LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES TRANSPORTS ET DES COMMUNICATIONS
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mardi 13 février 2024
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd’hui, à 9 h 2 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier l’incidence des changements climatiques sur les infrastructures essentielles dans les secteurs des transports et des communications et les répercussions corrélatives sur leurs interdépendances.
La sénatrice Julie Miville-Dechêne (vice-présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La vice-présidente : Bonjour, honorables sénatrices et sénateurs. Je m’appelle Julie Miville-Dechêne, je suis une sénatrice du Québec et je suis vice-présidente de ce comité. Je voudrais inviter mes collègues à se présenter, en commençant par ma droite.
[Traduction]
La sénatrice Dasko : Donna Dasko, sénatrice de l’Ontario.
Le sénateur Quinn : Jim Quinn, Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Clement : Bernadette Clement, Ontario.
Le sénateur Cardozo : Andrew Cardozo de l’Ontario.
La sénatrice Simons : Paula Simons, Alberta, du territoire du Traité no 6.
La vice-présidente : Nous poursuivons aujourd’hui notre étude sur l’incidence des changements climatiques sur les infrastructures essentielles dans les secteurs des transports et des communications, ainsi que notre étude de l’infrastructure dans la région de Vancouver. C’est notre dernière réunion sur cette étude de cas. Pour notre premier groupe de témoins, nous avons le plaisir d’accueillir par vidéoconférence Kate Moran, présidente-directrice générale, Ocean Networks Canada; Vanessa Lueck, chercheuse en résidence, projet Living with Water, Pacific Institute for Climate Solutions, Université de Victoria; et Stephanie Chang, professeure, School of Community and Regional Planning et Institute for Resources, Environment and Sustainability, Université de la Colombie-Britannique. Bienvenue à toutes.
[Français]
Merci de vous être joints à nous si tôt dans la matinée sur la côte Ouest. Nous sommes très conscients du décalage horaire. Le comité doit siéger à des heures particulières.
[Traduction]
Kate Moran, présidente-directrice générale, Ocean Networks Canada : Merci de l’invitation. Je m’adresse à vous par Zoom depuis les terres traditionnelles des peuples de langue lək̓ʷəŋən, les nations Songhees et Esquimalt. Les changements climatiques sont susceptibles d’avoir des répercussions sur les ports partout dans le monde, principalement en raison de l’élévation du niveau de la mer et des tempêtes extrêmes qui causent des ondes de tempête côtières, ce qui peut causer une perturbation temporaire ou à long terme du commerce qui aurait des répercussions sur l’économie canadienne. Les sites du port de Vancouver et ses routes de desserte dans la vallée du bas Fraser sont menacés par ces impacts climatiques. Le port a été proactif en investissant dans des approches durables qui aident à contrer les changements climatiques et en étudiant leurs répercussions afin de s’y adapter. Par exemple, le port participe à l’initiative Lower Mainland Flood Management Strategy du Conseil du bassin du Fraser, qui a mené des travaux d’évaluation des risques d’inondation du fleuve Fraser et d’autres répercussions côtières. Les risques d’inondation du fleuve Fraser sont beaucoup mieux circonscrits que ceux associés au niveau de la mer qui sont exacerbés par les ondes de tempête, et qui ont des répercussions sur les infrastructures des traversiers, les infrastructures portuaires et aéroportuaires, les réseaux de desserte et les opérations. Il faut donc investir dans des analyses détaillées des risques côtiers pour la côte sud-ouest de la Colombie-Britannique.
Malheureusement, ces analyses ne peuvent plus être d’emblée fondées uniquement sur des données historiques, en raison des principaux facteurs que sont l’élévation du niveau de la mer et les ondes de tempête, qui ne figurent pas dans les données historiques en raison des répercussions croissantes des changements climatiques. Par exemple, le taux d’élévation du niveau de la mer s’accélère; il a plus que doublé tout au long du XXe siècle, et cela va continuer. Cette élévation peut être attribuée à la fonte croissante des glaces terrestres qui se déversent dans l’océan. Le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat a conclu que la perte de glace était le facteur qui contribuait le plus à l’élévation du niveau de la mer au cours des dernières décennies et qu’elle continuera d’être un facteur important et peut-être non linéaire de l’élévation du niveau de la mer.
