtenir le statut de résident permanent, et une fois qu’elle a obtenu ce statut, elle peut présenter une demande pour obtenir la citoyenneté.

La présidente : Peut-être que d’autres membres du comité vont creuser la question.

La sénatrice Cordy : Nous avons tous entendu parler de cas terribles d’enfants ou d’adultes qui ne savaient pas qu’ils n’étaient pas des citoyens canadiens et qui ont été renvoyés dans un pays où ils ne se sentent pas chez eux ou un pays où ils ne connaissent personne. Je tiens à féliciter la marraine du projet de loi et la personne qui l’a aidée à présenter cette mesure législative.

Nous sommes toutefois préoccupés par les conséquences imprévues que pourrait avoir ce projet de loi. Madame Gill, vous avez parlé de l’attribution automatique de la citoyenneté à des personnes qui habitent au Canada depuis au moins un an, et vous avez dit que cette mesure pourrait amener certaines personnes à envoyer des enfants au Canada pendant un an afin qu’ils obtiennent la citoyenneté. Pourriez-vous en dire un peu plus long à ce sujet, s’il vous plaît?

Mme Gill : Bien sûr. Lorsque nous avons lu le projet de loi, nous avons réfléchi au concept d’accorder automatiquement la citoyenneté. Les mineurs pris en charge par l’État qui atteignent l’âge limite et ceux qui sont encore pris en charge par l’État ont différents statuts. Certains d’entre eux sont des ressortissants étrangers qui sont au Canada en tant que résidents temporaires, d’autres sont des résidents permanents et certains sont des citoyens. Attribuer automatiquement la citoyenneté aux mineurs pris en charge qui atteignent l’âge limite et qui n’ont pas été remis aux soins de leurs parents ferait en sorte que ces personnes n’auraient pas à présenter une demande pour obtenir le statut de résident permanent s’il s’agit de ressortissants étrangers.

Si vous me le permettez, je peux vous donner un exemple. Nous avons été mis au courant du cas d’enfants pris en charge par l’État. Deux mineurs ont obtenu des visas de résident temporaire. Ils ont donc obtenu des visas de visiteur pour venir au Canada avec leur père, un résident permanent du Canada. Une fois arrivés au Canada, les enfants ont été confiés à l’État. Le présumé père a avoué qu’il n’était pas le père des enfants, qu’il n’avait aucun lien avec les enfants et qu’en fait, il avait été payé pour amener les enfants au Canada.

La possibilité pour ces enfants, qui sont des ressortissants étrangers, d’obtenir directement la citoyenneté canadienne — parce qu’ils satisfont aux exigences —, sans devoir passer par le processus de naturalisation, qui commence par l’obtention du statut de résident permanent, constitue une des conséquences imprévues auxquelles nous faisons référence.

La sénatrice Cordy : Merci beaucoup. Votre réponse est très utile.

Nous avons discuté avec les témoins précédents de l’absence de données, qui est un problème que nous connaissons tous très bien. Les provinces et le gouvernement fédéral ont leurs propres champs de compétence, et nous savons que certaines personnes ne savaient pas qu’elles n’avaient pas la citoyenneté canadienne ou qu’elles étaient interdites de territoire au Canada, et ce, sans aucune faute de leur part.

À qui appartient la responsabilité d’obtenir les données? Je dirais que cette responsabilité appartient aux provinces, mais comment pouvons-nous nous assurer qu’elles obtiennent ces données afin que les gens puissent décider de présenter ou non une demande de citoyenneté. Les gens doivent à tout le moins connaître les options qui s’offrent à eux avant qu’une action soit prise, notamment qu’ils soient renvoyés dans un pays qu’ils ne considèrent pas comme étant leur pays?

Mme Gill : En ce qui concerne les données, c’est un problème. Les données des ressortissants étrangers arrivant au Canada que nous pouvons recueillir dépendent des documents qu’ils ont en main. Il faut connaître leur statut tout au long du continuum de l’immigration. Sont-ils des résidents permanents? Sont-ils des ressortissants étrangers lors de leur arrivée? Quel était leur statut lorsqu’ils sont entrés au Canada?

Même à l’échelon fédéral — et je vais demander à mon collègue de l’ASFC s’il veut ajouter quelque chose de son côté —, à moins que la personne présente une demande pour renouveler son statut, nous ne pouvons pas savoir quel est son statut ou si elle a quitté le pays.

Quant aux mineurs pris en charge, IRCC ne recueille pas les données concernant la prise en charge et il n’a pas accès non plus à ces données, car une fois qu’ils sont au pays, nous ne recueillons pas d’information sur la prise en charge par la province. C’est un problème complexe et difficile à régler parce qu’il existe de nombreux organismes provinciaux et nous ignorons s’ils détiennent ces données, et la question de la protection des renseignements personnels entre en jeu également.

La sénatrice Seidman : Merci beaucoup de vos déclarations. En fait, la deuxième question posée par la sénatrice Cordy est celle que j’allais vous poser au sujet des données. Si vous me permettez d’approfondir un peu la question, y a-t-il des données? Je sais qu’il y a non seulement des questions de compétence, mais aussi des questions interministérielles au gouvernement, ce qui est habituellement le cas, bien entendu.

Y a-t-il des données existantes? Quelqu’un recueille-t-il des données?

