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TRCM - Comité permanent

Transports et communications


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES TRANSPORTS ET DES COMMUNICATIONS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 6 avril 2022

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd’hui, à 18 h 31 (HE), par vidéoconférence, pour étudier l’incidence des changements climatiques sur les infrastructures essentielles dans les secteurs des transports et des communications et les répercussions corrélatives sur leurs interdépendances.

Le sénateur Leo Housakos (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, bonsoir.

Je suis le sénateur Leo Housakos, du Québec, et je préside le Comité sénatorial permanent des transports et des communications.

J’aimerais vous présenter les distingués membres du comité qui participent à cette réunion, en commençant par la vice-présidente, la sénatrice Miville-Dechêne, du Québec; le sénateur Cormier, du Nouveau-Brunswick; la sénatrice Dasko, de l’Ontario; le sénateur Dawson, du Québec; le sénateur Klyne, de la Saskatchewan; le sénateur Manning, de Terre-Neuve-et-Labrador; la sénatrice Galvez, du Québec; le sénateur Quinn, du Nouveau-Brunswick; la sénatrice Simons, de l’Alberta; et la sénatrice Sorensen, de l’Alberta.

Nous nous réunissons pour poursuivre notre étude sur l’incidence des changements climatiques sur les infrastructures essentielles dans les secteurs des transports et des communications et les répercussions corrélatives sur leurs interdépendances.

Pour notre premier groupe de témoins de ce soir, nous avons le plaisir d’accueillir Me Caroline Healey, vice-présidente exécutive et avocate générale, et Gregory Kolz, directeur, Relations gouvernementales, tous deux de l’Association des chemins de fer du Canada; nous accueillons également Sheldon Affleck, président et chef de la direction d’Arctic Gateway Group; et enfin, Ian Simpson, directeur général de New Brunswick Southern Railway.

Bienvenue et merci de vous joindre à nous virtuellement et d’avoir accepté de participer à notre étude. Nous allons commencer par une déclaration préliminaire avant de passer aux questions de mes collègues. Vous pouvez prendre la parole dès que vous serez prêts, maître Healey et monsieur Kolz.

Me Caroline Healey, vice-présidente exécutive et avocate générale, Association des chemins de fer du Canada : Merci, monsieur le président. Bonsoir, honorables sénateurs. Je m’appelle Caroline Healey et je suis vice-présidente exécutive et avocate générale à l’Association des chemins de fer du Canada. Je suis accompagnée de mon collègue, Gregory Kolz, directeur des relations gouvernementales de notre association.

[Français]

Nous sommes heureux d’être parmi vous ce soir pour participer à cette importante discussion.

L’Association des chemins de fer du Canada (ACFC) représente près de 60 chemins de fer de marchandises et de voyageurs qui transportent des dizaines de millions de personnes et environ 320 milliards de dollars de biens partout au pays chaque année.

L’ACFC compte parmi ses membres associés un nombre croissant de compagnies de chemin de fer industriel et de fournisseurs ferroviaires. Appartenant au cinquième plus grand réseau ferroviaire au monde, les membres de l’ACFC sont l’épine dorsale du réseau de transport du Canada.

De plus, le secteur ferroviaire est un vecteur économique important de l’économie canadienne. Nos membres emploient plus de 33 000 Canadiens à des postes en exploitation ferroviaire, en technologie, en sécurité, en sûreté et en gestion. Ces cheminots acheminent presque 70 % des marchandises expédiées par transport terrestre et la moitié des exportations du Canada chaque année, nous permettant ainsi de rester concurrentiels au sein de l’économie mondiale.

[Traduction]

La toute première priorité de l’industrie ferroviaire canadienne, c’est la sécurité. Au cours des 10 dernières années, les exploitants ferroviaires ont investi plus de 20 milliards de dollars pour garantir la sécurité et l’efficacité de leurs réseaux canadiens, et ils demeurent résolus à favoriser une culture de la sécurité toujours plus solide.

En plus d’être fiable et sécuritaire, le transport ferroviaire est aussi un mode de transport très efficace et écologique pour le Canada. Grâce à des investissements importants et continus dans l’innovation et la technologie, les chemins de fer du Canada ne sont plus seulement des moteurs économiques, mais des gardiens de l’environnement. Ils comptent parmi les plus faibles émetteurs de gaz à effet de serre dans le secteur des transports de notre pays. En fait, le transport ferroviaire ne représente que 3,5 % des émissions totales de gaz à effet de serre émanant du transport.

Grâce à cet engagement résolu à protéger l’environnement, les chemins de fer canadiens ont réussi à réduire l’intensité de leurs émissions de gaz à effet de serre de plus de 40 % depuis 1990. Ces résultats impressionnants ont été obtenus grâce à la technologie des locomotives et à des pratiques opérationnelles novatrices. Par exemple, une locomotive peut transporter une tonne de marchandises sur plus de 220 kilomètres avec un seul litre de carburant. De plus, les trains de voyageurs, y compris les trains de banlieue et les trains régionaux, permettent aux gens de laisser leur véhicule à la maison, ce qui contribue à réduire davantage les émissions, car il y aura moins de congestion routière et moins d’usure des routes et des autoroutes financées par l’État.

Gregory Kolz, directeur, Relations gouvernementales, Association des chemins de fer du Canada : Honorables sénateurs, l’Association des chemins de fer et ses membres sont d’avis que l’investissement stimule la croissance. Chaque année, l’industrie ferroviaire canadienne réinvestit entre 20 et 25 % de ses propres revenus dans l’entretien et l’amélioration de son réseau de 43 000 kilomètres, qui est en fait 12 % plus vaste que notre réseau routier national, qui est de 38 000 kilomètres.

Il importe également de reconnaître que le transport ferroviaire est l’une des industries les plus fortement capitalistiques et verticalement intégrées du Canada, puisqu’il est propriétaire de tout ce qu’il exploite, à savoir le matériel roulant, l’équipement, les terrains, les voies ferrées et l’infrastructure.

Au cours de la dernière décennie seulement, les membres de notre association ont investi plus de 20 milliards de dollars afin d’améliorer la sécurité, la résilience et la fluidité du réseau, en concurrence directe avec le secteur du camionnage qui utilise des infrastructures financées par les fonds publics. Les conditions météorologiques extrêmes, comme la chaleur intense, le froid glacial, les feux de forêt, les inondations, les tempêtes et les vents violents, pour n’en nommer que quelques-unes, peuvent parfois compromettre la sécurité des activités et du milieu de travail.

Bien que les compagnies de chemins de fer du Canada aient de solides plans pour faire face aux conditions météorologiques extrêmes et aider à atténuer les risques connexes, on ne saurait trop insister sur les répercussions négatives des changements climatiques sur les infrastructures essentielles de transport et de communications. Ces dernières années, dans diverses régions du pays, des événements météorologiques extrêmes et souvent imprévisibles ont fait qu’il est de plus en plus difficile de maintenir la résilience du réseau ferroviaire et de veiller à la fourniture ininterrompue de biens essentiels.

À l’heure de devoir composer avec les conséquences d’événements météorologiques catastrophiques, les propriétaires et les exploitants de chemins de fer sont les premiers responsables de la protection de leurs actifs et de leurs réseaux. Voilà quelques années que la résilience ferroviaire est mise à l’épreuve comme jamais auparavant, et c’est en grande partie en raison des répercussions des changements climatiques. Néanmoins, la passion et la persévérance ont aidé nos exploitants à rester sur la bonne voie, et tous les membres de l’Association des chemins de fer du Canada ont redoublé d’efforts et trouvé de nouvelles façons de servir leurs clients.

L’automne dernier, par exemple, on a pu constater cette résilience lorsqu’il a fallu intervenir face aux inondations catastrophiques dans la vallée du bas Fraser et l’intérieur de la Colombie-Britannique. Nos membres ont fait des miracles d’ingénierie pour rétablir les lignes, enlever les débris, remplacer les voies et que les trains reprennent le service, tout cela en à peine quelques jours et avec des difficultés incroyables.

[Français]

Chaque année, le secteur ferroviaire investit des milliards de dollars dans l’infrastructure, adopte des technologies et des pratiques innovatrices, et augmente les activités de formation et de liaison afin de réaliser ses opérations de manière sécuritaire partout au Canada.

[Traduction]

Les chemins de fer innovent constamment pour réduire leurs émissions tout en maintenant un rendement élevé dans la chaîne d’approvisionnement afin que les produits arrivent sur le marché et que les gens arrivent à destination en toute sécurité.

Les membres de l’Association des chemins de fer du Canada ont l’expertise et l’engagement nécessaires pour renforcer notre infrastructure ferroviaire essentielle à l’échelle du pays, augmenter notre capacité de répondre aux demandes d’aujourd’hui et planifier pour un avenir imprévisible. Cependant, la collaboration avec les autres est essentielle. Il est essentiel que nous tous — les chemins de fer, tous les ordres de gouvernement, les secteurs privé et public et les communautés autochtones — allions de l’avant ensemble de façon novatrice en aidant les entreprises canadiennes à demeurer concurrentielles, en appuyant le développement économique communautaire, et en veillant à offrir un réseau ferroviaire sécuritaire et durable, maintenant et pour de nombreuses années à venir.

Merci beaucoup. Nous serons heureux de répondre à vos questions.

[Français]

Le président : Merci à vous deux. Sénateur Dawson, vous avez la parole.

Le sénateur Dawson : La relation entre le Comité des transports et des communications et le monde ferroviaire existe depuis le début, puisque notre comité a été le premier comité créé par le Parlement canadien. Nous avons vécu beaucoup de crises depuis, et de toutes les sortes.

D’ailleurs, chez vos partenaires, vos deux plus gros membres, CN et CP, sont souvent en conflit, soit sur le territoire canadien, mais souvent sur le territoire américain. Cependant, l’éléphant dans la pièce, c’est qu’un de vos membres poursuit actuellement le gouvernement de la Saskatchewan pour plusieurs centaines de millions de dollars.

En tant que sénateurs, nous devons prendre la décision en ce qui concerne cette disposition législative.

Je ne sais pas si c’est M. Kolz ou Me Healey qui pourrait répondre à ma question, mais pouvez-vous nous éclairer au sujet de cet enjeu qui fait l’objet de débats au Sénat depuis quelques jours?

Me Healey : Je vous dirais que cette question s’adresse peut-être plus à l’un de nos membres en particulier. Donc, j’aurais tendance à soumettre cette question directement aux représentants de la compagnie visée qui, je crois, seront invités à comparaître devant votre comité.

Le sénateur Dawson : Le problème, c’est que nous ne siégerons pas durant les deux prochaines semaines. De toute façon, je ne veux pas vous mettre dans l’embarras.

Parmi vos plus gros partenaires, soit le Canadien National et le Canadien Pacifique — ce sont vos plus grands partenaires, ils sont en conflit aux États-Unis pour ce qui est d’une tentative de prise de contrôle.

En quoi le gouvernement canadien peut-il vous aider à vous assurer de ne pas affaiblir le système canadien, parce que certains partenaires sont en conflit?

[Traduction]

Je vous félicite de votre collaboration. Ce que M. Kolz a dit au sujet de ce qui s’est passé dans l’Ouest canadien, dans la vallée du bas Fraser en Colombie-Britannique, est un très bon exemple de coopération entre ces deux réseaux et les réseaux de moindre envergure; je ne tiens surtout pas à minimiser l’importance de vos partenaires plus modestes.

Mais je suis fasciné par le fait que vous réussissez à ce niveau de coopération, alors comment pouvons-nous faciliter cette coopération? Parce qu’à long terme, lorsque nous nous dirigeons vers une crise de l’infrastructure, ce qui va inévitablement se produire, vous allez probablement faire face à ces aléas la plupart du temps, et oui, nous avons parlé à vos membres, mais nous devons aussi parler à l’association. Nous aimerions donc que vous nous disiez comment nous pouvons vous aider.

M. Kolz : Vous avez mentionné, sénateur, l’un des principaux défis auxquels nous sommes confrontés à titre d’association représentant une soixantaine de compagnies de chemins de fer différentes; elles ne sont pas toujours d’accord les unes avec les autres, mais je dois dire qu’elles s’entendent la plupart du temps.

Lorsqu’elles doivent relever des défis opérationnels précis ou prendre des décisions d’affaires, nous avons tendance à ne pas intervenir directement. Nous sommes là pour essayer de trouver des terrains d’entente mutuelle, je suppose, et nous sommes fiers d’être la voix de l’industrie. Quant aux détails sur la façon dont ces diverses compagnies, en particulier celles de première catégorie, traitent les unes avec les autres et s’occupent des transactions commerciales, au pays ou à l’étranger, c’est à elles qu’il appartient de décider comment s’y prendre, je le crains.

Le sénateur Dawson : Je m’intéresse davantage à la participation du gouvernement. Nous sommes partenaires de l’industrie ferroviaire, comme je l’ai dit, depuis plus de 150 ans — pas seulement des grosses entreprises, mais de toutes. Face aux défis qui se présenteront à l’avenir, que pouvez-vous nous demander pour que le gouvernement puisse aider?

M. Kolz : Très franchement, nous essayons de favoriser le dialogue et la collaboration. Une bonne partie de ce que je fais depuis mon arrivée à l’association il y a quelques années, après avoir travaillé au Sénat pendant plusieurs années, a été de rassembler les gens, de les sensibiliser aux besoins de l’industrie, et de trouver des points communs entre tous nos membres. Le dialogue semble s’améliorer. Mais si vous vous demandez ce que le gouvernement peut faire, je vous dirais d’écouter, de vous mobiliser et de prendre en compte la rétroaction que vous donnent les entreprises elles-mêmes.

