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TRCM - Comité permanent

Transports et communications


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES TRANSPORTS ET DES COMMUNICATIONS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mardi 10 décembre 2024

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd’hui, à 9 h 1 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier toute question concernant les transports et les communications en général.

Le sénateur Leo Housakos (président) occupe le fauteuil.

Le président : Honorables sénateurs, bonjour. Je m’appelle Leo Housakos. Je suis un sénateur de la province de Québec et je suis le président du comité. Nous avons un groupe complet de témoins pour notre étude tant attendue sur le vol de fils de cuivre. J’inviterais mes collègues à se présenter brièvement.

Le sénateur Cuzner : Rodger Cuzner, sénateur de la Nouvelle-Écosse. Bienvenue.

Le sénateur Quinn : Jim Quinn, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Gignac : Clément Gignac, du Québec. Bienvenue.

La sénatrice Miville-Dechêne : Julie Miville-Dechêne, du Québec.

[Traduction]

Le président : Ce matin, nous allons discuter du vol de fils de cuivre et de son impact sur le secteur des télécommunications. Nous recevons les représentants de plusieurs ministères. Tout d’abord, nous recevons les représentants du Secteur de la sécurité et de la cybersécurité nationale de Sécurité publique Canada : la directrice générale de la Direction des infrastructures essentielles, Brigitte Joly et le directeur des politiques et de l’analyse des infrastructures essentielles, Ryan Schwartz. Nous recevons également les représentants d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada : le directeur principal du Secteur du spectre et des télécommunications, Wen Kwan, et le directeur général du Secteur des stratégies et des politiques d’innovation, Andre Arbour. Nous recevons aussi les représentants de la Section de la politique en matière de droit pénal du ministère de la Justice Canada : l’avocat général principal et directeur général, Me Matthew Taylor, et l’avocat-conseil et chef d’équipe, Me Matthias Villetorte. Enfin, nous recevons le surintendant principal Peter Tewfik, qui est l’officier responsable de la sécurité et du bien-être communautaire de la division k de la Gendarmerie royale du Canada, et qui se joint à nous avec vidéoconférence.

Nous vous souhaitons à tous la bienvenue et nous vous remercions de vous joindre à nous. Chacun de nos témoins pourra faire une déclaration préliminaire de cinq minutes... En fait, pas chaque témoin, mais nous allons entendre Mme Brigitte Joly, M. Kwan, Me Taylor et M. Tewfik. Vous disposerez chacun de cinq minutes pour faire votre déclaration préliminaire. Mes collègues vous poseront ensuite des questions.

[Français]

Brigitte Joly, directrice générale, Direction des infrastructures essentielles, Secteur de la sécurité et de la cybersécurité nationale, Sécurité publique Canada : Bonjour et merci, monsieur le président, madame la vice-présidente et honorables membres du comité, de me donner l’occasion de présenter l’approche du gouvernement du Canada à l’égard de la sécurité et de la résilience des infrastructures essentielles. Je m’appelle Brigitte Joly et je suis directrice générale de la Direction des infrastructures essentielles du Secteur de la sécurité et de la cybersécurité nationale de Sécurité publique Canada. À ce titre, je suis responsable de l’élaboration et de la coordination de la politique fédérale en matière d’infrastructures essentielles, pour laquelle je collabore avec d’autres ministères et organismes fédéraux.

J’ai l’intention d’expliquer ce qu’est une infrastructure essentielle, l’approche fédérale privilégiée pour la protéger et les efforts en vue de renouveler cette approche en réponse à l’évolution des menaces et des dangers. J’espère vous donner un aperçu des infrastructures essentielles au Canada pour donner un éclairage à votre étude du vol de fils de cuivre, qui perturbe les systèmes vitaux et présente des risques pour des secteurs clés de notre économie.

[Traduction]

Le Canada définit les infrastructures essentielles comme les processus, les systèmes, les installations, les technologies, les réseaux, les biens et les services qui sont essentiels à la santé, à la sûreté, à la sécurité et au bien-être économique des Canadiens ainsi qu’au fonctionnement efficace du gouvernement. Les perturbations des infrastructures essentielles pourraient entraîner des pertes de vie catastrophiques, des effets économiques négatifs et un tort considérable à la confiance du public.

La Loi sur la gestion des urgences stipule que les ministres responsables devant le Parlement d’une institution gouvernementale doivent cerner les risques qui relèvent de leur domaine de responsabilité ou qui y sont liés, y compris ceux associés aux infrastructures essentielles. Le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile est responsable d’exercer un leadership national à cet égard.

La Loi sur la gestion des urgences ne désigne pas expressément les infrastructures qui doivent être protégées. Le Canada s’appuie sur les lois de secteurs individuels ou d’autres lois d’application générale, y compris le Code criminel, pour protéger les infrastructures essentielles.

Dans le but d’appuyer la Loi sur la gestion des urgences, les ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux responsables de la gestion des urgences ont approuvé en 2009 la Stratégie nationale sur les infrastructures essentielles. Cette stratégie a établi des approches volontaires et collaboratives en matière de sécurité et de résilience des infrastructures essentielles fondées sur trois objectifs stratégiques : établir des partenariats entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux et l’industrie; mettre en œuvre une approche de gestion des risques tous risques; et faire progresser l’échange en temps opportun et la protection des renseignements entre les partenaires.

La Stratégie a rendu publique une définition des infrastructures essentielles, comme je l’ai expliqué plus tôt, et a établi 10 secteurs. Selon ce cadre général, presque toutes les infrastructures peuvent être considérées comme des infrastructures essentielles. La Stratégie reconnaît également que les 10 secteurs sont interconnectés et interdépendants. Les interdépendances créent un risque d’échecs en cascade. Par exemple, le vol de fils de cuivre qui interrompt les communications perturbera la prestation d’autres services essentiels comme les services d’urgence et les services financiers.

Par l’entremise de la création de réseaux sectoriels, les ministères fédéraux responsables s’associent à l’industrie pour aborder les questions de sécurité et de résilience des infrastructures essentielles. Innovation, Sciences et Développement économique Canada, ou ISDE, est responsable du secteur des technologies de l’information et des communications. La collaboration sur les questions liées aux infrastructures essentielles, y compris le vol de fils, progresse par l’entremise du Comité consultatif canadien pour la sécurité des télécommunications, ou CCCST. En ma qualité de directeur général des infrastructures essentielles à Sécurité publique Canada, je suis membre du CCCST.

Une partie du rôle de Sécurité publique Canada consiste à établir des liens entre nos divers secteurs des infrastructures essentielles et à veiller à ce que les problèmes, les risques, les mesures et les leçons apprises soient mis en commun.

Au fil des ans, les infrastructures essentielles sont devenues une cible de grande valeur pour les auteurs de menaces, car leur perturbation peut avoir une incidence sur l’économie canadienne et déstabiliser la société. Les risques pour les infrastructures essentielles peuvent être de nature cybernétique ou physique, le vol de fils étant une menace physique. Les autres risques comprennent les barrages, le sabotage, le terrorisme et les conditions météorologiques extrêmes.

Le défi de la protection et de la sauvegarde des infrastructures essentielles du Canada devient de plus en plus complexe. Pour s’assurer de suivre l’évolution du paysage géopolitique et des menaces, le gouvernement du Canada a lancé une consultation publique sur une approche renouvelée en 2022. Des initiatives fédérales récentes, comme la Stratégie nationale d’adaptation, la Loi sur la lutte contre l’ingérence étrangère et le projet de loi C-26, la Loi concernant la cybersécurité, qui est à l’étude, contribueront à la sécurité et à la résilience des infrastructures essentielles.

En réponse à l’évolution des menaces, les alliés internationaux du Canada mettent en œuvre de nouvelles mesures de sécurité dans le cadre de leur approche à l’égard de la sécurité des infrastructures essentielles. Par exemple, en avril, les États-Unis ont publié le mémorandum de sécurité nationale sur la sécurité et la résilience des infrastructures essentielles, qui reconnaît les limites d’une approche volontaire à la gestion des risques et qui accroît l’importance des exigences minimales en matière de sécurité et de résilience dans les secteurs des infrastructures essentielles. L’Union européenne et l’Australie ont élaboré des cadres législatifs établissant des obligations minimales pour les propriétaires et les exploitants d’infrastructures essentielles et numériques.

En nous inspirant de nos alliés, nous nous efforçons d’adapter notre approche afin d’être mieux placés pour protéger les systèmes nationaux...

Le président : Madame Joly, vous avez dépassé les cinq minutes qui vous étaient imparties. Je suis désolé, mais je dois passer à notre prochain intervenant.

Wen Kwan, directeur principal, Secteur du spectre et des télécommunications, Innovation, Sciences et Développement économique Canada : Monsieur le président, je vous remercie de me donner l’occasion de m’adresser au comité aujourd’hui. Je tiens tout d’abord à souligner que je parle aujourd’hui depuis le territoire non cédé du peuple algonquin Anishinabe. Je voudrais également remercier ce peuple d’être le gardien de la terre et des eaux de cette région depuis des temps immémoriaux.

Je m’appelle Wen Kwan et je suis directeur général par intérim de la Direction générale de l’ingénierie, de la planification et des normes à Innovation, Sciences et Développement économique Canada, ou ISDE. Je suis accompagné aujourd’hui par Andre Arbour, le directeur général de la Direction générale de la politique des télécommunications et de l’Internet.

[Français]

Innovation, Sciences et Développement économique Canada a pour mandat de promouvoir la résilience des services de télécommunications, qui sont essentiels à la sécurité, à la prospérité et au bien-être des Canadiens. Nous collaborons avec l’industrie par l’intermédiaire du Comité consultatif canadien de la sécurité des télécommunications pour faire face à l’évolution des menaces qui pourraient avoir une incidence sur l’infrastructure des télécommunications.

Au sein de ce comité, le groupe de travail sur la résilience du réseau de télécommunications canadien se concentre sur l’amélioration de la résilience. Ce groupe de travail nous a appris que les vols de fils de cuivre sont graves et de plus en plus fréquents. Plus de 1 300 incidents de ce type ont été enregistrés par les opérateurs canadiens depuis janvier 2022.

[Traduction]

Ces actes criminels peuvent perturber les services d’urgence 911 et nuire aux hôpitaux, aux écoles et aux entreprises. Après chaque incident, il faut en moyenne 10 à 12 heures aux fournisseurs de services de télécommunications pour rétablir complètement l’accès à Internet, la télévision et les services téléphoniques pour leurs clients. Dans certains cas, cela prend beaucoup plus de temps, en particulier pour les réparations complexes dans des endroits difficiles d’accès. Il arrive que des communautés entières soient privées de services téléphoniques, sans fil et Internet pendant de longues périodes, jusqu’à ce que les réparations soient terminées.

Bien que le ministère de l’Industrie n’ait pas de rôle dans l’application de la loi, nous avons engagé des intervenants pour sensibiliser la population au problème du vol de cuivre. Au printemps de cette année, ISDE a coordonné une campagne de sensibilisation du grand public qui a donné lieu à la publication d’un article sur notre site Web et à des messages sur les médias sociaux rédigés ou amplifiés par ISDE, Sécurité publique Canada, la GRC et les fournisseurs de services de télécommunication. L’article se voulait un appel à l’action pour aider les communautés à rester connectées en signalant les délits ou les activités suspectes visant les infrastructures de télécommunications aux autorités chargées de l’application de la loi, ainsi qu’à Échec au crime, qui unit ses efforts aux nôtres dans ce domaine.