Les tempêtes sont également plus fréquentes et plus intenses en raison des changements climatiques, et la National Oceanic and Atmospheric Administration, la NOAA, estime que les inondations à marée haute sont de 300 à 900 % plus fréquentes qu’il y a 50 ans. Par conséquent, il est nécessaire de prévoir les répercussions de ces événements côtiers qui se feront clairement sentir à l’avenir. Pour ce faire, il faut des données de grande qualité et des efforts collectifs. Dans mon mémoire, j’explique la nécessité d’utiliser des modèles altimétriques numériques à haute résolution comme un élément fondamental des prévisions. Les modèles altimétriques numériques dans les zones côtières sont compliqués en raison de la nécessité de fusionner les données de différentes références du géoïde : la bathymétrie, la profondeur de l’eau et l’altitude topographique des terres. Ocean Networks Canada a parrainé des ateliers lors desquels nous avons fait venir des experts de la NOAA au Canada qui, dans le cadre de ce travail, ont partagé leurs connaissances avec mon personnel, mais aussi avec des experts fédéraux, provinciaux et locaux. Cela a permis d’accroître les connaissances au Canada afin que des modèles altimétriques numériques puissent être créés et améliorés dans nos régions les plus vulnérables à l’élévation du niveau de la mer. C’est un travail d’équipe qui a permis d’élaborer le modèle altimétrique numérique que j’ai présenté et qui a été utilisé par des experts de notre région pour les prévisions des ondes de tempête côtières réalisées par l’Université de la Colombie-Britannique et Pêches et Océans Canada, mais aussi pour prévoir les inondations provoquées par les tsunamis, avec l’élévation du niveau de la mer. Mais ces résultats ne sont pas figés parce que le niveau de la mer continue d’augmenter et que les caractéristiques des tempêtes côtières sont susceptibles de s’aggraver. Par conséquent, la prévision des scénarios d’inondation doit être effectuée régulièrement à mesure que de nouvelles observations de ces répercussions sont faites. Ces prévisions sont au cœur des évaluations des risques qui peuvent ensuite être comparées aux mesures prises par les exploitants pour renforcer les infrastructures et protéger les côtes.
À un moment donné, les risques peuvent augmenter au point où des mesures de repli ou de délocalisation peuvent être nécessaires. Merci.
[Français]
La vice-présidente : Merci beaucoup. Je donne la parole à Mme Vanessa Lueck pendant cinq minutes.
[Traduction]
Vanessa Lueck, chercheuse en résidence, projet Living with Water, Pacific Institute for Climate Solutions, Université de Victoria, à titre personnel : Bonjour, mesdames et messieurs les membres du Comité permanent des transports et des communications. Je vous remercie de me donner l’occasion de témoigner. Je vous parle depuis ce qui s’appelle maintenant Victoria, sur les territoires non cédés des peuples Lək̓ʷəŋən et W̱SÁNEĆ. Je codirige le projet du Theme Partnership intitulé Living with Water sur la gouvernance des inondations. Je me concentre sur la gouvernance, les interrelations et l’équité en matière de justice, la diversité et l’inclusion dans l’adaptation aux changements climatiques. Le projet Living with Water consiste essentiellement à penser différemment les inondations et l’élévation du niveau de la mer. Living with Water tient compte du fait que l’élévation du niveau de la mer, l’augmentation des précipitations, les inondations fluviales et les problèmes de drainage de l’eau ne sont qu’un début. Ainsi, le projet reconnaît et met en valeur divers points de vue et un panel de valeurs afin d’élargir les possibilités d’intervention en cas d’inondation, avec notamment le maintien et l’amélioration de solutions aux inondations axées sur la nature, la gestion des délocalisations si elles sont nécessaires ou souhaitées et la gouvernance participative et collaborative. Dans tous ces domaines, Living with Water reconnaît les liens entre la gouvernance, l’infrastructure de protection contre les inondations, la dimension humaine et le monde naturel qui nous entoure. Je vais parler de trois de ces éléments.
Premièrement, il y a une grande diversité de valeurs et de points de vue dans les collectivités entourant le port et l’aéroport international de Vancouver. Il est important de reconnaître ces perspectives locales et de les faire participer pour réussir l’adaptation.
Deuxièmement, les solutions fondées sur la nature sont des facteurs pertinents pour les infrastructures économiques clés, surtout pour éviter des conséquences imprévues, permettre la réconciliation, soutenir le rétablissement de la biodiversité et établir des liens avec les collectivités locales.
Enfin, les structures de gouvernance sont essentielles. Comme on vous l’a déjà dit, l’élévation du niveau de la mer et d’autres mécanismes interreliés de gouvernance des inondations pour le port et l’aéroport se chevauchent, sont divisés entre les administrations et, en général, ne font pas l’objet d’une coordination; toutefois, il existe des possibilités de collaboration dans la vallée du bas Fraser, en Colombie-Britannique, que le gouvernement fédéral pourrait appuyer.
Deux de ces possibilités sont liées à Living with Water et une autre rassemble plusieurs participants, y compris Living with Water. La Living Dike Roundtable, qui a été créée sur mesure, a réuni des intervenants au sujet de solutions de rechange en matière de protection contre les inondations et concernant la réconciliation à Boundary Bay. Cette baie est près de la frontière américaine, où passent la route 5 et le chemin de fer. Sans cette collaboration, la Ville de Surrey n’aurait pas été en mesure de diriger cette solution de pointe axée sur la nature. De même, la table ronde technique de Sturgeon Bank réunit — là encore, expressément dans ce but — des intervenants qui s’intéressent aux dépôts de sédiments le long de la côte de Richmond, dont on estime qu’ils contribuent au développement des marais salés, ce qui aidera à protéger la côte contre les inondations et à préserver l’habitat essentiel.