Très franchement, cette collaboration avec le ministère, le cabinet du ministre, les parlementaires et les fonctionnaires en général s’est beaucoup améliorée depuis ces deux ou trois dernières années, mais il reste encore beaucoup à faire.

Le sénateur Dawson : Merci.

Le président : Veuillez m’excuser, monsieur Affleck et monsieur Simpson. Je suis passé un peu trop vite aux questions, sans vous avoir laissé le temps de présenter vos exposés :

Nous allons donc écouter Sheldon Affleck, président et chef de la direction d’Arctic Gateway Group, et Ian Simpson, directeur général de New Brunswick Southern Railway. Je vous souhaite la bienvenue à tous les deux. Je vous invite à faire vos exposés, après quoi nous passerons à la période de questions.

Sheldon Affleck, président et chef de la direction, Arctic Gateway Group : Merci, monsieur le président, et bonjour à tous les sénateurs qui participent à cet appel. Je suis le président et chef de la direction d’Arctic Gateway Group, qui se nomme Hudson Bay Railway dans le Nord du Manitoba. Ce réseau s’étend sur quelque 627 milles, et comprend le port de Churchill, qui donne sur la baie d’Hudson et l’océan Arctique.

Je vais peut-être vous présenter un témoignage un peu différent de ce que j’aurais fait il y a un an. Si vous faites un peu de recherche sur Google au sujet du chemin de fer de la baie d’Hudson — et je peux obtenir des photos qui remontent aux années 1960 —, il semble que nous ayons une assiette instable et que le problème soit la fonte du pergélisol. Donc, lorsque je suis arrivé à ce poste il y a un an, je m’attendais à m’embarquer dans un programme vraiment majeur en vue de stabiliser la voie ferrée.

La bonne nouvelle, c’est que je crois que notre problème est moins grave que ce que nous avions prévu, et vous n’entendrez probablement pas cela très souvent. Je vais donc vous faire des révélations sur le chemin de fer de la baie d’Hudson; je parlerai d’abord du chemin de fer avant de mentionner le port. Sur les 627 milles, les 180 derniers qui mènent au port de Churchill représentent 98 % des problèmes d’instabilité de la voie ferrée. Comme le reste du public, je croyais que c’était dû à la fonte de notre pergélisol ou à des fondrières de mousse, des problèmes de type muskeg. Mais je suis ici pour vous dire que j’ai moi-même passé quelques mois là-bas l’an dernier, et que nous avons fait d’autres recherches. Aussi, je suis le premier étonné à devoir vous apprendre que nos problèmes — disons 95 % d’entre eux — se trouvent dans le pied et demi supérieur de nos rails.

La raison pour laquelle nous ne pouvions pas transporter de lourdes charges sur cette ligne de chemin de fer c’est que les rails bougeaient. Il ne faut pas grand-chose pour un déraillement, un pouce ou deux, un rail qui va chevaucher un autre, mais cela arrive parce que les traverses se trouvent surtout sur le sable. Le problème — je l’ai constaté moi-même en plus de compter sur la confirmation d’autres personnes qui y ont travaillé, même quand la voie ferrée appartenait au CN dans les années 1990, et aussi pendant les années OmniTRAX —, c’est que la voie ferrée a été mal entretenue, car on y épandait du sable et du gravier plutôt que de la pierre concassée tranchante. On ne peut pas faire cela, même ailleurs, disons dans les Prairies avec d’autres compagnies de chemins de fer que nous avons eues, car on obtiendrait exactement la même instabilité.

Nous avons donc opté pour une solution beaucoup moins coûteuse. C’est encore un gros projet, mais il y a une machine qui va suivre et qui va déblayer les six à huit derniers pouces sous les traverses de chemin de fer, pour les remplacer par la roche tranchante appropriée que nous allons recevoir de Churchill, et je crois que nous aurons réglé la majeure partie de notre problème, puisque nous pourrons dès lors transporter de lourdes charges sur ce chemin de fer.

En plus de cela, on a également effectué une analyse radar du sol en décembre, ce qui était le moment idéal, car on peut voir la partie souterraine, sous la voie ferrée, pour savoir ce qui s’y trouve vraiment.

Une fois de plus, j’ai dû me détromper. Comme cette voie ferrée a 90 ans — elle existe depuis 1929 —, j’aurais cru qu’on y avait simplement ajouté des remblais au fil des ans pour remplir les creux et parties affaissées, et que nous l’avions peut-être fait descendre de 15, 25 ou 30 pieds, qui sait? Mais le radar m’a appris que la majeure partie qui s’était affaissée en 90 ans l’avait fait entre deux et trois pieds. Je dirais que c’est une bonne nouvelle pour un éventuel expéditeur pour l’Arctique, car nous pouvons remettre la voie en état.

Si nous découvrons qu’il y a des zones de fonte où nous voulons du pergélisol, nous pouvons vérifier le sol n’importe où sous la voie ferrée, même à la mi-août, quand il fait une chaleur de 30 degrés Celsius, et nous trouverons de la glace à deux pieds de profondeur. Je suis sûr qu’il y a des endroits où ce n’est pas le cas, car à mesure qu’on va du nord au sud, il y a une transition.

Dans ces régions, il y a des choses toutes simples que nous pouvons faire pour abaisser le gel et rétablir le pergélisol. C’est aussi simple que de déblayer la neige qui se trouve dans les fossés. Lorsque la toundra était à son état vierge, le vent soufflait et la neige s’accumulait de manière uniforme partout, mais maintenant qu’un chemin de fer a été installé et que la neige a été repoussée, on obtient des bancs de neige profonds de chaque côté. C’est un excellent isolant qui empêche la chaleur d’être libérée du sol.

Ensuite, dans les régions où nous voulons réduire le pergélisol, il va falloir un programme de déneigement. Ce n’est pas le froid qui manque, et il s’agira d’installer des capteurs de température qui vont pouvoir mesurer exactement ce que nous faisons. En somme, nous allons réduire le gel à l’aide du réfrigérateur que nous offre la nature elle-même.

Pour ce qui est de l’autre partie concernant la baie d’Hudson et le port de l’Arctique, je ne peux pas vous répondre. Je n’occupe ce poste que depuis un an. Mais j’ai pu déterminer que les périodes d’expédition à partir de ce port sont les mêmes dans tous les registres que j’ai pu trouver. Mais si la couche de glace s’amincit, ce qui ne manquera pas de se produire à en croire les recherches de M. Barber du Manitoba, notre programme de déglaçage aura la tâche plus facile pour transformer le port en un port quatre saisons, à l’instar d’une douzaine de ports en Finlande et beaucoup d’autres en Russie.

En guise de conclusion pour l’Arctic Gateway Group, je suis très optimiste à l’égard des problèmes auxquels nous sommes confrontés. Ils sont beaucoup plus petits et faciles à régler que ce que j’aurais cru il y a un an.

Le président : Merci, monsieur Affleck.

Ian Simpson, directeur général, New Brunswick Southern Railway : Bonsoir et merci, monsieur le président et honorables sénateurs, de m’accueillir ce soir.

J’ai la responsabilité de ce que nous appelons les NBM Railways. Nous comptons trois chemins de fer d’intérêt local, deux dans le Maine — la Eastern Maine Railway et la Maine Northern Railway — et la New Brunswick Southern Railway, qui siège à Saint John. Nous exploitons plus de 800 kilomètres de voies ferrées entre les trois chemins de fer.

Nous sommes dans une position unique. Il a déjà été question du CP et du CN. Nous sommes l’ancien chemin de fer du CP qui relie Brownville Junction, dans le Maine, à Saint John. J.D. Irving a acheté notre chemin de fer en 1995, et nous l’avons étendu depuis.

Nous avons un point d’échange avec le CN à Saint John et, en fait, depuis 20 ans, nous exploitons le terminal de Saint John en son nom. C’est une relation tout à fait unique. Et maintenant que CP achète le chemin de fer de Montréal à Brownville Junction, dans le Maine, nous échangeons directement avec CP aussi.

Nous échangeons aussi dans l’État du Maine avec Pan Am Railways, qui est sur le point d’être vendu à CSX. Donc, même si nous sommes un chemin de fer d’intérêt local, nous échangerons et nous le ferons bientôt avec trois chemins de fer directs de catégorie 1, et je doute fort qu’il y ait un seul autre endroit en Amérique du Nord qui ait cette possibilité. C’est tout à fait unique pour tous les expéditeurs, parce que, par exemple, un expéditeur pourrait envoyer son produit n’importe où en Amérique du Nord vers la même destination, et nous pourrions expédier trois wagons différents sur les trois chemins de fer de correspondance, selon le service, le prix, la fiabilité, les wagons disponibles, etc.

C’est donc très avantageux pour les expéditeurs de notre région.

De plus, nous appuyons et échangeons directement avec le port de Saint John. Sous la direction de l’actuel sénateur Quinn — qui nous manque à Saint John —, le port de Saint John a connu une croissance et des possibilités extraordinaires. L’une des choses qui nous ont aidés, bien sûr, c’est d’avoir ces divers échanges.

Aux fins de la discussion de ce soir, je tiens également à souligner que nous sommes un chemin de fer d’intérêt local, mais nous investissons beaucoup. Nous offrons des services de distribution intermodale, c’est-à-dire des transferts de camion à chemin de fer — je vais prendre une minute pour en parler —, nous offrons des services mécaniques et des services ferroviaires. Nous sommes un chemin de fer d’intérêt local, mais nous sommes très entreprenants. En fait, nous effectuons des travaux d’entretien de la voie pour les chemins de fer de catégorie 1, dont le CN et le CP. Nous faisons nos propres travaux d’infrastructure. Nous voyons donc beaucoup de conditions et de situations différentes dans l’industrie.

Du point de vue de l’investissement en immobilisations pour aider à réduire les gaz à effet de serre, nous avons misé sur les locomotives — que nous appelons mères et filles, c’est-à-dire qu’une unité de chargement peut produire suffisamment d’électricité pour faire fonctionner une deuxième unité. Nous l’appelons l’unité « fille ». Elles ont connu beaucoup de succès dans l’exploitation des terminaux de triage, et nous constatons des économies de carburant pouvant atteindre 60 %. C’est très important pour la petite entreprise que nous sommes, mais cela aide aussi l’environnement.

Toutes nos locomotives sont équipées de groupes auxiliaires de puissance et d’une technologie de démarrage et d’arrêt automatiques des moteurs. La toute dernière nouveauté, c’est que nous utilisons ce que nous appelons des déménageurs ferroviaires. Ce sont des unités plus petites — beaucoup plus petites qu’une locomotive —, mais elles ne consomment que 20 % du carburant. Ce sont d’excellentes solutions pour les expéditeurs qui ont de plus petits groupes de wagons à transporter. En fait, les expéditeurs peuvent s’en servir eux-mêmes.

Donc, du point de vue du capital, du côté des locomotives, pour ainsi dire, nous sommes toujours à la recherche de nouvelles technologies. De plus, les économies de carburant ne sont pas seulement bénéfiques pour nous, mais aussi pour l’environnement.

En ce qui concerne la mise à niveau des infrastructures, nous visons toujours mieux dans le cadre de nos programmes d’entretien. Par exemple, si une partie de notre chemin de fer a des rails de 100 livres — c’est-à-dire que tous les trois pieds d’un morceau de rail pèsent 100 livres —, nous allons les porter à 115 livres. C’est un peu plus cher, bien sûr, mais c’est beaucoup plus fiable et utile pour l’avenir.

Un autre élément important, surtout compte tenu des changements climatiques, c’est le remplacement standard des ponceaux. Nous visons mieux là aussi. En fait, nous ne nous fions plus tellement au calcul d’une tempête sur 100 ans; nous privilégions plutôt le calcul sur 125 ans, voire plus. C’est parce que nous avons vu les effets que cela peut avoir sur les culées de pont, les jetées et les cours d’eau.

Ironiquement, quand je songe aux plus gros problèmes que nous avons depuis une dizaine ou quinzaine d’années sur le plan de l’infrastructure, je dois en attribuer la cause profonde à l’aménagement des terres, aux municipalités ou même aux propriétaires de terrains boisés privés, par exemple. Notre chemin de fer est là depuis plus de 150 ans et, par conséquent, il est essentiel d’étudier les répercussions en aval chaque fois qu’il y a des ouvrages de construction autour de l’infrastructure. Si des parties du terrain sont coupées à blanc à des milles en amont, on ne tardera pas à voir comment le gonflement soudain du lit des rivières ira se répercuter sur les ponts qui sont là depuis 150 ans, comme j’ai dit.

C’est quelque chose que nous surveillons de très près, et c’est devenu l’un de nos principaux sujets de préoccupation.

Du point de vue de la croissance de notre entreprise, nous sommes très fiers d’être petits, mais novateurs et créatifs. Notre essor est en grande partie attribuable au transport de marchandises par camion vers le rail. Il peut s’agir de bois d’œuvre provenant de Terre-Neuve, et au lieu de le transporter par camion jusqu’à sa destination finale aux États-Unis ou ailleurs au Canada, les camionneurs le transporteront jusqu’à nos installations. Nous transportons du bois d’œuvre, des pâtes et papiers, des produits forestiers, des produits manufacturés, de l’acier, du ballast rocheux et même de l’huile de cuisson venant de l’autre bout du pays. Ensuite, nous transbordons les marchandises dans des camions pour les transporter jusqu’aux usines de frites de l’Île-du-Prince-Édouard, par exemple.

