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TRCM - Comité permanent

Transports et communications


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES TRANSPORTS ET DES COMMUNICATIONS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 11 décembre 2024

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd’hui, à 18 h 45 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier toute question concernant les transports et les communications en général.

Le sénateur Leo Housakos(président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonsoir, honorables sénateurs. Je m’appelle Leo Housakos, je suis un sénateur du Québec et je suis président de ce comité. Je voudrais inviter mes collègues à se présenter à tour de rôle.

Le sénateur Cuzner : Roger Cuzner, sénateur de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Quinn : Jim Quinn, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Cardozo : Andrew Cardozo, de l’Ontario.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Julie Miville-Dechêne, du Québec.

La sénatrice Youance : Suze Youance, du Québec.

[Traduction]

Le président : Nous poursuivons ce soir notre étude du vol de fils de cuivre et de ses répercussions pour le secteur des télécommunications.

Le comité reçoit à cette fin M. Eric Smith, vice-président principal, Association canadienne des télécommunications; Mme Michele Austin, vice-présidente, Affaires publiques, Bell Canada; M. Brian Lakey, vice-président, Centre d’excellence en fiabilité, TELUS; et M. Francis Bradley, président et chef de la direction, Électricité Canada.

Je souhaite la bienvenue à tous les témoins que nous accueillons ce soir. Vous avez cinq minutes chacun pour nous présenter vos observations préliminaires, après quoi nous passerons aux questions des sénateurs.

Monsieur Smith, vous avez la parole.

Eric Smith, vice-président principal, Association canadienne des télécommunications : Merci et bonsoir à tous.

L’Association canadienne des télécommunications se consacre à bâtir un avenir meilleur pour les Canadiens grâce à la connectivité. Nous comptons parmi nos membres des fournisseurs de services, des fabricants d’équipement et d’autres organisations qui investissent dans nos réseaux de télécommunications canadiens de classe mondiale, les construisent, les entretiennent et les exploitent.

Je suis heureux d’avoir l’occasion de me présenter devant vous aujourd’hui pour discuter de la question du vol de cuivre et de son impact sur l’infrastructure de communication essentielle du Canada.

Comme le savent les membres de ce comité, le secteur des télécommunications fait partie intégrante de l’économie canadienne et soutient les activités de presque toutes les entreprises et de tous les ministères du Canada. Nos réseaux sont également l’épine dorsale qui relie les Canadiens les uns avec les autres, ainsi qu’avec les services de santé, d’éducation et d’urgence.

Pendant que le Parlement étudie et adopte des lois pour contrer la menace que représentent les acteurs étrangers pour nos réseaux de télécommunications et nos autres infrastructures essentielles, une autre menace provenant de l’intérieur même du Canada gagne en importance. Stimulés par la valeur croissante du cuivre, des individus malveillants ciblent les infrastructures de télécommunications dans tout le pays pour voler du cuivre et le vendre à des fins lucratives. Selon certaines estimations, le nombre d’incidents de vol et de vandalisme a augmenté de 200 % entre 2022 et le début de 2024, et cette tendance ne fait que s’accentuer.

D’autres témoins vous feront part de l’expérience vécue par leur entreprise en raison du vol et du vandalisme, et des impacts qui en ont découlé pour leurs activités et les collectivités touchées. Ces actes ne sont pas de simples désagréments pour les entreprises de télécommunications; ils causent des préjudices aux individus et aux collectivités, aux services publics, aux hôpitaux, aux aéroports et aux entreprises et, surtout, ils mettent en péril la sécurité publique et la vie humaine.

Le secteur des télécommunications prend des mesures pour s’attaquer à ce problème. Les exploitants de réseau investissent dans des mesures de sécurité supplémentaires, y compris des équipements de surveillance et des alarmes. Ils s’efforcent également de mieux sensibiliser les forces de l’ordre à la gravité de ces crimes.

Nous ne pouvons toutefois pas agir seuls. En février 2023, un sous-comité du Comité consultatif canadien pour la sécurité des télécommunications, ou CCST, a publié un rapport dans lequel il recommande au gouvernement fédéral de créer une nouvelle disposition législative qui maximisera les sanctions pénales en cas de dommages volontaires ou dus à la négligence, ou d’actes de violence ou de vol ciblant des infrastructures de réseau essentielles.

Aujourd’hui, un an et demi après cette recommandation, le besoin est encore plus criant. Certains pourraient faire valoir que le Code criminel prévoit déjà des infractions de vol et de méfait, mais ces dispositions sont inadéquates pour poursuivre ceux qui s’en prennent à nos infrastructures essentielles.

Comme la valeur du cuivre volé est souvent assez faible, ces crimes donnent lieu à des accusations de vol de moins de 5 000 $. Il s’agit de la même accusation que celle portée contre une personne surprise en train de voler une bicyclette, mais les conséquences du vol de cuivre sont beaucoup plus graves.

Nous avons besoin de nouvelles lois prévoyant des peines plus lourdes, et il n’est pas nécessaire de chercher bien loin pour trouver des précédents. Plus tôt cette année, le Parlement a reconnu l’importance de protéger les infrastructures essentielles en adoptant le projet de loi C-70 qui, entre autres, modernise l’infraction criminelle de sabotage afin de protéger les infrastructures essentielles contre l’ingérence étrangère.

Nous demandons des protections similaires contre d’autres actes tout aussi nuisibles. Aux États-Unis, au moins 31 États disposent de lois pénales concernant le vol et le vandalisme touchant des infrastructures essentielles, y compris les installations de télécommunications. À titre d’exemple, en juillet dernier, la Floride a institué de nouvelles infractions pénales pour protéger les infrastructures essentielles contre le vol et le vandalisme, prévoyant des peines d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 15 ans et des amendes pouvant correspondre au double des pertes subies. Elle a également établi une responsabilité civile pour les personnes reconnues coupables, les rendant responsables de trois fois le montant des dommages réels.

Un commentateur a noté ce qui suit:

La loi de la Floride manquait auparavant de dispositions ciblant expressément les infractions de ce type, l’État s’appuyant plutôt sur des lois générales relatives aux méfaits et à la violation de propriété. . .

On indique plus loin que cette nouvelle loi « comble désormais cette lacune en fournissant un cadre juridique clair pour intenter des poursuites contre ceux qui s’en prennent aux infrastructures essentielles. »

Nous demandons au Parlement de corriger les lacunes du droit canadien en la matière. Une nouvelle loi prévoyant des peines plus sévères enverrait un message fort au public quant à la gravité de ces crimes et aurait un effet dissuasif sur les criminels en puissance.

Nous nous réjouissons de constater que le comité reconnaît la gravité du vol de cuivre et du vandalisme. Je serai heureux de répondre à vos questions.

Le président : Merci, monsieur Smith. Nous allons maintenant entendre Mme Austin.

Michele Austin, vice-présidente, Affaires publiques, Bell Canada : Avant de commencer, je vous signale que le greffier devrait avoir distribué aux membres du comité un document auquel je ferai référence dans mes commentaires.

Je préside le comité interfonctionnel de Bell Canada sur les incidents de sécurité affectant le réseau.

Je suis fière de souligner que je vis et travaille sur un territoire algonquin anishinabe non cédé.

Chez Bell, nous voulons transformer la façon dont les Canadiens communiquent entre eux et avec le reste du monde. Le vol de cuivre fait en sorte qu’il est de plus en plus difficile de parvenir à nos fins.

Les incidents de sécurité qui affectent les réseaux, comme le vol de cuivre, ont des répercussions extrêmement négatives sur les Canadiens et sur l’économie. Les entreprises ne peuvent pas traiter les transactions. Les aéroports doivent interrompre l’émission des billets pour les passagers et, parfois, annuler des vols. Les services d’urgence ne peuvent pas répondre aux appels. Les petites entreprises doivent cesser leurs activités ou fermer leurs portes jusqu’à ce qu’elles soient de nouveau en ligne. Les familles ne peuvent pas communiquer avec leurs proches.

La zone de couverture du réseau de Bell commence à la frontière entre la Saskatchewan et le Manitoba et s’étend vers l’est jusqu’à Terre-Neuve-et-Labrador, en passant par l’Ontario, le Québec, le Nouveau-Brunswick, l’Île-du-Prince-Édouard et la Nouvelle-Écosse.

Depuis janvier 2022, il y a eu plus de 1 650 incidents de sécurité ayant des répercussions sur les réseaux physiques dans l’ensemble de la zone de couverture de Bell. Le vol de cuivre est la cause de 88 % des incidents de sécurité physique qui touchent le réseau de Bell. Entre novembre 2023 et novembre 2024, les vols de cuivre ont augmenté de 78 %.

Afin de soutenir les investissements continus dans les réseaux de télécommunications du Canada, le gouvernement canadien doit apporter, dans les plus brefs délais, des modifications au Code criminel pour créer des infractions spécifiques aux méfaits et aux vols visant les entreprises de télécommunications, leurs réseaux, leurs installations et leurs services.

Monsieur le président, j’ai remis à votre greffier une présentation illustrant les répercussions des vols de cuivre. J’invite les membres du comité à regarder la page deux.

La première photo est celle du pont Lorne à Brantford. Le pont a été ciblé par des voleurs de cuivre à quatre reprises, ce qui a eu des répercussions sur les entreprises locales et l’aéroport. Vous pouvez voir ici une équipe de réparation au travail. Bell a récemment installé sous ce pont un système novateur d’alerte de vol de câble en temps réel qui envoie immédiatement des policiers sur place.

Le vol de cuivre à Brantford est un problème croissant et le conseil municipal a adopté des règlements pour tenter d’y mettre fin. La deuxième photo montre un vol important commis à Preston, un quartier de la ville de Cambridge, en Ontario. Vous pouvez voir un genre d’armoire extérieure où l’on garde les câbles d’alimentation utilisés pour les services de communication vocale via d’anciennes lignes téléphoniques.

Plus de 1 000 lignes téléphoniques ont été coupées à cet endroit où elles sont regroupées à l’intérieur de 11 gros câbles qui ont visiblement été endommagés. Nos clients ont été touchés par cet incident pendant environ 60 heures.

J’aimerais profiter de l’occasion pour inviter les membres du comité et leur personnel à visiter l’un de nos bureaux centraux situés tout près d’ici. Si la chose vous intéresse, nous serons heureux de pouvoir vous montrer à quoi ressemblent les câbles en question.

À la page suivante, la troisième photo a été prise le 23 novembre à Shubenacadie, en Nouvelle-Écosse. L’image est floue parce que le temps était très mauvais ce jour-là. Cet incident a eu des répercussions sur les clients des services par câble de cuivre, par fibre et sans fil. La fibre de cette ligne de transmission alimente une tour de téléphonie cellulaire située à proximité, et les voleurs ne font pas de distinction entre les fils de fibre optique et les câbles en cuivre. Ils les coupent tout simplement.

Une semaine plus tôt, des voleurs avaient sévi au même endroit. Vous pouvez voir sur la photo que le poteau est situé dans un emplacement nécessitant plus d’équipement. C’est pour cette raison qu’il y a autant de camions. Je vous invite à passer à la page 4.

L’Ontario est la province qui subit le plus de vols de cuivre, avec 61 % des incidents dans notre zone de couverture. Comme vous pouvez le constater sur cette diapositive, des vols sont commis un peu partout, mais les villes les plus touchées sont Kingston, Hamilton, London, Brantford et Cambridge.

À la page 5, vous pouvez voir que nous avons un gros problème au Nouveau-Brunswick le long de l’autoroute transcanadienne près de Fredericton et d’Oromocto, une région où l’on trouve la Base des Forces canadiennes Gagetown, qui a également été victime de vols semblables. Il convient de noter que le 19 novembre dernier, soit il y a un mois à peine, un vol de câbles de cuivre perpétré à Miramichi a mis hors service les lignes de transmission par cuivre et par fibre optique. Les réparations ont coûté 30 000 $ à Bell. Il nous a fallu 24 heures pour rétablir le service.

Le service Internet à l’aéroport de Miramichi a été en panne toute la journée. Les avions pouvaient toujours atterrir, mais l’aéroport n’avait pas accès aux renseignements météo et aux autres données qui sont habituellement utilisées pour aider les pilotes. Les systèmes de paiement numérique étaient également en panne.

La police a estimé que la quantité de cuivre volée à Miramichi représente une valeur d’environ 100 $ pour les voleurs.

Vous trouverez enfin à la dernière page une carte des points chauds pour le Québec.

Je tiens à remercier les membres du comité de m’avoir donné l’occasion de traiter aujourd’hui de ces enjeux importants, et je serai heureuse de répondre à vos questions. Merci.

Le président : Merci, madame Austin. La parole est maintenant à M. Lakey

Brian Lakey, vice-président, Centre d’excellence en fiabilité, TELUS : Je remercie le Comité sénatorial de m’avoir invité ici aujourd’hui.

Je suis vice-président du Centre d’excellence en fiabilité de TELUS. Je suis aussi coprésident du Groupe de travail sur la résilience des réseaux de télécommunications canadiens et membre du Comité consultatif canadien pour la sécurité des télécommunications. Le vol de cuivre est une crise qui prend rapidement de l’ampleur et qui touche les Canadiens et les collectivités que nous servons tous. Comme nous l’avons constaté au cours des dernières années, les infrastructures essentielles du pays, comme les réseaux de communication, d’électricité, d’eau, de transport et financiers, restent vulnérables aux actes de destruction physique. Lorsque des voleurs endommagent ou volent nos câbles de cuivre, les services de télécommunication essentiels, comme les alertes d’urgence ou AMBER, et l’accès au service 911 sont affectés. C’est une affaire de sécurité publique.

Si quelqu’un coupe ou vole les câbles de cuivre dans votre quartier, il est possible que vous ne puissiez plus utiliser votre téléphone, votre télévision et votre Internet. Si ces services sont en panne, vous ne pourrez pas appeler le 911, recevoir les alertes d’urgence ou communiquer avec votre famille et vos amis.

À titre d’exemple, tous les services de télécommunication du poste de police Whalley à Surrey ont été interrompus. Cela a eu une incidence sur l’envoi de secours d’urgence et les interventions des policiers locaux.

