LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES TRANSPORTS ET DES COMMUNICATIONS
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mardi 26 novembre 2024
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd’hui, à 9 h 1 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier toute question concernant les transports et les communications en général.
La sénatrice Julie Miville-Dechêne (vice-présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La vice-présidente : Bonjour, honorables sénatrices et sénateurs. Je m’appelle Julie Miville-Dechêne, je suis une sénatrice du Québec et je suis vice-présidente de ce comité.
J’invite mes collègues à faire attention à leur oreillette et à respecter les règles pour que nos collègues les interprètes soient bien protégés.
[Traduction]
J’invite maintenant mes collègues à se présenter.
[Français]
La sénatrice Simons : Bonjour. Je m’appelle Paula Simons et je viens de l’Alberta.
[Traduction]
Je viens du territoire visé par le Traité no 6.
Le sénateur Cuzner : Rodger Cuzner, sénateur de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Quinn : Jim Quinn, du Nouveau-Brunswick.
[Français]
La sénatrice Clement : Bernadette Clement, de l’Ontario.
[Traduction]
La sénatrice Dasko : Donna Dasko, sénatrice de l’Ontario.
[Français]
La vice-présidente : Merci.
[Traduction]
Ce matin, nous poursuivons notre étude des services locaux et régionaux offerts par CBC/Radio-Canada dans le Nord canadien.
Au nom du comité, je suis heureuse d’accueillir ce matin les témoins suivants : Manitok Thompson, directrice générale, et Karen Prentice, directrice du contenu et des communications, de l’Inuit Broadcasting Corporation; Corey Larocque, directeur-rédacteur en chef, de Nunatsiaq News et, par vidéoconférence, Tamara Voudrach, directrice générale, de l’Inuvialuit Communications Society.
Nous entendrons d’abord les déclarations préliminaires de cinq minutes chacune, en commençant par Mme Voudrach, suivie de Mme Thompson et de M. Larocque. Nous passerons ensuite aux questions des sénateurs et sénatrices. Madame Voudrach, vous avez la parole pour cinq minutes. Je vous en prie.
Tamara Voudrach, directrice générale, Inuvialuit Communications Society : [Mots prononcés dans une langue autochtone] Je suis la directrice générale de l’Inuvialuit Communications Society, ici à Inuvik. Je travaille pour la société depuis 2016.
Je n’ai pas préparé grand-chose pour ma présentation d’aujourd’hui, mais je me suis dit que je vous parlerais un peu de notre région, du travail que nous faisons, de ce que nous considérons comme les besoins en matière de radiodiffusion et de communications de notre région pour les Inuvialuits, ainsi que de ce que nous pouvons faire pour l’avenir.
Notre société a été créée à la fin des années 1970, à une époque où les Inuvialuits avaient besoin d’améliorer les communications entre eux. Il y avait beaucoup de développement pétrolier et gazier et de développement économique dans notre région, et parallèlement, nous discutions de ce à quoi ressemblerait notre gouvernance moderne. Le Committee for Original People’s Entitlement, ou COPE, a été créé, et ses représentants ont négocié notre revendication territoriale à cette époque. La création de notre société est antérieure à celle du COPE. Nous avons été fondés en 1974, je crois, et la Convention définitive des Inuvialuit, ou CDI, a été signée au début des années 1980.
Notre société a été officialisée pour prendre en charge la préservation et la promotion de la langue et de la culture inuvialuites, ainsi que pour améliorer les communications entre les Inuvialuits. Nous avons pris de l’expansion depuis. Nous produisons des émissions de télévision, ainsi qu’un magazine semestriel, le Tusaayaksat Magazine, « tusaayaksat » signifiant « des histoires qui doivent être entendues ». Le magazine proprement dit a subi de nombreux changements, depuis le premier numéro dont j’ai l’affiche ici. Au départ, il s’agissait d’un journal qui s’appelait Inuvialuit. Aujourd’hui, il s’agit d’une anthologie de récits d’Inuvialuits. Cette publication est en constante évolution.
Pour ce qui est du secteur de la télévision, nous sommes une société fondatrice et membre du Réseau de télévision des peuples autochtones, ou APTN. Nous entretenons également des liens étroits avec cette entité de radiodiffusion, ainsi qu’avec Inuit TV et Uvagut TV. Notre paysage a changé. Le paysage de la radiodiffusion évolue. Il a toujours été nécessaire de promouvoir la radiodiffusion dans le Nord, et ces nouveaux radiodiffuseurs inuits qui ont vu le jour ont eu des répercussions sur l’Inuvialuit Communications Society, ou ICS, en nous permettant d’entrer en relation avec d’autres régions du Nord et d’autres régions de l’Inuit Nunangat, au Nunavut. Il a été mutuellement avantageux et gratifiant pour nous d’établir ces relations. Il y a beaucoup de soutien mutuel.
Notre plus grande priorité au cours des prochaines années sera de promouvoir notre langue — et non pas seulement de la promouvoir et d’essayer de la préserver et de la documenter, mais aussi d’adopter une approche active dans la façon dont nous soutenons les apprenants, par l’entremise de notre contenu médiatique, de séries télévisées et, espérons-le, de matériel d’apprentissage en ligne. Ce genre de choses est très recherché.
Les relations avec d’autres régions inuites, que ce soit par l’entremise de la radiodiffusion ou des publications imprimées, ont été importantes et cruciales pour nous, en vue d’établir et de favoriser des partenariats, car lorsque vient le temps de diffuser du nouveau contenu, le plus important pour nous, c’est que les bénéficiaires inuvialuits y aient accès rapidement. Les relations avec les radiodiffuseurs sont également une priorité dans ce domaine.
Pour ce qui est de l’avenir et du paysage médiatique local, lorsqu’il est question de CBC/Radio-Canada dans le Nord, de Cabin Radio, à Yellowknife, ainsi que de NNSL Media dans les Territoires du Nord-Ouest, ces organisations jouent un rôle de premier plan pour que les habitants du Nord aient accès à des nouvelles et prennent connaissance de l’actualité.
Ce que nous avons constaté dans notre région, surtout dans nos petites collectivités, c’est que beaucoup d’information est transmise par Meta, les plateformes de médias sociaux, et par TikTok maintenant, avec Starlink. Depuis les deux dernières années, beaucoup de bénéficiaires inuvialuits dans les collectivités éloignées ont accès à Starlink par l’entremise de fournisseurs Internet locaux, parce que c’est plus économique pour eux et qu’ils peuvent accéder rapidement au contenu. Nous avons appris que les médias sociaux...
La vice-présidente : Je vais vous demander de conclure rapidement. Vous aurez l’occasion de répondre à des questions. Comme nous ne connaissons pas tous le Nord comme vous, j’aimerais que vous nous disiez exactement où réside votre communauté. Je pense que c’est dans les Territoires du Nord-Ouest, mais êtes-vous tous là? Prenez quelques secondes pour conclure, s’il vous plaît.
Mme Voudrach : Oui. L’avenir de nos médias repose sur les relations que nous entretenons avec les radiodiffuseurs du Nord, les radiodiffuseurs inuits et les médias sociaux de notre région.
La région désignée des Inuvialuits se trouve dans les Territoires du Nord-Ouest, plus précisément dans la région du delta de Beaufort des T.N.-O.
La vice-présidente : Merci de cette précision géographique. C’est utile pour nous tous.
Nous allons maintenant entendre Mme Manitok Thompson, pour cinq minutes. Je vous en prie.
Manitok Thompson, directrice générale, Inuit Broadcasting Corporation : [Mots prononcés dans une langue autochtone] Je vais me traduire moi-même. [Mots prononcés dans une langue autochtone] Merci. Je suis très heureuse de comparaître devant vous aujourd’hui.
C’est un plaisir pour moi d’avoir l’occasion de m’adresser au comité. Je suis la directrice générale de l’Inuit Broadcasting Corporation et je suis accompagnée aujourd’hui de Karen Prentice, directrice du contenu et des communications.
Nous avons un bureau à Ottawa et un bureau doté d’un studio à Iqaluit. Nous produisons principalement pour APTN.
Toutes nos productions sont en inuktitut et sont produites et filmées par des Inuits. Il arrive parfois que nous embauchions des entrepreneurs non autochtones. Notre effectif est constitué à 70 % d’employés inuits.
Nous diffusons l’émission pour enfants Sesame Street, Takuginai depuis 30 ans, sur DVD, dans toutes les collectivités chaque année.
Nous avons aussi une émission téléphonique, Qanuq Isumavit, en direct sur APTN, de janvier à mai. Il s’agit d’une émission axée sur la politique. Nous discutons en inuktitut de choses comme la COVID-19 et d’autres faits saillants de scène politique territoriale et fédérale.
À l’heure actuelle, nous produisons Katijut, une émission pour les jeunes; Maqaitut, une émission sur la chasse; Archives, qui présente des archives numérisées remontant à 40 ans — des films sont produits depuis les années 1970 en inuktitut par des Inuits; Ajungi, une émission de mentorat; et Ikparsaq, qui présente des récits d’aînés et des arbres généalogiques. Titaktut est une nouvelle émission de musique. Toutes nos émissions ne sont qu’en inuktitut.
L’histoire de l’Inuit Broadcasting Corporation est une illustration spectaculaire des adaptations qui sont possibles, et elle montre bien la capacité de changement créatif qui fait partie du patrimoine inuit et le défi que doivent relever les peuples autochtones au cours du nouveau millénaire, alors qu’ils tentent de maintenir et de promouvoir leurs langues et leurs cultures.
Dans les années 1970, il était clair pour les dirigeants inuits que la télévision, avec sa capacité d’inonder chaque salon de l’Arctique d’images axées sur le consommateur du Sud, représentait une menace unique et potentiellement dévastatrice pour une culture déjà ébranlée par les répercussions du commerce, de l’éducation et de la religion.
Lorsque CBC/Radio-Canada a lancé son Plan de rayonnement accéléré, ou PRA, en 1975, la réaction de la communauté inuite a été rapide et vive. Ce plan proposait d’offrir des émissions de télévision de CBC/Radio-Canada à toutes les collectivités du Canada comptant plus de 500 habitants. Comme l’objectif de ce plan était de rendre la programmation « canadienne » — c’est-à-dire un mélange de Canadiens du Sud et d’Américains — accessible à tous, on n’a pas tenu compte de l’accès local, de la programmation en langues autochtones ou du droit d’une communauté de contrôler les ondes locales.
Je veux simplement ajouter que lorsque nous avons eu la télévision dans ma collectivité en 1979, les nouvelles locales à la télévision concernaient Detroit et Terre-Neuve.
Des émissions illustrant les attitudes, les valeurs et les comportements du Sud ont proliféré dans le Nord au milieu des années 1970. Les dirigeants inuits et communautaires se sont vite rendu compte que ce raz-de-marée électronique d’images et d’information appartenant à d’autres entraînerait la détérioration de la langue et de la culture inuites et pourrait perturber les structures de la vie communautaire traditionnelle. Cela nous inquiétait beaucoup.
Les Inuits se sont adaptés avec succès à l’innovation technologique à plusieurs reprises au cours de leur histoire. Les armes à feu et les motoneiges ne faisaient pas partie intégrante de la culture de la chasse. Nous nous sommes rendus à l’évidence que la télévision dans le Nord ne disparaîtrait pas. Le défi pour les Inuits était de trouver une façon d’adapter cette technologie à leurs propres fins, en utilisant la télévision comme moyen de protéger leur langue, plutôt que comme un agent de sa destruction.