M. St Marseille : En ce qui concerne les données détenues par l’ASFC, nous n’avons pas de données qui sont systématiquement saisies dans ce domaine particulier. Ce n’est pas un facteur législatif qui, dans la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, contribue de manière explicite aux décisions en matière d’application de la loi sur l’immigration. Nos bases de données ne sont pas conçues pour recueillir ce type de renseignements, même s’il s’agissait d’une personne qui aurait pu être officiellement prise en charge par l’État.

La sénatrice Seidman : Envisagez-vous la possibilité de mettre en place des moyens de recueillir des données afin de pouvoir suivre les différentes catégories, en particulier celles qui sont prises en charge et celles qui, lorsqu’elles quittent le système de prise en charge, peuvent prétendre à ce type de citoyenneté?

M. St Marseille : En ce qui concerne le mandat de l’ASFC, comme je l’ai mentionné dans ma déclaration liminaire, le projet de loi S-235 est structuré de manière à ce qu’il s’applique à la fin du processus d’application de la loi. De la manière dont il est conçu, ces renseignements ne seraient pas nécessairement colligés plus tôt dans le processus d’application, car ils ne sont pas conçus pour constituer une décision importante dans la délivrance ou non d’une ordonnance d’expulsion.

Nous devrons, bien entendu, travailler avec nos collègues à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada pour concevoir un plan de mise en œuvre, mais la mesure dans laquelle il sera intégré dans le processus d’application de la loi dans le projet de loi aura une incidence sur la façon dont nous colligerons les renseignements.

La sénatrice Seidman : Je vous remercie.

Je pense que Mme Gill et vous, monsieur St Marseille, avez mentionné la rétroactivité. Nous avons cru comprendre de ce qu’a dit le parrain que ce projet de loi n’est pas rétroactif. Êtes-vous en train de dire qu’il l’est ou qu’il deviendrait rétroactif?

M. St Marseille : En ce qui concerne les dispositions relatives à l’application, en l’absence d’une disposition transitoire qui décrit clairement et explicitement l’intention, nous pensons qu’elles s’appliquent rétroactivement aux personnes qui ont été expulsées du Canada en vertu d’une mesure de renvoi exécutoire.

La présidente : On remonte à quand?

La sénatrice Seidman : Pour une période indéterminée?

M. St Marseille : Je pense que le point général que le comité doit prendre en considération est de clarifier l’intention stratégique d’une disposition transitoire.

Mme Gill : Je vais laisser le soin à ma collègue Uyen Hoang de compléter la réponse de Richard St Marseille.

Uyen Hoang, directrice générale par intérim, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada : Dans sa version actuelle, le projet de loi n’est pas clair en ce qui concerne son application aux personnes qui ont été expulsées ou qui ont quitté le pays.

La façon dont nous comprenons le projet de loi dans sa forme actuelle aujourd’hui est que dès qu’il recevra la sanction royale, il accordera automatiquement la citoyenneté aux personnes qui ont passé 365 jours au Canada, qui ont été prises en charge par l’État pendant une période quelconque au cours de cette période, et qui ont cessé d’être prises en charge par l’État en raison de leur âge et qui ne sont pas retournées chez leurs parents qui ont la garde légale de leurs enfants.

Ceux qui ont quitté le pays recevraient la citoyenneté ou seraient immédiatement reconnus comme citoyens. C’est ainsi que nous comprenons le projet de loi tel qu’il est rédigé à l’heure actuelle.

La sénatrice Jaffer : Merci à vous tous de votre présence ici. C’est vraiment une bonne chose que vous soyez là pour que nous puissions discuter du projet de loi.

Si vous me le permettez, madame Gill, je n’ai pas compris ce que vous avez dit à propos de la citoyenneté automatique, parce que je comprends que lorsque les enfants sont adoptés, ils deviennent des citoyens sans devenir des résidents permanents et sans passer par toutes les étapes que vous avez mentionnées. Ils obtiennent automatiquement la citoyenneté par le parent.

Les gouvernements canadien et provinciaux ne sont-ils pas les parents de ces pupilles? Ne devraient-ils pas également obtenir automatiquement la citoyenneté?

Mme Hoang : Les enfants adoptés ont deux avenues pour devenir citoyens canadiens. Dans les deux cas, les parents doivent prendre des mesures pour acquérir leur citoyenneté; ce n’est pas automatique.

Ils peuvent obtenir leur citoyenneté par la voie directe. Cette voie a été mise en place pour permettre aux enfants adoptés d’être traités de la même manière que les enfants nés de Canadiens à l’étranger. Il existe donc une voie directe, où ils n’ont pas besoin de passer par le processus d’immigration et de devenir d’abord résidents permanents, mais ils doivent néanmoins prendre des mesures pour obtenir la citoyenneté et satisfaire à un certain nombre de conditions.

L’autre voie est par l’entremise du processus d’immigration, dans le cadre duquel ils devront être parrainés par leurs parents, obtenir la résidence permanente et satisfaire à un certain nombre d’exigences afin de devenir citoyens canadiens.

La sénatrice Jaffer : Mais ils n’ont toujours pas besoin de passer par la résidence permanente. Ils doivent remplir un formulaire et présenter une demande, d’après ce que vous dites, pour pouvoir devenir citoyens canadiens, n’est-ce pas? Ils ne passent pas par toutes les étapes que Mme Gill a décrites plus tôt. Il est presque automatique que, parce qu’ils sont adoptés, ils deviennent des citoyens, n’est-ce pas?

