LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES TRANSPORTS ET DES COMMUNICATIONS
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 11 mai 2022
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd’hui, à 18 h 32 (HE), en séance publique, puis à huis clos, avec vidéoconférence, pour étudier la teneur des éléments de la partie 10 du projet de loi S-6, Loi concernant la modernisation de la réglementation.
La sénatrice Julie Miville-Dechêne (vice-présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La vice-présidente : Je m’appelle Julie Miville-Dechêne, sénatrice du Québec et vice-présidente du comité.
J’aimerais vous présenter les membres du comité qui participent à cette réunion : la sénatrice Clement, de l’Ontario; le sénateur Cormier, du Nouveau-Brunswick; la sénatrice Busson, de la Colombie-Britannique; le sénateur Dawson, du Québec; la sénatrice Gerba, du Québec; le sénateur Manning, de Terre-Neuve-et-Labrador; le sénateur Quinn, du Nouveau-Brunswick; la sénatrice Simons, de l’Alberta; la sénatrice Sorensen, de l’Alberta.
Chers collègues, le 28 avril 2022, le Comité sénatorial des transports et des communications a été autorisé à examiner la teneur des éléments de la partie 10 du projet de loi S-6, Loi concernant la modernisation de la réglementation, et d’en faire rapport.
[Traduction]
Aujourd’hui, nous entreprenons l’examen de ce projet de loi du gouvernement décrit comme étant le deuxième projet de loi annuel sur la modernisation de la réglementation. Nous avons le plaisir d’accueillir nos témoins par vidéoconférence : M. Christopher Hynes, directeur, Politique de la réglementation sur les véhicules connectés/véhicules automatisés; et Mme Melanie Vanstone, directrice générale, Programmes de sécurité routière et multimodaux de Transports Canada. Nous accueillons aussi M. James van Raalte, directeur exécutif, Direction de politiques et de coopération en matière de réglementation, du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada. Merci de vous joindre à nous.
Nous allons commencer par vos déclarations préliminaires, avant de passer aux questions des sénateurs et des sénatrices. La parole est à vous dès que vous êtes prêt, monsieur Hynes.
Christopher Hynes, directeur, Politique de la réglementation sur les véhicules connectés/véhicules automatisés, Transports Canada : Merci, madame la sénatrice. Je vais céder la parole à ma collègue, Melanie Vanstone, puisque c’est elle qui a préparé notre exposé et qui est prête à vous le présenter au nom de notre ministère.
Melanie Vanstone, directrice générale, Programmes de sécurité routière et multimodaux, Transports Canada : Merci beaucoup, honorables sénateurs et sénatrices et madame la présidente. C’est un plaisir d’être avec vous ce soir pour vous parler du projet de loi.
Le gouvernement propose une modification de la Loi sur les transports au Canada afin d’autoriser les ordonnances provisoires pour intégrer dans la loi les normes et obligations internationales en matière de transport.
Actuellement, la mise à jour d’un règlement peut prendre quelques années lorsqu’une norme nouvelle ou révisée est approuvée. Il peut en résulter un mauvais alignement de la réglementation et des coûts inutiles pour les entreprises et des entraves à la croissance économique. La modification proposée permettrait d’aligner plus efficacement les exigences du Canada en matière de transport sur les pratiques exemplaires internationales, tout en recherchant des solutions réglementaires à plus long terme. Elle comprendrait une obligation de consultation et de publication afin d’assurer la transparence, la responsabilité et l’accessibilité.
La modification s’appliquerait à l’ensemble du cadre législatif de Transports Canada, et ne serait pas spécifique à un mode ou à un secteur industriel. L’objectif est de fournir un cadre multimodal cohérent et prévisible par l’entremise de la Loi sur les transports au Canada, au bénéfice de l’ensemble de l’industrie des transports.
La modification répond aux intervenants en transport de tous les modes qui ont demandé à plusieurs reprises l’utilisation accrue et opportune des normes de tiers de confiance dans la réglementation de Transports Canada, y compris lors des consultations pour la deuxième ronde des examens réglementaires ciblés du gouvernement. En effet, la modification soutient le programme de modernisation de la réglementation du gouvernement et était l’une des initiatives incluses dans la Feuille de route réglementaire sur les normes internationales, qui a été publiée l’année dernière.
Selon la Feuille de route de l’examen réglementaire sur les normes internationales du Conseil du Trésor, le lien entre la normalisation, la productivité et la croissance économique est manifeste. Au Canada, les données révèlent que les normes ont contribué à près de 5,9 milliards de dollars de la hausse de 33,7 milliards de dollars du produit intérieur brut du Canada en 2019. On estime également que les normes et les règlements techniques ont un effet sur près de 93 % du commerce mondial. Pour le Canada, le commerce international représente plus de 60 % de son produit intérieur brut.
Les normes internationales sont élaborées dans le cadre de vastes environnements multipartites et sont le fruit d’un consensus entre les autorités législatives participantes et les experts techniques. Elles sont régulièrement mises à jour afin de maintenir les exigences techniques et de sécurité les plus pointues et ainsi d’améliorer les résultats en matière de santé, de sécurité et d’environnement pour les Canadiennes et les Canadiens.
Par exemple, Transports Canada collabore avec la communauté internationale à l’élaboration de normes pour les véhicules automatisés et connectés, en établissant des exigences de rendement et d’essai pour les technologies spécifiques d’aide à la conduite. Transports Canada participe également au Forum mondial pour la sécurité routière des Nations unies et au Forum mondial des Nations unies pour l’harmonisation des réglementations sur les véhicules.
La modification proposée aiderait également le régime de réglementation du Canada à suivre le rythme de l’évolution rapide du secteur des transports, en permettant un alignement plus rapide sur les normes en évolution en raison des nouvelles technologies, de l’innovation et des risques émergents. La modification permettrait une harmonisation plus efficiente des exigences du Canada en matière de transport avec les normes et obligations internationales pour favoriser l’efficacité de la chaîne d’approvisionnement, stimuler la croissance économique et la compétitivité du Canada, contribuer à réduire les coûts des entreprises et améliorer les résultats en matière de sécurité, de sûreté et de protection de l’environnement pour les Canadiennes et les Canadiens. Merci.
La vice-présidente : Merci beaucoup.
Monsieur van Raalte, vous avez la parole.
James van Raalte, directeur exécutif, Direction de politiques et de coopération en matière de réglementation, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada : Merci, madame la présidente et honorables sénateurs, de nous avoir invités ce soir. Je suis heureux d’être ici aujourd’hui pour vous donner un aperçu du projet de loi S-6 et répondre à toutes vos questions sur le contexte de la législation.
Comme l’a dit la présidente, le projet de loi S-6, Loi concernant la modernisation de la réglementation, aussi appelée le deuxième projet de loi annuel sur la modernisation de la réglementation, propose de modifier 29 textes législatifs par l’entremise de 46 modifications. Les modifications aideraient à maintenir la réglementation pertinente et à jour : en réduisant le fardeau administratif pour les entreprises; en facilitant les interactions numériques avec le gouvernement; en simplifiant les processus réglementaires; en établissant des dérogations à certaines exigences réglementaires pour tester de nouveaux produits; et en facilitant le commerce transfrontalier grâce à des règles plus uniformes et cohérentes entre les gouvernements.
