LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES TRANSPORTS ET DES COMMUNICATIONS
TÉMOIGNAGES
Introduction OTTAWA, le mardi 6 février 2024
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd’hui, à 9 h 2 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier l’incidence des changements climatiques sur les infrastructures essentielles dans les secteurs des transports et des communications et leurs interdépendances.
Le sénateur Leo Housakos (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour, honorables sénateurs, et bienvenue à la séance d’aujourd’hui. Je suis Leo Housakos, sénateur du Québec et président du comité. J’invite mes collègues à se présenter brièvement.
La sénatrice Simons : La sénatrice Paula Simons, de l’Alberta, territoire du Traité no 6.
Le sénateur Richards : Le sénateur Dave Richards, du Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Quinn : Le sénateur Quinn, du Nouveau-Brunswick.
[Français]
La sénatrice Clement : Bernadette Clement, de l’Ontario.
[Traduction]
Le sénateur Cardozo : Le sénateur Cardozo, de l’Ontario.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Julie Miville-Dechêne, du Québec.
[Traduction]
Le président : Aujourd’hui, nous poursuivons notre étude sur l’incidence des changements climatiques sur les infrastructures essentielles dans le secteur des transports et notre étude sur les infrastructures dans la région de Vancouver. Nous avons le plaisir d’accueillir notre premier groupe de témoins, qui comparaissent par vidéoconférence : M. Dale Muir, ingénieur principal hydrotechnique, et M. Derek Ray, géomorphologue principal, tous deux de Northwest Hydraulic Consultants, ainsi que le professeur Xuebin Zhang, directeur du Pacific Climate Impacts Consortium.
Nous allons commencer par les déclarations préliminaires de nos témoins. Nous donnerons d’abord la parole à MM. Muir et Ray, qui seront suivis de M. Zhang. Nous passerons ensuite aux questions des sénateurs.
Monsieur Ray, vous avez la parole, et je rappelle à nos témoins qu’ils disposent de cinq minutes pour faire leur déclaration préliminaire. Nous passerons ensuite à la période de questions.
Derek Ray, géomorphologue principal, Northwest Hydraulic Consultants : Merci beaucoup, honorables membres du comité, de m’avoir invité à prendre la parole sur le sujet à l’étude.
Northwest Hydraulic Consultants Ltd. est une firme spécialisée qui pratique l’ingénierie et les géosciences dans les processus côtiers et fluviaux, y compris l’évaluation des dangers et des solutions d’adaptation relativement aux inondations côtières et fluviales. Au cours des 27 dernières années, ma pratique professionnelle a comporté de nombreuses évaluations de rivières et d’inondations côtières et de processus d’érosion, ainsi que des travaux visant à offrir des solutions aux collectivités pour qu’elles s’adaptent aux changements climatiques.
Mon collègue, Dale Muir, qui est également le principal propriétaire de la firme, m’accompagne ce matin. M. Muir est un ingénieur principal qui se spécialise dans l’évaluation des risques d’inondation et des dangers connexes, ainsi que dans l’élaboration d’options d’atténuation visant à améliorer la résilience des collectivités face aux dangers liés aux inondations.
Nous nous adressons à vous en tant que praticiens qui travaillent au sein d’une équipe de professionnels qui sont régulièrement chargés de quantifier les risques et d’élaborer des mesures d’atténuation des répercussions des changements climatiques pour divers clients privés et gouvernementaux. Comme on nous donne l’occasion de prendre la parole sur ce sujet, nous voulions, en tant que groupe, mettre en lumière trois domaines où, selon nous, il faut faire mieux : premièrement, la science des changements climatiques et l’atténuation des dangers; deuxièmement, les critères d’orientation de l’évaluation des dangers et de l’atténuation des risques pour les infrastructures essentielles; et, troisièmement, l’amélioration des mécanismes institutionnels pour coordonner nos efforts collectifs.
Avant de les décrire plus en détail, je voudrais décrire brièvement le problème d’une façon qui rendra plus évidente l’importance de ces trois domaines.
Le port de Vancouver et l’aéroport international de Vancouver, aussi appelé YVR, sont considérés comme des plaques tournantes importantes de l’infrastructure globale des transports et des communications dans la région de Vancouver. Ces deux entités, qui sont situées au bord du bas Fraser, dans le détroit de Georgia, sont vulnérables aux dangers liés aux inondations causées par les changements climatiques, et elles prévoient des mesures en vue de s’adapter aux conditions futures. Ces deux entités font partie d’un système interconnecté d’infrastructures dans une région qui est exploité et entretenu par diverses administrations, dont celles allant de l’administration locale au gouvernement fédéral, des sociétés d’État et des entreprises privées. Ainsi, de nombreux aspects de l’atténuation des changements climatiques échappent à la responsabilité et au contrôle des administrations portuaires et aéroportuaires.
L’importance de ces plaques tournantes s’étend au-delà de la localité et touche de nombreuses régions de la Colombie-Britannique et du reste du Canada. Il est entendu que de nombreux éléments de l’infrastructure des transports et des communications sont vulnérables aux dangers naturels qui pourraient perturber la chaîne d’approvisionnement et avoir d’autres conséquences négatives pour la population de la région. Le phénomène fluvial atmosphérique qui a touché la Colombie-Britannique il y a deux ans, en novembre 2021, est un exemple récent. Des gens ont perdu la vie, le secteur agricole a été gravement bouleversé, et l’approvisionnement en biens, en aliments et en énergie a été perturbé pendant des mois jusqu’à ce que les routes principales et les voies ferrées puissent être réparées. Cet événement a non seulement été un signal d’alarme pour la communauté scientifique — il nous a rappelé à tous que nous devons continuer à travailler pour mieux comprendre comment les conditions pourraient être plus défavorables dans l’avenir —; il a aussi mis en évidence les vulnérabilités de notre réseau de transport interconnecté, qui peuvent également avoir une incidence sur les activités portuaires.
Cela m’amène aux trois domaines qui, selon nous, méritent notre attention afin que l’on puisse mieux informer les gens et atténuer les risques d’inondation pour les infrastructures essentielles dans le contexte des changements climatiques.
Le premier est le soutien accru de la science, et, en ce qui concerne ce sujet, il s’agit de la science liée aux inondations et aux changements climatiques. Les spécialistes, les décideurs et les gestionnaires immobiliers fondent nécessairement leurs hypothèses sous-jacentes sur la science du changement climatique. Plus particulièrement, lorsque nous sommes chargés de trouver des solutions aux risques croissants qui se concrétiseront dans l’avenir, nous devons tenir compte de l’élévation du niveau de la mer, de l’intensification des tempêtes et de l’aggravation des inondations. Ce faisant, nous nous appuyons principalement sur la science pour prédire la gravité et l’ampleur de ces situations. Même s’il y aura toujours de l’incertitude en science, nous devrions continuer de comprendre notre climat changeant au meilleur de nos capacités afin de réduire l’incertitude et de mieux définir les conditions auxquelles nous devrions nous attendre dans l’avenir.
On ne saurait sous-estimer l’importance de la surveillance de base au moyen de stations météorologiques, de bouées de mesure des vagues, de fluviomètres et de marégraphes qui permettent de surveiller notre environnement et fournissent les données nécessaires pour éclairer les décisions techniques et stratégiques à tous les échelons du gouvernement. Une meilleure surveillance hydroclimatique et une réduction de l’échelle des projections des changements climatiques mondiaux permettent de mieux prévoir les conditions futures et de jeter les bases de l’adaptation pour atténuer les risques d’inondation. Les limites des données et des connaissances scientifiques accessibles sont critiques pour la région métropolitaine de Vancouver, mais elles sont encore plus prévalentes dans les collectivités éloignées et dans celles des Premières Nations. Manifestement, nous devons continuer de financer la surveillance environnementale et d’en accroître le financement.
Le deuxième domaine dans lequel le travail doit se poursuivre est celui des politiques publiques et des conseils offerts aux administrations locales et aux organismes de réglementation locaux. À l’heure actuelle, au Canada, le fait de fonder la protection contre les inondations sur un événement dont la probabilité de récurrence est aux 200 ans, ou même aux 100 ans, est une pratique d’ingénierie acceptée. Cela signifie qu’il y a une probabilité d’occurrence de 0,5 % ou de 1 % au cours d’une année donnée, mais, au cours de la durée d’un projet — disons, 100 ans dans le cas des infrastructures essentielles —, on obtient une probabilité d’occurrence de 40 % à 60 %.
Ces probabilités pourraient être acceptables pour la résidence d’une personne, mais les infrastructures essentielles, comme les aéroports, les ports et les réseaux de transport et de communication connexes, peuvent mériter un niveau de conception plus élevé, malgré l’augmentation possible des coûts initiaux. Il faut se demander si nous préparons suffisamment nos réseaux de transport et d’infrastructure de manière à ce qu’ils soient résilients dans l’avenir et si nous adoptons un horizon suffisamment lointain lorsque nous planifions les infrastructures essentielles. Cela signifie qu’il faut revoir nos pratiques, nos codes et nos lignes directrices, plus particulièrement en ce qui concerne les infrastructures essentielles.
Le troisième domaine dans lequel nous aimerions voir davantage de travail est celui de la coordination des efforts entre les diverses entités chargées de la planification en vue des changements climatiques futurs. Nous croyons que les vulnérabilités importantes de nos systèmes perdureront jusqu’à ce que nous trouvions une façon d’appliquer une approche uniforme à la planification, à la conception et à la protection des infrastructures dans plusieurs administrations. L’exploitation continue du port de Vancouver et de l’aéroport international de Vancouver ainsi que leur résilience face aux inondations dépendent de la conception, de l’exploitation, de l’entretien et de la surveillance des infrastructures sous l’autorité et le contrôle de divers ordres de gouvernement. Il faut acquérir une compréhension scientifique adéquate et suffisante, établir des critères de conception, obtenir du financement, planifier l’adaptation à long terme et assurer la coordination entre les diverses entités pour éviter les vulnérabilités associées à la protection et à l’exploitation continue de ces installations. Ces mesures pourraient mener au renforcement des installations actuelles et de l’accès à ces installations ou à la planification d’une réinstallation future compte tenu de l’élévation du niveau de la mer.