[Français]

Actuellement, les responsables d’ISDE et les fournisseurs de services de télécommunications rédigent ensemble un bulletin de la GRC destiné à sensibiliser la communauté des forces de l’ordre. Nous envisageons plusieurs canaux de distribution aux services de police provinciaux, municipaux et autochtones. Ce bulletin fournira des informations tactiques utiles pour aider les policiers de première ligne à prendre des mesures rapides pour arrêter les vols de fils de cuivre en cours.

[Traduction]

En outre, le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie a adressé une lettre au ministre de la Justice pour souligner l’importance de cette question. Un haut fonctionnaire d’ISDE a aussi écrit au Service des poursuites pénales du Canada dans le but de sensibiliser les procureurs et leurs homologues provinciaux aux conséquences graves que peuvent avoir les crimes visant les infrastructures essentielles.

Monsieur le président, ISDE est prêt à continuer à travailler avec les intervenants pour sensibiliser la population aux actes de vol et de vandalisme contre les réseaux de télécommunications. Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de m’adresser à vous aujourd’hui. Voilà qui conclut mes remarques préliminaires. Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.

Le président : Merci, monsieur Kwan.

[Français]

Me Matthew Taylor, avocat général principal et directeur général, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice Canada : Bonjour, mesdames les sénatrices et messieurs les sénateurs. Je suis heureux de comparaître devant vous pour vous parler de la façon dont le vol de cuivre est traité en vertu du droit criminel.

Le Canada dispose d’un cadre juridique solide pour lutter contre le vol de cuivre, y compris dans les cas où il peut affecter les télécommunications ou d’autres infrastructures essentielles.

Comme vous le savez, le gouvernement fédéral est responsable du droit criminel, mais les enquêtes et les poursuites relatives à des actes criminels particuliers relèvent de la responsabilité des provinces et des territoires.

[Traduction]

Comme vous le savez sûrement, le vol est l’infraction évidente à laquelle on s’attendrait en cas de vol de cuivre. Toutefois, d’autres infractions peuvent également être retenues en fonction des circonstances. Par exemple, le délit de méfait peut être retenu en cas de destruction, de détérioration ou d’entrave à l’utilisation ou au fonctionnement légitime d’un bien, tandis que l’infraction d’introduction par effraction pourrait s’appliquer aux cas où un délinquant pénètre illégalement dans un bâtiment ou une structure pour y voler du cuivre. D’autres infractions comme la possession de biens criminellement obtenus, la possession de ces biens à des fins de trafic ou le trafic réel de biens criminellement obtenus pourraient s’appliquer dans ces cas.

Mon collègue a parlé de certains autres travaux que le gouvernement a réalisés, y compris le projet de loi C-70, qui a créé une nouvelle infraction liée au sabotage d’infrastructures essentielles. Cela pourrait également s’appliquer dans les cas où l’infrastructure a été rendue inutilisable ou inutilisable et où l’accusé a l’intention de poser un risque grave pour la santé ou la sécurité du public.

Ces infractions de vol et de sabotage sont passibles d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 10 ans dans les cas les plus graves. En ce qui concerne les méfaits, lorsque le crime met la vie des gens en danger, il est passible d’une peine maximale d’emprisonnement à perpétuité.

[Français]

Après avoir déclaré un accusé coupable d’une infraction, les tribunaux doivent imposer des peines proportionnelles au degré de responsabilité du délinquant et à la gravité de l’infraction.

[Traduction]

Le Code criminel énonce un certain nombre de principes de détermination de la peine pour guider les tribunaux dans l’élaboration de peines justes et proportionnées. Les peines doivent notamment être augmentées ou réduites pour tenir compte de toute circonstance aggravante ou atténuante pertinente relative au délinquant ou à l’infraction. Bien qu’il n’y ait pas beaucoup de cas rapportés, un examen de la jurisprudence pertinente indique que les tribunaux considèrent les effets néfastes du vol de fils de cuivre comme des facteurs aggravants. Permettez-moi de vous donner quelques exemples.

Dans une affaire de 2014, R. c. Glew, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a estimé que même si le fil de cuivre volé était de faible valeur, l’impact du vol sur la communauté était important, notamment en raison de la perte du service de téléphonie d’urgence 911. À Terre-Neuve, dans une affaire datant de 2021 impliquant le vol de fil de cuivre d’un réseau électrique, R. c. Boland, le tribunal a tenu compte de l’indifférence du délinquant à l’égard de la sécurité de la communauté et des nombreux désagréments subis par le public. Dans ce cas-ci, le tribunal a imposé une peine d’emprisonnement de 18 mois.

Dans ces deux cas, les tribunaux ont considéré la dénonciation et la dissuasion comme des objectifs primordiaux de la peine. De façon plus générale, nous savons que les tribunaux reconnaissent que les crimes qui mettent en danger la sécurité sont plus graves et méritent donc une peine appropriée.

Voilà qui conclut ma déclaration préliminaire. Merci.

Le président : Merci, monsieur.

Peter Tewfik, surintendant principal, officier responsable de la sécurité et du bien-être communautaire de la division K : Bonjour à tous.

Je tiens d’abord à dire que la GRC prend au sérieux le problème du vol de fils de cuivre. Le fil de cuivre est essentiel à la continuité d’un large éventail de services et de fonctions civiles, notamment la prestation de services d’urgence par l’entremise d’installations comme les infrastructures énergétiques et de télécommunications, ainsi qu’à la continuité du gouvernement. D’après mon expérience en Alberta, le vol de fils de cuivre est principalement un crime axé sur le produit qui cible une variété de secteurs comme celui des télécommunications, celui du pétrole et du gaz, et celui de la construction. Le vol de fils de cuivre touche directement les infrastructures essentielles et peut avoir pour effet de limiter l’accès aux services d’urgence et aux services gouvernementaux, ainsi que de créer des problèmes de transport ou de sécurité communautaire.

Le coût financier de ce type de crime est important, non seulement en raison du prix du métal qui a été volé ou endommagé, mais aussi en raison des répercussions sur les sites eux-mêmes, comme les fermetures pendant diverses périodes. Cela touche à la fois les entreprises et les employés, ainsi que ceux qui reçoivent les services. De plus, ces crimes suscitent parfois des préoccupations en matière de sécurité pour les employés et les premiers intervenants en raison de risques attribuables aux composants électriques exposés à la suite des dommages.

Plus tôt cette année, deux sociétés ont communiqué à la GRC de l’Alberta des données sur le nombre d’incidents qu’elles avaient connus et les coûts estimatifs associés aux crimes sur leurs sites. La première organisation a connu 191 incidents sur une période de 12 mois, pour un total d’un peu plus de 3,5 millions de dollars de dommages. Sur une période de 18 mois, la deuxième organisation a connu environ 675 incidents et a subi des dommages d’une valeur de près de 5 millions de dollars. Ces incidents sont principalement liés au vol de fils de cuivre, au vol d’autres biens connexes, à des méfaits causant des dommages à des biens et à des introductions par effraction, entre autres.

Le vol de ferraille et les dommages aux infrastructures essentielles qui en résultent sont difficiles à prévenir de manière proactive. En règle générale, ces vols ne suivent pas une tendance cohérente. Ce sont des crimes d’occasion et ils sont souvent signalés après coup.

En Alberta, la GRC a constaté que les sites touchés par le vol de ferraille n’ont souvent pas d’infrastructure de prévention de base en place, comme des clôtures, des lumières, des caméras, une entrée contrôlée ou un professionnel de la sécurité sur place ou en patrouille. Il est important de souligner que certains sites ne peuvent pas être protégés de cette façon en raison de divers facteurs, y compris leur emplacement. C’est notamment le cas de certains câbles de télécommunication.

Plusieurs défis se sont posés dans le cadre des enquêtes sur ces types d’infractions, y compris l’absence d’une législation provinciale cohérente relative à la ferraille dans tout le pays, la difficulté d’identifier et d’associer les métaux volés au propriétaire pour une poursuite réussie, la nature imprévisible des incidents ainsi que la vaste zone géographique sur laquelle les sites sont situés.

La GRC de l’Alberta a travaillé avec des intervenants de l’industrie et de la communauté pour cerner les tendances en matière de vol de fils de cuivre et les cibles potentielles dans la province. Ce groupe a désigné plusieurs enjeux communs. Premièrement, il y a des facteurs complexes qui nuisent aux enquêtes sur les personnes qui commettent ces types de crimes. Les coûts de réparation des dommages augmentent, et il en résulte des répercussions critiques sur les opérations ainsi que des pertes financières importantes. De plus, la communication entre la police, le gouvernement et l’industrie doit être améliorée, ce qui suppose une sous-déclaration de ce type de crime par l’industrie.

En Alberta, la GRC déploie différents efforts pour réduire l’incidence de ces crimes dans nos communautés, notamment en élargissant le signalement des crimes en ligne pour encourager la transmission de plus d’informations et en faciliter la soumission; en hiérarchisant les délinquants et en se concentrant sur les délinquants les plus impliqués dans ces types de crimes; ainsi qu’en lançant des initiatives pour améliorer la prévention et les interventions. Par exemple, nous prévenons la criminalité sur le terrain en aménageant adéquatement le milieu; en envoyant des alertes aux communautés locales afin de les informer des types de crimes qui se produisent; et en misant sur notre programme CAPTURE, qui permet aux particuliers d’enregistrer leurs caméras vidéo afin que, lorsqu’un événement se produit, nous voyions dans notre registre quelles caméras vidéo sont à notre disposition dans la zone. Nous avons également des programmes d’intervention pour dresser un portrait précis des délinquants et des causes profondes de leurs comportements délinquants — qui sont souvent la toxicomanie. Enfin, nous avons des programmes connexes pour traiter certaines de ces causes profondes, en collaboration avec nos partenaires provinciaux, dans le domaine de la toxicomanie, des services sociaux et de l’emploi.

Nos efforts se poursuivent pour tenter de réduire les répercussions de ces crimes sur les Canadiens. J’ai terminé mes commentaires. Je vous remercie.

Le président : Merci beaucoup.

Un certain nombre de sénateurs veulent poser des questions, mais je commencerai par une question simple. Les représentants de Justice Canada et de la GRC pourront peut-être y répondre. Ne devrions-nous pas imposer une petite responsabilité aux parcs à ferrailles qui reçoivent ces fils de cuivre? Les fils de cuivre que reçoivent les responsables de parcs à ferrailles à Montréal, à Toronto ou ailleurs au pays viennent-ils de nombreuses sources différentes en dehors de l’industrie des télécommunications? S’il n’y a pas beaucoup de sources, pourquoi n’imposons-nous pas un fardeau un peu plus lourd aux ferrailleurs en leur disant : « Si vous recevez constamment de grandes quantités de fils de cuivre qui proviennent manifestement d’une industrie en particulier, ne devriez-vous pas poser des questions? »

Me Taylor : Je vous remercie de la question, qui est importante.

Nous sommes au courant d’efforts déployés au niveau provincial pour résoudre ce problème précis, monsieur le sénateur. En Alberta, nous avons connaissance d’une loi provinciale qui impose aux ferrailleurs et aux recycleurs l’obligation de recueillir des informations sur la provenance des matériaux. Je ne suis aucunement un expert de cette loi et je ne sais même pas dans quelle mesure elle a été reproduite dans d’autres administrations canadiennes. Certains de mes collègues ont peut-être ces informations.

