LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES TRANSPORTS ET DES COMMUNICATIONS
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 2 mars 2022
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd’hui, à 18 h 30 (HE), avec vidéoconférence, pour une étude sur l’incidence des changements climatiques sur les infrastructures essentielles dans les secteurs des transports et des communications et les répercussions corrélatives sur leurs interdépendances.
Le sénateur Leo Housakos (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Honorables sénateurs, bonsoir. Je suis Léo Housakos, sénateur du Québec et président de ce comité, et j’aimerais vous présenter les membres du comité qui participent à cette réunion. Nous avons avec nous la vice-présidente, la sénatrice Miville-Dechêne, du Québec; le sénateur Cormier, du Nouveau-Brunswick; la sénatrice Clement, de l’Ontario; le sénateur Dawson, du Québec; le sénateur Klyne, de la Saskatchewan; le sénateur Manning, de la Nouvelle-Écosse; la sénatrice Galvez, du Québec; aussi, le sénateur Quinn, du Nouveau-Brunswick; la sénatrice Simons, de l’Alberta; et la sénatrice Sorensen, qui est également de l’Alberta.
[Traduction]
Nous nous réunissons conformément à l’ordre de renvoi que nous avons adopté le 10 février 2022 pour notre étude sur l’incidence des changements climatiques sur les infrastructures essentielles dans les secteurs des transports et des communications et les répercussions corrélatives sur leurs interdépendances.
[Français]
Pour le premier panel sur cette étude, nous avons le plaisir d’accueillir, de la Sécurité publique du Canada, M. Ryan Schwartz.
[Traduction]
M. Ryan Schwartz est le directeur général intérimaire de la Direction des infrastructures essentielles, Secteur de la sécurité nationale et de la cybersécurité.
[Français]
Bienvenue et merci de vous joindre à notre comité virtuellement.
[Traduction]
Nous allons commencer par votre déclaration liminaire. Comme nous le faisons toujours, nous allons vous accorder de 10 à 15 minutes pour votre exposé, après quoi nous aurons la séance de questions.
Ryan Schwartz, directeur général intérimaire, Direction des infrastructures essentielles, Secteur de la sécurité nationale et de la cybersécurité, Sécurité publique Canada : Monsieur le président, madame la vice-présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, bonjour, et merci de me donner l’occasion de discuter de l’approche du gouvernement du Canada à l’égard de la résilience des infrastructures essentielles. Je suis ravi d’être ici.
Je vais commencer ma déclaration liminaire en vous donnant un aperçu de ce que sont les infrastructures essentielles et en vous expliquant leur importance, ce qui oriente notre approche à l’égard de la résilience des infrastructures essentielles et notre façon de travailler avec nos partenaires, tant au pays qu’à l’étranger. Je poursuivrai en vous présentant sommairement le contexte changeant des menaces et des dangers en matière d’infrastructures essentielles, puis je terminerai par un aperçu des initiatives fédérales connexes qui présentent un intérêt pour la portée de votre étude. J’espère que cet exposé et la discussion qui suivra vous permettront d’avoir un portrait général des infrastructures essentielles au Canada alors que vous entreprenez votre étude sur l’incidence des changements climatiques sur les infrastructures essentielles dans les secteurs des transports et des communications et les répercussions corrélatives sur leurs interdépendances.
Au Canada, on entend par « infrastructures essentielles », ou IE, l’ensemble des processus, des systèmes, des installations, des technologies, des réseaux, des biens et des services nécessaires pour assurer la santé, la sûreté, la sécurité ou le bien-être économique des Canadiens ainsi que le fonctionnement efficace du gouvernement. Les IE peuvent être des infrastructures prises isolément ou interreliées et interdépendantes qui s’étendent à l’intérieur d’une province, d’un territoire ou d’un pays, ou au‑delà des frontières nationales, aux États‑Unis dans notre cas. La perturbation de ces infrastructures essentielles pourrait se solder par des pertes de vie catastrophiques, des répercussions négatives sur l’économie et une confiance publique sérieusement ébranlée.
En matière législative, la Loi sur la gestion des urgences de 2007, en vertu de laquelle le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile a la responsabilité d’assumer la direction nationale de la protection des infrastructures essentielles, nous donne le pouvoir d’entreprendre des travaux relatifs aux infrastructures essentielles.
En guise de soutien à ce pouvoir législatif, en 2009, les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux responsables de la gestion des urgences ont approuvé la Stratégie nationale sur les infrastructures essentielles et les plans d’action à l’appui. La stratégie établit une approche collaborative entre les administrations fédérale, provinciales et territoriales et le secteur privé à l’égard de la résilience des infrastructures essentielles. Cette approche se fonde sur trois objectifs stratégiques : l’établissement de partenariats, la mise en œuvre d’une approche de gestion tous risques, la communication d’information en temps opportun et la protection de l’information. Divers plans d’action ont servi de modèles de fait pour la façon dont la stratégie est mise en œuvre. À titre d’information, la quatrième version de notre Plan d’action sur les infrastructures essentielles a été publiée le 26 mai 2021 et elle couvre la période de 2021 à 2023. Je vais vous en dire plus sur la stratégie et des documents du plan d’action tout à l’heure.
Tout d’abord, la stratégie établit l’orientation pour ce qui est d’accroître la résilience des infrastructures essentielles en fonction des dangers actuels et futurs. Elle classe également les infrastructurelles essentielles au Canada dans 10 secteurs : énergie et services publics, finances, alimentation, gouvernement, santé, technologie de l’information et de la communication, secteur manufacturier, sécurité, transport et eau. Ces secteurs sont interreliés et interdépendants; ils n’existent pas ou ne fonctionnent pas séparément les uns des autres.
La stratégie a également établi des réseaux sectoriels et des mécanismes de collaboration de l’industrie, y compris le Forum national intersectoriel, une entité de consultation et de sensibilisation d’envergure nationale qui réunit les dirigeants des 10 secteurs des infrastructures essentielles du Canada, lesquels dirigeants reconnaissent que la résilience des infrastructures essentielles est une responsabilité conjointe. Le rôle de cette entité est d’établir les priorités et de discuter d’enjeux pertinents pour les différents secteurs ainsi que d’initiatives visant à accroître la résilience des biens et des systèmes essentiels du Canada.
En réponse à la pandémie de COVID-19 et aux préoccupations relatives à la stabilité de la chaîne d’approvisionnement, entre autres enjeux, Sécurité publique Canada a mis sur pied le Forum national intersectoriel élargi sur la COVID-19 pour rassembler les représentants de l’industrie afin qu’ils discutent des préoccupations communes et présentent leurs observations au gouvernement. Ce groupe s’est réuni chaque semaine tout au long de 2020 et s’est concentré sur les enjeux prioritaires, comme l’équipement de protection individuelle, l’administration de tests, la fermeture des frontières, les services et fonctions essentiels et les vaccins. Ces réunions ont régulièrement attiré des centaines de participants de l’ensemble des 10 secteurs des infrastructures essentielles du Canada.
La Stratégie nationale sur les infrastructures essentielles est également à l’origine du Réseau multisectoriel, lequel est composé d’intervenants de niveau opérationnel des secteurs public et privé chargés d’établir des relations intersectorielles et de renforcer les réseaux. Le 2 février, 175 personnes ont participé à notre réunion du Réseau multisectoriel portant précisément sur la cybersécurité dans les secteurs des infrastructures essentielles. Notre plus récente réunion était hier. Elle a porté sur les drones, et nous avions 140 participants.
Sécurité publique Canada a également mis sur pied un groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur les infrastructures essentielles et un réseau des ministères fédéraux responsables des infrastructures essentielles. J’aimerais maintenant prendre le temps de discuter des rôles et des responsabilités dans ce domaine, y compris ceux des ministères fédéraux responsables.
Sécurité publique Canada est chargé d’orienter l’ensemble des efforts déployés par le gouvernement fédéral pour accroître la résilience des infrastructures essentielles. Plus particulièrement, nous contribuons au partenariat entre les secteurs public et privé en réunissant les intervenants au moyen du Forum national intersectoriel et d’autres mécanismes de mobilisation. Des réseaux sectoriels, qui s’appuient sur les partenariats, l’échange de renseignements et la gestion tous risques — les thèmes centraux de la stratégie — ont été mis sur pied pour chacun des 10 secteurs des IE. Ces réseaux sectoriels sont dirigés par un ministère fédéral responsable qui correspond à ce que l’on s’attendrait. Par exemple, Agriculture et Agroalimentaire Canada dirige le secteur de l’alimentation; Ressources naturelles Canada est chargé du secteur de l’énergie et des services publics; Transports Canada est responsable du secteur des transports; et Innovation, Sciences et Développement économique Canada gère le secteur de la technologie de l’information et de la communication.
Il importe également de souligner que les propriétaires et les exploitants des IE sont les principaux responsables de la protection de leurs biens et de leurs systèmes. Ils sont également responsables de la planification et de la mise en œuvre de la continuité des activités et de l’intervention en cas d’urgence en collaboration avec les provinces, les territoires et les municipalités qui en relèvent, étant donné que la majorité des incidents, qu’il s’agisse de catastrophes naturelles, d’incidents liés à la cybersécurité ou d’accidents, se produisent et sont ressentis localement.
Nous travaillons également avec nos partenaires internationaux, y compris nos alliés du Groupe des cinq, l’OTAN — l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord — et le département de la Sécurité intérieure des États‑Unis par l’entremise de la Cybersecurity and Infrastructure Security Agency, ou CISA.
Outre les partenariats et les aspects stratégiques de notre travail, il existe quelques initiatives précises dans le domaine de la résilience des infrastructures essentielles. Par exemple, Sécurité publique Canada concentre ses efforts dans les domaines des évaluations de la résilience, des évaluations de l’incidence et de l’interdépendance des infrastructures essentielles, des exercices physiques et des cyberexercices, et de la sécurité des systèmes de contrôle industriel, soit les systèmes automatisés qui gèrent et fournissent des services à la population canadienne, comme l’eau qui circule dans les immeubles et le fonctionnement des feux de circulation.
Je vais vous donner deux exemples d’initiatives liées aux IE et gérées par Sécurité publique Canada qui sont couronnées de succès. La première est le Programme d’évaluation de la résilience régionale, ou PERR, dans le cadre duquel des évaluations tous risques de sites sont entreprises pour des installations de l’ensemble des 10 secteurs des IE à l’échelle du Canada. Le PERR permet d’être sur le terrain et constitue un moyen tangible pour les gouvernements et le secteur privé de travailler ensemble à l’examen des vulnérabilités et des menaces ainsi qu’à la mise en œuvre de mesures correctives. À ce jour, nous avons réalisé plusieurs centaines d’évaluations dans des installations liées aux IE canadiennes, y compris des réseaux de distribution d’électricité, des bureaux gouvernementaux et de grandes plaques tournantes de transport en commun.
Je vous signale que nos évaluateurs seront sur le terrain dans les prochaines semaines pour faire le point sur la sécurité physique et la résilience d’un certain nombre d’usines d’épuration des eaux et de traitement des eaux usées dans les environs de Winnipeg, de l’Aéroport international Montréal-Mirabel et de la Tour CN de Toronto.
Le deuxième exemple que j’aimerais vous présenter est l’Outil canadien de cybersécurité, qui a été lancé en juin 2020 en réponse à un nombre croissant de cyberattaques malveillantes ciblant le secteur de la santé pendant la pandémie. Cet outil virtuel d’auto-évaluation a été mis au point par Sécurité publique Canada et le Centre canadien pour la cybersécurité, un centre de la sécurité des communications, et il est spécialement conçu pour les propriétaires et les exploitants d’infrastructures essentielles. Cet outil est un court sondage qui donne un aperçu de la résilience opérationnelle et de la situation relative à la cybersécurité d’une organisation ainsi que des résultats comparatifs dans l’ensemble de son secteur.
J’aborde la cybersécurité compte tenu de la convergence constante des systèmes physiques et numériques; il est donc difficile de séparer et d’isoler les infrastructures essentielles pour les protéger de manière traditionnelle ou historique. En outre, étant donné qu’il y a davantage de menaces et que les frontières entre les secteurs traditionnels d’infrastructures essentielles s’estompent de plus en plus, il devient difficile de cerner les points de défaillance uniques.
Les attaques par maliciels et rançongiciels ont visé des infrastructures physiques comme des pipelines, des centrales électriques, des usines d’épuration des eaux, des usines de fabrication et des systèmes de transport et de logistique. En juin 2017, le maliciel NotPetya a paralysé des entreprises de logistique, ce qui a eu un effet d’entraînement sur les principaux ports et d’autres centres de transport à l’échelle mondiale et a entraîné des milliards de dollars de dommages.
Récemment, l’attaque par rançongiciels du réseau Colonial Pipeline a créé des pénuries de carburant et une hausse des prix dans une bonne partie de l’Est des États‑Unis en mai 2021.
Ces exemples démontrent l’importance des effets cumulatifs sur les infrastructures essentielles. Les inondations et les feux de forêt, conjugués aux pandémies, aux cyberincidents et à des troubles civils, font en sorte qu’il est de plus en plus difficile de maintenir, et encore moins d’accroître, la résilience des infrastructures essentielles pour assurer la prestation continue et ininterrompue des services et des fonctions essentiels.