La situation peut être encore plus grave dans les collectivités rurales, comme Grande Cache, en Alberta, où des vols ont placé les résidents dans un état d’isolement plus de quatre fois au cours des 18 derniers mois. De plus, le vol de cuivre nuit à l’économie canadienne en entraînant une perte de productivité. Sans connexion, les entreprises ne peuvent pas traiter les transactions par carte de crédit. Tarrabain Motors à Lac La Biche a dû faire face à ce problème l’an dernier à la suite d’un vol de cuivre. Cela peut aussi compliquer l’achat de produits essentiels, comme la nourriture ou l’essence, pour les personnes qui n’ont pas d’argent liquide sur elles.

Les voleurs de cuivre sont de plus en plus perfectionnés et de mieux en mieux organisés. Des voleurs ont pris toutes les allures d’une véritable équipe d’entretien, avec camions et gilets de sécurité, pour s’emparer du cuivre d’un pont situé à Cochrane, en Alberta. Ils ont pu ainsi voler des câbles de cuivre en plein jour. Le taux de croissance des vols de cuivre est très alarmant. Depuis 2021, le vol de cuivre a privé plus de 170 000 clients de TELUS de plus de 200 millions de minutes de services de télécommunication essentiels. Rien que cette année, des villes comme Mission, Abbotsford et Calgary ont été ciblées à plusieurs reprises.

TELUS investit continuellement dans la sécurité de pointe, les projecteurs, les caméras vidéo et l’équipement de verrouillage spécialisé. Nous sommes en train de moderniser notre équipement en passant au câble à fibre optique. Cependant, ces mesures dissuasives ne suffisent pas.

En octobre, un vol de cuivre touchant quatre stations cellulaires et des câbles de fibre optique a interrompu le service pour 2 300 clients des services sans fil à Sardis, en Colombie‑Britannique, et dans les environs. La situation a nécessité la coupe d’arbres dans une forêt dense, ce qui a prolongé d’autant le temps requis pour rétablir la connexion.

Pendant que nos techniciens et nos équipes travaillent sans relâche pour rétablir le service, nous devons faire le nécessaire pour contrer les répercussions de ce comportement criminel totalement irresponsable. Pour nous attaquer à ce problème grandissant, nous devons pouvoir miser sur une collaboration efficace entre les gouvernements, l’industrie et les services de police.

Nous recommandons deux approches législatives pour décourager le vol de cuivre. Il faudrait tout d’abord modifier le Code criminel pour que tout dommage délibéré aux infrastructures essentielles soit considéré comme un délit grave. Comme les autres témoins l’ont mentionné, le vol de cuivre est aujourd’hui considéré comme un vol mineur. Des sanctions plus sévères auraient un effet dissuasif sur ces criminels de plus en plus nombreux.

Ensuite, nous recommandons de modifier la Loi sur les télécommunications pour interdire la vente de matériel de télécommunications obtenu illégalement et imposer des amendes en pareil cas. Cette mesure perturberait la chaîne d’approvisionnement du cuivre volé en supprimant les débouchés viables. Elle s’ajouterait aux règlements provinciaux pour créer un cadre complet de lutte contre le vol de cuivre dans l’ensemble du pays.

Enfin, nous recommandons à toutes les provinces de revoir et d’uniformiser la réglementation relative aux marchands de ferraille et aux recycleurs de métal, notamment en comblant les lacunes qui permettent aux criminels de tirer profit du cuivre volé. Par exemple, la loi devrait limiter la vente du cuivre qui a été fondu, car il n’est plus alors identifiable.

De plus, le Canada a besoin d’un groupe de travail qui se consacrerait au vol de métal, notamment au moyen d’enquêtes coordonnées entre les différentes forces de l’ordre. Il faudrait aussi une meilleure mise en commun des renseignements par les différentes instances. De telles mesures ont permis de réduire le nombre de vols de cuivre dans d’autres pays. Le Canada est à la traîne à ce chapitre.

Le vol de cuivre compromet les services essentiels, la sécurité publique, l’accès aux soins de santé et la stabilité économique. Nous mettons tout en œuvre pour prévenir de tels crimes, mais nous devons travailler de concert avec le gouvernement et les forces de l’ordre pour pouvoir réaliser de véritables progrès.

C’est maintenant qu’il faut agir. Chaque jour de retard met plus de collectivités et de Canadiens en danger. Merci de l’attention que vous portez à cet enjeu crucial.

[Français]

Francis Bradley, président et chef de la direction, Électricité Canada : Merci, madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du comité, de m’offrir l’occasion de parler du vol de cuivre, un problème qui touche le secteur de l’électricité depuis de nombreuses années.

Je m’appelle Francis Bradley et je suis président et chef de la direction d’Électricité Canada, qui est l’association nationale porte-parole de l’industrie de l’électricité.

Nos membres sont les compagnies qui produisent, transportent et distribuent de l’électricité dans chaque province et territoire.

[Traduction]

Je félicite le comité de se pencher sur ce sujet d’importance. Je remercie également nos collègues du secteur des télécommunications pour leur défense de cette cause. Je souhaite de plus remercier nos membres, dont les idées ont contribué à l’élaboration des commentaires que je m’apprête à vous livrer.

Le vol de cuivre est un problème persistant; il est dangereux, présente d’énormes risques pour la sécurité et menace la fiabilité. Pour y remédier, il faut une approche collaborative mettant à contribution les exploitants de réseau, les forces de l’ordre et tous les ordres de gouvernement.

Dans le secteur de l’électricité, le vol de cuivre se produit dans diverses installations comme les sous-stations, les lignes de transmission et de distribution et les chantiers de construction. Le cuivre étant un excellent conducteur, il fait aussi partie intégrante de notre infrastructure. Cependant, il rend du même coup nos installations attrayantes pour les voleurs. Notre association s’attaque à ce problème depuis plus de 10 ans, en facilitant la collaboration entre les membres, en mettant en commun les pratiques les plus efficaces et en plaidant en faveur d’une action gouvernementale.

Malgré des années d’efforts pour contrer ce phénomène, le vol de cuivre demeure persistant, alimenté par les prix élevés du cuivre. Des centaines d’incidents se produisent chaque année, causant des millions de dollars en pertes financières. Nos membres sont on ne peut plus clairs à ce sujet : c’est un véritable fléau qu’il faut enrayer de toute urgence.

Parlons d’une partie des risques et des impacts associés au vol de cuivre.

Premièrement, les risques pour la sécurité sont sérieux. Les voleurs qui s’introduisent dans des sites sous tension risquent l’électrocution et des blessures graves. Il est tragique de constater qu’au cours des 15 dernières années, les médias ont fait état d’au moins 10 décès survenus lors de tentatives de vol de métaux. Le danger s’étend également aux premiers intervenants, aux travailleurs des services publics et à la population en général, car les sites vandalisés peuvent être à l’origine d’incendies et risquent d’exposer les gens à des composantes d’un réseau sous tension.

La fiabilité est une autre préoccupation de premier plan. Le vol de cuivre perturbe le réseau électrique et peut entraîner des pannes qui affectent les familles, les entreprises et les services essentiels qui sont tributaires d’une connexion ininterrompue.

Lorsque les incidents ne provoquent pas directement une panne, les réparations nécessaires exigent souvent la mise hors tension de l’équipement, ce qui cause d’autres interruptions de service.

Que faisons-nous à ce sujet? Le secteur de l’électricité a mis en œuvre de nombreuses mesures pour lutter contre le vol de cuivre. Ainsi, les entreprises ont notamment adopté des technologies de surveillance avancées, remplacé les métaux de grande valeur lorsque c’était possible et renforcé la collaboration avec les forces de l’ordre. Cependant, la plupart de ces efforts sont menés par l’industrie alors que les actions gouvernementales sont plutôt restreintes. Nous pensons que le gouvernement fédéral devrait jouer un rôle plus actif dans ce domaine.

Voici quelques-unes de nos recommandations.

Premièrement, il convient de supprimer les incitations financières au vol. Le vol de cuivre est assujetti à la capacité à vendre le métal volé. Les provinces peuvent s’attaquer à ce problème en réglementant l’industrie de la ferraille, en exigeant la tenue d’un registre des transactions et en obligeant les vendeurs à s’identifier.

Cependant, les lois sont incohérentes, mal appliquées ou inexistantes dans de nombreuses sphères de compétence. Le gouvernement fédéral devrait diriger les efforts visant à normaliser les mesures législatives applicables dans toutes les provinces et tous les territoires, afin d’instaurer une approche unifiée et efficace.

Deuxièmement, il faut faciliter l’application de la loi et les poursuites judiciaires. Il convient à ce titre d’allouer des fonds pour sensibiliser les forces de l’ordre et les procureurs aux impacts économiques et opérationnels des vols de cuivre touchant nos infrastructures essentielles. Une meilleure formation permettra d’améliorer les enquêtes et les chances d’avoir gain de cause lors d’une poursuite judiciaire.

Troisièmement, il faut renforcer le Code criminel. Modifiez-le pour tenir compte des graves conséquences du vol de métaux. Vous pourriez notamment créer une infraction spéciale concernant les infrastructures essentielles. Vous pourriez aussi créer une infraction mixte pour le vol ou le méfait touchant des infrastructures essentielles. Les conséquences plus générales sur la fiabilité pourraient être considérées comme des facteurs aggravants lors de la détermination de la peine.

Enfin, les peines encourues pour le vol de métaux devraient être proportionnelles à la gravité du préjudice causé, qui va bien au-delà de ce que prévoit la catégorie actuelle des vols de moins de 5 000 $.

[Français]

Merci encore de m’avoir donné l’occasion d’intervenir aujourd’hui. Le vol de cuivre présente des risques graves pour la sécurité et la fiabilité du réseau, et une action coordonnée est nécessaire pour y faire face efficacement.

Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions et poursuivre la discussion.

La sénatrice Julie Miville-Dechêne (vice-présidente) occupe le fauteuil.

La vice-présidente : Merci beaucoup, monsieur Bradley. Je trouve que vous nous dressez un portrait pas mal plus dramatique que celui que nous avons eu lors de notre dernière rencontre.

[Traduction]

Le sénateur Cardozo : Je vous remercie tous d’être ici. Certains d’entre vous ont peut-être vu la discussion que nous avons eue jusqu’à présent. Vous êtes passés à la vitesse supérieure, et je vous en remercie.

Je dois partir tôt. Je tiens à vous dire que la plupart des sénateurs adorent regarder les vidéos de leur comité. Lorsque nous ratons quelque chose, nous...

La vice-présidente : Quelle est votre question?

Le sénateur Cardozo : Pardon. C’est strict ici.

Je regarde donc le projet de loi C-26, que nous avons adopté il y a quelques jours. Monsieur Bradley, vous avez comparu devant ce comité. Il y a une partie qui traite de la protection des cybersystèmes essentiels.

Pouvons-nous creuser un peu la question? L’expression que vous utilisez est « protéger les infrastructures essentielles ». Nous parlons de cybersystèmes; nous parlons de télécommunications. Les dispositions législatives que nous avons adoptées suffisent-elles, et il s’agit maintenant de les mettre en œuvre? L’un d’entre vous peut-il faire un commentaire à cet égard?

M. Bradley : Je serai ravi d’ouvrir le bal.

Non, je ne pense pas que ce soit suffisant. Je ne pense pas que cette loi règle le problème parce qu’elle ne porte que sur les cybersystèmes.

Nos préoccupations vont bien au-delà des conséquences sur le secteur des télécommunications. Elles englobent l’infrastructure en général. Nous parlons ici de conséquences physiques, et pas seulement de conséquences cybernétiques.

Le sénateur Cardozo : Dans quels secteurs le cuivre volé est-il utilisé? Lorsque nous en avons discuté il y a quelques jours, on nous a dit qu’il s’agissait principalement de télécommunications. Permettez-moi de vous poser la question sous cet angle : qui utilise du cuivre? Qui utilise d’autres formes de fils?

M. Bradley : Je suis sûr que mes collègues des télécommunications pourront vous parler de l’augmentation de leur utilisation dans ce secteur.

Dans notre domaine, le cuivre sert souvent de principal conducteur dans les systèmes électriques.

Compte tenu de l’électrification croissante de l’économie et de la consommation croissante d’électricité, nous allons assister à une hausse dans notre secteur, mais tout ce qui a trait à l’électronique requiert de plus en plus de cuivre, de sorte que nous constatons une augmentation considérable de la demande dans le monde.

La demande augmente non seulement ici, mais partout sur la planète. Les pays cherchent à accroître leur prospérité économique, et nous observons une croissance considérable là aussi. La demande ne cesse de croître.

Mme Austin : Nous essayons de nous en affranchir, je tiens à le préciser. Nous estimons que le cuivre est une technologie obsolète et nous voudrions vraiment que tout le monde passe à la fibre optique. Cependant, la transition prend du temps. Le problème, et je suis sûr que M. Lakey peut également en témoigner, est en partie d’ordre réglementaire. Si vous venez dans nos bureaux centraux, vous verrez que les feux de signalisation sont en cuivre. Ils n’ont pas été changés depuis des années et nous ne nous attendons pas à ce qu’ils le soient dans les années à venir.

Lorsque vous prenez l’ascenseur, vous remarquerez probablement qu’il y a un panneau; si vous l’ouvrez, vous y trouverez un téléphone. Dans les immeubles à logements multiples ou les immeubles d’appartements, les propriétaires amélioreront souvent les services de télécommunications en passant à la fibre optique, mais ils ne moderniseront pas l’ascenseur parce que c’est extrêmement coûteux. Qui modernise des ascenseurs? On modernise le panneau, on ne change pas l’ascenseur. Nous craignons que ces connexions en cuivre restent là longtemps.

Je suis sûr que M. Lakey a d’autres commentaires à faire.

