LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES TRANSPORTS ET DES COMMUNICATIONS
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 7 février 2024
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd’hui, à 18 h 48 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier l’incidence des changements climatiques sur les infrastructures essentielles dans les secteurs des transports et des communications et les répercussions corrélatives sur leurs interdépendances.
Le sénateur Leo Housakos (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Bonsoir, honorables sénatrices et sénateurs. Je m’appelle Leo Housakos, je suis un sénateur du Québec et président de ce comité.
[Traduction]
Je vais demander à mes collègues de se présenter rapidement.
La sénatrice Simons : Je suis la sénatrice Paula Simons, du territoire du Traité no 6, en Alberta.
Le sénateur Quinn : Jim Quinn, du Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Richards : Dave Richards, du Nouveau-Brunswick.
[Français]
La sénatrice Clement : Bernadette Clement, de l’Ontario.
Le sénateur Dalphond : Pierre Dalphond, du Québec. Bienvenue.
La sénatrice Miville-Dechêne : Julie Miville-Dechêne, du Québec.
[Traduction]
Le président : Chers collègues, nous poursuivons ce soir notre étude sur l’incidence des changements climatiques sur les infrastructures essentielles dans le secteur des transports ainsi que notre étude des infrastructures de la région de Vancouver.
Pour la première heure, nous avons le plaisir d’accueillir, par vidéoconférence, Mme Allyson Fraser, conseillère, et M. Wade Grant, agent des affaires intergouvernementales, de la Bande indienne des Musqueams. Bonjour, et merci d’être avec nous. Madame Fraser, nous commencerons par votre déclaration préliminaire, et, puisque nous accueillons une seule organisation, durant la première heure, je serai généreux avec les cinq minutes prévues pour votre déclaration. Ensuite, les sénateurs auront des questions pour vous. Madame Fraser, vous avez la parole.
Allyson Fraser, conseillère, bande indienne des Musqueam : Bonjour, monsieur le président, et bonjour aux membres du comité. Nous vous remercions de nous avoir invités à nous joindre à vous, cet après-midi, pour parler de votre étude sur l’incidence des changements climatiques sur les infrastructures essentielles dans les secteurs des transports et des communications et de leurs répercussions sur les Musqueams.
Je suis la conseillère Allyson Fraser. Mon nom traditionnel est [mot prononcé en langue hən̓q̓əmin̓ə]. Je suis conseillère élue pour la bande des Musqueams depuis 20 ans, et je travaille aussi pour le service de l’impôt foncier des Musqueams. Je suis accompagnée de M. Wade Grant, qui est membre de la bande des Musqueams ainsi que membre du comité des affaires intergouvernementales.
Nous sommes un peuple de langue traditionnelle hən̓q̓əmin̓ə. Notre communauté dynamique est en pleine croissance et compte plus de 1 300 membres. Nous habitons notre territoire ancestral depuis plus de 9 000 ans. Le territoire des Musqueams couvre 144 888 hectares et s’étend sur tout ce qui est aujourd’hui appelé Vancouver, jusqu’à Howe Sound au nord-ouest et jusqu’à la vallée du Fraser à l’est.
La plupart de nos membres sont aujourd’hui forcés de vivre sur une petite partie de notre territoire, qu’on appelle la réserve indienne Musqueam no 2, située au sud de Marine Drive, près de l’embouchure du fleuve Fraser.
Les Musqueams se sont toujours déplacés sur leur territoire en utilisant les ressources qu’il fournit pour la pêche, pour la chasse, la trappe et la cueillette. Nous demeurons un peuple distinct, et nos pratiques culturelles sont fortes, malgré les conséquences dévastatrices des pensionnats, des lois coloniales qui interdisaient nos cérémonies et des autres tentatives pour assimiler notre peuple. Nos terres et nos eaux soutiennent toujours nos pratiques culturelles et économiques, tout en étant une source de connaissances et de souvenirs intégrés à nos enseignements et à nos lois.
La Couronne doit consulter les Musqueams et les écouter en ce qui a trait aux stratégies d’atténuation visant à contrer l’incidence des changements climatiques sur nos terres de réserve et à l’intérieur de notre territoire.
Le territoire des Musqueams se trouve au cœur de Vancouver. Nos petites réserves sont littéralement entourées d’infrastructures essentielles, comme le port de Vancouver et l’aéroport. Les eaux côtières qui bordent nos terres de réserve ainsi que le fleuve Fraser et la région environnante forment le cœur de notre territoire, ce qui veut dire que toutes les mesures visant à corriger ou à atténuer l’incidence des changements climatiques sur les infrastructures essentielles dans la région de Vancouver et aux alentours auront aussi des répercussions graves sur nos droits et titres ancestraux.
Les infrastructures essentielles existantes, comme le port de Vancouver, l’aéroport, les égouts, l’usine de traitement des eaux usées et le site d’accostage des barges du Grand Vancouver ont une incidence continue et cumulative sur le territoire des Musqueams. Quand ces infrastructures ont été construites, personne n’a consulté les Musqueams ni pris en considération nos droits et titres ancestraux, ce qui va à l’encontre de l’honneur de la Couronne et des principes de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, qu’on appelle aussi la DNUDPA.
Quelles sont les répercussions des changements climatiques sur le territoire des Musqueams? En janvier 2022, durant l’une des plus hautes marées des dernières années, une marée de 5,48 mètres selon le service hydrographique fédéral, des vagues se sont écrasées à la limite de la réserve des Musqueams, sur les basses-terres aménagées sur un terrain surélevé le long du fleuve Fraser. Les vagues ont presque englouti la cale de mouillage de la collectivité. La réserve des Musqueams est située sur un terrain de marais et de marécages et est très vulnérable aux conséquences des changements climatiques, puisque les zones humides côtières subissent les effets de la hausse du niveau de la mer et des changements de la composition chimique de l’eau. Les terres des Musqueams risquent d’être inondées et seront gravement touchées par les inondations côtières, à mesure que le niveau de la mer augmente et qu’une « tempête parfaite », qui apporterait beaucoup de pluie et de vent, menace.
Trois routes relient le territoire des Musqueams à Vancouver. Les inondations provoquées par les événements et les crises climatiques risquent d’endommager les infrastructures de transport et les routes d’évacuation. La montée des eaux pourrait couper l’accès aux sites culturels ainsi qu’aux aliments et aux médicaments traditionnels.
L’augmentation des températures modifie le comportement des saumons, et le réchauffement dégrade encore plus les ressources aquatiques le long de la côte. Les sources d’aliments traditionnels, comme le saumon, ne sont pas seulement une source nutritionnelle importante pour bon nombre de communautés autochtones de la Colombie-Britannique; elles ont aussi un rôle important dans l’identité culturelle et la cohésion sociale. De même, le partage des récoltes traditionnelles avec la parenté, les voisins et les gens dans le besoin est l’un des piliers de la résilience des communautés autochtones. La pêche n’est pas seulement une question de subsistance; c’en est aussi une de famille, de communauté, de culture, de traditions, de langue et d’intendance.
Les Musqueams vont subir des pressions économiques accrues pour atténuer les risques liés aux inondations et pour s’adapter aux conséquences grandissantes des changements climatiques.
Alors, que font les Musqueams? Nous sommes en train d’élaborer un plan d’adaptation aux changements climatiques dans le cadre de consultations communautaires, en nous appuyant sur des systèmes de connaissances autochtones, multigénérationnels et fondés sur la terre qui remontent à des milliers d’années et qui continuent à développer et à évoluer même de nos jours. Les connaissances et les expériences autochtones ont été sous-représentées jusqu’ici dans les initiatives liées aux changements climatiques. Les événements de chaleur extrême, qui sont de plus en plus fréquents et intenses, seront un risque pour les membres vulnérables de la collectivité.
La Première Nation des Musqueams s’est associée avec la coopérative de crédit Vancity dans le but d’aider les gens à accroître la résistance de leurs habitations aux changements climatiques. Des spécialistes de l’énergie ont aidé les membres de la communauté Musqueam à installer de nouvelles fenêtres et des thermopompes pour que leurs maisons soient mieux équipées pour résister aux vagues de chaleur, au froid extrême et à tout ce qu’il y a entre les deux. Ces améliorations rendent aussi les maisons plus efficientes, c’est-à-dire qu’elles consomment moins d’énergie pour le chauffage et la climatisation. En 2022, plus de 22 maisons de la réserve indienne des Musqueams ont ainsi été rénovées; cela représente l’équivalent de neuf véhicules automobiles au gaz de moins sur les routes chaque année.
Je pense que vous avez des copies des trois prochaines diapositives; elles vous donnent une idée de la région où les Musqueams vivent et des eaux qui nous entourent. Dans le coin supérieur gauche, vous pouvez voir le colonialisme municipal de la planification urbaine de Vancouver et le conflit touchant les réserves indiennes. Dans le coin supérieur droit, vous pouvez voir les rues inondées de la réserve des Musqueams. En bas, vous pouvez voir les estacades flottantes qui encombrent le fleuve Fraser et qui empêchent les pagayeurs musqueams d’accéder au fleuve.
Vous voyez, en haut, à droite, les limites de la réserve, soit le fleuve Fraser, en face de l’aéroport de Vancouver. Dans le coin supérieur gauche, et aussi dans l’image du centre, vous voyez les estacades flottantes qui encombrent le fleuve Fraser. Ensuite, vous voyez des membres des Musqueams qui vont sur le fleuve pour des activités ancestrales et culturelles, comme le leur permet nos droits et titres ancestraux.
Sur la dernière diapositive, vous pouvez voir Sea Island 3, un petit bout de terre triangulaire inhabité, près du pont-jetée qui mène à l’usine de traitement des eaux usées de l’île Iona. Il s’agit d’un terrain d’environ 6,6 hectares, pratiquement recouvert de marais littoraux. C’est un petit bout de terre bordée par un aéroport et une usine de traitement des eaux usées. Sea Island est en rouge, dans le reste de Richmond, et en rose en haut à gauche.
Merci.
Le président : Merci, madame Fraser. Nous allons passer aux questions, en commençant par la vice-présidente du comité.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : En 2017, votre peuple a signé avec l’aéroport de Vancouver une entente de durabilité et d’amitié. À partir de cette entente, qui devait assurer un avenir durable pour la communauté, qu’avez-vous obtenu et qu’est-ce qui a été fait par le Port de Vancouver?
Vous nous avez parlé de mesures pour vos maisons — je ne sais pas si cela en fait partie — et 2017, cela fait quelques années. Avez-vous obtenu des budgets, de l’aide des autorités portuaires pour assurer votre avenir sans être inondé, finalement?
[Traduction]
Mme Fraser : Je vais demander à mon collègue, M. Wade Grant, de répondre à cette question, mais, pour commencer, nous recevons dans le cadre de l’entente d’amitié un certain pourcentage de fonds de la part de l’aéroport de Vancouver. Ces fonds nous aident à mettre en place des mesures et à réunir la collectivité afin de créer des programmes pour faire face aux changements climatiques et essayer d’améliorer les choses afin que les répercussions ne nous touchent pas trop, mais, comme je l’ai dit, je vais céder la parole.
