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TRCM - Comité permanent

Transports et communications


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES TRANSPORTS ET DES COMMUNICATIONS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 23 mars 2022

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd’hui, à 18 h 30 (HE), avec vidéoconférence, pour une étude sur l’incidence des changements climatiques sur les infrastructures essentielles dans les secteurs des transports et des communications et les répercussions corrélatives sur leurs interdépendances.

Le sénateur Leo Housakos (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Honorables sénateurs et sénatrices, bonsoir. Je suis Leo Housakos, sénateur du Québec, et président de ce comité. J’aimerais vous présenter les membres du comité qui participent à cette réunion. D’abord, nous avons la vice‑présidente de ce comité, la sénatrice Miville-Dechêne, du Québec.

[Traduction]

Il y a aussi le sénateur Cormier, du Nouveau-Brunswick, qui est parmi nous; la sénatrice Dasko, de l’Ontario; le sénateur Dawson, du Québec; le sénateur Klyne, de la Saskatchewan; le sénateur Manning, de Terre-Neuve-et-Labrador; la sénatrice Galvez, du Québec; le sénateur Quinn, du Nouveau-Brunswick; la sénatrice Simons, de l’Alberta; et la sénatrice Sorensen, qui est également de l’Alberta.

Nous nous réunissons pour continuer notre étude sur l’incidence des changements climatiques sur les infrastructures essentielles dans les secteurs des transports et des communications et les répercussions corrélatives sur leurs interdépendances. Comme la semaine dernière, nous entendrons aujourd’hui les témoignages de représentants de ministères fédéraux.

Notre premier groupe de témoins, ce soir, se compose de hauts fonctionnaires d’Environnement et Changement climatique Canada, soit de M. Douglas Nevison, sous-ministre adjoint à la Direction générale des changements climatiques, et de John Moffet, sous-ministre adjoint à la Direction générale de la protection de l’environnement.

[Français]

Bienvenue et merci de vous joindre à nous virtuellement. Nous allons commencer par vos remarques préliminaires avant de passer aux questions des membres.

[Traduction]

La parole est à vous. Vous avez 15 minutes, chers amis, après quoi nous prendrons les questions de mes collègues sénateurs.

Douglas Nevison, sous-ministre adjoint, Direction générale des changements climatiques : Merci, monsieur le président, et bonsoir, tout le monde. Je tiens d’abord à souligner que nous sommes réunis sur le territoire traditionnel et non cédé du peuple algonquin.

[Français]

Je m’appelle Douglas Nevison et je suis le sous-ministre adjoint de la Direction générale des changements climatiques d’Environnement et Changement climatique Canada.

[Traduction]

Comme l’a mentionné le président, je suis accompagné aujourd’hui de mon collègue John Moffet, qui est sous-ministre adjoint de la Direction générale de la protection de l’environnement à Environnement et Changement climatique Canada. Nous vous remercions de nous avoir invités à témoigner devant vous aujourd’hui pour discuter des changements climatiques et des plans de réduction des émissions du gouvernement.

Les données scientifiques sont claires : les changements climatiques constituent un défi mondial et ne sont plus une question d’avenir. Le Canada se réchauffe deux fois plus vite que la planète, et les Canadiens subissent déjà les effets dévastateurs des changements climatiques, on a notamment enregistré un record de chaleur à Lytton, en Colombie-Britannique, l’été dernier, en plus d’avoir vécu une saison des feux de forêt marquée par 2 500 feux de plus qu’en 2020.

Le Canada est une économie à forte intensité d’émissions, dont les émissions par habitant sont élevées et une vaste infrastructure est vulnérable aux changements climatiques. Nous formons une fédération aux responsabilités partagées dont la relation avec les peuples autochtones est en évolution. Ainsi, une collaboration d’un océan à l’autre est nécessaire pour atteindre les objectifs climatiques du Canada en 2030 et en 2050.

[Français]

Au cours des six dernières années, le gouvernement a pris des mesures et engagé plus de 100 milliards de dollars pour réduire les émissions, favoriser la mise au point de technologies propres et aider les Canadiens à s’adapter aux impacts des changements climatiques.

[Traduction]

En 2016, le gouvernement du Canada a élaboré le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques en collaboration avec les provinces et les territoires, et avec la contribution des peuples autochtones. Il s’agit du premier plan climatique national du Canada composé de mesures fédérales, provinciales et territoriales individuelles et conjointes.

Avant ce plan, les émissions du Canada devaient augmenter de 12 % par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030. Selon le Rapport d’inventaire national de 2021, les émissions du Canada devraient être inférieures de 19 % par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030. Il s’agit de la plus importante réduction des émissions prévue dans l’histoire du Canada.

S’appuyant sur le Cadre pancanadien, le gouvernement a annoncé, en décembre 2020, le Plan climatique renforcé du Canada : Un environnement sain et une économie saine, afin d’atteindre et de dépasser son objectif précédent de 2030.

En 2021, le gouvernement a adopté des cibles plus ambitieuses encore pour 2030. Celles-ci étaient auparavant de 30 % sous les niveaux 2005, et il a annoncé une contribution déterminée au niveau national renforcée, dans le cadre de l’Accord de Paris, équivalente à une réduction de 40 % à 45 % par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030.

[Français]

En juin dernier, la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité a reçu la sanction royale. Cette loi consacre l’engagement du Canada à atteindre la carboneutralité d’ici 2050, établit l’objectif du Canada pour 2030 comme premier jalon clé de cette voie, et assure un processus transparent et responsable pour atteindre les objectifs climatiques du Canada.

[Traduction]

Le gouvernement a admis que d’autres mesures sont nécessaires pour atteindre l’objectif 2030 renforcé du Canada et a annoncé de nouvelles mesures lors de la COP26 l’automne dernier, notamment un engagement à mettre en place un réseau électrique carboneutre d’ici 2035 avec une norme sur l’électricité propre, et à réduire les émissions de méthane dans tous les secteurs économiques d’au moins 30 % — et en particulier dans le secteur pétrolier et gazier de 75 % — d’ici 2030.

Le gouvernement canadien s’est engagé à utiliser une combinaison de règlements et d’investissements pour s’assurer que le Canada atteigne son objectif de véhicules sans émissions en 2035 pour les nouvelles voitures et les camions légers. Nous réitérons également l’importance de la tarification de la pollution par le carbone pour réduire les émissions dans l’ensemble de l’économie tout en encourageant l’innovation.

[Français]

Une approche collaborative est nécessaire pour s’attaquer aux changements climatiques. Le gouvernement du Canada a donc consulté les provinces, les territoires, les peuples autochtones et les Canadiens intéressés au sujet du Plan de réduction des émissions de 2030.

[Traduction]

D’ici la fin du mois de mars, le Canada établira son plan de réduction des émissions de 2030, qui définira la voie à suivre pour atteindre l’objectif de 2030. Il s’agit de l’un des premiers résultats importants à obtenir aux termes de la Loi sur la responsabilité en matière de carboneutralité et d’un jalon important contribuant à l’objectif de carboneutralité du Canada.

Même si le Canada prend des mesures ambitieuses pour réduire ses émissions, il continuera à subir les effets et les coûts croissants des changements climatiques à court terme. Le gouvernement reconnaît le besoin urgent de renforcer la résilience aux impacts des changements climatiques et de mieux soutenir les Canadiens dans un climat qui change.

Des travaux sont en cours avec les provinces, les territoires, les peuples autochtones et d’autres partenaires afin d’achever, cette année, la première Stratégie nationale d’adaptation du Canada. La stratégie reposera sur une base solide de programmes fédéraux existants et favorisera une approche proactive, coordonnée et pansociétale de l’adaptation au Canada.

Le gouvernement continue d’offrir l’accès à de la science, des données et des renseignements fondamentaux faisant autorité sur le climat pour aider les Canadiens à tenir compte des changements climatiques dans leurs décisions, grâce à de nombreux efforts, comme ceux du Centre canadien des services climatiques.

Bien que de nombreux engagements et initiatives explicites du gouvernement soient axés sur les changements climatiques, l’atteinte des objectifs du Canada d’ici 2030 et d’ici 2050 nécessitera une approche pangouvernementale et pansociétale. L’action climatique ouvrira de nombreuses possibilités pour les Canadiens dans l’ensemble du pays. La pleine participation de tous les Canadiens, dans tous les secteurs de l’économie, est essentielle pour atteindre la cible du Canada pour 2030 et bâtir un avenir carboneutre pour tous les Canadiens.

Merci beaucoup. Maintenant, M. Moffet et moi serons heureux de recevoir vos commentaires ou vos questions.

Le président : Merci, monsieur. Nous passerons maintenant aux questions.

Le sénateur Dawson : Je vous remercie de votre exposé. Je vous trouve assez optimiste quant à l’avenir.

[Français]

Je crois que certaines organisations internationales, comme le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, insiste beaucoup sur l’urgence de prendre des mesures immédiates. On a des ambitions et honnêtement, je félicite le gouvernement; je pense que le fait de se doter d’unités de mesure est une façon de nous évaluer. Cependant, le Canada déploie-t-il tous les efforts nécessaires pour renforcer notre résilience au changement climatique?

Notre étude porte sur les infrastructures; si elles continuent de se détériorer — et même pour nos grands objectifs—, le gouvernement sera-t-il en mesure d’injecter des fonds afin de s’assurer que nous nous protégeons contre le changement climatique et, surtout, que nous nous protégeons contre la création d’un environnement et d’un climat néfaste?

Je vous félicite, mais je vous trouve un peu optimiste. Est-ce qu’on prend vraiment les mesures nécessaires et est-ce que vous avez des exemples à nous donner?

[Traduction]

M. Nevison : Merci beaucoup. En réponse à ces questions, je pourrais peut-être aborder la question sous deux angles, celui de l’atténuation et celui de l’adaptation, et vous fournir quelques exemples concrets, comme l’a demandé l’honorable sénateur.

Par exemple, pour ce qui est de l’atténuation, le gouvernement a engagé plus de 100 milliards de dollars d’investissements depuis 2016 par le truchement des différents plans climatiques que j’ai nommés, et ce, dans un vaste éventail de domaines, dont les infrastructures, que vous avez mentionnées. Pour ce qui est de l’adaptation, le dernier budget comprenait des engagements importants pour augmenter les dépenses afin d’améliorer la résilience. Par exemple, 1,4 milliard de dollars supplémentaires ont été alloués au Fonds d’atténuation et d’adaptation en matière de catastrophes, 200 millions de dollars ont été octroyés au Fonds pour l’infrastructure naturelle, et un certain nombre de programmes ont été mis en place, notamment pour la cartographie des inondations et la lutte contre les incendies de forêt.

De ce point de vue, il y a eu des investissements importants.

Je suis optimiste, mais en même temps, j’espère que cela ne donne pas l’impression que je ne partage pas votre sentiment d’urgence, parce que je pense que vous avez tout à fait raison : nous devons vraiment tenir compte de l’urgence dans notre planification et nos investissements.