M. Lakey : Il y a trois choses pour lesquelles on utilise du cuivre. Si vous regardez les photos que Mme Austin a présentées, vous verrez le vieux cuivre dont elle parle, qui sert précisément à fournir des services vocaux. C’est propre à notre industrie. Il n’est pas utilisé ailleurs, et c’est là qu’il y a eu une bonne évolution grâce à la réglementation, qui le rend carrément illégal. Cela permet de retirer ce genre de fils identifiables et d’exercer une diligence accrue. Le deuxième endroit où l’on utilise du cuivre, c’est dans les fils enfouis dans la terre, et c’est un peu la même chose que ce qu’on vient d’expliquer. Le troisième endroit où on l’utilise, c’est dans les batteries d’accumulateurs au plomb de nos sites mobiles, qui servent à fournir une alimentation temporaire en électricité lorsque le courant est interrompu par des vandales, des vols ou des facteurs environnementaux.

Oui, nous investissons des milliards pour nous affranchir du cuivre. Cela prend beaucoup de temps, et il y a des situations uniques qui font que cela prend plus de temps, mais nous avons des centaines de milliers de kilomètres de cuivre à remplacer. Nous avons environ 150 000 kilomètres de cuivre à protéger et à remplacer, et Bell en a probablement encore beaucoup plus.

Le sénateur Cuzner : C’est très utile. J’ai quelques questions un peu nichées à poser. Monsieur Smith, vous avez parlé de l’expérience de la Floride et du fait qu’elle a augmenté ses pénalités et l’ensemble des frais applicables ces dernières années. Comment cela se passe-t-il? Cela a-t-il un effet dissuasif, ou est-il trop tôt pour le mesurer?

M. Smith : Il est trop tôt pour le dire. La loi de la Floride a été adoptée en juillet. La Géorgie en a adopté une l’année précédente, je crois. J’en ai parlé avec mes homologues aux États-Unis, qui sont très au fait de cette question sur le plan juridique, et ils m’ont dit qu’il fallait s’attendre à ce que d’autres États aillent plus loin encore. Certaines lois sont en vigueur depuis un certain temps, mais on se rend compte aujourd’hui qu’elles sont mal adaptées, si bien que d’autres États cherchent à les actualiser encore davantage.

Pour faire le lien avec la question du sénateur Cardozo, je pense que la meilleure analogie ne se fait pas avec le projet de loi C-26, mais avec le projet de loi C-70, qui modifie la loi sur le sabotage. Il s’agissait de protéger les infrastructures essentielles, et cela pourra se faire par règlement, de sorte qu’au fur et à mesure que les choses changent, il ne sera pas nécessaire d’adopter de nouvelles lois. Vous pourrez désigner de nouvelles infrastructures essentielles. Nous parlons aujourd’hui du cuivre, mais il pourrait s’agir de n’importe quelle forme de vandalisme ou de vol. Il faut protéger les infrastructures essentielles, y compris celles des télécommunications, parce que nos vies en dépendent.

Le sénateur Cuzner : Monsieur Lakey, dans vos observations, vous avez mentionné que le Canada est à la traîne par rapport à d’autres pays. Qui est en tête de peloton? Quels sont les pays qui sont beaucoup plus avancés que nous?

M. Lakey : Je vais vous donner quelques exemples. Au Royaume-Uni, on estimait à un milliard de livres sterling la perte annuelle due au vol de cuivre. Le pays a donc lancé l’opération Tornado, l’approche coordonnée que nous avons décrite, de sorte que les forces de l’ordre tracent désormais les vendeurs de ferraille pour qu’il soit plus difficile d’écouler la marchandise et qu’il soit possible de la retrouver. On a ainsi constaté une baisse de 51 % des vols de cuivre dans le pays.

En Australie, dans l’État de Victoria, une stratégie de prévention du vol de cuivre a été déployée; elle prévoit notamment la tenue obligatoire de registres accessibles à tous, que tout le monde peut consulter et que les forces de l’ordre utilisent. Cette stratégie a permis de réduire de 40 % le nombre de vols de métaux, ce qui est très bien.

La Californie a reclassé ce type de vol dans la catégorie des délits graves : tout vol de plus de 950 est considéré comme un délit grave et peut entraîner une peine d’emprisonnement. En juillet de cette année, Los Angeles a mis les bouchées doubles. Une opération de répression a mené à 82 arrestations, 60 inculpations pour infraction majeure et à la saisie de 2 000 livres de cuivre volé.

Il y a beaucoup à apprendre des autres pays pour changer les règles ici.

Le sénateur Cuzner : Je ne donnerai pas la parole à Mme Austin pour l’instant. Monsieur Bradley, vous avez parlé des provinces. Vous travaillez avec les provinces, et certaines sont plus mobilisées que d’autres. Quelles sont les provinces qui font le plus d’avancées dans ce domaine?

M. Bradley : Eh bien, d’après ce que nous observons du côté des recycleurs de métaux, il y a des avancées importantes dans des provinces comme la Colombie-Britannique et l’Alberta. La Nouvelle-Écosse a adopté une loi, mais n’a jamais pris de règlement, de sorte que c’est presque un exemple de réussite. Même en Alberta, par exemple, où il y a un règlement en vigueur, il n’est pas appliqué de façon uniforme. Donc même le bref aperçu que je vous donne porte à conclure que dans la plus grande partie du pays, il n’y a pas de loi ou de réglementation efficace à l’échelon provincial.

[Français]

Le sénateur Gignac : Bienvenue aux témoins. Ma première question s’adresse à Mme Austin, de Bell Canada. Merci pour vos beaux graphiques. Il y a une grande différence d’une province à l’autre. C’est normal que l’Ontario ait un pourcentage plus élevé, car c’est une province plus populeuse. Je constate que le Québec est plus bas que le Nouveau-Brunswick, car il compte 13 % des incidents de vol pour votre entreprise. Les Québécois sont-ils plus honnêtes, ou la Sûreté du Québec fait-elle un travail différent? J’essaie de comprendre la différence entre le Québec, l’Ontario et le Nouveau-Brunswick. Avez-vous quelque chose à nous enseigner sur les bonnes pratiques des forces de l’ordre ou la technologie actuelle au Québec?

[Traduction]

Mme Austin : C’était un gros problème au Québec il y a une dizaine d’années, et c’était lié au crime organisé. Hier, je crois que vous avez entendu dire qu’il s’agissait d’un crime d’opportunisme. À l’époque, il y avait de très fortes pressions au Québec pour mettre fin au vol de cuivre.

Il y a toujours des vols de cuivre. La province se trouve peut‑être dans une situation différente de celle des autres provinces. Je ne crois pas qu’il y ait de lois sur la ferraille au Québec. Il n’y a pas d’explication évidente à cela, si ce n’est qu’il s’agit peut-être d’une vague différente, d’une époque différente ou d’un endroit différent. Il y a toujours des vols de cuivre au Québec, mais pas autant qu’en Ontario et au Nouveau-Brunswick.

La vice-présidente : Il y en a dans certaines municipalités au Québec.

Mme Austin : Oui, elles ont des règlements municipaux.

[Français]

Le sénateur Gignac : Si l’on prend en considération la sensibilité des Canadiens et des forces de l’ordre — parce qu’on leur en demande beaucoup. Sur une échelle de 0 à 5, les forces de l’ordre doivent s’occuper de la criminalité, des drogues, de la violence conjugale et de l’itinérance, et le vol de cuivre est bas dans les priorités. Je ne veux pas minimiser le problème, qui est important pour nos infrastructures critiques.

Je comprends qu’on peut resserrer le Code criminel, mais encore faut-il que les forces de l’ordre l’appliquent. Pour notre prochain groupe de témoins, nous recevrons l’Association canadienne des industries du recyclage; ne croyez-vous pas que c’est de ce côté qu’on devrait mettre l’accent? Y aurait-il un impact plus immédiat, si je me réfère à l’expérience de l’Australie et d’autres États américains? Ma question s’adresse à tous les témoins.

[Traduction]

Mme Austin : Je peux commencer.

Les forces de l’ordre de partout au pays se sont montrées fantastiques, incroyablement coopératives et utiles dans ce dossier. Comme l’a illustré M. Lakey, cela a souvent une grande incidence sur l’application de la loi et le vol de cuivre. On peut dire sans risque de se tromper que les forces de l’ordre sont également frustrées par leur incapacité d’agir dans ce domaine. Comme l’a mentionné la présidente, beaucoup de municipalités ont des règlements municipaux, que la police s’efforce vraiment de les faire respecter.

Du point de vue de Bell, les ferrailleurs arrivent trop tard dans l’équation. Vous allez les entendre. Nous avons nos réserves sur les ferrailleurs. Ce qui est frappant pour nous, c’est que lorsque nous déclassons du cuivre, nous vendons nos déchets aux mêmes ferrailleurs que ceux qui acceptent le cuivre obtenu par des moyens criminels. C’est un peu trop tard pour nous, c’est pourquoi nous mettons l’accent sur le Code criminel.

M. Bradley : Je partage votre frustration. Dans notre secteur, nous entendons la même frustration des services de police. Beaucoup d’agents d’application de la loi nous disent qu’il faut miser sur la dissuasion. Lorsqu’ils voient des récidivistes être simplement accusés de vol de moins de 5 000 $, ils reconnaissent la nécessité d’agir de façon un peu plus musclée pour les dissuader.

[Français]

Le sénateur Gignac : Sur le plan de la technologie, peut-on fonder des espoirs dans la surveillance ou les changements technologiques? On est passé du cuivre à la fibre optique... Croyez-vous que les choses pourraient s’améliorer dans les 10 prochaines années, ne serait-ce que grâce à la technologie?

[Traduction]

M. Lakey : Oui, nous éliminons le cuivre pour le remplacer par de la fibre optique. Comme je l’ai dit, il faut beaucoup de temps et d’argent pour y parvenir. Nos efforts se poursuivent, et nous devons nous moderniser. C’est la chose à faire à long terme.

Le problème, c’est que pendant la période de transition, comme on l’a dit, ils coupent tout; ils ne font pas la distinction entre le cuivre et la fibre. Ils doivent tout enlever jusqu’au dernier morceau. Si vous vous intéressez au Québec, il y a eu un incident récemment au Québec, près de Baie-Comeau, où quelqu’un a tenté de voler du fil de cuivre. Il n’y avait pas de fil de cuivre, mais en cours de route, le voleur a arraché notre fibre, l’a coupée, s’est rendu compte qu’il s’agissait de fibre et est parti. Cela a eu des répercussions sur la communauté. C’est là le véritable risque.

Je ne suis pas d’accord avec mes collègues en ce qui concerne l’approvisionnement. En 2010 et 2012, pour être exact, les gouvernements de l’Alberta et de la Colombie-Britannique ont réussi à mettre en place un système de contrôle des ferrailleurs pour retrouver les coupables. Comme je l’ai dit, c’est très propre à telco : il n’y a que nous dans le secteur qui l’utilisons. Il est très facile pour nous de dire si quelque chose provient légitimement de nos activités et doit être recyclé, ce qui est l’objectif même du système mis en place.

Il serait possible de faire un suivi pour repérer l’origine des produits et d’éliminer les gains financiers que les voleurs peuvent en tirer grâce à ces mesures. J’ai récemment rencontré le député provincial Loewen en Alberta. C’est lui qui est à l’origine de ces mesures, et nous avons commencé à en parler. Il a immédiatement dit que nous devons réviser nos lois sur la ferraille, qu’il faut que cela se fasse.

[Français]

Le sénateur Quinn : Merci d’être ici avec nous ce soir. Vos remarques liminaires étaient très claires et très précises, et je vous en remercie.

[Traduction]

J’ai quelques questions à poser pour obtenir davantage de précisions. Je comprends l’idée ou l’observation selon laquelle il s’agit d’un enjeu intergouvernemental qui mérite la même attention que le vol d’automobiles, comme quelqu’un l’a dit hier soir, je crois.

J’ai une certaine expérience des installations de recyclage situées dans les grands ports et je sais qu’il faut modifier le Code criminel. Il doit y avoir des conséquences tout le long de la chaîne à partir du voleur, si je puis dire, à l’entrée, pour l’acheteur, pour le ferrailleur. Il devrait y avoir des sanctions à tous les maillons de la chaîne, y compris pour le ferrailleur qui achète le produit. Ne faudrait-il pas modifier le Code criminel de manière à imposer une responsabilité plus robuste au ferrailleur? Il pourrait devoir vérifier l’origine du cuivre, preuves claires et attestables à l’appui, y compris celle du cuivre fondu. Si le vendeur n’est pas en mesure d’attester de la provenance du cuivre fondu, il ne devrait pas l’acheter, il devrait plutôt le laisser entre les mains du voleur. Il pourrait alors peut-être reconsidérer ses activités.

Ne faudrait-il pas adopter ce type d’approche, tout le long de la chaîne? En fait, c’est le ferrailleur qui est l’acheteur. S’il achète des choses sans savoir exactement de quoi il s’agit, il devrait s’abstenir de les acheter.

Seriez-vous d’accord avec cela? Le Code criminel devrait prévoir des mesures applicables à tous ceux qui participent à ces activités.

J’essaie d’obtenir plus de clarté et de précision concernant le Code criminel et la chaîne d’approvisionnement. Vous en avez tous parlé, en fait.

Mme Austin : Nous — TELUS et Bell — ne sommes pas trop contre l’idée que ce soit du ressort de la province. Pour l’instant, ça va très bien. Nous ne sommes pas contre cela, mais il s’agit habituellement d’une compétence provinciale.

Il y a tellement de choses qu’on pourrait faire. On pourrait demander une pièce d’identité quand quelqu’un arrive, ce qui permettrait de disposer d’une base de données. Le ferrailleur pourrait devoir conserver les données d’identification pendant un mois, peut-être, après avoir reçu le produit, afin de pouvoir vérifier s’il y a des problèmes. Cette base de données devrait être consultable. Il y a beaucoup de choses qu’on pourrait faire par la voie législative et réglementaire en ce qui concerne les ferrailleurs.

Vous avez raison : d’après ce que je comprends de l’industrie du recyclage, il s’agit d’une chaîne assez intéressante. Il y a environ trois grands recycleurs, comme je l’ai déjà mentionné, qui prennent le cuivre de source criminelle, bien franchement, mais aussi de source légitime, de nous.