Merci beaucoup de votre temps et de votre intérêt pour ce sujet.
Le président : Merci, monsieur Ray.
Je cède maintenant la parole à M. Zhang.
Xuebin Zhang, directeur, Pacific Climate Impacts Consortium : Bonjour. Je m’appelle Xuebin Zhang et je suis directeur du Pacific Climate Impacts Consortium, à l’Université de Victoria.
Je voudrais vous parler un peu de mes antécédents qui sont pertinents pour le présent groupe de témoins. J’étudie les changements climatiques au Canada et dans le monde depuis plus de 28 ans. Plus récemment, j’ai participé à des évaluations nationales et internationales des changements climatiques. J’ai notamment dirigé l’évaluation des changements climatiques au Canada qui a été publiée en 2019. J’ai dirigé l’évaluation des changements de la température des précipitations. J’ai également participé activement au sixième rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. J’ai été l’un des principaux auteurs du chapitre intitulé « Weather and Climate Extreme Events in a Changing Climate », ce qui signifie en français « la météo et les phénomènes climatiques extrêmes dans un climat changeant ». Mon expérience et l’évaluation m’ont amené à vous donner les renseignements suivants.
Les récents changements liés au climat, notamment le réchauffement et l’élévation du niveau de la mer, sont généralisés et rapides et s’intensifient, ce qui est sans précédent depuis des milliers d’années. Le Canada se réchauffe environ deux fois plus vite que la moyenne mondiale, et le taux de réchauffement dans le Nord est deux fois plus élevé que celui de la planète. Les activités humaines, en particulier les émissions de gaz à effet de serre, entraînent des changements climatiques et accroissent la fréquence et la gravité des phénomènes climatiques extrêmes, notamment les vagues de chaleur, les pluies fortes et les sécheresses. On prévoit des changements dans tous les aspects du système climatique.
Il y a deux aspects particuliers qui sont très pertinents pour nos infrastructures dans la région de Vancouver. Le premier, ce sont les précipitations extrêmes. Ce que nous savons, c’est qu’elles vont augmenter — leur augmentation a été prévue — d’environ 7 % par augmentation de un degré de la température dans notre région.
L’augmentation du niveau de la mer est une deuxième chose notable. Le niveau de la mer devrait augmenter de plus de un mètre d’ici la fin du siècle dans notre région. Cette combinaison d’élévation du niveau de la mer et d’augmentation des précipitations extrêmes provoquera des inondations plus graves.
La confiance à l’égard de cette projection est très élevée. Merci.
Le président : Merci, monsieur Zhang. Nous allons maintenant passer à la période de questions, en commençant par la vice-présidente, la sénatrice Miville-Dechêne.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Cette question s’adresse à M. Dale Muir. Je vais vérifier que vous avez bien accès à la traduction. Parfait.
On a lu sur votre site que votre firme a procédé à une évaluation de l’élévation du niveau de la mer et des risques d’inondation du port de Vancouver. Vous avez modélisé quatre scénarios représentant une combinaison d’élévations du niveau de la mer et de périodes de retour des zones de tempête. Parmi ces quatre scénarios, lequel est le plus probable?
En termes simples, que risque-t-il de se passer et quelles infrastructures du port doivent être prioritairement ciblées pour mieux faire face à ces changements climatiques? En d’autres mots, c’est une chose de dire que ça va aller mal, mais que faudrait-il solidifier?
[Traduction]
Dale Muir, ingénieur principal hydrotechnique, Northwest Hydraulic Consultants : Je vous remercie de votre question. L’infrastructure du port de Vancouver se trouve, évidemment, au bord du Bas-Fraser et de la mer, dans le Lower Mainland, alors elle est exposée à un certain nombre de dangers. Comme l’a dit M. Zhang, il y a l’élévation croissante du niveau de la mer, qui présente un danger, ainsi que l’augmentation des précipitations. L’autre danger qui n’a pas été mentionné, c’est l’augmentation du débit du fleuve Fraser. Ces trois facteurs influencent cette infrastructure ou pourraient avoir des effets sur elle.
Comme on l’a mentionné, le niveau de la mer pourrait augmenter de un mètre d’ici la fin du siècle. De surcroît, des projections antérieures donnaient à penser que les précipitations pourraient augmenter de 40 % — même de 75 % — d’ici la fin de la même période. Nous combinons ces projections avec le fleuve Fraser, où les événements extrêmes sont également censés augmenter de l’ordre de… je veux dire que les débits des crues printanières pourraient connaître des augmentations de 0 à 10 % au cours de la même période. Les crues printanières se produisent habituellement au printemps, tandis que les crues hivernales, qui se produisent à l’automne et en hiver lorsque les précipitations sont les plus élevées, pourraient augmenter dans une proportion allant jusqu’à 75 % de celles qui se produisaient auparavant.
Si on combine tous ces événements en même temps, on pourrait obtenir une augmentation du débit du fleuve Fraser en hiver, une augmentation des précipitations en hiver ainsi qu’une élévation du niveau de la mer. Généralement, les marées les plus hautes ont aussi lieu en hiver. Ces trois événements pourraient avoir des répercussions sur les ports situés au bord du bas Fraser, dans l’estuaire et à l’embouchure du Fraser. Ces régions ont les niveaux d’eau les plus élevés, mais sont aussi celles où il est le plus difficile de gérer les eaux de ruissellement. C’est parce que, habituellement, ces eaux se déversent grâce à la gravité dans le fleuve Fraser ou dans la mer. Si le niveau du fleuve et de la mer a augmenté lui aussi, il est d’autant plus difficile de gérer les eaux de ruissellement.
Par conséquent, ce qu’il faut, c’est une infrastructure supplémentaire, soit pour stocker ce débit lorsque le niveau de l’eau est plus bas — comme à marée basse —, soit pour accroître les capacités de pompage.
L’un des problèmes que M. Ray a mentionnés concerne la coordination entre les différentes entités. Si on regarde le port, ce ne sont pas seulement ses responsables qui doivent s’en occuper; il y a aussi les détenteurs de concessions qui contrôlent souvent ces installations. Alors, ils doivent également gérer ces ports dans ces conditions futures projetées, de même que toute autre infrastructure permettant d’accéder à ces installations, comme les chemins de fer et les autoroutes, et être orientés quant à leur gestion.
L’étude que nous avons effectuée portait principalement sur ces différents événements, mais concernait strictement le port et non pas les infrastructures supplémentaires qui permettent d’accéder à ces installations et de s’assurer qu’elles sont opérationnelles. Les principaux problèmes étaient principalement liés à l’augmentation des niveaux de l’eau et à celle des eaux de ruissellement dans l’avenir.
La sénatrice Miville-Dechêne : Si nous nous en tenons au port — et je ne sais pas qui, entre M. Ray et vous, est le mieux placé pour répondre —, que va-t-il se passer? Envisagez-vous une inondation complète de toutes les infrastructures? Si c’est le cas, que faudrait-il faire concrètement dès maintenant?
M. Muir : Les infrastructures ne seraient pas nécessairement toutes inondées. Ce seraient les parties les plus basses de l’infrastructure qui seraient touchées. Ce qu’il faut faire dès maintenant, c’est examiner ces événements futurs et les endroits où les inondations se produiront et s’y attaquer. Il pourrait s’agir de soulever les endroits pour les protéger contre les inondations ou d’élever les infrastructures essentielles, que ce soient l’appareillage de commutation électrique principal ou d’autres appareils électroniques — les faire soulever —, et de planifier l’avenir de manière à ce que, si ces ports font l’objet d’autres aménagements ou d’autres travaux dans l’avenir, ceux-ci soient conçus en fonction du niveau de crue futur projeté.
La sénatrice Miville-Dechêne : Pour bien comprendre, si vous prenez l’ensemble du port de Vancouver, quel pourcentage est menacé par cette inondation, celle qui touchera les basses-terres? De quelle partie du port est-il question, et s’agit-il de sa partie principale ou non? Nous n’avons pas de carte sous les yeux, alors aidez-nous.
M. Muir : Je n’ai pas cette information à disposition, mais je pourrais vérifier et vous faire parvenir le pourcentage. Le port en soi… il y a un certain nombre d’installations au bord du fleuve Fraser.
La sénatrice Miville-Dechêne : Ce serait bien si vous pouviez nous envoyer une petite carte avec cette information.
M. Muir : Bien sûr. Je peux le faire.
La sénatrice Miville-Dechêne : Merci.
La sénatrice Simons : Eh bien, c’est profondément déprimant. Merci à tous nos témoins d’être des nôtres à 6 heures, heure de la Colombie-Britannique.
Je voulais revenir sur les questions posées par ma collègue, la sénatrice Miville-Dechêne, et diriger maintenant notre attention sur l’aéroport de Vancouver. Je me demande, monsieur Ray ou monsieur Muir, si vous pouvez nous fournir une évaluation semblable des vulnérabilités de cet aéroport, du risque élevé qu’elles présentent et des mesures visant l’infrastructure qui doivent être prises dans l’immédiat et à moyen terme pour que nous ne perdions pas cette propriété aéroportuaire.
M. Muir : Merci de poser la question. Je n’ai pas travaillé directement pour YVR ou l’aéroport, alors je ne connais pas les détails exacts de ses installations. D’après la recherche en ligne, il semble que la majeure partie de l’aéroport soit conçue en fonction d’un événement dont la probabilité de récurrence est aux 200 ans. Cette situation va changer avec l’élévation du niveau de la mer. Je crois que certaines digues se trouvent, compte tenu de l’élévation actuelle, à environ 3,5 mètres au‑dessus du niveau moyen de la mer.
La ville de Richmond est responsable de certaines des digues, et d’autres sont du ressort de YVR — l’administration aéroportuaire —, alors les deux doivent travailler de concert pour élever et renforcer leurs digues au niveau supérieur.