Mme Gill : Je vais tout d’abord définir la « citoyenneté automatique », car je pense qu’il y a place à l’interprétation.

En vertu de la Loi sur la citoyenneté, la citoyenneté automatique fait référence à la citoyenneté de naissance et s’applique aux personnes qui sont nées au Canada ou nées à l’étranger d’un parent citoyen canadien, à quelques exceptions près. Les personnes qui ne sont pas des citoyens canadiens de naissance, comme les ressortissants étrangers et les résidents permanents, doivent suivre un processus de naturalisation pour obtenir la citoyenneté canadienne. Ce processus de naturalisation consiste à présenter une demande de citoyenneté. Une personne qui arrive en tant qu’étudiant, immigrant ou réfugié devient un résident permanent et peut ensuite demander la citoyenneté, qui consiste à se soumettre au processus de naturalisation.

Dans le cas d’enfants adoptés, comme l’a mentionné ma collègue, il existe deux voies : ils demandent la résidence permanente et ensuite la citoyenneté, ou les parents peuvent prendre des mesures pour demander la citoyenneté, mais ce n’est pas automatique.

La sénatrice Jaffer : Dans ce cas-ci, si vous le permettez, il est nécessaire de remplir la condition d’avoir été pris en charge. Il faut avoir été pris en charge. Tout comme pour les enfants adoptés, il faut avoir été pris en charge.

Mme Hoang : Merci de la question, sénatrice. Si je comprends bien ce que vous dites, votre question consiste à savoir si, parce qu’ils ont été pris en charge, ils peuvent accéder automatiquement à la citoyenneté.

Ce que ma collègue essaie d’expliquer, c’est que dans le schéma actuel de la Loi sur la citoyenneté, à moins d’être né au Canada ou d’être né à l’étranger à la première génération d’un parent canadien, il n’y a pas d’autres voies pour obtenir la citoyenneté de plein droit. Tous les autres, même les enfants adoptés, doivent entreprendre des démarches et passer par un processus de demande afin d’obtenir leur citoyenneté.

La sénatrice Jaffer : On tourne en rond en quelque sorte.

Puis-je passer à la deuxième série de questions, s’il vous plaît?

La sénatrice Pate : Je pourrais peut-être reprendre là où nous en étions. Cela me rappelle un peu mes étudiants en droit qui proposent de grandes hypothèses possibles, mais improbables.

Combien de personnes qui ont été expulsées ont la possibilité de revenir au Canada, et quels sont les chiffres? Comment s’y prendraient-elles — pour revenir au Canada — une fois qu’elles ont été expulsées?

Il faudrait peut-être une phrase transitoire, mais c’est hypothétique et plutôt improbable.

M. St Marseille : Si le projet de loi a pour effet que ces gens acquièrent la citoyenneté dès son entrée en vigueur, ils auront le droit d’entrer sur le territoire en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

La sénatrice Pate : Comment s’y prendraient-ils? Vous incomberait-il de leur dire? Non.

M. St Marseille : Il y a une tribune bien établie de consultants en immigration, notamment, si bien que c’est possible.

La sénatrice Pate : C’est hypothétiquement possible; je comprends.

Le fait d’être un enfant pris en charge ne constitue pas un obstacle à l’obtention de la citoyenneté au pays, n’est-ce pas?

Mme Gill : C’est exact, ce n’est pas un obstacle pour demander la citoyenneté.

La sénatrice Pate : Exact. Le seul obstacle dont nous parlons est donc le fait que personne ne demande la citoyenneté, et il y a ensuite la criminalité.

Si un citoyen canadien est criminalisé, combien de personnes avez-vous expulsées?

M. St Marseille : Je suis désolé. Je ne comprends pas la question.

La sénatrice Pate : Je suis citoyenne canadienne. Si je suis criminalisée, combien de personnes comme moi pouvez-vous expulser?

M. St Marseille : Si vous êtes citoyen canadien, les citoyens canadiens ne font pas l’objet d’une mesure d’expulsion.

La sénatrice Pate : C’est le point dont nous discutons.

L’hypothèse est donc que nous parlons de personnes criminalisées avant qu’elles n’obtiennent la citoyenneté, ce qui est la tautologie à laquelle la sénatrice Jaffer essayait de parvenir.

En ce qui concerne les personnes qui viennent au pays, combien de personnes, dans l’exemple que vous avez donné, sont venues au Canada et ont ensuite déclaré qu’elles n’étaient plus des parents et ont placé les enfants dans des foyers? Combien y a-t-il de cas de ce genre? Vous en avez mentionné un.

Mme Gill : Merci. Je l’ai utilisé à titre d’exemple pour expliquer certains des facteurs que vous prenez en considération.

Compte tenu des ensembles de données dont disposeraient les autorités provinciales, ce n’est pas quelque chose que nous avons. Ces cas sont portés à notre attention lorsque les provinces et les territoires communiquent avec nous. Nous avons des conversations avec eux à ce sujet.

La sénatrice Pate : Avez-vous des moyens, des façons d’aborder ces questions à mesure que les gens arrivent? Je sais que c’est plutôt le contraire, en fait. Un certain nombre de personnes n’ont pas de papier à cause des problèmes soulevés par la sénatrice Jaffer. Elles ne peuvent pas prouver qu’elles sont les parents d’enfants et ne peuvent donc pas faire entrer leurs enfants dans le pays. Je dirais que c’est plus courant que l’exemple hypothétique ou le seul exemple que vous avez pu donner, n’est-ce pas?