Le projet de loi S-6 est le deuxième projet de loi annuel de modernisation de la réglementation du gouvernement, ou comme nous l’appelons, le PLAMR. Annoncé dans l’Énoncé économique de l’automne de 2018, le PLAMR est censé être un mécanisme législatif récurrent qui permet au gouvernement d’apporter des changements qui ont du bon sens à de nombreux textes législatifs à la fois pour répondre aux exigences trop compliquées, incohérentes ou obsolètes soulevées par les entreprises et les Canadiens. Le PLAMR est un élément du programme du gouvernement visant à moderniser la réglementation, tout en préservant la santé et la sécurité, la sûreté et la protection de l’environnement.
Prises individuellement, les modifications présentées dans le projet de loi ont une portée modeste; ensemble, toutefois, elles auront une incidence et contribueront au programme de modernisation de la réglementation du gouvernement. Le regroupement de changements législatifs relativement mineurs dans un seul projet de loi est à la fois efficace sur le plan du temps et des coûts. Le PLAMR est conçu spécifiquement pour proposer plusieurs modifications législatives et non litigieuses à la fois. Ce sont des correctifs que la présidente du Conseil du Trésor peut présenter ou parrainer au nom de ses collègues du Cabinet. Tout ce qui dépasse ce seuil peut en effet constituer une bonne proposition pour la modernisation de la réglementation, mais devrait être présenté par le ministre responsable, aux fins d’un examen parlementaire et public. Les 46 modifications proposées ont soit été cernées par les parties prenantes — pour 33 d’entre elles —, sont soitune réponse aux questions soulevées par le Comité mixte permanent du Parlement sur l’examen des règlements, c’est‑a‑dire pour 13 d’entre elles.
Le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada — aussi appelé le SCT — a lancé une consultation publique via la Gazette du Canada au cours de l’été 2019, invitant les parties prenantes intéressées à partager leurs points de vue sur les peines liées à la modernisation de la réglementation, y compris les suggestions pour le prochain PLAMR. Quarante-huit soumissions de parties prenantes ont été renvoyées au PLAMR. Cependant, la plupart de ces réponses n’entraient pas dans le champ d’application, car elles proposaient des changements du règlement plutôt que de la loi. Malgré tout, tous les commentaires ont été partagés avec les ministères de réglementation responsables.
À la suite de cette consultation, un rapport intitulé Synthèse des commentaires recueillis : Rapport sur la modernisation et de la réglementation a été publié en novembre 2020. Les principaux thèmes qui se sont dégagés lors de la consultation et qui ont été repris dans le rapport comprenaient la réduction du fardeau administratif, l’accroissement de la souplesse réglementaire et des possibilités d’expérimentation, l’harmonisation avec les principaux partenaires commerciaux et l’élimination des exigences qui font double emploi, qui sont redondantes et qui manquent de clarté.
Dans le même ordre d’idées, un appel aux ministères et organismes de réglementation a été lancé en août 2019. Il en a résulté 174 propositions, soumises par 14 organisations et touchant à 72 lois. Toutes les propositions ont été examinées en profondeur pour que l’on puisse s’assurer qu’elles n’ont pas d’impact négatif sur la santé, la sûreté et la sécurité des Canadiens ou pour la protection de l’environnement.
Au-delà de ce qui est contenu dans le projet de loi S-6, des propositions supplémentaires ont été mises de côté pour un examen approfondi, pour diverses raisons. Certaines ont été considérées comme ayant une portée trop large ou jugées de nature non réglementaire, tandis que d’autres n’ont pas été prises en considération, par exemple si elles cherchaient à modifier les frais de service ou si les activités supplémentaires proposées contribuaient à augmenter le fardeau administratif.
Le processus d’élaboration de la troisième version du projet de loi est déjà en cours, à la lumière des leçons que nous avons retenues sur la COVID. La présidente du Conseil du Trésor s’est engagée à présenter le troisième PLAMR au printemps 2023. Le Secrétariat du Conseil du Trésor utilisera sa nouvelle plateforme Parlons des règlements fédéraux pour solliciter des commentaires des entreprises et des Canadiens sur les moyens d’améliorer le système de réglementation fédéral du Canada. De plus, les consultations sur la quatrième version du PLAMR devraient être lancées à l’automne 2022.
Merci, honorables sénateurs.
La vice-présidente : Avant de commencer la période de questions, j’aimerais vérifier quelque chose auprès de M. van Raalte. Vous nous avez donné un aperçu du projet de loi S-6, mais nous sommes le comité des transports et des communications, et nous nous intéressons donc à l’article qui touche aux transports. Serez-vous en mesure de répondre à nos questions sur cet article précisément, ou devrions-nous plutôt nous adresser à Mme Melanie Vanstone?
M. van Raalte : Merci, madame la vice-présidente. Je suis ici pour soutenir mes collègues de Transports Canada, et eux sont ici pour répondre à vos questions qui touchent directement la partie 10 du projet de loi. D’expérience, nous savons que quand les divers comités permanents examinent des parties distinctes du projet de loi S-6, il arrive de temps en temps que des questions de nature plus générale surviennent à propos de la modernisation de la réglementation, et je suis ici pour vous aider en répondant à ces questions.
La vice-présidente : Merci de cette précision.
Le sénateur Dawson : C’est une difficulté, avec ce genre d’études. Nous dépassons du cadre que nous sommes censés étudier.
Comme vous le savez, notre comité a réalisé, il y a quelques années, une grande étude sur les véhicules automatisés, et l’une des recommandations évidentes a été que nous devrions trouver une façon plus simple de moderniser la réglementation, parce que manifestement, la technologie — et ce n’est pas une critique de la bureaucratie, parce que celle-ci suit les décisions politiques; c’est plutôt une critique des politiciens — évolue beaucoup plus vite que la réglementation et beaucoup plus vite que les lois. Je suis très heureux que vous essayiez de simplifier la modernisation, parce que je crois que c’était l’un des piliers de cette étude.
Sans vouloir revenir à cette étude prématurée, où nous avons essayé d’étudier les véhicules automatisés — et nous étions plus rapides que le marché et certainement plus rapides que les législateurs —, la vérité, c’est que de nombreuses questions que nous avons soulevées en débat à propos des nouvelles mesures de sécurité sont maintenant en place, à l’aube des véhicules automatisés. Nous avons trouvé toutes sortes de mesures de sécurité pour protéger les conducteurs, les voitures, les gens et les autres voitures, sans qu’elles soient obligatoires. En débat, nous avons soulevé l’idée des ceintures de sécurité. Tout le monde a des ceintures de sécurité, et tout le monde a des coussins gonflables. Pourquoi? Parce que nous savons que cela sauve des vies. Nous savons que certaines nouvelles technologies — et pas seulement dans les voitures modernes à haut prix — devraient être obligatoires dans toutes les voitures, puisqu’il a été démontré, dans vos études, qu’elles sauvent des vies.