Wade Grant, agent des affaires intergouvernementales, Bande indienne des Musqueam : Merci de votre question.
Je pense que vous parlez de deux ententes différentes. En 2017, les Musqueams ont signé une entente d’amitié avec l’aéroport — celle dont Mme Fraser parlait —, mais nous avons aussi un accord de liaison avec le port de Vancouver. Grâce à cet accord de liaison, les Musqueams ont pu prendre davantage les choses en main en ce qui a trait aux ressources et à l’intendance des cours d’eau.
Cependant, pendant de nombreuses générations, notre contribution n’était pas suffisante, et nous avons été témoins du délabrement de notre collectivité, autant à l’intérieur qu’autour. Nous avons subi les conséquences de marées de plus en plus hautes. Le port a mis en location une grande partie du fleuve dans notre collectivité. Si vous venez ici, vous verrez que la moitié du fleuve est couverte d’estacades flottantes qui empêchent certains membres de notre communauté d’aller pêcher comme ils le faisaient depuis des temps immémoriaux.
À ce chapitre, nous travaillons avec le port pour nous assurer que les Musqueams aient leur mot à dire. Nous avons un partenariat avec le port pour le rétablissement de notre estran, pour rétablir notre estran et le rendre plus résistant aux inondations.
La sénatrice Miville-Dechêne : Ce que vous dites, si je vous ai bien compris, c’est que vous essayez d’améliorer les choses, mais que l’entente ne vous a pas été d’une si grande aide.
Je me demandais si on a proposé quoi que ce soit de permanent pour vous aider par rapport aux inondations. Nous avons discuté avec l’administration portuaire ou aéroportuaire — je ne sais plus laquelle —, et on nous a dit que les digues étaient l’outil principal, qu’il avait fallu renforcer les digues et qu’il s’agissait du principal outil de prévention des inondations. Ont‑ils parlé de cela avec vous? Est-ce comme cela qu’il faut procéder, ou voulez-vous que d’autres choses soient faites?
M. Grant : Je ne pense pas qu’il serait juste de dire que peu de choses ont été faites, parce que ces accords de liaison sont encore récents. Il y a seulement un écart de 3 ou 4 ou 5 ans, après 150 ans où personne ne nous écoutait. Nous travaillons ensemble, nous voulons collaborer et essayer de trouver une solution qui fonctionnera pour les Musqueams et pour le reste de la région.
Si les digues sont la solution, je pense que c’est ce que les Musqueams feront, mais présentement, nous n’avons aucune infrastructure qui prévient de façon durable et efficace les inondations. C’est pour cette raison que nous avons jugé important de conclure ces accords, afin d’avoir une place à la table lorsqu’il s’agissait de se préparer pour les 30, 40 et 50 prochaines années.
Le sénateur Quinn : Merci, madame Fraser, et merci, monsieur Grant, d’être ici ce soir. Je vous remercie d’avoir pris le temps de faire part de vos réflexions au comité.
Pour en revenir à la question de ma collègue — je pense que j’ai obtenu une partie de la réponse —, mais il est question ici d’infrastructures essentielles, en particulier l’aéroport et le port, lesquels font partie de votre territoire. Êtes-vous présent lorsqu’ils discutent de leurs stratégies d’atténuation? Dans quelle mesure y participez-vous? Êtes-vous sur le terrain pour les aider à comprendre quels seraient les risques? Dans le même ordre d’idées, comment ces discussions tiennent-elles compte des connaissances et de l’histoire ancestrales transmises par les aînés, par exemple, en ce qui concerne l’histoire de la région et l’incidence des conditions qui changent? Comment est-ce que tout cela fonctionne?
Mme Fraser : Je vais demander à M. Grant de répondre en ce qui concerne l’entente avec l’administration portuaire, mais, pour ce qui est de l’aéroport de Vancouver et des Musqueams, dans le cadre de notre accord de liaison, nous avons deux conseillers présents à la table avec les représentants de l’aéroport de Vancouver. Nous avons aussi un intermédiaire quand nous organisons des réunions communautaires ou des réunions avec les différents partenaires de l’aéroport de Vancouver. Comme M. Wade l’a dit plus tôt, nous sommes encore en train de mettre au point les détails de cette entente, et avec notre personnel de la section des affaires intergouvernementales, nous nous réunissons avec eux régulièrement. Donc, nous avons effectivement une présence à la table. Au niveau inférieur, celui du personnel, du travail avec les équipes sur le terrain et les autres gens de l’aéroport de Vancouver, et au niveau de la relation entre les deux conseillers et la direction de l’aéroport de Vancouver, nous avons des discussions continues sur les changements climatiques, les différentes répercussions sur nos terres et tous leurs aménagements. En tout temps, nous avons une participation entière, et ils ont vraiment été remarquables à cet égard. S’ils font quoi que ce soit, nous envoyons notre équipe d’archéologues sur le site. Nous avons différents employés qui seront présents chaque fois que quelque chose se fait à l’aéroport de Vancouver. C’est une bonne relation.
Le sénateur Quinn : Si vous me le permettez, est-ce que le savoir traditionnel est un aspect de ces discussions et des délibérations auxquelles vous participez?
Mme Fraser : Effectivement, et nous avons tenu des réunions avec nos aînés. Quand nous avons besoin de consulter les membres de notre communauté, nous nous réunissons toujours d’abord avec notre groupe d’aînés, puis nous allons consulter la communauté en général.
Le sénateur Quinn : Monsieur Grant, pouvez-vous nous parler de votre relation avec l’Administration portuaire Vancouver Fraser?
M. Grant : Oui, sans problème. L’entente avec l’Administration portuaire Vancouver Fraser était complémentaire à celle que nous avons conclue avec l’aéroport de Vancouver, car nous avons compris qu’il était possible d’établir une relation fondée sur le respect mutuel avec une entité si importante.
D’ailleurs, M. Peter Xotta, le nouveau directeur général de l’Administration portuaire Fraser, est venu sur le territoire des Musqueams hier, et l’a visité. Notre relation s’est développée au cours des 10 ou 15 dernières années dans le respect mutuel, et pas seulement juste à l’extérieur de notre communauté, mais sur tout le territoire des Musqueams, jusqu’au sud, où il y a le projet d’agrandissement de Deltaport; nous sommes donc certains que les Musqueams ont une voix à la table quand il est question de la récolte des fruits de mer, etc., et de la façon dont nous utilisons ces eaux depuis des milliers et des milliers d’années. Cela nous permet de faire entendre cette voix ancestrale dont vous parlez, cette culture et ce savoir traditionnels qui nous ont soutenus et qui nous ont permis de protéger les eaux. De plus en plus, cela devient une voix importante autour de la table, et on nous permet de la faire entendre. Nous avons le même genre de table, à l’administration portuaire, et nous avons deux conseillers aux côtés de la direction du port.
Le sénateur Quinn : Dans le même ordre d’idées, divers témoins nous ont parlé de ce qui va se passer entre aujourd’hui et 2100 à cause des changements climatiques : ils ont dit que le niveau de la mer allait monter d’un mètre pendant cette période, et je crois que certains chercheurs ont aussi dit que l’augmentation ne sera pas linéaire, mais exponentielle. Comme je l’ai dit hier soir ou hier, ça ressemble à la courbe d’un bâton de hockey : ce n’est pas droit, et ça pourrait se produire plus tôt qu’on le pense. Dans ce contexte, quelles sont vos principales préoccupations relativement à l’emplacement du port et de l’aéroport sur votre territoire? Est-ce que cela soulève des inquiétudes, pas seulement liées à la possibilité que le niveau de la mer atteigne l’endroit où vous êtes présentement, mais qu’il atteigne aussi les grandes structures de transport qui s’y trouvent? Quelles seraient vos principales préoccupations, et que pouvons-nous faire?
M. Grant : Mes principales préoccupations, monsieur le sénateur, sont liées au fait que nous sommes situés bien en dessous de la plaine inondable, droit à l’embouchure du fleuve Fraser, et qu’il y a de grosses infrastructures essentielles dans la même zone.
Un autre exemple, c’est l’usine de traitement des eaux usées du Grand Vancouver. Elle se trouve juste en face de nous, sur l’autre rive, et on prévoit la rénover d’ici 15 ou 20 ans. L’infrastructure doit être surélevée. Pour être en phase avec les gens de l’usine, nous voulons travailler en partenariat avec eux pour nous assurer que les choses sont faites de la bonne façon. Quand l’usine a été construite, dans les années 1960, nous n’avons pas été consultés. Le plus gros tuyau d’égout qui se rend jusqu’à l’usine de traitement des eaux usées passe en plein milieu de notre collectivité, et on ne nous a jamais demandé si nous voulions qu’il passe par là. Donc, on doit nous donner voix au chapitre, et ce que nous disons, c’est que, si nous allons de l’avant avec ce projet, nous devons voir sept générations plus loin pour être certains d’unir nos efforts pour que l’eau, quand elle va inévitablement augmenter, ne monte pas jusqu’à tous nous inonder.
Le sénateur Quinn : Et pour l’aéroport de Vancouver? Madame Fraser, avez-vous des observations?
Mme Fraser : En ce qui concerne l’aéroport de Vancouver, nous surveillons toujours de près les aménagements et les améliorations envisagés sur le site de l’aéroport de Vancouver, mais, comme nous l’avons dit plus tôt, les gens de l’aéroport ont joué un rôle déterminant, car ils ont été des partenaires et ont été inclusifs. Je ne peux pas dire pour l’instant que je suis préoccupée à l’idée qu’ils créent ou construisent quelque chose sans d’abord prendre en considération les répercussions sur la réserve des Musqueams.
Le sénateur Quinn : Au bout du compte, l’objectif de notre groupe est de présenter un rapport au Sénat avec des recommandations. Quelle est la principale recommandation que nous devrions, selon vous, prendre en considération et soumettre à nos collègues?
Mme Fraser : Comme je l’ai dit à propos de l’entente avec l’aéroport de Vancouver, nous avons accompli des progrès remarquables en nous associant avec lui. Je suis sûre qu’il y aura d’autres obstacles le long du chemin. Cela n’a pas été une entente facile à conclure.
Comme M. Grant l’a dit, la principale préoccupation des Musqueams présentement concerne l’usine de traitement des eaux usées sur l’autre rive. Ils essaient toujours de trouver un site de remplacement. Nous sommes en cours de négociations, mais je ne peux pas dire que les discussions ont été faciles, jusqu’ici. Nos titulaires de domaine à bail qui vivent sur la réserve indienne no 2 de Musqueam sont aussi très préoccupés par les répercussions de l’usine de traitement des eaux usées d’Iona.