Le sénateur Dawson : Merci beaucoup. Monsieur le président, je vois qu’il y a cinq ou six personnes qui attendent pour poser des questions, donc je continuerai les miennes plus tard.

Le sénateur Klyne : Ma question s’adresse aux gens d’Environnement Canada.

Les catastrophes d’origine climatique sont de plus en plus fréquentes. De nombreux Canadiens comptent sur les prévisions météorologiques et les informations radar d’Environnement Canada. À quel point l’infrastructure qu’Environnement Canada utilise pour fournir des prévisions météorologiques est-elle solide? Si cette infrastructure tombe en panne, quelle est la réponse rapide prévue pour rétablir les bulletins météorologiques et les informations radar?

M. Nevison : Merci beaucoup pour cette question. Comme Environnement Canada l’a démontré récemment à l’occasion d’événements météorologiques extrêmes, l’infrastructure est robuste, tant pour la météorologie qu’en ce qui concerne les autres facteurs déterminants de la résilience. Cela ne signifie pas qu’on ne peut pas faire mieux. Comme je l’ai déjà dit, il y a eu des investissements importants sur un certain nombre de fronts pour assurer la résilience.

La sénatrice Galvez : Merci beaucoup, monsieur Nevison, pour votre exposé. Êtes-vous d’accord avec moi pour dire que le changement climatique pose un risque systémique pour les systèmes économiques, financiers et sociaux du Canada?

M. Nevison : Je suis désolé, madame la sénatrice. Pouvez‑vous répéter la question?

La sénatrice Galvez : Le changement climatique nous expose à des risques physiques, et il y a tous les risques associés à la transition. Les risques physiques comprennent la destruction des infrastructures de base causée par les événements météorologiques extrêmes — c’est ce dont le sénateur Dawson vient de parler —, mais ils exacerbent également les facteurs environnementaux et les répercussions économiques.

En même temps, toutes les provinces et tous les territoires sont touchés par le changement climatique. Je pense donc que c’est un risque systémique. Je vois que vous êtes d’accord avec moi pour dire qu’il y a un risque systémique. Je vous remercie.

Vous dites que le gouvernement utilise la réglementation et les investissements pour résoudre le problème. C’est très important. Je voudrais que vous m’expliquiez comment le gouvernement investit dans l’adaptation, l’énergie propre et l’électrification des transports, alors que parallèlement à cela, le secteur financier investit dans les combustibles fossiles et alimente la crise climatique.

Vous avez dit qu’il s’agissait d’un effort pansociétal. Est-ce que tous les secteurs font le même type d’effort?

M. Nevison : Merci, sénatrice. C’est une excellente question. Je suis heureux que vous ayez repris mon point de vue sur l’approche pansociétale.

Si l’on regarde les engagements récents, par exemple, je pense qu’il y a un élan général dans les entreprises canadiennes pour reconnaître la nature systémique de la crise des changements climatiques et aussi pour mettre en place des plans d’atténuation des effets et d’adaptation aux changements climatiques.

Dans le secteur financier, par exemple, nous savons que de nombreuses institutions financières canadiennes se sont engagées dans l’alliance mondiale sur la situation financière lors de la COP26, à l’automne. Nombre d’entre elles ont élaboré des plans de carboneutralité qui s’appliquent non seulement à leurs activités, mais aussi à leurs portefeuilles de prêts.

Nous constatons donc un élan en ce sens. Pour revenir à ce que votre collègue disait un peu plus tôt au sujet de l’urgence de la situation, nous encourageons évidemment tous les Canadiens à agir de toute urgence en réponse à la crise climatique. Comme je l’ai déjà dit, je suis optimiste devant l’élan que nous constatons dans un vaste éventail de secteurs, mais cela n’exclut pas qu’il faille nous dépêcher encore plus à prendre des mesures.

La sénatrice Galvez : Monsieur le président, ai-je encore une minute pour une autre question?

Le président : Oui.

La sénatrice Galvez : Merci.

J’aimerais savoir comment vous définissez le terme « transition ». Je suis ingénieure et j’ai enseigné le génie civil. Depuis 20 ans, nous nous concentrons sur l’hydroélectricité et l’énergie marémotrice, solaire ou éolienne. Nous disons depuis 20 ans aux ingénieurs que nous sommes en transition vers une économie à faibles émissions de carbone et des sources d’énergie à faibles émissions de carbone, des sources d’énergie renouvelable. Cependant, il semble que nous n’y croyons pas vraiment dans la vraie vie, parce que pour certaines personnes, il semble que la transition signifie d’extraire la dernière goutte de pétrole qui se trouve sur notre territoire.

Avez-vous une définition de la « transition », et aurions-nous besoin de plus de transformation que de transition?

M. Nevison : Nous avons besoin à la fois de transition et de transformation. La transition, comme vous l’avez bien souligné, je crois, consiste à passer à une économie à faibles émissions de carbone pour atteindre la carboneutralité d’ici 2050. Cela doit commencer dès maintenant. Mais dans de nombreux secteurs, cela nécessitera une transformation des façons de faire.

Pour ce qui est des particularités sectorielles, je demanderais à mon collègue, M. Moffet, de nous parler des formes que peut prendre cette transformation — on l’espère — d’un secteur à l’autre.

John Moffet, sous-ministre adjoint, Direction générale de la protection de l’environnement, Environnement et Changement climatique Canada : Je pourrais vous en parler longtemps, mais permettez-moi de ne vous donner que deux exemples, et je serai heureux de répondre à toute question complémentaire que vous ou vos collègues pourriez avoir par la suite.

Vous avez mentionné la production d’électricité et le secteur pétrolier et gazier. Le gouvernement a annoncé son engagement à atteindre la carboneutralité dans le secteur de l’électricité d’ici 2035. Nous venons de publier un document de travail à ce sujet, et nous serons heureux d’en discuter avec votre comité quand vous le voudrez. Ce document porte principalement sur le rôle d’un règlement que nous sommes en train d’élaborer et qui définira ce que nous entendons par « carboneutralité » et fixera des normes qui excluront essentiellement ou rendront financièrement non viable l’investissement dans de nouvelles sources importantes de production d’électricité à base de carbone. Cela contribuera à favoriser la transformation.

En outre, bien sûr, comme nous le soulignons dans ce document, les gouvernements, à tous les niveaux, ont un rôle important à jouer en investissant pour permettre le développement continu de sources d’énergie propre, c’est-à-dire en investissant à la fois dans la production d’électricité et le développement des réseaux intelligents que vous connaissez tous trop bien et qui sont nécessaires pour permettre le déploiement efficace des énergies renouvelables.

En ce qui concerne le pétrole et le gaz, de même, le gouvernement s’est engagé à plafonner les émissions du secteur aux niveaux actuels et à veiller à ce qu’elles diminuent au fil du temps. Nous n’avons pas encore de document de travail à ce sujet, mais nous en publierons un sous peu. Dans ce document, nous chercherons à rassembler les Canadiens, le secteur et les provinces, dans une discussion sur la nature appropriée du plafond et sur la façon dont il peut fonctionner pour que nous puissions réaliser le genre de transition et de transformation dont vous et M. Nevison avez parlé, d’une manière qui garantisse une réduction des émissions aussi vite que possible, bien sûr, mais aussi la viabilité de l’économie, le maintien des investissements au Canada et la préservation d’autant d’emplois que possible au pays.

La sénatrice Galvez : Merci.

[Français]

Le sénateur Cormier : Merci pour votre présentation, monsieur Nevison.

Vous avez parlé de la Stratégie nationale d’adaptation. Ma question concerne la collaboration entre le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires. Vous avez mentionné que vous consultiez les provinces et territoires dans le cadre de l’élaboration de cette stratégie.

Quels sont les défis que vous rencontrez dans l’harmonisation et l’arrimage de vos priorités — des priorités du gouvernement fédéral avec les provinces — sur le plan des infrastructures structurelles essentielles, des priorités qui sont mises en place?

Il me semble que ce sont des défis dont on entend beaucoup parler, et je pense que c’est un enjeu important pour atteindre les objectifs que le gouvernement fédéral s’est fixés.

J’aimerais que vous nous parliez davantage de cette collaboration.

[Traduction]

M. Nevison : Merci beaucoup, sénateur. C’est une excellente question. Je ferai simplement remarquer que lorsque j’ai mentionné la Stratégie nationale d’adaptation, j’aurais dû insister sur le mot « nationale ». Il ne s’agit pas d’une stratégie du gouvernement fédéral. Il s’agit d’une stratégie nationale, en ce sens que non seulement elle doit être élaborée en partenariat avec les provinces et les territoires, les peuples autochtones, les municipalités et l’industrie, mais il faut reconnaître qu’une grande partie des actions et des répercussions se situent au niveau local, particulièrement pour l’aspect adaptation. L’une des principales caractéristiques de la Stratégie nationale d’adaptation, c’est qu’elle nous amène à travailler avec nos partenaires de l’ensemble du pays, non seulement pour élaborer des objectifs à long et à moyen terme, mais aussi pour cibler des mesures concrètes qui peuvent être prises à court terme.

L’un des aspects essentiels de ces discussions consiste à déterminer les rôles et responsabilités de chacun. Quel est le bon ordre de gouvernement qui doit agir pour endiguer tel ou tel risque, par exemple, en matière d’adaptation?

Nous travaillons de concert avec nos partenaires depuis environ six ou sept mois, au moyen de différents mécanismes, notamment par la création de cinq tables consultatives chargées d’élaborer le cadre de la Stratégie nationale d’adaptation. Nous avons récemment eu de nombreuses discussions bilatérales avec les provinces et les territoires pour nous assurer que la stratégie reflète leurs priorités. Comme vous le savez sûrement, sénateur, beaucoup de provinces se dotent en même temps de leur propre stratégie, tout comme nos partenaires autochtones. C’est un aspect essentiel de la Stratégie nationale d’adaptation.

L’objectif, comme je l’ai mentionné, c’est que la stratégie nationale entre en vigueur d’ici l’automne de cette année. La prochaine phase, qui débutera au cours des prochaines semaines, consistera à élargir nos horizons pour obtenir un plus grand engagement de la part du public, afin que la stratégie élaborée reflète vraiment cette approche pansociétale dont je parlais dans mon exposé.

Le sénateur Cormier : Merci, monsieur. Si je peux me permettre, quels sont, selon vous, les principaux défis auxquels nous nous heurtons dans les relations entre le gouvernement fédéral et les provinces et territoires? Sont-ils avant tout politiques? Se posent-ils davantage avec le secteur privé? Vous parlez d’un plan, et nous sommes tous d’accord pour dire qu’il y a urgence. Mais j’essaie de comprendre quels sont les défis à relever. Sont-ils différents d’une province à l’autre? C’est ma question.