Je ferai une autre remarque avant de m’arrêter. Dans certains des cas signalés, nous avons vu que le métal provenait de pots catalytiques et de matériaux de véhicules volés. C’est donc un autre exemple que je pourrais vous donner.

Le président : Je vous remercie de votre réponse.

M. Tewfik : Je vous remercie de la question.

Je dirai d’abord que les enquêtes peuvent être complexes, même si on oublie la source du matériel. Nous avons vu des fils de cuivre fondus, ici, en Alberta. Par conséquent, même s’il y a un identifiant sur un fil — comme un numéro de série qu’on retrouve dans certains fils de cuivre —, il est fondu avant d’être recyclé, ce qui nous empêche de remonter à la source.

En ce qui concerne les différentes sources d’approvisionnement en fils de cuivre, je crains que cela ne soit pas de mon ressort. Cependant, je peux vous dire que, généralement, pendant les enquêtes, nous constatons qu’il s’agit de crimes opportunistes. Ces crimes sont généralement signalés à la police après coup. En outre, en raison de l’infrastructure de sécurité inadéquate dont j’ai parlé plus tôt, il est difficile de rassembler tous les éléments de l’enquête qui seraient nécessaires pour mener des poursuites à bien.

Le président : Je vous remercie.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : J’ai deux questions. La première est dans la même veine que celle du sénateur Housakos.

Je crois comprendre que vous ne pouvez pas faire grand-chose dans le cas des dépôts de ferraille, ces entreprises qui font du recyclage de métal, parce qu’ils relèvent de la sphère de compétence provinciale.

J’ai lu dans un article sur le sujet que dans la région de Chicoutimi, une municipalité a adopté un règlement qui oblige ces entreprises à noter le nom de ceux qui leur vendent des quantités suspectes de fils de cuivre.

C’est ce qu’on réclame dans le secteur. Vous avez dit que nous avons toutes les lois nécessaires pour agir. Or, le secteur de l’électricité a publié un long communiqué de presse en mars dernier, demandant à ce que les peines de base soient plus sévères. Vous avez parlé de deux cas d’exception. Cependant, un vol inférieur à 5 000 $ n’est pas considéré par certains comme une peine suffisante pour empêcher les gens de voler du cuivre.

D’une part, va-t-on renforcer les lois? D’autre part, que pouvez-vous faire pour empêcher les entreprises qui font du recyclage de métal de profiter de ces vols?

Me Matthias Villetorte, avocat-conseil et chef d’équipe, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice Canada : Je peux commencer à répondre et mes collègues pourront ajouter un complément à ma réponse.

Je vous remercie de votre question. J’ajouterai à ce qu’a dit mon collègue Me Taylor. Par rapport à votre première question, il y a des lois provinciales et municipales qui réglementent justement ce genre de commerce de cuivre.

La sénatrice Miville-Dechêne : Ce n’est pas votre sphère de compétence. Cependant, faites-vous quelque chose pour encourager la réglementation?

Me Villetorte : C’est un domaine de compétence provinciale. Comme vous l’avez mentionné, certaines municipalités ont adopté des réglementations. Par rapport à cette question, sur le plan fédéral, il s’agit d’un pouvoir juridictionnel en matière de droit criminel.

Mon collègue a mentionné quelques-unes des infractions. Or, pour se rendre à une accusation et à la détermination de la peine, il y a bien sûr des étapes à suivre en matière d’enquête et d’assemblage de la preuve. Une fois que la preuve nécessaire est recueillie, on peut poursuivre avec des accusations.

Comme nous l’avons mentionné, un nombre d’infractions pourrait alors s’appliquer, entre autres au secteur dont vous avez parlé, si on peut prouver l’intention de faire le commerce de biens volés en connaissance de cause lors de l’achat.

Sur votre dernier point, pour ce qui est de la détermination de la peine, il s’agira d’un processus d’équilibre. Comme mon collègue l’a dit, la cour devra imposer des peines proportionnelles tout en tenant compte des facteurs atténuants et aggravants. Dans le cadre de ce processus, les cours pourront examiner d’autres cas assez rares pour déterminer ce qui constitue une peine proportionnelle dans les circonstances.

[Traduction]

La sénatrice Miville-Dechêne : Ma question était un peu plus directe. En cas de vol, devrions-nous prévoir des sanctions plus sévères dès le début du processus?

Deuxièmement, vous devez avoir des statistiques à ce sujet. Devant les tribunaux, combien de personnes sont jugées pour des vols de moins de 5 000 $ et pour d’autres infractions? Je suppose que c’est la grande majorité des inculpés, mais je veux juste savoir si nous connaissons le nombre.

Me Taylor : Je vous remercie de ces autres questions.

Nous disposons de données de Statistique Canada sur les vols de moins et de plus de 5 000 $. Nous serons heureux de les fournir au comité. L’inconvénient de ces statistiques, c’est qu’elles ne précisent pas le nombre de vols de cuivre, car il s’agit d’infractions d’application générale.

La sénatrice Miville-Dechêne : Pourriez-vous ventiler les vols par objets volés?

Me Taylor : Nous pourrions seulement les ventiler en passant en revue la jurisprudence. Nous avons relevé certains exemples. Les données brutes existantes ne sont pas ventilées par types de vols.

La sénatrice Miville-Dechêne : Vous avez peut-être les données.

Me Taylor : Nous avons donné quelques exemples de cas impliquant des vols de cuivre. Pour revenir à votre question, la plupart de ces vols sont de faible valeur — ils sont inférieurs à 5 000 $ —, alors les peines sont moins sévères que pour des vols supérieurs à 5 000 $. Les tribunaux prennent en considération les facteurs aggravants.

La sénatrice Miville-Dechêne : J’en suis consciente.

Me Taylor : Quant à la question de savoir si la peine devrait être alourdie, je pense que c’est à vous tous d’en décider. La jurisprudence nous apprend que les tribunaux ont reconnu que, lorsque le Parlement augmente les peines maximales, il indique aux tribunaux qu’il s’attend à ce que les infractions soient traitées plus sérieusement lors de la détermination de la peine.

La sénatrice Miville-Dechêne : Merci.

Le sénateur Cuzner : Je me fais une idée de la situation à écouter certains témoignages. Monsieur Kwan, vous avez mentionné que certains hauts fonctionnaires de votre ministère avaient envoyé une lettre et que vous êtes prêts à travailler avec d’autres sur cette question. Maître Villetorte, vous avez dit qu’il s’agissait d’une responsabilité provinciale, et je crois savoir que c’est vrai. Monsieur le surintendant principal Tewfik, vous avez indiqué que les entreprises pourraient grandement renforcer leur sécurité, par exemple en installant tout simplement des clôtures autour de certaines de ces zones clés. Je constate que les parties prenantes essaient de remédier à la situation, mais il ne semble pas y avoir d’approche coordonnée.

En février, le gouvernement s’est vraiment emparé de la question des vols de voitures et a réuni tout le monde — les ministères fédéraux, les gouvernements provinciaux et territoriaux, et le secteur privé. Tout le monde semblait mettre la main à la pâte. N’avons-nous pas le même sentiment d’urgence pour les vols de cuivre? Expliquez-nous un peu comment les efforts ont évolué dans le secteur automobile. Sont-ils fructueux? Est-ce un exemple à suivre? Pourquoi ne pourrions-nous pas appliquer une approche comparable pour les vols de cuivre? Ou ne considérons-nous pas qu’il s’agit d’un problème aussi important que les vols de voitures?

Mme Joly : Je vous remercie, monsieur le sénateur.

Je commencerais par noter que le gouvernement du Canada reconnaît que les vols de fils de cuivre sont un problème, et je pense que c’est la raison pour laquelle Sécurité publique Canada et ISDE ont entrepris une campagne de sensibilisation publique en travaillant avec l’industrie. À notre avis, c’était une première tentative de sensibilisation au problème, qui a été menée au printemps dernier. Je m’en tiendrai là pour l’instant.

Le sénateur Cuzner : C’est un début, mais il n’y a pas de coordination avec les provinces. La sénatrice Miville-Dechêne a parlé des obstacles, tout comme le président. Ces responsabilités semblent incomber aux ferrailleurs et aux provinces. Pourquoi ne tente-t-on pas de réunir tous les acteurs autour de la table sur cette question particulière?

Mme Joly : Je répète que la campagne de sensibilisation publique était une première tentative de sensibilisation. Les forces de l’ordre ont aussi un rôle à jouer. Mon collègue de la GRC vous a parlé des efforts de son organisation pour essayer d’appliquer les lois à sa disposition.

Le sénateur Cuzner : Est-ce que quelqu’un du ministère de la Justice aimerait intervenir?

Me Taylor : Je tiens simplement à souligner que nous collaborons régulièrement avec les provinces sur les questions de justice pénale. Nous disposons d’un organe qui se réunit deux fois par année et qui soutient le travail des sous-ministres et des ministres responsables de la Justice.

Pour ce qui est de la comparaison avec les vols de voitures, de mon point de vue, la pression et l’intérêt par rapport aux vols de voitures étaient plus considérables que par rapport aux vols de cuivre. Je n’entends pas par là que ce n’est pas un problème important, mais je pense que la pression exercée par toutes les administrations explique en grande partie cette collaboration sur les vols de voitures entre l’industrie, les forces de l’ordre et le gouvernement. Comme l’a dit Mme Joly, nous accusons peut-être un peu plus de retard dans le dossier des vols de cuivre, mais c’est certainement un sujet que notre ministère continue à surveiller et sur lequel nous mobilisons nos partenaires provinciaux.

Le sénateur Cuzner : Est-ce que le surintendant principal Tewfik aimerait dire quelque chose à ce sujet?

M. Tewfik : Je vous remercie de cette occasion et de la question.

Nous prenons le problème de vols de fils de cuivre au sérieux. J’ai mentionné que, en Alberta, nous collaborons avec les entreprises et le gouvernement provincial à certains égards pour essayer d’augmenter le nombre de signalements et d’améliorer l’infrastructure de sécurité dont j’ai parlé. Nous nous rendons dans les zones qui sont ciblées à répétition. Je sais que la GRC fait des interventions similaires dans d’autres provinces. Je ne saurais vous en parler ici, mais je peux trouver des informations pour vous. Je peux certainement affirmer que nous prenons le problème au sérieux et que nous travaillons avec les entreprises et les gouvernements provinciaux sur cette question.

Le sénateur Quinn : Je remercie les témoins d’être parmi nous ce matin.

Une grande partie des questions que je voulais poser ont été soulevées, mais j’aimerais les aborder sous un angle différent. On nous a dit que le Code criminel est un outil qui aide à protéger les infrastructures essentielles. Nous avons entendu parler des perturbations, des pertes financières, des risques pour la santé et la sécurité, etc. On nous a également expliqué qu’il est difficile d’établir un lien entre le propriétaire et le produit volé qui se trouve à la ferraille.

Je suis d’accord avec tout le monde : pourquoi ne pas serrer la vis au ferrailleur — la personne qui reçoit les marchandises, volées ou non — et ne pas obliger ce vendeur à certifier d’une manière ou d’une autre qu’il a obtenu le produit honnêtement? Les gens volent des biens pour les receler, pour les vendre. Si un ferrailleur, par exemple, accepte volontiers tout le cuivre qui passe sa porte parce qu’il va le vendre à profit, ne devrait-il pas incomber au ferrailleur et à la personne qui lui apporte le produit de prouver qu’ils sont des négociants de bonne foi, en démontrant qu’ils ont obtenu les matériaux honnêtement ou en prouvant qu’ils ne sont pas volés? N’est-ce pas une solution, et n’est-ce pas une obligation qui devrait être créée au niveau fédéral dans le Code criminel pour accroître la protection? Il semble que la solution soit assez évidente, mais nous la contournons. Je soumets cette observation et cette question aux différents témoins. Nous pourrions commencer par le ministère de la Justice.