C’est un secteur que nous voulons vraiment nous assurer de bien...

La vice-présidente : Combien y a-t-il d’acheteurs de ferraille?

Mme Austin : Des milliers.

La vice-présidente : Quand vous dites qu’il y a trois...

Mme Austin : C’est en haut de la chaîne.

La vice-présidente : Mais en bas?

Mme Austin : Il y a des milliers de ferrailleurs.

La vice-présidente : D’accord.

Le sénateur Quinn : Mais il y a trois grands acheteurs en haut.

Mme Austin : Dans la chaîne d’approvisionnement internationale, il y a trois grands ferrailleurs canadiens avec qui nous faisons affaire. Il y a des enchères, et ils font des soumissions sur nos déchets de métaux. Nous nous demandons comment nous pouvons nous assurer qu’ils n’achètent pas de cuivre illégalement.

M. Lakey : Je pense que la traçabilité serait une excellente idée, dans la mesure où notre société souhaite favoriser le recyclage, quand même. Cela permettrait d’en faire, tout en imposant une obligation de traçabilité et de transparence, comme nous l’avons dit, afin d’obtenir ce dont nous avons besoin en fin de compte.

M. Bradley : Je signale que dans le secteur de l’électricité, nous cherchons à corriger ce problème aussi. Nous ne nous en remettons pas entièrement au gouvernement en lui demandant de bien vouloir corriger notre problème; nous faisons ce que nous pouvons de notre côté pour régler la situation. Nous voulons identifier le cuivre; nous le marquons et nous appliquons un enduit pour qu’il soit clairement identifié quand il le pourra. Mais cela comporte son lot de difficultés, parce que dans certains cas, le manque de réglementation provinciale ne permet pas d’y apporter une solution.

Par ailleurs, concernant les nouvelles installations et les nouveaux matériaux utilisés, c’est notre équipement et nos installations classiques. Malheureusement, contrairement à l’industrie des télécommunications, nous n’avons pas la fibre. Nous avons d’autres matériaux que nous pouvons utiliser au lieu du cuivre, mais notre système a été bâti durant plus d’un siècle et il est rempli de cuivre.

Le sénateur Quinn : Pour continuer un peu sur les ferrailleurs, devrait-il y avoir une exigence pour que celui qui rejette un vendeur communique son nom et ses informations aux autres ferrailleurs, pour éviter que les gens s’essaient de l’autre côté de la rue ou dans une autre ville? Ne devrait-on pas en faire un autre élément dissuasif — que ce soit leur responsabilité — qui repose sur le Code criminel?

M. Bradley : Je pense que dans votre exemple, si c’était notre secteur et que des choses volées et clairement marquées comme venant d’une installation électrique nous étaient proposées, j’espère que nous n’appellerions pas un autre ferrailleur, mais les forces de l’ordre.

Le sénateur Quinn : D’accord. Je parle d’une mesure de plus, parce qu’on peut parfois oublier le numéro de la police.

Merci.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : J’ai quelques petites questions en rafale. D’abord, merci pour les images; c’est très utile pour nous, sénateurs.

Vous avez parlé du projet de loi C-70, mais de la façon dont vous l’avez fait... Quand vous parlez des infrastructures critiques et de sabotage, pensez-vous qu’on pourrait appliquer ce projet de loi à votre problème? Est-ce que je comprends bien?

[Traduction]

M. Smith : Je pense que non. Quand on étudiait le projet de loi C-70, nous demandions qu’on élargisse les définitions. Mais selon son libellé, cette disposition vise les crimes contre l’intérêt national.

La sénatrice Miville-Dechêne : Et non les ferrailleurs.

M. Smith : Oui. Bien que ce soit dans l’intérêt national de protéger les communications et les autres infrastructures essentielles, ce serait difficile. Il faut qu’il y ait une intention. Il faut prouver que la personne cherchait à nuire à l’intérêt national.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Vous dites que vous essayez d’installer quelque chose sur le cuivre pour assurer son traçage, mais ce cuivre qui est revendu est ensuite refondu. Son traçage disparaît-il à ce stade? J’essaie de comprendre comment on peut le suivre à la trace lorsque les voleurs le placent dans une cuve et en font disparaître la trace.

[Traduction]

Mme Austin : Je peux commencer.

Parce que nous cherchons à éliminer le cuivre, nous n’allons pas revenir en arrière. Nous voulons éliminer le cuivre de notre système. Nous préférons la fibre. Nous n’allons pas dépenser de l’argent pour revenir à tous ces petits câbles à marquer.

Mais oui, on peut faire fondre le cuivre. Il est très difficile à retracer.

M. Lakey : C’est la première mesure à appliquer à l’étape du recyclage. Il faut avoir une traçabilité avant que le produit soit déconstruit.

Tout d’abord, nous avons dit clairement que nous utilisons des câbles spécifiques en télécommunications. Ils ne viennent que d’entreprises de télécommunications au Canada, pour avoir une première mesure de traçabilité. On peut ensuite en faire des granules, le faire fondre ou autre et en faire un produit recyclé. La traçabilité à l’étape du traitement, c’est important.

En matière de traçabilité, nous nous occupons d’une partie de l’étiquetage, si l’on veut. Toutefois, oui, nous allons passer à la fibre. C’est une période de transition.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Parlez-moi de votre responsabilité en tant qu’industrie pour renforcer la sécurité. Vous dites que ce problème existe depuis des années, mais qu’est-ce que vous faites? Quels sont les investissements que vous avez faits, si je pense à Bell et à Telus? Avez-vous installé des caméras, par exemple? Ces mesures ont-elles réduit le nombre de crimes?

[Traduction]

Mme Austin : Bell dépense 1 million de dollars par année pour la sécurité. À quoi peuvent ressembler nos mesures de sécurité? Pour la renforcer, nous appliquons les mesures auxquelles on peut s’attendre : nous embauchons des gardes de sécurité supplémentaires, nous améliorons l’éclairage et les clôtures. Nous avons aussi des membres de l’équipe qui se soucient si profondément de cet enjeu qu’ils vont changer de trajet pour revenir à la maison, parce qu’ils savent qu’un secteur a été touché dernièrement.

Des membres de notre équipe amènent leurs caméras GoPro ou des caméras de sentier, parce qu’ils sont préoccupés et qu’un gang local a déjà frappé à un endroit. Ils vont les installer. Ils prennent la question au sérieux.

Nous avons commencé à installer des alarmes. Nous mettons à l’essai de nouveaux systèmes d’alarme GPS que nous pourrions utiliser. Ce type d’alarme, c’est comme une boucle. Si la boucle est brisée, nous savons que quelque chose cloche. Nous pouvons transmettre l’information aux forces de l’ordre, comme nous l’avons fait sous le pont de la rue Lorne.

M. Lakey : Oui. Nous appliquons de nombreuses mesures de ce genre, nous aussi.

La sénatrice Miville-Dechêne : Cela donne-t-il des résultats?

M. Lakey : Oui. Nous avons connu un certain succès. Les forces de l’ordre sont intervenues rapidement, grâce à nos alarmes ou aux répétitions. Nous avons de la surveillance et ce genre de choses aussi. Cela aide, mais ce n’est pas suffisant.

Je répète que nous n’avons que 150 000 kilomètres à protéger. Bell en a sans doute trois fois plus, je dirais. C’est très difficile à protéger. C’est une combinaison de mesures au sol et cachées. Vous avez vu des photos où c’est concentré.

Nous soudons les choses, nous posons des blocs de béton sur les puits d’accès et nous faisons toutes sortes de choses pour tenter d’améliorer la situation à tous les jours. Toutefois, c’est un dur combat.

La sénatrice Miville-Dechêne : J’ai une dernière réflexion. La plupart de ce que vous demandez relève des provinces. Nous sommes un comité du Sénat. Nous pouvons parler de ces choses, mais le Code criminel est peut-être la seule chose qui nous concerne. Nous menons une étude. Une partie n’est pas exactement...

M. Lakey : Spécifiquement, je recommande des changements au Code criminel en matière de télécommunications.

La sénatrice Miville-Dechêne : Oui, j’ai compris. Ce sont les ferrailleurs.

M. Lakey : Oui, la ferraille. La coordination est importante, c’est certain.

La sénatrice Miville-Dechêne : Merci.

M. Bradley : Merci.

[Français]

La sénatrice Youance : J’essaie de comprendre le marché du cuivre. Est-il réservé uniquement à des compagnies de télécommunications sans être accessible au grand public, ce qui ferait en sorte que les vols se perpétuent?

On a parlé de la chaîne de vol un peu plus tôt. Vous avez également dit qu’un voleur peut voler pour 100 $ de cuivre. À la toute fin de la chaîne, lorsqu’il revient à l’acheteur final, en quoi ce montant de 100 $ se transforme-t-il? J’essaie de comprendre l’intérêt des voleurs.

[Traduction]

Mme Austin : Je peux parler de la valeur. La motivation est différente.

Au Nouveau-Brunswick, si on vole 400 $ de cuivre, on va possiblement nourrir sa famille pendant un mois. À Kingston, il y a un gang de vendeurs de drogue très actif qui, quand les stocks sont bas, vole du cuivre pour faire de l’argent jusqu’à ce que les stocks reviennent à la normale.

Vous avez dit qu’ils volent le cuivre. Nous avons ce qu’on appelle des piédestaux, qui ne font qu’un mètre de cuivre. Mais les voleurs ne le savent pas. Cela ne vaut pas grand-chose pour eux, mais ils pensent que ce sera quelque chose de bien différent.

Le cuivre est extrêmement précieux. Son prix atteint des niveaux records dans le monde. Le secteur de l’énergie et de l’électricité va en utiliser davantage, même si nous cherchons à l’éliminer.

M. Lakey : Oui. Ce ne sont pas seulement les entreprises de télécommunications. Nous l’utilisons amplement, de façon très spécialisée. Mais il est ensuite fondu et utilisé dans d’autres secteurs.

Le réseau électrique, les véhicules électriques, les bornes de chargement, tous ces secteurs font augmenter le prix du cuivre. Les ordinateurs, les appareils électroniques et toutes ces choses ont besoin de cuivre, parce que c’est un excellent conducteur. On lui donne une nouvelle fonction dans ces autres secteurs.

On vole des câbles pour les chargeurs de véhicules électriques. Les voleurs vont couper le câble, l’amener avec eux et le recycler.

Cela se fait dans toute l’industrie. La réutilisation se fait dans toute l’industrie.

[Français]

La sénatrice Youance : Quand vous retirez les anciens systèmes faits de cuivre et les transformez en fibre optique, qu’est-ce que vous faites avec les résidus de cuivre? Les remettez-vous sur le marché ou les réutilisez-vous?

[Traduction]

Mme Austin : Nous le recyclons.

M. Lakey : Nous le recyclons aussi.

Mme Austin : Oui. Ce n’est pas vite; c’est lent. La transition du cuivre à la fibre est très lente, mais nous avons des programmes de recyclage. Souvent, nous sommes dans la même chaîne de fournisseurs que les ferrailleurs qui n’achètent pas le cuivre légalement.

M. Lakey : On en revient à la traçabilité. Nous expliquons aux entreprises de recyclage que nous sommes bel et bien les propriétaires, que cette matière nous appartient et que nous voulons la recycler.

M. Bradley : Je dirais que ce n’est pas seulement les télécommunications et l’électricité. Il y a du cuivre dans des centaines, voire des milliers d’applications. Si vous allez au Home Depot dans la section de la plomberie, vous verrez le matériel qui est possiblement fait de cuivre recyclé venant des entreprises de télécommunications ou d’une de nos entreprises membres. Le cuivre est largement utilisé dans tout ce que nous fabriquons.

Le président : J’ai deux questions. Je présume que les entreprises de télécommunications ont des assurances en cas de banditisme de grand chemin, donc ces compagnies d’assurances sont aussi victimes, n’est-ce pas? Donc, les victimes sont les entreprises de télécommunications, les compagnies d’assurances qui assurent les entreprises de télécommunications et, évidemment, les consommateurs.

Mme Austin : C’est exact.

Le président : Donc, les deux entités qui profitent de la situation sont les voleurs, qui mènent les opérations, et les ferrailleurs.

Je me suis renseigné sur ce problème, et il me semble qu’il est urgent d’imposer la responsabilité aux ferrailleurs quand ils acquièrent le matériel volé, avant qu’ils s’empressent de le transformer, de le faire fondre et d’en tirer des bénéfices. À un moment donné, ils doivent assumer une part de responsabilité pour le matériel qu’ils reçoivent. Il faut leur imposer de confirmer et de valider la provenance du matériel. Êtes-vous d’accord?

M. Smith : Je serai d’accord là-dessus. Évidemment, parce que nous nous adressons au Sénat, je me concentre sur le Code criminel, mais tout à fait, vous allez entendre — et c’est ce qu’on dit des représentants de l’industrie des ferrailleurs — que la responsabilité ne devrait pas leur incomber et que leur travail ne consiste pas à faire respecter la loi. Nous ne leur demandons pas d’appliquer la loi, mais comme d’autres industries qui doivent suivre la réglementation, d’appliquer des mesures simples, que nous avons mentionnées dans bien des cas, comme une pièce d’identité à exiger, le refus des transactions en argent comptant et parfois, le fait de conserver la ferraille le temps que la police mène son enquête. Toutes ces mesures simples peuvent aider les choses et, comme vous l’avez dit, obliger les ferrailleurs à s’assurer qu’ils ne participent pas à des activités illégales ou qu’ils ne les facilitent pas.

Le président : C’est ce qu’on fait présentement dans certains États américains, si je ne m’abuse.

M. Smith : Oui. Il y a aussi des exigences provinciales, et au Canada, quelques villes ont des règlements municipaux, mais la question, c’est de savoir si on les suit ou on les applique avec rigueur.

Le président : Merci.