Enfin, la Lower Fraser Floodplains Coalition réunit de nombreux intervenants pour travailler sur le rétablissement après les inondations provoquées par l’épisode de rivière atmosphérique de novembre 2021 et la gestion des inondations à l’avenir. Il s’agit d’un autre groupe ad hoc.
Ces groupes réunissent divers ordres de gouvernement, divers gouvernements et divers acteurs privés et sans but lucratif, ce qui permet de dépasser les clivages et d’offrir un espace de coordination et de collaboration.
Le fait d’animer et d’intégrer ces groupes et le travail qu’ils font apporte des perspectives diverses et renforce ainsi la légitimité de l’adaptation aux inondations. Cela pourrait jouer un rôle considérable dans l’élaboration d’interventions pour le port et l’aéroport international de Vancouver. Quelle que soit la décision finale concernant l’amélioration, le déplacement et la protection de ces éléments d’infrastructure essentiels, sans légitimité, il y aura de graves problèmes. La prise en compte des valeurs et des points de vue locaux, l’élargissement des solutions possibles au-delà de l’infrastructure matérielle et l’animation de tables rondes de collaboration ou de structures de gouvernance de ce type amélioreraient non seulement la probabilité de réussite de l’adaptation, mais fourniraient également un exemple pour la gestion d’autres défis critiques comparables en matière de transport dans l’ensemble Canada.
Les concessions qui seront potentiellement nécessaires concernant l’adaptation aux inondations et à l’élévation du niveau de la mer pour le port et l’aéroport nécessiteront des décisions difficiles. Je vous demande d’envisager de faciliter, de financer ou d’intégrer les valeurs et les points de vue locaux, ainsi que les solutions non traditionnelles pour l’adaptation à l’élévation du niveau de la mer et aux inondations, et surtout d’appuyer la collaboration entre les nombreuses administrations concernées.
Tout cela nécessite du temps, du financement et du soutien, mais cela permet aussi d’offrir des solutions de pointe, des solutions qui seront plus largement acceptées et peut permettre d’entamer des discussions qui sont nécessaires pour anticiper le moment où le niveau de la mer aura tellement augmenté que notre infrastructure actuelle devra changer radicalement. Merci.
[Français]
La vice-présidente : Merci beaucoup. Je donne maintenant la parole à Mme Stephanie Chang pendant cinq minutes. Vous avez la parole.
[Traduction]
Stephanie Chang, professeure, School of Community and Regional Planning et Institute for Resources, Environment, and Sustainability, Université de la Colombie-Britannique, à titre personnel : Merci. Bonjour, madame la présidente, et bonjour aux membres du comité. Je vous remercie de me donner l’occasion d’être ici. Je me joins à vous aujourd’hui depuis Vancouver, sur le territoire traditionnel non cédé des nations Musqueam, Squamish et Tsleil-Waututh. Mes recherches portent sur le risque de catastrophe urbaine et la résilience. Dans le cadre de certains de ces travaux, j’ai étudié les transports et d’autres systèmes d’infrastructure en cas de catastrophes comme des inondations ou des tremblements de terre. Je crois comprendre que le comité souhaite en apprendre davantage sur mes recherches en lien aux changements climatiques et à l’infrastructure de transport dans la région de Vancouver. J’aimerais vous faire part de trois réflexions — trois de mes propres conclusions — tirées de la recherche sur cette question.
La première est tirée du rapport du Conseil des académies canadiennes de 2022 intitulé Bâtir un Canada résilient, qui portait sur la résilience aux catastrophes dans un contexte de changements climatiques. L’idée est qu’en réfléchissant à ce qui peut être fait pour réduire les risques et renforcer la résilience, il est utile de réfléchir systématiquement sous l’angle de la réduction des dangers, de l’exposition aux dangers et de la vulnérabilité aux dangers. Un danger est la probabilité qu’un événement comme une inondation se produise, l’exposition décrit les biens et les personnes susceptibles d’être inondées si cet événement se produisait et la vulnérabilité est la propension au sinistre si ces personnes ou ces biens étaient inondés.
Dans le cas d’un réseau de transport, la réduction du danger pourrait nécessiter la surélévation des digues pour protéger le réseau routier contre les inondations. La réduction de l’exposition pourrait signifier le réaménagement d’une route loin d’une plaine inondable, et la réduction de la vulnérabilité pourrait se traduire par la mise en place de systèmes d’alerte en cas d’inondation et de plans de communication en cas d’urgence, de sorte qu’au besoin, l’évacuation puisse se dérouler sans problème. Il y a de nombreuses façons d’aborder les répercussions des perturbations liées aux changements climatiques sur les systèmes de transport, ainsi que les répercussions des perturbations des transports sur les collectivités, et nous devons tenir compte de l’ensemble des approches.