Me Taylor : Merci de la question. C’est une observation importante.

Je peux citer quelques exemples comparables dans les lois fédérales pour lesquels on impose des obligations de déclaration. Par exemple, dans le contexte du blanchiment d’argent et des transactions financières suspectes, une loi fédérale impose aux banques l’obligation de déclarer les transactions suspectes, ce qui soutient notre régime de droit pénal en matière de blanchiment d’argent et de produits de la criminalité. J’ai cité la loi albertaine en exemple, et mon collègue m’a rappelé que la Colombie-Britannique s’est dotée d’une loi similaire. Tous les niveaux de gouvernement ont accès à des outils dans ce domaine, et la suggestion que vous avez faite est importante et mérite d’être examinée.

Le sénateur Quinn : Alors pourquoi ne pas agir? Pourquoi le ministère de la Justice, ainsi que les autres organismes d’application de la loi et les personnes concernées, ne prendraient-ils pas les mesures nécessaires pour mettre en place un tel régime? Vous avez raison. Les banques sont encadrées par un tel régime, alors pourquoi ne pas l’étendre à ceux qui vendent du cuivre ou tout autre matériau? Il faut agir.

Me Taylor : J’en conviens à cent pour cent. En fin de compte, c’est au ministre de la Justice ou à un autre ministre fédéral de répondre à cette question.

J’ajouterai rapidement que nous disposons également d’infractions pénales sévères en matière de trafic et de possession de biens à des fins de trafic, qui sont pertinentes pour certaines des situations que vous avez évoquées. Je suis tout de même conscient des difficultés à faire appliquer la loi.

Le sénateur Quinn : Monsieur le surintendant principal, cela aiderait-il les forces de police nationales et provinciales à s’attaquer à ce problème?

M. Tewfik : Merci de la question.

Il m’est difficile de commenter une question de législation, qui relève des décideurs politiques, mais je dirai que nous, les policiers, utilisons tous les outils à notre disposition. Parfois, des arrêtés municipaux sont mis en place pour réglementer ce que j’appellerai les marchands d’occasion, c’est-à-dire les prêteurs sur gages, notamment. Ces règlements donnent à la police les moyens d’agir. Comme on l’a déjà mentionné, au moins deux provinces se sont dotées de lois qui donnent certains outils à la police, et il y a aussi les dispositions qui existent déjà dans le Code criminel.

Les forces policières se heurtent encore à des difficultés pour recueillir les preuves pendant les enquêtes. Ces défis sont tout simplement attribuables à la nature des crimes, à la façon dont ils sont commis, à la façon dont ils sont signalés à la police et aux éléments de preuve nécessaires pour prouver l’infraction.

Le sénateur Quinn : Diriez-vous que vous disposez des outils appropriés? Vous avez une boîte à outils. Il semble que vous essayez de dire que vous n’avez pas tous les outils qui vous permettraient de faire un meilleur travail. Avez-vous les outils nécessaires pour faire votre travail?

M. Tewfik : Je dirai en tout respect que c’est une question pour les décideurs politiques.

Le sénateur Quinn : J’en conclus que vous répondez par l’affirmative. Merci.

Les autres témoins veulent-ils ajouter quelque chose? Merveilleux, merci.

Le sénateur Cardozo : J’ai quelques questions.

Premièrement, nous avons parlé du vol de cuivre. J’aimerais savoir si le vol touche aussi d’autres matériaux, métaux ou équipements, comme les transformateurs et les générateurs que l’on trouve partout au pays.

Deuxièmement, madame Joly, vous avez mentionné que la première étape était de sensibiliser le public. Pouvez-vous en dire davantage sur le public cible de cette campagne de sensibilisation? En quoi consistait-elle? Elle date de plusieurs mois. Dans quelle mesure a-t-elle été efficace? Quelles sont les prochaines étapes?

Mme Joly : Merci, sénateur. Je vais passer la parole à mon collègue d’ISDE, car cette campagne publique a été rendue possible grâce au travail du Comité consultatif canadien de la sécurité des télécommunications, le CCCST, avec ISDE. Sécurité publique Canada a appuyé la campagne, mais les représentants d’ISDE pourraient avoir plus de détails.

M. Kwan : Comme je l’ai mentionné dans ma déclaration préliminaire, la première campagne était destinée au public. Elle ne ciblait pas des groupes précis, mais le grand public. Nous estimions qu’il était important que le public soit sensibilisé afin qu’il ait un œil sur ces infrastructures, car cela se produit sur les routes principales. Cela ne se passe pas toujours à des endroits à l’abri des regards, mais parfois sur les routes principales. La sensibilisation à l’importance de cette infrastructure est utile, car le public peut informer les organismes d’application de la loi lorsqu’ils constatent ce genre de choses. Plus les corps policiers sont informés rapidement, plus ils pourront intervenir rapidement. Voilà l’idée à l’origine de cette campagne.

Nous sommes ensuite passés aux organismes d’application de la loi. Nous travaillons actuellement avec la GRC et les corps policiers de l’ensemble du pays pour les sensibiliser au fait que de tels crimes exigent des mesures immédiates et ne peuvent pas être relégués au second plan.

La troisième chose que nous examinons, qui est davantage tournée vers l’avenir, consiste à travailler avec des secteurs qui ont plus d’expérience de ces situations que le secteur des télécommunications. Le secteur de l’électricité, par exemple, a probablement beaucoup plus d’expérience que nous, dans le secteur des télécommunications. C’est une initiative que nous avons entreprise pour veiller à ce que d’autres secteurs jouent un rôle.

Vous avez demandé d’autres exemples. Au Canada, à ma connaissance, il n’y en a pas d’autres. En Europe, les sociétés ferroviaires ont d’importants problèmes dans bon nombre de pays, mais ce n’est pas le cas au Canada. Ici, cela touche surtout les secteurs des télécommunications et de l’électricité.

Le sénateur Cardozo : Les sociétés ferroviaires? Pourquoi?

M. Kwan : Il y a des vols de câbles qui servent aux communications du réseau ferroviaire. Cela nuit aux systèmes ferroviaires, entraîne des retards, etc.

Le sénateur Cardozo : Vous avez mentionné le secteur de l’électricité. Pouvez-vous me dire qui utilise le cuivre? Quels secteurs utilisent le cuivre? Le secteur de l’électricité l’utilise-t-il aussi?

M. Kwan : Je ne suis pas un expert sur l’utilisation du cuivre, mais je peux vous donner une idée des endroits où on l’utilise.

Le sénateur Cardozo : Vous êtes plus expert que moi.

M. Kwan : Le cuivre est habituellement utilisé pour les câbles de communication. Dans le secteur des télécommunications, il est utilisé pour les lignes terrestres qui vont jusqu’à votre domicile. De nos jours, nous avons aussi la fibre optique, mais le cuivre est l’ancienne façon de faire. Le cuivre sert à la transmission d’électricité. Le troisième exemple est le secteur des transports. Les câbles de cuivre sont très utilisés pour les communications dans les véhicules électriques d’aujourd’hui. Nous constations une utilisation accrue du cuivre dans ce domaine, non seulement dans les véhicules, mais aussi dans l’infrastructure de recharge, qui utilise énormément de câbles. Vous avez peut-être lu des reportages à ce sujet dans la dernière année, en particulier concernant les États-Unis, ou d’autres témoins pourraient en parler pendant la deuxième partie de la réunion. Aux États-Unis, des individus coupent carrément les câbles des bornes de recharge. C’est le problème qui se produit aux États-Unis.

Le sénateur Cardozo : De manière générale, le secteur des télécommunications délaisse le cuivre, n’est-ce pas?

M. Kwan : C’est vrai, en général, mais nous n’en sommes pas encore là. Une bonne partie de notre infrastructure demeure absolument essentielle, en particulier pour le service 911. Comme vous l’avez entendu, de nombreux ménages dépendent des lignes terrestres pour les appels au 911. C’est un usage encore courant aujourd’hui.

Le sénateur Cardozo : Les sociétés de télécommunications utilisent davantage la fibre optique que...

M. Kwan : Pour la large bande, oui.

Le sénateur Cardozo : Pour la large bande, en quoi cela consiste-t-il?

M. Kwan : La large bande est l’accès à Internet haute vitesse.

Le sénateur Cardozo : Mais c’est aussi de la fibre optique, qui est faite de verre?

M. Kwan : C’est du verre, en effet.

J’aimerais aussi souligner qu’en général, dans l’infrastructure actuelle des télécommunications, les fils de cuivre et la fibre optique sont regroupés. Ils passent par le même conduit. Par conséquent, il y a des dommages collatéraux lorsque des individus coupent des fils de cuivre : cela endommage également la fibre optique. Les répercussions du vol d’une partie d’un câble de cuivre ne se limitent pas au câble de cuivre. Cela entraîne des pannes de réseaux.

Le sénateur Cardozo : Le vol de câbles de fibre optique n’est pas payant.

M. Kwan : Cela n’a pas beaucoup de valeur.

Le sénateur Cardozo : C’est une technologie formidable. J’ai toujours pensé qu’il était impossible de plier du verre, mais c’est possible.

M. Kwan : Il faut simplement éviter les torsions excessives.

Le sénateur Cardozo : Merci.

La sénatrice Dasko : J’ai une question complémentaire à celle du sénateur Cardozo au sujet de votre campagne de sensibilisation du public. Pouvez-vous me dire comment cette campagne a été menée? Quel était le message principal? Quels médias avez-vous utilisés pour informer les Canadiens? Je sais que les campagnes de ce genre peuvent être très coûteuses, ou pas. Il y a toujours une demande de fonds publics pour les campagnes de sensibilisation. Quoi qu’il en soit, voilà ma question. Parlez-moi de votre campagne, de sa portée, du message et des médias, s’il vous plaît. Merci.

M. Kwan : Je vous remercie, sénatrice, pour votre question.

Comme je l’ai mentionné dans ma déclaryation préliminaire, la campagne était plutôt modeste. Elle s’est déroulée sur les médias sociaux et le Web. Nous avons publié un article sur le site Web. Essentiellement, nous avons partagé les liens vers ce site Web afin que le public puisse se renseigner sur les cas. Plusieurs cas sont mentionnés dans cet article, qui traite des répercussions du vol de cuivre et des mesures que peuvent prendre les gens ordinaires, notamment des signalements à la police locale, à la GRC, et à la ligne Échec au crime.

Voilà les moyens que nous utilisons. Nous n’avons pas fait de publicité à la télévision ou à la radio. Nous avons eu recours aux plateformes comme X — anciennement Twitter —, Facebook, LinkedIn et d’autres. Donc, on parle des plateformes de médias sociaux sur Internet.

La sénatrice Dasko : Quels étaient les publics ou les segments de population ciblés de cette campagne?