Mme Gill : Je n’ai pas cette information sous les yeux. Je dirais qu’en ce qui concerne les personnes qui n’ont pas accès à leurs documents, je ne peux pas non plus m’exprimer à ce sujet.

La sénatrice Pate : Mais connaissez-vous d’autres cas autres que celui que vous avez mentionné?

Mme Gill : Oui, nous pourrions donner d’autres exemples.

La sénatrice Pate : Si vous pouviez faire des suggestions sur la façon dont cela pourrait être abordé d’un point de vue stratégique, ce serait merveilleux.

Mme Gill : Je me ferai un plaisir de le faire. Merci.

[Français]

La sénatrice Mégie : Je reviens au projet de loi, à l’article 1, alinéa p.1. C’est une question d’éclaircissement. Il est écrit ce qui suit :

(i) qui, étant mineure, a résidé habituellement au Canada pendant trois cent soixante-cinq jours avant la date à laquelle l’une des situations ci-après a cessé de s’appliquer, [...]

En même temps, vous dites que pour être admissible à la citoyenneté, il faut avoir vécu au Canada pendant trois ans. C’est juste pour avoir un éclaircissement, voir le lien entre ce paragraphe et la Loi sur l’immigration. Est-ce que j’ai mal compris?

Mme Gill : Non, pas du tout. C’est vraiment les mesures temporaires, les instructions ministérielles qui ont été mises en place pendant l’été.

[Traduction]

Je parlerai un peu de ces directives et du critère de résidence au Canada depuis au moins un an pour les mineurs pris en charge qui ont des antécédents criminels, ce qui les empêche d’obtenir le statut.

Les critères relatifs à la durée du séjour visent à garantir que les personnes sont établies et ont des liens solides avec le Canada du fait qu’elles ont passé de nombreuses années dans le pays et qu’elles ont été pendant longtemps sous la protection juridique d’une agence de protection de l’enfance.

[Français]

La sénatrice Mégie : Ordinairement, quand le ministère fait des ACS Plus, il garde souvent les résultats pour d’autres projets de loi, pas seulement pour celui-là. Pour une raison qu’on n’a jamais comprise, ils ne publient pas les informations. Est-ce qu’il y a eu une ACS Plus pour ce projet de loi?

[Traduction]

Mme Hoang : Étant donné qu’il ne s’agit pas d’un projet de loi du gouvernement, nous n’avons pas réalisé d’analyse comparative entre les sexes plus.

[Français]

La sénatrice Mégie : J’entends dire beaucoup « âge limite de prise en charge ». Quel est l’âge limite de prise en charge? Est-ce 18 ans, 21 ans?

[Traduction]

Mme Hoang : Je peux vous donner la réponse, mais cela varie d’une province à l’autre et d’un territoire à l’autre. L’âge limite dépend de la loi provinciale et territoriale. Dans certains cas, c’est 18 ans, dans d’autres, c’est 19 ans, mais ce peut être 16 ans seulement. Par exemple, à Terre-Neuve-et-Labrador, l’âge limite est de 16 ans. Dans des provinces comme l’Ontario et le Manitoba, c’est 18 ans. En Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick, c’est 19 ans.

[Français]

La sénatrice Mégie : Merci beaucoup.

[Traduction]

La sénatrice Moodie : Je dois admettre que ce que j’entends me laisse perplexe. Je suis perplexe parce que j’entends, d’une part, que vous n’avez pas de données. Vous ne saisissez pas systématiquement, pour reprendre vos termes, un grand nombre des données que nous demandons. Dans tous les efforts que nous déployons pour comprendre les éventuelles conséquences involontaires, nous posons cette question, mais on nous donne ce qui semble être des scénarios hypothétiques, mais hautement improbables — j’utilise les propos de ma collègue.

Je voudrais approfondir un peu plus ces rencontres anecdotiques que vous citez pour justifier le rejet de ce projet de loi. Je m’interroge et j’essaie de cerner l’ampleur du problème que vous avez décrit dans votre exemple. Il y a peut-être d’autres exemples qui entrent dans cette catégorie. J’essaie de comprendre la portée de ce problème. Je me demande si, lors de vos conversations avec les provinces, lorsqu’elles communiquent avec vous pour vous dire que cela se produit, vous enregistrez ces conversations. Existe-t-il un moyen de récupérer les chiffres afin que nous puissions peut-être comprendre l’étendue de ces problèmes, l’alignement de ces problèmes, pour voir si ce que vous dites est réellement étayé?

Je suis désolée, mais je dois le dire parce que, dans mon milieu en tant que médecin, je ne m’en sortirais pas en donnant un seul exemple. Je ne pense pas que vous puissiez vous en tirer non plus. Je suis désolée.

Mme Gill : D’accord. Merci de ces observations, et merci de ne pas m’avoir laissé m’en tirer à si bon compte. Je vous suis reconnaissante de la question, car j’aimerais clarifier deux aspects. Le premier est lié à notre position aujourd’hui, aux réponses aux questions et à la présentation de notre position. Nous avons essayé d’être très prudents avec notre formulation « percevoir comme des conséquences éventuelles non intentionnelles » afin de nous assurer que nous présentons, à mesure que nous lisons les renseignements, ce qui pourrait potentiellement se produire. Nous ne prétendons pas que l’une ou l’autre de ces conséquences se produira. Étant donné que cette partie de la mesure législative proposée n’existe pas pour l’instant, je ne disposerais pas de données sur le nombre de cas qui répondraient à ce critère potentiel.