L’Inuit Broadcasting Corporation a été créée à partir du projet Inukshuk, une expérience parrainée par le gouvernement fédéral à la fin des années 1970. Des installations rudimentaires de production télévisuelle ont été installées dans six collectivités du Nord, et des équipes de stagiaires inuits nouvellement recrutés ont commencé à apprendre les fondements de la production télévisuelle. En 1980, les responsables du projet Inukshuk ont commencé à diffuser des émissions. Le projet a démontré que les Inuits pouvaient gérer avec succès des projets de radiodiffusion complexes et adapter des technologies de communication de pointe à leurs besoins. En 1981, le CRTC a accordé une licence de télévision de réseau à l’Inuit Tapirisat du Canada, qui s’appelle maintenant ITK, et l’Inuit Broadcasting Corporation a été créée. Après une période initiale de production et de consolidation, l’IBC diffusait sa première émission, une émission spéciale de 90 minutes présentant le nouveau réseau, le 11 janvier 1982 à minuit.
L’IBC a ensuite proposé la création d’une chaîne de télévision consacrée exclusivement au Nord. Un consortium composé de six radiodiffuseurs autochtones, des gouvernements des Territoires du Nord-Ouest et du Yukon, de la National Aboriginal Communications Society et du service de CBC/Radio-Canada dans le Nord a été formé. En janvier 1992, on a lancé Television Northern Canada, une chaîne panarctique véritablement nordique. En juin 1997, le conseil d’administration de cette chaîne a voté pour la création d’un réseau national de télévision autochtone. Le 1er septembre 1999, le Réseau de télévision des peuples autochtones, ou APTN, était lancé.
Depuis, le nombre d’émissions inuites sur APTN a diminué, et l’IBC a connu des difficultés financières, année après année, en continuant de produire des émissions de télévision de grande qualité en inuktitut dans toutes les régions. Les problèmes causés par le sous-financement sont le roulement du personnel, le manque de logements, l’absence de subventions, les bas salaires, le manque de formation, le manque de compétences en inuktitut, les frais de déplacement, ce qui entraîne une baisse du nombre d’émissions et de leur qualité. Il faut mentionner aussi la concurrence pour recruter du personnel inuit qualifié.
Pour la dernière partie de mon intervention, j’aimerais vous transmettre le message des aînés à qui j’ai parlé. J’en ai consulté un grand nombre avant de vous rencontrer. Ils m’ont dit de vous dire que la radio de CBC/Radio-Canada en inuktitut est leur seule source d’information sur ce qui se produit dans le monde ou sur la politique. Ils n’ont pas accès à d’autres médias d’information dans leur langue. Il s’agit bien sûr d’aînés unilingues.
Merci beaucoup de votre temps. J’ai un peu de difficulté, l’anglais n’étant pas ma langue.
La vice-présidente : Non, c’était très clair. Merci beaucoup de votre témoignage.
Nous allons maintenant entendre M. Corey Larocque. Je vous en prie.
Corey Larocque, directeur-rédacteur en chef, Nunatsiaq News : Bonjour, honorables sénateurs et sénatrices.
Nunatsiaq News est la principale source d’information au Nunavut et dans la région du Nunavik, dans le nord du Québec. Nunatsiaq News appartient à Nortext Publishing, une entreprise familiale du secteur privé. Nunatsiaq News publie en anglais et en inuktitut. Nos aînés inuits unilingues nous disent souvent qu’ils aiment que nos articles soient publiés en inuktitut.
Nunatsiaq News est un journal indépendant, une espèce en voie de disparition au Canada en raison des défis d’une industrie en constante évolution. C’est pourquoi je suis heureux de vous raconter notre histoire.
Nunatsiaq News a célébré son 50e anniversaire en 2023. Même si nous sommes de plus en plus présents sur le Web, nous avons toujours une édition imprimée hebdomadaire. En mars 2020, nous avons temporairement arrêté les presses. Il serait plus juste de dire que la COVID-19 a arrêté les presses. Nous avons suspendu notre édition imprimée pendant trois ans, mais je suis heureux de dire que nous l’avons relancée en janvier 2023.
Nunatsiaq News compte un effectif de 10 journalistes à Iqaluit, à Kuujjuaq, à Ottawa et ailleurs au Canada. Cette année, nous avons ajouté un poste à Kuujjuaq, au Québec, grâce au financement de l’Initiative de journalisme local. L’appui de cette initiative nous a permis de créer deux postes de journaliste. Le Parlement devrait donc être conscient de l’importance de ce programme pour nous et pour de nombreux autres journaux canadiens.
Alors que de nombreux journaux abandonnent leurs salles de nouvelles physiques, la nôtre fait toujours partie de notre plan d’affaires. Un incendie a détruit notre bureau d’Iqaluit en mars de cette année, mais en octobre, nous avons trouvé un emplacement temporaire à Iqaluit, une ville où les espaces commerciaux et résidentiels sont rares. La recherche d’un lieu permanent à Iqaluit se poursuit. Nous avons un bureau ici, à Ottawa, et à Kuujjuaq, et notre journaliste du Nunavik travaille à partir de chez lui.
À mesure que nos lecteurs deviennent de plus en plus à l’aise de consulter les nouvelles sur leur téléphone, leur tablette ou leur ordinateur portable, notre site Web est de plus en plus au cœur de ce que nous faisons. Les possibilités créées par les nouvelles numériques signifient que la distinction qui existait il y a 20 ans entre les quotidiens et les hebdomadaires n’est plus vraiment aussi claire aujourd’hui. À l’heure actuelle, en 2024, Nunatsiaq News est essentiellement un service de nouvelles en ligne, qui publie également un condensé hebdomadaire de ses reportages sous forme imprimée. Les nouvelles numériques sont notre avenir.
Nous sommes heureux que ce comité étudie les services locaux offerts par CBC et Radio-Canada. C’est dans l’environnement des nouvelles en ligne que nous subissons le plus la présence de CBC, un concurrent direct de notre entreprise privée financé par l’État. Nous avons hâte de savoir ce que le comité recommandera sur la façon dont CBC peut continuer d’expliquer le Canada aux Canadiens, en tant que radiodiffuseur, tout en laissant la place aux entreprises privées pour qu’elles prospèrent dans l’environnement des nouvelles en ligne. Nous comprenons et appuyons le rôle de la société d’État en tant que radiodiffuseur public national. Cependant, en ligne, son exploitation locale dans le Nord entre en concurrence avec nous, au niveau des annonceurs, des reportages, des lecteurs et des journalistes.
Partout au Canada, le paysage médiatique est menacé, et cela s’accentue. Les nouveaux défis posés par les géants du Web que sont Facebook et Google rendent les choses encore plus difficiles, parce que ce sont eux qui accaparent la publicité des gouvernements fédéral, territoriaux et provinciaux. Nous savons que les habitudes des lecteurs changent, et nous faisons ce que nous pouvons pour les retenir et accroître notre lectorat.
Nous sommes également en concurrence avec CBC/Radio-Canada pour ce qui est du recrutement et du maintien en poste des journalistes. Avec l’appui massif du gouvernement fédéral, la société d’État peut offrir une rémunération supérieure à la nôtre et vole régulièrement des employés d’organismes de presse du secteur privé, y compris le nôtre.
Le nouveau mandat de CBC/Radio-Canada comme source d’information en ligne, en plus de son rôle de radiodiffuseur et de télédiffuseur, signifie que des ressources sont investies pour attirer les lecteurs sur son site Web. Cela enlève du lectorat aux fournisseurs de nouvelles du secteur privé et s’apparente un peu à une pratique commerciale prédatrice, financée par le gouvernement fédéral.
Dans le Nord, les journaux sont presque tous en ligne. Les revenus publicitaires qui les soutiennent sont fondés sur le nombre de lecteurs. Plus il y a de gens qui nous lisent, plus nous pouvons facturer pour les publicités et plus notre entreprise est saine. La concurrence plus grande venant de CBC/Radio-Canada en ligne complique notre tâche pour attirer ces lecteurs et, par conséquent, pour générer des revenus.
Comme d’autres journaux, nous ne nous opposons pas à la concurrence. Il y a d’autres médias du secteur privé avec lesquels nous sommes en concurrence dans le Nord. La concurrence est bonne pour le journalisme. Il en faut davantage dans l’industrie canadienne de la presse, et non pas moins. Mais le soutien massif de 1,4 milliard de dollars du gouvernement à CBC/Radio-Canada signifie que les règles du jeu ne sont pas équitables.
J’espère que le comité se penchera sur la question suivante : combien d’argent le gouvernement fédéral devrait-il dépenser pour appuyer un radiodiffuseur public national qui fait concurrence aux médias du secteur privé dans les marchés régionaux locaux?
Merci.
[Français]
La vice-présidente : Merci beaucoup à vous tous pour vos témoignages. Nous allons passer aux questions des sénateurs et sénatrices.
[Traduction]
La sénatrice Simons : Je vous remercie tous de vos témoignages et, pour ceux d’entre vous qui se sont déplacés, d’être venus à Ottawa pour nous rencontrer.
J’aimerais commencer par une chose que Mme Thompson a dite et qui a attiré mon attention, à savoir l’envoi d’émissions pour enfants sur DVD. Je pose cette question en premier pour bien comprendre. Je vais commencer par Mme Thompson, mais j’aimerais que vous répondiez tous les trois. Quel pourcentage de votre auditoire a accès à la large bande et à la télévision, et quel pourcentage est desservi uniquement par la radio ou la radio à ondes courtes? Les gens ont-ils accès à Internet, ou l’absence d’accès est-elle la raison pour laquelle vous transmettez l’information aux gens par DVD?
Karen Prentice, directrice du contenu et des communications, Inuit Broadcasting Corporation : Nous faisons cela depuis un certain temps déjà, et c’est parce que l’accès à Internet n’est pas si bon dans le Nord. Nous utilisons davantage les clés USB maintenant, parce que moins de gens ont des lecteurs DVD, mais c’est la raison pour laquelle nous procédons ainsi.
Depuis l’arrivée de Starlink dans le Nord, les choses ont changé, mais ce n’est que depuis quelques années. Cependant, de plus en plus de familles s’abonnent à Starlink, et cela fait une différence. C’est la situation actuelle, mais elle évolue très rapidement.
Au cours des cinq dernières années, le pourcentage de gens ayant un accès fiable à Internet n’était pas très élevé, et le problème continue de se poser. Nous comptons sur Internet pour notre émission en direct. Nous la diffusons également sur Facebook Live. Cela nous pose parfois des problèmes.
Starlink a eu un impact très important à cet égard. Les choses se sont beaucoup améliorées, en fait, et il semble que cette option soit assez abordable. Je ne connais pas le pourcentage exact. Quel pourcentage des foyers d’aînés ont accès à Internet? Est-il assez élevé maintenant?
Mme Thompson : Oui, tous les foyers où il y a des jeunes ont Internet. Il y a beaucoup d’aînés unilingues qui n’utilisent pas Internet, mais je sais que les jeunes font la traduction pour eux.
La sénatrice Simons : J’essaie de comprendre dans quelle mesure les gens regardent encore la télévision dans le Nord, dans quelle mesure les gens écoutent la radio, et dans quelle mesure Internet est présent.
Mme Prentice : Comme Mme Thompson l’a mentionné, la télévision et la radio sont certainement plus répandues chez les personnes âgées.
Mme Thompson : Je lis sur les lèvres. C’est pourquoi je ne comprends pas bien.
La sénatrice Simons : Je suis désolée, je porte un masque. Toutes mes excuses.
Mme Prentice : La question était la suivante : à la maison, quel est le principal média utilisé — télévision, radio ou Internet?
Mme Thompson : Les nouvelles que les aînés écoutent proviennent de CBC, mais elles ne présentent qu’un aspect des choses. Nous sommes tous au courant de cela. C’est un problème.
La radio de CBC/Radio-Canada est le moyen par lequel les aînés peuvent prendre connaissance des nouvelles, tout comme par Nunatsiaq News, qui est un très bon journal à lire. Nous avons des aînés qui lisent le journal en inuktitut, mais beaucoup d’entre eux écoutent la radio pour savoir ce qui se passe, ainsi que la télévision. CBC/Radio-Canada a une petite chaîne d’information sur ce qui se passe dans le monde, de même que pour les nouvelles locales, appelée CBC Igalaaq. Mon frère, qui vit à Coral Harbour, a 77 ans. Il n’aime pas CBC/Radio-Canada parce qu’il veut savoir ce qui se passe dans le vrai monde, du point de vue de différents journalistes, alors il a tendance à lire Nunatsiaq News, qui offre des opinions plus diversifiées.