Regardant vers l’avenir, Sécurité publique Canada s’est engagé à travailler en étroite collaboration avec les provinces et les territoires, la communauté fédérale et le secteur privé pour élaborer une nouvelle stratégie et approche en matière de résilience des infrastructures essentielles. C’est un produit livrable dans notre Plan d’action sur les infrastructures essentielles de 2021-2023. Les travaux sont en cours en vue d’élaborer une stratégie et une approche tournées vers l’avenir qui orienteront les activités liées à la résilience des infrastructures essentielles dans un environnement de risques et de menaces qui évolue rapidement.
Ces travaux préparent le terrain pour nous permettre de relever certains nouveaux défis auxquels nous sommes confrontés dans le domaine de la résilience des infrastructures essentielles, y compris les effets d’un climat changeant.
Nous examinons ces défis sous l’angle de quatre moteurs du changement simples, mais interreliés : la numérisation continue des systèmes et des processus; l’augmentation du nombre et de la diversité des menaces à la sécurité; la prospérité économique des infrastructures essentielles résilientes comme avantage concurrentiel; et les risques pour l’environnement.
L’augmentation des risques pour l’environnement, exacerbée par les changements climatiques, est un enjeu que les membres du comité connaissent probablement bien.
Je n’ai qu’à mentionner ce qu’a vécu la Colombie-Britannique cette année : un dôme de chaleur en juin, des feux de forêt en juillet et en août ainsi que des inondations et des glissements de terrain en novembre, ce qui a entraîné des conséquences et des effets catastrophiques sur les infrastructures essentielles et les chaînes d’approvisionnement à l’échelle régionale et nationale.
Au cours des deux dernières années, il y a eu de nombreux exemples de perturbations de l’offre et de la demande liées à la pandémie et récemment, il y a eu des manifestations qui ont mené à la fermeture d’infrastructures de transport importantes, ce qui a eu un effet d’entraînement sur les secteurs des infrastructures essentielles des deux côtés de la frontière entre le Canada et les États‑Unis, y compris l’alimentation et le secteur manufacturier.
Les infrastructures essentielles sont plus dynamiques que statiques, principalement parce qu’elles sont plus intégrées et reliées que jamais auparavant compte tenu des progrès technologiques dans le secteur de la technologie de l’information et de la communication, y compris le transfert rapide des données et les délais de traitement écourtés. Cette situation peut présenter de nouveaux risques pour la résilience des infrastructures essentielles.
Par exemple, la technologie sans fil de cinquième génération, ou 5G, nécessitera une augmentation du nombre d’infrastructures de télécommunications et de leur densité, ce qui pourrait être influencé par des phénomènes météorologiques extrêmes de plus en plus fréquents et graves, allant de la chaleur aux inondations, au vent et à la neige et à la glace. Il est important de tenir compte de cette situation, car le secteur de la technologie de l’information et de la communication fournit des services et des fonctions qui soutiennent tous les autres secteurs des infrastructures essentielles, tout comme le secteur de l’énergie et des services publics. Il est au cœur de la résilience des infrastructures essentielles.
J’aimerais souligner que le travail que nous faisons au Canada et dans l’appareil fédéral en matière de résilience des infrastructures essentielles n’est pas réalisé de manière isolée. Il est complété par un nombre d’initiatives de recherches et d’initiatives stratégiques fédérales. Ces initiatives comprennent des programmes d’adaptation ciblés dans les domaines des transports et des ressources naturelles ainsi que des évaluations scientifiques des impacts et de l’adaptation qui permettent de résumer l’état actuel des connaissances à l’échelle des secteurs et des régions du Canada.
En fait, le dernier rapport de la série Le Canada dans un climat en changement, le rapport La santé des Canadiens et des Canadiennes dans un climat en changement a été publié plus tôt ce mois-ci.
La Stratégie de sécurité civile pour le Canada et les initiatives connexes comme le Profil de risque national apportent un soutien accru et s’ajoutent à la résilience des infrastructures essentielles. Les Accords d’aide financière en cas de catastrophe sont également en place pour faire face aux risques liés au climat.
Une stratégie nationale d’adaptation est en cours d’élaboration, et Infrastructure Canada soutient les infrastructures résilientes aux changements climatiques grâce au Fonds d’atténuation et d’adaptation en matière de catastrophes et à l’Initiative sur les immeubles résilients aux changements climatiques et les infrastructures publiques de base menée par le Conseil national de recherches Canada.
Je mentionne ces exemples pour souligner l’importance de veiller à la cohérence avec les travaux déjà en cours sur les effets des changements climatiques et l’adaptation à ceux-ci, car ces travaux représentent une occasion de tirer parti de la recherche, des analyses et des possibilités de mobilisation.
Parallèlement, des efforts sont déployés en vue de réduire les émissions de gaz à effet de serre pour que nous puissions limiter l’étendue des changements climatiques, ce qui nous permet ainsi de gérer les effets inévitables qui se produiront à l’échelle de la société et de l’économie.
J’espère que mes observations de ce soir ont été utiles, qu’elles ont fourni aux membres du comité certains renseignements généraux sur la résilience des infrastructures essentielles au Canada et qu’elles ont permis de préciser le contexte de cette résilience.
Si je peux me permettre, j’aimerais vous faire part du message à retenir au moment où vous commencez votre étude, à savoir qu’en ce qui concerne les infrastructures essentielles, nous devons composer avec des systèmes complexes, ces systèmes ont des interdépendances et ces interdépendances peuvent mener à des effets d’entraînement et à des défaillances. D’ailleurs, je termine en précisant que Sécurité publique Canada demeure résolu à travailler avec des partenaires des secteurs public et privé afin d’accroître la résilience des infrastructures essentielles, y compris des mesures qui s’appliquent à l’incidence des changements climatiques.
Je vous remercie du temps que vous m’avez accordé. Si vous avez des questions, je me ferai un plaisir d’y répondre.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Schwartz.
Chers collègues, veuillez lever virtuellement la main si vous voulez poser une question, et le greffier me fera signe lorsqu’un sénateur dans la salle voudra intervenir. Je vais vous donner le temps de poser une question et une question complémentaire, et, bien entendu, je laisserai M. Schwartz répondre. De cette façon, compte tenu du temps que nous avons, tous les sénateurs pourront intervenir. De plus, si le temps le permet au deuxième tour, les sénateurs qui souhaitent poursuivre leurs questions pourront lever la main pour me l’indiquer.
Le sénateur Dawson : Merci, monsieur Schwartz. Vous êtes notre premier témoin, et notre discussion nous aidera à circonscrire ce que nous devons étudier. C’est une tâche colossale que nous avons à accomplir.
Vous l’avez dit au début de vos observations — le fédéral et le provincial au Canada — en parlant d’une approche regroupant plusieurs ordres de gouvernement. Je ne veux pas parler de ce qui s’est produit à Ottawa il y a quelques semaines, mais le fait que nous ayons différents ordres de gouvernement crée différents niveaux de difficulté lorsque nous faisons face à une crise comme celle des changements climatiques.
J’aimerais que vous en disiez plus à ce sujet. Comment collaborez-vous avez les provinces et les villes? Et il faudrait que j’ajoute la relation Canada—États‑Unis, car les changements climatiques ne respectent pas les frontières, comme l’a souvent dit la sénatrice Galvez. Les changements climatiques sont nord-américains, ils sont internationaux.
En tant qu’organisation, comment mobilisez-vous les différents ordres de gouvernement?
M. Schwartz : Merci beaucoup de poser cette excellente question.
Je dirais d’entrée de jeu que notre approche en matière de résilience des infrastructures essentielles repose sur les principes de la collaboration. Comme je l’ai mentionné dans mes observations, l’adaptation aux changements climatiques ou la résilience des infrastructures essentielles, voire la résilience de manière générale est une responsabilité partagée.
Vous avez parfaitement raison : de nombreuses administrations doivent assumer différentes responsabilités, ce qui peut compliquer les choses. Notre approche repose largement sur la coopération et la collaboration avec le plus grand nombre de partenaires possible. La Stratégie nationale sur les infrastructures essentielles est un document fédéral-provincial-territorial. Les ministres chargés de la gestion des urgences l’ont signée. Nous entretenons de bonnes relations avec nos collègues des provinces et des territoires. La capacité de certaines administrations varie par rapport à celle des autres, selon leur taille, selon qu’elles sont petites ou grandes.
Nous utilisons néanmoins certains mécanismes participatifs dans le domaine des infrastructures essentielles. J’ai mentionné le Forum national intersectoriel. Il y a aussi le Réseau multisectoriel. Nous avons également un groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur les infrastructures essentielles. Nous tentons de communiquer avec le plus grand nombre possible de partenaires. La portée de notre travail est limitée par notre propre capacité interne à assumer notre fonction de partenariats.
Je crois qu’il y a une lacune dans la participation des villes, vous en avez parlé, des municipalités. Depuis les 10 à 12 années que notre stratégie nationale est en place, je dirais qu’il y a une lacune dans notre participation et notre collaboration. Il faut reconnaître que les municipalités sont, premièrement, aux premières lignes des changements climatiques et, deuxièmement, de grandes propriétaires d’infrastructures essentielles pour l’énergie, les services publics, l’eau et ainsi de suite. C’est une lacune que nous tentons de corriger au moyen de notre approche renouvelée, en collaborant avec les provinces et les territoires.
À propos de la collaboration du Canada avec les États‑Unis, comme je l’ai dit, nous entretenons de bonnes relations. En fait, j’ai parlé aujourd’hui avec nos collègues du département de la Sécurité intérieure, l’agence de cybersécurité et de sécurité des infrastructures des États‑Unis, des infrastructures transfrontalières et de leur importance dans le contexte du Sommet des leaders nord-américains de l’année dernière et de certains engagements pris à cette occasion. Nous travaillons donc régulièrement avec les États‑Unis. Encore une fois, le transport et les infrastructures favorisent beaucoup le commerce, tout comme la circulation de biens et de services ainsi que de personnes à la frontière. De plus, toutes sortes d’infrastructures traversent la frontière, comme des pipelines et des réseaux de production d’électricité. Nous reconnaissons sans aucun doute l’importance pour nous de cette relation. Et nous ne travaillons pas uniquement avec les États‑Unis de façon bilatérale. Nous faisons également partie du Groupe des cinq avec le Royaume‑Uni, l’Australie et la Nouvelle‑Zélande, et nous collaborons dans de nombreux dossiers sur la résilience des infrastructures essentielles, en partageant des leçons apprises et en apprenant des autres au sujet d’approches qui fonctionnent. Nous regardons les initiatives de résiliences des infrastructures essentielles prises par certains de nos autres partenaires, y compris les États‑Unis, avec un peu d’envie. J’espère que c’est utile, et je serais heureux de répondre à une question complémentaire si vous le voulez.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Merci pour cet exposé assez complexe, où il y avait beaucoup d’éléments. Je vais vous poser une question très simple : sommes-nous prêts? Vous avez dit qu’il y a 11 infrastructures critiques. Avez-vous évalué, sur le plan de chiffres et de lettres, quel est le niveau de préparation de chacune de ces infrastructures critiques? Vous avez dit beaucoup de choses, comme qu’il sera compliqué de mettre des tours pour la 5G en raison des changements climatiques. Au-delà de ces mots, à quel niveau sommes-nous prêts et, particulièrement, sur le plan des infrastructures critiques? Avez-vous un tableau avec des pourcentages pour en faciliter la compréhension? Je sais, c’est une question un peu simpliste, mais quand même, je la pose.
M. Schwartz : Merci beaucoup pour la question. Je vais répondre en anglais si cela vous convient, parce que c’est probablement plus simple et je serai plus précis dans ma réponse. Je vous remercie encore pour votre question.
[Traduction]
C’est une excellente question. Je dirais que ce n’est pas simple du tout. Nos 10 secteurs des infrastructures essentielles englobent une grande partie des infrastructures d’un bout à l’autre du pays. Sommes-nous prêts? Je ne pense pas. Je pense que nous faisons face à un défi de taille du point de vue de l’adaptation aux changements climatiques. Le Groupe de travail II du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat des Nations unies a publié son rapport hier. Il contient une série de sérieuses mises en garde pour des pays du monde entier, y compris le Canada, en ce qui a trait aux ressources en eau et à d’autres secteurs clés de notre société et de notre économie. Je dirais que c’est sans aucun doute l’un des plus importants défis, voire le plus important auquel nous faisons face.
Je pense que ce qui aggrave la situation dans notre pays, c’est qu’une grande partie de nos infrastructures, en plus des conséquences des changements climatiques, sont vieillissantes, ce qui pose problème. Je sais qu’Infrastructure Canada possède un plan robuste et exhaustif pour investir dans les infrastructures, principalement des infrastructures résistantes aux changements climatiques, car je pense qu’un certain nombre de ministères et d’organismes estiment que si nous dépensons l’argent, nous devons le dépenser correctement et veiller à ce que les infrastructures que nous construisons résistent aux conditions auxquelles nous nous attendons à l’avenir, pas aux conditions que nous associons désormais au passé.
Je ne peux pas donner de chiffres à ce stade-ci. Nous n’avons pas fait d’analyse ou d’évaluation détaillée pour déterminer la proportion d’infrastructures résilientes. Je sais qu’Infrastructure Canada entreprend une évaluation nationale des infrastructures. Le travail ne fait que commencer. Ce sera très utile pour nous alors que nous cherchons à faire en sorte que les infrastructures que nous avons au Canada, y compris les infrastructures essentielles, soient prêtes pour résister aux conséquences des changements climatiques.