M. Grant : Monsieur le sénateur, vous avez mis dans le mille. Les connaissances et les enseignements traditionnels doivent être pris au sérieux. Nous avons vu les répercussions des changements climatiques sur un si grand nombre de territoires des Premières Nations, au fil des ans, avec les inondations et les feux incontrôlés à l’intérieur de la province. Si on reconnaît que nous avons accumulé pendant des milliers d’années des histoires et des connaissances sur ce qui peut et qui devrait être fait pour atténuer ou prévenir les catastrophes éventuelles, je pense que nous pouvons être en phase avec eux, étant donné les connaissances que nous partageons tous.
La sénatrice Simons : Nous avons beaucoup entendu parler jusqu’ici, dans le cadre de notre étude, du port de Vancouver et de l’aéroport, mais vous êtes les premiers à avoir soulevé une préoccupation au sujet du site d’accostage des barges du Grand Vancouver. Pourriez-vous nous en parler un peu plus, nous dire à quoi il sert et quelles sont vos préoccupations?
M. Grant : D’après ce que nous en savons, il y a un certain nombre d’options. Ce sont les Musqueams qui mènent les discussions avec le Grand Vancouver. Les Musqueams veulent qu’une décision éclairée soit prise par rapport à l’emplacement du site d’accostage des barges, parce que cela aurait des répercussions sur la fluidité de la circulation devant notre collectivité.
La sénatrice Simons : Ce n’est pas quelque chose qui existe déjà; c’est encore à l’étape de la planification.
M. Grant : C’est à l’étape de la planification, mais je sais cependant que l’un des sites qui ont été retenus était un site d’accostage des barges construit à l’origine dans les années 1960. Il y a d’autres options en aval et en amont, mais le choix reste à faire.
La sénatrice Simons : Est-ce que ces barges seraient utilisées pour le transport de marchandises? Quelle serait leur fonction?
M. Grant : À ma connaissance, madame la sénatrice, elles seraient utilisées pour transporter des matériaux pour la construction d’un site ou l’amélioration du site actuel. On m’a dit que, s’ils ne se servaient pas de barges, il leur faudrait des dizaines de camions semi-remorques chaque jour pour acheminer les matériaux qui serviront à construire tout cela adéquatement. Donc, ce serait une, deux ou trois barges par jour au lieu de 40 ou 50 semi-remorques chaque jour.
La sénatrice Simons : Je suis confuse. Ils construisent un site d’accostage de barge pour en réparer un autre?
M. Grant : Non. Ils construisent un site d’accostage de barge pour transporter les matériaux qui seront utilisés pour améliorer l’infrastructure.
La sénatrice Simons : Quelle infrastructure?
M. Grant : L’usine de traitement des eaux usées. Il y a un projet d’amélioration de l’usine de traitement des eaux usées.
La sénatrice Simons : D’accord, maintenant je vous suis. Donc, ce n’est pas pour transporter des marchandises sur le fleuve Fraser jusqu’au port ou quoi que ce soit de ce genre.
M. Grant : Non.
La sénatrice Simons : Vous avez parlé des estacades flottantes sur le fleuve. J’avoue que je suis une fille des Prairies. Chaque fois que je me rends sur la côte Ouest, je vois les estacades, mais je ne sais pas vraiment à quoi elles servent. Quelle est leur fonction? Pourquoi le port de Vancouver en a-t-il besoin? Servent-elles d’une façon ou d’une autre à prévenir les inondations, ou à faciliter le transport des marchandises?
M. Grant : Les rondins des estacades flottantes viennent d’autres régions de la Colombie-Britannique — je ne sais pas exactement où — et seront transformés par l’industrie forestière. C’est comme un stationnement pour les rondins.
La sénatrice Simons : D’accord.
M. Grant : Nous en avons des centaines, voire des milliers, sous les yeux, 365 jours par année. Cela peut devenir très dangereux pour nos pêcheurs, parce que certains de ces rondins ne restent pas toujours entiers. Ils vont couler au fond du fleuve et créer plein de débris qui peuvent affecter nos pêches, parce qu’ils déchirent les filets et le reste. Cela devient dangereux, parce que cette partie de la rivière n’est pas draguée.
La sénatrice Simons : Est-ce que le niveau d’eau plus élevé, que les gens ont constaté, a une incidence sur la dangerosité des estacades flottantes?
M. Grant : Corrigez-moi si je me trompe, madame Fraser, mais nous avons constaté qu’il y a de plus en plus de rondins orphelins échoués sur la rive, ces derniers temps. Si vous venez sur le territoire de Musqueam et que vous jetez un coup d’œil vers l’estran, vous verrez des dizaines de rondins qui se sont échoués là et qui vont y rester de manière permanente, même si ce n’est pas leur place.
Mme Fraser : Ils sont échoués là de manière permanente.
Ces dernières années, depuis la COVID, nous avons repris notre pratique culturelle du canot à la perche, et cela a vraiment permis d’offrir plus d’activités à nos jeunes, pour leur bien-être mental et pour d’autres choses comme cela. Quand ils sont sur l’eau et qu’il y a des rondins qui dérivent et qui s’éloignent les uns des autres, cela devient très dangereux pour les jeunes de participer à ce genre d’activités.
La sénatrice Simons : Pour revenir à la question de l’infrastructure de transport, parce que c’est le sujet de notre étude, plus tôt dans le cadre de notre étude, nous avons discuté de l’isthme de Chignectou avec des gens du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse. Des gens nous ont dit que, au lieu de construire des digues, nous devrions revenir à une gestion plus naturelle des terres humides, en permettant aux zones humides de se rétablir, parce qu’elles retiennent l’eau. Toutefois, si vous continuez simplement de construire des digues, en réalité, vous interférez avec les méthodes ancestrales de gestion des eaux. Je ne veux pas dire que les eaux se géraient elles-mêmes, mais il y avait une façon de faire, avant que nous intervenions, pour qu’elles soient plus sécuritaires, en réalité. Est-ce que la nation des Musqueams a des connaissances historiques, ancestrales quant à la façon dont nous pourrions atténuer le risque d’inondation, autrement qu’en construisant simplement de plus grosses digues?
Mme Fraser : Je suis sûre que notre peuple avait des méthodes traditionnelles pour atténuer le risque d’inondation et d’autres choses du genre, mais je vais devoir mettre la question de côté et demander des réponses aux membres de notre équipe qui ont une plus grande expertise dans ce domaine et qui ont eu des discussions continues avec l’administration portuaire et l’aéroport de Vancouver.
La sénatrice Simons : Excellent.
Vous avez fait une déclaration audacieuse en disant : « La Couronne doit consulter les Musqueams et les écouter en ce qui a trait aux stratégies d’atténuation... » Y a-t-il des choses que le port et l’aéroport font présentement qui, selon vous, violent vos droits et votre titre, ou dites-vous cela de manière préventive, parce que vous voulez être un partenaire à part entière à la table?
Mme Fraser : Je dirais préventivement, parce que nous voulons être davantage un partenaire à part entière à la table et participer au processus décisionnel en ce qui concerne les répercussions sur la réserve des Musqueams, surtout la RI2.
La sénatrice Simons : Y a-t-il quoi que ce soit en particulier qui a été fait et que vous trouvez répréhensible, jusqu’ici?
Mme Fraser : Pour ce qui est de l’aéroport de Vancouver, jusqu’ici non, parce que les intervenants ont été très inclusifs avec nous à la table. L’entente elle-même a vraiment changé les choses. Je sais que l’administration portuaire et d’autres personnes étudient ces ententes, parce que celle avec l’aéroport de Vancouver fonctionne pour nous.
En ce qui concerne le port, je vais demander à M. Grant de répondre, parce qu’il travaille davantage avec les affaires intergouvernementales dans ce dossier.
M. Grant : Je pense que le port a fait un effort concerté. Il y a encore beaucoup à faire, mais c’est un début.
Je vais vous donner un exemple, sénatrice. Il y a environ 15 ans, avant cette relation, des membres des Musqueams se sont rendus au fleuve. Il y avait de nouvelles piles pour attacher les rondins à l’estacade dont je vous ai parlé, et cela se trouvait, encore une fois, juste devant notre collectivité. Personne ne nous a consultés et personne n’est venu nous parler, parce que le droit au fleuve et les droits des riverains ne s’appliquaient pas à une réserve des Premières Nations. C’est ce qu’on nous a dit. Nous sommes allés voir. Le directeur général à l’époque était Robin Silvester, et il est venu voir. Il a vu ce qu’il en était, et il a dit : « Vous avez raison. Ce n’est pas ainsi que nous pouvons avoir une bonne relation. » Puis, en moins d’une semaine, les piles avaient été retirées. C’était le début d’une relation fondée sur la confiance mutuelle.
Les choses s’améliorent, et cela crée un espace pour que des gens comme Mme Fraser soient présents aux tables.
La sénatrice Simons : Merci. C’est utile, et encourageant.
Le sénateur Richards : Merci d’être ici ce soir, depuis Vancouver.
Avez-vous une idée de l’endroit où ils pensent installer l’usine de traitement des eaux usées? A-t-on décidé d’une orientation ou d’une autre, par rapport à l’endroit où l’usine serait installée? Est-ce qu’il y a une étude sérieuse en cours actuellement, et y participez-vous, sur l’endroit où l’usine serait installée? Je pense que ce serait un obstacle majeur pour votre réserve d’avoir une usine de traitement des eaux usées juste en face. Est-on près d’une solution, y a-t-il même une solution?
Mme Fraser : Non. Nous venons tout juste d’entamer nos négociations avec le Grand Vancouver, par rapport à l’emplacement. Comme M. Grant l’a dit plus tôt, trois sites sont envisagés, et nous poursuivons nos consultations avec ces gens. À dire vrai, nous avons une réunion demain avec eux pour essayer de déterminer où ils veulent l’installer, et pour voir si nous sommes d’accord. Les discussions en sont encore à un stade très précoce.
Le sénateur Richards : Mais on est tout de même déterminé à aller de l’avant et à ce que cela se fasse? Les deux côtés sont déterminés à ce que cela se fasse?
Mme Fraser : Ils veulent que cela se fasse. Ils sont déterminés à mettre à niveau l’usine de traitement d’eaux usées qui existe actuellement et l’agrandir. Nous voulons connaître leurs idées, et nous voulons être à la table avec eux pour essayer de savoir tout cela. Quant à savoir si nous serons d’accord ou non, nous n’en sommes pas encore à cette étape.
Le sénateur Richards : Je me demandais s’il y avait une association — autre que l’association politique — entre la bande et la région du Grand Vancouver. Est-ce que les Premières Nations de votre bande travaillent à l’administration portuaire, ou y a-t-il une interrelation autre que l’interrelation politique des dernières années?
M. Grant : Oui. En ce qui concerne l’aéroport, l’interrelation s’est intensifiée. Plus de membres de notre communauté travaillent à l’aéroport que jamais, en ce qui a trait aux infrastructures et à la construction. Les entreprises dirigées par des Musqueams ont la possibilité de participer à cela et d’obtenir des contrats. Si le port possède un bien qui doit être mis à niveau dans une région ou une autre, je suis certain que les entreprises et les membres des Musqueams ont la possibilité d’y participer, et cela vaut aussi pour l’aéroport, lorsqu’il doit mettre à niveau ses installations. Il ne s’agit pas seulement de possibilités politiques. Il y a des possibilités pour les membres de notre communauté de participer davantage à l’économie de la région métropolitaine de Vancouver.