Dans les foyers inuits, on écoute la radio de CBC/Radio-Canada à partir de tôt le matin et toute la journée jusqu’à 17 heures. Je sais que c’est en langue inuvialuite dans l’Arctique de l’Ouest. Il y a une chaîne pour les nouvelles en soirée. C’est là que les gens s’informent.
Les gens qui, comme mon frère, sont plus politisés — tout comme mon oncle de 80 ans — savent que CBC/Radio-Canada est biaisée ou est contrôlée par le gouvernement, par ceux qui ont l’argent. Ils sont conscients de cela, alors beaucoup d’entre eux se tournent vers Nunatsiaq News pour prendre connaissance d’autres opinions.
Je parle sans filtre. Je dis simplement ce que j’ai à dire.
La vice-présidente : Monsieur Larocque et madame Voudrach, pouvez-vous répondre brièvement à la sénatrice Simons concernant les habitudes d’écoute et la pénétration d’Internet dans le Nord.
M. Larocque : Je n’ai pas de pourcentage précis. C’est une supposition, mais je dirais que le pourcentage de foyers qui ont Internet est très élevé.
Lorsque je suis entré en fonction il y a plus de quatre ans, j’ai été surpris de voir à quel point les habitants du Nord étaient branchés et à quel point ils utilisaient Internet pour obtenir de l’information sous toutes ses formes : la télévision en continu et les nouvelles en ligne. Ils connaissent très bien Internet, et comme Mme Thompson l’a dit, à cause des ménages intergénérationnels, une personne avec un téléphone alimentant tout un foyer.
Nous avons découvert que Facebook joue un rôle important. C’est grâce à cela que les Inuits et les habitants du Nord communiquent entre eux. Chaque communauté a une page Facebook. Ce qu’on y lit montre que beaucoup de gens communiquent de cette façon.
La vice-présidente : Qu’en est-il de la situation dans votre communauté en ce qui concerne l’accès à Internet? Madame Voudrach, pouvez-vous parler de l’accès Internet dans votre région.
Mme Voudrach : Dans notre région, oui, Starlink a changé beaucoup de choses et améliore l’accès pour beaucoup de gens.
Je reçois encore de nombreux commentaires des aînés dans les collectivités. Notre communauté agit davantage comme un carrefour pour les Inuvialuits, surtout ici à Inuvik. C’est ici que se trouve la population la plus importante de notre région, et celle-ci souhaite toujours avoir de la programmation dans notre langue sur la télévision par câble locale. Je pense que c’est une chose que beaucoup de gens ne comprennent pas.
Nous avons une émission de radio, Tusaavik, de Dodie Malegana, une animatrice inuvialuite. Son émission est diffusée l’après-midi. Elle a permis d’avoir accès à un grand nombre d’archives. Nous avons des centaines d’heures de bandes brutes et d’archives audio, en grande partie dans notre langue. Nous essayons de trouver de nouvelles façons de rendre ces archives accessibles. Internet s’améliore dans notre région, de sorte que nos objectifs dans un proche avenir seront de créer une base de données en ligne pour ces archives, afin que les Inuvialuits puissent y avoir accès quand ils le veulent.
Habituellement, nous avons un journaliste local de CBC/Radio-Canada qui est en poste ici, à Inuvik, et parfois, si du financement est disponible et que l’initiative est prise, APTN en a aussi un. Je crois que le seul journaliste d’APTN, un animateur vidéo, est actuellement en poste à Yellowknife. Ce réseau est censé couvrir l’ensemble des Territoires du Nord-Ouest. Il est difficile d’établir des relations avec les journalistes vidéo locaux, surtout ceux de CBC/Radio-Canada.
À l’heure actuelle, nous avons un vidéojournaliste inuvialuit local de CBC/Radio-Canada, ce qui est vraiment génial. Il s’appelle Dez Loreen, et il a aussi été gestionnaire pour nous à ICS. C’était très bon pour la représentation.
La vice-présidente : Merci beaucoup, madame Voudrach.
Le sénateur Quinn : Merci à ceux qui sont ici avec nous ce matin, et merci de vous joindre à nous par vidéoconférence.
J’essaie de me faire une idée de la portée de CBC/Radio-Canada dans le Nord. Est-ce que la société d’État dessert l’ensemble de la région de l’Arctique? Je vois des hochements de tête.
Il est vraiment intéressant d’entendre parler des services qui sont offerts aux collectivités locales et de la question de la langue, notamment. Y a-t-il des partenariats que le service de CBC/Radio-Canada dans le Nord devrait exploiter pour obtenir de l’information et faire participer les gens? Comment pouvons-nous tirer parti de la portée du service de CBC/Radio-Canada dans le Nord en accélérant la participation des habitants du Nord aux émissions diffusées?
Mme Thompson : Je ne sais pas si cela répond à votre question, mais je sais que dans chaque communauté, il y a un journaliste de CBC. Cette personne est souvent unilingue, et elle ne fait que diffuser les nouvelles communautaires. Il y a des nouvelles ou des faits saillants concernant chaque collectivité, alors c’est cette personne qui est écoutée. Il y a une personne-ressource dans chaque collectivité. Je sais que c’est probablement le cas au Nunavik, dans le nord du Québec. Dans l’Ouest et dans l’Arctique, je ne sais pas, mais je sais que, dans notre territoire, il y a des gens qui font des reportages par l’entremise de CBC/Radio-Canada à partir de leurs communautés.
M. Larocque : Je ne sais pas s’il y a des possibilités de partenariat entre CBC/Radio-Canada et les médias du secteur privé. Dans le Nord, le paysage est très semblable à celui des zones urbaines du Sud. CBC/Radio-Canada est en concurrence avec les organismes de nouvelles du secteur privé, y compris CTV ou Global, mais aussi avec les journaux et les stations de radio. Vous ne vous attendriez pas à ce que CBC/Radio-Canada et le Globe and Mail forment des partenariats pour couvrir les nouvelles à Toronto. De même, je ne vois pas comment on pourrait former des partenariats entre CBC/Radio-Canada et Nunatsiaq News. Ce sont des entités distinctes, qui disposent de budgets distincts et de ressources différentes. Chacun a sa façon de faire. Je ne sais pas comment des partenariats seraient possibles.
Le sénateur Quinn : Madame Voudrach, avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?
Mme Voudrach : Je pense que la clé dans ce cas est d’obtenir de l’information.
Je suis également d’accord avec M. Larocque pour dire qu’il est difficile de voir comment CBC/Radio-Canada pourrait s’associer à des organisations comme la nôtre. ICS est un organisme sans but lucratif. Nous ne nous concentrons pas uniquement sur les nouvelles et l’actualité, mais aussi sur la promotion culturelle, la préservation, la documentation et le partage de contenu entre Inuvialuits. Les choses dont les Inuvialuits veulent entendre parler pourraient ne pas correspondre à ce que CBC diffuse. C’est là que nous intervenons. Nous comblons cette lacune.
Il arrive que d’autres organismes privés, comme Cabin Radio, collaborent avec nous. Ils vont venir dans quelques semaines s’asseoir avec nous et examiner nos archives et la façon dont nous travaillons, dans le cadre d’une collaboration avec le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest pour un documentaire sur les services à l’enfance et à la famille et des choses de ce genre, Ils vont donc venir consulter nos archives. Nous pouvons discuter ensemble des personnes importantes au sein de nos organisations inuvialuites, comme nos dirigeants, à qui ils devraient parler de l’état des services à l’enfance et à la famille dans notre région.
Nous pouvons consulter ceux qui veulent s’exprimer, mais je ne crois pas qu’il serait sage pour nous — et je ne pense pas que nos gens seraient très heureux — de fournir des ressources à CBC/Radio-Canada pour l’aider à parler de nous. C’est l’inverse qui doit se produire. Ce n’est pas notre rôle ici.
Le sénateur Quinn : Permettez-moi d’aborder la question sous un angle légèrement différent. Vous avez mentionné que CBC/Radio-Canada reçoit beaucoup d’argent de l’État. La plus grande région de notre pays, le Nord, est représentée par CBC/Radio-Canada. Devrions-nous repenser cela? Le comité se penche sur les services régionaux de CBC/Radio-Canada. Si nous considérions le Nord comme un segment spécial de notre pays, le mandat de CBC/Radio-Canada devait-il être modifié de façon à ce qu’elle devienne un réseau de facilitateurs, si vous voulez, et qu’elle cesse de vous faire concurrence, tout en continuant de transmettre de l’information générée au niveau local, pour que plus de gens en prennent connaissance, ou devrions-nous simplement dire au service de CBC/Radio-Canada dans le Nord : « Vous n’êtes plus dans le jeu, et ce sont les gens de l’endroit qui donnent l’information. » Comme le réseau de CBC/Radio-Canada existe, est-il préférable de repenser la façon dont il fonctionne et ce qu’il fait, ainsi que de le sortir de la concurrence pour qu’il devienne un facilitateur pour l’échange d’information?
La vice-présidente : Je vais vous demander de répondre brièvement, parce qu’il y a encore trois personnes qui veulent poser des questions. Veuillez répondre brièvement à la deuxième question, qui est tout à fait pertinente.
Mme Thompson : Je parle au nom de la population inuite unilingue, nos aînés. Cela fait des années qu’ils sont informés de façon unilatérale par CBC. C’est malheureux, mais c’est ainsi. S’ils avaient le choix d’une chaîne de télévision ou une chaîne de radio différente dans leur langue, ils opteraient pour celle-ci assez rapidement.
CBC/Radio-Canada pourrait être financée par la publicité — pourquoi pas? — comme CTV, ou d’autres chaînes qui ont une diffusion plus large.
Je sais que lorsque Pierre Poilievre est venu visiter mon territoire, CBC n’a pas annoncé sa visite et n’a pas non plus fait d’entrevues avec lui. Les aînés n’ont pas pu prendre connaissance de son message, et c’est de la discrimination. C’est exactement ce que c’est. Ils n’ont pas eu le droit d’entendre un des chefs politiques du Canada qui a visité le territoire, simplement en raison du parti qu’il représente.
Les Inuits veulent faire partie du Canada et prendre connaissance de tout, comme les autres, mais à l’heure actuelle, leur seul choix est la radio de CBC, et ils ne veulent pas la perdre. Elle leur donne au moins accès à des nouvelles. CBC/Radio-Canada devrait être comme les autres chaînes de télévision au Canada et être financée par la publicité, afin d’arrêter de se contenter de diffuser des nouvelles à sens unique au public.
M. Larocque : Je suis d’accord. Le fait de rendre CBC/Radio-Canada plus dépendante du financement publicitaire et moins dépendante des fonds publics pourrait changer l’approche.
Je n’aime pas que l’on dise que CBC/Radio-Canada devrait se retirer du Nord. Je ne pense pas que nous devrions dire à quelque entité que ce soit de se retirer. Nous avons besoin d’un plus grand nombre de joueurs, mais il faut que les règles du jeu soient les mêmes pour tous et, à l’heure actuelle, ce qui nous nuit, c’est que 1,4 milliard de dollars vont à une organisation, tandis que le reste d’entre nous se démènent pour trouver les revenus dont nous avons besoin pour faire notre travail.