Pour résumer, je pense que de bons programmes et de bonnes initiatives ont été mis en place. J’ai mentionné le Fonds d’atténuation et d’adaptation en matière de catastrophe. Je pense que c’est un bon départ. On reconnaît de plus en plus que les changements climatiques créeront un défi considérable pour nous du point de vue des infrastructures. Une stratégie nationale d’adaptation est en cours d’élaboration. Ce sont toutes de bonnes choses qui se font dans l’ensemble du gouvernement. Sommes-nous prêts? Je pense qu’il y a beaucoup de travail à faire pour pouvoir l’affirmer, compte tenu de l’ampleur du défi.
La sénatrice Galvez : Merci, monsieur Schwartz, pour votre honnêteté, car j’allais poser une question similaire. Vous avez dit que nous ne sommes pas prêts. Oui, tout à fait. Nous sommes très loin de l’être.
L’un des premiers phénomènes météorologiques extrêmes a eu lieu en 1985; il y en a eu un autre en 1996 au Québec. Nous avons eu les inondations en Alberta et à Toronto. Nous avons eu l’incendie à Fort McMurray. En novembre dernier, nous avons eu la rivière atmosphérique en Colombie-Britannique. Les résidants de tous ces endroits diraient que nous ne sommes pas du tout prêts.
Vous avez présenté un très beau cadre théorique qui, malheureusement, comme nous le voyons chaque fois, presque chaque année, ne fonctionne pas. Pouvez-vous me dire ce que nous pouvons faire exactement? Vous avez parlé de problèmes cumulatifs. Nos infrastructures sont vieillissantes; c’est interconnecté, interdépendant et interrelié. Il y a un effet d’entraînement. Pourriez-vous me dire à quel moment nous serons prêts et ce que nous devons faire exactement? Comment pouvons-nous rendre nos infrastructures plus résistantes?
M. Schwartz : Merci beaucoup, madame la sénatrice. Je vous suis reconnaissant de poser la question. Vous avez parfaitement raison. La fréquence et la gravité des phénomènes extrêmes se sont accentuées. Nous le voyons partout au pays. Le Bureau d’assurance du Canada dirait que la tendance ne fait que s’accentuer.
Quand serons-nous prêts et que pouvons-nous faire? Ce sont deux très bonnes questions. Je ne sais pas, pour être honnête, si nous serons totalement prêts un jour. Je pense que nous pouvons faire tout ce que nous pouvons pour nous préparer grâce à des efforts d’adaptation et pour devenir de plus en plus résilients. Ce que nous avons constaté à la suite de ces phénomènes accablants à certains endroits, c’est que notre capacité d’adaptation et nos efforts en ce sens ont des limites. Nous pourrions peut-être faire un plus grand nombre de changements profonds, comme la construction d’infrastructures totalement différentes ou le choix d’emplacements différents. Face à l’érosion côtière, nous allons peut-être construire plus loin, et le milieu international de la recherche parlera de « retraite gérée » ou d’« abondon », pour employer un terme plus direct.
Je pense que le processus de résilience est permanent. Je crois vraiment que c’est un processus d’amélioration continue et d’adaptation continuelle aux changements en cours. Je pense qu’il est évident selon les données scientifiques que les conséquences continueront d’empirer, ce qui signifie qu’il est très difficile — et je peux en parler dans un instant — de savoir dans quelle mesure nous devons être prêts grâce à un certain niveau de résilience.
La modification des codes et des normes du bâtiment offre une avenue. J’ai parlé du travail dirigé par le Conseil national de recherche. Nous pouvons intégrer des considérations liées aux changements climatiques et à leurs conséquences dans les codes et les normes du bâtiment en les rendant, par exemple, plus stricts pour résister au vent, à la glace ou aux routes enneigées. C’est une mesure très utile. C’est ce que le Québec et l’Ontario ont fait après la tempête de verglas en 1998. Les piliers et les tours sont maintenant plus solides.
Je crois aussi fermement à ce que nous appelons depuis longtemps, dans le monde de l’adaptation aux changements climatiques, l’intégration. L’intégration signifie simplement qu’il faut normaliser ou intégrer les considérations relatives aux répercussions des changements climatiques et à l’adaptation aux changements climatiques dans nos processus normaux de gestion des activités et des risques. Autrement dit, chaque décision que nous prenons, chaque investissement que nous effectuons et chaque dollar que nous dépensons doit inclure une certaine forme de considération de l’incidence que les changements climatiques auront à l’avenir et du temps que cela durera si nous ne le renforçons pas. Si nous ne le faisons pas, comme ma mère le disait toujours, nous ne ferons que gaspiller de l’argent.
Nous devons veiller à cette intégration dans l’ensemble de nos secteurs de prise de décisions et de notre gestion des risques. Je pense que c’est reconnu au gouvernement fédéral dans un certain nombre de ministères et d’organismes. En 2011, le Cadre stratégique fédéral sur l’adaptation a été publié, ce qui a guidé les efforts du gouvernement fédéral pour devenir résilient au climat dans les travaux qu’il accomplit pour ses programmes, ses services et ses actifs. L’un des principes fondamentaux de ce cadre est l’intégration.
Une autre chose que nous pouvons faire est, comme je l’ai dit, de nous assurer que lorsque nous effectuons des investissements, nous devons planifier à long terme et utiliser des renseignements qui nous disent à quoi pourrait ressembler le climat dans le futur. Il s’agirait de scénarios climatiques, de modèles climatiques et de projections climatiques, et pas seulement de données et de modèles historiques [Difficultés techniques] sur la construction d’infrastructures, car nous savons que cela change.
Il s’agit davantage d’une approche axée sur l’avenir lorsque nous investissons dans des infrastructures et en construisons, plutôt que d’examiner, par exemple, les « normales climatiques » des 30 dernières années, qui ne refléteront pas le climat de l’avenir.
Je dirais donc que la résilience et l’adaptation sont des processus itératifs. Ce sont des processus d’amélioration continue que nous mènerons toujours. Quant à la manière exacte de le faire, il y a des mesures très tangibles et concrètes que nous pouvons prendre, comme des codes de construction, l’intégration, ainsi que la garantie que nous faisons des investissements judicieux aux bons endroits et au bon moment. Merci.
Le sénateur Quinn : Merci, monsieur Schwartz, de cet exposé très intéressant sur un sujet très complexe. Je ne peux que commencer à comprendre les complications qui touchent des compétences multiples que cela causerait.
Comme question fondamentale, est-ce que les principaux ministères du gouvernement fédéral qui possèdent la majeure partie de l’infrastructure — même si nous possédons la plus grande partie de l’infrastructure — ont l’obligation de réaliser une analyse des risques pour l’infrastructure et de fournir ce genre d’analyses pour rendre compte de ce qu’ils font dans la planification future pour prévenir, traiter ou atténuer les répercussions des changements climatiques?
M. Schwartz : Merci beaucoup, monsieur le sénateur Quinn. Je vous suis reconnaissant de la question.
Oui. En ce qui concerne les ministères et organismes fédéraux qui sont les plus grands propriétaires d’actifs ou de terrains, je pense à Services publics et Approvisionnement Canada. Le ministère de la Défense nationale vient également à l’esprit, en raison de la quantité d’infrastructures et de terrains qu’il possède, des pipelines, des bâtiments, et cetera. Ces ministères et organismes auront leurs propres plans de continuité des activités et de gestion des risques. La question est de savoir s’ils ont une vision suffisamment large. Généralement, lorsque nous examinons l’horizon du risque, ces exercices de gestion des risques ministériels sont à court terme plutôt qu’à long terme.
J’ai mentionné plus tôt dans l’une de mes réponses le Cadre stratégique fédéral sur l’adaptation, qui tente vraiment de faire comprendre que le gouvernement fédéral doit envisager le long terme en tant qu’institution. Malheureusement, dans ce contexte, à l’heure actuelle, il n’y a rien d’obligatoire qui nous contraint de le faire. Cela dit, je sais que le Centre pour un gouvernement vert du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada examine certaines de ces exigences et de ces initiatives qui pourraient rendre le gouvernement fédéral plus résilient en tant qu’institution.
Par ailleurs, je devrais probablement m’en remettre aux autres ministères et organismes pour savoir comment ils ont géré leurs portefeuilles d’actifs, mais d’après mon expérience, tant dans le monde des infrastructures essentielles que dans celui de l’adaptation aux changements climatiques, j’ai constaté un changement en reconnaissant que les changements climatiques auront des répercussions et des coûts pour nos propres opérations en tant qu’institution et qu’il faut y faire face.
C’est peut-être une réponse un peu évasive, mais cela tient en partie au fait que je ne suis pas au courant s’il existe des exigences obligatoires pour examiner cette question; dans le passé, tout se faisait de façon volontaire. Nous sommes conscients de ces questions du point de vue du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada et du Centre pour un gouvernement vert.
Le sénateur Quinn : Merci de cette réponse. Je ne l’ai pas trouvée du tout évasive. Il y a un aperçu de la réalité du monde dans lequel vous devez vivre.
Ma question complémentaire est la suivante : quel rôle votre ministère, Sécurité publique Canada, et le Conseil du Trésor doivent-ils assumer à l’égard de ce dont vous parlez?
Je suis ravi d’apprendre que le Conseil du Trésor envisage de mettre en place des exigences. Lorsque j’étais là, il y avait une étude d’impact de la réglementation. Savez-vous s’il y a eu des discussions, ou si Sécurité publique envisage de promouvoir l’idée d’avoir des énoncés d’impact sur les changements climatiques dans les MC, les mémoires au Cabinet, et dans les présentations au Conseil du Trésor pour forcer les ministères à y réfléchir vraiment?
M. Schwartz : C’est une excellente question complémentaire. Ces considérations feraient partie d’évaluations environnementales stratégiques dans le cadre des processus relatifs aux MC et aux présentations au Conseil du Trésor.
Ces évaluations pourraient être mieux réalisées, pour être honnête avec vous. L’impression que j’ai eue quand j’ai travaillé sur ces questions dans le passé, c’est qu’elles ont été en grande partie, ou dans une certaine mesure, des cases à cocher. Oui, nous avons fait ceci, oui, nous réalisons l’ACS+, l’analyse comparative entre les sexes plus. Ce sont des outils et des leviers vraiment importants que nous devons utiliser pour nous assurer que nous prenons adéquatement compte des répercussions des changements climatiques, des retombées des investissements et des décisions que nous prenons concernant les changements climatiques par rapport aux investissements que nous faisons pour augmenter les émissions de gaz à effet de serre, entre autres. Donc oui, je pense que ce sont de très bons moyens de le faire. Je ne suis pas au courant de quoi que ce soit d’autre pour le moment, monsieur le sénateur Quinn, où le Conseil du Trésor envisagerait cela. Ce serait une question de suivi à poser.
L’autre chose à laquelle j’ai pensé pendant que vous posiez votre question complémentaire — si je peux revenir à la première réponse — est que dans la Loi sur la gestion des urgences, il y a, et j’oublie l’article exact, une exigence ou une référence pour s’assurer que les ministres gèrent les risques des infrastructures essentielles dans leurs domaines de responsabilité. Nous avons donc un indicateur dans la Loi sur la gestion des urgences, où l’on fait référence à la gestion des risques pour les infrastructures essentielles. Il s’agit de ministres — au pluriel —, si bien que cela s’applique à l’ensemble du gouvernement.
Toutefois, pour revenir à votre question précédente, la mesure dans laquelle ces risques sont examinés et gérés varie réellement selon les ministères. Je sais qu’un certain nombre de ministères et d’organismes ont effectué leur propre évaluation des risques liés aux changements climatiques. Ressources naturelles Canada en a fait une. Environnement et Changement climatique en a fait une. Transports Canada a été l’un des premiers ministères à le faire il y a 10 ou 15 ans, à peu près. Mais un certain nombre de ministères et d’organismes ont examiné les risques pour leurs biens et leurs opérations. Dans certains cas, ils ont fait ce travail eux-mêmes. Dans d’autres, ils ont confié à des consultants le soin d’examiner attentivement leurs architectures d’activités de programmes et de passer en revue chaque élément sur lequel les ministères travaillent, qu’il s’agisse d’infrastructures météorologiques ou de parcs de véhicules, par exemple. Ils passent en revue et disent : « Voici les risques pour le ministère ».
Il y a de bonnes raisons de faire plus dans ce domaine, mais il y a certainement eu quelques pionniers qui ont vraiment placé la barre très haut de manière positive pour faire preuve de leadership en matière de gestion des risques climatiques.
Le sénateur Klyne : Bienvenue, monsieur Schwartz. Je tiens à vous remercier de votre participation et de vos réponses.
J’ai de nombreuses questions, mais j’en ai deux pour le moment. S’il y a une deuxième série de questions, je vais demander la parole à nouveau.