M. Kwan : Nous avons d’abord ciblé le grand public, et nous ciblons maintenant des groupes plus précis, des associations, comme les associations du secteur de l’électricité, par exemple. C’est un groupe que nous souhaitons examiner. Nous ne l’avons pas encore fait, mais cela suscite notre intérêt. L’industrie de la construction est un autre secteur que l’on pourrait examiner à l’avenir, encore une fois. C’est une possibilité, car on pourrait y trouver des actifs de cuivre et, par conséquent, des vols. Des câbles peuvent aussi être coupés par erreur. Nous examinons divers secteurs actuellement, mais pour répondre à votre question, notre public cible initial était plutôt vaste. Nous avons ciblé le grand public par l’intermédiaire des médias sociaux, et nous espérons répéter ce type de campagne annuellement, car cela semble atteindre un sommet au printemps et à l’été. Cela ne se produit pas de façon constante tout au long de l’année.

La sénatrice Dasko : Un intérêt marqué pour...

M. Kwan : Une recrudescence du nombre de vols. Cependant, nous aimons les chiffres. Nous n’avons pas de statistiques qui prouvent que mars et avril...

La sénatrice Dasko : Ils n’aiment pas la neige.

M. Kwan : Ils n’aiment pas la neige. C’est exact. Oui.

La sénatrice Dasko : L’activité est plus élevée au cours de ces mois-là.

M. Kwan : L’activité est légèrement ralentie, oui.

La sénatrice Dasko : Merci.

Le sénateur Cuzner : Maître Taylor, vous avez mentionné le projet de loi C-70 dans vos commentaires, si je ne me trompe pas. Le projet de loi C-70 comprend-il des éléments qui pourraient contribuer à régler ce problème?

Me Taylor : Je vous remercie de votre question.

Le projet de loi C-70 portait sur l’ingérence étrangère, comme vous le savez. L’amendement dont j’ai parlé était une modification, par adjonction, à l’infraction de sabotage existante. L’adoption de cette mesure législative a entraîné la promulgation d’une nouvelle infraction de sabotage qui vise les actes commis en lien avec des infrastructures essentielles, y compris les télécommunications et les services publics, qui rendent les infrastructures inutilisables ou impropres à l’usage. Un motif supplémentaire doit être établi, à savoir que la personne avait l’intention de porter atteinte à la sécurité. Trois motifs distincts sont énumérés. L’infraction vise une série de circonstances très précises. En général, à mon avis, les cas de vol de câbles ou de vol de cuivre au Canada ne satisfont pas à tous ces critères. Par conséquent, nous avons recours aux infractions existantes dont j’ai parlé plus tôt : vol, méfait, possession de biens volés et trafic de biens criminellement obtenus. Essentiellement, cela visait une série de circonstances très précises, comme je l’ai décrit.

La sénatrice Miville-Dechêne : Je veux juste être certaine d’avoir bien compris. Actuellement, peut-on dire qu’aucune puissance étrangère suspecte ne se livre à des vols ou à des actes de sabotage, ou est-ce simplement que nous n’en savons rien?

Me Taylor : Je n’ai pas la réponse à cette question. Je suis sûr que quelqu’un...

La sénatrice Miville-Dechêne : Je pensais que ce genre de crime était commis par des gens d’ici pour faire un coup d’argent.

Me Taylor : Oui. Les incidents au Canada, dont notre collègue de la GRC a parlé, je crois, sont certainement des crimes de situation. On parle d’activités criminelles motivées par l’argent, et le fait qu’un crime soit motivé par l’appât du gain est également un facteur aggravant qui est pris en compte par les tribunaux lors de la détermination de la peine.

Le sénateur Cardozo : Ma question s’adresse à M. Tewfik et porte sur la GRC. Monsieur, vous avez parlé des mesures que vous prenez en Alberta. Que pensez-vous de ce qui se passe partout au pays? Vous semblez vous attaquer très activement à ce problème. Je n’ai pas l’impression que le reste du pays prend cela autant au sérieux.

M. Tewfik : Je peux dire, du point de vue de la GRC, que tous prennent cela très au sérieux. La GRC travaille avec d’autres corps policiers, le gouvernement et les partenaires des diverses industries qui sont touchées par cette forme de criminalité, car cela crée des problèmes très concrets pour la population, comme je l’ai dit dans ma déclaration liminaire, allant des questions de sécurité publique à la continuité du gouvernement. Cela crée beaucoup de problèmes. Voilà pourquoi nous prenons cette question très au sérieux et travaillons sur plusieurs fronts.

Si vous le souhaitez, je peux préparer, en guise de suivi, un document d’information supplémentaire sur le travail que nous effectuons dans d’autres parties de la province.

Le sénateur Cardozo : Les mesures que vous avez mentionnées sont celles que vous faites, vos collègues et vous, dans la province de l’Alberta. Je suppose que cela découle de votre rôle en tant que service de police provincial. La police nationale, la GRC, prend-elle des mesures actives semblables dans l’ensemble du pays?

M. Tewfik : Je suis désolé. C’est ce que je voulais vous envoyer comme renseignements complémentaires. Je suis généralement conscient de cela. Vous avez raison. Mon rôle et la portée de mon rôle sont ici, en Alberta. Je suis très conscient du problème et je m’y attaque de façon très proactive. Je dirais que c’est un problème important en Alberta. Voilà pourquoi cela fait partie des aspects prioritaires de la réduction de la criminalité, qui est l’un de mes domaines de responsabilité. Je pensais vous envoyer, comme suivi, des renseignements sur certaines initiatives mises en œuvre dans d’autres provinces. Je suis au courant de ce qui se passe, en général, mais je ne peux en parler spécifiquement pour le moment.

Le sénateur Cardozo : D’accord. Ce serait extrêmement utile. Merci beaucoup. Si vous pouviez envoyer cela à notre greffier, nous en aurions tous copie. Merci.

Le président : C’est là-dessus que se termine notre première heure, avec ce groupe de témoins. Au nom de mes collègues, je tiens à remercier les représentants des divers organismes gouvernementaux et le surintendant principal de leur présence. Merci beaucoup d’être venus présenter vos observations sur le vol de fils de cuivre et son incidence sur le secteur des télécommunications.

Chers collègues, nous passons à notre deuxième groupe de témoins. Nous accueillons M. Jean-François Boulanger, professeur agrégé à l’Institut de recherche en mines et en environnement, à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, et M. Ben Stickle, professeur d’administration de la justice pénale à l’Université Middle Tennessee State. Bienvenue. Je vous remercie tous les deux de vous joindre à nous. Nous entendrons d’abord les déclarations préliminaires, de cinq minutes chacune, en commençant par M. Boulanger, suivi de M. Stickle. Ensuite, nous passerons aux séries de questions avec mes collègues.

[Français]

Jean-François Boulanger, professeur agrégé, Institut de recherche en mines et environnement, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, à titre personnel : Je suis heureux de comparaître devant vous aujourd’hui et je vous remercie pour les délibérations que nous avons entendues auparavant. Je vous dirais que mon expertise se situe dans la métallurgie extractive, c’est-à-dire la façon dont on passe du minerai et du concentré de cuivre à du métal affiné. Cependant, comme je me suis informé au préalable sur le sujet, je comprends les tenants et aboutissants de la production du cuivre.

Le Canada est un producteur de cuivre. Pour l’instant, il y a une fonderie de cuivre située à Rouyn-Noranda, où je me trouve en ce moment. Il s’agit de la Fonderie Horne, propriété de la compagnie Glencore, un consortium international. La Fonderie Horne fait du recyclage de cuivre et elle recycle ce qu’on appelle les produits de vieille ferraille, qui ne sont pas nécessairement des alliages à très haute pureté en cuivre.

Le cuivre de haute pureté est nécessaire pour fabriquer les fils de télécommunications. Lorsqu’on réussit à isoler le cuivre, on parle d’une pureté de plus de 99,9 %. Généralement, lorsqu’on a du cuivre de haute pureté, on veut le garder tel quel, on ne veut pas le mélanger à d’autres métaux ou d’autres matières. Pour qu’il conserve la plus grande valeur possible, on essaie de faire des boucles courtes dans le recyclage. On va refondre le cuivre pour fabriquer de nouveau des fils de cuivre.

On a entendu parler de dépôts de ferraille et de petits collecteurs qui amassent des quantités de matières et qui vont peut-être les accumuler. Au Canada, peu d’installations fabriquent du fil de cuivre. Parmi les grosses compagnies, il y a Nexans, située à Montréal, près de l’affinerie de cuivre qui appartient aussi à la compagnie Glencore.

En gros, le cuivre qui est extrait de concentré de cuivre, donc de minerai, surtout à Rouyn-Noranda, va à Montréal vers une affinerie, où on le purifie. Une fois qu’il est purifié, il est vendu à une compagnie comme Nexans, qui va le mettre en forme pour en faire du fil. Nexans est en mesure de recevoir la matière et travaille avec la compagnie Excel, qui s’occupe de retirer les gaines qui recouvrent les fils, parce qu’à l’intérieur de la gaine on retrouve du cuivre très pur qui peut être refondu dans le but de refaire de nouveaux fils de cuivre.

Comme je le disais plus tôt, il y a peu d’installations. Au Canada, nous avons seulement une fonderie de cuivre et une affinerie de cuivre. Aux États-Unis, on parle de deux ou trois installations en matière de métallurgie extractive du cuivre. Il faut rappeler qu’une partie de cette matière est exportée des États-Unis. Je n’ai pas trouvé de statistiques pour le Canada, mais une portion importante de cuivre américain destinée au recyclage se retrouve notamment en Chine.

On disait que le cinquième de tout le cuivre recyclé qui arrivait en Chine provenait des États-Unis. On peut penser qu’une certaine quantité transite aussi du Canada vers d’autres pays, dont la Chine. On parlait aussi de la façon de suivre le cuivre. Je ne suis pas au courant s’il existe des méthodes pour le retracer. Évidemment, une fois qu’on a fait refondre du cuivre, étant donné que c’est du cuivre très pur, il y a très peu d’éléments qui nous permettraient de le tracer et de le suivre.

Selon moi, il n’est pas impossible qu’il y ait une portion exportée à l’international, ce qui rendrait son suivi encore plus difficile. Cela étant dit, même les petits recycleurs, s’ils l’accumulent et s’ils mélangent le tout... Bien sûr, cela brouille encore plus les pistes. Si vous regardez des photos et des vidéos sur Internet, vous verrez que c’est mélangé dans un gros paquet sur une palette et il est difficile de dire ce qui vient de tel endroit. Ils ne regardent certes pas, client par client, ce qu’ils ont reçu à ce moment-là.

Le recyclage du cuivre va cependant rester un point très important dans la transition énergétique qui s’en vient. Le prix du cuivre demeure élevé. Des pays comme la Chine veulent de plus en plus de concentré de cuivre. Le cuivre, tout le monde se l’arrache. Le prix va probablement demeurer plutôt élevé, ce qui doit jouer un rôle dans l’appétit des gens qui décident de commettre ce genre de crime...

Le président : Monsieur Boulanger, vous avez dépassé les cinq minutes qui vous étaient accordées.

M. Boulanger : J’ai terminé.

[Traduction]

Ben Stickle, professeur d’administration de la justice pénale, Université Middle Tennessee State : Bonjour, honorables sénatrices et sénateurs. Merci de me donner l’occasion de témoigner devant ce comité. Je m’appelle Ben Stickle et je suis professeur d’administration de la justice pénale à l’Université Middle Tennessee State, et ancien policier.

Je suis l’auteur d’un livre intitulé Metal Scrappers and Thieves: Scavenging for Survival and Profit, dont j’ai remis un exemplaire à votre comité ce matin. Il s’agit de la première étude ethnographique explorant les motivations et les méthodes des voleurs de métaux. M’immerger dans leur monde, en allant même jusqu’à me déplacer avec eux alors qu’ils commettaient des crimes, m’a permis d’explorer leurs motivations, leurs méthodes et leurs comportements.