La deuxième idée dont je vais vous faire part, c’est que les solutions peuvent comprendre le partage des connaissances et le renforcement des capacités, et cela se rapporte à certains des travaux que mon groupe de recherche a menés sur la plateforme Resilient Coasts Canada, ou Resilient-C pour faire court. Resilient-C est un outil en ligne gratuit qui aide les collectivités côtières à repérer d’autres collectivités côtières semblables en matière de vulnérabilité aux dangers, puis à déterminer les mesures qu’elles prennent pour gérer les dangers côtiers. Lorsque nous avons analysé les données pour les collectivités de la Colombie-Britannique, nous avons constaté que même si, en principe, la collectivité pouvait prendre de nombreuses mesures, en pratique, les endroits vulnérables semblables ont tendance à prendre des mesures semblables. Par exemple, les grands centres urbains sont plus susceptibles de recourir à la protection structurelle contre les inondations, tandis que les petites villes éloignées sont plus susceptibles de se fier à la réglementation sur l’utilisation des terres.
Cette approche générale, qui consiste à cerner et à partager les leçons apprises entre des collectivités vulnérables semblables, est également pertinente pour la vulnérabilité des transports liée aux changements climatiques.
Par exemple, en Colombie-Britannique, certaines collectivités côtières ou insulaires éloignées sont préoccupées par les risques de feux de forêt et élaborent des plans d’urgence pour évacuer, au besoin, par bateau. Leurs approches de planification pourraient être diffusées auprès d’autres collectivités côtières ou insulaires qui font également face à un risque de feux de forêt.
Troisièmement, la planification de la résilience en matière de transports doit tenir compte du fonctionnement du système de transport dans son ensemble. Je vais me concentrer sur l’exemple du transport maritime côtier. Ici, en Colombie-Britannique, de nombreuses collectivités côtières et insulaires dépendent presque entièrement du transport maritime pour l’approvisionnement en marchandises. L’île de Vancouver dépend du service de traversier pour 90 % de sa nourriture, et on estime que la ville de Victoria, sur l’île, dispose d’un approvisionnement alimentaire suffisant pour seulement trois jours. Metro Vancouver est une plaque tournante centrale pour l’expédition de marchandises vers ces collectivités côtières et insulaires, et je ne parle pas ici du port de Vancouver, mais des installations de BC Ferries et d’autres sociétés de transport maritime locales.
Donc, pour fonctionner, le système de transport repose non seulement sur les gares maritimes, mais aussi sur des navires spécialisés, des équipages formés et certifiés, des itinéraires réguliers, des règlements, sans parler des voies d’accès routières, des entrepôts, du camionnage et ainsi de suite. Donc, pour atténuer les répercussions potentielles de la perturbation des expéditions en cas de catastrophe, il faut comprendre comment le système fonctionne dans son entier, savoir où sont les vulnérabilités et repérer les possibilités de renforcement de la résilience.
Les systèmes de transport sont complexes. Ils fournissent des services essentiels et sont vulnérables aux perturbations lors de catastrophes. Bien que ces risques soient exacerbés par les changements climatiques, ils peuvent également être réduits grâce à des investissements proactifs et à une planification coordonnée. Merci.
[Français]
La vice-présidente : Merci beaucoup.
[Traduction]
Nous allons maintenant commencer la période des questions.
La sénatrice Simons : Je suis une fille des Prairies, alors je ne pense pas aux ondes de tempête océaniques, et jusqu’à maintenant, je pensais au problème de l’inondation des ports, de la gare maritime et de l’aéroport sous l’angle de l’élévation du niveau de la mer. Madame Moran, vous avez parlé des ondes de tempête, qui vont évidemment forcir à mesure que le niveau de la mer augmentera, d’ailleurs Mme Chang et vous-même avez mentionné la question des tremblements de terre — de toute évidence, les tremblements de terre et les tsunamis ne sont pas causés par les changements climatiques, mais il est clair que si le niveau de la mer monte et qu’un tremblement de terre produit une vague majeure, cette vague sera d’autant plus haute que le niveau de la mer augmente.
Madame Moran et madame Chang, pourriez-vous me dire à quel moment les ondes de tempête deviennent une menace sérieuse non seulement pour la vie humaine, mais aussi pour l’infrastructure? Il est assez troublant de penser que Victoria ne dispose que de trois jours de nourriture si les traversiers ne peuvent pas naviguer.
Madame Moran, pourquoi ne pas commencer par vous?
Mme Moran : Merci. Je pense qu’il est important de distinguer les tsunamis des ondes de tempête. On peut prévoir les inondations causées par le tsunami lié à un tremblement de terre au large de nos côtes. Par exemple, dans des endroits comme Boundary Bay, leur hauteur peut dépasser les quatre mètres. Nous devons donc nous préparer en cas d’urgence.
Je ne pense pas que nous en soyons rendus là pour les ondes de tempête. Si nous voulons examiner les ondes de tempête, il serait important de commencer à examiner certains des aspects mentionnés par Mme Chang et Mme Lueck. Il est essentiel de renforcer la résilience côtière contre les ondes de tempête.