Mme Voudrach : Je suis d’accord avec le financement. Je pense que beaucoup d’organisations de production et d’organisations médiatiques du Nord comptent sur les fonds de Radiodiffusion autochtone dans le Nord de Patrimoine canadien, des fonds fédéraux, ainsi que sur le financement de notre gouvernement territorial et de notre gouvernement inuvialuit local. Patrimoine canadien dit depuis des années que le bassin de demandeurs et de gens qu’il finance s’agrandit, alors que la cagnotte rétrécit. Alors que nous recevions auparavant plus de 300 000 $ par année de Patrimoine canadien — il y a plusieurs années, je dirais peut-être 10 ans —, aujourd’hui, c’est 190 000 $. Le financement a donc été considérablement réduit, et ce, depuis que je suis ici, depuis 2016, et probablement depuis plus longtemps encore. Ce chiffre n’a pas changé. En fait, le montant a été réduit. Cela ne nous permet pas de planifier pour l’avenir, de prendre de l’expansion ou d’investir dans le renforcement des capacités dans les médias. Pour que notre peuple puisse se reconnaître dans ce qui est diffusé et interpréter les nouvelles à notre façon, nous avons besoin de plus d’Inuvialuits dans les médias. Il faut les former, et cela prend de l’argent et du temps. CBC/Radio-Canada a beaucoup d’argent et de temps d’antenne, alors j’espère qu’un équilibre sera atteint.
Le sénateur Cardozo : Je remercie tous nos témoins de leur participation. Vous avez soulevé un certain nombre de questions intéressantes.
Tout d’abord, madame Thompson, pourriez-vous nous parler un peu plus de votre expérience avec CBC et d’autres sources d’information? Je crois savoir que vous avez été députée à l’Assemblée législative et ministre dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut. Qu’avez-vous pensé de la couverture médiatique? En tant que politicienne essayant de faire connaître son point de vue au public, qu’avez-vous pensé de CBC/Radio-Canada et des autres médias?
Mme Thompson : Mon père était unilingue. Il est décédé à l’âge de 92 ans. Il était loyal envers Nunatsiaq News, qu’il lisait beaucoup parce que j’étais en politique et qu’il ne recevait pas des informations aussi larges qu’il le souhaitait en matière de politique ailleurs. En tant que personne unilingue, c’était vers Nunatsiaq News qu’il se tournait.
CBC a toujours été très libérale dans ses opinions, faisant la promotion des politiciens libéraux. Je ne parle pas du Parti libéral, mais des gens qui ont l’esprit libre. Avant et pendant la colonisation, ma famille était plus conservatrice. Je ne parle pas du parti politique. Notre système est fondé sur le consensus. Nous n’avons pas le système des partis dans le sang. Nous n’aimons pas qu’un journaliste ne nous communique qu’un côté des nouvelles. Nous n’apprécions pas cela. Nous voulons prendre connaissance des deux côtés.
Au fil des ans, en tant que politicienne, j’ai parfois eu l’impression que mon opinion était filtrée ou censurée, simplement qu’elle était différente de celle du radiodiffuseur. J’ai fait de la politique avant la division, après la division, et je m’occupe encore beaucoup de la politique du Nunavut. Les gens à qui je parle ont 80 ans, 82 ans, 65 ans, 70 ans. Ce sont des gens unilingues, et il est honteux que les seules nouvelles qu’ils reçoivent soient celles que le radiodiffuseur souhaite leur transmettre. C’est une discrimination fondée sur la race. Nous voulons être comme n’importe qui dans le monde et pouvoir prendre connaissance d’autres opinions, et c’est pourquoi nous sommes très heureux d’avoir Nunatsiaq News sur notre territoire.
À l’heure actuelle, toutefois, la radio de CBC est la seule à diffuser des nouvelles aux aînés, ce qui les limite à cela. Peut-être qu’avec un financement différent, cela élargirait leurs horizons et ferait en sorte que nous puissions commencer à prendre connaissance du reste du monde, avec des points de vue différents. Il y a eu beaucoup de censure.
Le sénateur Cardozo : Vous n’avez pas l’impression qu’il y a suffisamment de gens de divers points de vue qui participent à leurs émissions de radio pour que la diversité s’exprime de façon pleine et entière.
Mme Thompson : Ils choisissent les personnes qu’ils veulent faire entendre, qu’ils veulent voir s’exprimer à la radio. C’est un fait. Ils choisissent ce qu’ils veulent que le public entende, et c’est pourquoi je pense que la télévision de CBC/Radio-Canada devrait pouvoir survivre avec des publicités. En tant qu’organisme sans but lucratif, nous souffrons du manque de financement. Le financement de Patrimoine canadien a diminué de façon constante depuis 1990, et avec un taux d’inflation de 124,28 %, IBC reçoit maintenant moins qu’en 1990. Les sommes n’ont jamais augmenté avec l’inflation. Elles n’ont jamais changé pendant 30 ans, alors que CBC/Radio-Canada reçoit un financement complet. Nous souffrons en tant qu’organismes sans but lucratif.
Le sénateur Cuzner : Si vous me permettez de revenir un peu en arrière, à la station de radio locale de CBC, la matinée commence avec une émission locale, très branchée sur la communauté, qui est diffusée de 6 heures à 8 h 30. De 8 h 30 à midi, c’est la programmation nationale, avec Matt Galloway et Tom Power, notamment, qui prend le relais. De midi à 13 heures, c’est la programmation provinciale. Nous revenons ensuite à la programmation nationale, puis locale. Que se passe-t-il avec CBC dans vos collectivités? Est-ce que la diffusion ressemble à cela, avec un passage constant entre les émissions locales et nationales? Est-ce à peu près ce qui se passe?
Mme Thompson : Le matin, CBC diffuse davantage d’émissions nationales, ce sont les faits saillants de l’information dans tout le territoire. Je crois que c’est à midi et à 18 heures ou quelque chose du genre. L’émission du matin porte sur différents sujets, que ce soit un projet au gouvernement fédéral, une déclaration d’un député fédéral ou territorial, d’un premier ministre, et des nouvelles territoriales le matin.
Le sénateur Cuzner : Est-ce local ou national?
Mme Thompson : Ce sont surtout les nouvelles du Nunavut qui touchent le Nunavut. Mais pour ce qui est de la guerre en Ukraine, de la Russie, d’Israël et ainsi de suite, il y a une section dans les nouvelles du matin.
L’après-midi, il y a d’autres émissions, par exemple, sur la chasse. Vers 15 heures, c’est le bulletin de nouvelles du Nord du Québec, et on reçoit différentes personnes. Les nouvelles nationales et internationales en inuktitut sont très intéressantes. Le Nord du Québec est très bon à cet égard.
Vers 16 ou 17 heures, c’est Kivalliq News, dans ma région, et il est surtout question de chasseurs et de couturières locaux, des diverses activités, d’ateliers et de ce genre de choses. Puis, c’est au tour des Inuvialuits, de l’Arctique de l’Ouest, plus tard, en raison de la différence d’heure. Il y a aussi des nouvelles dans leur langue.
Les nouvelles internationales et nationales sont aussi couvertes par CBC TV Igalaaq et la radio de CBC.
Le sénateur Cuzner : Ont-ils accès aux émissions nationales comme The Current le matin et Q? Ces émissions sont-elles diffusées également?
Mme Thompson : Oui. Nous avons des émissions en anglais, parce que ce n’est pas en inuktitut toute la journée. Il y a l’inuktitut pour cette section, puis l’anglais, The Current. C’est ce qu’on entend à la radio.
Le sénateur Cuzner : Vous avez fait part de votre inquiétude quant au manque de diversité d’opinions. Est-ce que cela touche la programmation nationale ou la programmation régionale aussi?
Mme Thompson : Il y a de l’interprétation dans notre langue aux nouvelles nationales. Bien souvent, CBC m’appelle, s’il y a un projet de loi du gouvernement fédéral, une loi sur les armes à feu ou une autre mesure, pour que j’explique des choses au public. Donc, oui, cela se fait.
Le sénateur Cuzner : Monsieur Larocque, en réponse à la question du sénateur Quinn, vous avez dit que CBC/Radio-Canada devrait compter davantage sur la publicité, mais dans votre déclaration préliminaire, vous avez aussi dit que la société d’État est un concurrent et nuit à votre publication parce qu’elle prend de l’argent qui devrait vous revenir. Pourriez-vous expliquer cela au comité?
M. Larocque : Oui, je vais essayer. J’imagine qu’ils dépendraient de la publicité, comme une entreprise privée. Nous sommes en concurrence avec d’autres médias du secteur privé qui ne sont pas financés à hauteur de 1,4 milliard de dollars. S’il y avait moins de soutien gouvernemental, la publicité serait une source de financement comme dans le secteur privé, et je pense que cela nous satisferait, étant donné que nous fonctionnons déjà de cette façon. Je crois que cela explique bien comment les choses se passeraient s’ils devaient réorienter leur production de revenus vers la publicité.
Le sénateur Cuzner : Vous voulez dire cesser d’être un radiodiffuseur public et devenir un radiodiffuseur privé.
M. Larocque : Je ne sais pas. Compte tenu de son mandat — et c’est à des gens comme vous d’en décider —, je pense qu’un certain soutien public est probablement nécessaire. En cas de privatisation ou d’arrêt du financement, CBC/Radio-Canada ne serait pas en mesure de remplir son mandat, qui est important. Dans mon allocution, j’ai dit que nous appuyons l’idée d’un radiodiffuseur national. C’est au niveau local que nous sommes inquiets. Je suggère peut-être un système hybride, dans le cadre duquel ces 1,4 milliard de dollars pourraient servir uniquement au mandat national, à expliquer le Canada aux Canadiens, avec un abandon des marchés locaux ou une concurrence avec les autres intervenants du secteur privé sur les marchés locaux.
Le sénateur Cuzner : Vous avez dit toutefois que la concurrence de CBC/Radio-Canada vous nuit maintenant sur les marchés locaux. Vous avez dit que cela vous fait du tort maintenant.
M. Larocque : C’est un des aspects où nous sommes touchés. En me préparant pour cet exposé, j’ai consulté le site Web de la société et regardé ses publicités. Si les annonceurs ne faisaient pas de placement publicitaire à CBC/Radio-Canada, nous aurions peut-être une chance de les attirer à nous.
La vice-présidente : Sénateur Cuzner, je suis désolée, mais je dois vous interrompre. Nous prolongerons un peu la première heure afin que la sénatrice Dasko puisse poser une question. Merci à tous. Je suis désolée que nous manquions de temps. C’est très intéressant.
La sénatrice Dasko : J’avais plusieurs questions, mais l’une d’elles vient d’être posée par le sénateur Cuzner au sujet de la concurrence pour la publicité, et je pense que vous avez expliqué la situation.
Ma première question va donc porter sur certaines des activités d’IBC. Je me demande si vous pourriez préciser votre relation avec APTN. Est-ce que ce réseau reprend tous vos produits et services, ou une partie seulement, ou comment fonctionne cette relation? Je ne comprends pas vraiment.
Mme Prentice : Nous avons actuellement trois émissions. Nous sommes un producteur de télévision. À l’instar de l’Inuvialuit Communications Society, nous avons contribué à la création d’APTN. APTN est maintenant indépendant, et nous avons un siège à son conseil. Nous cédons les licences de diffusion de nos produits à APTN. Nous sommes le premier radiodiffuseur, et APTN achète ensuite nos produits pour les diffuser à la télévision. Nous sommes donc repris sur les ondes d’APTN.
Par ailleurs, nous sommes en pourparlers avec la nouvelle chaîne de télévision inuite Uvagut. Nous lui vendons du contenu que nous produisons. Cette chaîne n’est pas tenue de diffuser nos émissions de télévision. Par exemple, elle vient de nous annoncer qu’elle ne va plus diffuser nos émissions pour enfants. Nous avons collaboré pendant de nombreuses années, mais la chaîne ne veut plus signer de contrat de plus de cinq ans. Voilà un exemple de ce qu’il se passe.
Nous sommes donc en concurrence avec d’autres radiodiffuseurs. Comme mon collègue l’a dit, la concurrence s’est accrue et nous sommes sur le fil du rasoir à cause de la multiplicité des acteurs en présence. Nous essayons d’être plus concurrentiels et d’avoir les meilleurs produits possibles pour parvenir à vendre des licences de diffusion à APTN et à d’autres radiodiffuseurs.
La sénatrice Dasko : Vous exercez donc vos activités en dehors de l’entente avec APTN. Vous produisez des émissions et offrez des services en marge de votre relation avec ce diffuseur.