Il y a donc beaucoup de possibilités, surtout pour les expéditeurs ruraux du Canada atlantique et du reste du pays, qui ne sont peut-être pas servis par chemin de fer, ou qui pourraient devoir utiliser des compagnies de catégorie 1 qui ne sont pas aussi économiques que l’expéditeur le souhaiterait. Nous transportons les marchandises par camion jusqu’à nos installations et nous pouvons les raccorder au CN, au CP, à Pan Am ou à la future CSX.

Encore une fois, cela réduit les émissions de gaz à effet de serre parce que le transport ferroviaire est beaucoup plus écologique que le camionnage. Les camionneurs prêts à faire de longs trajets sont plus difficiles à trouver. Notre formule leur permet de rester plus près de chez eux. Ils peuvent être à la maison tous les soirs ou un soir sur deux et continuer de faire ce qu’ils aiment et rester dans leur entreprise.

Pour mettre les choses en perspective, l’an dernier, nous avons transbordé plus de 14 000 camions sur des wagons. Chaque fois que nous le faisons, l’expéditeur...

Le président : Monsieur Simpson, je suis désolé de vous interrompre, mais je vous demanderais de conclure pour que nos sénateurs aient le temps de vous poser des questions.

M. Simpson : Je comprends. Je vais conclure.

Le dernier point concerne l’intermodalité, et il sera donc question du port de Saint John. Nous sommes passés d’environ 15 000 conteneurs intermodaux l’an dernier à près de 100 000, et ce chiffre pourrait encore doubler l’an prochain.

La dernière chose que je voudrais dire, c’est que s’il y a des possibilités de financement, les États-Unis font un excellent travail et ont des programmes fédéraux et étatiques pour aider l’industrie ferroviaire et les expéditeurs, en prévoyant notamment des crédits d’impôt ou des fonds de contrepartie consacrés à l’infrastructure. Je vais m’arrêter ici. Merci beaucoup de votre temps.

Le président : Merci, monsieur Simpson.

Le sénateur Cormier : Monsieur Simpson, je vous remercie de votre exposé. Je viens du Nord du Nouveau-Brunswick et j’ignorais l’existence de cette infrastructure. Je suis très fier d’en entendre parler.

Étant donné que nous faisons une étude sur l’adaptabilité de l’infrastructure face aux changements climatiques, j’aimerais savoir quels sont vos principaux défis sur le plan de l’infrastructure et comment vous vous adaptez. Comment vous assurez-vous que votre infrastructure est plus résiliente? Vous en avez parlé un peu, mais j’aimerais en entendre davantage.

Maître Healey, mon collègue a parlé de collaboration avec le gouvernement. On a signé un protocole, et le nouveau plan du gouvernement prévoit qu’il y aura un nouveau protocole qui commencera par des examens en 2023 et ensuite en 2027. Je me demande quelles devraient être les priorités de ce protocole; est-ce l’outil idéal pour une bonne collaboration entre le gouvernement et votre association?

M. Simpson : Merci, sénateur Cormier. Heureux de voir un visage du Nouveau-Brunswick.

Vous pouvez imaginer que, même si nous ne parcourons que 800 kilomètres, nous passons du Nord du Maine à Saint-Léonard, au Nouveau-Brunswick. Notre chemin de fer longe les berges du fleuve Saint-Jean. Les hivers y sont beaucoup plus rigoureux qu’à Saint John.

Du point de vue du climat, nous avons des hivers rigoureux là-bas, donc du déneigement et de la glace dans le fleuve Saint-Jean. Beaucoup de travail se fait actuellement grâce à l’aide financière de l’État du Maine, afin d’empêcher l’érosion des berges, qui emporterait l’assiette des rails en passant. Le CN a le même problème du côté canadien du fleuve. Pendant ce temps, on pourrait avoir une grosse tempête de neige dans cette partie du pays, alors qu’à Saint John, il pourrait y avoir beaucoup de verglas et un climat totalement différent.

Ce qui me préoccupe le plus, ce sont les grosses précipitations. Malgré leur courte durée, ce sont surtout les pluies torrentielles de 100 ou 150 millimètres qui touchent l’infrastructure ferroviaire le plus durement. Nous l’avons vu avec le CP et le CN en Colombie-Britannique plus tôt cette année. C’est ce contre quoi nous devons nous protéger pour nous assurer que tout ce qui alimente l’infrastructure ferroviaire est en bon état et peut faire face aux inondations extrêmes qui se produisent. L’eau va trouver son exutoire le plus proche et on ne peut qu’espérer qu’elle n’emportera pas un morceau d’infrastructure au passage.

Le sénateur Cormier : Merci. Maître Healey ou monsieur Kolz?

Me Healey : En ce qui concerne le protocole, je pense que vous faites allusion au protocole sur les gaz à effet de serre, n’est-ce pas?

Le sénateur Cormier : Je parle du protocole d’entente entre Transports Canada et l’Association des chemins de fer du Canada pour la réduction des émissions des locomotives. Cette entente prendra fin en décembre 2022. Il y a ensuite le Plan de réduction des émissions pour 2030. Le gouvernement dit qu’il examinera les progrès du plan entre 2023 et 2027. Je me demande quelles sont vos priorités et si elles correspondent aux objectifs du gouvernement. Êtes-vous sur la même longueur d’onde?

Me Healey : Comme industrie et compte tenu de notre solide bilan environnemental, nous encourageons fortement le changement modal pour le transport des marchandises et des personnes, c’est-à-dire le passage du camionnage au chemin de fer et des voitures aux services de banlieue. C’est le message que nous transmettons aux divers intervenants, et nous insistons là-dessus. À titre d’exemple, si nous ne passions que 10 % des marchandises actuellement transportées par camion au transport ferroviaire, nous parlerions de plus de quatre mégatonnes d’émissions en moins.

Comme je l’ai mentionné plus tôt, même si le transport ferroviaire ne représente qu’une petite fraction des émissions du secteur des transports, nos membres ont beaucoup investi au fil des ans dans l’innovation technologique pour décarboniser le transport ferroviaire au moyen de locomotives fonctionnant aux piles à hydrogène, par exemple, et de mélanges à des taux plus élevés de carburant renouvelable.

Nous sommes conscients que ces technologies ne sont pas toujours commercialement viables. L’Association des chemins de fer du Canada recommande donc que le gouvernement fédéral crée un solide programme de financement pour appuyer la recherche, le développement et le déploiement de technologies à faibles émissions de carbone pour atteindre la carboneutralité dans le secteur ferroviaire canadien. Nous venons de publier un livre blanc sur le sujet que nous serions heureux de vous faire parvenir.

Dans le même ordre d’idées, même si nous sommes une solution verte et que notre infrastructure est maintenant plus que jamais exposée aux perturbations causées par des catastrophes naturelles, nous recommandons également qu’il y ait davantage de programmes de financement pour soutenir l’infrastructure ferroviaire. Le Fonds national des corridors commerciaux en est un excellent exemple. Des programmes de financement réservés aux chemins de fer d’intérêt local, comme l’ont mentionné nos collègues, sont également nécessaires, à l’instar de ce qui se fait aux États-Unis.

Le sénateur Cormier : Merci.

La sénatrice Sorensen : Me Healey a bien répondu à ma question. Je vais juste préciser un peu.

Certes, la réduction des gaz à effet de serre a été impressionnante ces 30 dernières années, 44,6 % depuis 1990. J’allais vous demander de commenter la recherche actuelle et les efforts déployés pour faire avancer le dossier. Vous en avez déjà touché un mot, mais si vous avez quelque chose à ajouter, ce serait formidable.

J’aimerais aussi savoir si un objectif précis est fixé pour les années à venir. Plus précisément, si vous examinez vos niveaux en 2005, prévoyez-vous réduire ces émissions de 40 % d’ici 2030, ce qui est un objectif plutôt ambitieux pour les émissions de gaz à effet de serre dans l’ensemble du pays?

Me Healey : La réduction des émissions est un effort continu. L’association et son comité de l’environnement ont été très actifs dernièrement. À l’heure actuelle, nous participons activement à sept initiatives, dont la recherche sur les carburants renouvelables, Biocarburants avancés Canada, les systèmes de gestion de l’environnement, la surveillance du glyphosate, etc. Faute de temps, je n’entrerai pas dans les détails.

Nous essayons de rencontrer tous les ordres de gouvernement et de nous présenter comme un allié. Comme nous l’avons mentionné plus tôt, nous sommes ici pour vous aider avec un changement modal. Nous ne représentons que 3,5 % des émissions totales de gaz à effet de serre du secteur des transports. Nous sommes ici pour aider les gouvernements à atteindre leurs propres objectifs. Nous nous présentons comme un allié envers la réduction des émissions.

La sénatrice Sorensen : Je vous remercie.

La sénatrice Simons : Je voulais vous demander ce qu’il faut faire pour en arriver à une gestion rigoureuse des risques sur nos principales lignes de chemin de fer.

À l’instar de nombreux Albertains, j’ai été renversée de voir que le port et la ville de Vancouver ont été complètement coupés des voies de transport routier et ferroviaire. L’idée qu’un corridor économique de cette importance puisse être complètement bloqué a ébranlé les certitudes de beaucoup de gens.

Ma question s’adresse à l’Association des chemins de fer du Canada. Quelles mesures prenez-vous pour faire une évaluation pointue des risques pour savoir où se trouvent les vulnérabilités sur nos principales lignes ferroviaires? Que pouvons-nous faire pour les protéger de catastrophes semblables?

M. Kolz : Je vous remercie de me poser cette question. En toute franchise, je dirais que les interventions menées en Colombie-Britannique lors des catastrophes et la rapidité des interventions démontrent l’utilité des plans d’intervention en cas d’événements météorologiques extrêmes que les chemins de fer ont mis en place et qu’ils continueront à établir. Nous avons tiré de grandes leçons des événements de l’automne dernier, mais nous sommes également fiers d’avoir pu rétablir ces lignes en un peu plus d’une semaine, alors qu’on nous prédisait que cela pourrait prendre des mois.

La sénatrice Simons : C’est impressionnant. Je vous demande maintenant ce que nous faisons pour faire en sorte que nous n’ayons plus besoin de plans d’intervention d’urgence. Que faisons-nous pour protéger les lignes ferroviaires contre des événements météorologiques extrêmes afin que nous puissions éviter ce genre de perturbations?

M. Kolz : Pour être honnête, je ne suis pas certain qu’il soit possible de les mettre complètement à l’abri des intempéries. Le mieux que nous puissions faire, c’est d’atténuer les risques en nous dotant d’un plan, en nous donnant les moyens de réagir rapidement et en veillant à ce que les divers ordres de gouvernement et les premiers intervenants travaillent en collaboration. Pour cela, nous devons maintenir le dialogue et éviter de travailler en silos.

Il aurait été impossible de prédire la plupart des événements météorologiques que nous avons connus ces derniers mois et ces dernières années. Il est forcément difficile d’être prêts à affronter une catastrophe que nous n’avions pas prévue; les compagnies ferroviaires travaillent sans relâche pour se préparer à ce type d’événements, qu’il s’agisse d’incendies, d’inondations ou de glissements de terrain. Que ce soit pour le transport de marchandises dangereuses ou pour les perturbations non liées aux conditions météorologiques, il y a un plan pour toutes les situations. L’automne dernier, notre plan a bien fonctionné, mais, comme je l’ai dit, cela exige une collaboration. Les chemins de fer assument une grande responsabilité en maintenant leurs voies en bon état et en s’assurant que des plans sont en place. Ce travail ne se fait pas en vase clos.

L’innovation, l’application de règlements adaptés permettant d’intervenir rapidement et la réduction des formalités administratives sont autant de moyens évoqués par d’autres secteurs de l’industrie des transports, mais les chemins de fer ont continué d’aller de l’avant, en particulier pendant la pandémie. En février 2020, nous étions aux prises avec les barrages ferroviaires et à la mi-mars, avec la COVID. Nous n’avions même pas l’assurance que les chemins de fer pourraient continuer à acheminer des marchandises et des personnes d’une province à l’autre ni vers les États-Unis.

Heureusement, ils ont réussi à passer au travers toutes les embûches. Même si nous avions eu un plan pour faire face à une pandémie mondiale, je ne suis pas certain que nous aurions pu maintenir la viabilité de la chaîne d’approvisionnement. Nos sociétés ferroviaires doivent absolument être agiles. Elles investissent beaucoup d’argent et d’efforts dans l’innovation. Elles comptent sur la coopération et la collaboration des divers paliers de gouvernement et d’autres intervenants. L’Association des chemins de fer du Canada s’efforce justement de créer ces partenariats.

Me Healey : Si vous le permettez, j’ajouterais qu’un chemin de fer est un maillon du réseau de transport, comme le démontre notre collaboration avec de nombreux autres intervenants au sein de la chaîne d’approvisionnement. L’initiative de planification d’urgence du maintien des services lancée par Transports Canada a mobilisé des acteurs de la chaîne d’approvisionnement qui ont travaillé ensemble pour établir un plan d’intervention d’urgence pansectoriel. Le travail se poursuit actuellement.

La sénatrice Simons : Ce qui me dérange, c’est qu’on ne parle que des interventions après coup au lieu de parler de l’évaluation nécessaire des risques visant justement à les atténuer à l’avance.