Il y a un autre phénomène qui n’a pas encore été mentionné, et nous n’avons pas encore évalué les risques qu’il représente. Nous avons observé, dans notre observatoire, des événements appelés tsunamis météorologiques. Ce sont des tsunamis générés par de grosses tempêtes. C’est nouveau. Nous commençons tout juste à comprendre leurs répercussions. Il est peu probable que ces tsunamis météorologiques aient des répercussions sur le continent en raison de la protection que constitue l’île de Vancouver, mais ils pourraient toucher des régions comme Victoria et la côte ouest de l’île de Vancouver.
La sénatrice Simons : Cela va encore m’empêcher de dormir la nuit.
Madame Chang, qu’en pensez-vous?
Mme Chang : Oui, merci. Je pense que vous faites allusion à la question des dangers cumulés que représentent les tempêtes côtières, les ondes de tempête et le risque potentiel de tsunami. C’est un exemple d’interaction entre différents dangers. Il est vraiment important de garder cela à l’esprit. Il y a aussi de nombreux autres exemples, comme les feux de forêt et les inondations fluviales, ou d’autres types d’interactions.
Dans cette partie du pays, nous avons toujours à l’esprit la question des tsunamis et des tremblements de terre. Nous nous y préparons de bien des façons, mais chaque danger doit être envisagé de concert avec les autres.
Un exemple, qui a déjà été soulevé devant votre comité, je crois, est la question des systèmes de digues et de leur vulnérabilité aux tremblements de terre. C’est un problème bien connu. Il a été détecté, et la modernisation des digues dans cette région coûte cher, mais cela demeure un problème. Comme je l’ai dit tout à l’heure, nous devons comprendre les systèmes dans leur ensemble. Les digues en sont un exemple, mais les tsunamis et les ondes de tempête sont des exemples semblables.
Dans quelle mesure ces perturbations très graves sont-elles susceptibles de se produire et quelles pourraient être les répercussions, sur la vie des gens, sur l’économie et les chaînes d’approvisionnement, et ainsi de suite? Nous devons comprendre l’ampleur de ces répercussions, ainsi que les interventions potentielles et les façons de se préparer, que ce soit au moyen d’importants investissements en immobilisations ou de travaux d’ingénierie. À l’autre bout du spectre, quel niveau de préparation aux situations d’urgence pouvons-nous obtenir aujourd’hui à relativement peu de frais?
La sénatrice Simons : Madame Moran, vous avez dit qu’une onde de tempête pouvait atteindre quatre mètres en cas de tsunami. Que signifient ces quatre mètres? Quelles seraient les conséquences pour l’aéroport, le port de traversiers et le port de Vancouver?
Mme Moran : Les inondations auraient des répercussions sur les grandes infrastructures. C’est ce que nous constatons. Nous avons appliqué un scénario fondé sur une faille située dans une zone de subduction au large de nos côtes. Il y a 10 % de chances que cela se produise au cours des 50 prochaines années. Les inondations arriveraient par vagues. Il y aurait des inondations répétées pendant des heures.
Vous avez probablement vu d’autres endroits où des interventions d’urgence sont nécessaires en cas de tsunamis majeurs. Le bon côté des tsunamis, c’est qu’on a tendance à savoir qu’ils arrivent. Comme Mme Chang l’a mentionné, nous ressentirons le tremblement de terre, alors les gens seront conscients de l’arrivée du tsunami et pourront commencer à mettre en œuvre des mesures d’urgence avant que l’eau n’arrive. Nous pourrions donc protéger les gens et les infrastructures, et les exploitants pourraient mettre les gens en sécurité. Si, à l’avenir, nous avions une sorte de barrière de protection, comme c’est le cas dans d’autres grands ports du monde, cette protection pourrait être déployée. Un plan d’intervention d’urgence pourrait être mis en œuvre. Vancouver disposerait d’un délai d’alerte d’environ 25 minutes pour les vagues de tsunamis arrivant dans le sud de la mer des Salish.
La vice-présidente : Devrions-nous construire cette barrière de protection maintenant? Vous semblez dire que cela existe dans d’autres ports. Je sais que nous avons des digues, mais avons-nous besoin d’une installation de ce type? De quoi s’agit‑il exactement?
Mme Moran : Je suis à peu près certaine que le port de Rotterdam et, évidemment, la Tamise sont déjà protégés par des barrières. Je ne dis pas que ce sera nécessaire ici, mais c’est quelque chose qui devra toujours être sur la table si les événements extrêmes se poursuivent. C’est en tout cas une approche qui a été adoptée dans d’autres grands ports du monde.
La vice-présidente : Concrètement, cela signifie-t-il que tout le port est entouré d’une barrière?
Mme Moran : Ces barrières sont utilisées dans les endroits où l’eau devrait normalement entrer. En aval de Londres, évidemment, c’est la barrière de la Tamise. Mme Chang connaît beaucoup mieux que moi les systèmes de transport.