Le sénateur Richards : Je suis très heureux de l’entendre.
Quel est le principal poisson pêché par vos pêcheurs? Est-ce que c’est du saumon?
M. Grant : Oui.
Mme Fraser : Du saumon sockeye.
Le sénateur Richards : Du saumon du Pacifique, pas du saumon de l’est de la Miramichi?
M. Grant : À titre informatif, sénateurs et sénatrices, le mot « sockeye » vient en fait de notre langue, la langue hən̓q̓əmin̓əm. Voilà. C’est ce que nous avons donné au monde, le mot « sockeye ».
Le sénateur Richards : Excellent. Le mot mi’kmaq pour saumon est plamu. Merci beaucoup.
La sénatrice Clement : Merci aux témoins de comparaître devant nous.
Madame Fraser, cela fait 20 ans que vous êtes conseillère élue? Vous êtes une femme forte. Ce n’est pas facile.
Mme Fraser : Cela fait 20 ans, oui. Mon portefeuille concerne habituellement le logement, et de temps en temps, d’autres domaines qui concernent notre nation.
La sénatrice Clement : C’est formidable. Merci de votre service en tant que femme élue.
Mme Fraser : Merci.
La sénatrice Clement : Je m’intéresse beaucoup — et j’ai aussi questionné les autres témoins à ce sujet — aux communications entre les divers paliers de gouvernement. Vous avez parlé des ententes d’amitié que vous avez conclues avec le port et l’aéroport, mais je me demandais si vous aviez une relation et si vous communiquiez directement avec l’administration municipale et directement avec les gouvernements provincial et fédéral. Cela m’a frappée quand j’ai lu « colonialisme municipal ». Je pense souvent au colonialisme du point de vue fédéral, mais tous les paliers du gouvernement sont bien sûr structurés sur le mode du colonialisme. Je me demandais si vous pouviez faire des commentaires sur votre relation avec les divers paliers du gouvernement et nous dire si vous pouvez communiquer efficacement avec eux.
Quand vous parlez de mesures d’atténuation, qui va payer pour cela? Ce n’est pas avec l’argent que vous obtenez dans le cadre de l’entente d’amitié. Que faites-vous par rapport à cela, ou avez-vous des discussions là-dessus?
Mme Fraser : Bien sûr, nous avons des discussions en continu avec le conseil municipal et avec les autres municipalités des alentours, comme celles de Richmond et de Burnaby. Nous discutons aussi continuellement avec les ministres aux paliers fédéral et provincial.
Au fil des ans, nous avons établi une meilleure relation avec la Ville de Vancouver et nous avons un accord de service avec la ville; et nous avons aussi négocié quelques bonnes choses dans le cadre de cette entente. Cela s’est avéré une très bonne relation, surtout avec notre chef, qui s’assoit souvent avec les maires ou d’autres représentants politiques de ce niveau.
Nous avons des réunions gouvernement à gouvernement avec la Ville de Vancouver, avec la municipalité et avec les maires et les conseillers de Burnaby et de New Westminster. Ensemble, collectivement, nous discutons des répercussions de tout ce qui touche la réserve des Musqueams. Ils nous ont offert quelques occasions financières, surtout pour renforcer la capacité de notre organisation pour qu’elle puisse intervenir et pour discuter à la table des divers projets et d’autres choses en cours.
Lorsqu’il s’agit des gouvernements fédéral et provinciaux, cela se fait surtout par l’intermédiaire de notre chef, qui est très habile pour négocier et pour faire passer le message concernant les répercussions sur la réserve des Musqueams et la façon dont nous pouvons travailler tous ensemble pour réagir à ces préoccupations.
La sénatrice Clement : Je crois que j’aimerais savoir ce qu’il faudrait améliorer, dans ce cas, ce qui vous donnerait espoir dans l’avenir. Vous avez décrit un grand nombre de risques pour votre collectivité. Vous construisez une relation, mais, comme votre collègue l’a souligné, ces ententes d’amitié sont récentes. Elles datent de quelques années seulement. Comme nous le savons, les changements climatiques sont un problème urgent. Y a-t-il quelque chose qui devrait être fait plus rapidement, selon vous, ou que faut-il améliorer?
Mme Fraser : Les ententes sont récentes, mais c’est le début de l’établissement d’une meilleure relation, le fait que nous soyons présents à la table pour offrir notre savoir traditionnel et d’autres choses du genre, de façon à pouvoir participer à n’importe quel projet ou développement qui a pour but d’atténuer les effets des changements climatiques dans ce qu’on appelle le monde extérieur. Nous n’avons jamais jusqu’ici participé au niveau auquel nous participons présentement, nous n’avons jamais pu mettre le pied dans la porte. Nous étions toujours laissés de côté. Pouvoir améliorer tout cela grâce à ces accords, c’est un début, mais j’aimerais qu’on insiste davantage sur la réserve indienne des Musqueams, que l’on y accorde davantage d’attention, parce que nous sommes situés en bas des plaines inondables. Il suffit d’une catastrophe pour nous rayer de la carte. Je pense qu’on doit accorder davantage d’attention à notre peuple et à notre collectivité, parce que l’on a fait toutes sortes de choses qui ont été faites aux alentours de la ville de Vancouver, pour protéger les gens, mais on ne nous a pas accordé la même attention, alors voilà ce que j’espérerais.
M. Grant : Merci de la question, sénatrice.
Je pense que la situation actuelle est que nous avons fait beaucoup de progrès importants vers la réconciliation, dans la relation de gouvernement à gouvernement, mais, sur le terrain, nous en sommes encore aux premières étapes de la planification. Quand je dis sur le terrain, je dis cela en tant que voisin, en tant que personne appartenant à un peuple qui vit dans cette région depuis des milliers d’années, et qui doit maintenant vivre près des gens de la ville de Vancouver, qui y sont depuis plus de 100 ans.
Les Musqueams ont pris l’initiative, par exemple, de protéger les stocks de saumon sauvage dans le ruisseau qui coule toujours dans notre réserve. Le ruisseau qui coule dans notre collectivité est le dernier des ruisseaux à saumons sauvages. Dans tous les autres ruisseaux de la ville de Vancouver, ces poissons ont dû être réintroduits. Les Musqueams ont pris l’initiative, en utilisant leurs propres fonds et en s’associant avec des organismes sans but lucratif, de protéger ce ruisseau. Si ce n’était des Musqueams qui ont décidé de prendre les choses en main, ces saumons seraient aujourd’hui disparus. À présent, il y a plus de 110 saumons qui fraient dans ce ruisseau chaque année, parce que nous les avons protégés.
Il faut que nous ayons des partenariats sur le terrain si nous voulons protéger tout cela pour l’avenir... Oui, nous avons d’excellentes relations à l’échelon de la direction, mais nous devons nous regrouper sur le terrain pour comprendre ce qui fait que les choses tournent parfois au vinaigre. Les Musqueams ont pris les choses en main, et nous avons démontré que nous pouvons réussir dans nos efforts de protection et d’atténuation de toutes les catastrophes qui peuvent survenir, comme le montrent les saumons que nous avons protégés et auxquels nous tenons toujours si précieusement.
La sénatrice Clement : Merci à vous deux.
Le président : Pour le deuxième tour, il nous reste 10 minutes, et deux de nos collègues ont des questions. Sénatrice Miville-Dechêne, vous pouvez vous montrer généreuse.
La sénatrice Miville-Dechêne : Je serai très généreuse. J’ai seulement une question, et je sais que le sénateur Quinn adore l’eau, les bateaux, les marinas et toutes les choses du genre, alors je vais lui laisser du temps.
J’ai une question à propos du nouveau terminal 2 à Roberts Bank, le nouveau terminal qui sera construit au port de Vancouver. D’après ce que nous avons lu, des mesures d’atténuation ont été prises pour construire ce nouveau terminal en respectant l’environnement. Le gouvernement fédéral dit qu’il a votre soutien et que vous avez été consultés à propos de ces mesures d’atténuation, ou que vous les approuvez, mais d’autres experts disent que ce n’est pas suffisant. Pouvez-vous nous dire de vive voix ce que vous pensez de ce qui se fait? Avez-vous été consultés? Approuvez-vous les mesures? Je pense que l’une de ces mesures concerne les voies que suivent les poissons, qui seront déplacées à cause de la construction. Je ne sais pas s’il s’agit du saumon ou d’autre chose, mais il s’agit des poissons.
Mme Fraser : M. Grant a participé davantage à ce projet. Encore une fois, cela concerne les affaires intergouvernementales.
M. Grant : Merci de votre question, sénatrice.
Les Musqueams ont effectivement participé à de longues consultations avec le gouvernement et aussi avec le port, et nous en avons dit autant dans notre exposé. Nos chefs et nos leaders ont effectivement signé une entente à l’appui de l’agrandissement du terminal. Comme nous vivons et pêchons dans cette région, nous avions pu consulter des experts de la bande Musqueam et pour nous assurer que les voix des personnes préoccupées de la collectivité soient entendues. Un certain nombre de pêcheurs pêchent encore dans cette région, mais ils vont continuer de participer au projet, à mesure qu’il se développe. Effectivement, les Musqueams ont signé une entente à l’appui de cela. Je pense que la signature remonte à 2001.
La sénatrice Miville-Dechêne : Génial. Une autre réussite.
Le sénateur Quinn : Je dois dire que j’avais une question similaire à propos de Roberts Bank, mais je vais passer à mon autre question, qui concerne l’aéroport de Vancouver. Diverses personnes nous ont parlé des stratégies d’atténuation qui pourraient être mises en place pour contrer l’élévation du niveau de la mer, par exemple accroître la hauteur des digues ou améliorer leur isolation. D’autres personnes ont envisagé le déménagement de l’aéroport, ce qui serait un projet énorme, comme n’importe quel autre, par exemple pour le surélever ou autre chose. Quelle serait votre réaction si on prenait, d’ici 25 ans, la décision de déménager l’aéroport vers un autre site, où l’incidence de l’élévation du niveau de la mer était moins importante, etc. Est-ce que cela nuirait à l’économie des Musqueams? Quelles sont vos préoccupations?
Mme Fraser : C’est une bonne question. Je n’ai pas réfléchi à la possibilité que l’aéroport soit déplacé, mais je suis certaine que les répercussions sur les Musqueams, sur nos terres et notre territoire ancestral, nous préoccuperaient énormément. Pardon, je n’y avais jamais pensé, et il n’en a pas été question dans nos discussions.