Mme Prentice : C’est cela. La plupart de nos produits aboutissent à APTN qui compte sur notre contenu linguistique parce que nous produisons seulement en inuktitut, et ce réseau est exigeant en matière de contenu en langues autochtones. Cependant, il n’est pas directement obligé de s’approvisionner auprès de nous.
La sénatrice Dasko : Bien. Vous n’êtes donc jamais en concurrence avec APTN. Vous fonctionnez de façon indépendante.
Mme Prentice : C’est aussi une question intéressante, parce que ce réseau a augmenté ses productions à l’interne. Techniquement, nous ne devrions pas être concurrents, mais APTN n’est pas seulement un radiodiffuseur, car c’est aussi un producteur. Nous nous retrouvons donc en concurrence avec ce réseau à cause de ses productions à l’interne.
La sénatrice Dasko : Et vous êtes tous les deux sur les mêmes marchés?
Mme Prentice : Oui. Le temps d’antenne et le nombre de créneaux valables en télévision sont, pourrait-on dire, limités. Il y a APTN Nord et APTN National. La situation est en train de changer parce qu’APTN a aussi un volet linguistique, et aura donc deux stations différentes. En bref, et d’une certaine façon, nous sommes donc en concurrence pour les heures de diffusion de nos émissions et des choses de ce genre. Notre avantage tient au fait que nous produisons en inuktitut, car une grande partie de ses programmes sont uniquement en français ou en anglais.
La sénatrice Dasko : Revenons à CBC/Radio-Canada. Quelqu’un — je ne sais pas qui au juste — a dit que CBC/Radio-Canada a des journalistes dans chaque communauté. J’aimerais que vous nous expliquiez ce que cela signifie. S’agit-il de journalistes de radio ou de télévision? De quelles communautés parle-t-on? Comment cela fonctionne-t-il?
Mme Thompson : La plupart de ces journalistes sont unilingues et ne parlent que de l’équipe de hockey de passage ou des ours polaires qui errent en ville. Ce sont exclusivement des correspondants de la radio de CBC/Radio-Canada qui ne parlent que l’inuktitut. Ils ne passent pas à la télévision, par exemple. Ce sont des gens qui utilisent leur téléphone pour rendre compte sur les ondes de CBC/Radio-Canada de la météo, de l’arrivée des ours polaires, des rencontres sportives et des réunions au niveau municipal. C’est cela qu’ils font. Je connais un aîné unilingue qui est correspondant à la radio de CBC/Radio-Canada, et il ne fait de reportage nulle part ailleurs. Il travaille uniquement pour CBC/Radio-Canada.
La sénatrice Dasko : S’agit-il de pigistes? Quel est leur statut?
Mme Thompson : Ce ne sont pas des pigistes. Ils appartiennent à la communauté et touchent une petite rémunération, mais je ne sais pas combien. Pas grand-chose sûrement. Ils ne font rapport qu’une fois toutes les deux semaines sur les événements de leur communauté. Ils n’écrivent rien.
La sénatrice Dasko : Ils ne sont donc pas des employés à temps plein, puisqu’ils ne travaillent qu’une fois aux deux semaines, n’est-ce pas?
Mme Thompson : Non, ce ne sont pas des employés. Ils sont simplement choisis au sein de leur communauté pour savoir ce qui se passe localement.
Mme Prentice : En revanche, l’Inuit Broadcasting Corporation avait cinq stations dans le Nord du Nunavut, et nous produisions des émissions de télévision de tous ces endroits, émissions qui étaient diffusées sur TVNC, devenue depuis APTN. Nous couvrions l’information et avions un réseau de stations. À l’époque, trois à cinq personnes travaillaient à IBC. Comme M. Thomson l’a dit, c’était dans les années 1990. Depuis, l’effectif a été réduit. Nous n’avons tout simplement pas les fonds nécessaires en tant qu’organisme sans but lucratif. Mais nous l’avons déjà fait. Les correspondants ne couvrent plus que quelques nouvelles communautaires. Ce n’est pas du journalisme d’enquête.
La vice-présidente : Nous allons devoir vous interrompre et donner le dernier mot à Mme Voudrach. Je crois qu’elle veut vous répondre, sénatrice Dasko. Nous devrons ensuite nous arrêter, car il est passé 10 heures.
Mme Voudrach : Je voulais donner un peu de contexte sur la situation dans notre région, car ici, dans les Territoires du Nord-Ouest, nous avons des journalistes de CBC/Radio-Canada dans les plus grandes localités. À Inuvik, nous avons un vidéo-journaliste à temps partiel ou à temps plein, qui fait partie du personnel de la CBC/Radio-Canada. À Yellowknife, plusieurs journalistes sont employés de la radio et de la télévision de CBC/Radio-Canada, tout comme à Hay River et à Fort Smith, je crois. Ce sont les principaux centres des différentes régions des Territoires du Nord-Ouest.
En règle générale, ces journalistes ne sont pas des locaux. Ils viennent de Yellowknife, de Fort Smith ou même du Sud, où ils ont été formés en journalisme. À l’heure actuelle, notre vidéojournaliste est un Inuvialuit du coin. C’est très bien, mais c’est le premier de... Je ne sais pas à quand remonte la dernière fois. À Yellowknife, on trouve essentiellement des non-Autochtones, des non-Inuvialuit ou des non-résidents du Nord, des gens qui ont grandi dans les régions méridionales du Nord.
La sénatrice Dasko : [Difficultés techniques] la télévision; est-ce bien ce que vous avez dit?
Mme Voudrach : La télévision et la radio.
La vice-présidente : Merci beaucoup. Voilà qui met fin à ces témoignages. Chers collègues, joignez-vous à moi pour remercier nos invités de leurs témoignages et d’avoir pris le temps de nous faire part de leurs points de vue ce matin.
[Français]
Honorables sénatrices et sénateurs, nous poursuivons l’étude du Comité sénatorial permanent des transports et des communications sur les services locaux fournis par CBC/Radio-Canada.
Nous accueillons Christian Ouaka, directeur général de l’Association des francophones du Nunavut, qui arrive directement du Nord canadien; par vidéoconférence, nous accueillons Audrey Fournier, directrice générale de la Fédération franco-ténoise, qui représente les francophones des Territoires du Nord-Ouest.
[Traduction]
Nous accueillons également Jen Gerson, journaliste indépendante à The Line. Bienvenue à tous.
[Français]
On commencera avec des remarques préliminaires de cinq minutes chacun, d’abord avec Mme Fournier, qui sera suivie de M. Ouaka, puis de Mme Gerson. On procédera par la suite à la période des questions.
Madame Fournier, vous avez la parole.
Audrey Fournier, directrice générale, Fédération franco-ténoise : Bonjour et merci beaucoup. Honorables sénatrices et sénateurs, je vous remercie de nous inviter à témoigner aujourd’hui sur le rôle de Radio-Canada dans les Territoires du Nord-Ouest et sur son importance pour la communauté franco-ténoise. Je m’appelle Audrey Fournier et je suis directrice générale de la Fédération franco-ténoise. Comme la vice-présidente vous l’a expliqué, nous sommes l’organisme porte-parole des communautés francophones des Territoires du Nord-Ouest. Depuis 1978, nous défendons les intérêts des Franco-Ténois et nous soutenons le développement et la vitalité de la communauté.
Je vais d’abord vous brosser un rapide portrait de la couverture de Radio-Canada aux Territoires du Nord-Ouest.
Depuis 1991, la radio de Radio-Canada est diffusée exclusivement à Yellowknife, la capitale, laissant environ 25 % de la population francophone sans accès à du contenu en français. Pendant 30 ans, les résidants ont capté les ondes de Montréal; ils avaient accès à un contenu qui était bien loin de leur réalité, sans avoir de couverture de leur réalité locale.
En 2022, le signal a été modifié pour que Yellowknife capte désormais les ondes d’Edmonton en Alberta. Ce changement a grandement amélioré la couverture locale et la représentation de nos enjeux.
En 2018, l’embauche d’une vidéojournaliste à Yellowknife a marqué un tournant pour l’information en français dans notre région. Diffusant principalement sur le Web, cette personne produit du contenu local également partagé à l’échelle nationale, donnant ainsi une visibilité nouvelle aux réalités ténoises. Bien que la quantité de contenu reste limitée, cette initiative a tout de même permis à nos enjeux d’être mieux reflétés.
À notre avis, Radio-Canada joue un rôle crucial dans le maintien de la vitalité de nos communautés. En offrant du contenu en français qui reflète nos réalités, elle contribue à préserver notre langue et notre identité, notamment auprès des jeunes. La diffusion de contenu local facilite aussi l’intégration des nouveaux arrivants dans nos communautés en leur procurant un sentiment d’appartenance à celles-ci.
Ce contenu local est aussi crucial en situation d’urgence. Pourtant, il existe encore plusieurs défis en termes d’accès et de représentation de nos réalités. Tout d’abord, le fait de se voir, de s’entendre et d’être exposé à du contenu auquel on peut s’identifier, dans lequel on reconnaît notre environnement et les enjeux qui nous tiennent à cœur, permet de construire une identité partagée. C’est ainsi que nos jeunes prennent conscience que le français n’est pas seulement une langue qu’on apprend à l’école ou qu’on parle à la maison, mais que c’est aussi une langue avec laquelle on peut s’informer, se divertir, rire, s’émouvoir et vivre au quotidien.
La vice-présidente : Je vais vous arrêter un instant. On a des problèmes avec Internet. Ce n’est pas nouveau. J’imagine que vous êtes dans les Territoires du Nord-Ouest.
Mme Fournier : Oui.
La vice-présidente : Pour la traduction, vous nous avez procuré un texte. Ce dernier est disponible. Je m’excuse, mais nous allons passer au prochain témoin et revenir à vous plus tard. Nous avons entendu quand même une partie du début, mais après le vidéojournaliste, la situation s’est gâtée. Ce n’est pas vous, cela fait justement partie des enjeux du Nord, et nous les vivons en ce moment même.
Monsieur Ouaka, je vais vous demander de procéder, parce que vous êtes ici, et normalement, il n’y a pas de problème de son.
Christian Ouaka, directeur général, Association des francophones du Nunavut : Merci, madame la vice-présidente. Honorables sénatrices et sénateurs, au nom du conseil d’administration de l’Association des francophones du Nunavut, je vous remercie de nous donner l’occasion de nous exprimer aujourd’hui au nom de la communauté franco-nunavoise sur les services offerts par Radio-Canada dans notre région.
Depuis 43 ans, l’Association des francophones du Nunavut s’efforce non seulement de défendre les droits linguistiques des francophones du territoire, qui représentent environ 4 % de la population du Nunavut et plus de 15 % de la population de la ville d’Iqaluit, la capitale, mais également de fournir une gamme variée de services communautaires dans plusieurs domaines, dont les médias et les communications en français.
À titre d’organisme porte-parole du développement communautaire, l’objet de cette séance nous tient particulièrement à cœur, car elle touche aussi bien à la défense de nos droits linguistiques qu’à la promotion de notre identité culturelle. En effet, en appui à la Loi sur les langues officielles, la Loi sur la radiodiffusion place Radio-Canada au cœur des articulations médiatiques et culturelles du pays, et en particulier de nos territoires nordiques, qui font face à des problématiques bien spécifiques. Dans un tel contexte, Radio-Canada représente un outil essentiel pour assurer le lien entre les communautés francophones éparpillées à travers le pays.
Nous reconnaissons son rôle fondamental en tant que gardienne de la souveraineté culturelle canadienne, surtout à l’ère du numérique, où l’univers médiatique est de plus en plus dominé par des acteurs mondiaux. Pour nous, francophones vivant au Nunavut, Radio-Canada représente bien plus qu’une simple source d’information. Elle est, ou devrait être, un pont entre notre réalité nordique et le reste du pays. Pourtant, malgré son mandat, qui inclut explicitement l’obligation de répondre aux besoins des communautés de langue officielle en situation minoritaire, nous constatons que nos réalités et nos voix sont souvent absentes de sa programmation. En clair, nous ne nous voyons pas.