La vice-présidente : Je suis désolée, cela m’intéresse.
La sénatrice Dasko : Je vous remercie d’être parmi nous aujourd’hui.
Ma première question s’adresse à Mme Moran. Vous avez parlé de l’importance des prévisions et de la nécessité de mieux analyser ce phénomène. Nous avons tous grandi avec des prévisions météorologiques, bien sûr. Je voulais vous poser une question sur l’amélioration des prévisions météorologiques. Je suppose ou j’espère en tout cas que ce genre de prévision s’est amélioré au fil des ans et, bien sûr, les tempêtes font partie des prévisions météorologiques.
L’un des aspects des prévisions qui compte pour les gens, c’est de savoir combien de temps à l’avance elles sont exactes. Évidemment, prévoir un événement le jour même, ce n’est pas tout à fait la même chose que de pouvoir le faire bien à l’avance.
Pouvez-vous nous parler de l’amélioration des prévisions, qu’il s’agisse des prévisions météorologiques ou des autres phénomènes dont vous avez parlé? Vous venez à nouveau de parler des tsunamis.
Mme Moran : Je ne peux pas me prononcer en tant que météorologue, mais simplement comme passionnée de sciences. Je vais parler des ondes de tempête aux États-Unis. La National Oceanic and Atmospheric Association adopte la même approche ici au Canada. Les prévisions concernant les ondes de tempête sont maintenant de l’ordre de quelques jours. La prévision des ondes de tempête s’améliore. La situation continue de s’améliorer.
En revanche, ce que j’ai décrit dans mon exposé ne s’est pas du tout amélioré, à savoir les répercussions d’une onde de tempête sur l’infrastructure côtière. C’est ce qu’on appelle l’inondation; certains appellent cela le jet de rive. Nous ne savons pas exactement comment prévoir cela sans combiner la bathymétrie et la topographie.
Je vais vous donner un exemple clair de ce que j’entends par là. J’ai travaillé après coup sur le tsunami dans l’océan Indien. J’ai visité une île touchée par le tsunami. Je parle des tsunamis, mais les ondes de tempête provoquent des inondations comparables. À l’extrémité nord de l’île, il y a eu une inondation d’un mètre. À l’extrémité sud de l’île, il y a eu près de 20 mètres d’inondation, en raison de l’interaction de la bathymétrie avec la terre et de la manière dont cela a dirigé l’eau.
Nous n’avons pas ces données de référence à l’heure actuelle et nous ne sommes pas encore en mesure de combiner la bathymétrie et la topographie pour obtenir de bonnes prévisions des inondations. Nous savons que la tempête arrivera dans trois jours, mais nous devons être en mesure de mieux prévoir ce qui se produira dans le cadre de divers scénarios d’onde de tempête.
La sénatrice Dasko : Pensez-vous que la situation s’améliore? Faisons-nous des progrès dans ce domaine, ou est-il encore très nouveau, sans analyses ni mises à l’essai?
Mme Moran : Oui, les choses s’améliorent. J’ai présenté un modèle altimétrique numérique qui a été élaboré pour le Sud-Ouest de la Colombie-Britannique et qui est maintenant utilisé par de nombreuses personnes. Mon organisation a participé à l’élaboration de ce modèle. Je pense que la résolution est suffisante pour ces prévisions d’inondation, mais il est certain que nous devons le faire ailleurs au Canada.
Nous devons aussi continuellement utiliser ces modèles d’inondation à mesure que nous en apprenons davantage sur les caractéristiques de ces ondes de tempête, car elles changeront avec le temps.
La sénatrice Dasko : Merci.
Madame Chang, vous avez parlé de l’approvisionnement disponible pour l’île de Vancouver en cas d’urgence, soit trois jours de nourriture. Dans quelle mesure les organismes de transport sont-ils prêts à intervenir en cas d’urgence? Vous avez parlé de la complexité du réseau de transport. Il y a le transport public et la participation du secteur privé. Dans quelle mesure la préparation aux situations d’urgence a-t-elle progressé dans ce contexte?
Mme Chang : Merci beaucoup de cette question. Je vais m’appuyer sur quelques études que j’ai faites au sujet des perturbations du transport dans cette région. L’une de nos constatations porte justement là-dessus.
Le système est très compliqué, comme vous l’avez mentionné, et il fait intervenir de nombreux intervenants, y compris de nombreux ordres de gouvernement, mais aussi le secteur privé, comme BC Ferries, les sociétés de transport maritime, dont un bon nombre qui se spécialisent dans différents types de transport, auxquelles s’ajoutent toutes les sociétés de transport régulières, le camionnage et ainsi de suite. Nous avons notamment constaté qu’aucun de ces intervenants n’a une vision exhaustive du fonctionnement du système, de l’acheminement des biens de la vallée du bas Fraser à l’île de Vancouver, par exemple.