Comment pouvons-nous mettre en place des mécanismes pour forcer l’industrie à rendre ces technologies obligatoires? Parfois, tout ce qu’il faut, c’est une prise à 10 $ dans une voiture pour la rendre beaucoup plus sécuritaire, parce que la voiture a été conçue avec cette technologie à l’esprit, mais finalement, la technologie n’est pas intégrée parce que personne ne veut payer pour cela. Finalement, vous devez payer une fortune pour l’avoir, mais bon, je radote...
Y aurait-il une façon pour que nous puissions commencer à adopter ces mesures de sécurité plus rapidement, pour sauver des vies? Je crois que M. Hynes ou peut-être Mme Vanstone pourra répondre. Je doute que ce soit une question pour le Conseil du Trésor. Désolé de ne pas vous faire intervenir.
Mme Vanstone : Je serai heureuse de répondre à la question, et peut-être que M. Hynes pourra ajouter quelque chose à ma réponse.
En plus de m’occuper du dossier en général de la modernisation de la réglementation pour Transports Canada, je suis aussi la directrice générale de la sécurité routière, et cela constitue donc une partie importante de mon travail.
Dans l’ensemble, Transports Canada a une approche à plusieurs volets en ce qui concerne l’évolution très rapide de la technologie dans le secteur automobile. Nous travaillons en étroite collaboration avec les autres pays sur la scène internationale, dans le cadre des forums des Nations unies, pour nous assurer que les normes technologiques sont élaborées en temps opportun et pour soutenir l’adoption de ce genre de technologies. Nous avons aussi un engagement robuste avec nos homologues américains pour soutenir le marché nord-américain des automobiles.
Lorsqu’il y a des technologies émergentes qui ne sont pas tout à fait assez au point pour être réglementées, nous avons mis au point plusieurs conseils pour aider l’industrie à adopter les technologies automobiles nouvelles et novatrices, par exemple des conseils sur la cybersécurité des véhicules connectés et automatisés.
Nous allons adopter une approche de réglementation pour plusieurs technologies, par exemple en ce qui concerne le freinage d’urgence automatique et les systèmes avancés d’aide à la conduite. Certaines de ces technologies figurent déjà dans notre programme de réglementation et devraient être mises en œuvre au cours des prochaines années.
Il est important que nous suivions, à mesure que les technologies atteignent une certaine maturité, le moment approprié pour les intégrer à la réglementation. Nous faisons des efforts pour que nous soyons en mesure de faire cela aussi rapidement que possible. Dans ce genre de cas, nous utiliserions l’approche traditionnelle en réglementation, c’est-à-dire que nous utiliserions les Parties I et II de la Gazette du Canada pour adopter une nouvelle réglementation.
Cependant, une fois que les dispositions réglementaires sont en place, si elles suivent une norme internationale — une norme internationale est intégrée dans la réglementation —, alors l’amendement proposé aujourd’hui nous servirait d’outil à mesure que la technologie évolue, puisque ces normes vont continuer d’évoluer pour que le régime réglementaire continue d’être en harmonie avec les normes qui ont changé.
J’inviterais M. Hynes à ajouter d’autres commentaires sur l’état actuel du programme réglementaire en ce qui concerne les véhicules connectés et automatisés.
M. Hynes : Merci beaucoup, madame Vanstone. Je pense que c’est une réponse très complète. Nous déployons énormément d’efforts dans plusieurs dossiers en particulier sur la scène internationale, par exemple dans le cadre du groupe de travail « article 29 » des Nations unies, où nous discutons, entre autres, de l’établissement des normes pour les systèmes avancés d’aide à la conduite, comme le système de freinage. Comme Mme Vanstone l’a dit, c’est le genre de dossiers qui font partie de notre programme réglementaire. Nous travaillons pour atteindre ces objectifs. Comme vous le savez, notre environnement est dynamique, et c’est toujours un défi de trouver le moment opportun pour introduire une réglementation quand les choses évoluent rapidement. Comme l’a dit Mme Vanstone, nous allons mettre en place des cadres réglementaires dans lesquels nous aurons idéalement plus de flexibilité, grâce au pouvoir proposé, pour continuer de suivre l’évolution de la technologie.
[Français]
Le sénateur Cormier : Je vais poser mes questions en français. Vous m’excuserez, chers témoins, si mes questions semblent simplistes, mais j’ai besoin de comprendre d’abord.
Voici ma question avec des sous-questions. Qu’est-ce qu’un arrêté provisoire? Quelle est la procédure par laquelle le ministre peut en adopter un? Pourquoi ne pas faire une mise à jour en bonne et due forme plutôt que de procéder à un arrêté provisoire? Comment, exactement, l’arrêté sera-t-il rendu public? Pouvez-vous nous donner des exemples de circonstances exceptionnelles en raison desquelles la publication serait jugée inappropriée? Le secteur des transports a-t-il été consulté? Pourquoi le ministre serait-il habilité à ne pas révéler certaines informations? Quand j’examine l’article 8 de la partie 10 du projet de loi sur l’arrêté non publié, je me demande par quel moyen le contrevenant va prendre connaissance de l’arrêté s’il n’est pas publié dans la Gazette.
En fait, mes questions semblent assez primaires, mais c’est pour bien comprendre pourquoi, dans la modernisation des règlements — cela touche jusqu’à 34 règlements de Transports Canada — ce qui est proposé n’est pas le processus habituel, mais plutôt une mesure qui fait que le ministre peut, de façon presque confidentielle, prendre des décisions sans que le public en soit informé. Merci de m’en informer afin que je comprenne bien l’objectif de ce projet de loi.
[Traduction]
Mme Vanstone : Je vais commencer par répondre à vos questions.
D’abord, en ce qui concerne le processus, il est effectivement prévu dans le projet de loi que le ministre doit consulter toutes les parties qui, selon lui, devraient être consultées avant d’adopter un arrêté provisoire. On s’attend bien sûr à ce que le ministre fasse cela de façon très ouverte, pour ce qui est de l’adoption d’un arrêté provisoire, et que cet arrêté sera publié. Je crois cependant qu’il y a une disposition dans la loi qui donne une certaine marge de manœuvre si, pour une raison ou une autre, dans les circonstances très exceptionnelles, cela irait contre l’intérêt du public de publier l’arrêté. Mais on s’attend tout à fait à ce que le ministre s’acquitte de son devoir de consultation et publie l’arrêté provisoire, pour être complètement transparent.
Pour donner suite à ma réponse, peut-être que mon collègue, M. Hynes, pourrait vous fournir plus de détails sur le libellé et sur les raisons qui expliquent cela.