La question des données sur les personnes sous la tutelle de l’État qui ne sont pas des citoyens canadiens et qui ne sont pas informés de leur statut au moment où elles cessent d’être prises en charge est beaucoup plus liée à la situation actuelle et à ce qui se passe actuellement dans le cadre de la loi en vigueur.

Je voudrais préciser qu’il s’agit de deux aspects distincts. Il ne s’agit pas d’une corrélation d’un exemple. C’est donc ce qui pourrait se produire.

En ce qui concerne les données, nous en avons. La question des données, de la complexité et du défi est que nous ne disposons pas d’un ensemble cohérent de données sur le moment où les enfants sont pris en charge et sur leur statut d’immigrant, c’est-à-dire s’ils sont des ressortissants étrangers, des résidents permanents ou des citoyens canadiens. C’est cet ensemble de données qui n’est pas disponible.

Nous savons, grâce aux intervenants et à d’autres, qu’il y a actuellement environ 50 cas par année d’enfants, d’adolescents et de jeunes adultes qui demandent de l’aide pour obtenir leur citoyenneté canadienne. Ce chiffre provient du Centre d’excellence en matière d’immigration pour la protection de l’enfance en Ontario.

En outre, en ce qui concerne les mineurs non accompagnés qui arrivent au Canada chaque année, nous ne savons pas combien d’entre eux sont non accompagnés à leur arrivée, car il se peut que leur parent ait pris le même vol. Leur parent pourrait arriver sur le vol suivant. Cependant, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada nous apprend qu’il y a eu 915 demandes d’asile de mineurs non accompagnés entre 2016 et 2022.

Ce que nous ne pouvons pas dire, c’est le nombre de ces mineurs non accompagnés qui ont été pris en charge par les services de protection de l’enfance à un moment donné. C’est cet amalgame de données qui nous pose problème. Merci.

La sénatrice Moodie : Je vous ai également écouté très attentivement, monsieur St Marseille. Vous avez dit qu’il faudrait que vous travailliez sur un plan de conception et de mise en œuvre. Je suppose que c’est là que vous incluriez dans ces données un moyen de saisir les données appropriées si cela devenait une loi. Ai-je bien compris?

M. St Marseille : Oui, merci de cette question. Bien entendu, nous envisagerons de concevoir le cadre nécessaire à la mise en œuvre.

Pour revenir à la question que vous avez posée précédemment, l’exemple que j’ai donné dans la déclaration liminaire concernant une personne qui ne consent pas à l’acquisition de la citoyenneté lorsqu’il y a un problème de double citoyenneté, ce type de scénario est susceptible de se produire sur le plan procédural, car comme on l’a dit, certaines de ces personnes ne sauront pas qu’il y a un problème avec leur citoyenneté jusqu’à ce qu’elles soient placées dans le système de justice pénale et qu’elles découvrent qu’il y a un problème avec leur citoyenneté.

De manière séquentielle, l’application des lois sur l’immigration tend à précéder le processus de citoyenneté. Bien que nous ne disposions pas de données sur la fréquence de cette situation, si nous comprenons le fonctionnement du continuum, ce scénario n’est pas nécessairement improbable.

La sénatrice Bernard : J’aimerais également donner suite à la question des conséquences imprévues. Je m’intéresse plus particulièrement aux conséquences imprévues auxquelles vous avez fait allusion, à savoir que certains parents pourraient envoyer leurs enfants comme moyen détourné d’obtenir la citoyenneté. J’aimerais comprendre un peu mieux comment vous en êtes arrivée à cela comme conséquence imprévue.

Pour revenir sur la question des données, y a-t-il des données probantes qui laissent entendre que ce serait une conséquence imprévue de ce projet de loi?

M. St Marseille : Merci de la question. Dans ce contexte précis — ma collègue va répondre au volet citoyenneté —, en matière d’asile, les gens ont tendance à envoyer des enfants pour avoir des membres de la famille prêts à les aider à venir au pays. Je n’ai pas de données en main sur ce genre d’exemple corollaire particulier, mais je peux m’engager à examiner la question. Il y a eu d’autres exemples de cas où des enfants ont été envoyés pour obtenir un avantage relativement à l’immigration. Je pense que cela ne se limite pas nécessaire à l’examen de ce projet de loi, mais il y a d’autres exemples en immigration et dans des circonstances liées au statut de réfugié où cela s’est déjà fait.

La sénatrice Bernard : Je pense qu’il serait important pour nous de voir les travaux de recherche et la documentation que vous avez là-dessus, car je crois que ce serait assez grave.

Vous avez cerné un certain nombre de conséquences imprévues. Les témoins du groupe précédent ont abordé la question, mais ils n’ont pas pu en parler faute de temps. Lorsque vous avez réfléchi à ces conséquences imprévues en examinant le projet de loi, avez-vous également examiné des stratégies pour les prévenir?

Mme Gill : Dans le cadre de l’étude du projet de loi, nous sommes ici aujourd’hui pour parler de ce que nous voyons et de notre façon de l’interpréter. J’aimerais répéter que nous ne prenons pas position sur le projet de loi, mais que nous attirons l’attention sur certains éléments que nous avons retenus en le lisant. En ce moment, le ministère continue d’évaluer les résultats proposés, les approches stratégiques et les répercussions. Merci.