Nous nous sommes également penchés sur le carburant et les fournitures médicales d’urgence. Nous avons mené des entrevues et tenté de recueillir des données pour tous ces différents produits essentiels. Nous avons constaté que non seulement les systèmes sont compliqués, mais ils sont aussi très différents les uns des autres. Le système de transport des aliments, par exemple, est très différent du système de transport maritime du carburant. C’est donc aussi compliqué de ce point de vue. Comme je l’ai dit, personne n’a une vue d’ensemble de la situation.
Votre question portait sur la préparation aux situations d’urgence. Dans l’ensemble, nous avons constaté qu’il n’y avait pas de forum pour coordonner la planification d’urgence en cas de perturbations majeures de ce genre qui seraient susceptibles de toucher toute la région ainsi que les différents aspects du transport maritime. De plus, s’il s’agit d’un tremblement de terre, il y aura également beaucoup d’autres aspects à prendre en compte, en particulier les dommages, les pertes et ce genre de choses. C’est un problème très complexe.
Lorsque nous avons lancé le projet, nous pensions que l’expédition de marchandises s’accompagnerait d’un système de transport relativement simple. Il s’avère que ce n’est pas le cas. Même s’il y a relativement peu d’acteurs et d’organismes impliqués, le système lui-même est très compliqué. Il y a un manque d’information qui circule en douceur dans tout le système, de sorte que personne n’a de vision d’ensemble de celui-ci.
Votre question revient en réalité à demander s’il devrait y avoir une sorte de forum de coordination. Je suis absolument convaincue que c’est nécessaire.
La vice-présidente : Qui devrait être responsable de ce forum?
Mme Chang : Qui devrait en être responsable? C’est une question qui vient naturellement. Beaucoup de gens devraient y participer. Je ne peux pas dire qui devrait en être responsable, mais toutes les entités qui participent au transport au quotidien doivent participer. Je parle beaucoup du secteur privé. Les entreprises disposent des biens nécessaires, par exemple, les navires et les traversiers. Elles savent comment le système fonctionne. Elles savent quels navires peuvent accoster à quels terminaux et lesquels ne le peuvent pas. Elles possèdent d’autres navires qui ne sont pas utilisés régulièrement — par exemple, des barges — mais qui, en cas d’urgence, pourraient servir pour aider à accéder à des collectivités qui, autrement, pourraient être coupées du monde.
En résumé, les organisations qui s’occupent de l’expédition au jour le jour doivent également participer à la planification d’urgence. Le problème étant que ce n’est pas le cas.
La vice-présidente : Merci.
Mme Chang : Je suis désolée. Je ne sais pas qui devrait être responsable.
La vice-présidente : Je suis désolée de la question. Ce n’était peut-être pas approprié, mais je me demande toujours, lorsque nous disons qu’il y a un manque de coordination, qui devrait l’assurer. Étant donné que le secteur privé est très actif, vous dites qu’il devrait certainement y participer.
Merci beaucoup.
Le sénateur Quinn : Merci aux témoins d’être ici de bon matin et merci pour tout le travail que vous faites dans ce domaine particulier.
Je vais revenir un peu en arrière avant de poursuivre mes questions. Le dernier échange était important. Madame la vice-présidente, votre question sur la coordination était très pertinente. J’espère que les personnes qui font partie de la recherche...
La vice-présidente : Notre vaste auditoire ici, les gens qui nous écoutent.
Le sénateur Quinn : Oui. Les gens qui s’occupent de la recherche, des données et de ce genre de choses sont, d’une certaine façon, mieux informés. Vous voyez les choses de plus haut, si je peux m’exprimer ainsi, et vous regardez vers le bas pour voir ce qui se passe et qui est impliqué. Je vous encourage à vraiment réfléchir à qui devrait être responsable. Je pense que vous êtes bien placés pour faire des observations et des recommandations.
Ma question est liée à cela. Nous examinons les infrastructures de transport essentielles et les changements climatiques. Comme l’ont indiqué d’autres témoins, la fréquence et l’intensité des événements sont à la hausse, alors il ne s’agit pas d’une croissance linéaire. L’augmentation de la fréquence et de l’intensité suit une courbe ascendante.
Compte tenu du travail que vous faites et de la connaissance que vous avez des éléments d’infrastructure essentiels qui sont en cause, quels sont les plus à risque?
Deuxièmement, si un événement se produisait et que nous faisions le bilan, que recommanderiez-vous de faire maintenant pour être mieux préparés demain? On nous présente souvent des analyses rétrospectives et les gens disent que nous aurions dû faire ceci et cela. Je pose aujourd’hui une question de prospective. Que faut-il faire aujourd’hui pour être mieux préparés demain?
Il y a donc deux parties à ma question : premièrement, quelle infrastructure essentielle est la plus à risque? Deuxièmement, que faudrait-il faire aujourd’hui pour être mieux préparé pour demain? J’aimerais vous entendre toutes les trois. Merci.
La vice-présidente : Qui veut commencer? Madame Lueck, nous ne vous avons pas beaucoup entendue.