Pour revenir à notre question sur le but de tout cela et la raison pour laquelle nous ne pouvons pas simplement nous fier au processus réglementaire, les intervenants nous ont dit très clairement, lors de nos discussions, qu’il arrive que le processus réglementaire soit trop lent. Cela prend quelques années pour le processus réglementaire, de l’élaboration à la proposition, à la publication d’abord dans la Partie I de la Gazette du Canada, puis dans la Partie II de la Gazette du Canada.
Pour ce qui est des normes internationales, il y a certains cas où on les élabore dans le cadre de forums internationaux, où il y a une forte mobilisation des intervenants de l’industrie. Le Canada est présent aux discussions visant à établir un consensus sur les normes. Les parties prenantes ne veulent pas que le Canada soit le dernier pays à adopter les normes. Les intervenants veulent que nous adoptions ces normes, en partie parce que cela favorise le commerce. Si le Canada a du retard, peut-être que les membres de l’industrie auront des normes différentes de leurs concurrents dans d’autres pays. Il y a aussi parfois des obligations en matière de santé et de sécurité qui sont liées à l’adoption en temps opportun de normes.
Le but est de donner au ministre un autre outil — quand c’est approprié — quand il y a une norme digne de foi et qu’il y a un consensus solide — pour qu’il puisse mettre en place la norme de façon provisoire, le temps du processus réglementaire. Le but est d’aider à la mise en place provisoire de la norme, mais pour qu’elle soit adoptée de façon permanente, il faudra toujours passer par le processus réglementaire traditionnel.
J’espère que cela explique un peu mieux à quoi cela sert. Ce n’est pas censé être utilisé dans des situations où une norme internationale coûterait très cher aux entreprises, où il n’y a pas énormément de soutien ou lorsqu’il y a un besoin évident de réaliser une analyse coûts-bénéfices plus détaillée sur une disposition. Dans ce genre de cas, il serait attendu de nous que nous continuions d’utiliser le processus réglementaire traditionnel; c’est donc vraiment prévu pour les normes dignes de foi que le Canada respecte habituellement.
Pour vous donner deux ou trois exemples concrets, dans le domaine du transport des marchandises dangereuses, nous avons actuellement un cycle récurrent de deux ans où Transports Canada harmonise la réglementation sur le transport des marchandises dangereuses avec les normes et les codes internationaux tels que les recommandations relatives au transport des marchandises dangereuses — Règlement type des Nations unies. Ce pouvoir pourrait servir à accélérer cette harmonisation. Dans le contexte actuel, il faut parfois jusqu’à cinq ans pour que le Canada rattrape le dernier cycle, à cause des retards qui surviennent parfois dans le processus réglementaire.
Un autre exemple serait que nous pourrions utiliser ce pouvoir pour modifier temporairement le Règlement sur la sécurité de la navigation et la prévention de la pollution dans l’Arctique pour nous assurer que le Canada respecte les délais de mise en œuvre des amendements à la Convention de l’Organisation maritime internationale. Encore une fois, on court certainement le risque de voir souffrir la réputation du Canada si nous tardons à mettre en œuvre certaines de ces obligations internationales essentielles.
Je vais m’arrêter là. Je vais céder la parole à mon collègue, M. Hynes, et il pourra vous fournir plus de détails sur les dispositions de la loi et les raisons pour lesquelles elles prévoient, dans certaines circonstances, des exceptions en ce qui concerne les publications du ministre.
M. Hynes : Merci, madame Vanstone. J’ajouterais à cette réponse que la proposition a été rédigée pour refléter le libellé des autres lois modernes et modernisées, dans lesquelles les exigences de publication ne passent pas seulement par la Gazette du Canada. Le but est de hausser le niveau de communication, disons, et de publication en utilisant d’autres moyens qui pourraient s’avérer plus efficaces.
Pour répondre à la question — évidemment une excellente question — sur les restrictions éventuelles de publication, plusieurs lois de Transports Canada contiennent une obligation de sécurité. Dans certains cas, lorsqu’il y a des exigences en matière de sécurité, des restrictions s’appliquent à la publication de ces exigences, mais tous les intervenants qui sont tenus de respecter ces exigences seront consultés. C’est une obligation absolue que toutes les personnes qui sont tenues de respecter les mesures ou la réglementation en matière de sécurité sont consultées et ont l’occasion de formuler des commentaires ou d’orienter l’élaboration des exigences.
Il y a un seuil très élevé. Le but de la disposition est vraiment uniquement de cibler ces circonstances limitées particulières où, pour des raisons de sécurité, la publication n’est pas rendue publique ou, dans certains cas, est explicitement interdite. Nous voulons que la disposition relative à la proposition soit aussi efficace que possible, en lui donnant la plus grande latitude possible. J’espère que cela répond à votre question.
[Français]
La vice-présidente : Merci pour vos réponses complètes et claires.
La sénatrice Gerba : Normalement, ma question devrait s’adresser aux fonctionnaires de Transports Canada, mais je pense que M. van Raalte peut y répondre. J’aimerais simplement savoir quels sont les gains d’efficacité que Transports Canada espère obtenir grâce à cette législation.
[Traduction]
Mme Vanstone : Je peux vous parler des gains d’efficacité que nous espérons obtenir, dans le secteur des transports. Nous espérons obtenir des gains d’efficacité pour les entités et les entreprises réglementées du secteur des transports, car elles nous ont expliqué que, quand il y a un décalage entre le régime canadien et les principales normes internationales dignes de confiance qui ont été adoptées par d’autres pays, cela entraîne des pertes d’efficacité dans leurs activités commerciales, parce qu’elles doivent d’abord respecter un ensemble de normes au Canada, puis un deuxième ensemble de normes pour les exportations. Par exemple, l’entreprise peut être exploitée dans un contexte international, où elle doit respecter les normes internationales pour une part de ces activités, tout en respectant d’autres normes au Canada. Donc, ce manque d’harmonie entraîne effectivement des pertes d’efficacité pour ces entreprises et peut avoir des conséquences du point de vue des exportations et des échanges commerciaux ainsi que du point de vue de l’innovation.
Pour ce qui est des gains d’efficacité internes, nous ne cherchons pas nécessairement à obtenir des gains d’efficacité internes au ministère. Le but est de soutenir les entités réglementées, et le ministère va respecter le processus pour soutenir le ministre durant l’arrêté provisoire, et après nous allons suivre un processus réglementaire similaire à celui qu’on suivrait habituellement.
J’espère que j’ai pu vous dire ce que vous vouliez savoir. Peut-être que mon collègue, M. van Raalte du Conseil du Trésor pourra vous donner un peu plus d’information générale sur les gains d’efficacité qu’on espère obtenir grâce à ce projet de loi.
M. van Raalte : Nous avons témoigné devant d’autres comités permanents durant la dernière semaine et demie, mais de façon générale, je dirais que l’ensemble des modifications dans le projet de loi S-6 ont pour but de créer des gains d’efficacité en réduisant le fardeau administratif des entreprises. Il y a des exigences, des transactions ou des rapports qui sont devenus inutiles au fil du temps, parce qu’ils ont été remplacés par d’autres moyens. Les modifications ont pour but de possiblement faciliter les interactions numériques avec le gouvernement.