M. Nevison : L’un des défis que je mentionnerais, c’est la capacité et le niveau de préparation. Encore une fois, certaines provinces sont très avancées dans l’élaboration de leurs propres stratégies d’adaptation, et nous voulons en tenir compte dans la stratégie nationale. Nous ne cherchons pas à répliquer des stratégies locales ou provinciales bien conçues ni à les remplacer. Les provinces et les territoires, ainsi que nos partenaires autochtones, sont tous limités dans leur capacité en ce moment, compte tenu des diverses demandes qui pleuvent sur les gouvernements provinciaux en raison de la pandémie, notamment, mais aussi, dans certains cas, en raison de la reconstruction nécessaire après des événements météorologiques extrêmes. Je pense que nous en sommes très conscients. Encore une fois, c’est pourquoi l’esprit de partenariat est si important, parce que nous pouvons nous faire profiter mutuellement de nos meilleures pratiques. Nous pouvons partager de l’information sur les projections climatiques, par exemple. J’ai mentionné le Centre canadien des services climatiques, qui fournit des informations très localisées aux décideurs lorsqu’il s’agit de choisir des mesures d’adaptation.

Ce sont les deux éléments que je mettrais le plus en relief : les limites de capacité et le niveau de préparation. Je dois dire que l’enthousiasme est palpable dans toutes les provinces, et elles veulent s’attaquer à ce problème et le faire en coopération. Je pense que tout le monde reconnaît l’impératif à cet égard et que cela nous aidera à mettre au point une stratégie très efficace en fin de compte.

Le sénateur Cormier : Merci.

La sénatrice Simons : Merci beaucoup à nos invités. J’ai quelques questions bien concrètes à poser.

Au sein de vos directions, fait-on des recherches et des analyses des risques sur des aspects précis qui concernent les liens entre les changements climatiques et l’infrastructure de transport? Je pense par exemple à la fonte du pergélisol et de ce que la perte du pergélisol signifie pour les routes dans le Grand Nord. Je pense à l’élévation du niveau de la mer et à ce qu’elle signifie pour les ports du Canada. Je pense aussi aux risques d’inondation et de glissement de terrain et à ce qu’ils signifient pour nos infrastructures ferroviaires et routières.

Y a-t-il, au sein de votre ministère, des spécialistes qui font des prévisions à long terme sur l’état de ce type d’infrastructure?

M. Nevison : Merci, sénatrice. Je vais commencer, mais j’inviterai mon collègue, M. Moffet, à intervenir à son tour.

Environnement et Changement climatique Canada compte de nombreux spécialistes des questions que vous avez mentionnées. Nous avons une direction générale des sciences et de la technologie assez importante qui fait des recherches à maints égards sur les changements climatiques et d’autres questions.

Dans ma déclaration préliminaire, j’ai parlé du Centre canadien des services climatiques qui, comme je l’ai dit pour répondre à la question précédente, est un centre de recherche qui fournit de l’information détaillée — sur des zones de près de 10 kilomètres — pour aider les décideurs locaux à tenir compte de données climatiques fiables lorsqu’ils prennent des décisions. Le centre se penche non seulement sur le passé, mais aussi sur les projections selon divers scénarios, afin de fournir des données sur la chaleur et les précipitations.

Vous avez mentionné l’enjeu principal dans le Nord, le problème du pergélisol, et de ce qu’il signifie pour de nombreuses infrastructures, tant les infrastructures traditionnelles que le logement. Pour répondre brièvement à votre question, oui, Environnement et Changement climatique Canada possède une expertise importante qui peut aider les décideurs à cet égard.

Je vais demander à M. Moffet s’il a quelque chose à ajouter. Sa direction générale accomplit beaucoup de travail dans ces domaines également.

M. Moffet : Je crains de ne pas avoir grand-chose à ajouter concernant ce que fait Environnement et Changement climatique Canada sur le plan de la recherche, sénatrice. J’invite les membres du comité à consulter le Conseil national de recherches du Canada, qui a également des programmes utiles dans ce domaine. Il a un programme sur le transport actif.

La sénatrice Simons : Je présume que, puisque vous faites partie d’Environnement Canada, vous disposez de travaux de recherche sur ce qui arrive à l’environnement dans des régions précises du pays. Le Canada est si diversifié sur le plan de la géographie et des régions climatiques. Si nous voulions trouver cette information — par exemple, une étude sur le pergélisol, l’élévation du niveau de la mer ou les répercussions des feux de forêt sur l’infrastructure de communication —, où pourrions‑nous la trouver? Comment pouvons-nous l’obtenir?

M. Nevison : Merci, sénatrice. Comme je l’ai mentionné, la Direction générale des sciences et de la technologie mène d’importantes recherches dans ce domaine, tout comme le Service météorologique du Canada, un autre organisme d’Environnement et Changement climatique Canada.

Pour répondre à votre question, je vous inviterais à consulter un portail d’information que nous appuyons. Il s’agit de donneesclimatiques.ca. Il fournit une grande partie du type de renseignements que vous recherchez.

Voilà une source d’information, mais le Centre canadien des services climatiques peut fournir une aide ciblée si l’on veut obtenir des données sur des régions précises, à une échelle locale. Il y a là une foule de renseignements. Comme je l’ai dit, donneesclimatiques.ca est le point d’entrée vers cette mine de renseignements.

M. Moffet : Bien entendu, nous publions également, de temps en temps, mais de plus en plus souvent, un rapport intitulé Rapport sur le climat changeant du Canada, qui regroupe ces renseignements.

Je propose que nous fassions un suivi et que nous vous fournissions certaines de ces adresses URL et des rapports récents. Ensuite, si le comité le souhaite, nous pourrons revenir ou demander aux scientifiques concernés de venir discuter de ces études.

Le sénateur Quinn : Je vous remercie de comparaître devant le comité ce soir. J’ai trouvé la dernière discussion sur l’expertise à Environnement Canada intéressante.

Bien entendu, ce groupe se penche sur les infrastructures essentielles et les changements climatiques. La définition de l’infrastructure essentielle peut être vaste, selon la personne à laquelle on s’adresse, mais nous cherchons à déterminer quels sont les éléments d’infrastructure essentiels. La sénatrice Simons vient de mentionner certains d’entre eux. J’ai moi aussi une question sur le processus interne. Bon nombre de nos infrastructures essentielles sont détenues et exploitées par le gouvernement du Canada ou par des organismes qui relèvent du gouvernement fédéral.

Je me demande quel est le rôle d’Environnement Canada lorsque des initiatives sont proposées. Lorsque des initiatives d’infrastructure sont proposées — la modernisation des navires de la Garde côtière canadienne, par exemple —, quel rôle direct Environnement Canada joue-t-il dans l’examen de l’initiative au cours des processus de présentation de mémoires au Cabinet et de présentation au Conseil du Trésor? Participez-vous directement au processus, donnez-vous votre approbation en quelque sorte? Je ne veux pas vous désigner comme un organisme central, mais quel rôle jouez-vous? Vous avez l’expertise.

M. Nevison : Merci beaucoup, sénateur. C’est une excellente question, et il s’agit d’un rôle qu’Environnement et Changement climatique Canada joue de plus en plus. Par exemple, nous menons actuellement un projet sur l’optique des changements climatiques pour un ensemble de ministères, dont Infrastructure Canada. Toutes les présentations au Conseil du Trésor et tous les mémoires au Cabinet doivent être évalués selon l’optique des changements climatiques. Il s’agit d’évaluer les répercussions d’une proposition ou d’une mesure particulière sur, par exemple, l’atteinte des cibles climatiques du Canada pour 2030 et 2050 et la façon dont elle s’inscrit dans les plans d’adaptation. Encore une fois, nous sommes en train d’élaborer la Stratégie nationale d’adaptation, mais il y a aussi cela.

En ce qui concerne les infrastructures essentielles, c’est le ministère de la Sécurité publique qui mène ce dossier, mais Environnement et Changement climatique Canada joue un rôle, tant du point de vue de l’information que de l’optique des changements climatiques. Nous serons de plus en plus appelés à donner des renseignements aux décideurs sur ces types de questions.

M. Moffet : Un autre rôle que joue le ministère ne concerne pas tant les infrastructures détenues ou exploitées par le gouvernement que le processus d’évaluation des incidences environnementales. Bien sûr, le gouvernement fédéral a un rôle à jouer dans l’examen et l’approbation des grands projets de développement industriel, dont beaucoup comprennent la construction de nouvelles routes, de nouveaux ports, et cetera. Conformément au document intitulé Évaluation stratégique des changements climatiques que nous avons publié il y a environ un an, tous les promoteurs qui suivent le processus doivent fournir des renseignements concernant à la fois leurs plans de décarbonisation et leur engagement à atteindre la carboneutralité d’ici 2050 et leurs plans pour s’assurer que tout ce qu’ils construisent est, le plus possible, résilient aux effets des changements climatiques.

Le sénateur Quinn : Merci beaucoup. Je vous remercie des observations que vous avez faites au sujet de l’optique environnementale. Je ne sais pas si vous vouliez dire que c’est un projet pilote qui est mené avec certains ministères, de sorte que lorsqu’ils présentent des initiatives, elles sont évaluées sous l’angle environnemental. Cependant, l’objectif de ce comité est de produire un rapport contenant des recommandations, et ce que j’entends, c’est qu’il faut parfois beaucoup de temps pour mettre les choses en place, même dans le cadre d’un projet pilote, étant donné les liens entre les ministères. Ce comité a peut-être un rôle à jouer quant aux recommandations qu’il faut au sujet de la perspective environnementale pour les initiatives gouvernementales. C’est simplement une question à laquelle nous devons réfléchir. Je vous remercie de cette observation.

L’autre question que je voulais poser, encore une fois, concerne une chose que ma collègue, la sénatrice Simons, a dite. Je sais que Sécurité publique Canada s’occupe des infrastructures essentielles, mais Environnement Canada a-t-il repéré des endroits critiques dont nous devrions nous inquiéter? Il y a, par exemple, l’isthme qui relie la Nouvelle-Écosse au Nouveau-Brunswick. On a récemment entendu parler de différentes options dont le coût pourrait s’élever à 300 millions de dollars pour prendre différentes mesures, comme rehausser les digues ou les remplacer, soit des choses de cette nature.

Signalez-vous des points chauds comme celui-là? Il ne s’agit pas seulement de l’inondation de l’isthme, mais aussi de la disparition d’une liaison ferroviaire ou la disparition de routes, si l’on ne s’en occupe pas correctement. Dieu sait que les gens du Cap-Breton n’aiment pas l’idée que leur région devienne une deuxième île par rapport à la grande île de la Nouvelle-Écosse.

Avez-vous la capacité de signaler ces points chauds particuliers?

M. Nevison : Merci, sénateur. Nous travaillons certainement au sein de la communauté interministérielle avec des partenaires clés, comme Sécurité publique Canada et Infrastructure Canada, pour ne nommer que ceux-là, afin d’examiner des questions de ce genre. C’est à cet égard que la Stratégie nationale d’adaptation sera très importante. Comme vous l’avez soulevé à juste titre, certaines questions seront particulièrement importantes pour certaines régions. L’un des objectifs de la stratégie est d’aider à établir les priorités quant aux besoins du point de vue de l’adaptation afin d’essayer de prévenir certaines des catastrophes qui pourraient se produire. C’est certainement l’un des objectifs de la Stratégie nationale d’adaptation, qui consiste à établir ce cadre afin de pouvoir déterminer les principales priorités des partenaires fédéraux, mais aussi des partenaires provinciaux, territoriaux et autochtones. Je pense que c’est un élément important.