Au quotidien, les francophones du Nunavut n’ont pas accès à une télévision locale en français. La plateforme numérique ICI Grand Nord, qui regroupe des nouvelles des trois territoires et parfois de la région circumpolaire dans son ensemble, ne reflète que marginalement les préoccupations spécifiques de notre communauté. En réalité, nos enjeux sont souvent noyés dans des récits dominés par un tropisme québéco-ontarien.
Nous avons ainsi l’impression que nos histoires, nos voix et nos réalités sont souvent invisibilisées. Cette marginalisation médiatique n’est pas sans conséquences. L’accès à une information pertinente et localisée en français est essentiel pour maintenir le lien social, nourrir le sentiment d’appartenance et encourager la participation active à la vie collective. Or, au Nunavut, nous en sommes encore loin.
Ces défis ne sont pas nouveaux, et les générations de francophones avant nous y ont également fait face. Face à ces lacunes, notre association a dû, au fil des années, s’organiser pour pallier le vide médiatique. Nous avons développé, avec des moyens limités, deux médias communautaires qui jouent un rôle essentiel dans notre quotidien. Notre radio communautaire CFRT, qui émet à Iqualuit depuis 1994, est la troisième radio la plus écoutée dans le Nord et l’Ouest du Canada, avec une moyenne de 3 000 auditeurs. Notre journal bimensuel, Le Nunavoix, publié depuis 2002, réussit à rejoindre 500 abonnés à chaque tirage.
Ces initiatives, bien qu’encourageantes, ne suffisent pas à répondre pleinement aux besoins croissants de notre communauté. Une immigration francophone active et diverse alimente la vitalité du territoire, mais elle nécessite également une couverture médiatique inclusive, qui reflète la pluralité des expériences et des parcours.
La situation est rendue encore plus fragile par les possibles coupes budgétaires chez CBC/Radio-Canada. Si ces réductions de ressources affectent Radio-Canada dans le Nord, cela risque de dégrader davantage l’accès à une information pertinente pour notre communauté. De même, les consultations de Radio-Canada avec les communautés francophones, bien qu’elles soient en amélioration, restent souvent informatives plutôt que participatives.
Ces consultations doivent évoluer pour devenir de véritables espaces de dialogue avec les communautés. Nous croyons qu’il est temps de recentrer le mandat de Radio-Canada pour en faire un véritable reflet de la francophonie dans toute sa diversité.
Pour le Nunavut, nous estimons qu’il est impératif que Radio-Canada augmente ses moyens humains et techniques sur notre territoire. Nous avons une seule journaliste qui couvre 2 millions de kilomètres carrés.
Nous insistons sur l’importance cruciale de renforcer les capacités de nos médias communautaires, des médias qui jouent un rôle très important dans notre communauté et qui collaborent déjà avec Radio-Canada.
Enfin, Radio-Canada a une responsabilité nationale, qui est notamment de refléter la diversité et la richesse de la francophonie canadienne dans toutes ses formes et dans tous ses accents. Il est temps de préciser que Radio-Canada est une institution nationale au service de toutes les communautés francophones, y compris les nôtres au Nunavut et dans le Grand Nord. Je vous remercie.
[Traduction]
Jen Gerson, journaliste indépendante, The Line, à titre personnel : Merci beaucoup de m’avoir invitée. Pour ceux qui ne me connaissent pas, je suis journaliste indépendante et j’ai cofondé une organisation appelée The Line through Substack, qui me permet de commenter l’actualité et qui sert de plateforme à d’autres personnes souhaitant faire part de leurs réflexions aux Canadiens. On dit généralement de nous que nous sommes de centre-droite, bien que nous soyons en fait ouverts à une grande variété de courants de pensée.
Je me distingue de nombreux autres conservateurs du pays et me place en porte-à-faux par rapport à eux, en ce sens que je soutiens CBC/Radio-Canada, peut-être parce que je suis de Calgary et pas de quelque part en Ontario. J’ai un point de vue légèrement différent sur l’importance de CBC/Radio-Canada, particulièrement pour les marchés locaux.
Je suis journaliste non spécialisée au Calgary Herald, et je travaille dans le milieu de la presse, principalement à titre de journaliste, depuis plus de 20 ans. J’ai conclu de mon emploi, surtout lors de mon passage à Postmedia, que toute ma carrière a été marquée par un effondrement du travail de journaliste, un effondrement de la couverture médiatique. Au cours de ma carrière relativement courte, j’ai vu les déserts d’information se développer et les zones de couverture se rétrécir, se rétrécir et se rétrécir.
CBC/Radio-Canada a l’occasion de réagir à ce que je considère comme étant un échec du marché en raison de la configuration culturelle et économique unique de notre pays. Je ne suis pas convaincue que le secteur privé parvienne à soutenir la concurrence dans le domaine des nouvelles locales, ni qu’il puisse soutenir la concurrence comme il se doit pour créer une population informée partout au pays. En fait, je suis convaincue de l’inverse. En tant que journaliste indépendante, je dirais qu’aucun média indépendant n’a réussi à trouver une façon de bien fonctionner dans ces espaces. Nous n’avons pas été en mesure de trouver un moyen d’exister sur le marché des médias locaux d’une manière économiquement viable dans une mesure adéquate.
Un organisme comme CBC/Radio-Canada a la possibilité d’occuper cet espace, et je pense que nous avons maintenant l’occasion d’examiner les besoins et de déterminer sérieusement si CBC/Radio-Canada répond ou non à ces besoins. Au vu de la situation actuelle, j’aurais tendance à répondre par la négative, mais nous avons l’occasion d’examiner sérieusement le mandat de CBC/Radio-Canada et de nous demander s’il sera possible d’amener le radiodiffuseur à s’adapter à un environnement médiatique radicalement différent de tout ce qui a existé jusqu’ici.
Soit dit en passant, des gens m’ont déjà demandé à quelques reprises comment faire fonctionner un mariage. La seule réponse que j’ai pu trouver pour y parvenir réside dans l’harmonisation des valeurs et des objectifs. Je pense que c’est vrai dans de nombreux aspects de la vie, et quand on parle de couverture médiatique et d’importance du journalisme pour les marchés locaux, je dirais que cette façon de voir les choses est plus importante que dans le cas des mariages humains. Il faut harmoniser les valeurs de celles et de ceux qui couvrent une communauté et les valeurs des résidants de ces communautés. Il faut harmoniser les objectifs. Il faut un mandat clair, des attentes claires sur ce qui est couvert et pourquoi, et tout le monde doit ramer dans la même direction.
À l’heure actuelle, je pense qu’en tant que contribuables, nous n’avons pas réussi à faire savoir à CBC/Radio-Canada ce que nous attendons d’elle. Nous lui avons donné un mandat très large et très vague, ce qui a donné lieu à une débauche de moyens consacrés à des choses qui n’ont plus beaucoup d’importance, mais qui en avaient peut-être une il y a 20 ans. Je pense que nous ne savons pas très bien quel genre de journalisme et quelles valeurs journalistiques nous devons attendre de CBC/Radio-Canada. Cela étant, la société est devenue une organisation boursouflée, ultra bureaucratique et hyper centralisée.
Je dirais, par ailleurs, que l’harmonisation des valeurs est importante. Nous devons être très clairs quant aux valeurs journalistiques que nous attendons d’un organisme financé par le contribuable. Nous ne voulons pas que ces valeurs journalistiques nous soient dictées par l’Université Columbia ou l’Université de New York ou encore par une institution californienne. Nous voulons des valeurs journalistiques qui sont créées et comprises localement et qui correspondent aux collectivités desservies. Cela crée aussi des ouvertures et des occasions de comprendre que les valeurs journalistiques à Toronto seront peut-être légèrement différentes de celles de Red Deer ou de Lethbridge. C’est bien, mais cela veut dire qu’il faut une structure assez décentralisée où les organisations locales et les médias locaux exercent un grand contrôle sur le type d’émissions qu’ils produisent, le type de personnes qu’ils embauchent et le type de contenu qu’ils diffusent dans le monde.
Compte tenu du contexte actuel, je ne pense pas que CBC/Radio-Canada soit une institution adaptée aux besoins, et nous avons maintenant l’occasion de procéder à une refonte en profondeur de son mandat.
La vice-présidente : Merci beaucoup.
Je cède la parole à la sénatrice Simons, qui doit partir sous peu. Elle a une question à vous poser, madame Gerson. Nous verrons ensuite comment se fait la communication avec les Territoires du Nord-Ouest, mais je ne crois pas que cela ait changé. Je sais que nous sommes en train de faire un peu marche arrière et de changer, mais nous allons donner la parole à la sénatrice Simons.
La sénatrice Simons : Madame Gerson, vous avez déjà témoigné devant nous — je crois que c’était au sujet du projet de loi C-11 plutôt que du projet de loi C-18 — et, à ce moment-là, vous avez prescrit ce que vous aimeriez que CBC/Radio-Canada fasse pour promouvoir la baladodiffusion locale et le journalisme local. Nous venons d’entendre des témoins du Nunavut et des Territoires du Nord-Ouest qui se sont dit très sceptiques quant à la capacité de CBC/Radio-Canada de fonctionner en tant que partenaire. Je ne pense pas que les résidants de Toronto ou de Montréal comprennent la crise du journalisme régional, même dans les grandes villes comme Calgary ou Vancouver. Comment nous y prendre pour faire fonctionner ce mariage?
Mme Gerson : Je pense que c’est un processus difficile et qu’il faut rétablir la confiance entre CBC/Radio-Canada et les collectivités locales qu’elle dessert.
Encore une fois, je parle du point de vue d’une personne de l’extérieur. Je sais seulement ce que je peux voir de l’extérieur, et je vois, par exemple, que la couverture médiatique à Calgary s’est effondrée, même depuis que je travaille ici, depuis 10 ans. Cette couverture existe encore, mais elle n’est plus ce qu’elle était, et Calgary est une grande ville. C’est une ville de plus d’un million d’habitants où j’ai vu l’effondrement de la couverture journalistique. Je suis certain que vous, sénatrice Simons, avez assisté au même effondrement à Edmonton. Ce n’est plus un problème réservé à Medicine Hat, en Alberta, ni aux régions intérieures de la Colombie-Britannique. Cela arrive maintenant dans les grandes villes.
Comment ces gens vont-ils être informés si vous n’avez pas quelque chose qui ressemble à une sorte de média obéissant à une norme professionnelle? Je pense que vous allez assister à un repli de masse dans ce que j’appelle les « forêts sombres » — les groupes WhatsApp, les groupes Facebook fermés et privés, les chaînes Discord et ce genre de choses — avec des auditoires qui s’abreuvent de commérages et qui sont renseignés par des médias affichant une mentalité digne de la mafia.
À l’occasion, ça peut aller, s’il est simplement question de partager les résultats des sports locaux sur votre groupe WhatsApp? Ça n’a alors pas d’importance. Mais il n’est pas nécessaire de remonter très loin dans l’histoire pour voir ce qui arrive à une population strictement informée par l’usine locale de commérages, en dehors de norme et sans aucune attente de clarté ou d’exactitude. Cela mène très rapidement à une population ingouvernable, au comportement peu commode. Je pense que c’est un problème majeur, et il l’est aussi pour les conservateurs.
Cela ne revient pas à dire que CBC/Radio-Canada, telle que l’entreprise se présente actuellement, est adaptée à ses besoins ou qu’elle peut servir d’amortisseur à ce genre de problème, mais cela signifie qu’il faut bien penser à ce qu’on fait si l’on envisage sérieusement de fermer cette institution.
J’aimerais que CBC/Radio-Canada devienne une entreprise qui ne soit pas une concurrente du secteur privé et qui ne se considère pas comme telle. J’aimerais que CBC/Radio-Canada, du premier au dernier échelon de sa structure, se voit comme un fournisseur de services — non pas un fournisseur de service imposant une valeur au Canada pour les Canadiens, mais plutôt comme un acteur offrant des services aux collectivités locales dans lesquelles elle se trouve.