Pour commencer, les voleurs de métaux défient les stéréotypes. Si certains sont défavorisés sur le plan économique ou aux prises avec des problèmes de toxicomanie, bon nombre ont une expérience professionnelle légitime dans des secteurs comme la construction, le recyclage ou les services publics. Cette expertise leur permet de cibler des métaux, de relever les défis techniques liés au vol de ces métaux et d’exploiter les vulnérabilités des systèmes.

L’hypothèse du vol motivé par la valeur des métaux, qui s’appuie sur de vastes recherches, démontre un lien direct entre le prix des métaux et le taux de vols. Lorsque les prix de métaux comme le cuivre et d’autres augmentent, le nombre de vols augmente également, puisque les voleurs constatent la rentabilité de ces biens volés.

L’environnement bâti dont il est question aujourd’hui a une incidence importante sur le vol de métaux. Les voleurs ciblent des lieux en fonction de divers facteurs : facilité d’accès, quantité et qualité du métal — le cuivre en particulier — et surveillance limitée. Une fois la cible choisie, les voleurs étudient souvent les lieux pour comprendre les profils d’activités, les mesures de sécurité possibles et l’accessibilité.

Les méthodes de vol dépendent de l’emplacement et du type de métal, et elles varient énormément. Les voleurs peuvent utiliser divers outils, allant d’un équipement très rudimentaire à un équipement très sophistiqué. Le moment choisi peut être déterminant. Certains de ces vols ont lieu durant le jour pour que l’auteur du crime puisse se faire passer pour un travailleur légitime sur ces sites, tandis que d’autres ont lieu la nuit pour éviter de se faire détecter. La victimisation répétée est malheureusement très fréquente.

Comme on en a discuté, les centres de recyclage constituent l’étape finale du vol, où les métaux volés sont échangés. Les voleurs évitent d’être détectés et compliquent les enquêtes en mélangeant les métaux volés avec de la ferraille légale, en vendant à plusieurs centres et même en se déplaçant d’une instance à l’autre. Les ventes de confiance, où un voleur se fait passer pour un travailleur légitime, ou en est un, qui a un accès légitime à la ferraille, sont courantes. Si certains centres de recyclage acceptent sciemment des marchandises volées, la plupart des voleurs ont recours à la tromperie et tirent parti des lacunes en matière de surveillance pour vendre du métal sans se faire prendre.

En m’appuyant sur mes recherches, je vous ferai plusieurs suggestions pour la prévention et l’intervention.

Premièrement, il faudrait élaborer des codes criminels précis qui prévoient, au minimum, des identificateurs de cas pour le vol de métaux afin de permettre la collecte de données et soutenir les efforts de la police en matière de renseignement.

Deuxièmement, on pourrait former les forces de l’ordre et le personnel des centres de recyclage à reconnaître ces métaux volés, à comprendre les méthodes des délinquants et à cerner les principales motivations afin d’améliorer les taux de détection et de poursuite.

Troisièmement, si ce n’est pas déjà fait, il faudrait définir le vol de métaux dans le Code criminel canadien pour inclure les dommages directs et indirects. On peut renforcer les sanctions pour les dommages causés aux infrastructures qui ont de vastes répercussions, comme nous en avons déjà discuté.

Quatrièmement, il faudrait éduquer les communautés sur les répercussions du vol de métaux et encourager la vigilance.

Cinquièmement, on devrait exiger des mises à jour régulières des licences commerciales et des lettres autorisées des vendeurs de métaux. J’inclurai ma sixième et septième suggestions dans ma conclusion.

Le vol de métaux est un crime complexe et coûteux qu’on ne peut pas combattre uniquement par la réglementation. S’il peut être utile de renforcer les contrôles dans l’industrie du recyclage, la capacité d’adaptation des voleurs, dont bon nombre d’entre eux connaissent cette industrie, limite l’efficacité des approches de réglementation traditionnelles. Des stratégies telles que le mélange de métaux volés avec de la ferraille légitime ou le recours à des tiers pour le recel de marchandises volées permettent aux délinquants de contourner très rapidement les nouvelles règles.

Je recommande de mettre en place un système de surveillance national, inspiré des programmes canadiens de surveillance des ordonnances. Un système de la sorte permettrait de suivre les ventes dans les installations de recyclage et de créer une base de données centralisée accessible à la fois à l’industrie et à la police. Les ferrailleurs pourraient utiliser le système pour relever et signaler les comportements suspects qu’ils constatent, notamment des ventes fréquentes par la même personne ou des quantités inhabituellement élevées de métaux de grande valeur. Parallèlement, la police pourrait exploiter les données pour enquêter sur les réseaux de vol et les démanteler. Cette approche permettrait de combler les lacunes importantes en matière de surveillance et de renforcer les efforts pour dissuader le vol de métaux et lutter contre ce crime.

La prévention devrait toutefois rester une priorité. Des techniques de prévention situationnelle de la criminalité, telles que l’amélioration de la surveillance, la restriction de l’accès, des verrous inviolables et d’autres technologies, peuvent prévenir les vols.

Pour résoudre ce problème, il faut prendre très au sérieux le vol d’infrastructures essentielles, car les coûts sociétaux et les perturbations causées par les voleurs de métaux sont considérables et lourds de conséquences. En combinant des mesures proactives, une surveillance plus novatrice et une collaboration plus étroite entre les intervenants, nous pouvons protéger les infrastructures essentielles tout en soutenant les pratiques et les besoins légitimes en matière de recyclage et en tenant les délinquants responsables de leurs actes.

J’espère que ces idées fourniront des pistes d’action à ce comité et contribueront à régler efficacement cette question urgente. Merci. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Le président : Merci, professeur.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Merci à nos deux témoins. Je vais m’adresser à M. Boulanger.

Vous parliez de la Fonderie Horne, où le cuivre est fondu et transformé. Est-ce la même fonderie dont on parle tous les jours dans l’actualité?

Deuxièmement, y a-t-il des mines de cuivre au Québec? J’ai cru comprendre que c’était surtout en Ontario et dans l’Ouest canadien. Comment évaluez-vous les réserves de cuivre du Canada? S’il y a des vols, c’est aussi en raison de la rareté. Vous dites qu’on importe du cuivre des États-Unis. Avons-nous des ressources de cuivre qui ne sont pas encore développées, ou dépendons-nous réellement du reste du monde?

Ce sont des questions qui relèvent de votre domaine, il me semble.

M. Boulanger : Je vous remercie de la question. Je vais essayer d’y répondre rapidement.

Le Canada n’a pas de réserve stratégique ou quelque chose du genre en matière de cuivre. Il dépend principalement des importations.

Pour la première question, oui, il s’agit de la Fonderie Horne, qui opère surtout à Rouyn-Noranda avec des concentrés de cuivre. On parle donc de 700 000 tonnes par année environ de concentré de cuivre. C’est une fonderie de taille moyenne à l’échelle mondiale parmi la centaine de fonderies qui existent dans le monde.

Effectivement, cette fonderie reçoit ces matériaux surtout de l’étranger. Il y a une mine ou deux au Québec qui produisent encore du concentré de cuivre, mais c’est une petite quantité par rapport à ce que les fonderies traitent. Il y en a une en Abitibi et une dans le Nord-du-Québec; il y a aussi quelques mines de cuivre dans l’Ouest canadien. On n’est pas un gros joueur sur l’échiquier mondial. On parle plutôt du Chili, de l’Amérique du Sud... La Chine a quelques mines et il en existe quelques-unes en Afrique.

Le Canada a cependant des réserves et plusieurs projets miniers qui se développent dans le secteur du cuivre. Il aurait l’habileté de tenir un rôle de premier plan, mais pour l’instant, la loi du marché fait que le matériel est principalement exporté de l’étranger par bateau, débarqué à Montréal et acheminé en train jusqu’à Rouyn-Noranda. Il s’agit principalement de cuivre sous forme d’anodes à 99,5 % de pureté qui est réacheminé à Montréal pour être purifié.

La sénatrice Miville-Dechêne : Monsieur Boulanger, comme vous connaissez bien le cuivre, avez-vous une opinion sur ce qu’il faudrait faire pour essayer de diminuer ces vols et ce trafic, d’un point de vue scientifique? Je pense que vous étiez à l’écoute ce matin quand on parlait des différentes solutions; qu’en pensez-vous?

M. Boulanger : Je crois que le remplacement est certainement une voie à considérer.

J’ai eu quelques entrevues où l’on m’a demandé si la fibre optique contenait beaucoup de cuivre. Non, ce défi est moins présent dans la fibre optique. Toutes les façons de sécuriser sont bien aussi. Pour ce qui est du suivi de la matière et d’aller chez les recycleurs, c’est compliqué. Ce serait bien, mais si vous regardez dans les pages jaunes, vous allez trouver des dizaines de recycleurs au Canada, et ce serait un suivi exhaustif pour de petites quantités. Lorsqu’on parle de moins de 5 000 $, c’est quelque chose qui entre dans des boîtes ou à l’arrière d’une camionnette. Ce sont beaucoup de petites transactions qui seraient à suivre, sans compter le fait que ça pourrait aller à l’étranger. L’autre intervenant évoquait un peu plus tôt qu’on pourrait aller dans d’autres sphères de compétence. Ce n’est pas garanti qu’on trouverait la chose.

La sénatrice Miville-Dechêne : Dans les lectures que j’ai faites, certains disaient qu’on pouvait mettre des traceurs sur le fil de cuivre utilisé dans les bornes pour charger les voitures électriques. Est-ce possible de mettre des traceurs dans tous les fils de cuivres ou est-ce impossible? Cela me semble une proposition coûteuse.

M. Boulanger : Effectivement. Cela me semble tout un défi de logistique, mais tout est possible. On pourrait penser à des traceurs isotopiques avec de petites quantités d’éléments radioactifs. Évidemment, sur le fil lui-même, une gaine en plastique, oui, mais une fois fondue, cette dernière disparaît et ne laisse pas de trace. C’est possible, mais c’est tout un défi. Pour les bornes, on parle de milliers ou de millions de dollars. On pourrait en faire un petit échantillonnage. Je crois qu’il y a d’autres voies à privilégier avant cela.

[Traduction]

Le sénateur Quinn : Merci aux témoins d’être ici aujourd’hui.

Ma question s’adresse à M. Stickle. Merci de votre déclaration. C’est probablement plus un éclaircissement qu’une question, mais vous avez mentionné que certaines instances aux États-Unis disposent de certificats ou de sources certifiées de vendeurs.

M. Stickle : Je disais que c’est peut-être le cas. Ce que j’essayais d’expliquer — et je n’ai peut-être pas été assez clair —, c’est que de nombreuses personnes qui recyclent et volent ont travaillé ou travaillent pour des sources légitimes de ferraille. Les gens recevront une lettre de leur employeur affirmant que cette personne peut recycler les matériaux restants sur un chantier et, un an plus tard, ils utiliseront encore cette lettre comme preuve que leur métal est légal, mais il ne l’est pas à ce moment-là. Il a été volé. Ces gens peuvent faire les deux. Ils peuvent travailler pour une entreprise légitime qui traite le métal et voler des métaux en parallèle. On a recommandé que ces lettres soient renouvelées plus souvent afin de veiller à ce que les gens n’aient pas une vieille lettre et qu’ils travaillent activement pour quelqu’un.