Vous avez mentionné, et c’est très évident, que vous avez toute une flotte de biens critiques complexes sous votre responsabilité, et en ce qui concerne les infrastructures essentielles, comme vous l’avez mentionné, elles n’ont jamais été aussi dynamiques qu’aujourd’hui, et c’est largement attribuable aux avancées technologiques des secteurs de l’information, des communications et des technologies. Vous avez mentionné ou évoqué la cybersécurité. Ma première question est la suivante : utilisez-vous les mégadonnées de la chaîne de blocs? Nous savons tous que le gouvernement fédéral a beaucoup d’intervenants qui réclament des mégadonnées, et nous travaillons avec beaucoup d’anciennes technologies de l’information existantes. Nous devons faire la transition vers de nouvelles technologies pour pouvoir traiter ces mégadonnées. Je m’interroge sur la cybersécurité, si vous utilisez des données de la chaîne de blocs.
Par ailleurs, dans le domaine de la cybersécurité et de la sécurité des TIC, Internet à large bande relève-t-il de votre compétence? Le considérez-vous comme étant une infrastructure essentielle? C’est une question.
M. Schwartz : Oh, c’est une question? D’accord. Voulez-vous que je réponde maintenant ou que j’attende?
Le sénateur Klyne : Oh, non, allez-y.
M. Schwartz : Merci de la question, sénateur Klyne. Nous n’utilisons pas la chaîne de blocs pour le moment. Je n’arrive toujours pas à comprendre ce que cela signifie et ce que c’est. Je me dis toujours, « Si on me dit encore une fois que c’est un grand livre numérique, je vais perdre la tête. » C’est parce que j’ai beaucoup de mal à conceptualiser ce que c’est. Bien entendu, je suis conscient de ses capacités en tant que technologie de transformation.
Je ne suis pas le mieux placé pour répondre à cette question. Je dirais que certains de nos collègues dans le Secteur de la sécurité nationale et de la cybersécurité ici à Sécurité publique seraient mieux placés pour le faire, et cela relève probablement davantage de la Stratégie nationale de cybersécurité. Mais pour répondre à votre question, je ne connais personne au gouvernement fédéral qui utilise la chaîne de blocs en ce moment dans le contexte de la résilience des infrastructures essentielles.
Deuxièmement, en ce qui concerne la large bande, elle relève davantage — nous la considérerions certainement comme une infrastructure essentielle, comme faisant partie du secteur des TIC. Encore une fois, je pense que dans ce contexte, elle relèverait d’Innovation, Sciences et Développement économique, ou ISDE, étant donné qu’ISDE est responsable du secteur des TIC. La large bande est quelque chose qui, je pense, encore une fois, est une sorte de transformation pour ce qui est de la connectivité et de la transition vers des services numériques, qui sous-tendent un certain nombre de secteurs des IE.
Certainement, ce n’est pas quelque chose dont nous sommes directement responsables ici à Sécurité publique. Je pense qu’il y a un élément de financement pour la large bande qui provient du gouvernement fédéral, ce qui peut être un élément d’Infrastructure Canada, mais aussi d’ISDE. De mon point de vue, je pense qu’ISDE serait le chef de file en matière de large bande, dans le contexte de la résilience des infrastructures essentielles. Mais oui, nous la considérerions certainement comme une infrastructure essentielle, surtout compte tenu de ce que nous avons vu au cours des deux dernières années de pandémie et de la transition vers le télétravail et les services en ligne.
Le sénateur Klyne : Je vous remercie. Ma deuxième question est liée à un aspect que les sénateurs Dawson et Quinn ont abordé. Elle porte sur la collaboration à l’échelle fédérale, provinciale, territoriale et municipale, je suppose, plus particulièrement sur l’un de vos commentaires, à savoir que vous ne savez pas si nous serions prêts un jour. Et je sais que c’est très dynamique. C’est très fluide. C’est en pleine évolution. Il nous faut une boule de cristal pour savoir où cela aboutira. D’ici 2050, selon ce que j’ai lu quelque part, des phénomènes qui ne se produisaient auparavant qu’une fois à tous les 100 ans se produiront chaque année.
Voici ma question. Si j’interprète ce que j’ai lu et ce que vous avez dit, cela nécessitera un effort national. Si on remonte à 2007, avant l’adoption de la Loi sur les mesures d’urgence, il y avait d’importants efforts à l’échelle du gouvernement, et il était probablement difficile de réunir les provinces et les territoires autour d’une même table, rendant impossible la collaboration à des mesures communes. La Stratégie nationale sur les infrastructures essentielles adoptée en 2009 a mené à la création du Forum national intersectoriel sur les infrastructures essentielles, ce qui nous rapproche, je crois, de l’idée d’un effort collectif à l’échelle du pays.
Cela fait-il l’objet de discussions par rapport... Et quand je dis cela, j’inclus aussi la participation des municipalités, étant donné que les automobilistes paient des taxes fédérales, notamment les taxes sur le carburant, qui sont destinées à un grand nombre d’infrastructures, par l’intermédiaire des provinces, qui reçoivent de l’argent. On ne peut pas exclure les municipalités, car les provinces leur refilent toujours ces responsabilités de toute façon.
Quoi qu’il en soit, envisage-t-on un effort à l’échelle nationale? En outre, cela peut-il se faire par l’intermédiaire du Forum national intersectoriel sur les infrastructures essentielles?
M. Schwartz : Je vous remercie de cette question complémentaire. Pour commencer, je dirais qu’un effort national est certainement nécessaire, étant donné l’ampleur et la portée du défi que représentent les changements climatiques, et leur incidence sur tous les secteurs et tous les aspects de la société dans l’ensemble des régions du pays.
Comme je l’ai indiqué, la résilience et l’adaptation aux changements climatiques sont une responsabilité partagée, tant dans le contexte de la résilience des infrastructures essentielles que dans celui de l’adaptation aux changements climatiques. Le problème est trop important pour qu’une organisation ou entité puisse s’y attaquer à elle seule. Cela me ramène à mes commentaires du début, ou à l’une de mes premières réponses, je dirais, sur l’importance de la collaboration.
Je vais essayer de répondre à vos questions dans l’ordre. Donc, oui, un effort national est nécessaire. Je pense que le Forum national intersectoriel est une pièce du casse-tête. Pour moi, c’est essentiellement une mosaïque d’initiatives, et il existe diverses stratégies axées sur la résilience. J’ai mentionné la Stratégie de sécurité civile pour le Canada. Il y a la Stratégie nationale de cybersécurité, et la Stratégie nationale d’adaptation est en cours d’élaboration. Toutes ces choses sont importantes, à mon avis.
J’avais l’habitude de rêver à une stratégie globale quelconque qui regrouperait toutes ces stratégies et leur donnerait une cohésion. Je pense que cela ne correspond pas au monde dans lequel nous vivons, surtout dans le contexte d’une fédération, avec différentes compétences et priorités et, très franchement, différentes réalités géographiques d’une région à l’autre du pays.
Par conséquent, je considère qu’il y a un réel besoin de coordination, et que cette coordination peut être très utile pour arrimer ces diverses stratégies par ailleurs très complémentaires, afin de s’attaquer aux divers aspects du problème, étant donné son ampleur et sa portée, encore une fois.
Je pense, comme je l’ai indiqué, que le Forum national intersectoriel est l’un des mécanismes permettant d’y arriver. Il y en a plusieurs autres, notamment la Plateforme nationale pour la réduction des risques de catastrophe, et le groupe des cadres supérieurs responsables de la gestion des urgences, ou CSRGU. Du côté de l’adaptation, il y a la plateforme d’adaptation, coprésidée par Ressources naturelles Canada. La Stratégie nationale d’adaptation servira à mettre en place des mécanismes de gouvernance à cet égard.
Toutefois, pour répondre à votre question, je pense qu’une cohérence s’impose. On ne peut avoir des mesures disparates et déconnectées. Autrement dit, il faut éviter le dédoublement des efforts et éviter de travailler à contre-courant, d’où l’importance de la coordination.
Concernant la collaboration avec les provinces et les territoires en général, l’idée est bien accueillie dans le domaine de la résilience. On reconnaît la valeur ainsi que la nécessité de participer à diverses initiatives fédérales dans divers secteurs d’activité : infrastructures essentielles, gestion des urgences, cybersécurité, adaptation aux changements climatiques. Je suis donc très optimiste et la collaboration FTP me semble très prometteuse.
Encore une fois, je considère presque cela comme un modèle de réseaux dans lequel les membres du Forum national intersectoriel retournent dans leurs associations industrielles pour y diffuser l’information, presque comme du bouche-à-oreille. C’est ainsi que ces messages peuvent être amplifiés et que le travail que nous devons faire ici peut être mieux coordonné et contenu.
La dernière chose que je voudrais dire — ou une dernière chose, peut-être —, c’est que la résilience est un concept très difficile à définir et à mesurer. Encore une fois, je pense que c’est en partie lié à mes réponses à une série de questions ou aux autres questions qui ont été posées ce soir.
Nous ignorons ce que cela signifie que d’être « prêt » dans tous les scénarios, car nous ne savons pas à quel point les choses vont empirer. Nous avons une idée : nous savons que ce sera mauvais. Nous savons que les changements climatiques seront importants et qu’ils auront de graves répercussions, mais nous ne connaissons pas l’élévation exacte du niveau de la mer selon les régions côtières où le littoral change, car cela fluctue. Voilà pourquoi on parle d’élévation relative du niveau de la mer. C’est relatif par rapport à la terre.
En outre, la résilience est très difficile à quantifier. Ce n’est pas comme mesurer la réduction des émissions de gaz à effet de serre, qui consiste simplement à mesurer l’écart des émissions polluantes entre hier et aujourd’hui.
Il est très difficile de quantifier, d’une journée à l’autre, l’augmentation de la résilience ou de la résistance face à un ouragan ou à un orage plus violent. Cela pose problème à tout le monde à l’échelle mondiale. Des groupes d’experts ont été créés, des efforts ont été déployés pour définir les paramètres, mais il est déjà difficile de cerner des objectifs. Souhaite-t-on accroître la résilience de 50 %? Quel était le degré de résilience antérieur? Mesurer nos progrès sur le plan de la résilience est l’une des principales difficultés, car chacun a sa définition. Cela varie selon la capacité d’adaptation, les capacités technologiques et financières et la nature des répercussions subies, je suppose.
Parlons des municipalités pour terminer. Je suis tout à fait d’accord avec vous, et je pense qu’il s’agit d’une lacune reconnue dans notre approche actuelle en matière d’infrastructures essentielles. Nous avons tendance à travailler avec les provinces et les territoires, mais à ne pas accorder assez d’attention aux municipalités. C’est un aspect que nous cherchons à changer dans le cadre du renouvellement de notre stratégie et du travail à venir sur le renouvellement de notre approche en matière de sécurité et de résilience des infrastructures essentielles dans les 18 à 24 prochains mois.
Toutes mes excuses pour cette longue réponse. J’espère avoir répondu à chacun de vos points.
Le sénateur Klyne : Excellent. Merci beaucoup. Je suppose que je sais maintenant ce qui vous empêche de dormir la nuit.
La sénatrice Clement : Merci, monsieur Schwartz. Je vais m’appuyer sur les dernières réponses que vous avez données à mes collègues. Je suis une ancienne mairesse, comme ma collègue, la sénatrice Sorensen. Dans toutes les situations d’urgence climatique, les villes jouent le rôle de premiers intervenants. C’est le rôle qui les attend. Je sais que vous avez cerné les lacunes, mais j’aimerais m’attarder aux façons de les corriger.
Au début de la pandémie, lorsque les passagers du navire de croisière sont arrivés à Cornwall, ils devaient rester sur place. Le gouvernement fédéral, la province et la municipalité ont entrepris des discussions pour déterminer comment réagir à cette urgence. La communication a été la première défaillance. Les trois ordres de gouvernement ne communiquaient pas, et lorsque les tensions montent dans la communauté, les gens ne se tournent pas vers le gouvernement fédéral ou la province, mais vers la mairesse ou le maire, le conseil municipal et le personnel de la ville.
Vos stratégies et vos plans tiennent-ils compte de la communication en tant qu’élément de l’infrastructure critique lié à la collaboration? Je pose la question parce que c’est la première chose qui a disparu. Et ne parlons pas de ce qui s’est passé à Ottawa il y a quelques semaines, car vous aurez alors droit à une longue diatribe d’une heure. Qu’en est-il des communications? Cela fait-il partie de votre plan? Comment cela fonctionne-t-il, exactement?
M. Schwartz : Encore une fois, c’est une excellente question, et je vous en remercie. Jusqu’à maintenant, l’accent sur les municipalités a été une lacune dans divers domaines, notamment dans la résilience des infrastructures essentielles, qui relève de moi.
Dans d’autres domaines — qui sont liés à mon travail sur les investissements dans les infrastructures ou l’adaptation aux changements climatiques —, les municipalités ont été très actives et se sont fait entendre par l’intermédiaire de diverses associations, notamment la Fédération canadienne des municipalités ou FCM. Elles reconnaissent qu’il est difficile de faire entendre la voix de milliers de membres, selon la nature du problème. Toutefois, la FCM est mobilisée.
Cette question sur les communications est très intéressante. Nous considérons comme essentiels les technologies, systèmes ou réseaux et les infrastructures physiques qui facilitent les communications, par rapport au secteur ICT, ou information, communications et technologie.
Quant à la communication en soi, c’est une question plus délicate, mais essentielle, pour assurer la connexion entre les divers acteurs lorsque la situation tourne au vinaigre, comme on dit. D’où l’importance de mettre en place de bons plans de gestion des urgences, de bons protocoles et de bons mécanismes et systèmes de gouvernance, car ce n’est pas la confusion qui manque lors de situations d’urgence, comme les très bons exemples que vous avez donnés.