Si vous me le permettez, sénateur, j’aimerais apporter une précision au sujet de votre question précédente. Il s’agit d’un programme pilote; vous avez tout à fait raison. L’objectif, c’est qu’en fin de compte, tous les ministères tiennent compte des changements climatiques dans les propositions de politiques. Pour l’instant, il s’agit seulement d’un projet pilote pour quelques ministères spécifiques. L’objectif final est de faire en sorte que tous les ministères soumettent et gèrent leurs propositions selon l’optique des changements climatiques.

Le sénateur Quinn : Quand la Stratégie nationale d’adaptation sera-t-elle prête? Quelle est l’échéance? Quand aura-t-on terminé? Cette année? L’an prochain?

M. Nevison : Nous prévoyons que la Stratégie nationale d’adaptation sera publiée à l’automne de cette année. Comme je l’ai mentionné, nous sommes sur le point d’entrer dans la phase de la mobilisation publique. Nous avons mené d’importantes consultations auprès des provinces et des territoires, des organisations autochtones nationales et de l’industrie pour aider à élaborer un cadre pour la Stratégie nationale d’adaptation. La prochaine étape consistera à tester le tout avec les Canadiens au cours des prochains mois afin que la stratégie soit publiée l’automne prochain.

La sénatrice Dasko : C’était un enchaînement parfait pour la question que je comptais poser. Je vous en remercie, sénateur Quinn. Je remercie les témoins de leurs exposés.

J’aimerais me concentrer sur la mobilisation publique dont vous avez parlé plus tôt, à savoir les activités de communication publique que vous envisagez, et je suppose que cela débutera à l’automne de cette année. J’imagine que c’est lié à la Stratégie nationale d’adaptation.

Pouvez-vous me parler des objectifs de la stratégie de communication publique? Quelles sont les activités que vous envisagez? S’agit-il de communications publiques, de campagnes publicitaires ou de quelque chose de ce genre? Quels en seraient les objectifs? S’agit-il, par exemple, de changer les attitudes ou les comportements? Quels sont les thèmes et les messages que vous envisagez de communiquer? Quels objectifs essayez-vous d’atteindre à l’aide des activités de communication publique?

M. Nevison : Merci, sénatrice. L’objectif principal du processus de mobilisation publique est de s’assurer que la Stratégie nationale d’adaptation tient compte de la diversité des priorités et des capacités au pays. Comme je l’ai mentionné, l’adaptation est un domaine très localisé à certains égards, étant donné les divers phénomènes météorologiques qui frappent différentes régions du pays et les capacités et les niveaux de préparation qui varient d’un gouvernement à l’autre.

L’objectif principal de la phase de mobilisation initiale et, en fin de compte, de la phase de mobilisation publique, c’est de s’assurer que la stratégie reflète les priorités des Canadiens en matière d’adaptation et qu’elle peut aider à préparer le pays et à accroître sa résilience.

Vous avez soulevé un point intéressant en ce sens qu’il devra y avoir, évidemment, une dimension de communication à cela. Nous savons, par exemple, grâce à certaines de nos premières consultations, quelles pourraient être certaines des mesures concrètes à prendre. Par exemple, il y a certaines choses — je ne dirai pas qu’elles sont simples — que les propriétaires peuvent faire pour protéger leur maison des inondations, notamment. Ce type de messages pourrait faire l’objet d’une campagne de sensibilisation du public, comme vous l’avez mentionné.

Ce type de mesures et les aspects sur lesquels le gouvernement fédéral et ses partenaires provinciaux, territoriaux et autochtones veulent concentrer leurs efforts sont au cœur du processus de mobilisation, afin que nous fassions les choses correctement et que nous ayons une base solide pour l’avenir. Évidemment, nous devrons corriger le tir au fur et à mesure et nous ajuster en fonction de l’évolution des choses, mais nous voulons partir du bon pied en travaillant avec nos partenaires à l’élaboration de la stratégie.

La sénatrice Dasko : D’après ce que vous avez dit, puis-je en déduire qu’il s’agit d’une campagne d’information, par exemple sur la façon d’économiser l’énergie, de faire face aux divers facteurs environnementaux? Si j’ai bien compris ce que vous avez dit, il s’agit d’aider les Canadiens à faire des choses ou à s’adapter aux circonstances en changeant leurs comportements. Est-ce bien cela? Ou, par exemple, s’agirait-il d’adopter une approche sévère et de dire aux Canadiens « nous devons vraiment prendre des mesures rigoureuses et nous allons vous demander de faire telle ou telle chose », ce qui pourrait les amener à sortir de leur zone de confort?

M. Nevison : En ce qui concerne l’adaptation, et cela s’applique également aux efforts d’atténuation, je pense que la première étape consiste à déterminer les mesures prioritaires et où elles doivent être prises.

Ensuite, la deuxième étape consistera à déterminer quels sont les bons outils pour atteindre les objectifs.

Comme je l’ai mentionné, étant donné que, sur le plan de l’adaptation, par exemple, de nombreux leviers se situent à l’échelle locale, provinciale ou territoriale, il reste à déterminer les rôles et les responsabilités du gouvernement fédéral par rapport aux autres gouvernements et aux municipalités à cet égard pour essayer d’inciter les gens à adopter des comportements différents ou des changements pour s’adapter au climat qui change. Mais les campagnes de sensibilisation du public pourraient constituer un élément clé de l’un de ces outils.

À ce stade, nous sommes encore en train d’essayer de déterminer les outils les plus efficaces, mais il y a certainement des aspects liés à l’adaptation pour lesquels la sensibilisation du public est la clé. Il peut y avoir des aspects pour lesquels nous voulons adopter une approche plus réglementaire, qui, comme vous l’avez mentionné, serait plus sévère. Je pense toutefois qu’à ce stade-ci, nous essayons de mobiliser tous les Canadiens pour renforcer la résilience dans tout le pays. Je pense qu’un large éventail d’outils seront utiles à cet égard.

La sénatrice Dasko : Merci.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : J’ai donc le privilège de passer après plusieurs sénateurs et je dois vous dire que je suis un peu déprimée parce que j’ai le sentiment qu’on est encore un peu dans le business as usual. On parle de la communication interdépartementale, des plans d’action, des projets pilotes, des stratégies. Nous parlons beaucoup de processus. Évidemment, vous parlez de mobiliser les Canadiens, mais pour ce faire, il faut quelque chose d’important qui sorte du langage bureaucratique.

Je m’excuse de cette entrée en matière, je pose maintenant ma question. Notre rôle est d’essayer d’étudier les changements climatiques dans les transports et les communications; c’est vraiment les transports, par exemple, qui sont des points importants de notre étude. Là-dessus, il faut aussi qu’on voie ce que les transports peuvent faire pour réduire leurs répercussions sur les changements climatiques.

Vous êtes à Environnement et Changement climatique Canada. Pouvez-vous nous donner des exemples concrets, dans nos transports, de ce qu’il faut abandonner, repenser — la révolution qu’il faut faire? Faut-il diminuer le nombre d’avions ou changer les transports utilisés? Que doit-on faire comme Canadiens pour passer à travers ce changement climatique?

[Traduction]

M. Nevison : Monsieur Moffet, je crois que vous êtes le mieux placé pour répondre à cette question, si vous n’y voyez pas d’inconvénient.

M. Moffet : D’accord.

Madame la sénatrice, vous abordez ce que je décrirais comme étant un autre volet de cet important sujet. Jusqu’à présent, je crois que le cœur de la discussion a porté sur la façon de garantir que les infrastructures canadiennes soient résilientes face aux effets des changements climatiques, face aux répercussions inévitables des changements climatiques : nous essayons de déterminer quelles données scientifiques recueillir pour prédire les risques et quels types d’investissements nous devons faire pour renforcer les infrastructures existantes ou pour en bâtir de nouvelles.

Mais, bien entendu, vous présentez un point tout aussi important, soit que, dans nos efforts de décarbonisation, nous devons veiller à fournir l’infrastructure qui permettra à tous les Canadiens et à toutes les entreprises d’émettre le moins d’émissions de carbone que possible.

C’est extrêmement important en matière de transport. Par exemple, pour les véhicules, nous devons — et le gouvernement s’est engagé à le faire — financer une vaste gamme de bornes de recharge. Nous avons besoin de bornes de recharge pour les véhicules à zéro émission, pour les véhicules utilitaires légers que les particuliers et les petites entreprises utilisent. Nous devrons peut-être aussi nous doter de différents types d’infrastructures de recharge pour les camions qui utiliseront l’hydrogène comme carburant, par exemple, ou pour les véhicules de desserte locale. Certains camions de livraison locale utiliseront peut-être de l’hydrogène en plus de l’électricité. Il faut également des infrastructures pour charger ces véhicules.

Dans les ports, il est très habituel — eh bien, pas habituel — mais il est essentiel que les navires restent en marche même lorsque ces derniers sont à quai. À l’heure actuelle, de nombreux navires continuent à consommer le carburant à leur bord. Dans un monde idéal — et c’est de plus en plus courant — les ports modernes leur permettent, et c’est parfois même une exigence — d’être branchés. Les navires ne peuvent être branchés si l’infrastructure électrique adéquate n’est pas installée.

Il y a d’autres exemples.

Nous pouvons vous fournir d’autres exemples, mais nos collègues de Transports Canada, qui sont les principaux responsables des secteurs maritime, ferroviaire et aérien peuvent vous donner beaucoup plus d’exemples des types d’infrastructures nécessaires pour que ces moyens de transport soient aussi verts que possible. Je suis assez persuadé que vous verrez bientôt des mesures gouvernementales supplémentaires dans certains de ces domaines.

La sénatrice Miville-Dechêne : Comme vous représentez le ministère responsable de l’environnement, exercez-vous des pressions auprès de Transports Canada pour que des mesures soient prises? Y a-t-il des interactions où vous pouvez dire à vos homologues de Transports Canada d’en faire plus, ou les deux ministères travaillent-ils carrément en vase clos?

M. Moffet : Depuis l’avènement du Cadre pancanadien, mentionné par mon collègue et élaboré par le gouvernement actuel, le travail des bureaucrates s’est distingué par des efforts d’adopter autant que possible une approche pangouvernementale. Je ne vous cacherai pas que cela n’a pas toujours fonctionné rondement dans notre immense bureaucratie, mais je ne dirais pas du tout que notre rôle dans cette relation consiste à exhorter nos collègues de changer leur comportement ou de réorienter leurs politiques.

Je peux témoigner du fait que le travail avec nos homologues des transports se poursuit, est très axé sur la collaboration et comporte des objectifs communs au sujet de ce que vous avez mentionné, soit de définir le type d’infrastructure publique ou privée nécessaire pour décarboniser tous les moyens de transport aussi rapidement que possible.