J’aimerais voir un nouveau mandat pour CBC/Radio-Canada. Une partie de son travail devrait consister à former. Il faudra former les gens si l’on veut couvrir les nouvelles locales. Il faudra de la formation. Une partie du travail de la société devrait consister à organiser des ateliers sur la façon de produire des balados, des ateliers sur la façon d’aider les gens à couvrir l’information de façon responsable, des ateliers sur la façon de vérifier les faits afin que les gens qui se rendent dans leur collectivité et qui créent leur propre blogue ou leur propre baladodiffusion ou qui contribuent au groupe local de WhatsApp puissent le faire en ayant une certaine base institutionnelle et des connaissances.
Je pense que ce genre de CBC/Radio-Canada, une société profondément ancrée dans les collectivités locales — ce qui devrait être l’essence même du journalisme local —, pourrait rétablir la confiance des collectivités locales et fonctionner au sein de ces collectivités. Il faut non seulement changer le mandat en profondeur, mais aussi changer d’état d’esprit, et il faudra lui confier un mandat de formation.
La vice-présidente : Merci.
[Français]
La sénatrice Clement : Merci à tous les témoins. Je vais poser ma question à M. Ouaka, mais je remercie Mme Fournier pour la rencontre que j’ai eue avec elle à Yellowknife cette année, qui m’a vraiment donné une meilleure perspective sur le Nord.
Nous allons maintenant plus au nord avec M. Ouaka. Vous avez utilisé le terme « québéco-ontarien ». Je suis une sénatrice de l’Ontario et pour moi ces deux choses ne vont pas ensemble, mais je comprends que la perspective du Nord est différente.
Vous avez dit que la programmation de Radio-Canada ne reflète pas vraiment vos voix, surtout en raison de la pluralité et parce qu’une immigration francophone a eu lieu. Pourriez-vous nous en dire un peu plus là-dessus?
Vous avez parlé d’une consultation qui n’est pas adéquate. Pourriez-vous nous décrire de quoi aurait l’air une vraie consultation, de façon pratique?
Vous avez dit que les compressions vont vous affecter. Idéalement, qu’aimeriez-vous voir? Vous avez parlé de ressources techniques et humaines. À quoi ressemblerait un portrait plus parfait pour le Nord?
M. Ouaka : Merci, madame la sénatrice. En ce qui concerne la question du tropisme québéco-ontarien, il faut savoir qu’au Nunavut, les principaux points qui nous rattachent au Sud sont le Québec et l’Ontario. Généralement, on n’a que des nouvelles qui viennent de ces régions. Prenons l’exemple de notre radio communautaire, avec le bulletin de Radio-Canada que nous avons chaque matin. Nous avons une collaboration avec Radio-Canada qui permet de recevoir le bulletin de nouvelles diffusé à la radio. Ce bulletin de nouvelles nous vient du Québec, avec de l’information qui couvre certes l’échelle nationale, mais qui a quand même un ancrage au Québec. D’autres nouvelles nous parviennent aussi et elles concernent la région d’Ottawa, avec tout ce qui se passe sur la Colline.
Les nouvelles locales en français n’existent assurément pas chez nous. Ils ont un téléjournal, mais pas en français; il est en inuktitut. Comme le disait Mme Thompson un peu plus tôt, cela permet de faire un lien avec les personnes unilingues du territoire. Toutefois, pour les francophones qui sont sur le territoire, il y a un manque. On n’arrive pas à se voir à la télévision ni à comprendre les histoires des autres personnes.
L’autre aspect concerne l’immigration. Depuis 5 à 10 ans, l’immigration au Nunavut a beaucoup augmenté. Selon le dernier recensement, l’immigration est en croissance. Beaucoup d’immigrants qui arrivent au Nunavut n’ont pas la possibilité de s’informer directement en français. Certes, nos médias communautaires, soit le Nunavoix et CFRT, jouent un rôle important dans la communauté. Outre ceux-là, il y a un manque venant du diffuseur public national. Une journaliste a eu une arrivée concomitante à la mienne dans le territoire. Elle essaie de couvrir les nouvelles comme elle le peut. Il y a toutefois un manque, et c’est là que les médias communautaires entrent en ligne de compte pour compléter l’information. Ils ont créé cette complémentarité avec le diffuseur national, mais il y a quand même des manques qui se font sentir.
Pour ce qui est des moyens techniques et humains, avoir une seule journaliste pour un territoire aussi grand que le Nunavut représente une tâche herculéenne. Elle ne peut pas voyager dans toutes les communautés au même moment. Elle essaie de couvrir le maximum de communautés, mais le manque existe. Dans le territoire, on le vit au quotidien. On n’a pas accès à de l’information. On prend l’information qui nous est proposée et on fait avec. D’autres médias, privés ou communautaires, permettent de donner de l’information. Toutefois, pour des francophones qui ont le français seulement comme langue parlée ou comme langue de travail, ce n’est pas évident de lire l’information en langue anglaise ou en inuktitut.
Radio-Canada pourrait assurément jouer un rôle plus important sur ce point ou permettre aux médias communautaires que nous sommes de compléter ses efforts.
La sénatrice Clement : Est-ce que vous avez dit cela à Radio-Canada?
M. Ouaka : On a eu des consultations avec Radio-Canada. Personnellement, la dernière en date avec une équipe de Radio-Canada remonte à deux ans environ. Ce sont des informations qu’on leur a transmises. Encore une fois, pour revenir au point des consultations, on a très souvent l’impression que c’est juste de l’information qu’on reçoit et qu’on ne participe pas à la prise de décisions concernant nos communautés. Cela a un impact sur nous. On ne se sent ni écouté ni inclus dans la discussion. On reçoit simplement de l’information.
La sénatrice Clement : Merci.
La vice-présidente : Très bien. Madame Fournier, si votre connexion est plus stable, vous pouvez poursuivre.
Mme Fournier : En 2018, Radio-Canada a embauché un vidéojournaliste à Yellowknife, ce qui a marqué un tournant pour l’information en français dans notre région. Cette personne diffuse principalement sur le Web et produit du contenu local qui est également partagé à l’échelle nationale, ce qui nous donne une visibilité accrue. Bien sûr, la quantité de contenu que cette personne est en mesure de produire seule est limitée, mais c’est tout de même une initiative qui a permis à nos enjeux d’être mieux reflétés.
À notre avis, Radio-Canada joue un rôle crucial dans le maintien de la vitalité de nos communautés. En offrant du contenu en français qui reflète nos réalités, elle contribue à préserver notre langue et notre identité, notamment auprès des jeunes. La diffusion de contenu local facilite aussi l’intégration des nouveaux arrivants dans notre communauté et la création d’un sentiment d’appartenance. Ce contenu local est aussi crucial en situation d’urgence.
Pourtant, il existe encore beaucoup de défis sur les plans de l’accès et de la représentation de nos réalités. D’abord, le fait de se voir, de s’entendre, d’être exposé à du contenu auquel on peut s’identifier, dans lequel on reconnaît notre environnement et les enjeux qui nous tiennent à cœur, tout cela aide à la construction et à la reproduction d’une identité partagée. C’est comme ça, entre autres, que nos jeunes voient que le français n’est pas seulement une langue qu’on apprend à l’école ou qu’on parle à la maison, mais que c’est aussi une langue utile avec laquelle on peut s’informer, se divertir, rire, s’émouvoir et vivre au quotidien. L’accès à du contenu local facilite aussi l’intégration communautaire et renforce le sentiment d’appartenance à la communauté. Nous saluons en ce sens les efforts que fait la station albertaine pour résonner auprès des Franco-Ténois. Nous reconnaissons pourtant qu’une station locale bien ancrée dans la communauté franco-ténoise aurait un impact plus important.
Radio-Canada constitue aussi une précieuse source d’information en situation d’urgence. Elle a d’ailleurs joué un rôle très important en relayant l’information lors des récentes évacuations liées aux feux de forêt et aux inondations dans notre territoire. N’importe quelles compressions dans l’accès en ce sens ou dans la quantité de contenu diffusé risquent de fragiliser nos communautés.
Le travail que fait Radio-Canada localement et régionalement participe à garder le français au cœur de nos vies. Malheureusement, ces acquis nous semblent fragiles aux Territoires du Nord-Ouest, avec une seule vidéojournaliste en poste à Yellowknife, une situation de dépendance envers CBC et un signal restreint à la capitale. Donc, une très grande proportion du territoire n’est pas desservie.
Nous constatons aussi des défis dans la programmation nationale, qui, malheureusement, reste largement centrée sur le Québec. Nos réalités nordiques, nos artistes et nos experts sont absents des émissions culturelles et des nouvelles nationales. Les émissions de divertissement, quant à elles, ne reflètent que très rarement les particularités des communautés hors Québec, et encore moins les communautés nordiques. Bref, nous nous sentons invisibles.
Il est pourtant crucial pour nos communautés de se retrouver dans les représentations de la francophonie canadienne véhiculées par Radio-Canada. Ce biais québécocentriste soulève des questions sur la compréhension qu’a Radio-Canada de son rôle envers les communautés francophones en situation minoritaire.
En conclusion, nous aimerions réitérer que Radio-Canada joue un rôle majeur pour garder le français vivant à travers le Canada et qu’elle est la seule institution à nos yeux qui a le mandat et les moyens d’avoir un impact pancanadien sur le dynamisme du français. Un renforcement de sa présence locale et de la diversité de son contenu est toutefois nécessaire pour qu’elle remplisse pleinement ce mandat et contribue réellement à l’épanouissement des communautés francophones en situation minoritaire. Nous espérons voir se développer une société d’État forte et inclusive, qui reconnaît et valorise nos réalités et notre contribution à la francophonie canadienne.
Merci.
La vice-présidente : Merci, madame Fournier. Je suis soulagée que vous ayez pu faire votre déclaration. Je cède la parole au sénateur Cardozo.
[Traduction]
Le sénateur Cardozo : J’ai deux questions, et la première s’adresse à Jen Gerson. Vous avez parlé de conservateurs qui ne sont pas favorables à CBC/Radio-Canada. À mon avis, les conservateurs modérés et encore plus à droite en général voudraient peut-être que CBC/Radio-Canada soit privée de son financement. Le plus préoccupant dans tout cela, selon moi, c’est le parti pris, plus encore que les problèmes de concurrence avec le secteur privé dont vous avez parlé. Si les radiodiffuseurs et les journaux du secteur privé semblent s’effondrer et que nous nous retrouvons avec une CBC/Radio-Canada non financée, que nous restera-t-il? Comment CBC/Radio-Canada pourra-t-elle s’attaquer à la question des préjugés?
Mme Gerson : Je pense que la question des préjugés est réelle, que les préoccupations relatives à la partialité politique ne sont pas sans fondement. Ce n’est pas pour rien que les conservateurs veulent éliminer le financement de CBC/Radio-Canada sans perdre des points dans les sondages. Que vous vouliez ou non en débattre est sans intérêt. Il convient, pour le moins, de prendre acte d’une certaine perception assez répandue voulant que CBC/Radio-Canada a adopté une attitude journalistique qui va à l’encontre des communautés qu’elle sert, ce qui s’est soldé par un effondrement du soutien à CBC/Radio-Canada, même en dehors de ce que j’appellerais la base conservatrice étroite. C’est un problème. Les contribuables doivent se sentir liés à cette institution pour qu’elle puisse prospérer. C’est ainsi.