Je suppose que je n’avais pas vraiment pensé à l’importance de la communication pour assurer la résilience, mais je dirais que de mon point de vue, pour revenir aux principes de coordination et de collaboration, la communication est un facteur inhérent et, par conséquent, un élément essentiel de notre travail, à mon avis. Nous ne la désignons pas vraiment comme telle, si cela a du sens, mais c’est sans contredit un élément important de la gestion des urgences, pour les premiers intervenants et par rapport à ce que nous voyons au pays tous les jours. Il convient d’assurer la coordination des réponses aux événements, notamment par le Centre des opérations du gouvernement, ici au ministère de la Sécurité publique, ou en travaillant avec les centres des opérations d’urgence provinciaux et territoriaux.
À bien y penser, je suis d’accord avec vous pour dire que c’est un aspect essentiel, mais la communication n’est pas considérée ou désignée comme essentielle dans la notion actuelle d’infrastructures essentielles.
La sénatrice Clement : Je suis heureuse d’entendre que vous consulterez les municipalités à l’avenir, car elles vous diront que les communications doivent aussi faire officiellement partie des infrastructures essentielles. Cela dit, je vous remercie pour votre réponse.
M. Schwartz : Merci. C’est un bon point.
La sénatrice Sorensen : Ce ne sera pas une question, car je vais poursuivre dans la même veine. En tant qu’ancienne mairesse, il est très difficile de ne pas faire une affaire personnelle du fait que les municipalités constituent une lacune, comme cela a été mentionné à quelques reprises, et certainement par la sénatrice Clement. Les aspects auxquels vous faites référence — usines de traitement des eaux usées, ponts, routes, cybersécurité, incendies, inondations —, ce sont les municipalités qui s’en occupent. Les inondations étaient en Alberta, mais ce sont les autorités municipales de High River ou de Calgary qui sont intervenues. Ou encore celles de Slave Lake, ou Fort McMurray. En Colombie-Britannique, cette année, nous avons appris que certaines collectivités ont été gravement touchées. Je tiens simplement à dire que je suis du même avis que la sénatrice Clement.
Il y a beaucoup à apprendre des municipalités. En Alberta, nous sommes tenus d’avoir un plan de gestion des infrastructures sur 100 ans. Les municipalités connaissent exactement l’état de leurs infrastructures et savent quand elles doivent être remplacées. Elles établissent leurs budgets en conséquence, sur un horizon de 10 ans ou de 25 ans, dans une optique de lutte contre les changements climatiques. Donc, je pense qu’il y a beaucoup à apprendre des municipalités.
Je sais qu’il y en a beaucoup. En outre, on a souvent tendance à se concentrer sur les grandes villes, mais ce sont parfois les petites collectivités qui sont les plus touchées et qui peuvent vraiment servir à d’excellentes études de cas à cet égard. Il faut certainement faire appel à la FCM, qui est notre organisation nationale, et aux organismes provinciaux et territoriaux. Il est important de comprendre que dans de telles situations, les municipalités aiment qu’on communique avec elles directement, plutôt qu’être traitées comme une création de la province.
Je suis reconnaissante que cette lacune ait été reconnue. Si vous avez d’autres commentaires, je serai ravie de les entendre, mais je sais que vous en avez parlé à plusieurs reprises. Toutefois, il m’était difficile de m’empêcher de faire le même commentaire.
M. Schwartz : Je comprends. Encore une fois, il vaut la peine de le répéter, étant donné l’importance de la question. Je vous suis reconnaissant de ces commentaires. Je suis tout à fait d’accord pour dire que les municipalités sont sur la ligne de front des changements climatiques.
Plusieurs municipalités ont élaboré des plans d’adaptation et de résilience aux changements climatiques, ou sont en voie de le faire. J’ai beaucoup aimé le programme des dirigeants principaux de la résilience, qui faisait partie de l’initiative des 100 villes résilientes, je crois. Je pense qu’avoir des dirigeants principaux responsables de l’ensemble des efforts municipaux en matière de résilience est une idée brillante, car on se retrouve ainsi avec une seule personne ou organisation qui a une vue d’ensemble sur les mesures à prendre, qui peut actionner les différents leviers et regrouper les divers services municipaux pour veiller à ce qu’ils rament tous dans la même direction. C’est vraiment important.
Le gouvernement fédéral peut appuyer les municipalités de plusieurs façons, en fournissant renseignements et expertise en matière de changements climatiques, de projections climatiques et de science du climat. Le Centre canadien des services climatiques peut répondre aux besoins des personnes qui font exactement le genre de choses dont vous parlez.
Quelle taille le prochain ponceau devrait-il avoir? Doit-on utiliser une canalisation de 30 pouces ou de 34 pouces? Voilà le genre de questions pratiques, concrètes et immédiates auxquelles les municipalités doivent répondre en tant que bâtisseurs de villes.
Vous avez soulevé un bon point au sujet des études de cas. Le travail d’évaluation scientifique de Ressources naturelles Canada sur l’adaptation aux répercussions des changements climatiques... La série Vivre avec les changements climatiques au Canada... et cela revient aux rapports publiés depuis le début des années 2000. Ces rapports présentent certaines des grandes initiatives mises en place par les municipalités, notamment à Halifax, à Hamilton et dans d’autres villes plus petites — y compris dans le Nord canadien — qui doivent vivre avec les conséquences importantes de la fonte du pergélisol, qui entraîne des défis sur le plan des infrastructures.
Enfin, comme il ne me reste plus de temps, je dirais que je suis d’accord avec vous : les municipalités ne sont pas les enfants des provinces, parce que dans les faits, il est parfois difficile — et je reviens aux questions de compétence — de créer des contacts municipaux sans offenser certaines administrations. Je dis cela en passant, mais c’est une réalité, comme vous le savez probablement.
Je vais terminer là-dessus. Merci beaucoup.
Le président : Monsieur Schwartz, je vous remercie de témoigner devant nous aujourd’hui. Vos commentaires et nos échanges soulignent l’importance de cette étude que nous avons entreprise.
J’ai une bonne et une mauvaise nouvelle pour vous. La bonne nouvelle, c’est que vous avez suscité de nombreuses questions très pertinentes et que vous avez fourni de nombreuses réponses intelligentes, réfléchies et intéressantes. La mauvaise, c’est que nous allons probablement vous demander de revenir témoigner devant le comité à un certain moment pour poursuivre la discussion. Je vous remercie de nous avoir permis de partir du bon pied aujourd’hui.
Chers collègues, je crois qu’il était important de laisser le témoin donner des réponses exhaustives, que j’ai jugées très utiles. Pour ceux qui n’ont pas eu l’occasion de poser des questions pendant cette série et qui souhaiteraient le faire, je vais maintenir la liste des intervenants pour la deuxième série.
Merci beaucoup, monsieur Schwartz.
M. Schwartz : Ce fut un plaisir, et je serai heureux de revenir témoigner devant vous. Merci.
Le président : Nous accueillons maintenant Megan Nichols, sous-ministre adjointe déléguée intérimaire, Politiques; Kim Benjamin, directrice générale, Transport terrestre intermodal, Sûreté et préparatifs d’urgence; Paul Sandhar-Cruz, directeur général, Politiques stratégiques; Christian Dea, directeur général, Analyse économique des transports, et chef économiste; et Maxine Bilodeau, directrice, Cadre stratégique environnemental et affaires intégrées. Je vous souhaite à tous la bienvenue. Je suppose que Mme Nichols fera un discours préliminaire — de 10 à 15 minutes —, puis mes collègues vous poseront des questions.
Madame Nichols, vous avez la parole.
Megan Nichols, sous-ministre adjointe déléguée intérimaire, Politiques, Transports Canada : Monsieur le président, j’aimerais vous remercier de me donner l’occasion de m’adresser au Comité sénatorial permanent des transports et des communications alors qu’il lance son étude sur les répercussions des changements climatiques sur les infrastructures essentielles dans le secteur des transports.
Cette étude arrive en temps opportun, étant donné la parution cette semaine du rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, selon lequel la santé, la vie, la subsistance, les biens et les infrastructures sont de plus en plus touchés par les changements climatiques.
Je suis heureuse d’être ici pour fournir un aperçu de ce que nous savons sur la façon dont les changements climatiques influencent les réseaux de transport du Canada. J’aborderai également certains des défis connexes et certaines solutions permettant de traiter ces répercussions. Je suis très heureuse d’être accompagnée de mes collègues. Je ne suis pas aussi brave que M. Schwartz, qui s’est présenté seul devant vous. Je vous ferai aussi part de certains des efforts actuellement déployés au sein de Transports Canada pour aider à résoudre ce problème et accroître la résilience dans l’ensemble du secteur des transports.
Comme vous le savez, le réseau de transport du Canada est essentiel au bien-être économique et social de notre pays. De nombreux facteurs peuvent nuire à son fonctionnement harmonieux et sécuritaire ainsi qu’à la circulation des personnes et des marchandises, notamment les interruptions et les pénuries de main-d’œuvre, la congestion et les engorgements, ainsi que l’état des infrastructures de transport.
Comme l’ont démontré les récents événements sur les deux côtes, les changements climatiques et les phénomènes météorologiques extrêmes de plus en plus fréquents peuvent présenter des risques directs pour la sécurité des infrastructures de transport, et ce, pour tous les moyens de transport — terrestres, aériens et maritimes — ainsi que pour nos chaînes d’approvisionnement et l’accès aux services et aux biens essentiels dans de nombreux secteurs, ce qui touche tous les Canadiens.
Dans l’ensemble, le Canada se réchauffe deux fois plus vite que la moyenne mondiale, et le nord du pays, trois fois plus vite. Les phénomènes météorologiques extrêmes tels que les vagues de chaleur, les vents violents, les incendies de forêt et les inondations augmentent en fréquence et en intensité. Pour le secteur des transports, les catastrophes qui en découlent peuvent entraîner la destruction des infrastructures de transport, des perturbations de la chaîne d’approvisionnement et même des pertes de vies humaines.
Toutefois, des changements à évolution lente touchent également nos réseaux de transport. Par exemple, l’élévation du niveau de la mer peut avoir une incidence sur les infrastructures et les opérations portuaires et autres moyens de transport, tandis que des déplacements de glaces de mer plus imprévisibles dans l’Arctique peuvent avoir des répercussions négatives sur la sécurité et la fiabilité de la navigation dans le Nord.
Au nord du pays, les réseaux routiers et les pistes d’aéroport sont déjà touchés par le dégel du pergélisol. De plus, les hivers plus chauds réduisent les périodes de routes glaciaires.
Le rapport de 2019 du Conseil des académies canadiennes intitulé Les principaux risques des changements climatiques pour le Canada a révélé que les risques climatiques pour le Canada sont plus importants dans six domaines, dont trois sont directement liés au transport et plus particulièrement à l’infrastructure physique, aux communautés côtières et aux communautés nordiques.
Je vais vous parler brièvement des principales conséquences des changements climatiques dans le secteur. Premièrement, le climat changeant peut présenter des risques directs pour la sécurité des utilisateurs du réseau de transport, y compris les passagers et les opérateurs. Les risques pour la sécurité peuvent découler de l’endommagement des infrastructures et de leur défaillance prématurée, comme l’emportement des ponts ou des routes par les eaux, le mauvais fonctionnement des équipements, le flambage ou la rupture des rails et la fissuration des pistes. En outre, lorsque les réseaux de transport des communautés éloignées sont compromis, les interventions d’urgence sont également touchées. Les inondations et glissements de terrain qui se sont produits en Colombie-Britannique l’automne dernier en sont un exemple tragique : une coulée de boue sur l’autoroute 99 a fait cinq morts.
Deuxièmement, les changements climatiques ont une incidence sur la mobilité des biens et des personnes, et touchent de manière disproportionnée les communautés nordiques, éloignées et vulnérables, où il y a souvent peu de voies de transport de rechange, voire aucune. Dans ces communautés, les perturbations des réseaux de transport limités peuvent menacer le bien-être socio-économique et la santé mentale, exacerber la sécurité alimentaire et énergétique précaire, et couper l’accès aux services essentiels. Par exemple, l’évolution du déplacement des glaces de mer et la réduction des périodes de routes d’hiver ont des répercussions sur la capacité des communautés autochtones à pratiquer leurs activités traditionnelles et mettent en péril les liens intercommunautaires. En novembre 2021, les inondations à Terre-Neuve-et-Labrador ont donné lieu à la fermeture de portions importantes de la route transcanadienne, et l’annulation du service de traversier entre Port aux Basques et North Sydney a perturbé la circulation des biens essentiels. Lorsque le corridor ferroviaire Winnipeg-Churchill a été emporté par les eaux en juin 2017, la communauté de Churchill a été isolée pendant plus d’un an, le temps de réparer les dégâts.