La sénatrice Miville-Dechêne : Merci, messieurs. Ma frustration ne vous vise pas personnellement; elle est de nature plus générale.

Le président : À titre de président, j’aimerais intervenir au sujet d’une question qui a été posée pendant la première série de questions.

Je vous remercie tous deux de votre témoignage et de vos opinions aujourd’hui. Comme nous le constatons, l’économie connaît des difficultés. L’inflation a atteint un sommet inégalé depuis 30 ans, et la dette de la nation n’a jamais été aussi élevée de toute l’histoire du pays. Il est inéluctable que le gouvernement actuel et les prochains gouvernements vont chercher des sources de revenus à court et moyen termes pour maintenir les opérations actuelles.

Selon vous, est-ce réaliste, étant donné les difficultés économiques, que nous respections les cibles environnementales que nous nous sommes fixées pour les 20 prochaines années?

M. Nevison : Merci, monsieur le sénateur.

Personnellement, je crois avoir été accusé d’être optimiste au début de la séance, et je vais maintenir cet optimisme. Vous avez tout à fait raison : les défis économiques pullulent, mais je dirais que les changements climatiques figurent en tête de liste des problèmes économiques à long terme.

Comme je l’ai mentionné, le plan climatique renforcé s’intitulait Un environnement sain et une économie saine, et je crois que le titre est bien choisi. La transformation et le passage vers une économie à faibles émissions de carbone s’accompagneront de possibilités prometteuses. Cela n’exclut pas que les difficultés à court terme seront de taille, mais une grande partie de l’appui gouvernemental que j’ai mentionné — tel que les 100 milliards de dollars investis depuis 2016 — aidera l’économie à s’ajuster à la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.

De ce point de vue, je comprends votre remarque sur les difficultés économiques auquel le pays est confronté, mais je crois que les changements climatiques représentent un énorme écueil économique.

Le président : Il ne reste que quelques minutes. Les deux sénateurs qui veulent intervenir pourraient peut-être poser une question chacun, puis nos témoins pourraient répondre aux deux en même temps.

Le sénateur Klyne : Dans les dernières années, les événements désastreux associés aux changements climatiques ont fait subir beaucoup de pressions à notre infrastructure de transport et à nos chaînes d’approvisionnement. J’aimerais savoir si votre ministère, directement ou par l’entremise d’autres ministères, a entendu parler de préoccupations sur notre infrastructure de transport pour des questions de concurrence par rapport à nos voisins du Sud. Je me demande si des groupes comme des chambres de commerce canadiennes, des fabricants ou d’autres entreprises œuvrant dans le transport des marchandises s’inquiètent de pouvoir demeurer concurrentiels.

M. Nevison : Merci, monsieur le sénateur.

Dans le cadre de notre consultation sur la Stratégie nationale d’adaptation du Canada, on nous a dit on ne peut plus clairement que les infrastructures essentielles constituent un volet clé de l’enjeu. On n’a qu’à penser aux récents événements en Colombie-Britannique où on a vu l’incidence sur le Port de Vancouver et les dessertes ainsi que les problèmes qui peuvent se répercuter sur les chaînes d’approvisionnement.

C’est donc un enjeu qui est bien reconnu, et un des objectifs de la Stratégie nationale d’adaptation est de s’assurer que le pays peut se préparer à ce type d’événements et les éviter.

Le président : J’aimerais chaleureusement remercier MM. Nevison et Moffet d’avoir comparu devant nous aujourd’hui. Je vous remercie sincèrement des échanges qui ont été appréciés et instructifs.

[Français]

Chers collègues, nous accueillons maintenant nos prochains témoins d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada.

Nous avons avec nous ce soir Susan Hart, directrice générale, Direction générale des opérations de la gestion du spectre; Marc‑André Rochon, directeur principal, Direction générale des opérations de la gestion du spectre; Wen Kwan, directeur principal, Résilience des technologies de l’information et des communications; Martin Proulx, directeur général, Secteur du spectre et des télécommunications et Andre Arbour, directeur général, Direction générale des politiques de télécommunications et d’Internet.

Bienvenue à vous tous.

[Traduction]

Merci de vous joindre à nous. J’invite Mme Hart à prononcer sa déclaration liminaire.

Susan Hart, Directrice générale, Direction générale des opérations de la gestion du spectre, Innovation, Sciences et Développement économique Canada : Merci beaucoup, monsieur le président, de me permettre de m’exprimer devant le comité relativement à ce sujet très important et opportun. Je suis accompagnée ce soir d’un certain nombre de mes collègues qui ont une expertise sur divers aspects du sujet.

Les changements climatiques ont en effet le potentiel d’augmenter la fréquence des menaces à l’infrastructure des télécommunications du Canada. Je suis heureuse de vous faire part du rôle que joue ISDE dans le soutien à cette industrie importante au nom du ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie.

ISDE a pour mandat de favoriser un système de télécommunications robuste et fiable afin de sauvegarder, d’enrichir et de renforcer le tissu social et économique du Canada. Ce soir, l’ensemble de mes remarques reposeront sur deux volets : comment nous traitons et gérons les urgences ayant une incidence sur les services de télécommunications et les travaux en cours pour stimuler la résilience de l’infrastructure des télécommunications et des technologies de l’information et de la communication, ou TIC, afin que nous soyons mieux parés à toute éventualité.

Tout d’abord, laissez-moi vous présenter les travaux qu’effectue notre équipe de gestion des urgences. Ce groupe comprend des représentants de l’administration centrale de la région de la capitale nationale ainsi que des agents des bureaux régionaux au service des provinces et des territoires. Notre mandat rejoint la gestion des urgences, dans la mesure où, conformément à la Loi sur la gestion des urgences, ISDE cerne les risques en matière de télécommunications — y compris celles liées au soutien des infrastructures essentielles — et prépare, maintien, met en œuvre et met à l’essai des plans de gestion des urgences par l’intermédiaire d’exercices et de formation.

Dans le cadre du Plan fédéral d’intervention d’urgence — en collaboration avec les provinces, les territoires et le secteur privé, — ISDE est le ministère responsable des télécommunications dont la tâche principale est la coordination avec l’industrie des télécommunications pour faciliter la continuité des services lors d’une situation d’urgence.

Lors de tels événements, notre rôle exige que nous fournissions, entre autres choses, une connaissance de la situation ainsi qu’une représentation fédérale des intérêts des intervenants en matière de télécommunications dans des domaines tels que la priorisation du carburant, l’accès aux zones d’urgence, les communications publiques, l’aide internationale et le déplacement des ressources. Bien entendu, ISDE ne possède pas l’infrastructure et ne peut ainsi réaliser la réparation physique des réseaux. Toutefois, ISDE gère la transmission de renseignements entre les intervenants du secteur des télécommunications et les provinces et les territoires, ainsi qu’entre les ministères, particulièrement Sécurité publique Canada.

Comme d’autres représentants officiels l’ont indiqué dans leurs présentations, les plans et les procédures d’intervention établis en cas de situations d’urgence font l’objet d’exercices et de mises à jour fréquents et exigent l’adoption d’une approche tous risques.

Des événements liés au climat ou aux conditions météorologiques entraînent typiquement des pannes localisées de télécommunications. Toutefois, nous avons observé une augmentation de la fréquence des événements météorologiques extrêmes au fil des ans, tout comme le risque qu’ils posent à l’infrastructure essentielle.

Ces événements météorologiques extrêmes comprennent de fortes pluies pouvant causer des inondations, des feux de forêt et des ouragans. Les inondations sont typiquement cycliques et ont lieu dans des zones et des périodes de l’année à risques connues. Or, nous observons davantage d’inondations inhabituelles nécessitant une intervention d’urgence, par exemple l’événement de rivière atmosphérique en Colombie-Britannique et les glissements de terrain connexes en novembre dernier.

Dès le début de cet événement, d’importants liens de fibre optique dans la province ont été détruits, risquant ainsi de causer une panne majeure des télécommunications. Par conséquent, ISDE a déclenché son plan d’intervention d’urgence, consulté les entreprises de télécommunications afin d’évaluer les risques et les répercussions, et facilité l’accès aux zones touchées afin que les entreprises de télécommunications puissent collaborer dans le but de réparer les ruptures de fibres. En outre, ISDE a collaboré avec des partenaires fédéraux afin de prendre des photos aériennes pour orienter les mesures d’atténuation et de rétablissement.

ISDE a coordonné les demandes de soutien des organisations provinciales de gestion des urgences en Colombie-Britannique, des entreprises de télécommunications et de Sécurité publique Canada. À ce stade de l’urgence, le carburant était rationné, l’électricité n’était pas disponible et les services de télécommunications étaient perturbés. En collaboration avec les intervenants du secteur des télécommunications, ISDE a tenté de prévoir les besoins en carburant pour les génératrices requises pour alimenter les équipements de télécommunications. En raison du partage de renseignements entre ISDE et les entreprises, nous avons été en mesure d’atténuer raisonnablement les effets sur les services de télécommunications dans les zones touchées.

Il y a eu également la saison des feux de forêt très active en 2021 en raison des températures ayant atteint des records dans certaines régions, notamment à Lytton, en Colombie-Britannique, et ses régions avoisinantes. Lors de cet événement, ISDE a déclenché son plan d’intervention d’urgence afin d’orienter les efforts de lutte contre les incendies pour protéger les infrastructures essentielles comme les tours de téléphonie cellulaire et soutenir le rétablissement rapide des services de télécommunications dans la communauté détruite par les feux de forêt.

La pandémie de COVID-19 a également mis notre état de préparation aux urgences à rude épreuve. Durant la pandémie, lors des hausses sans précédent de la demande de connectivité, ISDE a coordonné et facilité les efforts d’intervention d’urgence entre les exploitants de télécommunications afin de conserver la résilience générale de l’infrastructure de télécommunications du Canada et d’offrir un service en continu à la population canadienne.

Au début de la pandémie, ISDE a fourni rapidement des autorisations visant le partage du spectre et des licences radio afin que les entreprises de télécommunications puissent soutenir le fardeau accru sur nos réseaux, car les Canadiens devaient maintenant travailler et étudier de la maison.

La COVID-19 et les événements météorologiques d’envergure nous ont permis, à nous et à nos partenaires de télécommunications, de mettre nos plans à l’essai et de mieux comprendre ce que nous devons améliorer.

La collaboration lors d’urgences, qu’il s’agisse d’événement météorologique, de la COVID-19 ou de toute autre situation d’urgence, est possible grâce à deux forums où le gouvernement et l’industrie se réunissent pour collaborer. Ces derniers instaurent la confiance et permettent en retour de favoriser le partage de renseignements tant pour la planification que les interventions en cas d’urgence; ils donnent à ISDE une meilleure perspective de l’industrie.