Le sénateur Cuzner : J’ai une question brève. Concernant les commentaires de la sénatrice Miville-Dechêne sur la compétence de nature provinciale dans bien des cas — surtout pour ce qui est des ferrailleurs —, ce que je comprends des témoignages, c’est que vous estimez qu’il faut aussi modifier le Code criminel et que le gouvernement fédéral doit faire preuve de leadership.

M. Lakey : Le gouvernement fédéral réglemente l’industrie des télécommunications et les services d’urgence 9-1-1, si essentiels à la sécurité des Canadiens.

Le sénateur Cuzner : Nous apprécions que vous nous présentiez des solutions et pas que des problèmes. Vos témoignages nous sont utiles.

Les voleurs deviennent certainement plus complexes. On ne parle plus de quelques gars qui ont quelques renseignements et qui arrachent quelques câbles en espérant qu’ils contiennent du cuivre. C’est plutôt le crime organisé qui est derrière tout cela. Est-ce que les voleurs sont plus...

Mme Austin : Récemment, à Flamborough, située tout près d’Hamilton, durant quatre jours consécutifs, une bande de voleurs portant des vestes réfléchissantes, avec un camion loué muni d’une lumière clignotante jaune, a installé des cônes orange et a redirigé la circulation. C’est seulement quand un employé de Bell est passé par là et s’est interrogé sur leur présence que nous avons compris que c’était des voleurs. Ils deviennent plus évolués, en ce qui nous concerne.

M. Bradley : Du point de vue du secteur de l’électricité, je dirais qu’il y a tout un éventail qui va d’un degré assez faible à un degré très élevé de sophistication. Nous en voyons de toutes les sortes. Je dirais que notre crainte, c’est que oui, il y a des coûts afférents, mais je répète que notre grande préoccupation porte sur la fiabilité et la sécurité publique. Comme je l’ai dit, dans les 15 dernières années, il y a eu 10 morts. Nous ne sommes pas si inquiets concernant les coûts, même s’ils ne sont pas négligeables. Au bout du compte, ils sont refilés aux consommateurs — aux Canadiens ordinaires —, mais notre principale préoccupation, c’est la sécurité publique et la fiabilité de notre système.

Le sénateur Cuzner : Je veux poser une dernière question. Pour avoir travaillé pendant des années à Fort McMurray dans les débuts, je sais que Great Canadian Oil Sands Ltd., Suncor, Syncrude et leurs concurrents ont commencé à travailler ensemble quand la crise des émissions de GES et des rejets dans l’environnement s’est déclarée. Même si l’on parle de concurrents, je sais que l’Association canadienne des producteurs pétroliers s’est entendue sur ses pratiques exemplaires, parce que ses membres ont un ennemi commun et un problème commun qu’ils doivent régler.

La situation est-elle la même pour vous? Vos témoignages semblent plutôt compatibles ce soir.

Mme Austin : M. Lakey et moi y avons travaillé ensemble.

Le sénateur Cuzner : Vous parlez-vous de vos pratiques exemplaires?

Mme Austin : Tout à fait. Voulez-vous parler du CCCST et du travail que vous y faites?

M. Lakey : Quand le Groupe de travail sur la résilience des réseaux de télécommunications canadiens a été mis sur pied, une partie de mon exposé visait à en faire la première cause de pannes évitables dans les réseaux de télécommunications. Nous collaborons régulièrement avec d’autres fournisseurs concernant le vol de cuivre et les pratiques exemplaires qui vont au-delà du vol de cuivre. Mais oui, cette collaboration se poursuit et continue de croître, mais c’est aussi pourquoi nous sommes ici. Nous devons collaborer davantage avec l’aide du Sénat et des organes législatifs.

Le président : Au nom du comité, je tiens à remercier les témoins de leur présence et de nous avoir fait part de leurs points de vue et de leurs connaissances sur le sujet.

Pour le deuxième de groupe de témoins ce soir, le comité accueille Brian Shine, président du conseil d’administration de l’Association canadienne des industries du recyclage et chef de la direction de la Manitoba Corporation; Ross Johnson, président de Bridgehead Security Consulting Inc.; et par vidéoconférence, Linda Annis, directrice générale de Metro Vancouver Crime Stoppers et conseillère municipale de Surrey.

Bienvenue et merci de vous joindre à nous. Nous allons d’abord entendre vos exposés, en commençant par M. Shine, suivi de Mme Annis et de M. Johnson. Nous passerons ensuite à la période des questions et réponses.

Je cède la parole à M. Brian Shine. Vous avez cinq minutes, monsieur.

Brian K. Shine, chef de la direction de la Manitoba Corporation et président du conseil d’administration de l’ACIR, Association canadienne des industries du recyclage : Bonsoir, et merci de m’avoir donné l’occasion de m’exprimer ce soir. Je suis impatient de participer à la discussion et je me réjouis à l’idée d’interagir avec vous.

J’occupe actuellement le poste de président du conseil d’administration de l’Association canadienne des industries du recyclage pour une durée de deux ans. Cette association commerciale créée il y a 78 ans représente l’industrie du recyclage à but lucratif. Nous comptons actuellement plus de 200 membres, qui œuvrent principalement dans le domaine du recyclage des métaux, mais également dans celui du recyclage du papier, du plastique et des appareils électroniques. De 2018 à 2020, j’ai été président du conseil d’administration de la Recycled Materials Association, connue sous le nom de ReMA. Il s’agit d’une association commerciale du secteur du recyclage basée à Washington D.C., qui regroupe près de 1 700 entreprises.

Je suis basé dans la région de Buffalo, dans l’État de New York, et je dirige une entreprise appelée Manitoba Corporation qui recycle du cuivre dans toute l’Amérique du Nord. Le libre‑échange des matières recyclables entre le Canada et les États‑Unis est essentiel pour l’économie des deux pays, ainsi que pour mon entreprise, qui existe depuis 108 ans. Elle a été créée par mon arrière-grand-père en 1916. Nous achetons environ 30 % du cuivre qui entre dans notre usine à des entreprises canadiennes et vendons environ 20 % de nos produits finis en cuivre à des entreprises manufacturières canadiennes.

L’Association canadienne des industries du recyclage et la ReMA collaborent sur un large éventail de questions qui ont des répercussions sur leurs membres respectifs, dont l’une des plus importantes est le vol de métaux. Vous savez peut-être que la ReMA a créé un site Web appelé ScrapTheftAlert, que vous pouvez consulter à l’adresse scraptheftalert.com. L’Association canadienne des industries du recyclage continue de promouvoir l’utilisation de ce site en encourageant les entreprises canadiennes à y signaler les vols, en veillant à ce que ses membres soient informés des vols de matériaux et en signalant aux autorités policières les matériaux volés qu’ils ont découverts. Ces efforts démontrent que l’industrie du recyclage s’efforce de faire partie de la solution au vol de matériaux.

Le site ScrapTheftAlert aide les forces de l’ordre et alerte l’industrie du recyclage en cas de vols importants de matériaux aux États-Unis et au Canada. Après validation et examen, les alertes peuvent être diffusées et envoyées par courriel à tous les utilisateurs abonnés dans un rayon de 100 milles autour de l’endroit où l’incident s’est produit.

Voici quelques chiffres récents tirés du site : Plus de 24 000 alertes ont été publiées. Le site compte plus de 35 000 utilisateurs actifs, et il a permis de récupérer environ 3,5 millions de dollars de biens entre les États-Unis et le Canada.

Malheureusement, l’adoption de cet outil par le Canada est lente. Depuis le lancement du site en 2014, les forces de l’ordre canadiennes ne sont passées que de 89 utilisateurs initiaux à 117 utilisateurs en 2024. Au Canada, le site compte 689 utilisateurs. Nous avons assurément beaucoup de travail à faire pour développer ce précieux réseau. L’Association canadienne des industries du recyclage s’est engagée à le faire et a besoin de votre aide pour faire passer le message.

Les discussions entre l’industrie du recyclage, les organismes gouvernementaux et les forces de l’ordre doivent être axées sur la collaboration et la consultation. L’élaboration d’une loi visant à stopper les criminels et la collaboration avec les recycleurs pourraient grandement contribuer à réduire cette activité illégale, qui a des répercussions importantes sur les infrastructures, la sécurité publique et le commerce international.

Encore une fois, je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de m’exprimer ce soir, et je me réjouis à l’idée d’étudier des solutions au nom de notre industrie et de soutenir les efforts déployés par le comité pour répondre à cet enjeu essentiel. Merci.

Le président : Merci. Madame Annis, vous avez la parole.

Linda Annis, directrice générale, Metro Vancouver Crime Stoppers et conseillère municipale de Surrey : Je vous remercie de me donner l’occasion de comparaître. Je m’excuse de ne pas me joindre à vous en personne ce soir.

Je suis la directrice générale de Metro Vancouver Crime Stoppers. Notre organisme a plus de 40 ans. Il est né de l’idée que notre service de police ne pouvait pas être partout, mais que nous, les citoyens ordinaires, avions des yeux et des oreilles supplémentaires.

Chaque année, Metro Vancouver Crime Stoppers reçoit plus de 4 400 signalements anonymes. Ces 40 dernières années, ils ont permis de procéder à près de 8 500 arrestations et de récupérer plus d’un demi-milliard de dollars de drogues et de biens. La clé de notre réussite réside dans le fait que n’importe qui peut nous appeler en gardant l’anonymat. L’anonymat des données est protégé par la Cour suprême du Canada et, dans notre région, nous recevons des signalements dans plus de 100 langues.

Je suis également conseillère municipale de la ville de Surrey, en Colombie-Britannique. Dans quatre ans à peine, notre ville dépassera Vancouver et deviendra la plus grande ville de la Colombie-Britannique.

Je porterai ces deux chapeaux dans mes interventions d’aujourd’hui.

Comme vous le savez, le vol de fils de cuivre est dangereux, préjudiciable et coûteux. Le vol de cuivre met les technologies de notre pays dans une position précaire. Il peut interrompre les services des premiers intervenants, perturber les transactions du commerce électronique et endommager les systèmes et réseaux d’infrastructure, ainsi que les services essentiels de santé et de sécurité. Le fait est que, même si la valeur du cuivre volé et revendu est inférieure au seuil de 5 000 $ prévu par le Code criminel, les dommages causés par ces vols sont beaucoup plus importants. Je peine à imaginer un autre type de vol aussi mineur qui puisse causer autant de dommages au Canada et aux Canadiens. Franchement, les peines devraient être beaucoup plus lourdes pour les vols dont la valeur est actuellement estimée à moins de 5 000 $.

Parallèlement, les ferrailleurs et les recycleurs doivent être mieux informés et faire l’objet d’un plus grand nombre d’inspections normalisées dans l’ensemble de nos administrations. Il n’est pas exagéré de dire que le monde actuel des ferrailleurs et des recycleurs a des allures de Far West pour ce qui est de leur réglementation et de leurs inspections. Nous devons donc modifier le Code criminel, mais aussi collaborer avec les provinces et les municipalités afin de conjuguer nos efforts au lieu d’adopter une approche disparate face à ce crime très grave.

Le fait de voler et de vendre du cuivre revient à bloquer l’économie basée sur la technologie et la vie quotidienne des Canadiens. Nous devons alourdir les sanctions, procéder à des inspections sérieuses et régulières de la ferraille et des opérations de recyclage, et rendre le processus si strict et l’assortir de sanctions si sévères, que nous pourrons ensemble mettre fin au profit et à la facilité du vol et de la revente de ces matériaux.

Les changements que vous envisagez, comme la limitation de la revente des fils de cuivre volés aux collectivités locales afin que la police puisse les suivre plus facilement, sont des mesures auxquelles je peux souscrire en tant que responsable de Crime Stoppers et en tant que politicienne locale. Tout ce que vous pourrez faire pour rendre la revente plus difficile rendra également le vol de fils de cuivre moins rentable et moins attrayant.

Toutefois, quoi que vous fassiez, je vous demande, en plus de recommander des modifications aux règles et règlements, d’inclure une campagne d’information publique forte qui encourage les gens à appeler la police ou Crime Stoppers s’ils disposent de renseignements.

Des organismes comme le nôtre existent partout au Canada. Le fait est qu’en ce qui concerne le vol de fils de cuivre, certaines personnes savent des choses, et nous pouvons recueillir leurs signalements de façon anonyme. Les voleurs ne sont pas les seuls à savoir ce qu’ils ont fait; certains de leurs proches — leurs parents, leurs amis et d’autres membres de leur cercle criminel — sont également au courant. Toute personne qui appelle Crime Stoppers restera toujours anonyme. Il en va de même pour les citoyens ordinaires qui voient quelque chose d’inhabituel ou de bizarre dans leur quartier. Par exemple, TELUS m’a parlé d’un groupe de voleurs qui étaient vêtus comme des réparateurs de TELUS, avaient l’air d’être des employés de cette entreprise et agissaient comme tel, et lorsque certaines personnes les ont vus, elles ne se sont pas méfiées. Pourtant, un bref appel à Crime Stoppers ou à la police aurait pu éviter le vol de ce fil.

Notre police ne peut pas être partout, c’est pourquoi les yeux et les oreilles supplémentaires des citoyens ordinaires sont utiles aux forces de l’ordre locales. Merci.

Le président : Merci. Monsieur Johnson, vous avez la parole.

Ross Johnson, président, Bridgehead Security Consulting Inc. : Je vous remercie de m’offrir cette opportunité. Je suis propriétaire d’une société de conseil en gestion de la sécurité basée en Colombie-Britannique. Bien que mes clients proviennent de plusieurs industries, je travaille principalement dans le secteur de l’électricité au Canada et aux États-Unis. Au cours de ma carrière, j’ai passé 24 ans dans les Forces armées canadiennes en tant que membre de l’infanterie et agent du renseignement. J’ai quitté l’armée en 2001. J’ai ensuite travaillé dans le domaine de la sécurité aérienne, puis dans le service de sécurité d’une société de forage pétrolier en mer basée à Houston, au Texas.

Je travaille dans le secteur de l’électricité depuis 2006, année où j’ai rejoint EPCOR Utilities à Edmonton. Je préside également actuellement le Physical Security Advisory Group, une équipe de professionnels de la sécurité qui conseille le Electricity Information Sharing and Analysis Center, dont la mission est d’assurer la sécurité du réseau interconnecté nord-américain.