Troisièmement, ces exemples évoquent directement la nécessité de garantir la fluidité et la résilience de nos chaînes d’approvisionnement et de nos corridors commerciaux. Ces éléments ont subi des pressions sur plusieurs fronts, notamment les perturbations de l’offre et de la demande et les pénuries de main-d’œuvre. Cette pression a été exacerbée par les répercussions des changements climatiques. Par exemple, en juillet, des feux de forêt en Colombie-Britannique ont bloqué la principale ligne ferroviaire des chemins de fer de catégorie 1 menant au port de Vancouver. Transports Canada estime que des dizaines de millions de dollars de marchandises par jour transitent habituellement par la zone touchée. Les dommages subis par les lignes ferroviaires ont eu un effet en cascade sur la fluidité du port, ce qui montre à quel point notre réseau de transport est interdépendant et comment une défaillance à un endroit peut donner lieu à d’autres répercussions.
Outre ces importantes répercussions socio-économiques, le manque de résilience climatique se traduit par une explosion du prix des infrastructures et une augmentation des coûts de réparation, d’exploitation et d’entretien à long terme. Dans de nombreux cas, ces pressions financières pèsent sur le budget fédéral, par exemple lorsqu’il est nécessaire de puiser dans les fonds de reprise après sinistre.
Un récent rapport de l’Institut climatique du Canada a révélé que les pertes combinées par catastrophe météorologique sont passées d’une moyenne de 8,3 millions de dollars par événement dans les années 1970 à une moyenne de 112 millions de dollars entre 2010 et 2019, ce qui représente une augmentation étonnante.
L’adaptation aux changements climatiques est une forme de gestion des risques, puisque les mesures préventives et la planification permettent d’éviter des coûts plus élevés à long terme.
Un autre rapport récent du Conseil des académies canadiennes présente des économies anticipées convaincantes pour chaque dollar dépensé dans le cadre de différentes mesures d’atténuation. Par exemple, les modifications apportées à la conception des ponts routiers donnent un ratio de 9 pour 1. Un autre rapport estime que lors de la réfection des routes, l’utilisation de mélanges d’asphalte et de matériaux de base choisis pour résister au climat pendant deux ou trois décennies peut réduire les coûts de plus de 90 %.
Pour le secteur des transports, l’adaptation est un problème fondamentalement complexe qui nécessite une collaboration entre les différents modes et réseaux de transport. Il s’agit d’une responsabilité partagée. Le secteur comporte un large éventail de propriétaires et d’exploitants d’actifs, y compris tous les paliers de gouvernement, l’industrie et les collectivités autochtones. Cette structure de propriété complexe et la réalité de la géographie vaste et variée du Canada font en sorte qu’il est difficile de faire progresser les mesures d’adaptation d’une manière qui tienne compte efficacement de toutes les interdépendances de notre réseau de transport.
En outre, les propriétaires et les exploitants d’actifs possèdent des niveaux différents de connaissances et de capacités pour déterminer, évaluer et traiter les risques climatiques. Même si le fait d’investir dans des infrastructures résistantes au climat permet d’économiser de l’argent à long terme, il peut être difficile d’argumenter en faveur d’une augmentation des dépenses initiales.
En tant que propriétaire et exploitant d’actifs de transport dont le mandat est de promouvoir un système de transport au Canada qui est sûr, sécuritaire, efficace et respectueux de l’environnement, Transports Canada joue un rôle clé dans le soutien des efforts d’adaptation. Cela suppose notamment de réunir les parties intéressées et administrations. Comme l’a annoncé le Conseil des ministres responsables des transports et de la sécurité routière la semaine dernière, Transports Canada dirigera la création d’un nouveau groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur l’adaptation aux changements climatiques dans le secteur des transports.
Les données climatiques sont un autre besoin cerné dans le secteur. Le Centre canadien des services climatiques d’Environnement et Changement climatique Canada est la source fédérale faisant autorité en matière de renseignements, de données et d’outils climatiques crédibles, utiles et opportuns. Récemment, le Centre a publié un module sur les transports qui fournit des renseignements et des études de cas sur l’utilisation des données climatiques pour faire progresser les efforts d’adaptation du secteur canadien des transports.
Nous déployons aussi de nombreux efforts pour préparer le secteur des transports aux changements climatiques et pour relever les défis que représentent des mesures d’adaptation mieux concertées. À ce jour, Transports Canada a dirigé deux programmes d’adaptation aux changements climatiques. Le Programme de l’initiative d’adaptation des transports dans le Nord a été créé pour accroître la capacité d’adaptation des systèmes de transport du Nord aux changements climatiques. Il a financé des recherches et des activités de collaboration afin d’améliorer les connaissances et de trouver des solutions pour améliorer la résilience des transports dans le Nord. Depuis 2011, il a soutenu plus de 100 projets qui ont mené à de nouvelles connaissances concernant les répercussions des changements climatiques sur les systèmes de transport dans le Nord, à la mise à l’essai de technologies d’adaptation novatrices, et à l’amélioration de la capacité des habitants du Nord à comprendre et à gérer les répercussions des changements climatiques.
Notre deuxième programme, l’Initiative d’évaluation des risques liés aux actifs de transport de Transports Canada, fournit des fonds pour évaluer les répercussions des changements climatiques sur les actifs de transport que possède ou gère le gouvernement fédéral, comme les ponts, les ports et les aéroports, et aide à déterminer les solutions d’adaptation possibles. Plus de 50 évaluations de ce type ont été réalisées à ce jour, notamment pour le pont de la Confédération, principal lien entre l’Île-du-Prince-Édouard et le Canada continental.
Un autre programme essentiel est le Fonds national des corridors commerciaux de Transports Canada, d’une valeur de 4,2 milliards de dollars, qui appuie les investissements dans les infrastructures au Canada, notamment les aéroports, les ports, les chemins de fer, les installations de transport et les routes d’accès. L’un des principaux objectifs de ce programme consiste à renforcer la résilience du système face aux changements climatiques. Les promoteurs doivent examiner la résilience climatique de leurs propositions, ce qui est pris en compte dans l’évaluation des projets.
En plus de ces programmes, en août, le ministre des Transports a annoncé un financement de 100 millions de dollars sur cinq ans pour renforcer la sécurité ferroviaire au Canada, surtout en raison des répercussions des changements climatiques et des phénomènes météorologiques violents sur les opérations ferroviaires. Ce financement sera consacré à diverses activités qui permettront à Transports Canada d’investir dans la surveillance des chemins de fer et d’entreprendre des recherches et des analyses pour mieux cerner les risques et les stratégies liés au climat.
Monsieur le président, je tiens aussi à souligner brièvement que les propriétaires d’infrastructures publiques et privées sont à la recherche de solutions novatrices pour maintenir des niveaux élevés de sécurité. Par exemple, Transports Canada a collaboré avec le Conseil national de recherches Canada, l’Agence spatiale canadienne, le Royaume‑Uni et d’autres partenaires pour élaborer un outil satellite d’alerte avancée qui détecte les comportements structurels ou mouvements inattendus des ponts afin d’aider les autorités responsables des infrastructures à mieux comprendre et prévoir les répercussions climatiques et à prendre des mesures pour les atténuer.
Outre nos actions nationales, nous reconnaissons les possibilités qu’offre l’échange de connaissances, d’expertise et de pratiques exemplaires entre les décideurs et les professionnels du domaine des transports à l’échelle internationale. Transports Canada assure la vice-présidence du Groupe d’experts chargé d’évaluer les effets des changements climatiques sur les transports intérieurs et l’adaptation à ces changements de la Commission économique des Nations unies pour l’Europe.
Enfin, nous soutenons activement l’élaboration de la première Stratégie nationale d’adaptation du Canada, annoncée l’an dernier, et dont l’achèvement est prévu pour l’automne. Dirigée par Environnement et Changement climatique Canada, cette stratégie procurera une approche nationale quant aux efforts d’adaptation au climat et une occasion d’harmoniser nos efforts avec ceux des provinces, des territoires, des municipalités et des parties intéressées.
Monsieur le président, en conclusion, Transports Canada se réjouit de continuer à travailler avec ses partenaires et les parties intéressées pour accroître la résilience du secteur.
Merci beaucoup.
Le président : Merci beaucoup. Nous allons passer aux questions.
La sénatrice Simons : Merci beaucoup, madame Nichols. Vous avez fait une présentation exceptionnelle, bien que la réalité soit quelque peu désolante.
Je suis curieuse à propos d’une chose : le gouvernement fédéral et Transports Canada peuvent gérer les actifs qui relèvent de leur contrôle. Le problème, toutefois, c’est que certains de nos principaux actifs de transports, nos voies ferrées, appartiennent à des sociétés privées.
J’ai parlé aux grands joueurs du secteur ferroviaire après les inondations de la Colombie-Britannique et je leur ai demandé s’ils comptaient reconstruire des infrastructures plus résilientes. Ils m’ont dit que cela coûterait trop cher et qu’il était moins coûteux de réparer les incidents lorsqu’ils surviennent.
Vous parlez de partenariats entre le secteur privé et le secteur public, et du ratio coûts-avantages de 9 pour 1; quelles mesures doivent être prises pour veiller à ce que les infrastructures publiques essentielles appartenant au secteur privé soient entretenues de manière appropriée? Bien qu’il soit plus coûteux pour une compagnie de chemin de fer de réparer une voie ferrée à court terme, le coût de la fermeture de cette voie ferrée pendant des jours, des semaines ou des mois sera absorbé par toute l’économie, et non pas seulement par la société propriétaire.
Mme Nichols : Merci beaucoup pour cette observation très importante qui, de nouveau, met en évidence la complexité du secteur, les interdépendances et la nécessité, pour les différents acteurs, de se concerter pour répondre à ces défis.
J’ai quelques observations à offrir en retour. D’abord, le rapport coûts-avantages de ces investissements est très important. Les entreprises doivent décider en connaissance de cause du montant et du moment de leurs investissements, y compris du moment dans le cycle de vie de l’infrastructure. Transports Canada essaie de communiquer de l’information utile à ces décisions, par exemple des évaluations des risques ou la détermination d’éventuelles solutions. Ayant compris que les décisions d’un exploitant ont souvent des effets cumulatifs sur d’autres maillons de la chaîne d’approvisionnement, nous jouons également un rôle de rassembleur pour les exploitants et propriétaires d’infrastructures.
Nous avons collaboré avec les sociétés ferroviaires pour trouver des façons d’augmenter la résilience de leurs infrastructures, et j’ai fait allusion au fonds annoncé par notre ministre, en août dernier, pour aider à trouver des façons plus efficaces de surveiller ces actifs et collaborer avec les chemins de fer. Une autre difficulté qui guette les chemins de fer est l’effet de la chaleur et du froid extrêmes sur leurs opérations. Il est certain qu’on reconnaît la relation directe des taux d’efficacité avec le climat.
Un autre moyen déterminant est la mise à disposition de solutions et d’outils technologiques, ce que l’administration fédérale peut faire, pour aider à cerner et à élaborer des solutions qui seront plus rentables et qui convaincront plus facilement les propriétaires à y investir de manière plus globale plutôt que de seulement effectuer les réparations ponctuelles auxquelles vous avez fait allusion.
Enfin, un autre de nos rôles centraux est de nous assurer que les propriétaires d’actifs disposent des données nécessaires pour prendre les bonnes décisions. Voilà un domaine où, pendant longtemps, on a manqué de données convenables pour justifier les investissements faits d’avance. Mais, comme ces données deviennent plus facilement accessibles, elles permettent de mieux étayer les décisions des propriétaires d’infrastructures et d’actifs pour qu’ils convainquent leurs conseils d’administration et leurs décideurs financiers. J’estime que c’est également une pièce centrale du casse-tête.
La sénatrice Simons : J’aimerais encore poser beaucoup d’autres questions, mais comme je suis bien consciente de ce qui est arrivé pendant le dernier tour, je passe la parole au sénateur Cormier.
[Français]
Le sénateur Cormier : Merci, madame Nichols.
D’abord, je constate que vous parlez, de la même manière que le précédent témoin, d’un système complexe avec beaucoup de partenaires, d’interdépendance entre les différents partenaires et de niveaux de connaissance qui diffèrent d’un partenaire à l’autre. Ma question porte sur trois aspects et vise à mieux comprendre le rôle que joue Transports Canada, notamment sur la coordination dans les efforts déployés pour tenir compte des enjeux liés aux changements climatiques, et sur les efforts à faire, aussi, pour que le niveau de connaissance entre les différents partenaires soit tel que ces partenaires puissent vraiment collaborer en toute connaissance de cause.
Finalement, j’aimerais en savoir davantage en ce qui a trait au niveau de soutien sur le plan de la recherche, puisqu’on a dit précédemment que les changements climatiques arrivent rapidement.
Je suis de la région de l’Atlantique et on parle beaucoup, par exemple, de l’érosion des côtes, de l’impact de l’érosion et des changements climatiques sur les ports, ainsi que des défis pour les traversiers qui sont nombreux dans ma région. Comment Transports Canada, dans un écosystème comme celui-là, peut-il agir sur les trois aspects dont j’ai parlé?
Mme Nichols : Merci beaucoup. Je vais commencer à répondre aux questions et je vais demander à ma collègue, Mme Bilodeau, d’y répondre également.
[Traduction]
Transports Canada a absolument un rôle central de coordination. Comme je l’ai dit, pas plus tard que la semaine dernière, nous avons annoncé la création d’un groupe de travail fédéral-provincial-territorial constitué de représentants des ministères des Transports de tout le pays, qui cherchera à déterminer les vulnérabilités du secteur des transports où nous nous chargeons d’une partie de ce rôle, pour mettre en commun les pratiques exemplaires, les leçons de l’expérience et cerner les terrains de collaboration de manière plus efficace, pour assurer le bon fonctionnement de l’ensemble de notre réseau.