M. Grant : Les Musqueams ont quatre réserves. Il y en a une que nous n’avons plus, mais la réserve no 3 des Musqueams sur Sea Island est située juste à côté de l’aéroport, alors il y aurait certainement des répercussions. Je pense que cela préoccuperait les Musqueams, compte tenu de l’entente d’amitié que nous venons de signer. Je pense que c’était la première étape vers une réelle réconciliation, qui suppose d’avoir des gens sur le terrain, que les chefs occupent autour de la table des places qu’ils n’avaient jamais occupées avant. Quand quelque chose du genre porte enfin des fruits, et que, 10 ans plus tard, on décide d’aller ailleurs, je pense que nos leaders aimeraient avoir un mot à dire. Nos leaders aimeraient être consultés. Si l’aéroport était déplacé, nos leaders voudraient sans l’ombre d’un doute intervenir sur l’aménagement du terrain laissé vacant. Quand il est question de n’importe quelle terre, près de nous, je pense que les Musqueams aimeraient vraiment savoir ce qui va être fait.
Le sénateur Quinn : Merci.
Le président : Merci, madame Fraser et monsieur Grant, d’être venus ici devant le comité pour faire part de votre opinion et pour avoir répondu avec diligence et clarté à toutes les questions du comité.
Mme Fraser : Merci de nous avoir reçus.
Le président : Dans notre deuxième groupe de témoins, ce soir, j’ai le plaisir d’accueillir, tous par vidéoconférence, Mme Bridgitte Anderson, présidente-directrice générale, Greater Vancouver Board of Trade; Mme Alex Mitchell, directrice générale, Abbotsford Chamber of Commerce, et M. Michael Bonshor, administrateur délégué, First Nations Business Development Association.
Bienvenue à vous tous et merci d’être présents aujourd’hui. Madame Anderson, madame Mitchell et monsieur Bonshor, vous aurez chacun cinq minutes pour faire vos déclarations liminaires, puis vous répondrez aux questions de mes collègues du comité. Madame Anderson, c’est à vous.
Bridgitte Anderson, présidente-directrice générale, Greater Vancouver Board of Trade : Merci beaucoup et bonsoir, honorables sénateurs et sénatrices. Je m’adresse à vous aujourd’hui depuis le territoire traditionnel des nations Musqueam, Squamish et Tsleil-Waututh.
Au nom de nos membres, qui représentent plus de 5 000 entreprises, je vous remercie de me donner l’occasion de parler des conséquences des changements climatiques sur des infrastructures commerciales essentielles pour les chaînes d’approvisionnement fédérales et tout le secteur du transport.
Les entreprises de partout au Canada comptent sur des chaînes d’approvisionnement et des réseaux de transport prévisibles et qui fonctionnent bien pour exporter et importer. Notre réputation internationale en tant que partenaire commercial dépend aussi de la résilience de ces réseaux.
En même temps, notre région connaît une croissance sans précédent de sa population, ce qui augmente la pression sur les chaînes d’approvisionnement et les infrastructures. Cette croissance fait en sorte qu’il est d’autant plus urgent et important que les infrastructures soient solides.
En toile de fond, nos collectivités ont fait face à beaucoup d’événements climatiques extrêmes, et cela les préoccupe beaucoup. Ici, en Colombie-Britannique, les inondations et les feux de forêt ont vraiment menacé la sécurité des Britanno-Colombiens et de leurs collectivités d’attache.
En novembre 2021, des inondations extrêmes ont entraîné des décès, des évacuations et des problèmes sociaux et affectifs dans les collectivités de toute la Colombie-Britannique, y compris les 42 Premières Nations. La chaîne d’approvisionnement entre le port de Vancouver et les corridors d’approvisionnement nationaux a été coupée, isolant ainsi le Grand Vancouver de l’intérieur de la province et du reste du Canada. Il y a aussi eu des conséquences importantes sur le secteur agricole qui a perdu des centaines de milliers de têtes de bétail et qui a vu des milliers d’acres de terres agricoles submergés.
En juillet 2021, les feux de forêt avaient endommagé les voies ferrées, entraînant une brève suspension du transport ferroviaire dans le canyon du Fraser.
Ces événements climatiques extrêmes, entre autres, ont gravement endommagé les réseaux critiques de la chaîne d’approvisionnement qui assurent la circulation des biens et des gens entre les régions rurales et urbaines de la Colombie-Britannique et le reste du pays. Les perturbations de la chaîne d’approvisionnement alimentent aussi l’inflation et font vivre un stress économique aux entreprises et aux familles partout au Canada.
Le transport est un écosystème complexe, et il faut que tous les modes de transport travaillent de concert. Nous en avons été témoins durant les inondations de 2021 lorsque le secteur de l’aviation est demeuré opérationnel, tout comme certains segments du réseau ferroviaire. Même si l’on a ouvert davantage de routes aux États-Unis pour les camions, cela a pris du temps.
Nous sommes tout à fait ravis que l’on ait créé un Bureau national de la chaîne d’approvisionnement puisque, selon nous, il a beaucoup de choses à offrir en collaboration avec le secteur.
Aujourd’hui, nous présentons plusieurs recommandations clés au gouvernement.
Premièrement, développons une stratégie nationale en matière d’infrastructure en priorisant les infrastructures d’importance nationale qui doivent être plus solides ou en planifiant de nouvelles infrastructures pour appuyer la hausse sans précédent de notre population. Même si le gouvernement a fait des progrès, à ce chapitre, ceux-ci ont été progressifs, et on avait de la difficulté à savoir ce qui était prioritaire; cela a retardé le développement d’infrastructures capitales.
Deuxièmement, collaborons avec le secteur privé pour régler les enjeux, y compris les lacunes dans les données, la cartographie des inondations et la gestion des risques de feux de forêt.
Troisièmement, assurons-nous que les politiques favorisent un climat d’investissement concurrentiel, ce qui nous permettra ainsi de mettre à niveau comme il se doit les nouvelles infrastructures tout en reconnaissant qu’il y aura des compromis à faire. Par exemple, les entreprises de télécommunications de l’Alberta et de la Colombie-Britannique ont deux ou trois « grands réseaux » connectés ou interconnectés. La résilience des bâtiments suppose que moins de capital sera investi dans des nouveaux réseaux ou dans d’autres priorités. Il est réellement question de compromis, et les gouvernements devraient faire preuve de flexibilité et collaborer avec le secteur sur l’approche à adopter.
Quatrièmement, accélérons les processus de délivrance des permis pour les infrastructures. Actuellement, au Canada, cela prend énormément de temps pour obtenir un permis, ce qui nuit aux progrès. Accélérer la délivrance des permis est plus économique, et nous permet en plus de construire davantage. La Colombie-Britannique a reconstruit l’autoroute de Coquihalla en un temps record, et c’est un bon exemple de ce qui peut être accompli si nous travaillons tous ensemble dans un environnement plus favorable. Une telle rapidité et une telle collaboration devraient être plus fréquentes.
Cinquièmement, alignons le financement des infrastructures mieux adaptées au climat sur la croissance de la population. En abordant la croissance de la population de pair avec les enjeux climatiques au moyen d’un financement coordonné, nous pouvons nous assurer que nos infrastructures seront toujours solides et bien adaptées et qu’elles répondront à nos besoins changeants et à nos collectivités qui s’agrandissent.
Merci beaucoup.
Le président : C’est maintenant au tour de M. Bonshor.
Michael Bonshor, administrateur délégué, First Nations Business Development Association : [Mots prononcés dans une langue autochtone]
Bonsoir à tous, où que vous soyez. Je m’appelle Michael Bonshor et je suis membre de la Première Nation Dzawada̱ʼenux̱w de Kingcome Inlet, en Colombie-Britannique. Je me trouve présentement sur le territoire ancestral non cédé de la nation Squamish.
J’ai été invité en tant qu’administrateur délégué de la First Nations Business Development Association, l’association de développement des affaires de la Colombie-Britannique ou, comme nous l’appelons, la FNBDA, que nous avons lancée concrètement en 2020, au début de la pandémie. Les membres de notre association font partie de sociétés de développement; il s’agit donc d’entreprises des Premières Nations qui sont détenues par au moins une Première Nation de la Colombie-Britannique. Notre association compte presque 50 membres, qui représentent près de 100 Premières Nations de la province. Certaines de nos entreprises membres appartiennent à plus d’une nation. Notre objectif est de soutenir nos membres, de défendre leurs intérêts et de leur ouvrir des débouchés tout en favorisant la participation représentative des Premières Nations de la Colombie-Britannique à l’économie de la province.
Pour ce qui est des changements climatiques et de leurs conséquences, nous avons effectivement été victimes récemment des événements qu’a racontés Mme Anderson — les inondations en 2021, la saison de feux de forêt, qui commence à être un événement annuel et qui semble se prolonger d’une année à l’autre —, et ils ont eu des effets dévastateurs sur nos membres propriétaires d’une entreprise. Je dirais que ces Premières Nations sont plus touchées par les changements climatiques, et ce, de différentes façons. Les changements climatiques ont une incidence sur notre gagne-pain, notre situation économique et notre santé, mais ils ont d’autres conséquences et affectent par exemple notre sécurité alimentaire. Tous ces enjeux sont des plus importants pour nos membres ainsi que pour les Premières Nations de toute la province.
Nous cherchons à devenir des joueurs plus importants au sein de l’économie provinciale, mais nous savons aussi que notre économie change et que, parfois, c’est par nécessité. Traditionnellement, bon nombre de nos membres évoluaient dans le secteur des ressources naturelles, comme la foresterie et les pêches. Les conséquences du climat sont un des facteurs qui contribuent au déclin de ces secteurs, et nos collectivités et nos membres, partout dans la province, doivent donc se réinventer pendant que l’économie provinciale s’adapte elle aussi. C’est l’une des choses sur lesquelles nous travaillons, à la FNBDA.
Je vais en rester là. J’ai hâte de répondre à vos questions et je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de participer au débat.
Le président : C’est maintenant au tour de Mme Mitchell.
Alex Mitchell, directrice générale, Abbotsford Chamber of Commerce : Merci beaucoup, honorables sénateurs et sénatrices. C’est un réel privilège de représenter ici la chambre de commerce d’Abbotsford et de parler au nom de nos quelque 700 membres du milieu des affaires diversifié d’Abbotsford, l’une des collectivités qui grandit le plus rapidement au Canada. Les membres de notre collectivité sont honorés de vivre et de travailler sur le territoire traditionnel des gens qui parlent le halq’eméylem, le peuple Stó:lo.
Nos membres sont des entreprises de différentes tailles et de tous les secteurs, et il y en a parmi eux qui comptent sur des infrastructures clés, comme la Transcanadienne, pour la circulation des biens et des personnes non seulement dans la vallée du Fraser, mais aussi à partir de cette vallée, puisque les marchandises partent d’Abbotsford pour se rendre au port du Grand Vancouver et ailleurs dans le monde.
J’ai deux priorités dont j’aimerais vous parler aujourd’hui. Tout d’abord, j’aimerais parler de l’incidence des infrastructures sur la connectivité de la région avec nos chaînes d’approvisionnement, et ensuite j’aimerais parler de l’importance d’Abbotsford pour la sécurité alimentaire nationale et mondiale. Je note que ma collègue de la chambre de commerce du Grand Vancouver a fait d’excellents commentaires. Les miens concernent surtout Abbotsford.