M. Kolz : De toute évidence, les sociétés ferroviaires mènent la charge en matière d’atténuation des risques liés aux conditions météorologiques et aux changements climatiques. Nous sommes des premiers de classe au chapitre de la réduction des émissions et nous cherchons des sources de carburant de remplacement, comme l’électrification. Vous avez sans doute entendu parler du projet de train à grande fréquence sur lequel travaille VIA, qui permettra de débloquer la chaîne d’approvisionnement en réservant une voie à cette fin. Ce sont là des préoccupations à court terme et des projets à long terme. Cela démontre que les chemins de fer ne sont pas seulement réactifs. Ils sont proactifs, tout en essayant d’adopter une approche stratégique.

Le sénateur Klyne : À l’instar de ma collègue, la sénatrice Simons, je vais tenter une nouvelle approche pour vous amener à parler de votre plan de match concernant la continuité des activités et de vos plans à cet égard. J’ai deux questions pour les représentants de l’Association des chemins de fer du Canada et aussi pour le New Brunswick Southern Railway, si M. Simpson souhaite faire un commentaire.

Les changements climatiques et les catastrophes naturelles ont certes mis à rude épreuve la résilience des entreprises et poussé les chaînes d’approvisionnement au point de rupture. Les chemins de fer et le transport rail-route sont essentiels pour l’acheminement des produits de nombreuses entreprises vers les marchés. Une grève récente a fait ressortir l’importance des chemins de fer pour l’économie canadienne et pour les Canadiens qui souhaitent éviter les perturbations de cette infrastructure essentielle.

Je suppose que les sociétés ferroviaires, comme d’autres entreprises, ont adopté de nouvelles technologies pour maintenir le rythme de leurs opérations. Ma première question concerne les perturbations. Quelles mesures sont prises pour éviter une cyberattaque ou un événement du genre qui risque de paralyser les opérations? Quelles mesures sont prises pour garantir la continuité des services en cas de pannes ou d’autres défaillances, par exemple des pannes de courant ou des perturbations causées par la détérioration de ponts, de barrages et de voies ferrées?

Ma deuxième question est celle-ci : que peut faire le gouvernement fédéral pour mieux soutenir le réseau ferroviaire du Canada, compte tenu de l’augmentation probable de la fréquence d’événements climatiques graves au cours des années à venir?

Me Healey : En ce qui concerne la cybersécurité, le comité de la sécurité de l’industrie et le Centre canadien pour la cybersécurité ont constaté que le transport ferroviaire est vulnérable aux cyberattaques, d’autant plus qu’il s’agit d’une infrastructure essentielle. En plus des mesures prises au niveau des chemins de fer, nous avons mis sur pied un sous-comité de représentants du secteur et d’experts. Nous prenons cette menace au sérieux.

Quant aux télécommunications ou à l’infrastructure du spectre, nous constatons que les événements météorologiques extrêmes, qu’il s’agisse de tempêtes de verglas ou d’inondations, perturbent l’infrastructure de communication. Il en résulte des pannes et des perturbations qui entravent la circulation des marchandises. Dans les situations d’urgence, il est nécessaire d’avoir une infrastructure de communication pour que les services d’urgence puissent intervenir et que les comités des transports puissent continuer de fonctionner. Dans cette optique, les chemins de fer ont établi des plans de reprise des activités en cas de pannes susceptibles de frapper leurs réseaux en plein cœur. Ces plans sont généralement mis à l’essai deux fois par année, et chaque panne est traitée au cas pas cas.

Il convient de souligner qu’il y a beaucoup de redondance dans le réseau. Cela veut dire qu’il y a chevauchement de la couverture des bases radio ainsi que des voies détournées de transmission de la fibre en cas de panne. Cela minimise l’impact que pourrait avoir une panne sur le réseau.

M. Kolz : J’ajouterais que dans le mémoire prébudgétaire que nous avons présenté il y a plusieurs mois en prévision du budget qui sera annoncé demain, la première recommandation que nous avons formulée au nom de nos membres consiste à accroître les dépenses fédérales dans l’infrastructure de sécurité, que ce soit dans le cadre du Programme d’amélioration de la sécurité ferroviaire ou du Fonds national des corridors nationaux dont a parlé Me Haley tout à l’heure.

Ce que les chemins de fer souhaitent avant tout — et j’ajouterais surtout les chemins de fer d’intérêt local —, c’est un financement qui leur permettrait d’entreprendre des projets qu’ils n’auraient pas les moyens de réaliser autrement. Par exemple, vous avez mentionné les ponts et les installations d’entreposage.

En général, les chemins de fer entretiennent très bien leurs voies et leur infrastructure, mais ils n’ont souvent pas la capacité de lancer des projets d’agrandissement ou d’amélioration à cause du manque de financement consacré à l’infrastructure. C’est surtout le cas des petits chemins de fer. Le but n’est pas tant de demander au gouvernement d’augmenter le financement, mais simplement de faire en sorte que les chemins de fer secondaires aient accès à une partie de ces fonds.

Nos chemins de fer de catégorie I et VIA souhaitent mettre en chantier de gros projets, mais nos chemins de fer d’intérêt local voudraient également mettre en œuvre des projets de moindre envergure, mais tout aussi importants. Pour cela, ils ont besoin d’avoir accès à ces fonds.

M. Simpson : C’est une excellente question. Nous exploitons un chemin de fer d’intérêt local, mais nous avons la chance qu’il appartienne à J.D. Irving. En tant que société ferroviaire, nous pouvons ainsi nous adapter et faire notre apprentissage au même titre qu’une grande société.

L’an dernier, nous avons mis au point plusieurs modèles de plan de continuité des activités, tant à l’interne qu’à l’échelle de l’organisation. Nous avons tous dû élaborer un plan d’urgence dans l’éventualité où notre chemin de fer, une autre entreprise de J.D. Irving ou l’ensemble de l’organisation était la cible d’une cyberattaque. Le cas échant, comment fonctionnerions-nous? Comment communiquerions-nous avec nos clients? Comment pourrions-nous poursuivre nos activités et faire fonctionner l’entreprise?

Nous faisons ces exercices deux fois par année. Cela devient de plus en plus difficile parce que les scénarios qu’on nous propose sont de plus en plus complexes. Par contre, c’est un excellent entraînement.

L’an dernier, nous avons fait une simulation de catastrophe. Au sein de notre organisation, le chemin de fer a été le premier « cobaye ». À notre insu, un grave problème s’est produit. Dès que nous en avons été informés, nous avons dû nous adapter. Cela nous a vraiment donné une idée de ce que nous ferions pour poursuivre nos activités si jamais une catastrophe se produisait.

Toutes ces mesures sont réalisables et elles sont très importantes, peu importe la taille de l’entreprise. Ce sont des moyens d’atténuer les éventuels risques.

Nous nous efforçons également d’être moins réactifs et plus proactifs. Je pense que tous les chemins de fer font cela. Nous tirons des leçons de chaque événement.

Lorsque l’arrivée d’une tempête ou d’un système météorologique est annoncée, nous nous préparons des jours à l’avance. Tout le monde participe tout au long de l’événement et à la fin, nous faisons un bilan pour savoir quelles étaient nos vulnérabilités. Où avons-nous eu simplement de la chance? Où avons-nous été exposés au risque? Nous intégrons tout cela à notre plan pour la prochaine fois.

Concernant les perturbations et l’approvisionnement en wagons, ce sont d’excellentes questions. Cette année, en particulier sur les marchés des wagons couverts et des longrines, les marchandises ont été soudainement bloquées et les expéditeurs ne pouvaient pas obtenir de wagons.

Depuis quelques années, nous sommes de plus en plus proactifs et nous n’attendons plus que les autres chemins de fer, notamment ceux de catégorie I, nous fournissent le matériel. Nous avons constitué d’énormes flottes de wagons.

Enfin, au sujet de l’accès à l’infrastructure du CN, du PC et du CSX, nous tirons parti de toutes ces compagnies. Si pour un problème quelconque ou si l’un des fournisseurs ferroviaires ne répond pas aux attentes des expéditeurs, il est très important que nous ayons une solution de rechange pour acheminer nos marchandises.

Le sénateur Quinn : Je remercie nos témoins de leurs exposés fort intéressants.

Il ne fait aucun doute que les chemins de fer jouent un rôle important dans notre système de transport, non seulement au Canada, mais partout en Amérique du Nord. Je pense que c’est M. Simpson qui a parlé des milliers d’emplois qui sont créés grâce aux chemins de fer ainsi que des retombées pour notre économie et notre produit intérieur brut.

Notre étude porte sur l’infrastructure essentielle et les changements climatiques, mais j’aimerais revenir sur les points soulevés par la sénatrice Simons et le sénateur Klyne.

Je pense que tout le monde sait que j’ai déjà dirigé un port. Les ports sont essentiels à la circulation des marchandises à destination et en provenance de l’Amérique du Nord, mais les chemins de fer constituent la toile, si je peux m’exprimer ainsi, qui sillonne le Canada et les États-Unis, jusqu’au Mexique.

Que devons-nous faire pour que cette toile puisse être prête à affronter un éventuel incident? Est-il possible de faire une analyse prédictive? Quelles sont les tendances météorologiques? Nous savons que le niveau de la mer est en hausse. Nous savons que les phénomènes météorologiques sont plus violents dans diverses régions du pays. Ils semblent devenir de plus en plus catastrophiques dans certaines régions.

Est-ce qu’une analyse prédictive ne nous ferait pas revenir au thème des opérations coopératives, ce qui nous permettrait de mieux planifier; par exemple, si un cargo ne peut se rendre à Vancouver, il pourrait mettre le cap vers l’est en direction de Montréal. Dans l’exemple que nous a donné M. Simpson, en tant que pays connecté à trois chemins de fer nord-américains de catégorie 1, est-ce que cette idée de résilience doit être basée non pas sur la planification de la reprise des activités, mais plutôt sur la planification de notre état de préparation aux urgences. C’est la question que mon collègue a soulevée.

J’aimerais que chacun d’entre vous nous donne son avis à cet égard. Je poserai ensuite une brève question.

M. Simpson : Je vous remercie, sénateur Quinn. Je serais heureux de commencer.

L’analyse prédictive est très importante. Il ne faut pas attendre que l’événement se produise pour prendre des mesures. Nous avons vraiment besoin de continuer à apprendre les uns des autres et de travailler collectivement. Ce que vous voulez dire, c’est sans doute que les différents acteurs de l’industrie doivent pouvoir s’appuyer davantage les uns sur les autres.

Quels événements avons-nous affrontés l’an dernier? Et au cours de la dernière décennie? Comment avons-nous réussi à passer au travers? Je vais laisser mes collègues de l’Association des chemins de fer du Canada répondre à ces questions, parce que ce pourrait être une excellente occasion de miser sur les forces de chacun de nous. Nous avons tendance à régler nos problèmes à l’interne, comme c’est le cas dans de nombreux secteurs. Ce serait une excellente occasion à saisir.

Il est essentiel d’avoir des itinéraires de rechange. Tous les pays n’ont pas notre chance sur le plan géographique, mais nous devons établir des plans d’urgence afin qu’en cas de problème, nous puissions acheminer les marchandises et desservir nos clients.

La récente technologie sur laquelle nous nous penchons actuellement, c’est la technologie infrarouge LiDAR. Elle permettrait, par exemple, à un collègue du Nord du Manitoba de nous informer que la couverture de glace fait près d’un demi-mètre d’épaisseur et de nous transmettre d’autres données de ce genre. Cette technologie peut nous apprendre beaucoup et nous permettre de faire des survols, non seulement de notre assise ferroviaire, mais des environs. Elle nous donne une idée des endroits où l’infrastructure est vulnérable. Ce sont des choses que nous explorons en ce moment.

M. Kolz : Pour poursuivre dans la même veine, j’ajouterais que les gens ne savent peut-être pas à quel point les chemins de fer collaborent les uns avec les autres et aussi avec des organisations gouvernementales comme le Conseil national de la recherche et les universités de partout au pays. Ces partenariats existent et nous devrions peut-être faire plus d’efforts pour en informer le public. Les sociétés ferroviaires assument leur responsabilité à l’égard de leurs réseaux, mais elles ne peuvent pas tout faire elles-mêmes.

Nous avons vu des innovations typiquement canadiennes être adoptées ailleurs dans le monde, par exemple la technologie de détection des roues froides ou la capacité de fonctionner dans des températures extrêmes de chaleur ou de froid. Il y a beaucoup de collaboration.

Honnêtement, pour un œil non averti, l’industrie ferroviaire peut sembler désuète. Les gens s’imaginent que nous sommes encore à l’époque du dernier crampon ou quelque chose du genre.

Mais c’est une industrie extrêmement novatrice et avant-gardiste. La technologie est ahurissante. L’industrie fait énormément d’efforts pour protéger l’environnement, réaliser des gains d’efficience et assurer le bon fonctionnement du réseau en place.

Quelqu’un a mentionné tout à l’heure que les Américains avaient mis en place des programmes spécialement conçus pour encourager les progrès technologiques ou...

Le président : Monsieur Kolz, je dois vous interrompre.

Maître Healy, monsieur Kolz, monsieur Affleck et monsieur Simpson, je vous remercie d’être venus témoigner devant le comité. Vos témoignages et vos réponses aux questions ont été tellement intéressants que nous avons malheureusement épuisé tout le temps à notre disposition. La sénatrice Dasko et moi-même sommes au bâton, mais nous devons présenter notre prochain groupe de témoins. Je vous remercie encore et soyez assurés que nous recommuniquerons avec vous très bientôt.