Le sénateur Quinn : Au Canada, d’après les témoins précédents, on semble mettre l’accent sur les poursuites ou les sanctions du voleur. Est-ce applicable dans les régimes aux États-Unis? Est-ce que c’est la personne qui vole le métal qui est visée et pas nécessairement le destinataire?

M. Stickle : Comme vous l’avez entendu plus tôt, il est très difficile de faire appliquer cela et d’intenter des poursuites, parce qu’on ne peut pas suivre le métal à la trace. Comme nous venons de l’apprendre, on peut le modifier, le détruire ou le faire fondre, et il est alors impossible de suivre sa trace. Un câble de 100 mètres est identique à un autre. Il est très difficile de prouver qu’il a été volé et que la personne le savait. Même si les peines pour ces crimes sont sévères, il est très difficile d’aller jusqu’au bout de l’affaire.

Le sénateur Quinn : Avec les témoins précédents, j’ai suggéré qu’il pourrait être nécessaire que quelqu’un reçoive les métaux, qu’ils soient fondus ou non, et que la personne qui les apporte ait une certification indiquant qu’elle est un revendeur de ferraille à vérifier et la provenance des métaux. Un tel régime serait-il utile?

M. Stickle : Il y a beaucoup de choses qui pourraient aider. C’est certainement l’une d’entre elles. J’ai rencontré un certain nombre de personnes qui, comme je l’ai dit, travaillaient légitimement et volaient du métal en parallèle. J’ai également rencontré des gens qui se livraient au recel de métaux et qui achetaient du métal à quelqu’un d’autre. Ils avaient même des balances portatives. Ils se présentaient chez des voleurs, pesaient le métal chez eux, les payaient environ la moitié de leur valeur, puis l’emmenaient à leur autre stock de métaux obtenus légalement dans un parc à ferraille. C’est une situation très complexe, mais ce pourrait être utile.

Le sénateur Cuzner : C’est une opération assez sophistiquée. Je pense que, dans certains cas, des entreprises de démolition peuvent être récompensées pour avoir collaboré avec les gens qui se livrent au recel. Ils doivent avoir ces relations.

J’ai lu sur votre site Web — vous y avez en quelque sorte fait allusion, et je pense que nous attendrons avec impatience votre livre — que malgré les répercussions généralisées, il y a encore des lacunes pour ce qui est de comprendre les motivations des voleurs et les pratiques exemplaires pour les attraper. Voyez-vous quelque part qu’elles ont vraiment une incidence? Certaines instances sont-elles en mesure de fermer ces entreprises?

M. Stickle : Il est très difficile de répondre à cette question car il n’existe pas de données fiables. Si je suis allée sur le terrain pour interroger les gens, c’est en partie parce qu’il n’existe pas de bonne base de données permanente. Une grande partie de ce que nous savons aux États-Unis provient en fait des déclarations d’assurance. Il existe un registre des assurances qui conserve certaines de ces données, mais si vous ne faites pas de réclamation et n’expliquez pas qu’il s’agit d’un vol, il ne sera pas répertorié. Il faut trouver des endroits qui s’attaquent à ce problème en comprenant quand ce crime a été commis. Comme je l’ai expliqué plus tôt, ces vols se perdent parmi d’autres vols, et c’est pourquoi j’ai suggéré de mettre en place une sorte d’identifiant comme une loi ou un code qui indique qu’il s’agit en fait d’un vol de métaux. On peut ensuite mettre en œuvre des techniques de prévention et d’enquête et des tests pour voir si elles fonctionnent. Je ne peux pas vraiment répondre à votre question pour l’instant parce qu’il n’y a pas beaucoup d’instances — ou vraiment aucune — à ma connaissance, qui font un bon travail de suivi et qui appliquent ensuite des techniques pour régler le problème. Ce n’est pas satisfaisant.

Le sénateur Cuzner : Avez-vous des suggestions sur la manière de suivre les métaux? Je sais que M. Boulanger a dit à quel point c’est difficile et à quel point le grand défi est qu’une fois que le métal est modifié et fondu, il devient extrêmement difficile à suivre. Avez-vous des suggestions sur la manière d’y parvenir?

M. Stickle : Comme on l’a mentionné plus tôt, je pense qu’une collaboration entre les intervenants de l’industrie, les forces de l’ordre et le secteur du recyclage serait très utile à cet égard. Découvrez ce que l’industrie fait. Ces gens savent-ils à quelle fréquence ils sont la cible de ces vols? Que font-ils pour les prévenir? Comment peuvent-ils travailler avec les forces de l’ordre au niveau local et national? Examinez les parcs à ferraille. Que peuvent-ils faire pour être des intervenants proactifs dans ce domaine? De nombreux parcs à ferraille avec lesquels j’ai travaillé ne voulaient pas acheter de marchandises volées. Ils essayaient de les empêcher d’entrer, mais encore une fois, lorsqu’un gros camion arrive avec des tonnes et des tonnes de métaux et que la moitié est volée et l’autre ne l’est pas, et qu’il provient d’un plombier ou d’un électricien en qui vous avez confiance, comment pouvez-vous le savoir? C’est très difficile. Tout le monde doit se réunir pour discuter d’un plan global afin d’essayer de régler le problème.

La sénatrice Dasko : Merci à nos témoins.

Le problème semble très difficile à gérer. Je pense que bon nombre d’entre nous aimeraient voir comment nous pouvons le résoudre et quels sont les outils et s’ils sont dans notre système de justice pénale. Je n’en suis pas certaine.

J’aimerais que les deux témoins, M. Boulanger et M. Stickle, nous fassent part de leurs approches axées sur la prévention. Y a-t-il des approches axées sur la prévention? Je sais qu’il y a des caméras de sécurité, mais est-ce une option trop simple, compte tenu des méthodes sophistiquées utilisées par les auteurs de ces crimes? Je vais tout de même poser ma question.

M. Stickle : Je serais intéressé par l’examen des données de l’industrie. Encore une fois, si les gens savent quelle est la cible et quand et comment cela se produit, ils auront plus de détails pour déterminer ce qui pourrait être fait.

De façon générale, comme on l’a mentionné plus tôt, il y a le programme Prévention du crime par l’aménagement du milieu — je crois que l’acronyme « PCAM » a été utilisé — se penche sur l’environnement où ces choses se produisent et sur ce que nous pouvons faire. Dans certains cas, des clôtures sont utiles. Dans d’autres, des lumières sont utiles, mais dans d’autres, c’est en fait le contraire. Vous fournissez de la lumière au voleur pour qu’il puisse travailler la nuit. Il est donc très important de savoir précisément où ces crimes se produisent et les techniques que vous pouvez utiliser pour les prévenir. L’un des exemples que je connais aux États-Unis est celui où les voleurs ciblent des bancs de batteries pour faire fonctionner les télécommunications et retirent le plomb et d’autres éléments. Même cette simple boîte, si vous voulez, pourrait être équipée de serrures et de mécanismes supplémentaires pour tenter de la sécuriser. Les sites et les lieux où se trouvent de grandes quantités de cuivre ou d’autres métaux précieux pourraient être mieux protégés à l’aide de caméras, de lumières et d’autres dispositifs de ce genre.

Encore une fois, il arrive souvent, du moins d’après mon expérience, que ces voleurs connaissent l’industrie, si bien qu’il faut jeter un regard plus critique sur ce qui peut fonctionner pour la personne moyenne qui veut seulement prendre un morceau de métal et pour la personne qui a reçu de la formation dans ce secteur et revient pour commettre ces crimes.

La sénatrice Dasko : Monsieur Boulanger, que pensez-vous des approches axées sur la prévention?

M. Boulanger : Je suis plutôt d’accord avec mon collègue à ce sujet.

Je pense à un ordre de priorités. Nous sommes ici dans un comité de communication, donc, évidemment, ces fortes concentrations et ces grandes quantités de cuivre à un endroit particulier qui est également à risque de pannes de communication devraient être les premières cibles. Il faudrait peut-être établir un ordre de priorités des lieux qui devraient être sécurisés et des lignes directrices pour déterminer si ces endroits doivent être protégés par des caméras ou autrement. Ils devraient être les premières cibles. Nous ne pourrons pas prévenir tous les crimes, mais je suis certain qu’il est possible d’évaluer les lieux qui sont les plus critiques, comme nous l’avons entendu dans les premiers témoignages. C’est ce que je peux vous dire à propos des mesures de prévention. Il devrait y avoir un ordre de priorités.

La sénatrice Dasko : Ces actifs ont évidemment intérêt à agir. C’est évident, non? Ils les possèdent et ils sont importants. S’ils disparaissent, cela cause des dommages et des perturbations. Bien entendu, il y aurait des motivations. Ne s’agirait-il pas de la première ligne de défense?

M. Stickle : Il est difficile de parler des motivations des entreprises. Il est également difficile de connaître l’ampleur des préjudices intentionnels par rapport aux facteurs qui entrent en ligne de compte. Si ces entreprises de services publics ne savent pas à quelle fréquence les vols se produisent et quelle en est l’incidence, qu’il s’agisse de vieux équipements ou autres, ce sont évidemment toutes des questions auxquelles elles doivent faire face. Faut-il investir dans le remplacement des vieux équipements? Ce sont là des défis difficiles à relever, si l’on ne connaît pas l’ampleur du problème, et c’est pourquoi — si je peux me permettre de faire une remarque brève — il serait important que non seulement l’industrie des télécommunications s’en occupe, mais aussi l’industrie de l’électricité et d’autres secteurs, car l’un ne peut pas se rendre compte que l’autre est une victime. Les intervenants doivent se dire tous ensemble, « C’est un problème plus important que nous le pensions, et il sera donc plus important de nous y attaquer ». Mais, individuellement, ils ne peuvent pas connaître l’ampleur et la portée du problème pour nous exhorter à agir.

La sénatrice Dasko : Je vous remercie.

Le président : J’ai posé la question tout à l’heure à l’autre groupe de témoins. Au final, je suppose qu’il n’y a que trois endroits où l’on peut se procurer du fil de cuivre : auprès du fabricant, auprès des entreprises de services publics et auprès des entreprises de télécommunications, n’est-ce pas? Ai-je oublié quelque chose? Si c’est le cas, ne devrions-nous pas imposer un fardeau plus lourd aux parcs à ferraille qui reçoivent ces marchandises volées et veiller à ce qu’ils valident et vérifient leur provenance et la manière dont elles arrivent au parc avant de les faire fondre?

M. Stickle : Je pense que la réponse à cette question dépend du type de métal. Vous avez mentionné les fils de cuivre, par exemple. Si nous parlons d’un câble électrique de trois ou quatre pouces de diamètre, un ferrailleur devrait absolument se méfier de sa provenance. Ce n’est pas un type de métal courant. Toutefois, à l’autre bout du spectre, c’est-à-dire si l’on se tourne sur l’opportunisme où l’on cherche à faire de l’argent, qu’on voit une sous-station ou qu’on entre dans une maison pour arracher des câbles, des câbles fréquemment utilisés dans les maisons et dans les entreprises, alors ces câbles sont beaucoup plus répandus dans l’environnement bâti. Donc oui, certains types de métaux devraient sonner l’alarme car il est inhabituel que quelqu’un les apporte, mais il y a beaucoup d’autres métaux qui sont très courants, et nous voulons que les gens les recyclent, pour des raisons évidentes. Nous en avons besoin pour nos approvisionnements en cuivre, comme on l’a dit il y a un instant. Encore une fois, il faut considérer deux aspects différents. Il y a les métaux inhabituels qui doivent être signalés et remis en question, mais il y a beaucoup d’autres métaux qui sont apportés à des centres de recyclage ou que l’on retrouve dans le cadre d’activités de construction standard.