En tant que directeur de la sécurité chez EPCOR, ma plus grande préoccupation était l’intrusion de personnes dans les sous-stations. Un incident survenu en 2008 au poste de Namao, dans le nord d’Edmonton, illustre bien ces inquiétudes. Un voleur de cuivre s’est introduit sur le site au milieu de la nuit, et ses actes ont provoqué une défaillance de l’équipement à haute tension et une panne qui a affecté plusieurs milliers de clients.

Un ingénieur électricien ayant participé à l’enquête sur cet incident m’a ensuite décrit ce qui était arrivé à cet intrus. Il m’a raconté qu’il avait essayé de retirer une sangle de mise à la terre en cuivre de l’intérieur d’une clôture et qu’il s’était appuyé avec un pied contre une pièce d’équipement appelée réacteur. Il m’a dit que l’intrus a dû voir l’éclair violet d’un nuage de plasma. Ce dernier contenait environ 9 000 ampères d’électricité et sa température était considérablement plus élevée que celle de la surface du soleil.

L’électricité est passée autour de l’intrus, et non à travers lui, ce qui explique qu’il ait survécu, car il suffit d’un dixième d’ampère pour tuer un être humain. Au lieu de le tuer, l’électricité l’a enflammé à partir de la taille. Il y avait une caserne de pompiers juste à côté de la sous-station et ils sont arrivés sur les lieux en moins d’une minute. Ils ont vu l’intrus à l’intérieur de la sous-station, en train de crier, ses vêtements en feu. Comme la station était encore sous tension, ils n’ont pas pu l’arroser avec une lance à incendie. Ils lui ont donc crié de se rouler sur le gravier pour éteindre les flammes.

Plusieurs minutes plus tard, un employé de la sous-station est arrivé sur les lieux pour mettre le site hors tension afin que les pompiers et les services médicaux d’urgence puissent y pénétrer et porter secours à l’intrus. Ce dernier était encore en vie, mais perdait beaucoup de sang. L’intrus a été hospitalisé avec d’importantes brûlures au troisième degré sur la moitié supérieure de son corps.

Les voleurs de cuivre s’en tirent souvent sans blessure, mais il arrive que les conséquences soient graves. Dans le cas présent, les conséquences les plus immédiates ont été les terribles blessures infligées à l’intrus. La deuxième blessure a été infligée à l’employé de la sous-station qui est entré sur le site pour le mettre hors tension afin que les premiers intervenants puissent y pénétrer. Il a par la suite souffert d’un syndrome de stress post‑traumatique qui l’a empêché de travailler pendant plusieurs semaines.

Lors d’autres incidents survenus dans notre secteur, des travailleurs des services publics ont été blessés par des équipements à haute tension parce qu’ils ne s’étaient pas rendu compte que les sangles de mise à la terre en cuivre avaient été volées, ce qui rendait l’équipement instable et dangereux. Des intrus ont également percé des trous dans des clôtures, par lesquels des enfants peuvent ensuite pénétrer sur le site.

Pour la plupart des gens, l’électricité n’est que ce qui sort des prises murales à la maison et au travail. Ils ne comprennent pas que les niveaux que l’on trouve dans les sous-stations sont bien plus dangereux. C’est pourquoi nous estimons que la sécurité des sous-stations est une question de sécurité publique et nous déployons des efforts pour empêcher les intrus d’y pénétrer.

Le vol de cuivre est le motif le plus courant des intrusions dans les sous-stations. Le cuivre est facilement converti en argent par les recycleurs de métaux, et les voleurs considèrent les mises à la terre en cuivre des sous-stations comme des prises faciles. En Amérique du Nord, deux tiers de tous les vols qui surviennent dans des sous-stations sont des vols de cuivre.

La prévention des intrusions dans les sous-stations pour quelque raison que ce soit, y compris le vol de cuivre, nécessite la conjugaison de plusieurs mesures. Celles qui relèvent de la compétence du secteur de l’électricité, comme l’amélioration de la sécurité des sous-stations, le remplacement du cuivre par des produits de moindre valeur et la sensibilisation du public aux risques, relèvent de la responsabilité des propriétaires et des exploitants des installations, et nous ne nous y soustrayons pas.

Nous avons cependant besoin d’aide pour changer la perception des voleurs selon laquelle l’intrusion dans les sous‑stations ne présente qu’un faible risque de conséquences. Il existe une croyance, même au sein de notre industrie, selon laquelle le système juridique ne punit pas le vol de cuivre.

L’électricité est le vecteur par lequel nous créons et partageons la prospérité. Il s’agit d’une infrastructure essentielle dont tous les secteurs dépendent. Les intrusions dans les sous-stations mettent en péril la fiabilité du réseau, et notre dépendance croissante à l’égard de l’électricité signifie que notre capacité à tolérer les pannes diminue.

Les attaques de sous-stations menées dans le comté de Moore, en Caroline du Nord, il y a deux ans, ont provoqué une panne qui a privé 150 000 personnes d’électricité pendant près de cinq jours. Une personne est morte d’asphyxie lorsque son générateur d’oxygène est tombé en panne. Lorsque les intrus seront arrêtés, ils risqueront l’emprisonnement à vie.

La dépendance du Canada à l’égard de l’électricité et ses besoins en électricité augmentent, mais les lois visant à protéger l’approvisionnement en électricité n’ont pas évolué au même rythme.

Merci. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Le président : Je vous remercie, monsieur. Je vais donner la parole aux sénateurs pour qu’ils posent des questions.

La sénatrice Simons : Monsieur Johnson, comme je viens d’Edmonton, je vais commencer par vous. Je n’étais pas là hier, mais j’ai lu tous les témoignages et, si j’ai bien compris, l’un des problèmes principaux est que les sanctions prévues pour le vol de cuivre sont relativement faibles parce que la valeur du cuivre est inférieure à 5 000 $.

D’après votre expérience en matière de sécurité, pensez-vous qu’il serait possible ou préférable de prévoir une infraction au Code criminel qui s’apparente davantage à celles liées au sabotage, tant pour les sous-stations électriques que pour les télécommunications?

Je m’interroge sur ce point, car les personnes qui agissent de la sorte ne sont pas, pour la plupart, des acteurs politiques et n’essaient pas de provoquer des incidents terroristes. Il s’agit néanmoins de sabotage d’infrastructures essentielles.

M. Johnson : Merci. Je m’appuie sur un exemple tiré d’une loi en vigueur aux États-Unis. Il s’agit du titre 18 de l’article 1366 du code américain, relatif à la destruction d’une installation de production d’énergie. Il couvre le secteur du pétrole et du gaz et le secteur de l’électricité. Il prévoit que si quelqu’un cause 5 000 $ de dommages ou plus dans une installation électrique ou pétrolière et gazière, ou si son plan, s’il avait réussi, aurait causé 5 000 $ ou plus, il est passible d’une peine de cinq ans d’emprisonnement. Lorsque les dommages s’élèvent à 100 000 $, la situation est radicalement différente. Si leur plan, s’il avait abouti, aurait coûté 100 000 $ de dommages, ils sont passibles d’une peine de 20 ans de prison.

Cette loi est, à mon avis, très efficace. Je travaille dans toute l’Amérique du Nord, y compris aux États-Unis. Depuis quelques années, la région du Nord-Ouest du Pacifique est confrontée à un problème d’attaques multiples de sous-stations... plusieurs étant commises le même soir par les mêmes personnes.

À Seattle, le FBI a réussi à mettre un terme à ces intrusions. Ils utilisent le titre 18 de la loi pour inculper les intrus. Nous avons constaté une réduction des incidents dans le Nord-Ouest du Pacifique.

L’année dernière, la Atomwaffen Division, un groupe néo‑nazi, a planifié une série d’attentats contre des sous-stations de Baltimore, dans le Maryland...

La sénatrice Simons : Il s’agit toutefois d’attaques terroristes. C’est différent.

M. Johnson : C’est vrai, mais ils ont utilisé cette loi. Ils ne faisaient que planifier cette attaque, mais la loi a été utilisée. L’un des instigateurs a été condamné à 18 ans de prison.

Ce que je veux dire, c’est que la loi concernant la destruction d’une installation énergétique s’appliquera à toute destruction, qu’il s’agisse d’une personne qui entre et endommage les fils de terre en cuivre ou d’un acte terroriste.

Ce qui est important, c’est que la loi donne la possibilité aux procureurs d’inciter les auteurs à se dénoncer les uns les autres. S’ils peuvent dire à quelqu’un qu’il risque 20 ans de prison, cette personne dénoncera très rapidement ses complices. C’est ainsi qu’ils ont réussi à résoudre les attaques qui ont eu lieu il y a deux ans à Tacoma lors des fêtes de Noël.

Mon point de vue est que le vol de cuivre est la première raison pour laquelle les gens s’introduisent dans les postes électriques. Les gens peuvent s’introduire dans les postes électriques pour toutes sortes de raisons qui vont du terrorisme au vol de cuivre. J’aimerais voir une loi qui traite de la protection des infrastructures névralgiques et qui donne à la Couronne une grande marge de manœuvre lorsqu’il s’agit de traiter avec les auteurs de ces actes.

Je n’essaie pas de jeter les gens en prison pour 20 ans. Je veux juste qu’ils s’en aillent et qu’ils nous laissent tranquilles.

La sénatrice Simons : Monsieur Shine, hier, le comité a entendu Ben Stickle, un professeur du Tennessee, qui a déclaré que son analyse l’a amené à la conclusion qu’un grand nombre de vols de cuivre sont commis par des personnes issues de l’industrie du recyclage et de la ferraille. Que répondez-vous à cela? Est-ce quelque chose que vous avez observé — que les appels viennent de l’intérieur de la maison, pour ainsi dire?

M. Shine : Je travaille dans ce secteur depuis 40 ans, et je n’ai jamais entendu parler d’un recycleur qui aurait commis un acte de... Êtes-vous en train d’insinuer qu’ils pénètrent dans les entreprises de télécommunications et s’emparent des câbles? Est-ce bien ce que vous laissez entendre?

La sénatrice Simons : Ils stimulent les ventes. Je pense que c’est ce qu’il voulait dire.

M. Shine : Vous voulez dire l’achat des biens volés?

La sénatrice Simons : Acheter sciemment des marchandises volées et conspirer. Il ne s’agit pas de simplement fermer les yeux.

M. Shine : Je comprends maintenant. Deuxièmement, en ce qui concerne l’achat, au cours de mes 40 années passées dans l’industrie, je n’ai jamais eu de contact avec qui que ce soit à l’Association canadienne des industries du recyclage ou à la Recycled Materials Association — ou ReMA, l’équivalent américain — que j’aurais pu qualifier de complice. Je ne veux pas dire que tous les ferrailleurs sont honnêtes et éthiques. Je ne veux pas dire cela, car je suis sûr que ce n’est pas le cas. Comme c’est le cas dans la vente de voitures d’occasion, chaque secteur a ses escrocs.

Je n’ai jamais eu l’impression d’être en contact ou en présence de quelqu’un qui participait sciemment à un réseau d’achat de biens volés.

Encore une fois, je ne dis pas que cela ne s’est jamais produit, mais en 40 ans d’activité dans ce domaine, ce n’est pas quelque chose que j’ai vu passer dans mon radar.

Ce n’est pas quelque chose que j’approuve et je n’essaie pas de dire que cela n’existe pas. Tout ce que je dis, c’est que je ne le sais tout simplement pas.

Le sénateur Quinn : Je remercie les témoins d’être venus ce soir.

Monsieur Shine, je crois que vous avez dit que vous exploitez des parcs à ferraille.

M. Shine : J’ai deux parcs à ferraille. J’en ai un dans la région de Buffalo, New York, et un autre à St-Louis, dans le Missouri. Ce qui est un peu différent, lorsque vous parlez de « parcs à ferraille », c’est que ma société n’achète rien du public. Il existe des entreprises qui achètent du public, c’est ce qu’on appelle le commerce de détail. C’est là l’origine du problème. Des ferrailleurs qui achètent du public se retrouvent avec des marchandises dont ils ignorent la provenance.

J’ai été en présence d’un grand nombre d’entre eux parce que j’achète de personnes qui ramassent des marchandises et les accumulent jusqu’à en avoir des camions pleins, 40 000 livres, et que j’achète à des ferrailleurs ou à des installations industrielles dans toute l’Amérique du Nord. Pour répondre à votre question, j’exploite effectivement deux chantiers.

Le sénateur Quinn : Qu’exigez-vous de ceux à qui vous achetez pour qu’il soit clairement démontré que les matériaux qu’ils vous vendent proviennent de sources légitimes — en d’autres termes, qu’ils n’ont pas été volés?

M. Shine : Au volume où j’achète, parce que j’achète par camions complets, il n’y a pas d’exigence particulière ou de moyen de savoir cela avec certitude. Sauf que les personnes avec lesquelles je fais affaire sont des fournisseurs qualifiés et contrôlés. Je travaille avec eux depuis de nombreuses années, et ils ont la réputation de ne pas vouloir être mêlés de quelque façon que ce soit avec des matériaux volés ou avec quelque acte illicite qui se serait produit au long de la chaîne. Nous sommes la dernière étape avant que les matériaux ne soient refondus.

C’est un point que le comité a soulevé tout à l’heure à propos des matériaux refondus. Cela se produit généralement après que les matériaux ont passé l’étape du recyclage. Les recycleurs de métaux ne fondent pas les matériaux et n’achètent pas de matériaux fondus. Personne ne fond d’abord les matériaux avant de les revendre à la casse.

Je ne sais pas si cela répond à votre question.

Le sénateur Quinn : C’est utile. Je vais cependant rester sur ce sujet.

J’ai eu une certaine expérience des opérations de casse dans un environnement portuaire, et il y avait des problèmes relatifs aux explosions et à d’autres incidents semblables concernant, par exemple, les voitures écrasées. L’entreprise baissait le prix des véhicules qu’elle pouvait identifier et, en fait, elle cessait parfois d’acheter de ces fournisseurs. Elle faisait de son mieux pour empêcher les choses de se produire.