Je signale de nouveau la Stratégie nationale d’adaptation que mène Environnement et Changement climatique Canada. Elle se veut une stratégie nationale qui sera élaborée en commun avec les provinces, les territoires et d’autres parties prenantes. Elle permet de franchir logiquement un grand pas dans notre collaboration dans tous les secteurs, avec tous les propriétaires et exploitants d’infrastructures, grâce à la définition d’objectifs et de buts communs ainsi que d’actions communes.
Pour les infrastructures, cette stratégie a déjà permis de cerner des objectifs et des buts, comme la détermination d’un cadre d’investissement pour orienter les décisions d’investissement de tous les propriétaires et exploitants, compte tenu des normes techniques qui influeront sur les décisions, du cadre réglementaire et d’un énoncé clair des rôles et des responsabilités. Je pense que ça montre sans conteste la nécessité d’une coordination meilleure, qui commence à se mettre en place.
C’est certainement vers le degré de connaissances et l’atténuation des risques que beaucoup d’efforts de Transports Canada ont porté jusqu’ici, grâce aux deux programmes de financement que j’ai évoqués. Jusqu’ici, une grande partie des efforts est allée à l’évaluation des risques — aider les propriétaires et exploitants d’infrastructures à comprendre : l’évaluation des risques que le climat présente pour leurs infrastructures; le choix des éléments d’une bonne évaluation des risques; le passage de ces connaissances à la pratique. Dans ce domaine très complexe, il s’est accompli beaucoup de travail pour parvenir à diffuser ces connaissances d’une manière efficace, utile à la prise de décisions.
Sur le troisième aspect, le soutien à la recherche, c’est aussi un domaine où Transports Canada a beaucoup investi, pour appuyer un certain nombre de travaux avec d’autres ministères ainsi que les siens. Sur ce point, Mme Bilodeau saura vous en dire un peu plus.
Maxine Bilodeau, directrice, Cadre stratégique environnemental et affaires intégrées, Transports Canada : Pour compléter rapidement les renseignements de Mme Nichols sur les programmes d’adaptation de Transports Canada, nous avons pu nous focaliser sur la collaboration et la recherche, moins sur les investissements dans les infrastructures, mais sans négliger ce volet de collaboration. Dans le cadre de l’Initiative d’adaptation des transports dans le Nord, par exemple, l’un des éléments clés de ce programme assez modeste était un réseau bien entretenu de spécialistes fédéraux, de spécialistes des territoires, des provinces, de l’industrie, des universités ainsi que de praticiens qui, ensemble, mettaient en commun l’information et cherchaient de concert d’éventuelles lacunes. Son travail a aidé à orienter notre recherche dans le cadre du programme pour cibler les domaines où on nous signalait des besoins. De même, dans le cadre de notre Initiative d’évaluation des risques liés aux ressources de transport, même si elle était très focalisée sur l’évaluation des risques pour des ressources particulières, nous avons malgré tout organisé un atelier qui a rassemblé tous les propriétaires et exploitants de ces ressources pour qu’ils nous parlent de leur expérience dans l’évaluation des risques climatiques et de leurs pratiques exemplaires.
Nous avons ainsi constaté que chaque évaluation est différente. Chaque propriétaire doit songer aux variables climatiques qui lui semblent les plus pertinentes. Combien de travail veut-il mettre dans l’évaluation des risques? Nous avons également constaté que les résultats de ces évaluations constituent vraiment une première étape. Souvent, ils informent le propriétaire de ce sur quoi il doit faire un peu plus de recherche. À quel degré faut-il approfondir la question? Où se trouve un point particulièrement faible? La relation entre une évaluation climatologique et la connaissance du travail à faire, sous le prisme de la planification des investissements dans des infrastructures n’est pas nécessairement directe.
Nous sommes très conscients de la nécessité de cette collaboration et de la stratégie que le ministère peut désormais appliquer pour la maintenir avec nos parties prenantes dans ce domaine.
Le sénateur Cormier : Merci beaucoup.
[Français]
La sénatrice Galvez : Merci beaucoup, madame Nichols.
[Traduction]
Comme nous en avons discuté avec le témoin précédent, nous savons que chaque province et territoire du Canada a été frappé par des paroxysmes météorologiques et que, dans chaque cas, des autoroutes ont été détruites, se sont affaissées ou ont été en partie déplacées, emportées par l’érosion, par la pluie, etc. Comme elles acheminent des marchandises et, comme vous l’avez dit, des personnes, il faut les reconstruire presque immédiatement et très vite.
Cette reconstruction, particulièrement dans les régions côtières et l’Arctique, est-elle identique à l’original? Tenez-vous plutôt compte de tous les facteurs que vous avez énumérés concernant la résistance, l’adaptation, la prévision et les nouveaux modèles? Je le demande, parce que, d’après le journal, vous reconstruisez l’infrastructure au même endroit, dans les mêmes conditions, ce qui fait que, au prochain paroxysme, nous ne serons pas mieux lotis. Pouvez-vous, s’il vous plaît, me dire comment se passe la reconstruction? Merci.
Mme Nichols : Monsieur le président, je vous remercie pour la question. Il est certain qu’après une catastrophe comme certaines de celles qui ont eu lieu récemment, il faut manifestement réagir très vite et restaurer le plus vite possible ces voies indispensables.
La plupart des autoroutes relèvent des provinces, et l’État fédéral ne possède pas de fraction très importante du réseau national. Nous nous occupons des rares routes qui traversent des parcs nationaux, mais, en général, la voirie relève des provinces.
D’après moi, beaucoup de provinces examinent minutieusement cette question et disposent de leurs propres plans et protocoles d’adaptation comme guides pour la construction de nouvelles infrastructures ainsi que pour la restauration et la modernisation des anciennes.
Cette question montre en grande partie la nécessité de codes et de normes rigoureux, qui influeront sur la qualité des infrastructures. Dans ce domaine, nous collaborons avec le Conseil national de recherches et les codes de normalisation du Canada pour déterminer la possibilité, encore, de travailler en plus étroite collaboration avec les provinces, les territoires, les municipalités, pour renforcer les codes et les normes et nous assurer que les marchés publics y renvoient, par exemple pour la réparation ou la construction d’une infrastructure conformément à une norme rigoureuse et non pas à une norme seulement minimale.
Voilà encore un bel exemple d’un secteur où, avec la nouvelle Stratégie nationale d’adaptation — le nouveau groupe de travail que nous venons de créer avec les provinces et les territoires —, nous pouvons discuter davantage de codes et de normes, les renforcer et faire de ces normes renforcées un élément standard de notre méthode d’entretien de nos infrastructures.
Le sénateur Quinn : Merci, madame Nichols. Après un témoignage très intéressant, en effet, je suppose que j’aboutis à une question fondamentale. Transports Canada a des infrastructures partout dans le pays, dans de grandes et petites collectivités, en région rurale, etc. Le ministère est-il tenu de se plier à des exigences, non seulement pour ses propres actifs, mais ceux qui sont gérés au nom du gouvernement, que ce soit des aéroports, des ports, etc., pour la réalisation d’une analyse de la gestion des risques qui guiderait en quelque sorte notre ministère et notre secteur des transports sur ce que sont ces actifs indispensables? Par l’entremise de l’administration centrale du ministère, fait-on et coordonne-t-on quelque chose?
Mme Nichols : Merci beaucoup pour cette question. Transports Canada est effectivement propriétaire d’un certain nombre d’actifs importants : 17 aéroports terrestres, 30 installations portuaires publiques de même que de terminaux de traversiers, de hangars aéroportuaires. Nous sommes nous-mêmes un important propriétaire.
Comme M. Schwartz l’a dit, nous avons un plan d’adaptation. C’est le deuxième, que nous venons de parachever et qui énonce certains de nos objectifs et buts ministériels pour la gestion de nos propres infrastructures de manière à les rendre résistantes au climat, et une grande partie de ce travail consiste à intégrer comme standard la résistance au climat dans toutes nos opérations de gestion de nos actifs. Ça fait partie du profil de risque de notre ministère. Ça nous permet de nous informer du moment où nous devons moderniser nos actifs et y investir. Ce paramètre d’appréciation entre en ligne de compte dans le pointage d’éventuels projets et financements.
C’est certainement une priorité pour nous, et nous avons pu faire l’évaluation des risques que présentent beaucoup de nos propres actifs. Nous nous efforçons certainement d’être des chefs de file de ce domaine. Ça coïncide aussi avec la Stratégie d’écologisation du gouvernement, qui exige de ses ministères de mieux connaître leurs propres risques climatiques et d’élaborer des stratégies pour les cerner et y répondre.
Le sénateur Quinn : C’est certainement l’interaction qu’a le ministère avec tant de parties prenantes, etc. Un acteur, une administration, une province, une ville, un élément particulier se distingue-t-il à vos yeux au point que vous pourriez conseiller à notre comité de le consulter sur une pratique perçue comme exemplaire?
Mme Nichols : Monsieur le président, je pense qu’il existe un peu partout de nombreuses pratiques exemplaires et de nombreux partenaires exemplaires. Il serait donc difficile d’en distinguer seulement un, mais je pense que nous serions heureux de peut-être vous en communiquer une liste, après la réunion, si ça peut intéresser le comité.
Le sénateur Klyne : Bienvenue à nos invités. Voyons la dégradation des conditions de transport au nord du 56e parallèle. Je tiens à discuter du rôle capital du transport dans cette région. Je comprends que, tout de suite au nord de ce parallèle, le réseau routier et autoroutier reste assez robuste, mais plus on monte, plus les infrastructures de transport se dégradent au point de presque disparaître, particulièrement dans le Nunavut, où les communautés dépendent davantage du transport aérien et maritime pour l’approvisionnement et leurs déplacements. Dans toute cette région, les camionnettes et le transport aérien et maritime restent indispensables pour le transport de fournitures, de médicaments et de personnes vers les régions éloignées rurales. Les problèmes de transport au nord du 56e parallèle s’imposent à mon esprit comme étant de plus en plus graves par rapport à ceux qui existent au sud.
En ce qui concerne l’importance de ces infrastructures, pour le déplacement des personnes et des marchandises et la création d’occasions économiques partout dans cette vaste région — sans parler du fait que c’est le moyen d’obtenir des rendez-vous avec des professionnels, de se procurer des médicaments et ainsi de suite —, que faisons-nous pour qu’elles cessent de se dégrader et pour ne pas aggraver l’écart entre le Nord et le Sud? C’est une première question inspirée par le principe qu’un Canadien reste un Canadien, même au nord du 56e parallèle, et qu’il devrait profiter des mêmes infrastructures que dans le Sud. Pour la fermeture de l’écart, je dois poser aussi la question suivante : est‑il de votre ressort de vous préoccuper de la mise en place de postes de recharge à la faveur de l’électrification des camionnettes?
Mme Nichols : Je vous remercie. Je commencerai par répondre rapidement à votre deuxième question.
Transports Canada a bel et bien un rôle à jouer pour ce qui est d’accroître l’utilisation de véhicules à émission zéro partout au pays. Nous sommes chargés d’aider à fixer des cibles de vente, et nous gérons aussi un programme d’incitation à l’achat.
Concernant les infrastructures de recharge, elles relèvent de Ressources naturelles Canada. Bien évidemment, nous collaborons étroitement avec eux, et nous savons qu’il est nécessaire d’augmenter le nombre de stations de recharge si nous voulons que les consommateurs choisissent ce type de véhicule.
Pour revenir à votre première question concernant les lacunes et les besoins particuliers dans le Nord, nous sommes bien sûr conscients des répercussions du changement climatique qui sont plus aiguës dans le Nord. Par exemple, nous constatons que la hausse des températures endommage les routes et les pistes qui ont été construites sur le pergélisol, et nous avons aussi remarqué que la saison des routes d’hiver devient de plus en plus courte, comme je l’ai dit plus tôt. Nous avons également observé que l’accès maritime est rendu plus difficile en raison de l’érosion du littoral, de la variation des niveaux des eaux, et de l’état des glaces de mer qui est plus difficile à prévoir. Ces phénomènes ont des répercussions sur l’efficience, la sécurité et la résilience des transports dans le Nord, ainsi que sur la capacité des habitants à tirer le meilleur parti des développements socioéconomiques.
S’agissant des mesures prises et de la gestion de ces phénomènes, Transports Canada est chargé du Cadre stratégique des transports en Arctique, que je demanderai à mon collègue Paul Sandhar-Cruz de présenter dans un instant.
Comme nous l’avons mentionné plus tôt, nous disposons aussi de l’Initiative d’adaptation des transports dans le Nord qui a permis dans une certaine mesure d’augmenter la capacité des habitants à gérer ces risques climatiques. Cette initiative a permis de financer une centaine de projets depuis son lancement, notamment un projet de recherche pour savoir où déplacer l’infrastructure des pistes d’atterrissage à Iqaluit, en raison des risques liés au dégel du pergélisol. Dans le même ordre d’idées, une autre recherche a permis de savoir où il fallait réinstaller certaines infrastructures de Tuktoyaktuk en tenant compte des risques d’érosion du littoral.