Chers sénateurs, nos prochains témoins représentent le Laboratoire canadien de recherche de l’Université de l’Alberta. Nous accueillons Michael Hendry, directeur, et Paul Miller, expert ferroviaire résidant. Bienvenue à tous les deux et merci de vous joindre à nous.

J’invite M. Hendry à prononcer son allocution préliminaire. Chacun de vous dispose de 15 minutes au maximum parce que les sénateurs sont très impatients de passer aux questions. Merci.

Michael Hendry, directeur, Laboratoire canadien de recherche ferroviaire, Université de l’Alberta, à titre personnel : Monsieur le président, chers sénateurs, je vous remercie de nous donner l’occasion d’aborder ce sujet avec vous.

Je vais formuler mes observations sur l’incidence des changements climatiques sur les infrastructures ferroviaires essentielles. Mon collègue Paul Miller vous parlera ensuite des répercussions sur les chaînes d’approvisionnement.

La recherche que nous effectuons au Laboratoire canadien de recherche ferroviaire nous a amenés à travailler étroitement avec le secteur ferrovaire, surtout avec le CN et le CP, sur des questions comme la performance des infrastructures, l’intégrité de l’étanchéité des rails et la fiabilité mécanique, ainsi que sur les facteurs humains et l’optimisation du réseau. Ce travail se fait dans un contexte canadien, qui se distingue du contexte américain par la géographie et le climat, et parfois même par la politique.

Cette expérience nous a appris que l’incidence la plus évidente des changements climatiques est la fréquence accrue de risques naturels ou de géorisques qui ont un impact sur l’infrastructure. Nous définissons les géorisques comme étant des chutes de roches, des coulées de débris, des glissements de terrain, des affaissements de sol et des affouillements. Tous ces événements peuvent entraîner la perte de rails ou mettre à risque les opérations ferroviaires.

Le taux de prévalence de risques dans une région et les événements qui déclenchent des géorisques sont souvent dus aux conditions météorologiques et climatiques. Ces risques sont donc très liés à tout changement climatique.

Les répercussions des risques géologiques ont fait l’objet d’études approfondies — et je pense que cela répond à certaines des questions de la séance précédente — dans le cadre du Programme de recherche sur les géorisques ferroviaires, ou PRGF, créé en 2003 dans le cadre d’une collaboration entre la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, le Chemin de fer du Canadien Pacifique Limitée, l’Université de l’Alberta et l’Université Queen’s, et avec le soutien financier de Transports Canada et de la Commission géologique du Canada.

Le PFGF dirige des recherches et des enquêtes scientifiques dans le but de mieux comprendre les mécanismes à l’origine de divers géorisques, d’élaborer des lignes directrices pour faciliter la gestion des risques et de trouver des outils et des technologies permettant d’atténuer les risques.

Je peux vous donner un exemple précis du genre d’études que nous avons entreprises pour que vous ayez une bonne idée d’un danger potentiel pouvant avoir de graves répercussions sur le réseau ferroviaire canadien. Il s’agit du glissement de terrain de Ripley qui s’est produit dans la vallée de la Thompson, près de la rivière du même nom, juste au sud de la ville d’Ashcroft, en Colombie-Britannique. Le CN et le CP se partagent des droits de circulation dans cette région. C’est un glissement de 1 million de mètres cubes de terrain. Il s’agit du plus petit des douze glissements de terrain à survenir dans la région, mais de loin le plus actif. Au cours de la dernière décennie, il a fait l’objet d’une intense surveillance, et il progresse actuellement à un rythme moyen de 120 millimètres par année.

Ce phénomène s’est accéléré d’une saison à l’autre et nous avons parfois constaté des bonds dans sa progression. Ce qu’il faut surtout retenir de ce glissement de terrain, parmi de nombreux autres au Canada, c’est que les voies du CN et du CP le traversent. S’il commençait à bouger plus rapidement, comme l’ont fait d’autres glissements de terrain dans la région, cela interromprait le transport ferroviaire entre Vancouver et le reste du pays.

Le dernier glissement de terrain à avoir eu lieu dans la région est celui de Goddard, en 1982, qui a interrompu la ligne principale du CP durant des semaines. Le premier glissement dont nous avons pris connaissance dans cette région s’est produit en 1898 et a interrompu la circulation du CP durant des mois.

Je vous parle du glissement de terrain de Ripley pour souligner la précarité de notre réseau de transport et de certains des endroits extrêmement à risque qu’il traverse. Il y a souvent très peu d’itinéraires redondants, surtout au début des montagnes du Nord de l’Ontario. Si un tronçon relativement court devient impraticable, cela peut causer la rupture d’un important corridor de transport national.

Une autre tendance préoccupante est l’augmentation apparente des événements météorologiques graves qui posent de multiples géorisques. Je vais vous donner l’exemple des inondations survenues en 2013 en Alberta. Elles ont été causées par des précipitations beaucoup plus abondantes que ce à quoi l’infrastructure est censée résister. Nous n’avions jamais enregistré de précipitations aussi fortes. Elles ont gravement endommagé les routes de transport de surface. À 403 endroits exposés à des géorisques, il y a eu des répercussions sur l’infrastructure de transport de surface. Dans le Sud de l’Alberta, nous avons été aux prises avec des affouillements massifs et bien d’autres problèmes.

Ce qu’il faut souligner au sujet des 403 risques géologiques qui ont été déclenchés, c’est que dans 106 cas, il s’agissait de ce que nous appelons des coulées de débris. Ce sont des glissements rapides de matières le long d’une pente. Ce qui est important de retenir, c’est qu’aucun événement de ce genre n’avait encore été signalé dans cette région de la province.

Il s’agit essentiellement d’un nouveau type de risque dans cette région qui n’avait encore jamais fait l’objet d’évaluation ni de surveillance.

L’autre exemple plus récent qui a été mentionné à quelques reprises, ce sont les inondations survenues dans le Sud de la Colombie-Britannique en novembre dernier. Des dommages considérables ont été causés dans cette région sillonnée par de très nombreux réseaux de transport nationaux. C’est ce que nous appelons une « rivière atmosphérique », une expression largement reprise dans les médias.

Mon collègue Tim Keegan travaille lui aussi au Programme de recherche sur les géorisques ferroviaires. Il a fait des recherches sur les rivières atmosphériques et en parle depuis plus d’une décennie. Ce n’est que récemment que ce phénomène est évoqué dans le discours public. M. Keegan a documenté sept événements du genre à survenir en Colombie-Britannique entre 2017 et 2021, une très courte période au cours de laquelle beaucoup de choses se sont produites. Aucun de ces événements n’a eu de conséquences, en partie à cause des conditions existantes, comme les accumulations de neige et d’autres phénomènes susceptibles d’aggraver les choses, et aussi à cause de l’endroit où ces événements se sont produits. Il va sans dire que l’événement de 2021 a eu des répercussions importantes. Ce n’est probablement pas la dernière fois qu’un tel phénomène se produira.

Ces deux cas — et quelques autres — nous ont appris beaucoup de choses sur la façon dont nous devons désormais concevoir notre infrastructure pour qu’elle résiste à des risques que nous n’avions encore jamais observés dans une région. Ces risques et bien d’autres peuvent être déclenchés par des événements climatiques beaucoup plus extrêmes que ceux qui se sont produits de mémoire d’homme ou au cours de l’histoire récente. De plus, ces événements climatiques extrêmes semblent devenir plus fréquents.

La situation est donc très difficile, tant pour les propriétaires de l’infrastructure que pour la population en général.

J’ai noté quelques idées sur la manière dont nous devons procéder. Ce sont mes idées à moi, je ne les ai pas soumises à l’approbation de la communauté scientifique au sens large ni de qui que ce soit d’autre. Vous pouvez en faire ce que vous voulez.

Premièrement, les nouvelles technologies nous permettent d’améliorer la surveillance et l’atténuation des géorisques. Nous nous intéressons surtout à celles qui facilitent l’identification des géorisques sur une échelle plus large et qui nous fournissent des données pour évaluer les risques une fois que nous les avons identifiés. Nous devons les évaluer afin de trouver des moyens de les atténuer et d’en minimiser les répercussions.

On déjà parlé de certaines technologies de détection à distance, comme le LiDAR. Nous avons grandement utilisé cette technologie au cours de la dernière décennie et elle s’est rapidement perfectionnée depuis. Elle est donc largement utilisée et, à l’instar des ingénieurs géotechniques, nous l’utilisons très souvent pour évaluer tous les types d’emplacements.

Depuis une dizaine d’années, nous commençons à approfondir la technologie satellitaire InSAR qui renforce notre capacité de détection de mouvements de terrain dans une région, à des emplacements précis, et nous l’utilisons maintenant sur de vastes superficies, sur d’immenses fractions de provinces, pour détecter des mouvements d’à peine quelques millimètres.

Pour élargir nos connaissances et accroître le nombre d’outils à notre disposition, nous devons continuer à investir dans la recherche portant sur des géorisques dans le cadre de programmes comme le PRGF. C’est un excellent programme pour les chemins de fer et il pourrait s’appliquer à d’autres modes de transport. Je pense que de nombreux autres groupes pourraient certainement profiter de la collaboration que nous constatons entre les principaux acteurs et membres de notre secteur qui participent à ce programme.

Deuxièmement, je dirais que les événements météorologiques violents que nous avons connus devraient servir de tests de résistance. Nous avons des tests de résistance pour les banques, et il y en a maintenant pour l’infrastructure de transport. Chaque fois qu’un événement du genre se produit, il ne faut ménager aucun effort pour le documenter avec beaucoup de précision, en mettant l’accent sur les infrastructures défaillantes, les causes des défaillances et la durée de l’interruption des services. Cela permettrait d’identifier et de prioriser les infrastructures afin de mieux nous prémunir contre des événements de ce genre ou, du moins, de nous préparer et de stocker le matériel nécessaire afin de faciliter un rétablissement plus rapide du service.

Lors des inondations de 2013, nous nous sommes engagés dans un exercice de documentation en collaboration avec le ministère des Transports de l’Alberta et le Canadien Pacifique. Nous avons demandé à des étudiants et d’autres intervenants de discuter avec les ingénieurs qui étaient sur place pour découvrir ce qui s’était passé et ce qu’il fallait faire pour rétablir le service. Nous avons intégré cette information à une base de données que nous pouvons maintenant consulter.

La Colombie-Britannique s’est lancée dans un exercice de documentation semblable, mais je n’en connais pas l’ampleur. Je n’ai pas eu beaucoup d’interaction avec les personnes qui y participent.

Enfin, je dirais que les normes de construction des infrastructures ont changé en raison des phénomènes météorologiques violents et des changements climatiques. Un témoin a parlé tout à l’heure des ponceaux. Oui, nous sommes en train d’élargir tous les ponceaux en prévoyant des capacités de flux beaucoup plus élevées dans tous les modèles. La modernisation des infrastructures est un moyen de nous adapter lentement aux changements climatiques.

Il est très facile de faire des estimations faramineuses des coûts liés à l’adaptation du reste des infrastructures afin d’assurer leur résistance dans les pires scénarios. On pense souvent qu’il est impossible d’en estimer la valeur monétaire. Ces dépenses sont tellement élevées qu’elles semblent irréalisables. Ce que je suggère — et ce n’est qu’une suggestion —, c’est de recenser les actifs exposés aux risques qui ne peuvent être facilement reconstruits, par exemple, les ponts à longue travée, et de les améliorer en fonction d’une évaluation basée sur les risques. Par « améliorer », je veux dire les renforcer et s’assurer qu’ils auront plus de chances de résister à des phénomènes météorologiques extrêmes.

Paul Miller, expert ferroviaire résidant, Laboratoire canadien de recherche ferroviaire, Université de l’Alberta, à titre personnel : Merci, monsieur Hendry. Merci également à vous, monsieur le président et honorables sénateurs, pour l’intérêt que vous portez à cet important sujet. Je peux me permettre d’être très bref après ces excellents exposés et les questions qui ont été posées.

Je vais aborder les répercussions climatiques sur l’infrastructure, du point de vue de la chaîne d’approvisionnement. Quand il est question de climat, les chemins de fer et leurs partenaires de la chaîne d’approvisionnement sont généralement touchés par trois enjeux principaux.

Le premier est évidemment la disponibilité des marchandises. Il suffit de regarder ce qui se passe dans les Prairies canadiennes pour constater l’impact important de la sécheresse sur les exportations de céréales acheminées vers Vancouver, Prince Rupert et d’autres ports. Cela a donc un impact sur la disponibilité des marchandises.

Le deuxième, comme l’ont signalé plusieurs témoins, c’est la réduction des émissions causées par les opérations ferroviaires. L’utilisation de carburant diésel dans les locomotives est la source d’environ 85 % des émissions de portée 1 produites par les chemins de fer. Beaucoup d’exemples ont été fournis. Il y en a d’autres, notamment l’optimisation des déplacements, qui est une sorte de régulateur de vitesse pour les trains; il y a aussi le jumelage de chevaux-puissance par tonne et l’application rigoureuse de l’analyse des données.

Le troisième enjeu et, je pense, le plus important pour votre étude, ce sont les répercussions sur l’infrastructure. En parlant des chaînes d’approvisionnement ferroviaires, j’espère vous inciter à étudier la question sous l’angle de la chaîne d’approvisionnement ou de la logistique au moment de formuler vos recommandations stratégiques.