Tout d’abord, pour ce qui est de la connectivité grâce aux corridors stratégiques, nous discutons des conséquences des changements climatiques sur les infrastructures de Vancouver, mais il ne faut pas oublier qu’Abbotsford est, géographiquement parlant, l’une des plus grandes collectivités de la Colombie-Britannique et qu’elle a une importance stratégique nationale et régionale. Abbotsford est une ville frontalière où passent divers réseaux ferroviaires et qui compte un aéroport international, lequel a une importance stratégique et augmente la capacité de la région au chapitre du transport aérien et de la circulation des biens.
Les événements climatiques extrêmes continuent d’avoir une incidence sur les infrastructures, et il n’est pas rare que la connectivité en souffre. Je vais parler plus précisément de l’autoroute 1, la Transcanadienne, qui demeure l’une des infrastructures clés qui nous relie au reste de la région. Nous savons que le tronçon de l’autoroute qui traverse Abbotsford et Chilliwack, en particulier, ne répond pas aux besoins actuels : 80 000 véhicules l’empruntent chaque jour, et nous savons qu’un événement météorologique important peut perturber ce corridor et créer une situation économique infernale pour notre province et notre pays. Nous l’avons bien vu durant les inondations dévastatrices de novembre 2021 : sa fermeture a entraîné des perturbations économiques monstrueuses. Lorsque les chaînes d’approvisionnement se sont arrêtées, environ 16,3 milliards de dollars en PIB qui sortaient du plus grand port au Canada — le port du Grand Vancouver — se sont vues coupées de l’accès à l’autre partie du Lower Mainland des jours durant.
L’autre élément dont j’aimerais vous parler est la conservation des terres agricoles pour assurer la sécurité alimentaire du Canada. Il est indiqué dans le récent rapport de la chambre de commerce d’Abbotsford sur les retombées économiques de l’agriculture que le secteur génère 3,83 milliards de dollars annuellement en activités économiques, et ce, uniquement pour Abbotsford. Puisque cette région affiche les revenus agricoles bruts les plus élevés au pays, la sécurité alimentaire du Canada dépend d’elle. Nous devons nous assurer de maintenir les infrastructures essentielles et garantir qu’elles sauront résister aux conséquences des changements climatiques, d’où le besoin pressant de nouveaux investissements dans les infrastructures d’atténuation des inondations.
Une petite station de service de Barrowtown est devenue un sujet de conversation dans tout le pays, en novembre 2021, tout comme les infrastructures de nos digues, et de nombreux Canadiens ont appris ce que les entreprises et les agriculteurs de la vallée du Fraser savent depuis des années : les infrastructures sont importantes pour la protection de la prairie Sumas et du secteur agricole, qui nourrissent tant de Canadiens et de Canadiennes.
Je m’en voudrais de ne pas parler de la résilience de la collectivité et des rivières atmosphériques, puisque la collectivité a dû s’organiser rapidement pour atténuer les conséquences de cet événement sur les agriculteurs et surmonter les dangers immédiats. Grâce au fonds de secours aux victimes de catastrophes d’Abbotsford, la chambre, ainsi que de nombreux partenaires de la collectivité, ont réagi rapidement pour verser un financement d’urgence aux entreprises et aux agriculteurs. Cependant, la collectivité se demande toujours : Qu’arrivera-t-il lorsque d’autres événements se produiront? Qu’arrivera-t-il la prochaine fois?
Nous devons nous assurer que nos infrastructures essentielles restent ouvertes et accessibles malgré les changements climatiques et nous devons construire davantage d’infrastructures résistantes pour contrer les conséquences des changements climatiques, et nous pouvons le faire à l’aide d’une stratégie nationale en matière d’infrastructure.
Nous vous remercions du fond du cœur de nous avoir donné l’occasion de participer aux travaux de votre comité. Toute évaluation des conséquences des changements climatiques sur les infrastructures essentielles doit tenir compte de la connectivité avec les corridors stratégiques comme celui d’Abbotsford, et il faut aussi comprendre que les infrastructures d’atténuation des inondations sont essentielles à la sécurité alimentaire nationale et à la conservation des terres agricoles les plus productives du Canada. Merci.
Le président : Merci.
La sénatrice Simons : Je tiens vraiment à remercier Mme Mitchell de nous avoir parlé de l’aéroport international d’Abbotsford, sujet que nous n’avons pas encore abordé. Lorsque les inondations, et la rivière atmosphérique, ont atteint la prairie Sumas, il y a un an ou deux, je sais que beaucoup de terres agricoles d’Abbotsford ont été inondées, mais pouvez‑vous me dire si l’aéroport avait été exposé à un risque à un moment ou à un autre et quelle est la distance qui le sépare de la plaine inondée?
Mme Mitchell : Merci de la question.
L’aéroport est très loin de la prairie Sumas, mais l’importance stratégique de l’aéroport d’Abbotsford, aussi connu sous le nom de YXX, tient au fait qu’il ajoute de la capacité à notre région. Il est utile pour la gestion des urgences et offre du soutien supplémentaire à toute la collectivité. L’aéroport n’a pas été touché directement, mais il est évident qu’il s’agit d’une infrastructure clé absolument essentielle.
La sénatrice Simons : Puisque des témoins nous ont dit que le magnifique aéroport de Vancouver n’est peut-être pas viable à long terme, on ne voudrait pas le remplacer par un autre aéroport qui serait potentiellement à risque. L’aéroport d’Abbotsford a-t-il les moyens de réagir si cela devait se produire?
Mme Mitchell : J’ajouterais, au sujet de YXX, qu’il sert vraiment de deuxième aéroport pour YVR. C’est une infrastructure essentielle. C’est également l’un des aéroports qui connaît la croissance la plus rapide au Canada. On continue d’en accroître la capacité, surtout pour les transporteurs à bas prix et des choses comme ça; il est donc essentiel que cette infrastructure clé soit accessible à l’ensemble de la province, et nous continuons d’insister sur la nécessité d’y investir davantage.
La sénatrice Simons : Ensuite, et je m’adresse à la Chambre de commerce du Grand Vancouver, il me semble que l’un des principaux défis liés à l’atténuation des inondations dans la vallée du bas Fraser tient au fait qu’il y a beaucoup de municipalités distinctes sur une superficie relativement petite. Combien de collectivités sont représentées par la Chambre de commerce du Grand Vancouver?
Mme Anderson : Merci de poser la question, sénatrice.
Vous avez raison. Il y a 21 municipalités dans la région du Grand Vancouver, et notre organisation compte environ 5 500 membres dans toute cette région; la diversité des industries et des secteurs est donc bien représentée. Nous représentons en effet les entreprises de toutes tailles, qu’il s’agisse des microentrepreneurs ou des plus grands employeurs de la région; nous avons donc un large éventail de membres et nous reflétons vraiment les priorités de toute la région.
La sénatrice Simons : Est-il difficile d’organiser quelque chose lorsqu’il y a près de deux douzaines de municipalités, qui ont chacune leur propre petit territoire et sont presque toutes vulnérables aux inondations?
Mme Anderson : Il y a bien sûr des défis, étant donné le nombre de municipalités et les différents processus de délivrance de permis qui sont en vigueur dans chacune des municipalités. L’un des meilleurs exemples que je pourrais utiliser, c’est lorsque nous avons adopté le covoiturage en Colombie-Britannique. Les 21 municipalités ont presque toutes adopté une approche différente, mais il y a dans cette région une volonté de travailler ensemble, tout particulièrement en temps de crise. Nous l’avons constaté en novembre 2021. C’était vraiment remarquable, la façon dont se sont passées la réparation de l’autoroute Coquihalla et la reprise de la circulation, et cela s’est fait très rapidement. Quand on veut, on peut. Vous pouvez voir qu’un grand nombre de municipalités, de maires et de conseillers doivent se réunir, particulièrement en temps de crise, pour travailler ensemble à la recherche de solutions.
La sénatrice Simons : Madame Anderson, j’ai une dernière question à vous poser. Il y a quelques années, une conférence des gens du secteur des chemins de fer d’intérêt local s’est tenue à Edmonton. Une conférencière de Vancouver a expliqué qu’il était extrêmement difficile de faire quoi que ce soit en raison du coût prohibitif des terres dans la région métropolitaine de Vancouver. Vous voulez construire une infrastructure de transport, mais il est presque impossible d’acheter un terrain. Elle a dit que des gens construisent des copropriétés à proximité des voies ferrées, et que les gens qui habitent ces copropriétés ont essayé de faire fermer les voies ferrées. Lorsqu’autant de personnes vivent dans un secteur en pleine croissance, où le nombre de logements est limité, à quel point est-il difficile de faire le regroupement de terres nécessaire pour parler de travaux d’atténuation des inondations ou d’amélioration de carrefours de transport?
Mme Anderson : Nous avons un problème de taille lorsqu’il est question des coûts dans cette région. Ce n’est pas une surprise pour quiconque connaît Vancouver. L’abordabilité touche les entreprises, les familles et les individus. Bien sûr, cela s’applique aux terrains, aussi, et au marché du logement.
Nous avons produit à l’automne un rapport sur la pénurie de terrains industriels, essentiels dans notre région. Nous avons constaté que, en seulement quatre ans environ, nous avons perdu autour de 500 millions de dollars de PIB au seul profit de Calgary. Le manque de terrains industriels à lui seul représente un problème important pour les entreprises qui essaient de croître.
Je prends également bonne note de votre question sur le regroupement de terrains en lien avec les besoins en matière de transport. Nous sommes limités par les montagnes, par l’océan et par la frontière. Nous avons une capacité limitée et un accès limité aux terres. Cela complique beaucoup les choses dans la province.
La sénatrice Simons : En tant que sénatrice de l’Alberta, je ne peux pas déplorer que vous ayez perdu de l’argent au profit de Calgary. Si vous aviez l’obligeance de transmettre une copie de ce rapport à notre greffier, cela pourrait nous être utile.
Mme Anderson : Je le ferai avec plaisir.
Le sénateur Quinn : Je vous remercie d’être parmi nous cet après-midi ou plutôt ce soir. Je trouve vos exposés très intéressants. Je suis un ancien membre du conseil d’administration de la chambre de commerce de ma ville natale, dans l’est.
Ma question concerne les relations et l’aéroport et le port de Vancouver. Vous représentez tous les trois des entreprises importantes dont les membres font des affaires en utilisant ces infrastructures, qui semblent être exposées à divers degrés de risque, si je puis dire, par rapport aux changements climatiques. En tant que représentants de chambres de commerce et d’une association commerciale des Premières Nations, dans quelle mesure communiquez-vous avec l’aéroport et le port? N’importe qui peut répondre en premier. J’aimerais vous entendre tous les trois.