De plus, comme je l’ai mentionné, en ce qui concerne les autres installations, à mesure que les eaux de ruissellement et les niveaux d’eau du côté des digues augmenteront, il sera d’autant plus difficile de drainer les eaux de ruissellement qui se trouvent sur les lieux.
À l’heure actuelle, je crois que, pour ce qui est de l’aménagement et de tout autre type de travaux à l’aéroport, YVR consulte l’administration d’autres régions. Je crois que la demande de permis d’aménagement suggère de regarder les administrations locales pour respecter les normes relatives aux niveaux de crue projetés, et il s’agit de la ville de Richmond. Cela nous ramène à ce qu’a dit M. Ray dans ses commentaires d’introduction : il faut savoir si c’est un critère de conception raisonnable pour une infrastructure aussi essentielle.
Par exemple, une crue dont la probabilité de récurrence est aux 200 ans, comme l’a dit M. May, a 0,5 % de chances de se produire au cours d’une année donnée. Sur une période de 100 ans, cela représente une probabilité d’occurrence d’environ 40 %. Est-ce un niveau de risque acceptable pour cette infrastructure, ou bien devrait-on envisager un événement modélisé plus extrême au lieu que de se fier à ce qui est suffisant pour une ville ou pour les résidents locaux? Devrait-on appliquer les mêmes critères de conception à l’aéroport?
M. Ray : J’ajouterais que l’aéroport est un bon exemple d’infrastructure qui peut être très vulnérable à des précipitations très intenses. Il se trouve dans une partie basse du delta du Fraser. Il est protégé par des digues, mais, lorsqu’il pleut, l’eau doit s’écouler vers la mer lorsque le niveau d’eau est très élevé. Du côté de l’océan, le drainage se fait par pompage. Il s’agit d’un autre aspect de vulnérabilité, si on combine les risques posés par un niveau de la mer très élevé et par une tempête de pluie très intense.
Nous avons connu un événement atmosphérique important en 2021. À ce que je sache, il n’a pas eu d’incidence sur l’administration aéroportuaire, mais c’est un exemple du type de tempête qui a eu lieu et qui dépassait les tempêtes de pluie précédentes.
La sénatrice Simons : Il n’est peut-être pas juste de poser cette question à un climatologue et à deux ingénieurs, mais il me semble que l’un des défis liés à la planification dans ce domaine, c’est le fait que certaines choses sont du ressort des municipalités, et on dénombre plusieurs municipalités différentes dans la région métropolitaine de Vancouver. Ensuite, il y a les choses dont l’administration aéroportuaire et de l’administration portuaire sont responsables, puis il y a celles qui sont du ressort des Premières Nations, et puis il y a la province, puis le gouvernement fédéral. Avons-nous besoin d’une meilleure coordination?
C’est un problème holistique, et il me semble que l’un des problèmes qui se posent tient au fait qu’il y a beaucoup d’administrations qui ne travaillent peut-être pas en collaboration et que personne n’est responsable de l’intervention globale lors d’une inondation.
Je sais que cette question sort de votre champ d’expertise technique à tous, mais, tout comme les citoyens du Lower Mainland et de l’île de Vancouver, avons-nous besoin d’une meilleure coordination de l’intervention des ingénieurs dans cette situation?
M. Zhang : Je pourrais peut-être dire quelques mots.
La sénatrice Simons : Je vous en prie.
M. Zhang : Il est certain qu’il faut la coordination d’un ordre de gouvernement rapproché. À ma connaissance, le gouvernement fédéral a beaucoup investi dans ce qu’on appelle la cartographie des inondations, afin de produire de nouvelles cartes des risques d’inondation dans diverses régions du pays. C’est un aspect de la coordination qui a lieu et que je constate, mais il est certes nécessaire d’améliorer cette coordination.
En Colombie-Britannique, une nouvelle loi exige que toutes les conceptions d’infrastructure et les autres projets connexes soient adaptés aux changements climatiques. C’est un autre aspect qui a lieu.
Je vois certes la nécessité d’améliorer la coordination dans l’avenir, mais cela ne veut pas dire qu’il ne se passe rien.
M. Ray : Oui, je suis d’accord. Il est dangereux de dire qu’il n’y a pas de coordination actuellement, mais c’est un domaine où nous pourrions faire mieux. Parce que tous ces systèmes sont interdépendants, un pont ou une route qui est inondé dans une partie du système peut bloquer le transfert de biens, l’infrastructure, les travailleurs ou les services d’urgence. Alors, oui, je pense qu’il faudrait envisager une meilleure coordination et une coordination accrue entre ces diverses entités.
La sénatrice Simons : Merci beaucoup.
Le sénateur Cardozo : Monsieur Zhang, vous avez dit que vous vous attendiez à ce qu’il y ait une élévation du niveau de la mer de un mètre d’ici la fin du siècle, et je n’en doute pas. C’est dans 75 ans, mais, lorsque j’examine la situation et que je regarde les diverses prédictions au sujet des changements climatiques, il arrive souvent que nos estimations soient erronées et que les choses se passent beaucoup plus rapidement.
L’autre phénomène qui pourrait se produire, c’est une situation où le niveau de la mer s’élève, mais, si cette élévation est occasionnellement combinée à des tempêtes majeures, à des rivières atmosphériques et à des événements de ce genre, il y a un certain nombre d’éléments qui se rejoignent.
Je pense à l’aéroport de l’île de Vancouver et de Sands. Ne se trouve-t-il pas en réalité dans un endroit dangereux?
Les autres témoins et vous avez parlé des digues. Nous comptons sur des digues, mais il me semble qu’il y a des forces beaucoup plus menaçantes lorsqu’il s’agit d’une élévation du niveau de la mer et de tempêtes majeures. Ne devrions-nous pas envisager de soulever toute l’île ou, à un moment donné, peut‑être d’ici la fin du siècle, tout simplement abandonner cette région parce qu’il sera dangereux d’y avoir un aéroport?
M. Zhang : Je ne connais pas l’aspect technique exactement, mais il y a certainement la combinaison de l’élévation du niveau de la mer, que nous ne pouvons pas éviter, soit dit en passant, même si nous réduisons beaucoup les émissions. Elle va se poursuivre à cause de ce que nous avons déjà fait. L’élévation du niveau de la mer va se poursuivre. C’est un élément.
Deuxièmement, les précipitations extrêmes vont augmenter en intensité et en fréquence, et il est certain que la combinaison de ces facteurs se produira au fil des ans. L’occurrence du genre de situation que vous avez mentionnée est certaine. Ce qui est incertain, c’est l’ampleur qu’elle aura relativement aux mesures d’atténuation que nous allons prendre pour réduire les émissions de CO2.
Voilà la situation. Devrions-nous abandonner l’endroit où nous vivons? C’est une autre question. Je ne pourrai pas vous le dire, mais, dans des pays comme les Pays-Bas, la majeure partie du pays est sous le niveau de la mer, mais les Néerlandais ont été en mesure de construire des digues qui sont si bonnes qu’elles les protègent très bien depuis de nombreuses années.
C’est une question d’investissement. Il s’agit de savoir s’il y a d’autres endroits où nous pouvons aller, et, si nous ne pouvons pas aller ailleurs, alors, je pense, notre choix concernera la façon dont nous pourrons nous protéger. C’est un élément.
L’autre élément est la question de savoir comment nous pouvons nous adapter de manière à ce que notre infrastructure devienne moins vulnérable. Il pourrait y avoir d’autres types de solutions novatrices qui permettront de réduire les émissions, bien sûr. Il y a une autre chose : il ne nous sera probablement pas très facile de soulever les terres, mais il y a certains domaines où il pourrait y avoir des solutions techniques, même si je ne les connais pas très bien. Je m’en remets à mes collègues, MM. Ray et Muir.
Le sénateur Cardozo : Merci.
Monsieur Ray ou monsieur Muir, avez-vous des commentaires à formuler sur ma question?
M. Muir : Merci. Je suis d’accord avec M. Zhang quant au fait qu’il serait assez coûteux et probablement impossible d’élever tout l’aéroport compte tenu de la quantité de remplissage et de l’infrastructure qui s’y trouve sans avoir à reconstruire tout le site. Cependant, on pourrait apporter des améliorations aux digues pour les rendre plus résilientes qu’elles ne le sont actuellement, les élever au fil du temps et les adapter de manière à tenir compte de l’élévation du niveau de la mer et du danger croissant.
Toutefois, nous n’avons pas effectué d’analyse coûts-avantages, et je n’en ai pas vu non plus sur la question de savoir s’il est plus pratique ou faisable de relocaliser l’aéroport, mais j’ai entendu beaucoup de gens parler de cette option et de sa viabilité à long terme et du coût à terme de l’entretien de cette installation là où elle se trouve plutôt qu’à d’autres endroits. Que ce soit dans 100 ans ou dans 200 ans, le calendrier dépendra de l’évolution des changements climatiques dans l’avenir.
Le sénateur Cardozo : Il n’y a pas beaucoup d’autres solutions, à moins que l’on déplace des montagnes. Il n’y a pas beaucoup de place pour un autre aéroport.
M. Muir : Oui. C’est exact.
Le sénateur Cardozo : Ce pourrait être une approche coûteuse.
En ce qui concerne les ports et la question que mon collègue vous a posée tout à l’heure, les administrations portuaires de Vancouver et Vancouver Fraser englobent de nombreux terminaux, si je puis m’exprimer ainsi. Avez-vous une idée du nombre de terminaux qui seront en danger au cours des prochaines décennies?
M. Muir : Pour ce qui est du fonctionnement des terminaux, ils ne sont généralement pas très élevés au-dessus du niveau de l’eau, parce qu’on veut qu’ils demeurent fonctionnels lorsque les navires arrivent et utilisent les ports. Ils sont donc tous, évidemment, très près de l’eau et assez peu élevés.