Si je peux avancer un seul argument important, je vous dirais simplement ceci : les chaînes d’approvisionnement sont des systèmes. Par conséquent, les lois, les caractéristiques et les enjeux de la dynamique des systèmes s’appliquent. Ils sont très nombreux, mais je pense que certains sont utiles pour analyser les problèmes de la chaîne d’approvisionnement ou les possibilités d’amélioration.

Premièrement, le rendement du système est fonction de la manière dont il a été conçu ainsi que du comportement collectif des participants à l’égard de ce système. Par comportement, j’entends la transparence, l’échange d’information, le partage de systèmes d’information et d’indicateurs de rendement et le plus important selon moi, l’instauration d’une culture de confiance et l’absence de surprise.

Dans tout système, il doit y avoir un équilibre des capacités. Je pense que c’est Ian Simpson qui a dit que les capacités des infrastructures devaient évoluer par étape, c’est-à-dire en fonction de différents éléments, comme les transferts efficaces, les protocoles d’opération correspondants et — ceci est particulièrement important ici — le maintien des opérations jour et nuit.

Le deuxième thème qui, selon moi, est utile dans l’analyse des chaînes d’approvisionnement, est la définition de l’objectif approprié dès le départ et son acceptation par tous les participants à la chaîne d’approvisionnement. Rapidement, à titre d’exemple, pour revenir encore une fois aux céréales qui proviennent des Prairies canadiennes, l’objectif n’est pas de charger 11 000 wagons-trémies par semaine, mais plutôt d’expédier 900 000 tonnes de céréales canadiennes des ports vers leurs clients éventuels. Le fait d’établir cet objectif correctement met en lumière l’ensemble des actions, des actifs et des efforts des divers partenaires de la chaîne d’approvisionnement, qu’il s’agisse des producteurs eux-mêmes, des chemins de fer, évidemment, mais aussi des exploitants de compagnies de navigation, des exploitants de terminaux portuaires et ainsi de suite.

Enfin, pour améliorer le rendement de la chaîne d’approvisionnement, il faut s’attaquer sans relâche à ce qui est considéré comme les deux maux de la dynamique des systèmes, à savoir les contraintes et la variabilité. En faisant cela, il est également important de chercher à atteindre une optimisation à l’échelle du système, plutôt qu’une optimisation locale d’une petite partie de la chaîne d’approvisionnement. Nous constatons que, par exemple, lorsqu’un intervenant se concentre sur les coûts que comporte sa partie de la chaîne d’approvisionnement, la production totale du système a tendance à en souffrir.

Tout cela nous amène aux répercussions climatiques sur le rendement de la chaîne d’approvisionnement, et il n’est pas nécessaire d’y revenir, mais nous avons eu des exemples très spectaculaires et très concrets de cela en Colombie-Britannique au cours de la dernière année.

Il s’agit de contraintes de premier ordre, comme des contraintes liées à la chaîne d’approvisionnement ou à la dynamique des systèmes. Les répercussions de faible niveau, comme la panne temporaire d’un terminal d’exportation causée par des vents étonnamment forts ou des pluies abondantes, entraînent une variabilité considérable dans les chaînes d’approvisionnement individuelles.

Que peut-on faire? L’un des principaux objectifs doit être d’accroître la résilience de la chaîne d’approvisionnement, comme M. Hendry et d’autres intervenants l’ont indiqué. Cela en dit long sur l’évaluation des risques, comme la sénatrice Simons et d’autres l’ont mentionné. Cela concerne la planification et le renforcement des infrastructures, une fois ces évaluations détaillées des risques effectuées.

Une autre source fondamentale de résilience est l’optionalité, et nous parlons ici de s’éloigner de la logistique du juste-à-temps, dont nous avons tous entendu parler, et d’aller vers une transition au cas où, parce que nous avons vu de nombreux exemples de ce qui peut se produire au cours des dernières années.

L’optionalité devrait être un élément central de la gestion des risques, comme l’a mentionné la sénatrice Simons, pour tous les participants à la chaîne d’approvisionnement. Et la résilience de la chaîne d’approvisionnement découle en fait de la conception, de l’élaboration et de la mise à l’essai périodique d’itinéraires, d’options intermodales et de sources, trois aspects que je vais aborder très brièvement.

L’optionnalité du trajet comporte un lien certain avec l’infrastructure et votre étude. Parmi les exemples actuels, mentionnons le port de Prince Rupert comme option de rechange à celui de Vancouver; le port de Churchill, comme mon ami M. Affleck l’a mentionné; et, bien sûr, le port de Saint John, au Nouveau-Brunswick, où Ian Simpson et son chemin de fer, le Chemin de fer du Sud du Nouveau-Brunswick, participent certainement aux progrès qui sont réalisés.

Parmi les autres exemples figurent les améliorations apportées aux lignes du CN et du CP dans le Nord des Prairies au cours des dernières années, comme solution de rechange en cas d’interruption de service sur leurs lignes principales respectives.

Du point de vue de la création et de la mise en œuvre de politiques, les approches à l’échelle du corridor et les approches à l’échelle de la chaîne d’approvisionnement qui ont été adoptées dans le cadre du programme du corridor ferroviaire Roberts Bank — et, plus récemment, dans le cadre du Fonds national des corridors commerciaux — ont été très appropriées et efficaces.

Une deuxième source d’optionalité, si vous voulez, ce sont les opérations intermodales. Encore une fois, mon ami Ian Simpson a abordé cette question lorsqu’il a parlé du transbordement camion-rail et a donné un certain nombre d’exemples. Ce genre de raisonnement peut être très efficace, surtout dans le cas d’une ligne secondaire ou d’une ligne secondaire où le chemin de fer a peut-être disparu, mais où l’autoroute est toujours là. Vous pouvez donc servir les participants à la chaîne d’approvisionnement, les expéditeurs ou les destinataires, par l’entremise d’un service intermodal.

La troisième dépasse probablement un peu la portée de votre étude actuelle et de mes observations. Ce sont des options de source, la notion de rétrécissement des chaînes d’approvisionnement — la délocalisation, la proximité; vous avez tous entendu ces termes — et, dans ce contexte, l’accès à de multiples fournisseurs et clients, ce qui vous donne automatiquement la possibilité de choisir un itinéraire ou de passer d’un itinéraire à l’autre lorsqu’un événement climatique a une incidence sur un itinéraire.

Honorables sénateurs, j’espère que ces renseignements sur la nature des chaînes d’approvisionnement vous seront utiles dans vos délibérations. Je vous encourage à adopter une approche de bout en bout axée sur la chaîne d’approvisionnement et la dynamique des systèmes lorsque vous examinerez les options stratégiques et les recommandations découlant de l’étude. Je vous remercie de votre attention. Je serai heureux de répondre à vos questions.

Le président : Merci, monsieur Miller et monsieur Hendry.

La sénatrice Dasko : Je n’ai pas de questions pour le moment, mais j’ai vraiment apprécié les exposés. Merci beaucoup.

Le président : J’ai une question pour les deux témoins au sujet de l’industrie ferroviaire.

Pouvez-vous nous dire dans quelle mesure les gouvernements fédéral et provinciaux se préparent actuellement aux phénomènes météorologiques extrêmes? Pourriez-vous nous parler un peu de l’intégration de la réduction des risques de catastrophe et de l’adaptation aux changements climatiques dans la prévention et nous indiquer dans quelle mesure les gouvernements fédéral et provinciaux sont coordonnés, à votre avis?

M. Hendry : Honnêtement, je n’ai pas observé grand-chose. C’est peut-être simplement parce que je n’ai pas participé aux discussions. Je ne veux pas affirmer que rien ne se fait.

M. Miller : À titre d’anecdote, sénateur — et cela rejoint le point soulevé par la sénatrice Simons au sujet des mesures réactives par rapport aux mesures proactives, malheureusement —, nous avons constaté une collaboration extraordinaire dans le cadre des efforts de rétablissement en Colombie-Britannique. Un monsieur du CP m’a donné l’exemple d’un permis de dynamitage, qu’il faudrait normalement des semaines ou des mois pour obtenir et qui a été obtenu en 40 minutes, les gouvernements provincial et fédéral ayant participé à la démarche.

Du côté réactif, c’est exceptionnel. Je dois partager le point de vue de M. Hendry. Je n’ai pas participé aux discussions sur l’aspect proactif, alors je ne peux malheureusement pas vous donner une réponse utile.

Le président : En ce qui concerne l’impact des conditions météorologiques extrêmes au cours des décennies à venir, pouvez-vous nous dire quel genre d’investissement dans l’infrastructure sera nécessaire pour l’industrie ferroviaire? Sommes-nous prêts à cela? L’industrie ferroviaire est-elle prête à faire face à cet événement inévitable? Sera-t-elle en mesure de le faire? Aura-t-elle besoin d’aide? Qu’en pensez-vous?

M. Miller : Du point de vue du CN et du CP, la situation est bien connue. Des évaluations des risques sont en cours. Dans le cadre du Règlement sur le transport des marchandises dangereuses, je crois qu’il est nécessaire que des évaluations des risques des différents corridors soient effectuées et tenues à jour.

M. Hendry en a parlé dans son exposé. Franchement, le niveau d’investissement pose une grande difficulté.

Le CN et le CP ont tous deux des programmes permanents d’investissement en capital pour la stabilisation des roches et des talus, l’amélioration des ponts et ainsi de suite. M. Hendry a peut-être la réponse, mais je ne sais pas s’ils ont fait une analyse globale de ce qu’il faudrait pour nous préparer à ce que nous savons maintenant ne pas être des événements rares. Nous sommes conscients qu’ils se produiront; nous ne savons tout simplement pas exactement à quoi ils ressembleront.

M. Hendry : Le gros problème que nous avons — pas seulement les chemins de fer, mais aussi les ingénieurs ou quiconque conçoit ou évalue quoi que ce soit —, c’est que nous avons des modèles climatiques qui s’améliorent, mais qui s’appliquent habituellement à l’échelle régionale. Ils ne s’appliquent pas à très petite échelle, comme cela est nécessaire pour un très petit bassin hydrographique, mais peut-être pour les grands bassins hydrographiques.

Il est donc très difficile de déterminer à quoi ressemblera l’avenir en fonction des changements climatiques. Nous avons entendu parler des façons passées de concevoir les choses, sur la base d’une tempête en 100 ans ou d’une tempête en 200 ans. Nous avons toujours eu de la difficulté avec cela, surtout dans l’Ouest du Canada, où les dossiers remontent à 80 ans et où nous essayons de définir la notion d’une tempête en 100 ans. Il faut donc faire une estimation. Maintenant, compte tenu des changements climatiques, je ne sais pas ce que ce serait ou comment le déterminer.

Il y a beaucoup de gens intelligents qui essaient de nous orienter. Toutefois, essayer de tout prédire à grande échelle sur un réseau et comment cela pourrait changer dépasse peut-être nos compétences à ce stade-ci.

La sénatrice Simons : Merci beaucoup, monsieur Hendry et monsieur Miller, d’être ici. Je me sens comme une petite fille dans un magasin de bonbons. Je suis très heureuse que vous soyez ici pour représenter l’Université de l’Alberta.

Monsieur Hendry, j’ai trouvé intéressant de vous entendre parler des glissements de terrain, que j’ai toujours considérés comme une situation ponctuelle; une situation qui se produit et qu’on oublie. Mais vous avez décrit le glissement de terrain comme quelque chose qui se produit lentement et graduellement, peut-être sur de nombreuses années, alors que ce n’est pas ainsi que je comprenais cela auparavant.

Lorsqu’il y a des zones vulnérables aux glissements de terrain, comme celles que vous décrivez, et que nous pouvons les observer comme au ralenti, est-il possible d’arrêter un glissement de terrain qui est commencé ou d’empêcher qu’il se produise? Dans l’affirmative, est-ce la responsabilité de la compagnie de chemin de fer ou celle de l’État provincial ou fédéral qui pourrait être propriétaire du terrain touché?

M. Hendry : Il est certainement possible de prévenir un glissement de terrain. Nous pouvons parfois les arrêter et parfois les ralentir suffisamment pour que cela n’ait pas d’incidence sur les opérations. Je donne un cours sur ce sujet intéressant. C’est quelque chose qui peut être fait, mais les coûts augmentent de façon exponentielle selon l’ampleur du glissement de terrain, ce qui est préoccupant.

L’autre problème, c’est de savoir qui est responsable du risque; celui qui sera le plus touché est celui qui a l’obligation de régler le problème.

J’ai mentionné le glissement de terrain Goddard en 1982 dans la vallée d’Ashcroft. La cause s’est rendue jusqu’en Cour suprême. Une compagnie de chemin de fer a essayé de poursuivre les agriculteurs de la région qui utilisaient un type particulier d’irrigation, les blâmant d’avoir augmenté la teneur en humidité et d’avoir causé l’échec que représente le glissement de terrain Goddard. Il est difficile de démontrer la causalité d’un tel événement naturel parce qu’il y a beaucoup de variables en cause. Il est difficile de dire qui est ultimement responsable de l’événement. C’est toujours celui qui est le plus touché qui doit prendre en charge la part du lion des coûts.

La sénatrice Simons : Même si le terrain où se produit le glissement appartient à la Couronne, c’est celui qui se trouve tout en bas qui fera face à la plus grande catastrophe, le cas échéant, et celui qui est responsable des coûts?