Les deux groupes englobent le secteur des télécommunications d’une part et l’infrastructure numérique d’autre part. Si vous réfléchissez à votre propre utilisation, vous avez un téléphone cellulaire et possiblement une ligne fixe, des services de large bande et de câblodistribution, souvent fournis par une ou deux entreprises. Cela s’inscrit dans le secteur des télécommunications.

Vous utilisez ensuite l’infrastructure numérique comme les services infonuagiques et les applis telles que les services Web Amazon, le nuage Google ou Facebook, qui sont accessibles par l’intermédiaire de cette infrastructure de télécommunications.

Pour le premier groupe, le secteur des télécommunications, notre collaboration industrie-gouvernement est principalement possible grâce au Comité consultatif canadien pour la sécurité des télécommunications, ou CCCST. Le CCCST a été établi en 2010; il permet aux secteurs privé et public d’échanger de l’information et d’établir une collaboration stratégique sur des enjeux actuels et en développement qui pourraient avoir une incidence sur l’infrastructure des télécommunications, notamment la résilience et les urgences.

Pour le second groupe — celui de l’infrastructure numérique, — nous collaborons grâce à un nouveau forum établi en 2020, dès les balbutiements de la COVID-19. Il s’agit du FCRIN, le Forum canadien pour la résilience des infrastructures numériques. Bien qu’ils soient principalement axés sur la cyber résilience, les travaux du FCRIN complètent l’approche tous risques du gouvernement en matière de menaces, dont les changements climatiques.

Parmi les groupes de travail du FCRIN, l’un d’entre eux est responsable de l’intervention rapide en cas d’urgences. Durant la COVID-19, le FCRIN se réunissait souvent afin de partager des renseignements liés à la résilience de l’infrastructure. À titre d’exemple d’intervention, notons l’augmentation de la capacité de l’infrastructure numérique afin de soutenir le nombre accru d’appels aux centres d’appels pour les nouveaux programmes du gouvernement ainsi que l’usage accru d’outils Web pour les réunions, comme celui que nous utilisons maintenant.

Le CCCST et le FCRIN ont une structure de présidence conjointe, notamment un représentant d’ISDE et de l’industrie, qui change tous les deux ans. Ensemble, ces groupes sont responsables du secteur des technologies de l’information et des communications, ou TIC .

La Stratégie nationale sur les infrastructures essentielles du Canada classe les infrastructures essentielles en dix secteurs dont l’une est les TIC. Même si ISDE est responsable de favoriser la collaboration entre les intervenants du secteur des TIC, il participe également aux collaborations intersectorielles par l’intermédiaire du Forum national intersectoriel et le réseau multisectoriel de Sécurité publique Canada. Si l’on se penche sur les travaux que nous réalisons, l’une des parties opérationnelles importantes du CCCST est le Groupe de travail sur la résilience des télécommunications canadiennes. Ce dernier a aussi ISDE et un représentant des entreprises de télécommunications qui change tous les deux ans à la présidence conjointe.

Le ministère mobilise les fournisseurs de télécommunications tous les mois, ou plus fréquemment au besoin, par l’intermédiaire du Groupe de travail sur la résilience des télécommunications canadiennes. Grâce à ce forum, ISDE et les fournisseurs de services de télécommunications réalisent des simulations et des exercices, élaborent des plans afin de réagir de façon efficace aux événements perturbateurs, partagent les pratiques exemplaires et effectuent des comptes rendus après action pour tous les incidents.

Les entreprises de télécommunications comprennent que même s’il est important que leurs actifs individuels soient résilients, l’intégrité du système de télécommunications dans son ensemble demeure avantageuse pour leur entreprise, et fait partie intégrante de l’économie au sens large ainsi que de la prospérité et de l’intégrité du pays.

En raison de cette structure, de la culture de confiance et des mesures de protection inhérentes au Groupe de travail sur la résilience des télécommunications canadiennes, les entreprises collaborent étroitement afin de mieux se préparer aux urgences et de renforcer la résilience contre de futures menaces. Les entreprises se sont soutenues dans l’objectif conjoint de sécurité publique et du maintien des réseaux en situation d’urgence.

Grâce au Groupe de travail sur la résilience des télécommunications canadiennes, les membres ont adopté des lignes directrices d’entraide qui leur permettent de s’entraider gratuitement ou selon le principe du recouvrement des coûts.

Le groupe de travail a un mandat et des ententes de confidentialité en place, ce qui permet aux membres de partager des renseignements de nature délicate même s’ils demeurent des concurrents, car ils ont l’objectif commun de protéger l’infrastructure des télécommunications et de rétablir les services en situation d’urgence.

En outre, le groupe de travail a rédigé un guide complet d’intervention en cas d’incident, qui permet aux entreprises de déclencher rapidement des mesures d’urgence et de travailler en collaboration et en coordination avec ISDE. Ce guide d’intervention a été validé et mis à jour à la suite de plusieurs exercices et situations d’urgence réelles.

Outre nos partenaires de l’industrie, ISDE est en communication étroite avec les administrations centrales des différents ministères fédéraux tels que le Centre des opérations du gouvernement, Ressources naturelles Canada, Transports Canada et Environnement et Changement climatique Canada.

Pour compléter les partenariats à l’échelle nationale, nos agents régionaux collaborent avec les provinces dans le but de rester en contact étroit avec leurs bureaux de gestion des urgences et les bureaux régionaux d’autres ministères fédéraux. Nos agents régionaux participent régulièrement à divers forums dans leur propre province et territoire, et ils ont établi des liens avec des entreprises de télécommunications locales et des entreprises dans le secteur de l’infrastructure essentielle comme les services publics d’électricité.

Les infrastructures numériques et de télécommunications appartiennent au secteur privé. Ce sont donc des activités commerciales, et c’est pourquoi il est dans l’intérêt des fournisseurs de télécommunications, s’ils souhaitent rester concurrentiels, de veiller à ce que leurs réseaux puissent résister aux menaces qui proviennent de nombreuses sources. Cela constitue en quelque sorte une garantie, car ces entreprises savent très bien que leurs infrastructures doivent pouvoir résister aux menaces — y compris celles liées au changement climatique — pour demeurer concurrentielles.

Son équipe pancanadienne, ses plans complets et ses partenariats avec les intervenants de l’industrie, les autres ordres de gouvernement et d’autres entités fédérales permettent à ISDE de soutenir la résilience de l’infrastructure et d’être prêt à faire face à toute situation d’urgence qui relève de ses compétences, y compris les événements causés par le changement climatique.

Même s’il existe une certaine incertitude en ce qui concerne la nature des risques liés au changement climatique à venir, nous sommes certains que la souplesse de notre approche et la création de partenariats solides avec les intervenants de l’industrie seront les piliers de la résilience de l’infrastructure des TIC. C’est la raison pour laquelle les activités de partage des renseignements et de planification que nous effectuons à l’heure actuelle sont essentielles et nous préparent le mieux possible à relever les défis qui se présenteront à l’avenir.

Je tiens à vous remercier encore une fois de m’avoir donné l’occasion de vous parler aujourd’hui de ce sujet très important. Nous avons hâte de répondre à vos questions. Cinq d’entre nous comparaissent aujourd’hui car le sujet, comme vous pouvez le voir, est complexe et chacun d’entre nous a une expertise dans un domaine différent. Je vous remercie beaucoup.

Le président : Je vous remercie beaucoup, madame Hart. Nous entendrons d’abord la sénatrice Simons.

La sénatrice Simons : Je vous remercie beaucoup, madame Hart. J’ai deux questions à vous poser à la suite de votre déclaration. Tout d’abord, étant donné la vulnérabilité de certaines parties de notre infrastructure de communications terrestres, quel rôle, selon vous, les satellites en orbite basse pourraient-ils jouer à titre de dispositif de secours pour les communications?

Deuxièmement, vous venez de mentionner que la concurrence pousse les entreprises de télécommunication à s’assurer que leur infrastructure demeure fonctionnelle. Compte tenu de la concurrence extrêmement limitée dans le secteur des télécommunications et de l’existence de monopoles fonctionnels régionaux, cette pression concurrentielle est-elle suffisante pour pousser les entreprises à prendre les mesures nécessaires pour que l’on puisse compter sur leur technologie en cas de crise?

Mme Hart : Je vous remercie beaucoup. C’est une excellente question. Selon nous, les satellites LEO joueront un rôle important à cet égard.

La sénatrice Simons : Il est important d’expliquer cet acronyme, car le président du comité va se poser des questions. Les satellites LEO sont des satellites en orbite basse.

Mme Hart : M. Andre Arbour, notre expert dans ce domaine, peut répondre à votre excellente question. Je vais donc lui céder la parole.

Andre Arbour, directeur général, Direction générale des politiques de télécommunications et d’Internet, Innovation, Sciences et Développement économique Canada : Je suis heureux de prendre la parole à ce sujet. Tout d’abord, les constellations de satellites en orbite basse sont certainement très prometteuses à la fois pour augmenter la performance de notre système de télécommunications — surtout dans les régions éloignées —, mais aussi comme source de résilience. Elles peuvent servir de renforts dans de nombreux endroits. Les constellations ont une couverture mondiale, y compris dans des régions très difficiles d’accès au Canada. Comme il s’agit d’une constellation de centaines de satellites, voire plus, en cas d’obstruction ou de blocage d’un satellite donné, il est certainement possible de réacheminer les signaux vers d’autres satellites. Et ISDE a fait des investissements assez importants pour soutenir le renforcement de la capacité des satellites en orbite basse au Canada.

Pour répondre à votre deuxième question, la concurrence représente certainement un défi dans le secteur canadien des télécommunications, mais nous ne dirions pas qu’elle est parfaite ou qu’elle ne nécessite pas des améliorations.

Cela dit, la résilience du service est une question fondamentale, et nous voyons les consommateurs modifier leur comportement en conséquence. Nous constatons que les exploitants s’efforcent d’intervenir rapidement lorsque des incidents se produisent, mais qu’ils investissent dès le départ dans la redondance dans leurs réseaux, car ils savent qu’en cas de panne matérielle, ils perdront des clients au profit d’autres entreprises.

On peut certainement faire mieux, mais nous observons des tendances comportementales qui appuient cet objectif.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Je vais poursuivre un peu en français, sur la même voie que la sénatrice Simons. Je m’interroge à savoir — vous l’avez bien dit — que vous travaillez avec des entreprises privées, bien sûr : le secteur des télécommunications.

Quelle est l’évaluation que vous faites de leur préparation à des événements climatiques intenses? Je pense, par exemple, aux fameuses tours pour le signal cellulaire. Est-ce que tout cela va être remplacé par les satellites, ou faut-il commencer par renforcer ces infrastructures terrestres? Est-ce que ces travaux sont en cours? Qu’est-ce que ces entreprises de télécommunication font, concrètement, pour se préparer?

Ce n’est pas toutes les entreprises qui pensent à l’avenir. En général, on pense plutôt aux profits immédiats, donc c’est un changement assez important. Concrètement, que font ces entreprises en matière de renforcement de leurs infrastructures pour réagir à des événements climatiques plus difficiles? Je pense à des tornades, à de la pluie, à tout ce qui pourrait arracher, par exemple, nos tours de téléphonie cellulaire.