Quant aux risques, je pense que les terminaux sont tous assez semblables du point de vue des problèmes, mais, ce que je veux dire, c’est que cela dépend de quel site il est question exactement, et je ne peux vous répondre au pied levé. Cela ressemble à la demande qui a été faite plus tôt pour que l’on vous fournisse une carte et qu’on vous montre les zones les plus à risque. Je peux me renseigner et essayer de vous fournir quelque chose.
Le sénateur Cardozo : Dans le cas des terminaux, vous dites qu’ils sont construits près du niveau de l’eau. Il serait donc relativement facile de les élever de quelques pieds ou de quelques mètres. Le problème est peut-être lié à l’infrastructure permettant de les atteindre, comme les voies ferrées et ce genre de choses?
M. Muir : C’est vrai. Il y a des infrastructures tout le long des voies ferrées et des routes. Comme M. Ray l’a dit tout à l’heure, ce sont le matériel et les marchandises qui sont transportés, mais les travailleurs doivent aussi se rendre à ces installations.
Par exemple, lors de l’événement lié à la rivière atmosphérique de 2021, des ponts et des voies ferrées ont été endommagés dans la vallée du Fraser, à des centaines de kilomètres des sites, ce qui a tout de même empêché les transports d’accéder à ces installations. Ce n’est pas seulement aux ports en soi; c’est tout le long de cette route.
Le sénateur Cardozo : Juste au cas où nous penserions que la rivière atmosphérique a été un événement ponctuel, il y en a eu une en Californie ces derniers jours. Ce n’est pas un phénomène qui va disparaître de sitôt.
Merci.
Le sénateur Quinn : Merci d’être présents aussi tôt le matin.
Je veux formuler une observation et revenir un peu sur ce que mon collègue vient de dire. C’est non seulement l’événement qui a lieu en Californie, mais aussi l’événement météorologique qui se produit dans l’est du Canada et qui entraîne des chutes de neige catastrophiques. Ces événements sont de plus en plus fréquents. J’ai l’impression que nous sommes à une intersection, que nous regardons à gauche et voyons venir un camion et que nous continuons de recueillir des données, ce qui est d’une importance vitale, mais que nous ne sortons pas de l’intersection, et nous savons que le camion s’en vient.
Mon observation est que, comme l’autruche, nous levons la tête, nous écoutons, nous voyons, nous faisons des recherches et nous baissons la tête. Rien ne se fait concrètement.
Est-ce une erreur? Avons-nous besoin de prendre davantage de mesures aujourd’hui, en fonction des renseignements dont nous disposons, afin de pouvoir agir plus rapidement? Si vous étiez aux commandes, que feriez-vous?
Ma question s’adresse à tous les témoins.
M. Muir : En ce qui concerne l’ingénierie en Colombie-Britannique, nous concevons tout en tenant compte des changements climatiques à venir. Je veux dire… c’est mandaté par le ministère des Transports et de l’Infrastructure, de même que par Engineers and Geoscientists British Columbia, alors, pour tout ce qui est nouveau ou qui est une amélioration, nous tenons compte des changements climatiques.
La difficulté réside en partie dans l’incertitude entourant les changements climatiques et les conditions futures. C’est un défi. L’autre défi est de savoir comment composer avec cette incertitude et dans quelle mesure il faut tenir compte de la sécurité ou d’autres facteurs.
Ce que je veux dire, c’est que nous pouvons effectuer notre conception en fonction d’un cas très extrême de changement climatique qui pourrait se produire dans 50, 100 ou 200 ans, mais le coût lié à une telle conception est-il justifié, compte tenu de cette incertitude?
C’est un peu une question d’équilibre entre ce que nous pouvons concevoir pour aujourd’hui et la façon dont nous pouvons conserver la capacité de nous adapter au fur et à mesure que nous apprenons et que le climat continue de changer dans l’avenir.
Le sénateur Quinn : J’aimerais faire un commentaire à ce sujet. Bien que je sois d’accord à bien des égards, les données nous montrent qu’il ne s’agit pas d’une augmentation linéaire des occurrences ou de l’intensité. C’est tout le contraire. Elles montent comme la courbe d’un bâton de hockey de Bobby Hull.
Je comprends ce que vous dites, mais ne pensez-vous pas que nous devrions examiner… Vancouver est notre deuxième aéroport en importance. C’est un moteur très important de notre économie, tout comme le port de Vancouver; c’est le plus grand port du Canada… je le sais très bien. C’est l’un des plus importants en Amérique du Nord.
Ne devrions-nous pas procéder plus rapidement, puisque nous savons qu’il ne s’agit pas d’augmentations linéaires? Elles augmentent selon une courbe. Il faut agir dès maintenant, n’est‑ce pas?
M. Muir : Je suis d’accord avec ce que vous dites. L’un des éléments, lorsque je dis que nous concevons ou prenons les changements climatiques en considération dans notre conception et que nous essayons d’en tenir compte… la mesure dans laquelle nous nous y attaquons actuellement et l’extrémité avec laquelle nous le faisons semblent assez uniformes, qu’il s’agisse d’une résidence individuelle, de YVR, d’un port ou de toute autre infrastructure essentielle. Il faudrait assurément reconsidérer cette façon de faire. Cette infrastructure importante et essentielle ne devrait-elle pas être conçue pour résister à un événement projeté plus grave ou pour mieux tenir compte de ce niveau de risque que d’autres infrastructures moins essentielles? Cette conception s’appliquerait à la structure en soi, que ce soit le port ou l’aéroport, et jusqu’aux voies d’approvisionnement qui franchissent les montagnes et qui vont vers l’est.
Le sénateur Quinn : Voudriez-vous nous faire part de vos réflexions?
M. Zhang : Nous avons des données probantes sur la possibilité de changements dans l’avenir, comme la rivière atmosphérique de 2021. Les rivières atmosphériques ont toujours existé et il y en aura toujours. Ce qui est arrivé, c’est que l’intensité ou la quantité de pluie qu’elles apportent a augmenté.
Si on y pense sous l’angle de la physique, ce changement se traduit par une augmentation de 1 degré de la température qui fera augmenter les précipitations de 7 %. En ce qui concerne l’intensité de la rivière atmosphérique que nous avons connue en 2021, qui a endommagé notre région, la fréquence de ces événements a presque doublé. Cela veut dire que genre d’événement a maintenant lieu deux fois plus souvent qu’auparavant, quand il n’y avait pas de changements climatiques. Mais, pour l’avenir, nous prévoyons plus du double de la fréquence actuelle.
Fait plus important encore, la fréquence d’un phénomène que nous n’avions pas observé auparavant et qui, selon nous, pourrait être dévastateur, ou de ce que nous considérons actuellement comme un événement très rare, pourrait augmenter encore plus rapidement, de façon relative. Un événement dont la période de récurrence était aux 200 ans pourrait, dans l’avenir, ressembler plutôt à un qui survient aux 40 ou 50 ans.
C’est le genre de situations auxquelles nous sommes exposés. Il est certain qu’il nous faut agir rapidement pour nous y adapter en tenant compte de l’augmentation de tels événements dans la nouvelle conception. L’ancienne infrastructure de nos aéroports n’a même pas été conçue en fonction du climat actuel, en général. Ces structures ont été conçues il y a de nombreuses années, selon la norme de l’époque, et le climat a changé. Ce genre de structure n’a pas été conçue en fonction climat que nous connaissons aujourd’hui. Il nous faut nous adapter, mais la façon dont nous allons nous y prendre dépendra des ressources accessibles.
Le sénateur Quinn : Merci beaucoup de votre réponse, monsieur Zhang. Je m’intéresse particulièrement au bilan peu reluisant des gouvernements en matière de prise de décision rapide. C’est un peu dans nos habitudes.
Pouvez-vous mentionner une chose concrète que nous pouvons faire? Je sais que nous prenons des mesures préventives, comme l’a dit le témoin précédent, en ce qui concerne les constructions futures et tout le reste. Malheureusement, la plupart de nos systèmes dépendent de l’infrastructure actuelle. Si vous étiez aux commandes et que vous pouviez ordonner la prise d’une mesure pour protéger l’infrastructure actuelle, quelle serait-elle?
M. Zhang : Tout d’abord, il faut déterminer ce que nous avons les moyens de faire. Compte tenu des moyens dont nous disposons, je pense qu’il serait très important de prendre des mesures d’adaptation dans les domaines où nous pouvons le faire, même si je ne sais pas exactement comment il faudrait s’y prendre. Je ne suis pas économiste ni ingénieur. Je suis climatologue. Le message que nous recevons à cet égard, c’est que nos installations ne fonctionnent pas selon le niveau de sécurité pour lequel elles ont été conçues il y a de nombreuses années. C’est une chose importante que les gens doivent reconnaître, car le climat a changé.
Le sénateur Quinn : Avez-vous des observations?
M. Ray : Il me semble qu’une partie du casse-tête, ce sont les normes. Comme mon collègue l’a mentionné plus tôt, la plupart des infrastructures sont conçues en fonction d’un événement à récurrence de 200 ans. L’événement qui provoquera la défaillance d’une infrastructure ou la rupture d’une digue.
Je ne sais pas si nous réfléchissons suffisamment en ce moment à la question de savoir si c’est suffisant pour des infrastructures essentielles. Un aéroport est une installation très coûteuse. Lorsqu’un aéroport est endommagé ou que le service est interrompu, cela a des répercussions qui vont au-delà de l’autorité aéroportuaire.
Je suppose que la question est de savoir si le fait de concevoir et d’entretenir une telle installation pour qu’elle puisse résister à un événement à récurrence de 200 ans est suffisant. Est-ce que cela réduit le risque de conséquences néfastes futures? Devrions-nous envisager un événement plus important, comme un événement à récurrence de 500 ans?
Les Pays-Bas en sont un bon exemple. Ils envisagent des événements plus extrêmes et moins probables lors de la conception. Par exemple, ils veulent des infrastructures pouvant résister à des inondations à récurrence de 1 000 ans. C’est un choix de société. Ils ont dit qu’ils n’accepteraient pas que leurs infrastructures cèdent pour moins que cela.