Est-ce que nous pouvons améliorer la prestation de services numériques pour les entreprises? Nous avons besoin des pouvoirs pertinents pour ce genre d’interaction. Ce n’est pas dans ce projet de loi, mais vous serez peut-être surpris d’apprendre qu’il y a certains textes de loi où il est écrit, vraiment, que vous devez envoyer un document au gouvernement par télécopieur. Combien de gens ont encore un télécopieur à notre époque? Voilà donc un exemple simple et facile, mais cela existe encore. Nous en trouvons encore, et nous essayons de les retirer du système.
C’est peut-être une occasion de faciliter, grâce aux lois et à la réglementation, l’entrée de nouveaux produits sur le marché. Les efforts de modernisation offrent des possibilités de mettre de côté la réglementation existante et d’élaborer une réglementation temporaire, disons dans le contexte d’un cadre stratégique sur l’innovation, pour la mise à l’essai d’un nouveau produit. Nous voulons élaborer toutes les bonnes règles et nous assurer que les choses sont équitables pour tous les intervenants. Encore une fois, cela offre des occasions d’obtenir des gains d’efficacité et de soutenir ces marchés émergents et ainsi rendre le Canada plus compétitif.
Enfin, le but est aussi de faciliter le commerce transfrontalier, par l’intermédiaire de règles plus uniformes et plus cohérentes. Encore une fois, nous avons parlé aux autres comités de ce genre d’occasions, en particulier dans la Loi sur les douanes, pour ce qui est d’améliorer la mise en œuvre des accords de libre-échange, quand ils entrent en vigueur.
Le sénateur Quinn : Je suis heureux de l’entendre. Je pense que c’est génial. J’ai travaillé dans ce système un certain temps, et cela prenait toujours trop de temps pour moderniser les changements, le processus réglementaire et tout le reste.
C’est une initiative exceptionnelle, importante pour l’économie et pour l’environnement. Vous avez mentionné la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques. On doit le faire, et on doit le faire efficacement. Comment pouvons-nous nous assurer que nous pouvons réagir aux changements qui vont continuer de survenir, et ce, encore plus rapidement dans l’avenir?
Quand pouvons-nous nous assurer d’être réactif?
Mme Vanstone : C’est une excellente question. Bien sûr, il s’agit d’un outil censé améliorer la réactivité du système. Dès qu’une norme est achevée et qu’il y a un consensus robuste à son sujet, le ministre peut dire qu’elle satisfait au critère de l’intérêt public pour le Canada.
Pour ce qui est des autres activités, en ce qui concerne Transports Canada, nous voulons nous assurer que nous participons activement et efficacement à un certain nombre de tribunes internationales où sont élaborées les normes techniques. Comme je l’ai dit plus tôt, mon rôle à Transports Canada est plus ou moins axé sur la sécurité routière. Nous participons de façon très active, au sein de la Commission économique des Nations unies pour l’Europe, à l’élaboration de normes techniques. Nos homologues à Transports Canada participent à des tribunes internationales similaires, où on élabore continuellement des normes internationales.
Une pièce importante du casse-tête est que, si nous voulons que le Canada ait confiance en ces normes, nous devons participer aux discussions et apporter notre expertise pour avoir notre mot à dire dans l’élaboration des normes.
Le sénateur Quinn : Je vais y revenir dans un petit moment. Oui, c’est extrêmement important d’avoir toutes les bonnes initiatives et que nos experts participent à ces discussions internationales, mais de quoi les ministères auraient-ils besoin afin d’avoir la souplesse requise pour adopter ce que nous avons convenu de mettre en place, avec tous les experts internationaux? Sincèrement, quand les experts reviennent au Canada, ils nous disent : voici ce qui doit changer pour que nous puissions rester compétitifs.
De quoi les ministères ont-ils besoin pour avoir cette agilité?
Mme Vanstone : Je pense que nous examinons divers moyens de garantir que nous sommes agiles. Nous faisons un excellent travail au moment de consulter les intervenants de l’industrie pendant le processus d’élaboration, afin qu’ils soient très au courant de ce qui se passe. Cela nous aide à nous assurer que nous anticipons et que nous traitons tous les problèmes qui pourraient survenir durant le processus d’élaboration des normes, et je crois que cela contribue à l’agilité.
Nous surveillons constamment nos capacités internes pour que nous puissions participer à ce genre de choses. Notre ministère et les autres travaillent en étroite collaboration pour trouver des idées afin que nous puissions poursuivre la modernisation, en tant qu’organismes de réglementation. Cela peut comprendre certaines choses que nous pouvions faire avec le processus réglementaire, relativement à la technologie, à l’utilisation de meilleurs outils numériques ou à la façon dont nous suivons le processus réglementaire. Vous avez posé une excellente question.
La vice-présidente : Monsieur van Raalte, vous avez levé la main. Donc, rapidement, comment pouvons-nous faire mieux?
M. van Raalte : De façon plus générale, madame la présidente et mesdames et messieurs les sénateurs, il faut aussi réfléchir à la façon dont les cadres législatifs et les cadres réglementaires sont conçus.
On parle souvent de la pérennité des lois et des règlements; il ne faut pas seulement régler les problèmes d’hier; il faut aussi prévoir les problèmes futurs. Les gens disent : « Il faut concevoir en fonction des résultats, et pas de la production », c’est-à-dire que la conception doit s’attacher non pas à la façon dont nous allons faire les choses, mais plutôt à ce qu’on veut accomplir, et ainsi fournir davantage de flexibilité aux ministères pour qu’ils puissent travailler avec les intervenants sur la façon d’obtenir les résultats souhaités, en les consultant pour leur demander « comment procéder ».
Ma réponse est un peu philosophique, mais c’est notre but commun, de ne pas nous contraindre parce que nous avons fait des règlements excessivement détaillés, en utilisant des mots comme « télécopieurs ». C’est ce qui se faisait dans les années 1980, et c’était une pratique terrible. J’en ris aujourd’hui, mais nous devons nous assurer de ne pas refaire l’erreur afin que nous ayons une marge de manœuvre pour répondre aux besoins et aux normes internationales, peu importe la forme que cela pourrait prendre, et les adopter.
[Français]
La vice-présidente : Merci.
[Traduction]
La sénatrice Simons : Mes deux questions sont assez simples, alors je vais essayer de les poser rapidement. Cette modification législative est censée toucher aux arrêtés provisoires, mais après lecture du projet de loi, on constate qu’il est écrit que la durée maximale d’un arrêté provisoire est de trois ans.
Quelles garanties ou quelles certitudes avons-nous qu’il n’y a aura pas d’abus, que les arrêtés provisoires ne seront pas utilisés pour dissimuler pendant longtemps des problèmes plus importants? Trois ans, cela ne me semble pas provisoire.