Que penseriez-vous si, grâce à cela, l’une de nos recommandations était d’imposer une plus grande responsabilité aux entreprises qui achètent de la ferraille, que ce soit à d’autres revendeurs ou au public, afin d’assurer qu’il y ait une certification — une trace, si vous préférez — vous permettant d’acheter avec l’assurance que rien n’a été obtenu de manière illégale? Que diriez-vous si une telle recommandation était formulée et devenait une obligation?

M. Shine : Je pense qu’il est tout à fait approprié que les recycleurs aient un siège à la table, et j’apprécie l’occasion qui m’est donnée de m’exprimer ce soir et de participer à ce processus. Pour dire vrai, sachez que nous accueillons favorablement ce processus.

Il y a des choses que nous pouvons faire parce que nous sommes la première étape après le vol, après le crime. Nous avons un rôle à jouer, une responsabilité à assumer. Encore une fois, le commerce légitime du recyclage l’accepte et comprend l’impact que cela peut avoir sur nos collectivités, sur les entreprises, sur les services d’urgence, etc. Donc, sachez que nous accueillons cela favorablement.

Ce que nous ne voulons pas faire, cependant, c’est créer un scénario dans lequel nous ne pourrions pas fonctionner en tant qu’entreprise, parce qu’il ne faut pas oublier que nous jouons un rôle important dans le maintien du commerce du recyclage. Tant que nous aurons un siège à la table et que nous pourrons discuter ouvertement et professionnellement de ces critères, tout ira bien. En fait, de tels critères seraient les bienvenus, surtout s’ils devaient s’appliquer de manière uniforme. Ce que nous constatons actuellement, c’est qu’il y a des différences entre les provinces et que cela crée beaucoup de difficultés.

Le sénateur Quinn : Vous avez entendu les autres témoins ce soir. Je présume que vous avez prêté l’oreille.

M. Shine : Oui, c’est ce que j’ai fait.

Le sénateur Quinn : Ils ont parlé du fait qu’au Canada, il faudrait peut-être que le Code criminel mette davantage l’accent non seulement sur les auteurs des vols, mais aussi sur ceux qui doivent être au courant et qui peuvent acheter à ceux qui ont obtenu illégalement ce qu’ils vendent. Il a été question d’imposer le fardeau de la preuve aux propriétaires de parcs à ferraille et de prévoir des peines plus lourdes à leur endroit. Comment réagissez-vous à cela?

M. Shine : Je pense qu’il est tout à fait approprié que les recycleurs aient la responsabilité de s’assurer qu’ils n’achètent pas de biens volés. Pour ce qui est de la meilleure méthode pour en arriver là, il y a aux États-Unis des mesures efficaces qui pourraient servir d’exemples.

Notre industrie dans son ensemble, tant aux États-Unis qu’au Canada, a adopté l’obligation de s’identifier pour signaler les achats — encore une fois, au Canada, les conditions varient selon les provinces et les administrations locales — et elle y adhère sans aucun doute. La semaine dernière, mon conseil d’administration m’a dit que l’Alberta a mis en place le meilleur système. C’est censé être le plus propre et le plus simple. Tout le monde le comprend. Il fonctionne bien. Or, même en Alberta, la transmission des données n’est pas nécessairement bien accueillie. Les forces de l’ordre ne veulent pas avoir à feuilleter les achats pour identifier les mauvais acteurs. Il faut savoir qu’en Alberta, il existe une liste d’interdits d’achat. Une telle liste devrait assurément être communiquée à l’ensemble du secteur du recyclage, et toute personne enfreignant l’interdiction d’acheter de cette liste devrait être passible d’amendes, de pénalités, ou de ce que prévoit la réglementation à cet égard.

Le sénateur Quinn : Madame Annis, avez-vous eu vent d’incidents rapportés par le public qui pouvaient apporter une aide supplémentaire pour surveiller ce qui se passe? Est-ce qu’un membre du public a déjà été mis en danger ou menacé parce qu’il a assisté à une scène? Le public a-t-il des réserves à dénoncer à cause de cela?

Mme Annis : Je vous remercie de votre question. Lorsque les gens appellent Crime Stoppers, ils restent anonymes. Nous n’avons donc jamais ressenti de mauvaises vibrations de la part des personnes qui nous appellent.

Cependant, les gens ne considèrent pas cela comme un crime grave. Ils ne pensent pas à la personne qui risque de perdre un être cher et qui ne peut pas appeler le 911 parce que son téléphone ne fonctionne pas.

Il est très important de faire passer le message au public sur la gravité de ce crime. Je crois que les gens ne le prennent pas autant au sérieux qu’il le devrait.

Le président : Ne dites pas que le président n’est pas bienveillant.

Le sénateur Cuzner : Madame Annis, je reprendrai la dernière question du sénateur Quinn. Je suis certain que vous discutez avec d’autres organismes de Crime Stoppers de la région et de la province. Avez-vous remarqué une augmentation du nombre de tuyaux que vous recevez concernant le vol de métal et de cuivre? Y a-t-il une tendance que vous pouvez déceler quant à la façon dont ces crimes sont commis et qui pourrait peut-être mieux nous informer sur ce qu’il conviendrait de faire en matière de prévention?

Mme Annis : Absolument. En fin de compte, plus le prix du cuivre augmente, plus il y a de vols et plus nous recevons de tuyaux. J’en ai parlé à la GRC, au service de police de Vancouver et au nouveau service de police de Surrey et, encore une fois, ils affirment que le phénomène est très peu signalé, mais la réalité semble indiquer qu’il y a beaucoup de ces vols.

Le signalement à la police ou à Crime Stoppers semble être un problème très important. Cela dit, nous recevons chaque année plusieurs centaines de tuyaux à ce sujet.

Le sénateur Cuzner : Avez-vous constaté une augmentation au cours des dernières années?

Mme Annis : Cela fluctue en fonction du prix du cuivre.

Le sénateur Cuzner : Dans votre exposé, vous avez mentionné le secteur du recyclage et l’avez qualifié de « Far West ». Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet? Monsieur Shine, je vous donnerai l’occasion de vous exprimer à ce sujet, mais pour l’instant, madame Annis, pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous affirmez que ce secteur est comme le Far West?

Mme Annis : Absolument. En Colombie-Britannique, nous constatons qu’un grand nombre de recycleurs acceptent des produits volés. Les convertisseurs catalytiques sont un bon exemple de cela, même si ce n’est pas le sujet de la discussion de ce soir.

Lorsque la ville de Surrey a adopté un règlement forçant les entreprises à n’accepter que les convertisseurs catalytiques gravés, les vols de convertisseurs ont chuté. On nous le répète sans cesse. Je ne pense pas que les revendeurs locaux soient inspectés comme ils le devraient pour s’assurer qu’ils obtiennent des produits « propres » et de bonne qualité.

Le sénateur Cuzner : Monsieur Shine, voulez-vous répondre à cette question?

M. Shine : Bien sûr, je vous remercie de me donner l’occasion de le faire. Il est évident que je travaille dans l’industrie et que je suis issu d’une famille qui travaille depuis longtemps dans ce domaine. Je ne suis pas d’accord avec cette analogie avec le Far West, mais je comprends ce que l’on essaie de faire valoir.

L’industrie du recyclage a beaucoup changé depuis que j’ai commencé dans ce domaine. Tout d’abord, il y a aujourd’hui beaucoup d’argent public dans ce secteur. C’est un sujet qui a fait couler beaucoup d’encre.

L’un des intervenants précédents a parlé des trois grandes entreprises au Canada. L’une est privée et les autres sont cotées en bourse. Les entités publiques font l’objet d’un examen minutieux. En réalité, le professionnalisme s’est accru. Aujourd’hui, de nombreux diplômés universitaires dirigent ces entreprises, et je fais partie de ceux-là. Le monde est tout simplement différent de ce qu’il était.

Nous sommes très réglementés, tant aux États-Unis qu’au Canada. Nous sommes soumis à des inspections concernant l’eau, l’air et le bruit. Nous faisons régulièrement l’objet d’inspections rigoureuses.

En ce qui concerne le vol de convertisseurs catalytiques, il existe des réseaux de personnes mal intentionnées qui envoient des véhicules à des concessionnaires peu scrupuleux. Sauf que dans l’ensemble, ces personnes ne représentent pas l’industrie du recyclage. Ce sont des organisations à la petite semaine. Ce que vous avez dit sur le lien entre le marquage des convertisseurs catalytiques et la réduction des vols est une excellente chose. Nous nous en réjouissons en tant que secteur.

Nous voulons être considérés comme une partie de la solution et comme un rouage important du processus de recyclage visant à réduire le recours à des matériaux neufs et à améliorer l’empreinte carbone.

Le sénateur Cuzner : Pensez-vous que votre organisation joue un rôle important dans la résolution de ce problème?

M. Shine : Oui, je le crois vraiment. L’autre point que je veux souligner rapidement, c’est que je ne veux pas que le Sénat mette des règlements en place alors que le prix du cuivre est élevé, puis les supprime lorsque le prix baissera. Il faut que ce soit constant si vous ne voulez pas vous réveiller un bon matin et constater que le marché a repris du poil de la bête et que l’on s’attend à une recrudescence des vols. Nous devons être cohérents afin que les recycleurs puissent se familiariser avec les règles et les appliquer, quelles que soient les conditions du marché.

Il ne fait aucun doute que c’est une bonne idée. Lorsque le marché est en hausse, il est étonnant de voir avec quelle facilité les voleurs s’adaptent. En réalité, je ne veux pas que cette mesure soit temporaire, qu’elle soit mise en place alors que les prix sont élevés et qu’elle soit supprimée lorsqu’ils seront bas. La constance devrait être de mise afin que nous puissions tous nous familiariser avec les règles.

La sénatrice Dasko : Je remercie les témoins. Ma première question s’adresse à M. Johnson. Vous avez décrit la situation concernant les postes électriques et la sécurité ou le manque de sécurité à leur égard. Vous demandez que l’on modifie le Code criminel pour remédier à ce problème.

Ma question porte sur la prévention dans les postes électriques. Vous avez décrit un incident et ce qu’il est advenu de l’auteur, etc. Comme ce sont des endroits dangereux, je présume que les postes électriques disposent d’un mécanisme de sécurité intégré.

Pourquoi la prévention n’est-elle pas la solution omnipotente — ou presque — lorsqu’il s’agit de protéger les postes électriques? Pourquoi n’y a-t-il pas plus de sécurité dans les postes électriques ou d’autres endroits de ce type?

Pourquoi les postes électriques ne sont-ils pas des endroits où les criminels ne songeraient jamais à s’aventurer?

M. Johnson : Je vous remercie. C’est là une très bonne question.

L’Amérique du Nord compte plus de 55 000 sous-stations de plus de 100 kV. Je ne sais pas quel est le chiffre au Canada, mais il y a plusieurs milliers de sous-stations. Le problème est que de nombreuses sous-stations sont éloignées et qu’elles sont presque toutes dénuées de personnel.

En cas d’intrusion dans une sous-station, nous devons être en mesure de détecter le voleur potentiel, et de le retarder jusqu’à l’arrivée des forces de l’ordre.

J’ai effectué une grande partie de ma carrière en Alberta, et je me suis occupé du gouvernement provincial et de la législation relative à l’industrie du recyclage. L’un des grands problèmes que nous avons rencontrés en Alberta est qu’un grand nombre de sous-stations sont éloignées. Même en cas de détection d’une intrusion, il faut en moyenne une heure et demie aux forces de l’ordre pour arriver sur les lieux.

Le problème, c’est que dans ce genre de cas, on ne peut pas retarder un intrus pendant une heure et demie. C’est pourquoi nous avons mis en place différentes approches. Tout d’abord, nous mettons sur pied diverses mesures de sécurité. Les meilleures mesures de sécurité sont mises en place pour les postes considérés essentiels, ainsi que les postes de 500 kV à risque de subir des pannes massives et généralisées en cas d’attaque. Les sous-stations plus petites et à plus basse tension devront se contenter de mesures de sécurité réduites.

Le problème, également, est que notre infrastructure a été construite pour un monde qui n’existe plus. La société a connu d’énormes changements, des menaces et des problèmes que nous n’avions pas il y a 20 ou 30 ans. Beaucoup de nos équipements sont en place depuis des décennies, et ont donc fini par devenir quelque peu obsolètes.

Pour assurer la protection de ces stations, nous devons prendre un certain nombre de mesures. Par exemple, Nova Scotia Power a mis en place différentes spécifications techniques pour l’utilisation de matériaux alternatifs au cuivre au sein des sous‑stations. Ainsi, toutes les nouvelles sous-stations construites par Nova Scotia Power n’utiliseront pas de cuivre accessible. Il n’y aura pas de cuivre en surface accessible à quiconque. C’est formidable, et c’est exactement ce que nous devons faire.

Le problème, cependant, ce sont les anciens sites. Pour qu’un vol ait lieu, nous devons nous intéresser à trois volets principaux : un motif, une opportunité, ainsi qu’un processus de rationalisation de la part des coupables.

Le motif me paraît assez évident : les voleurs cherchent à faire de l’argent facile.

L’opportunité réside dans le fait que les sous-stations se trouvent en général dans des régions éloignées, qu’il n’y a pas de personnel pour les surveiller, et que le temps nécessaire aux forces de l’ordre pour s’y rendre est bien plus long que le temps nécessaire pour y entrer, commettre un vol, et s’enfuir.

Le troisième volet est le processus de rationalisation, qui consiste pour un malfaiteur potentiel à conclure que tout le monde s’en moque, que nos lois sont particulièrement laxistes, et qu’elles ne sont que rarement appliquées de toute façon. Voilà donc des faiblesses majeures auxquelles nous devons nous attaquer.

En tant que professionnel de la sécurité, j’ai le pouvoir d’agir sur le volet « opportunité ». Nous pouvons en effet retirer le cuivre des sous-stations et faire toutes sortes de choses, mais c’est sur le volet de la rationalisation que nous devons également faire pression, et c’est là que les auteurs pensent qu’il s’agit d’un crime sans victime, que tout le monde s’en fiche, et que rien ne leur arrivera de toute manière.