Le président : Existe-t-il aux États-Unis des lois de nature à faire peser le fardeau sur les ferrailleurs?

M. Stickle : Oui. Plusieurs États ont légiféré individuellement à cet égard et adopté différentes méthodes. Une fois encore, je ne puis vous dire si ces méthodes sont utiles ou pas encore. J’aimerais beaucoup pouvoir le faire. Il existe diverses mesures, comme exiger que le vendeur s’identifie, photographier ce qui est volé et mettre le métal de côté pour une ou trois semaines pour voir si la police vient l’examiner.

Maintenant, je préciserai, même si vous ne l’avez pas demandé, que je trouve cette approche relativement difficile, car le cuivre et d’autres métaux sont des produits primaires dont les prix changent très rapidement. Un commerçant en métaux pourrait ne pas obtenir le même prix quand il vend le métal deux semaines plus tard, ce qui ne l’encourage pas à respecter la loi. Cela l’incite à la contourner. J’ai donc des questions sur la possibilité de garder les métaux aussi longtemps.

Il est possible d’exiger des permis et de prendre des photographies, comme je l’ai mentionné lorsque j’ai parlé du programme canadien de surveillance des médicaments d’ordonnance. Un ferrailleur pourrait prendre des photos des métaux, les identifier et indiquer qu’il s’agit de métaux suspects qu’il vient d’acheter. Quand le voleur entrerait chez un autre ferrailleur deux kilomètres plus loin, ce dernier verrait sur son ordinateur que cette personne vient juste de vendre du métal ailleurs et se demanderait pourquoi. Je pense que ce genre de communication qui s’effectue parfois pour les médicaments sur ordonnance pour détecter les gens qui achètent de petites quantités à diverses compagnies pourrait être utile dans cette situation. En fait, dans le cas présent, cela permet aux ferrailleurs de détecter les ventes suspectes et de décider de ne pas acheter ou de signaler la personne ou le produit. Cela permet à tout le monde de communiquer ensemble pour savoir ce qu’il se passe dans l’industrie.

M. Boulanger : Je tendrais à être d’accord avec M. Stickle à cet égard. C’est assez complexe, et je ne vois pas de solution facile. Les communications sont utiles, bien sûr, mais il devient très difficile de détecter et de signaler de nombreuses petites transactions. Mais comme toujours, la communication est une bonne idée.

Le président : Monsieur Stickle, ma question est la suivante : quand une équipe part faire ce genre de travail, combien de personnes sont nécessaires? Combien d’heures leur faut-il? En général, qu’ont-elles récolté à la fin de l’opération? Qu’est-ce que ces personnes récoltent et quel profit empoche-t-elle au bout du compte, par curiosité? J’essaie juste de comprendre le rapport risque-récompense.

M. Stickle : Ici encore, cela varie beaucoup. Il peut s’agir de quelqu’un que nous pourrions qualifier d’opportuniste, qui cherche à faire rapidement de l’argent, peut-être assez pour se payer un souper, une bière ou quelque chose comme cela, ou des groupes auxquels j’ai parlé, qui sont très organisés et qui volent des centaines de millions de dollars en câbles électriques à la fois. Ces deux choses sont très différentes. À cet égard, je soulignerai que même si certains volent des centaines de millions de dollars en équipement électrique par année, les conséquences ne sont pas aussi importantes que celles qu’ont parfois ceux qui volent dans un seul petit poste et bousillent les communications pour une ou deux semaines. Il est très difficile de comprendre la motivation et de légiférer pour contrôler ce fléau.

Pour essayer de répondre à votre question, beaucoup de ceux qui sont plus organisés, qui cherchent délibérément ces métaux et qui volent des volumes et des quantités considérables pourraient devenir très riches grâce à ces activités s’ils trouvent un moyen — et c’est la clé — de vendre les métaux dans le marché du recyclage. Beaucoup de ces personnes avaient de grosses équipes qui partaient parfois pour deux ou trois jours. Un des hommes avec qui j’ai parlé cherchait en ligne des vidéos de bâtiments abandonnés. Quand il en avait trouvé un, il évaluait le cuivre à l’intérieur, puis allait le voler pendant deux ou trois jours, empochant de 60 000 à 80 000 $.

D’autres voleurs agissaient toutefois à bien plus petite échelle. Il pouvait s’agir d’une paire qui pénétrait dans un édifice abandonné ou s’attaquait à un poste électrique. Dans le cas de postes électriques, le risque est évidemment extrêmement élevé. Ils pénètrent dans une installation sous tension pour essayer d’y voler du cuivre. Encore une fois, cela nous ramène à l’idée que ce ne sont pas nécessairement des gens qui ne savent pas ce qu’ils font; ils possèdent de l’expérience dans ce domaine et sont très organisés.

Je crains que ma réponse ne quantifie pas vraiment les choses. C’est très difficile à faire. À certains endroits, les risques sont très élevés, mais ailleurs, ils ne le sont pas autant. Certaines personnes sont très organisées et passent des jours ou des semaines dans un bâtiment pour le dépouiller entièrement. D’autres entrent et sortent en quelques minutes, ne volant qu’une certaine quantité de cuivre. Pour être plus précis, je me ferais un plaisir d’examiner la question pour mieux vous répondre, mais c’est difficile.

Le sénateur Cuzner : Je m’inquiète et pense comme notre président, mais le risque et la récompense entrent vraiment en jeu ici. Si on possède des connaissances en électricité, en construction ou dans un domaine connexe, on peut travailler dans les métiers et gagner fort bien sa vie. Pour mettre tout cela en jeu pour voler du métal ou du cuivre, il faut que la récompense soit conséquente.

Quelles seraient les peines — comme des amendes ou l’incarcération — d’un État à l’autre, qu’on soit voleur, receleur ou autre chose? Pourriez-vous nous donner une idée de la façon dont vous abordez la question aux États-Unis?

M. Stickle : Une fois encore, j’ai l’impression de décevoir tout le monde en fournissant des réponses générales.

Dans bien des cas, ce qui a commencé à être un problème quand ce genre de crime est devenu plus populaire, c’est-à-dire lorsque le prix du cuivre a fortement augmenté vers 2008 et par après, c’est que ces crimes étaient initialement considérés comme de simples vols. Il y avait un montant en dollars par État, comme vous l’avez déjà entendu dans des témoignages, et si le vol était inférieur à un certain montant, nous le considérerions comme un méfait, et s’il y était supérieur, il était considéré comme une infraction majeure.

De nombreux États n’ont pas vraiment changé ces normes — bien que quelques-uns l’aient fait —, mais ils ont commencé à tenir compte des dommages et des préjudices réels qui découlent du vol de certains de ces métaux. Par exemple, si on s’attaque à une armoire de communication et qu’on en retire les batteries et une partie des câbles, le matériel n’a peut-être qu’une valeur de 1 000 $, mais les dommages ou le coût de remplacement de cette armoire, de la réinstallation des câbles et des répercussions sur la collectivité sont beaucoup plus élevés. Ainsi, certains États prennent non seulement en compte la valeur des biens volés, mais ils essaient aussi d’évaluer les dommages causés à la société ou le coût de remplacement, cherchant notamment des moyens d’apporter des améliorations supplémentaires ou de prévoir des pénalités renforcées pour ce genre de vol.

Est-ce que mes explications sont claires?

Le sénateur Cuzner : Oui.

La sénatrice Clement : Je m’excuse de mon retard. J’ai été retenue par d’autres devoirs. Je vous remercie de vous être déplacés, de participer à notre réunion et de livrer des témoignages.

Dans quelle mesure le public s’intéresse-t-il à la question? Que sait-il? Comment communiquez-vous avec lui? De toute évidence, c’est le prix qui a un impact pour le public, au bout du compte, mais dans quelle mesure est-il conscient du problème, et à quel point cela vous importe-t-il?

M. Stickle : Je ne crois pas que le public soit très conscient du problème. Comme j’ai commencé à en parler après avoir effectué cette recherche, bien des gens ont déclaré qu’ils avaient vécu une expérience ou qu’une connaissance s’était fait voler un climatiseur ou un appareil de chauffage. Le public est donc vaguement au fait du problème, mais probablement pas beaucoup.

En outre — et c’est encore plus important —, les forces de l’ordre ne sont pas toujours conscientes du problème. Certains des voleurs avec lesquels j’ai parlé se sont fait arrêter pour une infraction au code de la route alors qu’ils avaient une demi-tonne de fil de cuivre à l’arrière de leur camion. L’agent ne comprenait pas ce qui se passait, ou s’il était soupçonneux, les voleurs lui donnaient un numéro. L’agent appelait alors un complice qui affirmait que le conducteur du camion était électricien et était autorisé à avoir ces fils de cuivre.

Il serait donc utile de sensibiliser davantage les forces de l’ordre et même le public. Ce sont des endroits où les gens ne devraient pas se trouver. Alors si on voit des gens y rôder, que fait-on? Ce genre d’information pourrait être utile. Dans l’ensemble, je pense que le public est au courant du concept, mais il ne sait probablement pas ce qu’il devrait faire s’il soupçonne qu’un vol se produit.

[Français]

M. Boulanger : Je suis d’accord avec le commentaire; je ne pense pas que le public en général soit nécessairement très au courant.

On entend parler du cuivre, de la revente de cuivre, des recycleurs, mais il n’est pas facile de comprendre les enjeux et les conséquences possibles; je pense que les personnes qui peuvent perpétrer ces crimes ne comprennent pas tout à fait les conséquences possibles ou les minimisent, à tout le moins.

Des campagnes d’information pourraient être bénéfiques. Il ne faut pas que ce soit un coup d’épée dans l’eau. Est-ce que cela empêchera les gens de commettre les crimes? Je ne sais pas.

Je vais faire écho au point qui a été évoqué plus tôt. C’est impressionnant de voir que les gens vont prendre un risque pour 500 ou 1 000 $. Mais perçoivent-ils que la récompense est suffisamment élevée, même si elle n’est pas trop élevée, pour un risque qui est presque nul d’être attrapé? J’imagine que c’est comme cela qu’eux voient les choses.

En effet, des vols de millions de dollars de cuivre, généralement, c’est du cuivre qui ne sera peut-être pas encore en usage; on parle de maisons abandonnées ou de chantiers de construction. Ce n’est peut-être pas là qu’il y a des problèmes pour les télécommunications, c’est plutôt lorsque les fils sont installés, mais généralement, c’est moins concentré.

Malgré cela, les gens le font. Le risque doit alors leur sembler vraiment minime pour qu’ils décident de s’en prendre à cela quand même. C’est là où la connaissance générale et des campagnes d’information peuvent aider. Cela ne réglera pas tous les problèmes, mais cela peut aider.

La sénatrice Clement : Merci.

[Traduction]

Le président : Chers collègues, il n’y a plus de questions. Au nom du comité, je remercie nos deux invités d’avoir comparu devant nous pour nous faire part de leurs opinions importantes sur cette question alors que nous poursuivons notre étude sur le vol de fils de cuivre dans l’industrie des télécommunications. Le problème est devenu plus grave que je ne l’imaginais. Nous parlons de vols de plusieurs millions de dollars qui touchent toutes sortes de secteurs de notre société.

(La séance est levée.)

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