Mon autre préoccupation rejoint la question du sénateur Cormier. S’il y a des arrêtés provisoires secrets pour des raisons de sécurité nationale, va-t-il y avoir une surveillance du Parlement ou quelque chose comme le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement fait pour le SCRS? Je suis mal à l’aise à l’idée que des arrêtés provisoires secrets pourraient être appliqués pendant trois ans ou plus.
Mme Vanstone : Merci de la question. En ce qui concerne la durée de trois ans qui est prévue pour l’arrêté provisoire, c’est pour qu’il y ait suffisamment de temps pour tout le processus réglementaire, afin que l’arrêté provisoire soit intégré à la réglementation de façon permanente.
Si vous regardez le temps qu’exige tout le processus de mise en place d’un règlement, il faut souvent deux à trois ans, parce qu’il y a d’abord l’analyse réglementaire, la Partie I de la Gazette du Canada, la période de commentaires, la Partie II de la Gazette du Canada, puis la publication définitive. C’est donc conçu dans le but d’éviter que l’arrêté provisoire n’arrive à échéance. L’idée est de mettre en place la réglementation. Vous avez un délai de trois ans pour changer la réglementation. Entre-temps, les entreprises pourront tirer parti immédiatement de l’adoption de la norme.
La sénatrice Simons : Croyez-vous qu’il arrivera qu’un arrêté devra être renouvelé? Est-ce que ce projet de loi laisse la possibilité de reconduire un arrêté provisoire pour une deuxième période?
Mme Vanstone : Le projet de loi ne prévoit pas de pouvoir de reconduction. Dans l’éventualité où l’arrêté arrive à échéance après trois ans, alors essentiellement, l’arrêté prend fin, et même si le même type d’arrêté pouvait être mis en place pour une autre période de trois ans, il faudrait passer par le même processus de consultation et de publication. Ce serait pour ainsi dire un nouvel arrêté.
Donc, pas de pouvoir de reconduction, et c’est tout à fait délibéré, parce que le but ici est surtout de donner aux entreprises une unique période limitée où elles pourront tirer parti de la mise à jour de la réglementation ou au Canada pour qu’il puisse tirer parti de l’harmonisation avec une obligation internationale, le temps que le processus réglementaire soit achevé.
Pour ce qui est de la surveillance, encore une fois, nous croyons, au début, que ce sera des situations très exceptionnelles où il faudra tenir compte d’aspects sécuritaires. Le projet de loi concerne non pas la création d’un règlement, mais l’adoption d’une norme ou d’une ordonnance internationale dans le cadre de la réglementation. Dans cette optique, l’objet dont il est question, dans le cadre du projet de loi, est plutôt restreint.
Au sujet de la surveillance parlementaire, je vais m’arrêter ici et demander à mon collègue, M. Hynes, s’il a quoi que ce soit à ajouter sur cette question en particulier.
M. Hynes : Merci beaucoup de la question. Il y a juste un point que j’aimerais souligner, avant de parler des détails. Ce n’est pas parce que quelque chose touche la sécurité que ce serait nécessairement secret, selon la façon dont on l’entend. L’obligation de Transports Canada en matière de sécurité devrait tout de même suivre le processus habituel de réglementation, relativement à la consultation.
Tous les intervenants concernés par les dispositions législatives seraient consultés et auraient accès à la proposition. Il y aurait seulement certaines restrictions liées à la portée de la consultation et à la portée de ce qui serait publié et du contenu divulgué. Cela dépendrait du régime législatif encadrant l’exercice du pouvoir.
Comme ma collègue, Mme Vanstone, l’a dit dans sa déclaration préliminaire, le pouvoir en question est inscrit dans la Loi sur les transports au Canada. Nous avons essayé de rationaliser un grand nombre de nos objectifs et de nos propositions en matière de modernisation, et en faisant les choses ainsi, tous les programmes auront accès à ce pouvoir, mais s’ils l’exercent, les exigences qui seront mises en place devront refléter la loi particulière qui s’applique. Par exemple, si on parle d’aéronautique, ce serait la Loi sur l’aéronautique. Si on parle de sécurité maritime, ce serait la Loi sur la sûreté du transport maritime, et ces lois ont des exigences en matière de surveillance, de divulgation et d’examen.
Les exigences de cette nature ne se trouvent pas dans cette série d’amendements; elles se trouvent plutôt dans les lois respectives qui régissent la teneur des arrêtés en question. J’espère que cela répond à votre question.
[Français]
La vice-présidente : Oui, merci beaucoup.
[Traduction]
La sénatrice Clement : Merci aux témoins. Ce projet de loi a été décrit comme éliminant les irritants législatifs. Je crois que ce que je veux savoir, c’est comment nous en sommes arrivés à cette version en particulier.
Ma question s’adresse à M. van Raalte. Vous avez parlé du rapport Ce que nous avons entendu, alors j’imagine que cela concerne ce que les intervenants vous ont dit, et vous avez dit qu’ils demandaient plus de flexibilité et une plus grande capacité d’expérimentation. J’aimerais que vous nous fournissiez un peu plus de détails à ce sujet et que vous m’aidiez à situer un peu mieux le contexte, pour que je puisse comprendre comment nous en sommes arrivés à cette version.
M. van Raalte : Merci de la question.
La sénatrice Clement : Et j’ai aussi un télécopieur, monsieur van Raalte, alors allez-y doucement. N’allez pas trop vite.
M. van Raalte : Félicitations. Au sujet des commentaires qui ont servi à l’élaboration du projet de loi S-6, comme je l’ai mentionné, en survol, dans ma déclaration préliminaire, il y avait deux volets de participation. Le Secrétariat du Conseil du Trésor, au nom de tous les ministères et organismes, a dirigé un processus de consultation public, via la Gazette du Canada durant l’été 2019 sur la modernisation de la réglementation, de façon générale, ainsi que sur certains thèmes concernant la coopération réglementaire avec les autres administrations. Nous avons examiné certains problèmes en matière de concurrence, et l’un des thèmes était les irritants législatifs qui ont des conséquences défavorables en aval sur la réglementation.
Le rapport Ce que nous avons entendu — et je serai heureux d’envoyer le lien à votre comité pour que vous puissiez le consulter vous-même — résume les différents enjeux qui ont été abordés dans le cadre des divers thèmes de consultation, y compris, je le redis, ce qu’il y a dans le projet de loi. C’était une consultation axée sur le public, pour que les intervenants nous disent quels étaient leurs irritants.
Les ministères et les organismes ont une relation très profonde avec les intervenants et les électeurs; ceux-ci savent mieux que quiconque quels sont leurs problèmes, et ils savent aussi ce qui fonctionne pour eux et ce qui ne fonctionne pas relativement à la modernisation de la réglementation.