C’est un autre sujet, car il s’agit là de la motivation qui sous-tend l’investissement et la prise de décisions qui guideront ces entités.
Le sénateur Quinn : Merci.
Le président : Si vous me le permettez, j’aimerais également intervenir, en tant que président. Je remercie mes collègues de leurs questions. N’oublions pas que nous avons ici un groupe de scientifiques et d’ingénieurs. Nous pourrons peut-être un jour inviter Nostradamus à comparaître devant le comité pour qu’il puisse prédire avec plus de précision ce qui nous attend sur le plan des changements climatiques.
Nous devons reconnaître que l’environnement change depuis des milliers d’années. Depuis des milliers d’années, l’humanité s’adapte. Dans presque toutes les réponses que j’entends aujourd’hui, il est question de la nécessité de s’adapter à toutes les choses qui se produisent indéniablement en ce moment.
Comme vous pouvez le constater, chers témoins, en tant que législateurs, nous faisons une étude dans le cadre de laquelle nous tentons de changer le réflexe qui existe depuis longtemps, soit celui de réagir à ces défis, et nous essayons d’être proactifs.
Je sais qu’il est difficile de répondre à certaines de ces questions, mais celle que je vais vous poser est simple, du moins je l’espère.
Y a-t-il dans le monde d’autres pays et administrations qui sont plus efficaces et plus proactifs que le Canada ou la Colombie-Britannique pour ce qui est de relever certains de ces défis? Pouvez-vous donner des exemples, s’il y en a?
M. Ray : Un premier exemple à examiner serait celui des Pays-Bas. C’est un pays qui a restauré de vastes zones auparavant sujettes aux inondations et qui les a converties en zones sèches. C’est peut-être la norme de référence dans le monde. Je ne suis certainement pas un expert en matière de comparaisons entre pays, mais c’est celui qui me vient à l’esprit.
M. Muir : J’aimerais ajouter quelque chose en ce qui concerne la capacité d’adaptation, mais aussi — pour revenir à la question du sénateur précédent — au sujet de la chose que nous pourrions faire, à savoir créer de l’espace pour l’adaptation.
Sur la côte, comme le niveau de la mer augmente, les vagues sont plus grosses sur le site lui-même parce qu’il y a moins de rivages pour amorcer la rupture des vagues. Nous avons besoin d’espace pour pouvoir construire de plus grandes digues, de même que pour briser les vagues et freiner l’érosion à la source.
De même, pour ce qui est des rivières, comme M. Zhang l’a mentionné, les débits seront plus importants, et les forts débits seront plus fréquents. Les rivières s’adaptent à ces débits plus importants en devenant plus larges et plus profondes. Là encore, nous avons besoin de plus d’espace entre les digues et entre les infrastructures pour faire face à ces débits plus importants et aux conditions fluviales changeantes. C’est difficile lorsqu’il s’agit d’une zone très développée comme la région métropolitaine de Vancouver, mais peut-être moins difficile dans d’autres zones en amont de l’agglomération principale.
M. Ray a mentionné les Pays-Bas. La collectivité en question a cherché à créer plus d’espace pour la rivière et de plus larges corridors afin de tenir compte des changements de ce genre.
M. Ray : Je devrais également ajouter que, dans certains États, nos voisins du Sud ont fait des choses très intéressantes relativement aux digues en retrait, en créant plus d’espace pour les rivières et en rétablissant le lien entre les rivières et les plaines inondables. C’est habituellement un projet financé par des fonds fédéraux dans le cadre duquel on exige que la digue à réparer soit reculée et que le corridor fluvial soit amélioré. Je pense que nous avons des exemples à cet égard également.
Le président : Monsieur Zhang, avez-vous quelque chose à ajouter ou pouvons-nous passer à autre chose?
M. Zhang : Non, je n’ai rien à ajouter en ce qui concerne l’expérience d’autres pays, si ce n’est que je sais que d’autres pays, notamment l’Australie, appliquent de nouvelles normes qui tiennent compte des changements climatiques.
Bien sûr, nous le faisons aussi au Canada. Les codes du bâtiment, de la route et des ponts de 2022, qui feront l’objet de nouvelles révisions en 2025, contiendront chacun une clause particulière sur la prise en compte des changements climatiques. Nous travaillons conjointement avec l’Association canadienne de normalisation — aussi connue sous le nom de Groupe CSA — à la création d’une norme qui précise ce que nous entendons par intensité, durée et fréquence, et qui décrit la quantité de précipitations qui tombe pendant une période donnée et où cela doit se situer dans l’avenir. Il y a des clauses sur l’adaptation de nouveaux codes en fonction des changements climatiques.
Le sénateur Richards : Ma question est brève et fait suite à celle du sénateur Housakos. Si vous revenez à vos prévisions d’il y a 5 ou 10 ans au sujet des événements qui s’annonçaient, quel a été leur rendement au cours des 10 dernières années en ce qui concerne le port de Vancouver, l’aéroport ou tout autre problème que nous pourrions avoir avec les changements climatiques? Je pense à ma rivière, la Miramichi, où nous devons creuser des tunnels pour que nos saumons puissent remonter le courant parce que le niveau de la rivière dans le nord-ouest est très bas. C’est ainsi depuis maintenant sept ans. Nous ne sommes pas en train de parler ici d’un type de modèle universel, n’est-ce pas?
M. Zhang : En ce qui concerne la prévisibilité, les capacités prédictives de notre système de prévisions météorologiques se sont vraiment améliorées. Quant aux avertissements météorologiques, ils ne sont pas tout à fait efficaces, mais l’utilité des prévisions pour ce qui est de la protection contre les inondations peut être limitée dans une région où il y a une route, un pont ou un aéroport qu’on ne peut pas déplacer en cas de grosse tempête.
C’est bien ce que nos amis ingénieurs ont mentionné. Il s’agit de renforcer la résilience de la structure. Pourrons-nous résister à ce genre de système ou de conditions météorologiques dans l’avenir? C’est plus important que la simple prévision proprement dite. Oui, les prévisions se sont améliorées, mais leur utilité quant à la protection de nos routes, de nos ponts ou de nos aéroports est plus limitée parce qu’elles ne peuvent rien contre l’eau qui viendrait vers nous.
Le sénateur Richards : Est-ce que quelqu’un d’autre veut faire un commentaire à ce sujet, s’il vous plaît?
M. Ray : Je ne peux pas vraiment me prononcer sur la prévisibilité, mais vous avez abordé la question des faibles niveaux d’eau et de la sécheresse. Cela ne va pas à l’encontre des prévisions qui ont été faites. Nous avons mentionné plusieurs fois que le phénomène de rivière atmosphérique survenu en 2021 a été très perturbateur ici, en Colombie-Britannique. Il avait été précédé cet été-là d’une très mauvaise saison des feux de forêt. Les feux de forêt ont touché une grande partie de la province. Nous avons perdu Lytton. Ce village a été détruit par le feu cet été-là. Cette période de grande sécheresse estivale suivie d’une très forte tempête de pluie à l’automne ne contredit pas les prévisions en matière de changements climatiques.
Le sénateur Richards : Je le sais très bien. Ce que je me demande, c’est si les prévisions quant à ce qui va se passer relèvent de l’hypothèse plutôt que de la science exacte. Je ne suis pas du tout en train de vous critiquer. Je pense que vous essayez de faire un travail qui doit être fait. Je dis simplement que ce n’est pas une science exacte. On ne peut pas dire s’il y aura du saumon dans la branche sud de la Miramichi dans trois ans à cause du très faible niveau de l’eau ou si le niveau va remonter.
Ma question s’inscrit dans la foulée de celle du sénateur Housakos. Cela dure maintenant depuis 150 ans. Je ne remets pas en question l’idée des changements climatiques. Je les vois. Je m’interroge simplement sur l’exactitude de vos prévisions quant à ce qui va se passer dans 10 ou 15 ans, c’est tout.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Donc, mes questions s’adressent encore à MM. Muir et Ray. C’est une vraie question pour des ingénieurs, comme le président nous a demandé d’en poser.
En 2016, vous avez produit une étude faisant l’évaluation du risque d’inondation pour le développement proposé du Fraser Grain Terminal. Cette étude fournit une évaluation du niveau de l’inondation local et l’étendue de l’inondation pour une crue prescrite, mais il n’y a pas d’évaluation des installations hydrotechniques et surtout de l’érosion. Donc, on va construire ce terminal, l’annonce a été faite en 2023.
Selon votre étude et ce que vous savez de la construction qui s’en vient, est-ce qu’elle va tenir compte des risques d’inondation? Sentez-vous que votre étude sera suivie? Avez-vous adopté les mêmes normes d’aujourd’hui ou avez-vous tenu compte de ce qui va se passer?
[Traduction]
M. Ray : Madame la sénatrice, malheureusement ni M. Muir ni moi ne sommes au courant de cette étude.
La sénatrice Miville-Dechêne : Ce n’est pas vous qui l’avez menée?
M. Ray : Pas personnellement.
M. Muir : Il y a probablement une centaine de personnes dans notre entreprise en Colombie-Britannique, alors nous n’avons pas participé à toutes les études qu’elle a menées ici.
La sénatrice Miville-Dechêne : Je suis désolée. Je vais renvoyer la balle à ma collègue.
La sénatrice Simons : J’ai une question plus générale. Nous avons parlé un peu des coûts. Le coût de l’inaction pourrait être catastrophique au bout du compte. Mais pour nous donner une idée concrète des mesures à prendre pour préserver ces infrastructures essentielles, quelle est l’ampleur des dépenses en question? Combien de milliards de dollars seraient requis pour reculer les digues, élever les choses et se préparer aux changements qui s’annoncent, si ce n’est dans 5 ans, dans 50 ans?
M. Muir : C’est une bonne question. Parmi les témoins du groupe, c’est probablement moi qui devrais être en mesure d’y répondre. Malheureusement, je n’ai pas cette information non plus, mais si elle existe, je vais essayer de vous la faire parvenir.