Nous avons effectué des analyses qui nous ont permis de définir les sites où les interactions entre navires et glaces étaient plus susceptibles de se produire afin d’améliorer les pratiques de surveillance et de contrôle pour la navigation. Nous avons aussi financé des études de cas sur le pergélisol qui ont montré que les thermosiphons pourraient contribuer à refroidir les sols et à diminuer le dégel du pergélisol, ce qui permettrait de maintenir la stabilité des infrastructures plus longtemps. Cette initiative a donc permis de financer un certain nombre de projets qui ont débouché sur d’importantes découvertes sur les technologies pouvant contribuer à atténuer les répercussions du changement climatique.
Je vais donner la parole à mon collègue, M. Sandhar‑Cruz, qui va vous parler du Cadre stratégique sur les transports en Arctique et du Fonds national des corridors commerciaux dans le cadre duquel nous avons récemment lancé un appel de propositions, en particulier pour le Nord.
Paul Sandhar-Cruz, directeur général, Politiques stratégiques, Transports Canada : Merci. Pour compléter ce que Mme Nichols a dit, le Cadre stratégique sur les transports en Arctique est une initiative gouvernementale visant à élaborer une politique propre aux transports, qui tient compte des répercussions du changement climatique dans le Nord. De surcroît, une grande partie du Fonds national des corridors commerciaux est consacrée à des projets dans le Nord, soit une enveloppe de plus de 1 milliard de dollars.
Grâce a l’appel de propositions ciblé, nous avons déjà lancé différents projets contribuant à la résilience de certaines infrastructures — et nous serions heureux de vous parler de certains exemples précis si vous le souhaitez — et qui mettent l’accent sur les enjeux liés au pergélisol, à la toundra, aux pistes d’atterrissage, aux chaînes d’approvisionnement et à l’approvisionnement en articles de première nécessité. Voilà pourquoi nous envisageons une stratégie ciblée sur les transports dans le Nord, avec de véritables investissements dans le cadre du Fonds national des corridors commerciaux.
Le sénateur Klyne : Merci beaucoup à tous les deux.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : C’est une question un peu différente. Quand on a commencé cette étude, il était évident que nous voulions étudier l’incidence des changements climatiques sur les infrastructures essentielles des transports et des communications. Inversement, on se demande ce que le secteur des transports et Transports Canada font pour réduire leur impact sur les changements climatiques. Comme vous le voyez, la question va dans les deux sens.
Est-ce que cette corrélation existe? Est-ce que c’est vous qui êtes chargés, en même temps, de voir à protéger le secteur du transport, mais aussi de participer à cette réduction de la pollution afin que l’on puisse tous survivre à ce réchauffement climatique?
Mme Nichols : Merci beaucoup de votre question. Je pense qu’aujourd’hui, on n’était pas nécessairement préparé à répondre à cette question, mais je peux confirmer que oui, nous avons une responsabilité, à Transports Canada, de diminuer l’incidence du secteur des transports sur les changements climatiques.
[Traduction]
Nous sommes responsables de plusieurs initiatives importantes pour réduire les émissions de GES dans ce secteur. J’ai parlé plus tôt du transport routier qui est responsable de la majeure partie des émissions de GES : 85 % proviennent du transport routier — véhicules de tourisme, véhicules moyens et lourds confondus.
Une de nos principales initiatives est le programme Incitatifs pour l’achat de véhicules zéro émission ou iVZE, qui a permis d’accroître le nombre de véhicules zéro émission dans tout le pays. Avec d’autres ministres, notre ministre a annoncé en juin dernier vouloir atteindre la cible de 100 % de ventes de véhicules zéro émission d’ici 2035, et il a ajouté que le gouvernement rendrait cet objectif contraignant. Ce travail est en cours.
Nous reconnaissons que les véhicules de tourisme ne représentent qu’une partie des enjeux liés au transport routier. Nous reconnaissons aussi qu’il y a beaucoup à faire pour réduire les émissions provenant des véhicules moyens et lourds. Le travail concernant ces types de véhicules n’en est qu’à ses débuts. Toutefois, le nouveau plan climatique renforcé du gouvernement, qui a été lancé il y a environ un an, a permis de collaborer avec des acteurs du secteur pour trouver des solutions en vue de réduire les émissions et d’améliorer l’offre et la demande des véhicules zéro émission dans le secteur des véhicules lourds et moyens. C’est un dossier que nous suivons de très près.
Pour ce qui est des autres moyens de transport — maritime, aérien et ferroviaire —, ils représentent un moindre pourcentage des émissions du secteur des transports. Cela dit, comme le gouvernement a pour ambition de réduire les émissions de 40 à 45 % d’ici 2030 et d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050, nous devons étudier ce que nous pouvons faire pour tous les moyens de transport.
Nous avons déjà lancé plusieurs initiatives concernant ces autres moyens de transport. Par exemple, dans le secteur aérien, nous disposons d’un plan d’action volontaire avec l’industrie qui s’est engagée à améliorer son efficacité énergétique. Nous avons également instauré récemment une obligation internationale pour limiter les émissions provenant des vols internationaux à leurs niveaux de 2019. Le Canada est signataire de cette entente internationale, et nous avons mis en place des règlements sur le plan national pour respecter cette entente.
Quant au secteur maritime, nous collaborons étroitement avec des parties prenantes sur d’éventuelles initiatives. Lors de la COP26 qui a eu lieu à Glasgow en novembre, le Canada a signé la déclaration Clydebank, qui est un engagement volontaire pour établir des couloirs de transport maritime écologiques entre différents pays, voire sur le territoire national. Cet engagement nous tient à cœur.
En outre, nous avons mis en place un plan d’action volontaire avec le secteur ferroviaire et nous étudions les possibilités de réduire les émissions de GES dans ce secteur.
Il y a donc beaucoup de travaux en cours. Le secteur des transports est le deuxième producteur d’émissions de GES après le secteur du pétrole et du gaz. On peut donc avancer qu’il nous reste du pain sur la planche. Le secteur des transports comporte de nombreux enjeux. Il est très onéreux de faire passer nos flottes à de nouvelles technologies. Dans certains cas, les technologies en question sont encore en cours de développement.
Une autre question importante concerne les carburants de remplacement. Les moteurs électriques sont certainement une solution pour les véhicules de tourisme, et pour les véhicules moyens et lourds qui parcourent de courtes distances; mais nous devons trouver d’autres solutions pour le transport de marchandises sur longue distance, comme l’hydrogène, les biocarburants et d’autres types de carburants à teneur nulle en carbone. Pour réduire drastiquement nos émissions de GES, il va nous falloir faire des efforts sur le plan économique et dans d’autres domaines.
La sénatrice Miville-Dechêne : Avez-vous un document ou une liste concernant ces initiatives? C’est très intéressant. Vous avez abordé beaucoup de sujets alors j’aimerais savoir s’il existe un document listant toutes les initiatives entreprises dans le secteur des transports pour réduire la pollution.
Mme Nichols : Je pense que le plan climatique renforcé serait une bonne source. Il comprend une liste de ce qui a été réalisé jusqu’à présent et des engagements du gouvernement pour le secteur des transports.
La sénatrice Miville-Dechêne : Je suis désolée d’avoir pris du temps, monsieur le président.
Le président : Je vous laisse exercer les privilèges que vous avez en tant que vice-présidente.
La sénatrice Simons : Merci, monsieur le président, et je vous remercie infiniment de me permettre de poser une deuxième question.
Ce matin, j’ai eu une rencontre avec le Conseil des aéroports du Canada. Les exploitants d’aéroport sont évidemment très préoccupés par le coup que les années de pandémie ont porté à leurs finances.
Les circonstances sont inhabituelles, car les autorités aéroportuaires sont autonomes et ont la responsabilité de financer les améliorations aux aéroports. Ce sont elles qui doivent notamment prélever les droits. Elles aimeraient recevoir plus d’aide du fédéral. Pendant notre discussion avec vous, je me soucie du stress supplémentaire que ces intervenants éprouvent à l’idée de devoir se préparer pour accroître leur résilience aux changements climatiques.
Vous avez surtout parlé des aéroports du Nord qui doivent composer avec l’érosion. Je pense à l’aéroport de Prince Rupert, situé sur une île, ou même à l’aéroport Pearson de Toronto, qui se trouve juste à côté d’un lac et qui doit faire face à des tempêtes plus fréquentes.
D’où viendra le soutien qui permettra aux aéroports, qui sont des composantes essentielles du réseau de transport du Canada, de se préparer aux défis qui les attendent?
Mme Nichols : Merci de la question, monsieur le président.
Je crois que le gouvernement a été d’un grand soutien aux aéroports dans les deux dernières années, et qu’il a reconnu les difficultés auxquelles ils ont dû faire face pendant la pandémie.
Par ailleurs, dans le cadre du Programme de l’évaluation des risques liés aux ressources de transport — l’un des programmes mentionnés plus tôt —, nous avons financé de nombreuses évaluations des risques pour les aéroports afin qu’ils soient mieux outillés pour comprendre les risques climatiques auxquels ils seront exposés. C’est donc dire qu’ils reçoivent certainement une aide considérable en ce qui concerne les infrastructures et les évaluations, et des outils sont également mis à leur disposition.
Je pense que la réponse à votre question se trouve en partie dans la nécessité pour les propriétaires d’actifs et les exploitants de saisir l’importance et l’avantage de faire ces investissements. Ainsi, bien que ce soit important pour assurer la résilience, il faut aussi veiller à ce que ces intervenants comprennent bien qu’il y a aussi des avantages sur le plan de la rentabilité, car parfois, même si l’investissement initial peut être plus coûteux, à long terme, il leur fera économiser de l’argent, il leur apportera des retombées positives en matière de sécurité, et il pourrait contribuer à leur prospérité économique tout en leur apportant d’autres avantages connexes. C’est donc un autre aspect très important.
Je suis encouragée par ce que font certains aéroports, comme l’aéroport international de Vancouver. Dans son plan directeur pour 2037, il a cerné certaines mesures à prendre pour se protéger contre les risques liés aux changements climatiques.
Je reconnais certainement d’après votre question que ce ne sont pas tous les aéroports qui ont le même degré de prospérité et de complexité, et qu’ils ont bel et bien besoin d’aide. J’estime que c’est ce que nous leur avons offert dans le cadre du Programme de l’évaluation des risques et de nos programmes de financement des infrastructures.
[Français]
Le sénateur Cormier : Ma question fait suite à celle de la sénatrice Miville-Dechêne concernant l’impact des infrastructures sur les changements climatiques.
J’ai rencontré récemment l’Association canadienne des traversiers, qui a exposé la réalité selon laquelle les traversiers auraient besoin d’investissements majeurs pour réduire leurs émissions de gaz carbonique. L’association est très préoccupée par la modernisation de ses infrastructures. Comme je le disais, dans la région d’où je suis, des traversiers importants rejoignent différentes provinces.
Avez-vous des données sur l’impact spécifique des traversiers sur les changements climatiques? Transports Canada a-t-il un plan de financement pour soutenir la modernisation de ce moyen de transport?
Mme Nichols : Merci beaucoup pour la question.
[Traduction]
Je dirais que je n’ai pas sous la main les données exactes sur la contribution des traversiers aux changements climatiques. Je ne sais pas si cette information est accessible. Je crois qu’Environnement et Changement climatique Canada a des données détaillées sur les émissions du secteur maritime selon les différentes catégories de navires. Nous pourrions certainement faire un suivi là-dessus.
En ce qui concerne le financement de cette transformation dans le secteur maritime, encore une fois, il est certain qu’il est très coûteux de préparer une flotte de navires à ce genre de changement. Même les améliorations visant à rendre les navires plus efficaces peuvent coûter extrêmement cher.
Pour ce qui est du financement, à l’heure actuelle, Transports Canada finance dans une certaine mesure des activités de recherche, de développement et de démonstration. C’est un financement modeste qui peut aider à réaliser des projets pilotes pour trouver des façons de rendre ces navires plus efficaces. Pour le moment, nous nous en tenons à cette forme d’aide. Nous nous penchons certainement sur ce genre d’initiative en fonction des engagements qui se trouvent dans le plan climatique renforcé. Il y a des engagements qui visent à réduire davantage les émissions du secteur maritime.
Par ailleurs, je crois que l’engagement du gouvernement à concevoir une stratégie axée sur l’économie bleue est une autre initiative en cours, et je sais que l’industrie a certainement indiqué très clairement qu’il faut en faire plus pour réduire les émissions du secteur maritime.
[Français]
Le sénateur Cormier : Merci beaucoup pour votre présentation et vos réponses à nos questions.
[Traduction]
Le président : Je vous remercie, madame Nichols, ainsi que votre équipe, d’avoir pris le temps de témoigner devant notre comité ce soir. Comme vous le savez, c’est la première réunion que le Comité sénatorial permanent des transports et des communications a organisée en vue de lancer cette étude approfondie. Vous nous avez donné beaucoup de matière à réflexion. Nous sommes reconnaissants de la qualité et du degré de détail de vos réponses.
En ce qui concerne mes collègues, cet échange pourrait avoir soulevé certaines questions. Notre excellent greffier et notre analyste enverront nos questions au ministère également, à la suite de cette réunion. Nous communiquerons avec vous et nous compterons sur vous pour alimenter davantage les discussions et les échanges. Je vous remercie infiniment.
(La séance est levée.)