En ce qui concerne l’autre volet, nous avons envoyé des lettres de convocation aux ministères et aux organismes vers la fin de l’été, pendant le processus de consultation, pour leur dire : « Dites-nous quels sont les enjeux qui devraient être pris en considération dans cet ensemble de mesures législatives. »
Un volet particulier, et connexe, tient aussi au fait que, encore une fois, le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada est aussi responsable de ce qu’on appelle des « examens ciblés de la réglementation ». Ce sont des initiatives qui sont menées auprès des ministères et des organismes pour examiner leurs ensembles de règlements en vigueur, leurs processus réglementaires et aussi pour examiner de nouvelles pratiques qui pourraient être utilisées — j’évite le mot « novatrices », parce que c’est surutilisé — ou on leur demande s’il y a quoi que ce soit de nouveau qu’ils voudraient essayer par rapport à la modernisation de la réglementation.
Nous avons tenu deux séries de ces examens réglementaires. Cela a aussi compris une énorme consultation des intervenants. D’ailleurs, cette modification en particulier dans le projet de loi S-6 vient de ce processus d’examen réglementaire. Encore une fois, je serai heureux d’envoyer les liens au comité pour que vous puissiez consulter les feuilles de route qui ont été publiées lors des première et deuxième séries de nos examens réglementaires.
[Français]
La vice-présidente : Ce qui m’étonne, depuis le début de cette conversation, c’est que c’est comme si on mettait un pansement sur une blessure immense, la blessure immense étant notre système de réglementation qui est tellement lent qu’il faut qu’on le contourne pour arriver à fonctionner.
La question un peu évidente c’est : il faudrait peut-être améliorer notre système de réglementation? Je ne veux pas être simpliste, mais il y a probablement des façons de l’améliorer pour qu’il soit plus court et qu’on n’ait pas à faire des arrêtés qui permettent de faire le changement avant d’avoir le processus pour savoir si le changement a du bon sens. D’autant plus que, depuis le début de la conversation, vous nous parlez de consultations auprès du monde des affaires, auprès de ceux qui font les automobiles, ceux qui font le transport, mais on dirait qu’on ne fait pas de consultation auprès d’autres personnes, même s’il peut y avoir des questions de santé, de sécurité et tout.
Je trouve qu’il y a beaucoup de paradoxes dans tout cela. Je ne sais pas si quelqu’un veut essayer de répondre.
[Traduction]
M. van Raalte : Merci, madame la présidente. Cette question est probablement pour moi, puisqu’on parle du système en général. Le cycle d’élaboration de la réglementation est régi par la Directive du Cabinet sur la réglementation. Encore une fois, je serai heureux d’envoyer le lien au comité. La directive du Cabinet s’appuie sur les principes de gestion de la réglementation proposés par l’OCDE.
Le but du cycle d’élaboration de la réglementation est de veiller à la qualité de la participation des intervenants ainsi qu’à la qualité de l’analyse réglementaire, en ce qui concerne les conséquences de la réglementation sur les intervenants, sur le public, sur la santé et la sécurité, et cetera.
Cela comprend l’analyse de rentabilité. On regarde tout cela, entre autres, au travers de la lentille des petites entreprises. Cela comprend une analyse comparative entre les sexes plus, puis on revient sur ce que nous venons de faire : après les consultations officielles, peut-être qu’il y aura des petites modifications à apporter au projet de règlement qui a été publié, pour la mise en œuvre et pour l’entrée en vigueur. Ce processus prend généralement entre 18 et 24 mois.
Quand un problème est très complexe, lorsqu’il n’y a aucune solution miracle et que les intervenants ont des opinions différentes quant à la solution, quand on essaie d’obtenir un consensus ou de trouver la bonne solution en tenant compte de l’intérêt du public, cela peut allonger le processus.
Une analyse complexe doit être faite dans le cadre de l’analyse d’impact de la réglementation; il faut qu’elle soit publiée, et elle peut être contestée par l’industrie ou par quiconque croit que l’analyse est erronée, mais ce ne sera pas un fardeau pour le processus. Ce sera davantage un fardeau pour nous, et nous voulons pouvoir en discuter. Tout cela fait partie du processus démocratique prescrit dans la Directive du Cabinet sur la réglementation, pour l’élaboration de toute nouvelle réglementation.
Cela peut-il être rationalisé? Cela arrive de temps en temps. Il y a une permission pour recevoir une exemption de publication de la Partie I de la Gazette du Canada. Cela arrive quand nous croyons que le consensus est si fort parmi les intervenants que ce ne serait pas utile de faire une publication, et cela permet de faire bouger les choses plus rapidement ou alors c’est que l’enjeu est si important que nous allons devoir régler cela pour les intervenants, mais nous devons faire cela à toute vitesse, parce qu’il est dans l’intérêt du public de mettre en œuvre la réglementation et que cela l’emporte sur la consultation avec les intervenants.
Malgré tout, le Conseil du Trésor, à titre de comité du Cabinet, a un rôle de surveillance à jouer dans le cadre du processus d’élaboration de la réglementation pour veiller à ce que les intervenants soient consultés, à ce qu’il y ait une participation appropriée et pour veiller à la rigueur de l’analyse sur les conséquences de la réglementation. Ensuite, il faut aussi que nous nous assurions que nous avons entendu les commentaires et tenté de régler les problèmes quand les intervenants voient le projet de règlement final, puis nous devons examiner ce que cela suppose sur le terrain, et faire le suivi.
[Français]
La vice-présidente : Merci d’avoir répondu à ma question.
On a une deuxième ronde. Je vous demanderais de répondre un peu plus brièvement. Sénateur Dawson, soyez bref.
Le sénateur Dawson : Vous avez parlé de consultation internationale auprès des Américains, mais parmi les sujets qui nous préoccupaient dans l’étude sur les véhicules, les routes sont de responsabilité provinciale et les automobiles sont de responsabilité nationale. Quelles sont vos relations, quelle est votre collaboration avec les provinces pour ce qui est de la réglementation qui peut concerner l’utilisation de certaines parties d’une auto intelligente? De quelle façon cela s’applique-t-il, province par province?
[Traduction]
Mme Vanstone : Merci beaucoup de la question. À dire vrai, nous travaillons en très étroite collaboration avec nos homologues provinciaux et territoriaux pour développer l’infrastructure nécessaire aux véhicules connectés et automatisés.
Pour ce qui est de mettre ces technologies à l’épreuve, avec les nouvelles technologies émergentes, il est important que nous travaillions en très étroite collaboration pour veiller à ce que les exigences, tant provinciales que fédérales, soient respectées en ce qui concerne l’innovation, la recherche et la mise à l’essai des nouvelles technologies; c’est important que nous travaillions de façon continue en étroite coopération sur les technologies automobiles et sur la sécurité routière.
Il y a beaucoup de ces aspects qui vont main dans la main. Les nouvelles technologies de véhicule ont un potentiel énorme pour ce qui est de réduire les accidents mortels chez les usagers vulnérables de la route, et la collaboration est donc une partie essentielle de notre programme.
Le sénateur Quinn : Je veux remercier les gens qui sont avec nous ce soir et vous applaudir, parce que vous avez pris des mesures pour faire les choses de façon plus efficace, mais j’aimerais qu’on revienne sur les leçons que nous pouvons retenir, sur le thème de l’agilité, rapidement.