M. Hendry : Oui. Il y a eu des discussions au sujet des terres qui ont été attribuées aux chemins de fer au tournant du siècle dernier. Il y a eu des cas où la superficie des terres qui leur étaient allouées était assez grande dans certains secteurs, et cela tenait compte des pentes qui surplombaient les chemins de fer. On voulait ainsi leur donner le contrôle sur les pentes qui auraient un impact sur leurs opérations.

La sénatrice Simons : Monsieur Miller, lorsque nous parlons d’avoir des options pour qu’il n’y ait pas qu’une seule ligne à laquelle nous sommes attachés — vous êtes un ancien cadre du CN —, à votre avis, à qui devrait incomber la responsabilité d’investir dans le capital pour dire qu’une ligne de rechange est disponible; qu’il serait mieux qu’une autre ligne existe pour avoir cette capacité dans le système? Cela devrait-il venir de la Couronne? Est-ce que cela devrait venir du CN et du CP ensemble? Qui devrait s’assurer que nous avons cette fonctionnalité?

M. Miller : C’est une excellente question. Et il est tout simplement très difficile dans certaines régions, la Colombie-Britannique étant le meilleur exemple au Canada, bien sûr, d’envisager même de construire cette troisième ligne optionnelle.

Le CN et le CP, comme je crois que M. Hendry l’a mentionné, coopèrent avec des droits de circulation conjoints dans les canyons de la rivière Thompson et du fleuve Fraser. Cela aide beaucoup.

Il y a l’ancien corridor ferroviaire de la Colombie-Britannique, par exemple, qui a une capacité très limitée. Et même si vous combinez la capacité du port de Prince Rupert, qui utilise la ligne nord de la Colombie-Britannique, et la capacité de Vancouver du corridor ferroviaire de la Colombie-Britannique, vous êtes loin d’égaler la capacité des lignes principales du CN et du CP, ce qui n’est pas surprenant.

Ce n’est qu’une opinion personnelle. Je suis un grand partisan du soutien aux petites lignes de chemin de fer. Je suis un fervent partisan de l’aide gouvernementale pour les exploitants de services aux voyageurs et de trains de banlieue. Et je suis un partisan de l’appui du gouvernement à des choses comme le Fonds national des corridors commerciaux, lorsque peut être démontré un avantage public clair.

Par exemple, et cela en dit long sur la résilience, il y a les sauts-de-mouton, le retrait des passages à niveau qui sont une source de retards, de collisions, de pertes et de souffrances humaines. Je suis tout à fait pour des mesures de ce genre.

Je ne suis pas certain que le CN et le CP sont prêts à investir. Je pense que le CN et le CP ont beaucoup de succès sur le plan financier pour de nombreuses raisons. Je pense qu’ils ont une capacité considérable. Mais la construction d’un tout nouveau chemin de fer à des dizaines de millions de dollars par mille dans les Rocheuses et dans les canyons sera difficile, sénatrice, peu importe qui en est responsable.

Le président : Merci, monsieur Miller.

La sénatrice Sorensen : Merci beaucoup. Bienvenue également à vous deux qui provenez de ma province, l’Alberta. Je suis heureuse de vous voir parmi nous.

Bien sûr, ma collectivité, Banff, a été durement touchée par les inondations de 2013. Cela dit, je voulais parler des collectivités et des déraillements.

Banff a subi un déraillement en 2015. Il a fallu de nombreuses heures avant de savoir ce qu’il y avait dans les wagons. Au bout du compte, il s’agissait de lentilles, ce qui était une bonne nouvelle. À Parcs Canada, on était quand même inquiets. La situation aurait pu être bien pire pour la rivière Bow et pour nos collectivités.

J’aimerais savoir ce qui cause les déraillements. Je suis certaine que la réponse varie probablement d’une région à l’autre du pays et que toutes sortes de choses pourraient les causer. Mais en ce qui concerne les changements climatiques, y a-t-il des données indiquant quel pourcentage des déraillements est causé par les activités qui sont liées à ces changements?

Je vous cède la parole. Je dois dire, monsieur Miller, pour le bien de l’environnement, que je suis d’accord avec vous; continuons de faire rouler des trains de voyageurs en Alberta, à l’est et à l’ouest, au nord et au sud.

M. Miller : Merci, madame la sénatrice. Je vais essayer de répondre et voir ce que M. Hendry voudra ajouter.

Pour répondre à la première partie de votre question sur les causes des déraillements, la répartition est à peu près égale. Les deux premières causes sont des problèmes d’infrastructure, un exemple simple étant un rail brisé, des problèmes de matériel roulant, ou une roue brisée.

La troisième, après cela, serait probablement dans la catégorie générale des facteurs humains. Le train a-t-il été bien assemblé? Le plan du train a-t-il été élaboré correctement? Le train était-il bien conduit?

Une autre cause, cependant — cela répond à votre question et va dans le sens de l’étude que vous avez entreprise ici —, ce sont les facteurs naturels qui, comme M. Hendry et d’autres l’ont souligné, et comme vous le savez tous, sont certainement exacerbés, alors que nous entrons dans cette période continue de changements climatiques qui, sans aucun doute, continueront de s’accélérer. Comme M. Hendry l’a mentionné, il s’agit d’inondations, de glissements de terrain et d’un certain nombre de choses de cette nature.

En ce qui concerne le déraillement à Banff, j’ai lu le rapport du Bureau de la sécurité des transports, mais je ne me souviens pas des détails. Il s’agissait soit d’un rail brisé, soit de quelque chose de mécanique liée à un wagon.

M. Hendry : Nous avons fait un examen approfondi de la base de données sur les événements ferroviaires qui est tenue à jour par le Bureau de la sécurité des transports. Nous avons fait cela il y a quelques années, en 2016. Nous l’avons aussi fait plus récemment pour essayer de mettre à jour nos renseignements généraux à ce sujet. De loin en loin, les freins sont la cause la plus fréquente de déraillements. Les défaillances se produisent aussi habituellement à des vitesses plus élevées, ce qui entraîne le déraillement d’un plus grand nombre de wagons dans un événement donné.

La deuxième est la géométrie des voies. La géométrie des voies est vraiment difficile à démontrer parce qu’après un accident, l’état de ces dernières est généralement mauvais de toute façon.

Je pense que les déraillements attribuables aux freins ferroviaires ou à l’écaillage des roues viennent au troisième ou au quatrième rang.

Il y a quelques autres causes. Les incidents commencent vraiment à être regroupés pour ce qui est de la fréquence lorsque vous descendez en dessous de ce point.

Le président : Merci, messieurs.

Le sénateur Klyne : Monsieur Hendry, d’après ce que je comprends, vos recherches portent en partie sur la mécanique des sols et sur l’impact que l’augmentation de la charge a eu sur notre infrastructure ferroviaire. J’ai deux questions. Monsieur Miller, en tant qu’expert ferroviaire résidant, vous pouvez également répondre.

Je m’intéresse aux ponts ferroviaires construits pour servir de traverses au-dessus d’une route ou d’un plan d’eau, ainsi qu’aux voies ferrées et aux lits de voie en général, de même qu’à l’intégrité de la conception originale pour soutenir la capacité portante requise et qu’au risque de défaillance en raison du vieillissement, de l’érosion naturelle ou des dangers du sol.

Premièrement, y a-t-il des études géotechniques ou des vérifications périodiques des ponts et du substrat de la voie ferrée pour confirmer que l’intégrité est toujours intacte, surtout compte tenu de l’augmentation des charges?

Ma deuxième question porte sur la sécurité. Quelle est l’entité responsable de l’application des règlements et des lignes directrices sur les tolérances acceptables? Êtes-vous d’avis que la capacité portante nécessaire est respectée partout, ou y a-t-il lieu de s’inquiéter de certaines lignes ou de certaines régions?

M. Hendry : Pour ce qui est de la structure des ponts, j’ai eu l’occasion de m’entretenir avec certains des employés des ponts du CN et du CP par le passé. Je sais qu’ils ont un processus d’inspection très rigoureux pour la structure des ponts, surtout les plus anciens. Ils les surveillent constamment, se rendent sur les lieux et mènent des enquêtes.

Pour ce qui est du sol support, je dirais que les choses sont différentes. Les plates-formes et les structures de remblai sont considérées comme des matériaux géologiques. Elles ont une durée de vie beaucoup plus longue et ne risquent pas de rouiller généralement. Elles sont donc traitées différemment.

Il y a donc un mouvement vers la GAG, qui est un terrible acronyme pour désigner la gestion des actifs géotechniques, cette dernière servant à déterminer des durées de vie. Même maintenant, les travaux se poursuivent dans ce domaine.

Pour ce qui est de la surveillance, elle repose en grande partie sur la question de savoir si l’on peut maintenir la géométrie des voies. Dans quelle mesure la voie est-elle bien entretenue? Le cas échéant, habituellement, elle n’est pas très surveillée. Autrement, cela devient un problème et des mesures sont prises. Il est possible d’entretenir les voies sur des sols support en très mauvais état, mais cela exige beaucoup d’efforts.

L’autre aspect pour ce qui est des voies et de la capacité de maintenir la géométrie des voies, c’est qu’il est toujours possible de créer une voie de catégorie inférieure, ce qui signifie des vitesses moins élevées pour la circulation sur cette voie. Et dans certains cas, dans certaines zones de construction, j’ai vu d’énormes excavations, vous savez, toutes les deux traverses sur trois étant enlevées. Les trains peuvent y rouler très lentement, à deux ou trois milles à l’heure.

Il y a toujours une limite inférieure en ce qui a trait à la qualité. La plupart du temps, on essaie de maintenir la circulation, ce qui incombe aux exploitants.

Pour ce qui est de la surveillance des voies, nous avons déjà mentionné le géoradar, qui continue d’être utilisé lorsque des problèmes sont cernés. Si vous avez un problème et que vous voulez exercer une surveillance au moyen d’un géoradar, c’est possible, mais vous devez avoir une raison de le faire; il faut que ce soit un problème que vous ne puissiez pas résoudre autrement.

Nous avons déjà travaillé avec le CN. Nous avons évalué plus de 12 000 kilomètres de voies ferrées à l’aide d’un équipement très perfectionné provenant des États-Unis, qui mesurait la rigidité du sol support, en vue justement d’évaluer la qualité. Nous avons fait de nombreux essais sur la subdivision de Lac La Biche, à Fort McMurray, au moment où le CN essayait de la réhabiliter pour qu’elle puisse supporter des charges plus élevées.

Il y a donc de nouvelles technologies qui émergent, mais nous n’avons pas encore la possibilité d’obtenir une évaluation claire et de déterminer les exigences relatives aux structures du sol support et des remblais.

M. Miller : Pour ce qui est de la deuxième partie de votre question, sénateur, au sujet de la responsabilité concernant les normes, celles-ci relèvent du directeur général de la Sécurité ferroviaire à Transports Canada. Il y a bien sûr des lois — la Loi sur la sécurité ferroviaire — un certain nombre de règlements, puis des règles. Les règlements et les règles, comme vous le savez sans doute, ont tous force de loi. Cette responsabilité incombe donc à Transports Canada.

J’ai déjà été vice-président responsable de la sécurité au CN. J’avais de très bonnes relations de travail avec nos collègues de Transports Canada et du Bureau de la sécurité des transports. Celles-ci reposaient sur quelque chose que j’ai mentionné brièvement dans mon exposé, à savoir une culture de confiance et de transparence. Lorsque quelque chose n’allait pas, nous pouvions signaler que nous avions fait une erreur et que nous devions faire mieux, et c’est ce que nous faisons à propos de nos constatations.

La sénatrice Miville-Dechêne : Je tiens d’abord à dire que je ne suis pas une experte et que je ne crois pas avoir compris tout ce que vous avez dit. Je vais donc vous poser une question plus générale : sommes-nous prêts? Les chemins de fer — le réseau ferroviaire au Canada — sont-ils prêts à faire face aux conditions météorologiques extrêmes et aux changements climatiques? Je pense que vous avez laissé entendre que la réponse est « pas tout à fait », mais vous ne l’avez pas dit clairement.

Vous avez parlé de transparence au CP, mais avez-vous une idée très précise de ce que font ces deux entreprises privées en termes d’investissements ou de prévisions d’investissements futurs pour renforcer leur capacité à se préparer aux changements climatiques? Que savez-vous précisément au sujet du CN et du CP, parce qu’ils sont les deux plus gros et qu’ils sont privés? Pouvez-vous évaluer leur état de préparation, même si vous nous avez dit qu’il est assez difficile de prédire l’avenir, parce que nous ne savons pas ce qui va se passer?

Ce sont les questions que je me pose. Soyez simple dans vos réponses, s’il vous plaît — sans trop de mots techniques difficiles.

M. Hendry : Je vais répondre, et M. Miller pourra peut-être vous en dire un peu plus, parce qu’il a pu voir cela de l’intérieur.

À l’université, nous faisons de la recherche. Nous collaborons avec eux. Nous discutons des problèmes qu’ils peuvent avoir et nous essayons de trouver des questions de recherche que nous pouvons poser. Nous concevons des expériences et nous les aidons à cet égard.

Habituellement, nous ne nous lançons pas dans de grandes discussions budgétaires pour savoir où les fonds sont affectés. Malheureusement, je n’ai pas les données nécessaires pour répondre à votre question.