La sénatrice Dasko : Dans ces sous-stations, êtes-vous en train de dire qu’il n’y a pas vraiment de raison d’améliorer la sécurité des stations, même avec des bruits forts ou quoi que ce soit d’autre, ou des caméras bien visibles, même si les forces de l’ordre se trouvent à une heure de route? Si les voleurs sont conscients que chaque station est équipée de caméras de surveillance, je pense qu’il peut s’agir d’une bonne méthode de dissuasion.

M. Johnson : Nous avons déjà mis en place ce genre de mesures de sécurité, mais je rappelle que notre budget est limité.

En ce moment, la plus grande partie du financement liée à la sécurité va aux plus grandes sous-stations, celles qui traitent l’énergie au niveau de la transmission. Par contraste, les petites sous-stations se voient allouer moins de moyens financiers.

S’il y a une zone qui est constamment frappée de plein fouet, nous renforcerons la sécurité dans ces sites particuliers. Dans de nombreux cas, nous traitons les problèmes directement à la source. Mais il serait inabordable d’essayer de renforcer la sécurité de tous les sites dans la mesure nécessaire et, en fin de compte, cela ne fonctionnerait pas en raison des délais pour une intervention des forces de l’ordre.

La sénatrice Dasko : Hier, nous avons reçu un représentant d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada, qui nous a décrit une campagne de sensibilisation de la population menée sur ce même sujet.

Monsieur Shine, je crois savoir que vous êtes aux États-Unis, donc vous n’avez peut-être pas eu accès à une telle campagne de sensibilisation, mais est-ce que quelqu’un est au courant? Avez‑vous été témoin de cette campagne? En avez-vous observé certains éléments? Vous en souvenez-vous?

M. Johnson : Non, cette campagne de sensibilisation ne me dit vraiment rien.

La sénatrice Dasko : Très bien, je comprends.

Madame Annis, vous souvenez-vous d’une telle campagne de sensibilisation, ou de quoi que ce soit à ce sujet?

Mme Annis : Cela ne me dit rien, non.

La sénatrice Dasko : Je vous remercie.

La sénatrice Clement : Je vous remercie pour votre présence.

La sensibilisation de la population canadienne constitue un enjeu réel. Pour en revenir à votre remarque, monsieur Johnson, si personne n’est au courant de l’existence de ce type de lois, alors personne ne s’en soucie.

J’aimerais revenir sur le Code criminel. Je siège avec la sénatrice Simons au sein du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Lorsque des modifications sont apportées au Code criminel, elles sont soumises à ce comité. Nous avons modifié le Code criminel au coup par coup, par petites touches ici et là, et je dois vous dire que le Code criminel n’a pas été revu depuis 50 ans. À l’heure actuelle, c’est une sorte de grand désordre. Je suis un peu sensible à l’idée qu’il faille à nouveau modifier le Code criminel alors que le vol y est déjà couvert. J’aimerais bien vous entendre sur le sujet.

Il a été question de règlements municipaux avec le groupe de témoins précédent. Le renforcement de la réglementation municipale représente-t-il la meilleure solution, ou doit-on envisager un processus plus général?

Les arrêtés municipaux compliquent la commercialisation de ce type de produits, qui ne peuvent pas être payés en espèces, et doivent donc faire l’objet de mesures de traçabilité, et ainsi de suite.

J’invite tous nos invités à commenter le sujet.

M. Johnson : D’après mon expérience, Calgary disposait d’un très bon règlement municipal et c’est dans une large mesure, je crois, la façon dont nous avons modelé les lois pour la province de l’Alberta.

Le problème, cependant, est que l’on ne fait que repousser le problème au prochain ordre de gouvernement. Si vous avez des lois municipales très strictes dans une communauté, les voleurs prendront le cuivre et iront dans la communauté suivante qui n’a pas ces lois, et c’est un peu comme un jeu de bonneteau avec eux.

En ce qui concerne le Code criminel, je comprends vos préoccupations. Mais ce n’est pas vraiment la loi sur le vol qui me préoccupe. La loi parle de 5 000 $ de cuivre. Il faut aller loin pour obtenir un fil de cuivre d’une valeur de 5 000 $. Là n’est pas le problème. Le problème, ce sont les dégâts considérables causés à la sous-station, à la clôture et à l’équipement à haute tension. Cela peut coûter plusieurs milliers de dollars. D’après ce que j’ai compris, ces dommages ne sont pas couverts par la loi sur le vol.

Je crois que cela est couvert par la loi sur les méfaits, mais dans le cadre de la loi sur les méfaits, vous pouvez faire intervenir tous ces autres éléments. En Alberta, les procureurs de la Couronne nous appellent pour nous dire qu’ils souhaitent connaître tous les coûts, et pas seulement le coût du cuivre. En gros, s’il s’agit d’un seuil minimal de 5 000 $, les procureurs tiennent à être au courant.

Le problème, pour être honnête avec vous, c’est que vous tombez alors sous le coup de la loi sur les méfaits, et les méfaits sont un terme qui, franchement, rappelle le film Denis la petite peste. En raison de son nom, personne ne prend cette loi au sérieux.

Lorsque j’ai entendu cela pour la première fois, j’étais en train de discuter avec un agent de la GRC et je lui ai demandé : « Qu’allez-vous faire dans un cas semblable? ».

L’agent de la GRC m’a alors répondu que le voleur allait être accusé de méfait.

Je lui ai alors répondu que le nom de cette loi me faisait penser à la comédie Denis la petite peste.

L’agent s’est alors mis en colère contre moi, ce qui m’a incité à entreprendre des recherches sur la législation entourant les méfaits. J’ai alors réalisé que ces lois sont en réalité plutôt sévères, et que des peines d’emprisonnement à perpétuité sont prévues dans certains cas.

Bref, il s’agit d’une loi très sérieuse, mais le problème réside dans le nom désuet qu’elle porte. Les gens ne prennent tout simplement pas ce genre de lois au sérieux.

La sénatrice Clement : Je vous remercie.

Quelqu’un d’autre souhaite-t-il réagir?

Mme Annis : Je voudrais ajouter que je suis d’accord à 100 % avec ce que vous venez de dire. Nous avons adopté des règlements ici à Surrey, encore une fois, concernant les convertisseurs catalytiques. Cela a certainement réduit la vente illégale de convertisseurs catalytiques à Surrey, mais cela a eu pour effet d’étendre le phénomène aux municipalités voisines.

Je pense qu’il s’agit d’un enjeu que nous devons évaluer pour l’ensemble des municipalités, et peut-être élaborer une sorte de projet de loi à portée provinciale.

La sénatrice Clement : Je vous remercie.

M. Shine : Je suis d’accord avec les remarques qui ont été faites jusqu’à présent. Il est très difficile pour nous de prévenir les intrusions, car les voleurs tendent à commettre leurs méfaits là où les lois sont les plus laxistes; c’est logique. Ensuite, dans certains cas, nous gérons plusieurs chantiers dans plusieurs provinces ou municipalités, ce qui crée des divergences en matière de formation du personnel, de procédures et de protocoles en place.

Ce serait beaucoup plus facile si c’était uniforme, ce qui, je le comprends, peut être une grande demande. S’il était uniforme ou, du moins, si les critères requis pour l’achat, la déclaration, et ainsi de suite, étaient relativement les mêmes, il serait alors plus facile de communiquer et de comprendre.

La sénatrice Miville-Dechêne : Je voudrais adresser ma question à M. Shine, parce que je veux que vous clarifiiez votre rôle.

Vous avez dit que vous étiez basé aux États-Unis, mais je vous vois ici en tant que porte-parole de l’Association canadienne des industries du recyclage. Est-ce bien le cas?

M. Shine : Oui, c’est effectivement le cas.

La sénatrice Miville-Dechêne : Vous avez dit que cette association comptait environ 200 entreprises. J’aimerais savoir dans quelle mesure cette association est représentative de l’ensemble.

Avec le dernier groupe de témoins, on nous a dit qu’il y avait des milliers de parcs à ferraille. N’en représentez-vous qu’une infime partie et quelle est la différence entre une entreprise de recyclage et un parc à ferraille?

M. Shine : Tout d’abord, oui, je suis basé aux États-Unis et je préside le conseil d’administration de cette association professionnelle canadienne. Ce n’est pas sans précédent. D’autres représentants américains ont déjà présidé le conseil d’administration, je ne suis donc pas le premier.

La sénatrice Miville-Dechêne : Je tenais simplement à clarifier les choses, car cela me semblait contradictoire, mais ce n’est peut-être pas le cas.

M. Shine : Je comprends tout à fait. Le nom de ma société, Manitoba Corporation, n’est pas dû au fait que nous avons des actifs physiques dans le Manitoba. Nous sommes situés dans la rue Manitoba, dans la ville de Buffalo; c’est d’ailleurs de là que nous tenons notre nom. Mais comme nous faisons beaucoup d’affaires au Canada, ils pensent que notre siège social est situé au Manitoba.

Quoi qu’il en soit, en ce qui concerne la question des 200 membres par rapport aux milliers de recycleurs, je n’ai pas vu de statistiques sur le nombre de recycleurs; c’est peut-être le cas. Toutes les entreprises ne choisissent pas de devenir membres d’une association professionnelle. Certaines le font et d’autres non, soit parce qu’elles sont trop petites — des entreprises familiales, ou avec une poignée d’employés seulement —, soit parce qu’elles ne veulent tout simplement pas payer de cotisations à une association professionnelle nationale. Ce type d’entreprises laisse les autres faire le travail, à la fois par l’intermédiaire de l’association professionnelle et en payant pour elle. Ils ne veulent pas payer de cotisations ni se rendre à une réunion nationale. Il ne fait donc aucun doute que nous sommes loin de posséder un monopole sur ce marché.

Je dirais cependant que les plus de 200 membres représentent une grande partie de l’industrie. Il s’agit probablement de quelque chose comme 70 %. C’est une supposition; je n’en suis pas certain. Mais je dirais que les 200 entreprises membres couvrent probablement 70 % du recyclage des métaux. Toute personne sérieuse et professionnelle comprend le rôle d’une association commerciale, et l’importance de collaborer avec le gouvernement pour assurer la viabilité de notre secteur économique.

En ce qui concerne votre dernière question sur les déchets par rapport aux produits recyclables, il s’agit d’une transition que nous vivons en tant qu’industrie. Auparavant, il s’agissait de l’industrie de la ferraille. Puis nous sommes passés à l’industrie de la ferraille. Aujourd’hui, nous sommes en train de devenir l’industrie du recyclage. Il s’agit en fait d’une reconnaissance du rôle important que nous jouons dans le recyclage de matériaux nécessaires à la fabrication de différents produits. En effet, sans les matières recyclables, les nouveaux produits, les hôpitaux et les écoles ne pourraient pas être construits, car les matières recyclables alimentent toutes ces activités, y compris le secteur des télécommunications. Nous jouons donc un rôle dans la facilitation de la fabrication des biens. Nous essayons donc de sensibiliser la population à l’importance insoupçonnée des déchets, de la ferraille, et des matières recyclables. Il s’agit donc d’un secteur en pleine transformation.

La sénatrice Miville-Dechêne : Puisque vous êtes à la tête de cette association, avez-vous vu parmi vos membres des méthodes pour contrôler qui achète ou pour obtenir l’identité des vendeurs? Avez-vous des exemples de méthodes ayant prouvé leur efficacité?

M. Shine : Aux États-Unis, que je connais mieux parce qu’ils sont plus grands, j’ai dirigé une association commerciale qui représente 1 700 entreprises membres, comme je l’ai mentionné dans mes remarques.

La sénatrice Miville-Dechêne : Donc vous dirigez deux associations commerciales distinctes?

M. Shine : De 2018 à 2020, j’ai été président de ReMA, l’Association des matériaux recyclés. J’ai également un emploi de jour. Je connais donc mieux l’approche américaine, mais les États-Unis, la ReMA et l’ICRA travaillent en étroite collaboration. Nous nous aidons mutuellement parce que le Canada est en avance dans certains domaines, comme les réglementations environnementales et autres, et que les États‑Unis sont en avance dans certains domaines, comme le vol de matériaux.

J’ai réuni le conseil d’administration la semaine dernière et je lui ai dit que j’allais faire cette présentation et que j’aurais l’occasion d’interagir avec vous. J’ai donc dressé un tableau des lois auxquelles ils sont soumis, car nous représentons toutes les provinces au sein de notre conseil d’administration, et c’était un véritable patchwork. Cela va de très peu de choses, à la présentation d’une pièce d’identité, au téléchargement des données relatives aux achats quotidiens, à la limitation de l’argent liquide qui peut être versé, toutes sortes de règles différentes, province par province, ou même dans certains cas par municipalité. Il s’agit donc d’une mosaïque qui nécessite du travail pour que nous puissions la mettre en œuvre de manière efficace.

Pour reprendre les propos de l’intervenant précédent, il ne faut pas se contenter de déplacer le problème. Si quelqu’un a une réglementation stricte, cela ne fait que déplacer le voleur vers la municipalité ou la province suivante. Idéalement, on ne veut pas de ce scénario, parce qu’on veut que la réglementation soit uniforme. Cela donne aux recycleurs une chance de se battre.

Les recycleurs légitimes respectent la loi. Les recycleurs illégitimes, et je ne peux pas prétendre qu’il n’y en a pas... J’aimerais qu’ils ne le soient pas parce qu’ils nous donnent à tous une mauvaise réputation. Mais, en tout état de cause, une loi à portée provinciale nous faciliterait énormément la tâche.

Le président : Chers collègues, cela nous amène à 20 h 45, c’est-à-dire à la fin du deuxième groupe de témoins. Je tiens à remercier nos intervenants d’être présents et de partager leurs expériences et leurs opinions. Cela nous a été fort utile. Chers collègues, voilà qui conclut la séance d’aujourd’hui.

(La séance est levée.)

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