Nous avons essayé différentes initiatives, dans le passé. Il y a eu le plan d’action Par-delà la frontière, il y a environ 12 ans. Le but était d’obtenir des gains d’efficacité dans l’exploitation de tous les modes de transport entre les États-Unis et le Canada, mais je ne sais pas ce que cela a donné.
Mais je sais que l’un des aspects de l’élaboration de la réglementation, ce sont les processus internes du gouvernement, les processus interministériels, le va-et-vient entre les organismes centraux. C’est un processus qui prend énormément de temps. Comment pouvons-nous le rationaliser?
M. van Raalte : Merci de la question. Je ferai de mon mieux pour répondre, madame Vanstone.
Les problèmes complexes mènent à des discussions complexes. Plus le ministère responsable peut faire le travail en amont, c’est-à-dire l’analyse, la coordination de l’harmonisation dans les discussions avec les partenaires internationaux et nationaux — et provinciaux et territoriaux — et cerner les points de friction entre sa réglementation et les pouvoirs et mandats des autres ministères et organismes, plus les choses pourront bouger rapidement. Ce qu’on va constater, par rapport au cycle d’élaboration de la réglementation, c’est que plus on peut investir en amont pour le travail préalable d’élaboration des politiques qui éclairent l’élaboration de la réglementation — ce qu’on appelle les consultations préliminaires ou préalables —, plus il est probable que cet ensemble de mesures réglementaires cheminent rapidement dans le système, parce qu’il n’y aura essentiellement aucune surprise.
Mais nous vivons dans un monde complexe, et je ne peux pas vous garantir, monsieur le sénateur, que cela arrive tout le temps comme cela. C’est une pratique exemplaire, et nous essayons d’encourager cela autant que possible. Aussi, il y a une fonction de contestation qui est nécessaire. Le système doit faire en sorte que tout soit en harmonie, pour éviter les petits irritants qui finissent par survenir dans les lois et les règlements et pour éviter d’avoir une réglementation où soudainement, quelqu’un de très important sort de nulle part pour dire « Une minute ». C’est le genre de choses qui retardent vraiment le processus.
Plus on peut faire de choses en amont, pour éliminer toutes les surprises, plus les choses — idéalement — peuvent bouger rapidement dans le processus réglementaire. Encore une fois, c’est une réponse un peu plus théorique, monsieur le sénateur, mais c’est une pratique exemplaire que nous avons observée.
Le sénateur Quinn : Merci. Je comprends que c’est théorique.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Merci. En effet, cela nous donne un peu d’espoir, cette réponse sur les possibilités d’amélioration.
Le sénateur Cormier : Rapidement, je vous ramène à la question de la transparence. Ma question va dans le sens suivant : comment être plus efficace tout en demeurant le plus transparent possible? Les législateurs comme nous sont nerveux lorsqu’il y a une impression de manque de transparence. Dans le nouveau paragraphe 49.1 proposé par le projet de loi, on dit ce qui suit :
La Loi sur les textes réglementaires ne s’applique pas à l’arrêté provisoire. Toutefois, cet arrêté doit être accessible au public, sauf si le ministre estime que sa publication est inappropriée en raison de circonstances exceptionnelles, notamment si elle compromet la sécurité publique.
Vous avez parlé de questions de sécurité, par exemple. Ma question n’est pas relative au nombre, mais combien de fois ce type de circonstances exceptionnelles sont-elles invoquées pour empêcher la publication d’un arrêté? Est-ce que c’est un procédé qu’on utilise fréquemment? J’aimerais vous entendre davantage là-dessus.
[Traduction]
Mme Vanstone : Merci de la question.
Il s’agit d’un nouveau pouvoir que nous voulons mettre en œuvre. Nous nous attendons à ce qu’il soit utilisé périodiquement, mais pas nécessairement fréquemment. On peut difficilement quantifier actuellement combien de cas il pourrait y avoir, dans un contexte relatif à la sécurité. Je crois que si beaucoup d’intervenants demandent cela, c’est surtout dans un contexte économique, par exemple pour les normes internationales concernant la technologie ou, comme je l’ai mentionné, les obligations internationales comme l’obligation relative à la navigation dans l’Arctique ou la Loi sur le transport des marchandises dangereuses.
Habituellement, les intervenants des secteurs qui demandent cela ne le font pas relativement à la sécurité. Étant donné que le projet de loi est rédigé de façon à s’appliquer à un grand nombre de textes législatifs, il est rédigé de manière à tenir compte de cette possibilité, mais nous nous attendons à ce que ce soit très exceptionnel.
Nous ne nous attendons certainement pas à ce que ce soit utilisé chaque fois lorsqu’il y a une norme ou une obligation internationale. Il va vraiment falloir que le critère de l’intérêt public soit respecté et qu’il y ait un fort consensus au sujet de la norme pour que le ministre décide d’utiliser un arrêté réglementaire plutôt que le processus réglementaire habituel, qui va bien sûr continuer de s’appliquer de toute façon.
[Français]
La sénatrice Gerba : Je reviens sur la préoccupation soulevée par la présidente, concernant le fait qu’on cherche à trouver des solutions temporaires aux problèmes permanents. Je pose la question à M. van Raalte. Pensez-vous qu’en donnant au ministre des Transports le pouvoir d’émettre des arrêtés d’urgence, vous serez en mesure de répondre plus rapidement aux préoccupations de l’industrie du transport?
[Traduction]
M. van Raalte : Merci de la question.
Le but est d’atteindre le juste équilibre entre, d’une part, une analyse rigoureuse et une harmonisation rigoureuse de l’ensemble du système, pour éviter d’empiéter sur les pouvoirs des autres ministères ou des autres ministres, pour éviter d’empiéter sur les compétences d’autres administrations, et, d’autre part, avoir la flexibilité nécessaire pour réagir lorsqu’il y a un consensus international sur la publication d’une norme internationale.
Avec cette modification particulière de la Loi sur les transports au Canada, on cherche à atteindre cet équilibre. On reconnaît qu’il est nécessaire de respecter la Directive du Cabinet sur la réglementation, mais aussi de donner des pouvoirs provisoires au ministre pour qu’il puisse être agile et réagir aux changements venant — comme ma collègue de Transports Canada l’a dit — d’organismes de normalisation internationaux, crédibles et dignes de foi. Ce pouvoir provisoire n’est pas censé être utilisé lorsque quelqu’un dans un autre pays publie une idée géniale. Le processus des organismes de normalisation internationaux est quelque chose que nous comprenons et à quoi nous faisons confiance. Le Canada participe d’ailleurs à beaucoup de ces organismes de normalisation.
Encore une fois, cette modification nous permet d’atteindre cet équilibre et donne cette agilité au ministre des Transports.
La vice-présidente : Merci beaucoup aux témoins de toutes vos réponses et de votre patience.
(La séance se poursuit à huis clos.)