M. Miller : Pour répondre à votre toute première question au sujet de l’état de préparation des chemins de fer, je pense que nous aurions du mal à dire que les chemins de fer sont prêts pour les changements climatiques, compte tenu de ce que nous avons vu en Colombie-Britannique au cours de la dernière année, à savoir un incendie, puis une inondation, qui ont eu des répercussions dramatiques sur les chaînes d’approvisionnement.

La question n’est donc pas de savoir s’ils sont prêts, à mon avis pour l’instant, mais plutôt s’ils cheminent vers une amélioration.

À ce sujet, et pour répondre à votre question, les chemins de fer sont assez publics, mais je n’ai malheureusement pas les chiffres devant moi au sujet des investissements en immobilisations qu’ils font pour améliorer et renforcer l’infrastructure, remplacer les actifs, le matériel roulant et les systèmes, et des choses de cette nature. Vous pouvez consulter leurs cahiers d’information et écouter leurs rapports trimestriels. En fait, ils sont très fiers...

La sénatrice Miville-Dechêne : Procèdent-ils à des remplacements ou à des améliorations? Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez, ou est-ce tout simplement impossible?

M. Miller : C’est une très bonne question. Je dirais qu’ils ne procèdent pas au remplacement proprement dit. Vous avez entendu mon bon ami Ian Simpson en parler. Donc, lorsque le moment est venu d’effectuer des travaux de réfection majeurs sur un pont, par exemple, vous pouvez surélever ce pont. Vous pouvez passer de traverses de bois à un pont à tablier ballasté, de façon à réduire la vulnérabilité aux incendies et à faciliter le maintien de l’alignement des voies. Vous pouvez surélever les remblais. J’ai lu récemment que des remblais de près d’un mètre ont été érigés dans des zones inondables aux États-Unis.

Il ne s’agit donc pas de rebâtir à l’identique, mais plutôt, pour utiliser l’expression éculée, de rebâtir en mieux. Ils sont très ouverts quant au niveau d’investissement qu’ils font.

Encore une fois, pour revenir à ce que disait la sénatrice Simons il y a quelques minutes, l’idée d’avoir un tout autre trajet dans les territoires les plus difficiles du Canada est complètement différente. Il ne s’agit pas d’investir 20 % des revenus bruts chaque année, ce qui correspond à la moyenne des dépenses en immobilisations des chemins de fer, mais beaucoup plus. Ce genre de travail se situe dans un tout autre ordre de grandeur.

La sénatrice Miville-Dechêne : Merci.

[Français]

Le sénateur Cormier : Notre étude porte sur l’impact des changements climatiques sur les infrastructures, mais aussi sur l’impact des infrastructures essentielles sur les changements climatiques. Manifestement, on a beaucoup entendu parler de l’impact des changements climatiques sur les infrastructures.

Ma question pour vous porte sur le deuxième aspect, et je fais référence au plan de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour 2030 que le gouvernement a annoncé et dans lequel il s’engage à concevoir un plan d’action en s’appuyant sur des ententes volontaires avec l’industrie pour décarboniser les chemins de fer, conformément à l’objectif de carboneutralité du Canada d’ici 2050. Il pourrait s’agir d’efforts pour l’électrification des locomotives.

Est-ce que l’électrification des locomotives est le meilleur moyen, le moyen ultime de réduire l’impact de l’infrastructure ferroviaire sur les changements climatiques? Y a-t-il d’autres moyens? J’aimerais vous entendre à ce sujet.

[Traduction]

M. Miller : Merci, monsieur le sénateur. Il est bon de voir un autre visage du Nouveau-Brunswick. Je suis moi-même un ancien de Fredericton.

De façon générale, l’électrification de tout le réseau a été examinée à plusieurs reprises par le passé. Il est très difficile — et je n’aime pas utiliser cette expression d’affaires — d’aligner les chiffres. C’est tout un défi.

L’objectif actuel de réduction de la consommation de carburant diesel tourne donc autour de choses comme les locomotives à batterie, les carburants de remplacement et les biocarburants, qui sont mis à l’essai à plusieurs endroits. Personnellement, je suis particulièrement emballé par l’exemple d’une locomotive à hydrogène que le CP est en train de construire à son siège social de Calgary.

Cela mis à part, il s’agit simplement d’une réduction d’une année à l’autre de la consommation, grâce à des mesures comme — et Ian Simpson l’a mentionné — l’arrêt-démarrage automatique des locomotives et l’optimisation des déplacements, un programme informatique sur la locomotive qui tient compte des caractéristiques du train, ainsi que des caractéristiques de l’itinéraire, qui sélectionne la position optimale de la manette des gaz pour que le train respecte l’horaire prévu, tout en réduisant au minimum la consommation de carburant.

Une troisième chose qui donne des résultats importants, c’est de faire correspondre le poids du train à l’encoche de puissance maximale que le mécanicien est autorisé à utiliser, de sorte à éviter les démarrages en trombe et à obtenir une exploitation beaucoup plus écoénergétique. Ces mesures progressives contribuent à une amélioration de 1 à 2 % par année pour le CN et le CP.

Une autre chose, bien sûr, c’est la mise au rancart de locomotives plus anciennes à mesure que vous introduisez de nouvelles locomotives conformes aux normes Tier 4, qui consomment beaucoup moins de carburant par tonne-mille brute de marchandises transportées. L’électrification d’un corridor particulier pour le transport ferroviaire de passagers vaut la peine d’être poursuivie et examinée de façon beaucoup plus détaillée. Pour ce qui est d’un système de transport de marchandises, en général, dans un réseau où les locomotives sont interchangeables entre les compagnies de chemin de fer pour assurer la fluidité, il est difficile à obtenir pour le moment.

Le sénateur Cormier : De quoi d’autre pourrait-il s’agir alors? Je pense au gouvernement fédéral. Sur quoi devrait-on se concentrer si l’électrification n’est pas la seule solution?

M. Miller : Comme ma collègue et amie Caroline Healey l’a mentionné, le travail qui se fait avec Transports Canada, les chemins de fer et l’Association des chemins de fer du Canada, dans le cadre du processus du protocole d’entente, est important. Le fait que les fournisseurs de l’industrie ferroviaire soient à l’échelle de l’Amérique du Nord signifie qu’il est un peu difficile d’avoir une solution entièrement canadienne. Les locomotives sont fabriquées au Texas, et les grandes compagnies de chemin de fer là-bas ne sont peut-être pas très intéressées par certains des problèmes particuliers auxquels nous faisons face ici.

Le gouvernement fédéral devrait se concentrer sur l’Amérique du Nord, fournir un soutien par l’entremise du protocole d’entente et reconnaître les efforts qui ont été déployés. Un des sénateurs a parlé d’une réduction de 44 % du recours au carburant depuis 1990 et d’une cible — je n’ai pas le chiffre exact et je me limiterai à dire cela — de réduction importante d’ici 2030 et d’une réduction proche de zéro émission nette d’ici 2050 dans l’industrie. Il se fait beaucoup de travail.

Le sénateur Cormier : Merci.

Le sénateur Quinn : J’ai une question complémentaire au sujet du risque, de la prévisibilité du risque et du travail dont vous avez parlé, monsieur Hendry. Il y a différents points d’étranglement qui présentent des risques, par exemple, l’isthme entre la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick. On le sait. Des options sont à l’étude quant à ce que nous allons faire. Nous ne voulons pas faire de la Nouvelle-Écosse une île et couper d’importants liens de transport.

Pour revenir à la pente dont il a été question, à la capacité d’examiner les mouvements au millimètre et à la question de savoir qui est responsable du risque — et je pose la question parce qu’au bout du compte, nous devons faire des recommandations —, si nous pouvons déterminer qui est responsable du risque lorsque le problème est décelé, ne devrait-il pas y avoir un moyen de faire en sorte qu’il incombe aux propriétaires de prendre des mesures pour minimiser ce risque?

M. Hendry : La question est vaste. Pour être honnête, il y a des livres entiers qui sont écrits, surtout du Royaume-Uni, sur le transfert des risques et de la responsabilité des risques entre le gouvernement, les propriétaires fonciers et ainsi de suite.

Les risques comportent toujours deux aspects. Il y a d’abord celui du danger. Si vous pouvez prouver que le gouvernement ou la Couronne est responsable du danger, cela ne veut pas dire qu’ils sont responsables des conséquences. Un juriste serait mieux placé que moi pour expliquer cela.

Le sénateur Quinn : Si le risque entraîne la fermeture d’un trajet de transport important, cela cause essentiellement d’énormes problèmes économiques pour le pays. Le coût de l’impact économique pourrait être beaucoup plus élevé que celui des mesures correctives qui auraient pu atténuer ce risque. Ce que je veux savoir, c’est si c’est quelque chose que le comité devrait envisager en ce qui concerne les observations et les recommandations que nous pourrions vouloir faire.

M. Hendry : Le risque assurable que prend une compagnie de chemin de fer est beaucoup moins élevé que le risque pour l’ensemble de l’économie d’une interruption de service. N’hésitez pas à intervenir, monsieur Miller, si je me trompe. La société ferroviaire est responsable de ce qu’elle transporte et des pertes de revenus pour ses actionnaires, qui font partie des risques assurables, mais elle n’est pas responsable de la fermeture d’une usine dans le Sud de l’Ontario, par exemple. Est-ce que je me trompe, monsieur Miller?

M. Miller : Non, vous ne vous trompez pas du tout, monsieur Hendry. En ce qui concerne le point soulevé par le sénateur, vous avez mis le doigt sur ce qui serait un domaine d’étude exceptionnel de cette question dans un contexte canadien, à savoir l’isthme où se trouvent de vieux remblais appartenant aux agriculteurs, une certaine protection assurée par le remblai routier et une certaine protection assurée par le remblai ferroviaire. Si vous cherchez à ouvrir une boîte de Pandore, le transfert du risque et la question de savoir qui devrait investir dans telle ou telle situation sont d’excellents sujets. Je n’ai certainement pas la réponse.

Le sénateur Quinn : Merci.

Le président : Voici une question simple que je me pose. Si nous comparons l’état de préparation de notre infrastructure ferroviaire aux changements climatiques auxquels nous faisons face par rapport aux mesures d’atténuation que prennent nos amis américains, lequel de nos pays est le mieux préparé? Qui fait mieux pour se préparer aux défis climatiques auxquels fait face notre industrie ferroviaire?

M. Hendry : Si l’on regarde les cartes des États-Unis et du Canada, elles sont extrêmement différentes, en ce sens que les États-Unis comptent plus de trajets qui font double emploi, plus de voies de passage dans les cols de montagne d’un bout à l’autre du pays, donc, leur système est plus résilient par nature.

Au Canada, comme nous l’avons déjà mentionné, dès que vous entrez dans les montagnes en Colombie-Britannique, vos options sont limitées. Dans certains cas, nous partageons la même vallée fluviale et parfois le même côté de la vallée fluviale, alors nous n’avons pas cette résilience. Peut-être que le fait de tirer parti des chemins de fer américains ajouterait de la résilience. La meilleure option serait peut-être d’offrir d’autres trajets qui passent par les États-Unis.

Cependant, je ne pense pas avoir répondu véritablement à votre question sur qui se prépare le mieux. Je ne peux malheureusement pas répondre à cette question.

M. Miller : Je ne peux pas vous répondre non plus. Je sais que les compagnies de chemins de fer du Canada et des États-Unis investissent beaucoup. Elles pratiquent la gestion des risques et utilisent de bonnes pratiques. La question est la suivante : dans quelle mesure pouvez-vous être prêt pour le prochain événement de l’ampleur de celui que nous avons vu en Colombie-Britannique?

Le sénateur Klyne : Merci. Je vais essayer de reformuler ma question, parce que la réponse ne me satisfait pas. Du point de vue de la vulnérabilité aux changements climatiques, qui s’est accrue au cours des dernières années, il est impossible que nous ayons pu nous attaquer à toute l’infrastructure des voies ferrées. Y a-t-il des zones, des régions ou des lignes qui sont encore vulnérables?

M. Miller : Oui. Comme nous l’avons dit, nous sommes toujours vulnérables dans les canyons de la rivière Thompson et du fleuve Fraser. Malgré les millions de dollars d’investissement des deux compagnies de chemin de fer chaque année dans ce territoire, et même s’il ne faut jamais dire jamais, il est peu probable qu’on arrive à bétonner ces montagnes pour les protéger contre ce genre de choses. Comme M. Hendry vient de le souligner, c’est là que nous sommes particulièrement vulnérables, parce que les options sont limitées.

Dans le Nord de l’Ontario, il y a des problèmes, ainsi que dans les Prairies. En fait, le travail qui est effectué à Port Saint John comporte une assez bonne optionalité, et mon ami Ian Simpson a mentionné l’achat des anciens Chemins de fer du Centre du Maine et du Québec et le renforcement du lien avec Saint John comme solutions de rechange en cas d’urgence à Halifax. Il y a là une certaine marge de manœuvre.

Là où nous sommes encore vulnérables et où il y a beaucoup de travail et d’investissement, c’est dans les canyons de la rivière Thompson et du fleuve Fraser.

Le président : Monsieur Hendry, monsieur Paul Miller, je tiens à vous remercier tous les deux de vos exposés très éclairants. Je vous remercie du temps que vous avez consacré à répondre à toutes nos questions.

Chers collègues, je vais lever la séance jusqu’à la prochaine réunion du Comité sénatorial permanent des transports et des communications sur l’incidence des changements climatiques sur les infrastructures au Canada.

(La séance est levée.)

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