[Traduction]

Martin Proulx, directeur général, Secteur du spectre des télécommunications, Innovation, Sciences et Développement économique Canada : Ce qu’il faut comprendre, c’est que chacune de ces entreprises applique un processus de gestion des risques assez rigoureux. Cela signifie que dans leurs processus fondamentaux, des personnes sont responsables d’évaluer continuellement où se situent les plus grands risques et quelles mesures d’atténuation sont nécessaires. Ensuite, si des événements se produisent, elles s’assurent qu’ils sont détectés, ce qui n’est pas toujours aussi évident qu’il y paraît dans le cas des cyberattaques et d’autres événements du même type. Enfin, comme le dit ma collègue, Mme Hart, elles interviennent et rétablissent la situation.

Dans le cadre de cette évaluation des risques, il est juste de dire qu’on évalue continuellement le déploiement de l’infrastructure physique, ainsi que les couches logiques et techniques des logiciels qui s’ajoutent à ces réseaux. C’est donc un processus continu.

Par exemple, au cours de la première année de la pandémie de COVID-19, pendant que nous travaillions en étroite collaboration avec les transporteurs pour faire face aux changements dans les courants de circulation, car les gens travaillaient à la maison plutôt que d’aller au centre-ville, il y a malheureusement eu quelques incidents — et leur nombre a augmenté par la suite — de vandalisme sur certains pylônes de téléphonie cellulaire. De tels incidents se sont produits au Québec et en Ontario. Ils ont entraîné un examen des mesures de sécurité prises autour de ces pylônes, un renforcement de l’attention et la mise en œuvre d’une protection physique autour des pylônes. Les résultats ont ensuite été intégrés dans le processus de planification. C’est donc un exemple concret.

J’espère avoir répondu à votre question. Avez-vous une question de suivi?

La sénatrice Miville-Dechêne : Oui, car j’aimerais savoir si les entreprises sont prêtes. Elles ont réagi à un problème très précis pendant la pandémie de COVID-19, mais sont-elles prêtes à faire face à des événements météorologiques extrêmes?

M. Proulx : Oui.

Il ne s’agit peut-être pas de savoir si nous sommes prêts aujourd’hui, mais plutôt de savoir si nous avons établi le bon partenariat entre le gouvernement et les sociétés de télécommunications, et si les processus en place leur permettent de s’adapter continuellement au changement climatique et, ainsi, faire les investissements nécessaires pour atténuer les risques avant l’événement suivant, surtout si ces événements deviennent de plus en plus fréquents et intenses.

Je pense que ce processus est bien amorcé. Comme l’ont dit mes collègues, les entreprises se concentrent sur ces questions, car c’est essentiel pour leurs activités.

Peut-on toujours en faire plus? Bien entendu. Profitons-nous de perspectives plus solides sur cinq et dix ans, avec une idée plus précise de l’ampleur des impacts en nous assurant que les plans d’investissement à long terme dans les immobilisations de ces entreprises tiennent compte de ces prévisions? Il y a encore du travail à faire à cet égard.

En ce qui concerne la question de savoir si les entreprises sont aujourd’hui extrêmement conscientes de ces risques et si elles les gèrent — et si elles commencent à les signaler dans le cadre de leurs bilans financiers — et si elles renforcent leur capacité à s’adapter en fonction de l’évolution du risque, je pense que les fondements existent déjà à cet égard. Encore une fois, ce sont les forces du marché qui déterminent tout cela. Même si nous n’avons pas le niveau de concurrence que nous souhaitons, si ces entreprises souhaitent obtenir de gros contrats avec le gouvernement ou avec les banques, elles doivent savoir que ces organisations fixent des exigences extrêmement élevées en matière de prestation des services. Pour gagner ce marché, elles n’ont donc d’autre choix que de continuer à renforcer la résilience de leurs réseaux.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Merci.

La sénatrice Galvez : Je m’intéresse beaucoup aux programmes que vous décrivez. Pourquoi? Parce que lorsqu’il y a un événement climatique extrême destructeur qui arrache des routes, des rues, des ports, des tours, etc., les coûts associés à la reconstruction sont surtout donnés par l’industrie des assurances.

Nous savons que ces coûts sont sous-estimés, parce qu’il y a beaucoup d’autres coûts dont les compagnies d’assurance ne tiennent pas compte. Aujourd’hui, j’apprends tout ce que vous faites. Je vois que le programme considère des partenariats public-privé dont l’objectif est d’augmenter la résilience et la redondance. Ce sont des actions d’adaptation. Cela coûte très cher.

Depuis que vous existez ou que ce programme existe, est-ce que vous avez remarqué une augmentation des coûts de ces programmes? Quels pourcentages représentent la partie octroyée par le gouvernement et la contribution de l’industrie privée au sein des partenariats? Merci beaucoup.

[Traduction]

Mme Hart : Je vous remercie de la question. Je vais formuler quelques commentaires, et mon collègue, M. Proulx, pourra peut-être ensuite vous fournir plus de détails.

Je ne connais pas les coûts payés par les entreprises du secteur privé pour la remise en état de leurs réseaux, car je ne suis pas personnellement en possession de ce renseignement. Par contre, je sais que ces entreprises ont des capacités poussées lorsqu’il s’agit de la réparation et de la remise en état de leurs infrastructures. Dans de nombreux cas, elles sont en mesure de remettre leurs réseaux en état en moins de deux heures. Toutefois, je ne sais pas à combien s’élèvent les coûts dans ces cas.

Le gouvernement fédéral — notre ministère — ne donne pas de fonds aux entreprises pour remettre leurs réseaux en état. Les seuls coûts pour notre ministère sont liés à la gestion. J’ai une petite équipe. En fait, le président du Groupe de travail sur la résilience des télécommunications canadiennes est ici. Il s’agit de Marc-André Rochon, le coprésident de ce groupe. De plus, quelques employés dans les régions s’occupent de la gestion des urgences. C’est le seul coût pour le gouvernement fédéral en ce qui concerne la remise en état. Le secteur privé s’occupe des autres coûts.

J’aimerais maintenant céder la parole à M. Proulx, car il a peut-être plus de connaissances que moi sur le sujet.

M. Proulx : Je vous remercie, mais non, je n’en sais pas plus. La relation entre les impacts du changement climatique sur les télécommunications et les assurances relève clairement des exploitants privés dans ce domaine et ils ne nous communiquent pas ce genre de renseignements.

Mme Hart : Je pourrais ajouter qu’au moins les grandes entreprises dépensent — vous pourrez le voir dans leurs rapports annuels — quelque 2 milliards de dollars par année pour entretenir, améliorer et construire leurs réseaux. Je sais que ce n’est pas de la remise en état en soi, mais elles dépensent une somme considérable pour leurs réseaux, non seulement pour la construction, mais aussi pour les mises à niveau et l’entretien annuels. Je vous remercie.

Le sénateur Klyne : J’énonce peut-être une évidence, mais l’une des meilleures façons de protéger les réseaux consiste à construire plus d’un réseau. Dans ma province, il y a des kilomètres et des kilomètres de fibres noires qui servent de renfort en cas d’urgence et qui sont réservées aux services d’urgence, notamment à l’usage de la GRC, en situation d’urgence.

Je comprends et j’accepte que c’est une chose de construire plus d’un réseau dans les centres d’affaires et que c’en est une autre de construire de multiples réseaux pour relier des régions rurales et éloignées et des nations autochtones. Une partie du rôle du gouvernement consiste à fournir le spectre sans fil aux constructeurs de réseaux, et selon ce que j’ai compris, il y aura bientôt une vente aux enchères du spectre. Je comprends également qu’on utilise les plafonds de fréquences lors des enchères pour s’assurer que les entreprises obtiennent le spectre dont elles ont besoin pour construire des réseaux robustes.

Voici donc ma première question. Que fait ISDE dans cette vente aux enchères du spectre à venir pour veiller à ce que les constructeurs de réseaux obtiennent le spectre dont ils ont besoin pour construire des réseaux robustes et résilients dans tout le Canada?

En ce qui concerne ma deuxième question, selon ce que je comprends, la politique de mise en réserve a entraîné la non‑utilisation d’une grande partie du spectre. C’est un problème pour de nombreuses raisons, mais dans un contexte de situation d’urgence dans les marchés mal desservis, c’est très important pour les familles qui vivent dans les régions rurales et éloignées, surtout en cas d’urgence. Il est également possible d’éliminer d’anciennes applications et d’en installer de nouvelles dans les secteurs de la santé, des services sociaux et de l’éducation. Il est également important de pouvoir participer à la nouvelle économie en respectant les normes en matière de résilience des télécommunications canadiennes de 5 010 mégaoctets par seconde. Si les citoyens ne peuvent pas se connecter ou si la large bande ne répond pas aux normes en matière de résilience des télécommunications canadiennes parce qu’un constructeur de réseau ou une société de télécommunications a décidé de ne pas construire de pylônes et d’installer des radios dans les zones où elle détient des licences d’utilisation du spectre, cette entreprise empêche essentiellement les citoyens d’avoir accès aux nouveaux services d’urgence et aux nouveaux services sociaux, à l’éducation à distance et aux nouvelles possibilités économiques.

Voici donc ma deuxième question. Quelle est votre solution pour empêcher les entreprises de téléphonie cellulaire de monopoliser le spectre ou de le vendre à profit alors qu’elles devraient servir ces marchés mal desservis et assurer l’utilisation des installations d’urgence?

M. Arbour : Je serais heureux de répondre à cette question, monsieur le président. Je vous remercie.

Tout d’abord, ISDE, dans le cadre de son rôle de gestion du spectre, a lancé une série d’activités assez énergiques pour réserver une plus grande partie du spectre aux communications sans fil, et en particulier pour soutenir le développement des communications 5G.

Nous venons tout juste de conclure une consultation sur la prochaine bande principale pour les communications 5G, appelée 3 800 mégahertz. Dans le cadre de cette consultation, nous avons examiné l’utilisation de différents mécanismes pour favoriser la concurrence, notamment la possibilité d’établir des plafonds du spectre. Une décision concernant cette bande du spectre et le cadre de la mise aux enchères de ce spectre sera prise prochainement.

Le ministère s’efforce également d’obtenir la libération d’une bande du spectre appelée ondes millimétriques, ce qui serait l’étape suivante. Ensuite, plusieurs consultations seront menées, et elles porteront toutes sur le renforcement des conditions de déploiement. Toute partie du spectre que nous mettons aux enchères est assortie de conditions de déploiement dans le cadre de la licence.

Il y a aussi une consultation distincte sur un nouveau cadre d’octroi de licences d’accès pour les cas où les conditions de déploiement ont été remplies, mais le spectre n’est pas utilisé. Dans ces cas, d’autres fournisseurs pourraient avoir accès à cette partie du spectre plus rapidement.