La sénatrice Simons : Je pose une question presque saugrenue parce que je ne peux pas imaginer combien de milliards de dollars cela coûterait. Faisons la ventilation, dans ce cas. Je devrais commencer par la question suivante : avez-vous des renseignements sur le coût d’un projet en particulier, simplement pour nous donner un ordre de grandeur?
M. Muir : Chaque projet est vraiment différent selon l’emplacement, la mesure dans laquelle les choses sont élevées et la nature des changements apportés. Il est assez courant que de petites sections de digues soient élevées. Cela représente des millions de dollars, même s’il ne s’agit que d’un kilomètre de digue.
Comme je l’ai mentionné plus tôt, il y a d’autres défis, à cause de l’augmentation des débits, comme l’a dit M. Ray. Il est important de reculer les choses afin de créer de l’espace de façon à ce que la rivière puisse grossir pour permettre à ce débit accru de s’écouler et prévenir l’érosion continue et la migration des chenaux.
L’un des défis pour les administrations locales, c’est qu’il y a très peu d’options pour ce qui est de l’achat de nouvelles terres, du déplacement de structures comme des digues ou de la construction de nouvelles digues, vu la difficulté d’obtenir du financement pour acquérir des terrains.
La sénatrice Simons : Le financement de projets de cette envergure sera hors de portée des petites municipalités. Les gouvernements fédéral et provinciaux devront intervenir. Une ville de 100 000 ou de 500 000 habitants ne pourra pas se permettre des travaux d’infrastructure de cet ordre-là.
M. Muir : C’est exact.
La sénatrice Simons : Merci beaucoup.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : La question que j’ai posée, qui a trait à un rapport probablement préparé par d’autres spécialistes, est quand même importante pour savoir si on tire des leçons de ce qui est en train de se passer. Pourriez-vous nous envoyer un court résumé de la situation pour le terminal Fraser et nous indiquer si vos recommandations ont été prises en compte? Ma question s’adresse à MM. Muir et Ray.
[Traduction]
M. Muir : Madame la sénatrice, malheureusement, je ne sais pas quelles mesures ont été prises par suite de ce rapport. Je crois que lorsque ce rapport a été préparé, il s’agissait d’une première étape. Il a été envisagé d’examiner d’autres ports et d’élaborer une planification à long terme. Je ne sais pas ce qui s’est passé ensuite.
Le président : Au nom du comité, je tiens à remercier les témoins de leur présence parmi nous aujourd’hui et de leur contribution à notre étude et à notre rapport. Merci d’être venus aujourd’hui.
Nous avons le plaisir d’accueillir, par vidéoconférence, notre deuxième groupe de témoins de ce matin, qui est composé de Paul Blomerus, directeur exécutif de Clear Seas, et d’Amy Kim, professeure associée en génie civil à l’Université de la Colombie-Britannique. Bienvenue et merci d’être parmi nous.
Vous disposerez chacun de cinq minutes pour faire une déclaration préliminaire, après quoi mes collègues vous poseront des questions. Monsieur Blomerus, vous avez la parole.
Paul Blomerus, directeur exécutif, Clear Seas : Merci à vous, et merci aux sénateurs et aux sénatrices.
Je représente Clear Seas, un organisme de recherche canadien indépendant et sans but lucratif. Nous sommes déterminés à rendre le transport maritime plus sécuritaire et plus durable. Vu l’importance du transport maritime pour l’économie et pour la vie quotidienne des gens, nous sommes particulièrement préoccupés par la menace que représentent les changements climatiques pour ce réseau de transport important et vital.
En partie à cause des perturbations de la chaîne d’approvisionnement de la côte Ouest survenues en 2021, nous avons entrepris un projet de recherche et publié un rapport en avril 2022. La recherche a été effectuée par Dillon Consulting, grâce au financement de la Garde côtière canadienne. L’objectif était de recenser des pratiques exemplaires et des ressources à l’intention de ceux qui effectuent le travail essentiel consistant à évaluer les risques et à planifier l’adaptation.
Les conclusions de notre recherche n’ont rien de révolutionnaire et, malheureusement, elles ne fournissent pas de solutions rapides ni de raccourcis. Cela dit, je peux vous faire part de quatre enseignements clés que nous avons tirés de cette recherche.
En premier lieu, je dirais que c’est une question de qualité. Les plans d’adaptation aux changements climatiques simplistes et superficiels peuvent être dangereux, à vrai dire. Il faut se poser des questions sur la qualité de ces évaluations et des plans d’atténuation qui en découlent. Par exemple, sur quelles hypothèses relatives au niveau de la mer, aux conditions météorologiques et à la température sont-elles fondées? Quelles saines pratiques d’ingénierie ont été utilisées dans le cadre de l’évaluation des risques?
Cela m’amène à mon deuxième point, à savoir l’importance de bonnes données et de bons modèles. Il est à espérer que les pratiques d’innovation cumulative tournées vers le passé ont été reléguées aux livres d’histoire, si je puis dire, et elles devraient être remplacées par des données et des prévisions de modèles actualisées pouvant soutenir la qualité des évaluations de la vulnérabilité dont nous avons besoin. Qui plus est, l’intérêt généalogique et la traçabilité de ces données sont également essentiels. Comment savoir si une évaluation des risques est conforme aux plus récentes prévisions en matière de changements climatiques? Le consultant qui l’a effectuée a-t-il donné une date de péremption, par exemple, pour que nous puissions nous sentir en confiance et avoir la certitude que tout a été fait correctement?
La troisième conclusion clé que nous avons tirée concerne également la qualité de l’évaluation. Il est essentiel d’adopter une approche systémique. Les concepteurs et les facilitateurs de l’évaluation des risques doivent élargir leur approche pour tenir compte de risques et de modes de défaillance auxquels ils n’avaient pas pensé auparavant. Par le passé, de hautes eaux et de forts vents auraient peut-être été suffisants, mais qu’en est-il si l’on ajoute à cela l’absence d’électricité, l’absence d’Internet et l’incapacité du personnel d’atteindre les infrastructures essentielles pour intervenir en raison des infrastructures et des réseaux de transport?
La dernière conclusion clé concerne la décarbonisation. Malheureusement, la transition énergétique vers la décarbonisation crée de nouvelles vulnérabilités. Permettez-moi de vous donner un exemple. Prenons un remorqueur électrique dont on ne peut pas recharger la batterie en cas de panne de courant et qui ne peut donc pas escorter les navires en toute sécurité jusqu’à leur quai. Autre exemple, un remblai détruit par les eaux cause le déraillement d’un train dont les wagons sont remplis d’ammoniac vert plutôt que de carburant diésel pour les navires, ce qui nécessite l’évacuation d’une zone plus vaste et la fermeture de toutes les infrastructures environnantes pendant le nettoyage de ce chargement toxique.
Là encore, les évaluateurs de risques et des planificateurs de l’adaptation doivent posséder de nouvelles connaissances et compétences pour pouvoir prendre en compte ce genre de scénario.
J’aimerais toutefois conclure sur une note positive, et je terminerai mes observations par une occasion et un défi. L’occasion, c’est que les chaînes d’approvisionnement simplifiées et connectées aux données peuvent être plus résistantes aux dangers liés aux changements climatiques. Par exemple, moins il y a de navires qui attendent de charger des cargaisons, moins il faut de mouillages pour les abriter en cas d’orage. De plus, une meilleure visibilité des données permet une replanification et un redéploiement rapides des ressources.
Le défi, à nos yeux, il consiste à éliminer certains des obstacles à la visibilité et à la mise en œuvre de ces principes de système allégé. Clear Seas continue de préconiser la création de modèles de simulation réalistes qui permettront à tous les acteurs de la chaîne d’approvisionnement de comprendre le rôle qu’ils jouent dans la création de goulots d’étranglement et de vulnérabilités. Un modèle comme celui-là nous donnerait les connaissances et la compréhension nécessaires pour effectuer correctement les évaluations des risques et créer les plans d’adaptation dont nous avons grandement besoin au moyen d’une approche systémique fondée sur des données de haute qualité. Merci.
Le président : Merci beaucoup.
La parole est maintenant à Mme Kim.
Amy Kim, professeure associée, Génie civil, Université de la Colombie-Britannique, à titre personnel : Bonjour et merci de me donner l’occasion de m’adresser à vous aujourd’hui. Je travaille à l’Université de la Colombie-Britannique, qui est située sur les terres ancestrales des Musqueam. En outre, je suis ingénieure professionnelle agréée de la Colombie-Britannique, et je me spécialise dans le génie des transports.
À l’Université de la Colombie-Britannique, je dirige un groupe de recherche qui étudie le fonctionnement des composantes des réseaux de transport interrégionaux à longue distance. Ces composantes vont des installations particulières aux corridors en passant par les réseaux multimodaux. Nous examinons différents aspects de ces réseaux, y compris la façon dont ils fonctionnent en cas de perturbations, la façon d’envisager les besoins en matière d’adaptation aux changements climatiques et la façon dont ces réseaux fonctionnent en cas d’urgence.
Pour faire ce travail, nous réunissons de grands ensembles de données et créons des modèles pour comprendre les données, et nous allons parfois un peu plus loin en utilisant ces résultats pour créer des modèles d’aide à la décision. Notre objectif est de fournir des analyses fondées sur des données empiriques et rigoureuses sur le plan méthodologique qui pourraient soutenir la prise de décisions relatives aux réseaux de transport, aux infrastructures et aux opérations.
Le réseau de transport interurbain du Canada est sous pression. La majeure partie de ce réseau traverse des terrains et des environnements opérationnels incroyablement difficiles, et il couvre un vaste territoire. Il est donc extrêmement difficile à construire, à entretenir et à exploiter. Par conséquent, il y a souvent très peu de redondance, même en tenant compte des modes de transport de rechange.
Nos réseaux de transport à longue distance sont également touchés par les changements climatiques en raison tant de phénomènes à évolution lente que de phénomènes à évolution rapide. Ces derniers comprennent les événements et dangers météorologiques extrêmes de fréquence et de gravité accrues. Ils causent des dommages aux infrastructures et des perturbations opérationnelles, et dans les collectivités éloignées, ils fragilisent encore davantage des chaînes d’approvisionnement critiques déjà précaires à cause du manque de redondance et de voies d’accès.