Mme Anderson : Je vais répondre avec plaisir. Le port et YVR sont des partenaires incroyablement importants de la chambre de commerce du Grand Vancouver en tant qu’employeurs et grands moteurs économiques de notre région. Nous collaborons très étroitement avec ces deux organisations en ce qui concerne leurs priorités d’affaires et pour éduquer et mobiliser le public par le truchement de nos membres. Nous sommes régulièrement en contact avec des membres de ces organisations et nous les recevons régulièrement sur notre territoire pour qu’ils aient l’occasion d’établir des liens avec nos gens d’affaires.
Mme Mitchell : C’est avec plaisir que j’en parle. La situation est un peu différente à Abbotsford, du fait que l’aéroport international d’Abbotsford est une infrastructure qui appartient à la ville. Nous collaborons très étroitement avec notre municipalité et toutes les infrastructures municipales essentielles à notre communauté. Nous collaborons très étroitement pour diffuser l’information et nous assurer de faire connaître les besoins de nos membres et des entreprises locales à l’échelle de l’administration municipale, et les représentants municipaux participent souvent à nos discussions et à nos événements et parlent à nos membres des possibilités de développement, tout particulièrement à l’égard de l’aéroport.
M. Bonshor : Je vous remercie de la question. Du point de vue des Premières Nations, les relations que ces entités tissent et approfondissent avec les Premières Nations reposaient initialement sur l’obligation juridique de consulter les Premières Nations et, dans certains cas, de respecter leurs intérêts ou de tenir compte des répercussions sur leurs droits et titres. Ce genre de conversation relève principalement des gouvernements des Premières Nations eux-mêmes. Ces relations ont évolué au point où on a également commencé à parler de considérations économiques et socioéconomiques. Du simple point de vue d’une entreprise ou d’une société de développement, nous sommes en quelque sorte en retrait, du fait que nous pouvons collaborer avec la Musqueam Capital Corporation, mais c’est elle et sa société mère qui sont les plus directement concernées, compte tenu de leur situation.
Le sénateur Quinn : Aurais-je raison de présumer que vous tous, c’est-à-dire les trois organisations et les entreprises que vous représentez, dépendez grandement du bon fonctionnement de l’aéroport et du port? D’accord.
Cela dit, pourriez-vous nous parler de certaines de vos discussions stratégiques? Par exemple, un peu plus tôt, j’ai dit que certains des témoins précédents avaient émis des hypothèses sur l’élévation du niveau de la mer et son effet plus important sur l’aéroport que sur le port. Si l’aéroport disparaissait et devait être déplacé, quel genre de discussions stratégiques avez-vous, compte tenu des entreprises que vous représentez? Il y a 5 000 entreprises à Vancouver, je crois que vous avez dit qu’il y en a 700 à Abbotsford et je crois que vous avez dit, monsieur Bonshor, que 50 entreprises étaient liées à 100 Premières Nations. Puisque vous défendez les intérêts de ces entreprises, quel genre de discussions auriez-vous sur des stratégies à long terme si quelque chose arrivait à ces deux infrastructures essentielles, à cause des changements climatiques, et que leurs activités et, en fait, leur viabilité étaient touchées?
M. Bonshor : Notre point de vue est un peu différent à cet égard du fait que nous nous efforçons entre autres de permettre à nos membres et aux Premières Nations de la Colombie-Britannique de participer de façon plus équitable à l’économie de la province. L’un des moteurs de notre économie, ici, en Colombie-Britannique et dans tout le Canada, est le secteur de l’exportation et le secteur connexe du transport. Le fait est que la participation des Premières Nations exprimée en pourcentage des marchandises transportées et de la valeur des biens transportés ou exportés est minime. Notre participation au secteur de l’exportation est très limitée. Pour ce qui est des conversations stratégiques, nous en avons parlé avec le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. Je ne vais pas m’y attarder parce que vous n’êtes pas ici pour en apprendre à ce sujet, mais les gouvernements ne sont pas encore prêts à avoir ce genre de conversations stratégiques reflétant la réconciliation économique avec les Autochtones dans le but de régler ces questions.
Le sénateur Quinn : Merci.
Mme Mitchell : Les conversations stratégiques que nous avons avec les intervenants de notre aéroport portent sur les possibilités de développement économique du complexe aérospatial et aéronautique à proximité de l’aéroport, mais également, dans une optique plus stratégique, sur la manière dont l’aéroport sert de moteur économique pour la région et augmente la capacité de la Colombie-Britannique en matière de transport aérien. C’est un élément clé.
L’autre aspect dont je vais parler et qui est, une fois de plus, étroitement lié au secteur agricole prospère de notre communauté, concerne le fait que la chambre de commerce d’Abbotsford réclame haut et fort de nouveaux investissements dans les infrastructures d’atténuation des inondations, que nous jugeons essentielles. La sécurité alimentaire, dont j’ai parlé, est essentielle. Nous continuons à joindre notre voix à celle de tous ceux qui réclament la construction d’infrastructures supplémentaires pour assurer la viabilité à long terme des terres agricoles.
Mme Anderson : Nous avons une approche légèrement différente, compte tenu de nos partenariats avec le port et YVR. Les deux organisations sont étroitement liées à nos comités des politiques. Nous examinons la situation d’un point de vue global avec deux organisations qui sont des moteurs économiques pour la région. Nous pourrions avoir des discussions sur la façon d’attirer et de maintenir en poste des employés talentueux ou sur les infrastructures. Nous pourrions discuter d’une foule de choses.
Pour ce qui est de votre question concernant l’aéroport, ses retombées économiques sont de 20 milliards de dollars, il est donc un important moteur de l’économie de notre région. Prenons par exemple les perturbations des activités portuaires. J’ai témoigné, il y a quelque temps, devant un autre comité permanent, au sujet des répercussions du conflit de travail. Nous savons que, durant la courte durée du conflit, 10 milliards de dollars de biens ont été touchés. Si on pense au port ou à l’aéroport, une perturbation des activités pendant un grand nombre de jours aurait une incidence sur les travailleurs, sur l’économie et sur les entreprises locales. Cela aurait une incidence considérable.
Le sénateur Quinn : En ce qui concerne YVR, avant de poursuivre... Compte tenu de la fréquence et de l’intensité accrues des événements météorologiques et de tous les événements découlant du changement climatique, dans le pire des cas, il faudrait envisager de faire les investissements nécessaires pour faire ce qu’il faut faire pour que l’aéroport résiste aux changements climatiques pendant encore plusieurs décennies; certains ont parlé d’élever le niveau de l’aéroport, et d’autres, de mettre en place des systèmes de digues et ainsi de suite. Une fois que ces solutions seront examinées et que l’on comprendra mieux les facteurs liés aux coûts, s’il y avait un plan B, l’aéroport d’Abbotsford pourrait-il servir d’aéroport régional? Pour faire suite à ce que disait la sénatrice Simons, peut-on faire des investissements pour desservir le Lower Mainland de manière à fournir les services actuellement offerts par YVR, en cas de besoin, en raison des coûts liés aux mesures préventives qui pourraient être nécessaires? Madame Mitchell, je vous pose la question.
Mme Mitchell : Il faut faire d’autres investissements dans YXX, étant donné que c’est un moteur économique. Au bout du compte, renforcer les capacités de YXX rend plus résilient l’ensemble de notre système de transport. Pour ce qui est de savoir s’il pourrait servir d’aéroport de substitution, je ne vais pas répondre directement à la question, mais je dirais qu’il est extrêmement utile de continuer à faire ces investissements, pour soutenir la croissance économique au sud du Fraser. Il est fondamentalement nécessaire de faire davantage d’investissements afin de renforcer les capacités de YXX.
Le sénateur Quinn : Merci d’avoir répondu avec autant de diplomatie, et désolé d’avoir posé une question directe. Ce que je vais retenir de ça, c’est que, oui, c’est une chose qu’il faudra prendre en considération, d’ici 10 ou 20 ans, lorsque nous voudrons examiner les dépenses par rapport à d’autres approches. Je vais en rester-là. Je comprends votre réponse. Merci.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Ma question s’adressera à Mme Anderson. Vous avez organisé une rencontre, en novembre 2023, et c’était, d’après ce que je comprends, un panel de discussion avec le Port de Vancouver.
Très concrètement, avez-vous parlé des dangers d’inondations et des risques qui seraient courus dans le cas où ce port ne fonctionnerait plus? Êtes-vous satisfaite ou non des efforts de préparation qui sont déployés par le port pour faire face aux conséquences du changement climatique? Vous avez parlé, dans votre introduction, de « lenteur »; je ne sais pas si c’était en relation avec cela. Par contre, j’aimerais connaître votre point de vue là-dessus, étant donné que vous avez beaucoup de gens d’affaires dans votre organisation.
[Traduction]
Mme Anderson : Je me souviens de cette rencontre. Vous vous souvenez probablement mieux que moi, sénatrice, si cette rencontre a eu lieu en novembre 2023. Le but de la rencontre était de réunir un certain nombre d’acteurs clés qui ont pris part aux interventions en réponse aux inondations de novembre 2021. Nous avons beaucoup discuté des leçons retenues et également de la nécessité de réunir des gens plus rapidement de façon que, si une autre crise de ce genre survient, les personnes présentes à la rencontre se connaîtront déjà et pourront connaître les points de vue des autres. Nous sommes contents qu’un bureau national de la chaîne d’approvisionnement ait été créé. Je crois que cette organisation serait mieux placée pour répondre aux questions. Nous avons surtout discuté des leçons retenues et de la manière dont nous pourrions collaborer en tant qu’intervenants de l’industrie pour parler au gouvernement de la nécessité d’élaborer une stratégie nationale sur la chaîne d’approvisionnement et de la résilience générale face aux changements climatiques.
La sénatrice Miville-Dechêne : Pourriez-vous préciser en quoi consisterait cette stratégie nationale sur la chaîne d’approvisionnement; de quoi s’agit-il? Que faut-il préparer, changer ou renforcer?
Mme Anderson : Certains de ces sujets sont débattus à l’heure actuelle. Nous parlons de la résilience de la chaîne d’approvisionnement, surtout face aux changements climatiques. Dans l’éventualité où d’autres feux de forêt ou d’autres inondations provoquent la fermeture complète de voies ferrées ou de routes, que pouvons-nous faire?
Pour ce qui est des inondations de novembre 2021, nous avons collaboré avec nos homologues des États-Unis, tout comme le gouvernement, pour nous assurer de l’ouverture de corridors de transport afin que les biens puissent circuler au sud de la frontière puis arriver en Colombie-Britannique de cette manière... Donc, l’efficience et l’efficacité des corridors de transport et, aussi, des mesures d’abordabilité.
Nous disons depuis longtemps qu’il faut investir dans les infrastructures. Il s’agirait d’adopter une approche à large assise au chapitre des infrastructures de la province en tenant compte du vieillissement des infrastructures et de la croissance sans précédent de la population que connaît la Colombie-Britannique. Dans la région du Grand Vancouver seulement, 70 000 personnes — ce qui équivaut à la population de la ville de Vancouver Nord — ont déménagé dans notre région l’an passé. C’est une croissance sans précédent de la population .