J’aimerais ajouter que dans le contexte de la COVID-19, ISDE a facilité le partage du spectre ou l’accès d’urgence au spectre pour réduire la congestion.

De plus, pour parler de façon plus générale, souvent, dans le cas d’un manque d’accès à la cible de 50 tonnes dans les régions rurales et éloignées, le spectre est une partie du problème, mais il tend à faire partie de l’analyse de rentabilité, qui présume que le nombre de clients dans ces régions ne suffirait pas à soutenir l’infrastructure au fil du temps, compte tenu du coût élevé là-bas.

Depuis 2016, le gouvernement s’est engagé à co-investir 7,2 milliards de dollars au total dans ces régions, afin que tous les Canadiens aient un jour accès aux vitesses cibles minimales.

[Français]

Le sénateur Cormier : Ma question s’inscrit un peu dans la continuité des questions qui ont été soulevées par le sénateur Klyne. Je suis immensément préoccupé par les régions rurales. Je voudrais mieux comprendre comment votre ministère soutient certaines régions au moment même des incidents.

Je vais prendre un exemple très concret. Il y a cinq ans, le Nouveau-Brunswick a été touché par une crise du verglas absolument épouvantable. Le système électrique a été décimé, il y a eu deux morts. Dans la Péninsule acadienne où j’habite, je crois que la région a passé environ 12 jours sans électricité. Cela a eu des répercussions sur les télécommunications. Beaucoup d’acteurs sont intervenus, notamment la municipalité, la province, et les compagnies de télécommunication Rogers et Bell.

Quel rôle de soutien jouez-vous au moment de la crise, pas strictement au moment de la prévention et de l’évaluation, particulièrement dans les régions rurales où l’accès à Internet est parfois difficile?

Marc-André Rochon, directeur principal, Direction générale des opérations de la gestion du spectre Innovation, Sciences et Développement économique Canada : Merci de la question. Je vais répondre à la question en tant que coprésident du Comité sur la résilience des télécommunications.

Il y a quelques volets à votre question, sénateur Cormier. Lorsque ces incidents arrivent, comme vous le savez, ce sont les municipalités qui interviennent en premier. Lorsque la crise est trop urgente et qu’elle n’est pas en mesure de la gérer elle-même, la municipalité fait appel à la province. Lorsque la province n’est pas en mesure de gérer l’urgence, elle fait appel au gouvernement fédéral. Donc, c’est la façon de procéder pour ce qui est de la gestion de l’urgence.

Lorsqu’il s’agit d’une situation de grande urgence, on demande l’aide du comité, des compagnies de télécommunication et d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada (ISDE) pour examiner la situation et voir si les compagnies de télécommunication s’occupent de l’urgence de manière adéquate. Elles viennent nous demander des informations et de l’aide. Souvent, on va seulement échanger des informations pour voir si elles sont en mesure de gérer elles‑mêmes l’urgence. Comme ce sont leurs infrastructures et leurs clients, elles commencent à gérer la situation elles‑mêmes. Lorsque la situation est trop urgente et qu’elles ne peuvent plus la gérer seules, elles s’adressent à nous pour obtenir de l’aide.

Dans une situation où le réseau électrique n’est plus fonctionnel, selon leur plan de résilience, la plupart des infrastructures essentielles disposent de batteries qui peuvent fonctionner de 12 à 48 heures. Ensuite, si l’électricité n’est pas revenue, elles utiliseront des génératrices pour leur permettre de continuer à faire fonctionner l’équipement de télécommunication. Souvent, on va intervenir pour gérer la priorisation du carburant des différentes compagnies de télécommunication, pour voir si on peut fournir du carburant aux bons endroits et au bon moment pour garder les génératrices fonctionnelles, afin que le réseau de télécommunication puisse continuer de fonctionner. Comme vous pouvez l’imaginer, plusieurs autres infrastructures essentielles ont besoin de carburant dans de telles circonstances. On assure une coordination avec la sécurité publique et les provinces.

Les provinces sont sur le terrain et elles voient ce qui se passe. Avec elles, on peut commencer à décider qui peut obtenir le carburant en premier, tout dépendant des différentes infrastructures essentielles qui sont dans le besoin.

En terminant, monsieur le sénateur, pour arriver à faire cela, on réalise régulièrement des exercices et on prend beaucoup d’engagements au préalable avec les organisations de gestion des urgences de chaque province et territoire pour que tout le monde sache quelle est la responsabilité de chacun. Ainsi, lorsqu’il y a une urgence, la province peut communiquer avec nous très rapidement pour avoir de l’aide, et nous, si les compagnies de télécommunication ont besoin d’aide, on peut communiquer très rapidement avec les provinces afin de gérer l’urgence de façon cohérente et efficace.

Le sénateur Cormier : J’aurais une question complémentaire. C’est le scénario où tout fonctionne. Quels sont les principaux défis que vous rencontrez dans ce vaste processus? Car lorsqu’il y a une crise, il y a urgence. Quels sont les principaux défis rencontrés?

M. Rochon : Comme dans la plupart des situations d’urgence, il est difficile d’avoir l’information au bon moment. Il y a une période au début où il y a un genre de nuage, où on essaie de comprendre ce qui se passe sur le terrain. Avoir une vision opérationnelle d’ensemble et s’assurer que tout le monde a la même vision est peut-être la chose la plus complexe. À ce moment-là, il n’est pas question de savoir si les télécommunications fonctionnent au Nouveau-Brunswick ou ailleurs, mais on mise plutôt sur l’information qui est échangée au sein des compagnies de télécommunication, des municipalités, des provinces et avec nous, afin de s’assurer que tout le monde est au courant de ce qui se passe au bon moment.

Le sénateur Cormier : Merci.

[Traduction]

Le sénateur Quinn : Je tiens tout d’abord à remercier les témoins d’être avec nous ce soir.

Vous avez parlé de la collaboration qui existe avec les provinces, les ministères et certains organismes. Je pense que le sénateur Cormier voulait en venir à l’idée que souvent les répercussions des crises climatiques se font sentir d’abord localement. J’aimerais savoir si vous avez des liens avec les villes pour comprendre, par exemple, comment leur système fonctionne et comment cette approche coopérative, je présume, est mise en place avec les provinces, afin que lorsque vous devez intervenir, vous compreniez comment ce réseau fonctionne?

M. Rochon : C’est une bonne question. Pour des raisons de compétences et pour s’assurer d’avoir des communications efficaces et cohérentes, nous traitons d’abord avec la province qui communique, elle, avec l’échelon municipal et local. Si la province souhaite amener la municipalité à la table, nous allons alors discuter et échanger de l’information avec elle également.

J’ajouterais que nous participons aussi à divers exercices. À titre d’exemple, nous aurons un exercice d’intervention côtière en Colombie-Britannique en 2023, dans le cadre duquel on simulera un gros tremblement de terre qui mettrait à mal les infrastructures essentielles. Innovation, Sciences et Développement économique Canada, ou ISDE, Sécurité publique Canada et de multiples ministères fédéraux seront à la table. Bien entendu, la province de la Colombie-Britannique y participera, mais la Ville de Vancouver y sera également. Nos représentants régionaux dans la province seront à la table. On crée ainsi une synergie, les gens apprennent à se connaître, on bâtit la confiance, et on apprend qui sait quoi et qui est responsable de quoi. De cette façon, quand survient une urgence — en Colombie-Britannique dans ce cas —, les liens sont en place, y compris avec la Ville de Vancouver.

La sénatrice Simons : Je vous remercie beaucoup. Ma première question portait sur les satellites. J’aimerais maintenant parler des câbles sous-marins.

Quand on pense à Internet, on pense aux entreprises de télécommunications qui l’amènent dans nos maisons, et nous n’avons pas toujours conscience de toute l’infrastructure qui nous relie à Internet dans son ensemble. Je m’interroge au sujet de la vulnérabilité des câbles sous-marins, qu’ils se trouvent au large de nos côtes ou au fond d’un lac. Sont-ils plus ou moins vulnérables à des phénomènes extrêmes comme les tempêtes océaniques?

M. Arbour : En règle générale, les câbles sous-marins sont fixés directement au plancher océanique. Ils ne risquent donc pas d’être endommagés par les navires, les glaces flottantes, les tempêtes, et cetera.

Leur principal point de vulnérabilité se trouve au point d’atterrage où ils sont reliés aux collectivités. Pour atténuer les risques, on procède habituellement à un forage horizontal. On creusera sous la ligne de flottaison, vers les berges et jusqu’à un couvercle de trou d’homme, parce que, encore une fois, c’est à la surface que se trouve le principal point de vulnérabilité.

L’étude d’ingénierie et de la conception du réseau détermine la longueur et la profondeur du forage. Une rupture ayant des répercussions majeures, on procède à des analyses approfondies pour tenter de les atténuer. Les câbles à fibres optiques sont généralement positionnés dans un anneau. De cette façon, lors d’un bris, le signal peut être réacheminé dans l’autre direction.

La sénatrice Simons : Je vous remercie beaucoup.

La sénatrice Dasko : On nous a parlé un peu plus tôt des répercussions de la COVID et des menaces que font peser les changements climatiques sur l’infrastructure des technologies et des communications. On nous a aussi parlé de la structure de monopole dans l’industrie des télécommunications.

Il se peut que vous n’ayez pas de réponse à ma question, mais je me demande si tout cela ne limitera pas la concurrence. Si les consommateurs font face à ce genre de menaces, ne vont-ils pas être plus prudents dans le choix de leur fournisseur? Ne vont-ils pas préférer des fournisseurs bien établis et cela ne nuira-t-il pas à la concurrence et à la libéralisation du marché dans cette industrie? Je sais que vous êtes au gouvernement et non dans l’industrie, mais je me demande si l’un d’entre vous a réfléchi à la question. Je vous remercie.

M. Arbour : Je vous remercie de la question.

Il se peut fort bien que les consommateurs veuillent éviter de courir des risques en choisissant leur fournisseur, ce qui veut dire qu’ils peuvent opter pour une entreprise établie plutôt qu’une entreprise qu’ils connaissent peu ou pas.

Toutefois, on constate que les concurrents grugent constamment des parts de marché aux grandes entreprises. C’est un processus en cours et graduel. Plus ils s’implantent, plus ils peuvent offrir des économies d’échelle.

Par ailleurs, il n’est pas rentable très souvent de dédoubler davantage l’infrastructure existante. C’est le cas en particulier pour l’infrastructure câblée, car des règles sont en place pour exiger des gros joueurs qu’ils donnent accès à leur réseau à leurs concurrents, si bien que dans ce cas les concurrents utilisent les réseaux des gros joueurs.

La sénatrice Dasko : Je vous remercie.

Le président : Chers collègues, y a-t-il d’autres questions?

[Français]

J’aimerais vous remercier pour votre participation aujourd’hui, madame Hart et toute votre équipe. C’est très apprécié.

[Traduction]

S’il n’y a pas d’autres questions et d’autres points à l’ordre du jour, je vais lever la séance.

(La séance est levée.)

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