Une défaillance dans une partie du réseau peut avoir un effet domino dans le temps et dans l’espace. Par exemple, après le phénomène de rivière atmosphérique survenu en Colombie-Britannique en novembre 2021, plusieurs grands axes routiers ont été fermés, ce qui a occasionné de longs détours pour les camions, causé d’importants retards et accru les préoccupations relatives à la sécurité routière.
En plus de permettre ces déplacements quotidiens essentiels de marchandises et de personnes, le réseau est nécessaire pour l’évacuation des citoyens et du bétail, ainsi que pour les mouvements d’urgence en cas de feux de forêt menaçant des collectivités, par exemple.
Pour décrire très simplement un problème épineux, les répercussions des changements climatiques sur notre réseau de transport sont telles que nous exigeons un rendement encore plus élevé de la part d’un système dont l’infrastructure subit déjà des pressions accrues. Ainsi, mon laboratoire vise précisément à répondre à des questions concernant les effets des événements météorologiques et des aléas naturels sur l’infrastructure et les opérations de transport. Je vais donner quelques exemples.
Premièrement, nous avons utilisé des modèles statistiques pour quantifier les vents de travers et la mauvaise visibilité comme principaux facteurs de perturbation des vols à l’aéroport d’Iqaluit. Deuxièmement, nous avons examiné comment les horaires des barges maritimes sur le fleuve Mackenzie dans les Territoires du Nord-Ouest pourraient être adoptés pour tenir compte des variations des niveaux d’eau et des conditions. Troisièmement, nous avons modélisé la durée des perturbations sur le réseau routier de la Colombie-Britannique en fonction des événements de précipitation extrême et des lieux où ils sont survenus. Cet exemple est important, car certains endroits où ces perturbations se produisent sont situés dans des zones très éloignées et difficiles d’accès.
Quatrièmement, en collaboration avec les scientifiques spécialistes des feux de végétation, nous avons cartographié le temps de déplacement des incendies en direction des collectivités par rapport aux estimations du temps d’évacuation afin de comprendre la vulnérabilité des collectivités à l’égard des feux de forêt. Je dois souligner que ce travail a été réalisé en grande partie grâce à l’appui considérable de nos partenaires gouvernementaux.
À ce moment-ci, nos travaux de recherche visent en grande partie à améliorer notre compréhension de ces problèmes plutôt qu’à offrir des solutions. De façon générale, les ingénieurs et les planificateurs ont vraiment du mal à déterminer de nouveaux paradigmes pour ces infrastructures physiques et, surtout, la façon dont elles sont utilisées.
Dans le cadre de mes recherches, je me pose la question suivante : comme nous disposons de ressources limitées pour renforcer ou remplacer nos systèmes existants afin qu’ils résistent à ces forces changeantes ou pour construire de nouvelles installations, pouvons-nous envisager une vision plus large de la façon dont nos installations peuvent être utilisées en vue d’un réseau de transport mieux adapté à ces défis et auquel on peut recourir en toute souplesse lorsque la demande augmente? Autre question : avons-nous suffisamment de données à l’appui de ce travail? À vrai dire, honorables sénateurs et sénatrices, en tant que chercheuse, j’ai beaucoup plus de questions que de réponses.
Le réseau de transport multimodal de notre vaste pays est constitué de nombreuses composantes distinctes essentielles qui fonctionnent ensemble, mais il fait partie de réseaux infrastructurels et sociétaux plus larges qui vont bien au-delà du seul transport. Lorsque quelque chose se produit dans une partie du réseau de transport, des conséquences importantes peuvent se faire sentir en aval au sein du système lui-même et souvent bien au-delà.
Nous comptons sur le réseau pour offrir une connectivité et un accès essentiels aux personnes et aux collectivités interconnectées, ainsi que pour la santé de notre économie nationale.
Je vous remercie d’étudier cette importante question et de me donner l’occasion de m’adresser à vous aujourd’hui.
Le président : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à la sénatrice Miville-Dechêne, vice-présidente du comité.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Je vais poser ma question en français à M. Paul Blomerus.
Merci d’être ici. Nous avons entendu des représentants de Clear Seas, dans le cadre de l’étude du projet de loi C-48, et je me souviens de leur expertise et de l’indépendance de la recherche.
J’essaie de comprendre un peu mieux votre intervention. Aviez-vous essayé de faire une étude seulement sur la garde cotière? Est-ce cette étude qui démontrait que, du côté de la garde côtière, vous avez jugé que les réponses étaient insatisfaisantes et qu’on était plus dans un exercice de cocher des cases, ou cette étude était-elle plus large et mettait-elle en danger l’ensemble du transport maritime dans les années à venir?
Je n’ai pas assez d’éléments pour bien comprendre. Lorsque vous mentionnez le terme key insight, que disait cette étude? Pourquoi pensez-vous que c’était insuffisant? Si je comprends bien, votre rapport n’y est pas du tout.
[Traduction]
M. Blomerus : Je dois apporter une précision. Le rapport que nous avons produit ne consistait pas en une évaluation de l’état de préparation. Notre rapport et notre recherche visaient à préparer des ressources pour la Garde côtière canadienne et tous les autres organismes partenaires qui fournissent les services nécessaires au maintien du fonctionnement du réseau de transport maritime.
Les conclusions que j’ai tirées et que je vous ai présentées dans ma déclaration initiale concernaient des observations relatives à des activités de préparation menées partout dans le monde et que les chercheurs nous ont fournies. Je ne peux pas me prononcer en toute connaissance de cause sur l’état de préparation de la Garde côtière canadienne, mais je peux dire qu’elle nous a consultés dans le cadre de ses efforts visant à accroître son état de préparation en prévision de ses activités de planification de l’adaptation aux changements climatiques. Cela dénote assurément une intensification des activités de la Garde côtière canadienne dans le cadre de son programme d’adaptation aux changements climatiques.
La sénatrice Miville-Dechêne : Dites-vous qu’on devrait utiliser la simulation, la nouvelle technologie? Est-ce utilisé dans les ports canadiens, dans le port de Vancouver ou par notre Garde côtière?
M. Blomerus : Le port de Vancouver est un bon exemple. Il y a quelques exemples de simulation du système. C’est une nouvelle technologie.
Pour essayer de simplifier, on peut penser qu’un investissement dans l’amélioration de l’infrastructure est très coûteux, alors, comment peut-on être sûr qu’on priorise le maillon le plus faible de ce système et qu’on y investisse? On peut dépenser des millions de dollars afin d’élever le niveau d’une digue, mais l’infrastructure électrique pourrait être vulnérable à un autre endroit, et il serait avantageux de dépenser moins d’argent pour renforcer cet autre élément de l’infrastructure. C’est l’avantage d’adopter cette approche systémique.
Il existe quelques exemples dans le port de Vancouver où l’on tient compte du système global de la chaîne d’approvisionnement, et Transports Canada a annoncé la création du Bureau national de la chaîne d’approvisionnement, mais le but premier de ces activités liées à la chaîne d’approvisionnement est d’améliorer son efficacité et ses capacités. Je pense qu’il est important, éventuellement, que le comité fasse des observations sur la possibilité d’utiliser ces exercices de modélisation et de visibilité de la chaîne d’approvisionnement afin qu’on puisse s’assurer qu’on évalue la vulnérabilité au changement climatique et la robustesse de ces systèmes.
La sénatrice Simons : Madame Kim, je suis ravie d’apprendre que votre groupe a mené des études sur les barges fluviales et les niveaux d’eau dans le fleuve Mackenzie, ainsi que sur le fonctionnement de l’aéroport d’Iqaluit. Aujourd’hui, nous nous concentrons sur les basses-terres continentales. Nous avons déjà examiné en profondeur l’infrastructure de transport dans le Nord. Je me demande si vous pourriez vous assurer que notre greffier et notre analyste reçoivent une copie des rapports de votre travail sur le fleuve Mackenzie et l’aéroport d’Iqaluit. Ce serait très utile.
Mme Kim : Oui. Merci. Je peux vous fournir les rapports et les documents.
La sénatrice Simons : Formidable. Merci beaucoup.
Monsieur Blomerus, nous avons parlé d’infrastructure à bien des égards — économie, côté pratique, transport de marchandises du point A au point B —, mais dans votre réponse à la sénatrice Miville-Dechêne et dans votre déclaration préliminaire, vous avez souligné des préoccupations ayant trait à la sécurité dont nous n’avons pas assez parlé, à mon avis.
Mis à part les perturbations de la chaîne d’approvisionnement, qui sont visibles pour tout le monde, dans quelle mesure le changement climatique rend-il plus dangereuses les opérations maritimes le long de la côte de la Colombie-Britannique? Dans le cadre du projet de loi C-48, nous avons beaucoup discuté de la question de savoir s’il y avait des protocoles de sécurité en place pour les pétroliers, mais je me demande si vous pourriez nous parler des ports des basses-terres continentales et nous dire dans quelle mesure le changement climatique constitue un défi pour la sécurité des gens sur l’eau.
M. Blomerus : C’est une excellente question. Vous avez raison. Cela fait partie de notre mandat de tenir compte non seulement des répercussions économiques du réseau de transport, mais aussi de la sécurité. Nous nous concentrons souvent sur la prévention de la pollution comme élément de la sécurité, d’où l’accent mis sur les pétroliers, mais ce genre d’événements liés au changement climatique expose le personnel à des risques qui n’étaient pas prévus auparavant dans le cadre du réseau d’intervention.
À titre d’exemple, la Garde côtière canadienne, qui fournit essentiellement une capacité de recherche et de sauvetage, doit réévaluer si ses installations, ses navires et ses procédures d’intervention sont réellement adaptés aux conditions en mer qu’elle est susceptible de rencontrer ou si ses protocoles de transport de son personnel vers les endroits où il doit se rendre afin de participer à ces initiatives de recherche et de sauvetage sont appropriés.