La sénatrice Bernard : Dans votre examen, effectuez-vous une analyse comparative entre les sexes plus dans une optique intersectionnelle?

Mme Hoang : Dans le cadre de notre travail avec le gouvernement pour formuler la position, nous prendrons en considération une analyse comparative entre les sexes plus.

La sénatrice Bernard : Vous n’en avez pas fait une jusqu’à maintenant, n’est-ce pas?

Mme Hoang : Nous travaillons pour aider le gouvernement à comprendre le projet de loi. Nous analysons le document et nous contribuons à la formulation d’une position.

La sénatrice Bernard : Merci.

La sénatrice Burey : Merci beaucoup d’être ici. Comme vous le savez, nous avons deux pédiatres au comité, ainsi que des personnes issues d’autres secteurs de la santé. J’aborde la question du point de vue de l’adhésion du Canada à la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant, de l’admissibilité. J’essaie de comprendre la situation des enfants qui se sont retrouvés dans le système d’aide, pour une raison quelconque, et pour qui l’État assume dorénavant le rôle de parent. Comme vous le savez bien, le système de protection de l’enfance accumule les problèmes, ce qui peut avoir des « conséquences imprévues » pour certains enfants. Vous avez parlé de « conséquences imprévues ». Ce n’est pas le rôle du système de protection de l’enfance, mais c’est une réalité.

Au cours de la séance précédente, la sénatrice Bernard et la sénatrice Pate ont parlé des répercussions du système de protection de l’enfance et du système de justice pénale et de ce qui en découle. Le Canada est connu dans le monde entier comme un pays très bienveillant et accueillant. En tant que sénateurs, nous essayons de voir comment nous pouvons présenter cette image et, à vrai dire, vraiment creuser pour déterminer comment nous allons trouver des solutions.

À Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada et à l’Agence des services frontaliers du Canada, vous êtes aux prises avec ces problèmes. Je sais que vous avez dit que vous n’êtes pas ici pour nous parler de solutions — vous êtes plutôt ici pour parler des conséquences du projet de loi —, mais vous voici parmi nous, et vous faites face à ces problèmes. Je vois qu’il y a eu des initiatives ministérielles et des initiatives stratégiques. Pouvez-vous nous donner vos meilleures idées pour pallier cette énorme lacune dans notre système de citoyenneté et d’immigration?

Mme Gill : Merci de la question. Une fois de plus, je répéterais la même chose, mais c’est inutile puisque vous m’avez devancée. Nous continuons d’évaluer les résultats, les approches stratégiques et les répercussions.

Des instructions ministérielles ont été données cet été afin d’aider les personnes dans cette position vulnérable. Elles permettent d’accorder des permis de séjour temporaire à des mineurs qui sont arrivés au Canada avant l’âge de 19 ans, qui ont ensuite habité sans interruption au pays pendant au moins trois ans avant de présenter une demande et, à un moment donné, qui ont été considérés comme inadmissibles, par exemple, pour une question de criminalité, de non-conformité et de fausses déclarations ou pour des motifs de santé ou financiers.

L’octroi de permis de séjour temporaire permet de régulariser leur situation au Canada. Ils peuvent donc ensuite demeurer au pays pour étudier et travailler. Même s’il n’est pas explicitement indiqué qu’il y a un sursis de renvoi, les agents des services frontaliers — et je vais demander à mes collègues d’en dire plus à ce sujet — n’exécuteraient pas une mesure de renvoi lorsque le ressortissant étranger a un permis de séjour temporaire valide. Cette mesure accorde un statut aux personnes dans une situation précaire.

M. St Marseille : Comme on l’a mentionné, conformément à une politique de longue date, l’Agence des services frontaliers du Canada ne renverra pas une personne qui possède un permis de séjour temporaire valide qui a été accordé compte tenu du caractère d’inadmissibilité cerné.

Pour revenir à votre question, bien entendu, nous ne sommes pas ici pour expliquer une position. Pour revenir à l’exemple donné dans la déclaration liminaire, j’encouragerais le comité à énoncer clairement l’intention politique pour ce qui est des personnes visées par une mesure de renvoi qui ne sera jamais appliquée.

De notre point de vue, l’intention n’est pas claire pour la personne qui n’accepte pas la citoyenneté canadienne.

La sénatrice Burey : Je vois, merci.

Le sénateur Cormier : Merci, mais la sénatrice Burey a posé exactement les questions que j’avais. Je vous remercie, et merci de vos réponses.

La sénatrice Jaffer : Encore une fois, merci d’être ici. J’ai une question pour vous, madame Gill, puis une pour M. St Marseille.

Vous avez cerné un certain nombre de conséquences imprévues présumées. Mes collègues ont aussi souligné des faiblesses et indiqué à quel point elles sont graves. Monsieur St Marseille, vous avez fait remarquer que l’un des problèmes pourrait être réglé au moyen d’un amendement transitoire, ce qui était utile.

Madame Gill, je vous prie de nous dire comment selon vous les conséquences imprévues dont vous avez parlé pourraient être évitées grâce à un amendement. Je ne veux pas dire tout de suite, mais la sénatrice Pate et moi pourrions peut-être vous rencontrer pour que vous nous disiez comment procéder en vue de sauver le projet de loi.