Une stratégie précise est nécessaire à l’échelle nationale si l’on veut faire ce qu’il est nécessaire de faire pour assurer la résilience maintenant et remédier aux problèmes d’infrastructure que l’on connaît à l’heure actuelle. La Ville de Vancouver à elle seule accuse un déficit de 500 millions de dollars au chapitre des infrastructures, auquel elle doit faire face chaque année, donc il faut comprendre qu’il y a actuellement des déficits dont il faut pouvoir se débarrasser et également comprendre que nous tentons de construire en visant la résilience en cas d’éventuelles crises liées aux changements climatiques.
La sénatrice Miville-Dechêne : Pouvez-vous nous dire ce que vous entendez quand vous parlez de renforcer les infrastructures? Cela concerne-t-il seulement les infrastructures ou y a-t-il d’autres lacunes qu’il conviendrait de combler en premier?
Mme Anderson : Il vous faudrait probablement poser la question aux municipalités. Nous pouvons dresser pour vous une liste plus précise et vous l’envoyer à titre de suivi.
J’ai entendu le dernier groupe de témoins parler de l’usine d’épuration des eaux usées, à Iona, un projet de 10 milliards de dollars. Ce projet à lui seul, dans la région, deviendra une infrastructure essentielle et nécessaire pour moderniser ces installations.
Lorsqu’il est question de l’ensemble des infrastructures, cela en dépend, vraiment. Cela concerne les routes, les voies ferrées et les ponts, et nous devons vraiment nous assurer de garder opérationnel le corridor de transport dont dépend la chaîne d’approvisionnement. Il s’agit de combler les lacunes actuelles, mais également de nous assurer que le corridor est viable et ouvert dans l’éventualité probable où d’autres feux de forêt ou inondations surviennent.
La sénatrice Clement : Je remercie tous les témoins.
J’aimerais poser une question pour faire suite à ce que Mme Mitchell a dit. Qu’arrivera-t-il la prochaine fois? Nous sommes très bons pour gérer les crises. Nous le sommes vraiment. Nous sommes toujours étonnés. Nous voyons à la télévision des communautés se réunir, et c’est toujours remarquable. Parfois, je crois que notre point faible est la planification à long terme et les communications nécessaires pour y parvenir. Cela m’inquiète. Madame Mitchell, vous avez dit que, lorsque vous parlez aux membres de la communauté sur le terrain, ils demandent : « Qu’arrivera-t-il la prochaine fois? » Que veulent-ils? Vous avez parlé de stratégies nationales. Vous avez tous parlé d’établir des relations, des réseaux et des liens. Que doit-on faire, selon la communauté, pour qu’elle ait la conviction que la prochaine fois, on va s’en occuper, et la fois suivante et la fois d’après?
Mme Mitchell : Merci beaucoup, sénatrice, d’avoir posé la question.
La principale chose que nous disent nos agriculteurs et nos entreprises, surtout dans la prairie Sumas, c’est qu’ils souhaitent que des investissements soient faits pour moderniser le système de digues, les composantes de l’infrastructure d’atténuation des inondations qui assureront la viabilité à long terme de la prairie Sumas, qui comprend certaines des terres agricoles les plus productives du Canada. Cette région est essentielle, et, si elle perd sa capacité de production, cela nuira considérablement à notre sécurité alimentaire nationale; il s’agit donc de voir à ce que des investissements soient faits.
Un autre sujet qui revient constamment sur le tapis — nous n’arrêtons pas de le dire —, c’est l’autoroute 1. Il s’agit de prolonger l’autoroute et d’en faire une priorité, puisque c’est une route commerciale essentielle qui relie la vallée du Fraser et le port de la région métropolitaine de Vancouver. Il faut donc des investissements dans l’autoroute 1 et dans l’amélioration des infrastructures d’atténuation des inondations comme notre système de digues.
La sénatrice Clement : D’autres témoins ont-ils quelque chose à ajouter? J’ai entendu quelqu’un dire que nous ne sommes pas tout à fait prêts. Que voulait-on dire par là? Vous pourriez peut-être nous en dire plus à ce sujet.
M. Bonshor : Je parlais de la relation que les gouvernements fédéral et provincial s’efforcent d’établir avec les Premières Nations et de la mise en œuvre de différentes dispositions législatives liées à la DNUDPA.
Je voulais seulement faire quelques brefs commentaires sur les dernières questions qui concernent les besoins, l’avenir, les solutions et ainsi de suite.
L’industrie et le gouvernement ont, sans doute, pour premier réflexe de trouver une manière de construire des digues plus élevées ou de construire un mur plus imposant. Si nous cherchons des solutions pour les décennies à venir, nous devons tenir compte du fait que le port ou l’aéroport — surtout le port — sont les deux bouts de notre structure économique. Nous devons faire des liens pour comprendre comment nous avons, collectivement — à l’échelle provinciale, à l’échelle fédérale et peut-être même dans le monde entier —, intégré nos activités commerciales dans nos économies, parce que les catastrophes climatiques que nous vivons maintenant chaque année en sont l’une des conséquences. Il faut avoir ces conversations, et il faut aussi parler d’autres investissements dans les infrastructures qui protègent nos actifs des répercussions environnementales, parler de la manière dont nous exploitons les terres pour stimuler notre économie et de l’incidence que cela a sur notre climat et notre environnement.
Je suis conscient que nous ne sommes pas actuellement en période électorale, mais, puisqu’il est question de la détérioration de notre environnement qui s’est produite en quelques générations et qui nous a menés là où nous en sommes, nous devons avoir ces conversations avec nos communautés. C’est que les propriétaires fonciers des Premières Nations ne vont nulle part. Ils ne vont pas déménager aux États-Unis ou à l’étranger. Ils sont où ils sont. Les effets des changements climatiques sur l’état de notre environnement sont, de ce point de vue, encore plus répandus et encore plus importants. Nous pouvons faire un lien, par exemple, entre l’ampleur des dommages causés par les feux et la manière dont nous avons, nous et les entreprises, récolté sur nos territoires les rondins qui finissent par se retrouver au port.
Je ne voudrais pas que nos solutions reposent uniquement sur les enjeux concernant les ports ou les aéroports; elles doivent aussi porter sur la manière dont nous envisageons l’économie dans son ensemble.
La sénatrice Clement : Vous pourriez, vous trois, nous aider à gérer le pays. Merci.
La sénatrice Simons : Je porte plusieurs chapeaux, et je suis entre autres vice-présidente du comité de l’agriculture; je suis donc consciente des préoccupations concernant la protection des terres agricoles. Je sais aussi que le système de réserves de terres agricoles de la Colombie-Britannique a été une source de controverses et de frictions. Pourriez-vous me dire — et peut‑être que cette question s’adresse à chacun de vous trois, qui avez des points de vue différents — si vous pensez que le système de réserves de terres agricoles rend plus difficile l’atténuation des inondations parce que l’on ne peut pas regrouper les terres nécessaires pour construire des digues, des barrages, des murs ou ce qu’il faut construire, ou qu’il ne faut pas s’en inquiéter?
Mme Anderson : Mon point de vue à ce sujet est fondé sur notre rapport sur les terrains industriels. Mme Mitchell a sans doute un point de vue davantage sur le terrain.
Dans le rapport que nous avons produit, nous avons calculé que, si seulement 1 % des terres était converti en terrains industriels — il n’est pas question seulement des réserves de terres agricoles, mais des terres en général —, nous pourrions créer 126 000 emplois et générer 8,5 milliards de dollars en revenus et 12 milliards de dollars en PIB. Nous reconnaissons donc que les contraintes liées à l’ensemble des terres ont une incidence importante sur l’économie.
Votre question sur les réserves de terres agricoles, toutefois, touche un sujet sensible dans notre province. La sécurité alimentaire est un facteur très important lorsqu’il est question de l’atténuation des inondations et des priorités agricoles. De notre côté, à la Chambre de commerce du Grand Vancouver, nous avons vivement recommandé au gouvernement provincial d’adopter une vision globale des terres et d’élaborer un plan d’aménagement du territoire, qui comprend les réserves des terres agricoles, les terrains à usage industriel, les terrains destinés à la construction de logements et les terres exploitées pour la sécurité alimentaire afin d’avoir un point de vue plus général.
Ma collègue d’Abbotsford a peut-être un point de vue différent sur le sujet.
Mme Mitchell : Merci beaucoup. Tout d’abord, il s’agit d’un rapport formidable.
Les conversations que nous avons à Abbotsford ont tendance à porter sur les terres agro-industrielles. Nous savons que de nombreuses parcelles de terrain qui se trouvent aujourd’hui dans les réserves de terres agricoles ne sont pas toujours les plus productives pour les besoins de l’agriculture. C’est ce dont nous continuons à parler; il est question d’accroître la capacité de transformation des aliments et la durée de vie de l’agriculture et du secteur agricole de notre communauté. C’est là-dessus que nous devons nous concentrer lorsqu’il est question des réserves de terres agricoles et cela fait partie des défis auxquels nous faisons face à l’heure actuelle. En fin de compte, il est essentiel de préserver les terres agricoles productives, et nous croyons qu’il faut en faire une priorité en investissant dans ce genre d’infrastructure, mais qu’il faut également ouvrir le débat sur la transformation agro-industrielle et alimentaire dans notre communauté.
M. Bonshor : Ici, en Colombie-Britannique, pendant que le gouvernement suit le processus de la DNUDPA, il envisage de modifier des dispositions législatives qui ne cadrent pas avec la DNUDPA. Parmi les dispositions législatives qui ont récemment fait les manchettes, il y en a une qui concerne la loi sur les terres et la possibilité de prendre des décisions relatives à l’utilisation des terres de concert avec les Premières Nations de la Colombie-Britannique. Je ne sais pas exactement où les réserves de terres agricoles entrent en jeu, dans ce contexte, mais il en sera question, et peut-être que cela revient à ce que Mme Anderson disait sur le fait qu’il faut prendre des décisions sur l’utilisation des terres de façon plus globale et en tenant compte de multiples facteurs.
De notre point de vue, les conseils et l’orientation que les Premières Nations nous donneront seront tout à fait intégrés dans les dispositions législatives provinciales. Du point de vue communautaire et du développement économique, les collectivités et les propriétaires fonciers souffrent du manque de terres et de la pénurie ressources avec lesquelles faire des affaires. Dans certains cas, des terres qui se trouvaient anciennement dans des réserves de terres agricoles présentaient des possibilités économiques. Je veux simplement souligner qu’il s’agit d’un système imparfait, qu’il faut mieux intégrer tous les éléments nécessaires si l’on veut qu’un organisme ou une institution responsable des réserves de terres agricoles soit pertinent à l’époque où nous vivons.
La sénatrice Simons : Merci beaucoup à vous trois.
Le président : Avez-vous d’autres questions à poser, chers collègues?
Puisque plus personne n’a de questions, j’aimerais, au nom du comité, remercier nos témoins d’avoir été ici, parmi nous, ce soir et d’avoir répondu à toutes nos questions. Nous vous en sommes très reconnaissants. Merci.
(La séance est levée.)