Il est difficile de donner une réponse concrète, mais je crois qu’il s’agit d’une considération importante, car il est évident que la sécurité du personnel qui assure le transport essentiel des marchandises est également en jeu. Il faut donc tenir compte de ces considérations. Les aspects humains du système sont aussi importants, peut-être, que le ciment, le béton et l’acier.
La sénatrice Simons : Vous avez mentionné cette tension entre la volonté de passer à des technologies plus récentes et plus écologiques et le fait de ne pas savoir quels sont non seulement les risques à long terme, mais aussi les défis supplémentaires qui se posent si on utilise un carburant plus volatil ayant de plus faibles émissions de carbone, qui peut poser d’autres problèmes de sécurité lorsqu’on parle d’utiliser de nouvelles technologies qui n’ont peut-être pas été mises à l’essai dans toutes les conditions météorologiques possibles.
Comment pouvons-nous trouver l’équilibre entre les transitions nécessaires pour réduire le rythme du changement climatique tout en nous assurant d’avoir l’expertise technique requise pour garantir que ces technologies fonctionnent vraiment lorsque nous en avons le plus besoin?
M. Blomerus : Je ne pense pas qu’il y ait de réponse facile, mais il est important que nous imposions ces exigences aux nouveaux projets qui tentent de mettre en œuvre ces nouvelles technologies et que nous nous assurions qu’elles soient également robustes, qu’elles fournissent la décarbonisation dont nous avons besoin, mais aussi qu’elles soient solides face au changement climatique qu’elles essaient d’atténuer.
Je ne peux pas offrir de meilleure solution que de veiller à ce que ces exigences fassent partie des considérations de conception lorsque nous commandons ces nouveaux projets de carburants de remplacement ou ces projets de décarbonisation.
La sénatrice Simons : C’est peut-être un problème technique. Parlez-vous de décarbonisation ou de décolonisation?
M. Blomerus : De décarbonisation.
La sénatrice Simons : Merci. La décolonisation est aussi très importante, mais je ne voyais pas en quoi elle est liée à cela. Merci, cela clarifie les choses.
Le sénateur Quinn : Je remercie les témoins d’être avec nous aujourd’hui. Ma première question s’adresse à M. Blomerus. Par le passé, j’ai eu plusieurs interactions avec Clear Seas. L’une des choses que j’ai trouvées fascinantes, c’est que l’organisation réunissait à la fois un élément de recherche et un élément de terrain. J’ai toujours pensé que les relations que vous aviez avec divers intervenants de l’industrie et de la chaîne d’approvisionnement étaient des relations viables.
Je me souviens également d’avoir eu des discussions après les réunions sur ce qu’il fallait faire à propos de tel ou tel sujet. Imaginons que nous soyons après cette réunion. Si j’étais avec vous, que faut-il faire? Qui devrait s’en charger? D’après votre expérience, quelles sont les mesures concrètes qui doivent être prises? C’est un peu comme une discussion après la réunion.
M. Blomerus : Merci, sénateur Quinn. Merci de m’avoir mis sur la sellette.
J’aimerais revenir à mon dernier commentaire sur le fait que je crains que nous nous donnions un faux sentiment de sécurité en prenant des mesures d’adaptation au changement climatique qui pourraient être inappropriées. Je déteste devoir dire que ce qu’il faut, c’est plus d’analyses, mais dans ce cas-ci, je crois que c’est vrai. Nous avons besoin du genre d’analyses que Mme Kim et son équipe effectuent — ce genre d’approches fondées sur des systèmes où nous pouvons vraiment comprendre les vulnérabilités du système dans son ensemble. C’est vrai en ce qui concerne l’évaluation des répercussions environnementales… la critique souvent formulée à l’égard des nouvelles propositions de projet est qu’elles ne tiennent compte que des répercussions individuelles de leur projet et non pas des répercussions cumulatives de tous les systèmes. Par conséquent, je pense que nous devrions adopter cette approche et nous demander comment nous pouvons comprendre où nous sommes vraiment vulnérables plutôt que de nous concentrer, par exemple, uniquement sur l’infrastructure portuaire ou ferroviaire.
Il n’y a pas de solution miracle qui nous permette de déterminer le point faible, à moins que nous ayons ce système, que nous l’examinions ensemble et que nous comprenions comment ce pont au-dessus du fleuve Fraser ou ce poste électrique constitue la principale vulnérabilité. Tant que nous n’aurons pas fait cela, je pense que nous agirons un peu à l’aveuglette.
Le sénateur Quinn : Lorsque le comité a commencé ses travaux sur ce sujet il y a quelques années — nous avons eu d’autres projets de loi à étudier entretemps —, nous commencions à comprendre que nous avions les yeux plus grands que la panse. Nous avons examiné le système et ses vulnérabilités dues au changement climatique. Si nous devions adopter cette approche systémique aujourd’hui, qui devrait en assumer la responsabilité pour ce qui est d’assurer le leadership? Est-ce le gouvernement, ou le secteur privé qu’il désigne, lui disant qu’il doit faire ceci ou cela? Qui dirigerait les choses? Comme vous le savez, c’est un gros morceau.
M. Blomerus : C’est une bonne question. C’est intéressant parce que je dis que vous devez faire ces modélisations au niveau du système en vue d’adopter une approche axée sur la vulnérabilité. Cependant, je pense qu’il est d’autant plus difficile de réunir les intervenants de l’industrie pour créer ces modèles systémiques afin d’en tirer un avantage économique. Autrement dit, tout le monde en profite lorsque la chaîne d’approvisionnement fonctionne de façon plus harmonieuse, mais je suis certain que le comité est au courant des défis que le port de Vancouver a dû relever lorsqu’il a tenté de mettre en œuvre le Programme de visibilité de la chaîne d’approvisionnement de la côte ouest et d’amener les chemins de fer, les exploitants de terminaux portuaires et les exploitants d’embarcations à partager des données. Certains projets de loi récents qui sont à l’étude actuellement tendent à améliorer cette visibilité.
Pour répondre à votre question initiale, le gouvernement a certainement un rôle à jouer. Un gouvernement peut faciliter les choses. L’une des idées que nous avons avancées, c’est de… je pense que c’est une question de confiance. L’un des problèmes lorsqu’il s’agit d’amener tous les intervenants à jouer dans l’environnement de simulation et à fournir ce genre de modélisation au niveau du système avec des données réelles, c’est qu’ils doivent avoir l’assurance qu’ils en tireront un avantage.
Je pense qu’il y a de la place pour davantage de modèles de type bac à sable, qui permettront aux gens de comprendre leur rôle dans la chaîne d’approvisionnement globale… des modèles de chaîne d’approvisionnement comportant moins de risques, qui permettront à tous les intervenants de comprendre à quel point ils y sont importants, tant pour ce qui est de sa fluidité que de sa vulnérabilité. Je pense que c’est une étape nécessaire. Cela peut aussi être facilité par les gouvernements.
Le sénateur Quinn : Merci.
Madame Kim, j’ai une brève question à vous poser… une question dans la même veine. Ce qui est sûr, entre autres, c’est que les données sont très importantes tandis que nous allons de l’avant et essayons de figurer les choses et de déterminer quelles mesures concrètes nous devons prendre ou non. Les interactions que j’ai eues avec le milieu de la recherche sur un certain nombre de dossiers m’ont permis de constater la même chose. Ce sont les discussions informelles qui nous apportent des renseignements un peu plus concrets. C’est peut-être parce que les gens sont plus détendus. Ils ont des points de vue plus concrets et plus précis.
Qui doit diriger les efforts visant à assurer la durabilité de nos infrastructures essentielles? Qui devrait assumer cette responsabilité et résolument diriger ces efforts?
Mme Kim : Merci. De mon point de vue, j’essaie de considérer les systèmes de transport comme des réseaux plus vastes. Bien sûr, comme je l’ai mentionné dans mon exposé, cela fait partie d’un système plus vaste d’infrastructures civiles interconnecté. Mais cela va aussi au-delà.
En raison de la nature des systèmes et de leur interconnectivité, ainsi que des énormes répercussions qu’ils ont en amont et en aval, je crois que le gouvernement a un rôle important à jouer afin qu’il puisse avoir cette perspective des systèmes. C’est cette perspective qui peut nous aider, nous les chercheurs, à faire notre travail dans une optique systémique. Il y a de nombreux chercheurs extraordinaires qui étudient ces systèmes et en analysent les différentes parties, les différentes méthodes et les différents aspects. Nous avons vraiment besoin de ce genre de vision et de leadership.
Le sénateur Quinn : À qui devrait incomber ce leadership?
Mme Kim : Du point de vue systémique et d’après ce que j’ai pu constater, c’est vraiment le gouvernement qui adopte un tel point de vue global. Par conséquent, je crois qu’il devrait venir de là.
Le sénateur Quinn : Je vous remercie.
Le président : Madame Kim et monsieur Blomerus, à votre avis, quels seraient les pays qui serviraient de modèles pour ce qui est de la lutte contre les changements climatiques? De qui le Canada pourrait-il s’inspirer?
M. Blomerus : Dans notre rapport, nous avons sondé un certain nombre de pays afin de trouver des exemples de pratiques exemplaires. Nous avons examiné certaines des activités menées aux États-Unis, en Norvège et aux Pays-Bas, particulièrement en ce qui concerne la planification de l’adaptation et l’évaluation des risques. Il me semble que nous avons trouvé des exemples de pratiques exemplaires dans les trois pays.
Le président : Je vous remercie. Nous devrions tous examiner ces trois pays de plus près au fur et à mesure que nous progressons dans notre étude.
Chers collègues, y a-t-il d’autres questions pour le deuxième tour? S’il n’y en a pas, je vais, au nom du comité, remercier Mme Kim et M. Blomerus de leur participation de ce matin à notre étude et à nos délibérations. Merci beaucoup. Je vous reverrai tous plus tard cette semaine.
(La séance est levée.)