Mme Gill : Merci. En ce qui nous concerne, nous continuons d’évaluer les résultats proposés, les approches stratégiques et les répercussions. Je pense que pour nous, dans le cadre de notre examen, les conséquences imprévues se rapportent au passage sur l’octroi automatique de la citoyenneté. Je pense que cela fait partie de ce qui nous intéresse lorsque nous examinons la mesure législative proposée à l’heure actuelle.

La sénatrice Jaffer : J’ai une question pour vous, monsieur St Marseille. Vous avez soulevé une préoccupation concernant les difficultés opérationnelles liées aux procédures de renvoi lorsqu’une personne a droit à la citoyenneté et qu’elle n’a pas encore invoqué le projet de loi.

Y a-t-il quelque chose qui empêche l’Agence des services frontaliers du Canada de mettre en place une politique d’application de la loi selon laquelle les agents qui interviennent en premier doivent vérifier si la personne était officiellement prise en charge au Canada, ce qui signifierait qu’elle a droit à la citoyenneté?

M. St Marseille : Merci de poser la question. De manière générale, la Loi sur la citoyenneté ne confère aucun pouvoir à l’Agence dans ce domaine.

Une chose que je peux dire, c’est que cela arrive parfois lorsqu’une personne est visée par une procédure d’interdiction de territoire qui nécessite une audience de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. Lorsqu’elle évoque la possibilité qu’elle possède la citoyenneté dans ce contexte, la procédure est suspendue, et il revient à la personne de prouver qu’elle possède effectivement la citoyenneté qu’elle affirme avoir. Le cas échéant, elle n’est pas assujettie aux procédures de la loi sur l’immigration.

De notre point de vue, la façon dont le projet de loi est rédigé n’indique pas clairement quel est l’effet voulu sur l’enclenchement des procédures d’application, car le projet de loi ne met fin qu’au processus final, qu’au renvoi. Il ne met pas fin au processus initial, à savoir l’allégation d’interdiction de territoire. Dans ce contexte, selon la jurisprudence, le pouvoir discrétionnaire de nos agents diminue à mesure que la gravité du motif d’interdiction de territoire augmente. Nous ne pouvons pas établir de politique opérationnelle qui va à l’encontre de ce qu’exige la loi.

La sénatrice Jaffer : Madame Gill, vous avez dit que vous vous penchez sur ces faiblesses. Vous examinez les conséquences. Depuis que je suis sénatrice, le ministre McCallum, le ministre Mendicino, le ministre Fraser, le ministre Miller et le premier ministre ont tous dit publiquement qu’il faut se pencher là-dessus.

Je ne veux pas être impolie envers vous, et je ne le serais jamais, mais vous dites que vous vous penchez encore là-dessus. Entretemps, des vies sont bouleversées. Ce n’est pas juste une question opérationnelle. Des vies sont bouleversées et détruites.

Tout d’abord, honnêtement, je crois que lorsqu’on prend un enfant à un parent ou à un tuteur, on a déjà détruit sa vie. Vous dites maintenant que vous vous penchez là-dessus alors que tous ces ministres et le premier ministre ont indiqué que quelque chose doit être fait. Pendant combien de temps allons-nous attendre?

Mme Gill : J’allais commencer par vous remercier de la question, mais je vais m’abstenir.

Nous sommes tout à fait conscients de l’importance de cet enjeu. En fait, le ministère a pris des mesures pour aider les personnes vulnérables dans ces situations. Il s’agit des instructions ministérielles données cet été.

La sénatrice Jaffer : Puis-je vous arrêter ici? C’est applicable un an si l’agent pense que c’est justifié. Je vous prie de ne pas me dire que c’est une mesure que vous avez prise parce que c’est seulement pour un an si l’agent juge que c’est approprié. Vous ne pouvez pas dire qu’il s’agit vraiment de mesures constructives. Je vous prie de ne pas vous en servir comme exemple, car c’en est presque insultant.

Mme Gill : Je peux parler du champ d’application et des personnes visées. C’est l’information que je donnerais, sénatrice.

La sénatrice Jaffer : D’accord, allez-y.

La présidente : Je vais l’autoriser.

Mme Gill : Merci. Les mesures visent effectivement les personnes qui sont arrivées au Canada lorsqu’elles étaient mineures et qui se sont retrouvées dans le système de protection de l’enfance, des personnes sans statut de résident permanent ni citoyenneté. Elles n’ont donc pas de statut. L’objectif est de s’attaquer au fait que cette inaction échappe au contrôle de l’enfant et de leur éviter la situation vulnérable dans laquelle il se retrouverait une fois renvoyé.

C’est là qu’un permis de séjour temporaire est accordé, effectivement, pendant un an. L’enfant est donc autorisé à rester, à étudier et à travailler. Cela prévient aussi le renvoi. Le permis peut également être renouvelé après un an, et ce n’est donc pas accordé qu’une seule fois pour un an. Merci.

La sénatrice Moodie : Si possible, je vais poursuivre l’analyse. Nous venons tout juste de parler de la double citoyenneté. Je voulais comprendre cela un peu mieux.