La partialité est un problème. Pour l’infléchir, il faut effectuer un examen en profondeur du mandat, avec un grand nombre d’acteurs représentant tout l’éventail des sensibilités politiques qui en viendraient à dire : « Voilà le genre de journalisme que nous attendons de vous, le genre de couverture que nous attendons de vous », et qui intégreraient tout cela dans le mandat. On ne peut pas avoir un mandat vague, ce qui est actuellement le cas. Si nous voulons que CBC/Radio-Canada couvre les audiences de la Cour suprême, nous devrons le préciser dans son mandat. Si nous voulons que CBC/Radio-Canada diffuse des nouvelles locales, sera-t-il nécessaire de prévoir un journaliste par tranche de 100 000 personnes, de 25 000 personnes? Il faudra l’inscrire dans le mandat. Il faut que ce soit explicite, que ce soit incontournable, puis il faudra chiffrer ce que représente ce mandat. À l’heure actuelle, même si vous doubliez le budget de CBC/Radio-Canada, vous n’amélioreriez pas la société, mais vous auriez une institution qui tentera de faire plus de choses, mais mal. Il faut partir du mandat et établir un budget à partir du mandat. Si la société a besoin de deux fois plus d’argent pour s’acquitter de ce mandat, alors qu’il en soit ainsi, mais les sommes devront être affectées de façon à ce que tout le monde soit d’accord avec la logique du raisonnement.
Deuxièmement, je pense qu’il faut s’attaquer au problème de la partialité de CBC/Radio-Canada en décentralisant radicalement cette société. À CBC/Radio-Canada, il y a actuellement trop de journalistes à Toronto et pas assez dans le reste du pays. Cela a beaucoup à voir avec la culture du journalisme, la culture de la dotation en personnel et le fonctionnement des écoles de journalisme. C’est un problème plus profond dont je pourrais vous parler, mais disons que CBC/Radio-Canada doit être pleinement habilitée à représenter les résidants de Calgary et à leur parler. La société ne doit pas être uniquement redevable aux directeurs généraux de Toronto ou d’Ottawa. Il faut réaliser une véritable décentralisation.
Avoir des gens sur le terrain, présents dans les localités, des gens qui entretiennent des relations humaines avec la population qu’ils servent, est la façon la plus efficace de créer une relation journalistique saine entre les journalistes et la population qu’ils couvrent. On ne peut pas avoir une institution journalistique saine où la majorité des journalistes sont basés à Toronto et s’attendre à ce que les résidants de Lethbridge ou du Nord se sentent concernés. Ces journalistes ne voient pas les gens sur place, ils ne sont pas dans leurs collectivités, ils ne sont pas présents dans leurs collectivités et ils ne parlent pas aux gens du coin de leurs préoccupations locales. Ce mode de fonctionnement a tous les atours d’une puissance impériale éloignée qui impose ses valeurs d’en haut. Ce n’est pas ainsi qu’un écosystème journalistique sain est censé fonctionner.
Je pense effectivement que les conservateurs sont naïfs quant à ce qui va se passer ici. Les conservateurs à qui j’ai parlé pensent que nous allons tuer CBC/Radio-Canada et qu’un millier de fleurs vont s’épanouir, tout comme The Line. Je vous le dis en tant que membre de The Line, je ne peux pas reproduire ce que fait CBC/Radio-Canada. Je ne peux pas réparer l’échec du marché que CBC/Radio-Canada essaie de corriger en ce moment. Ne laissez pas vos préoccupations au sujet des préjugés l’emporter sur la nécessité fondamentale de retrouver une capacité institutionnelle, car c’est le risque que nous courons en insistant sur des questions, bien que légitimes, au sujet des préjugés.
Le sénateur Cardozo : Merci. Il est très utile de trouver une façon de corriger le problème des préjugés plutôt que, dans ce cas-ci, de jeter le bébé avec l’eau du bain.
[Français]
J’ai une question pour vous, monsieur Ouaka. Vous avez parlé de la diversité de population francophone. Parlez-nous un peu de ce que vous voulez voir comme meilleure réflexion de la population de la diversité culturelle et ethnique à Radio-Canada?
M. Ouaka : Merci pour la question. Je vais vous donner un exemple qui s’est passé il y a quelques années. Patrimoine canadien avait financé un projet qui s’appelle le WebOuest, qui a permis de réaliser des vidéos et de donner de la visibilité aux communautés de l’Ouest et du Nord de façon générale. Grâce à WebOuest, on a pu capter un festival du cirque qu’on a tenu à Iqaluit. On a pu capter des immigrants qui venaient de s’installer. On a pu capter plusieurs aspects de notre communauté qui sont en pleine effervescence. Du côté de Radio-Canada, on n’a pas ce genre de contenu. Ce contenu est absent pour les gens de la communauté qui viennent de s’installer à Iqaluit. Il est important de se sentir écouté et vu à la télévision et de partager son expérience générale avec la communauté.
Pour ce qui est de Radio-Canada, nous lui demandons de cibler ce genre d’initiatives et de rendre la communauté dans son ensemble plus visible, pour faire en sorte qu’une famille immigrante qui vient de s’installer puisse être montrée dans la communauté. Je discutais il y a deux jours avec la directrice de l’école des Trois-Soleils, qui me disait que cette année, elle avait fait plus de 35 inscriptions pour des enfants issus de l’immigration. Est-ce que toute la communauté est au courant? On ne le sait pas. Ce sont des informations qui passent de bouche à oreille, mais elles ne sont pas montrées au reste du pays et à la communauté.
La vice-présidente : Merci.
[Traduction]
La sénatrice Dasko : Mes questions s’adressent à Mme Gerson. J’aimerais poursuivre un peu plus sur le sujet du mandat. Bien sûr, vous savez que nous envisageons un scénario où les ressources de CBC/Radio-Canada pourraient être réduites. Beaucoup disent que CBC/Radio-Canada devrait réduire sa publicité. Et puis, bien sûr, il y a la menace pour les deniers publics dont nous entendons aussi constamment parler.
Dans un scénario où les ressources n’augmenteraient pas, mais où elles pourraient au contraire diminuer, la question est de savoir ce que CBC/Radio-Canada devrait faire. La société a de nombreux mandats, comme vous le savez. La liste de ce qu’elle est censée faire est longue, et j’aimerais vous demander ce que vous pensez que CBC/Radio-Canada devrait faire. Dans ce scénario, devrait-elle tout faire moins bien ou devrait-elle se concentrer sur certaines activités? Comme l’information et les affaires publiques. Les nouvelles locales et la programmation locale. Le théâtre, la culture et le divertissement. C’est l’un des grands domaines dans lesquels CBC/Radio-Canada est actuellement très présente. Selon vous, que devrait faire CBC/Radio-Canada dans ces différents scénarios? Devrait-elle tout faire moins bien ou moins bien cibler son action? Et si elle devait limiter son champ d’action, à quoi devrait-elle s’intéresser en priorité?
Mme Gerson : Avec tout le respect que je vous dois, je ne crois pas que cette question s’adresse à CBC/Radio-Canada, elle s’adresse plutôt au gouvernement et à ses représentants. Ce n’est pas à CBC/Radio-Canada de décider de son mandat; c’est à nous de lui dire ce que nous attendons d’elle.
La sénatrice Dasko : Je vous demande ce que vous pensez qu’ils devraient faire.
Mme Gerson : Si j’étais membre du comité chargé du mandat — il se trouve que je fais aussi du bénévolat —, je commencerais par examiner les besoins des collectivités que nous essayons de servir, et je bâtirais à partir de là.
Oui, je dirais que le mandat de CBC/Radio-Canada devrait être très axé sur les nouvelles, sur l’information. Je ne dicterais pas nécessairement la façon dont les nouvelles et l’information sont diffusées. Je m’occuperais moins de la distribution que de la production de contenu. Peu m’importe que les programmes de CBC/Radio-Canada soit diffusés sur YouTube ou sur Netflix, par exemple, ou dans des groupes locaux de Facebook. Cela ne pose pas problème. Je pense qu’il faut séparer le volet divertissement du reste — pour ce qu’il en reste — et commencer à se concentrer sur les nouvelles et la couverture médiatique, surtout en dehors des grands centres, pour tenter des percées dans les endroits qui sont actuellement non desservis par les médias.
Pour traiter de cette question dans le mandat, il faudrait commencer par fixer un nombre de journalistes par nombre d’habitants. Dans chaque collectivité de plus de 25 000 personnes, on trouverait un correspondant qui habite sur place et qui sert la collectivité. Le mandat préciserait même la mission à remplir. J’irais jusqu’à cela. Je dirais que la société doit couvrir les réunions du conseil municipal et les rencontres sportives locales. Elle devra pouvoir compter sur un journaliste local spécialisé en éducation. Le mandat devra être rédigé de sorte qu’au moment d’assumer ses fonctions, la nouvelle équipe de gestion ne soit pas tentée ou n’ait pas la possibilité de se rabattre sur les centres urbains qui sont déjà relativement bien servis par le secteur privé.
La sénatrice Dasko : Je vous propose de parler des valeurs et de la façon dont vous voyez les choses. Pour avoir étudié les valeurs canadiennes pendant de nombreuses années, je suis consciente de la diversité des valeurs. J’ai cru comprendre que, pour vous, la collectivité pourrait présenter une certaine valeur que CBC/Radio-Canada devrait refléter, mais en réalité les collectivités ont des valeurs diverses.
Mme Gerson : Tout à fait.
La sénatrice Dasko : Comment devons-nous composer avec cette diversité des valeurs dans notre tentative de définir la valeur que CBC/Radio-Canada devrait refléter?
Mme Gerson : Il faut décentraliser le contrôle. Il faut comprendre que les valeurs qui émanent du centre-ville de Toronto et de l’annexe sont bonnes pour Toronto et pour l’annexe. Il n’y a rien de mal à cela, c’est même très bien, mais on ne parle alors pas des mêmes valeurs que celles du centre-ville de Lethbridge. Ce ne sont pas les mêmes que celles de Hanna. Ce ne sera pas la même chose, et c’est fort bien parce que nous avons un beau pays avec une grande variété de valeurs. C’est bien. Nous n’avons pas à nous entendre sur les mêmes choses et nous n’avons pas tous les mêmes priorités.
Pour que le journalisme fonctionne — et je vous le dis en tant que personne travaillant dans ce domaine depuis 20 ans maintenant —, il faut établir un lien avec son auditoire. Il faut faire comprendre aux gens à qui vous vous adressez que vous essayez de les servir là où ils sont, et que vous ne cherchez pas à leur imposer vos points de vue. Je pense que c’est au cœur même du journalisme. C’est une relation. Pas question pour moi d’imposer mes valeurs de façon dictatoriale; c’est une relation qu’il faut avoir avec son auditoire.
Dans le cas des nouvelles locales, on ne peut développer cette relation qu’en vivant au cœur de la communauté qu’on dessert, en tâtant le pouls de cette communauté qui est aux prises avec les mêmes problèmes que vous ressentez, et qui éprouve les mêmes sentiments que vous. Dans de nombreuses régions rurales à l’extérieur de Calgary et d’Edmonton, les gens parlent de leurs problèmes de logement, des dernières récoltes et de la situation dramatique du milieu agricole. Les gens parlent de ces problèmes quotidiens. Or, ces valeurs sont de moins en moins reflétées par CBC Calgary. Les résidants locaux estiment que CBC Calgary ne présente pas leurs réalités.
La sénatrice Dasko : Quelle serait la principale valeur à représenter? La diversité?
Mme Gerson : Cela dépend de ce que vous entendez par diversité. Qu’entendez-vous par diversité?
La sénatrice Dasko : Une diversité de points de vue, de réalités démographiques, etc. La diversité revêt de nombreuses dimensions.
Mme Gerson : C’est vrai, mais un peu vague. La diversité peut signifier beaucoup de choses différentes pour les gens, alors c’est un mot non spécifique à n’utiliser que pour définir un ensemble de valeurs.
Selon moi, la valeur première est le service. Je préfère le terme service. Le journaliste a pour rôle de servir la communauté, ce qui veut dire refléter les valeurs de la collectivité...
La vice-présidente : Je suis désolé de vous interrompre, mais le temps est écoulé.
Merci de nous avoir fait réfléchir sur ces questions difficiles, madame Gerson, et merci également à nos deux autres témoins, M. Ouaka et Mme Fournier. Merci beaucoup pour vos témoignages.
(La séance est levée.)