J’ai entendu que c’est une raison pour laquelle les enfants pris en charge qui arrivent à l’étape où il est proposé de leur accorder automatiquement la citoyenneté pourraient d’une certaine façon se retrouver fasse à une catastrophe morale ou autre puisqu’ils doivent décider dans quel pays où ils veulent vivre. Le Canada est le seul pays qu’ils connaissent. C’est ici qu’ils ont grandi. Ils n’en connaissent pas un autre. On les renvoie à un endroit où personne ne les connaît, et ils auraient de la difficulté à trouver leurs repères sans soutien.

Si l’on peut leur poser cette question, pourquoi ne pas s’en servir comme point de départ? Pourquoi envisage-t-on cela comme une considération sérieuse ou comme un obstacle grave?

M. St Marseille : Merci de poser la question. Si je comprends correctement, vous me demandez pourquoi, comme moyen utilisé pour appliquer les règles d’immigration, nous ne demanderions pas à tout le monde...

La sénatrice Moodie : Non, je demande pourquoi c’est utilisé comme raison pour dire que l’octroi automatique de la citoyenneté poserait problème puisqu’on pourrait peut-être, dans le cadre de ce processus, renoncer à une autre citoyenneté qui pourrait avoir une certaine valeur.

Une fois de plus, nous nous penchons sur ce qui est réel et ce qui est hypothétique. J’ai une double citoyenneté. Je peux le dire à tout le monde.

Mme Gill : Si je peux me le permettre, je vais répondre à la question pour mon collègue.

Ce que nous considérons à cet égard est lié au fait que ce ne sont pas tous les pays qui reconnaissent ou qui permettent la double citoyenneté. Certains pays ne l’autorisent pas.

La sénatrice Moodie : Vingt-six. Je viens tout juste de compter.

Mme Gill : Oui. Donc, ce qui est perçu comme une préoccupation à cet égard est lié à la position du projet de loi sur l’octroi automatique de la citoyenneté. La question à se poser, c’est si, à la date de la sanction royale, toutes les personnes qui remplissent les critères deviendront automatiquement des citoyens canadiens. C’est la première étape lorsqu’on choisit de ne pas renoncer à l’autre citoyenneté.

La présidente : Merci. Si je peux poser une question sur la façon dont vous avez interprété la rétroactivité pour nous, qu’avez-vous à proposer comme mesures de protection dans le projet de loi en ce qui concerne la rétroactivité?

Me Anna Turinov, avocate, représentante des services juridiques, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada : Merci pour la question. Je vais y répondre.

À première vue, le libellé actuel du projet de loi S-235 ne semble pas avoir d’effet rétroactif. La rétroactivité devrait être — ou, en fait, le caractère rétrospectif — devrait être clairement énoncée, et rien ne laisse croire que c’est le cas dans le projet de loi.

La présidente : Je suis maintenant perplexe. Nous vous avons entendu dire plus tôt qu’une fois que le projet de loi allait être adopté, toute personne expulsée qui s’est retrouvée ailleurs dans le monde pourrait revendiquer une attribution automatique de la citoyenneté. Ai-je des collègues qui ont également mal compris? Ce n’est pas juste moi.

Me Turinov : Si je peux apporter une précision, je pense que nous parlons de deux choses différentes ici. Il y a la portée temporelle, c’est-à-dire si le projet de loi est rétroactif ou non, mais aussi la portée géographique et l’application du projet de loi. C’est de cela qu’il est question ici : le projet de loi s’applique-t-il aux personnes à l’intérieur du pays ou aux personnes à l’étranger?

Si le projet de loi était adopté dans sa forme actuelle, il pourrait, à première vue, s’appliquer tant aux personnes qui se trouvent au pays qu’à celles qui n’y sont plus. Cela ne signifie pas que le groupe à l’extérieur obtiendrait rétroactivement les avantages de la citoyenneté à partir d’une certaine date dans le passé.

La présidente : Je vois. Donc, le projet de loi pourrait, en théorie, être renforcé en ajoutant une phrase sur la rétroactivité pour les personnes qui se trouvent encore au Canada et qui pourraient avoir perdu leur citoyenneté à partir de leur majorité, de la fin de leur prise en charge. Merci pour cette précision. Je ne comprenais vraiment pas.

Chers collègues, nous avons un peu de temps, 10 minutes, pour obtenir d’autres précisions.

La sénatrice Pate : Je ne sais pas si vous avez l’information, mais le cas échéant, il serait très utile de connaître le nombre de personnes expulsées qui ont été prises en charge lorsqu’elles étaient des enfants, en remontant peut-être aussi loin que les données le permettent, mais au moins 10 ans. Il serait intéressant de savoir combien de personnes expulsées ont été prises en charge lorsqu’elles étaient des enfants.

M. St Marseille : Merci de la question. Nous avons regardé, et ce n’est pas des données que nous pourrions avoir. Comme je l’ai mentionné plus tôt, puisque cela ne fait pas partie du cadre décisionnel de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, nos notes ou nos dossiers sur l’expulsion ne comprennent pas ces données.

La présidente : Sénatrice Jaffer, avez-vous une autre question?

La sénatrice Jaffer : Non, merci, monsieur le président.

La présidente : Bien. Merci beaucoup aux représentants des deux ministères d’avoir comparu devant nous. Vous nous avez aidés à comprendre certaines des répercussions. Nous allons peut-être devoir recommuniquer avec vous. Nous ne le savons pas. C’est toujours pour faire preuve de diligence raisonnable, comme il se doit.

Chers collègues, je vous remercie tous.

(La séance est levée.)

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