Mme Lueck : Je peux commencer. Je pense qu’une partie de l’infrastructure essentielle, ce sont les gens qui la gèrent et qui la font fonctionner. Je ne peux pas vous dire quels éléments matériels sont à risque, alors je vais laisser cela à mes collègues, mais l’un des plus grands défis, c’est la capacité de collaborer et de créer des espaces. Cela répondrait à votre question sur l’avenir, mais aussi sur le présent.
J’ai mentionné le caractère ad hoc des trois groupes dont j’ai parlé. L’un des problèmes, c’est que ces gens rassemblent ces groupes de leur propre chef. Il y a même des gens dans ces groupes qui donnent de leur temps bénévolement. Nous ne parlons pas de la digue de la baie Boundary en ce moment dans ce groupe, mais c’est un élément important pour le transport, auquel ces personnes consacrent leur temps.
En me basant sur mes propres recherches et mon travail au sein de Living with Water, je dirais que la facilitation, la construction, le soutien — cela pourrait être financier; il pourrait s’agir d’appels à financement; il pourrait aussi s’agir de recherche —, de ces types de collaboration entre les administrations sont essentiels pour l’avenir. Ils sont essentiels pour intervenir immédiatement, mais aussi pour assurer la protection et réagir à quelque chose comme une autre rivière atmosphérique de la taille de celle de 2021, par exemple, si cela devait se produire. Cet élément humain est crucial.
Le sénateur Quinn : Madame Lueck, je vous remercie de cette réponse.
Pour compléter, je vais revenir à la question posée par la vice-présidente.
Compte tenu de votre engagement auprès des gens — je suis d’accord, les gens sont extrêmement importants —, si vous deviez décider qui serait chargé de rassembler tous ces éléments, qui serait-ce? Le gouvernement fédéral ou le gouvernement provincial? L’administration portuaire? Qui rassemble les gens pour intervenir en cas d’urgence?
Mme Lueck : Je vais commencer par vous dire qui s’en occupe aujourd’hui. Différentes personnes sont concernées. Il y a des gens qui travaillent ensemble, ce qui est formidable, sauf que cela prend beaucoup plus de temps. Je pense que la réponse doit se faire à différents niveaux selon les sujets.
Pour ce qui est du transport maritime, si je comprends bien — je ne travaille pas dans le transport maritime —, c’est davantage lié à l’échelon fédéral. Peut-être a-t-il un rôle à jouer.
Pour ce qui est des digues, il faut se tourner vers la province. La province participe à l’initiative Living with Water et reconnaît une partie de ces problèmes.
De nombreuses municipalités ont aussi besoin d’un soutien de l’extérieur et d’une impulsion. Elles n’ont pas la capacité, même si elles ont la volonté. C’est un véritable défi pour Surrey, par exemple, avec qui nous travaillons.
Le sénateur Quinn : Merci. Madame Chang, qu’en pensez-vous?
Mme Chang : Oui. Pour revenir à la question de savoir qui devrait être responsable, je reprendrai en partie de ce que disait Mme Lueck, le problème de la perturbation potentielle du transport en cas de catastrophe dépasse la compétence d’une municipalité unique. Cela touche beaucoup de gens simultanément.
Le gouvernement provincial a un rôle à jouer. Comme c’est de toute façon le cas en situation d’urgence. Il assure, dans une certaine mesure, le soutien et la coordination.
Pour ce qui est de la préparation aux catastrophes de ce type, qui dépassent les limites d’une municipalité ou d’une administration, nous sommes face à un problème qui touche l’ensemble du système. La province semble être l’échelle logique.
Les gens qui sont sur place ont le savoir-faire et les connaissances locales des risques, des vulnérabilités, ils savent ce qui peut être fait et ainsi de suite. Il est vraiment important d’activer et de mettre en valeur cette capacité locale.
On entend souvent dire que les ressources sont limitées. C’est l’exemple d’un rôle que les municipalités pourraient confier à des ordres de gouvernement supérieurs.
Pour en revenir à votre question sur ce qui est le plus à risque et des recommandations que nous ferions après une catastrophe, étant donné qu’il s’agit d’un système très morcelé, je n’envisagerais pas les choses sous cet angle. Plutôt que de chercher ce qui est le plus à risque, il faut évaluer l’ensemble du système. Toutes les organisations concernées doivent examiner leurs propres installations et leurs propres activités pour déterminer quelles sont leurs vulnérabilités et ce qu’elles peuvent faire.
Il est important de réfléchir aux risques dans l’ensemble du système plutôt que de chercher un goulot d’étranglement unique. Je ne pense pas que nous le trouverions. Il y a de nombreuses vulnérabilités et de nombreuses façons de s’y attaquer. Il faudrait que beaucoup de gens participent à ce processus.
Le sénateur Quinn : Merci.
Mme Moran : Je suis d’accord avec Mme Chang. De toute évidence, la vallée du bas Fraser est à risque parce que son altitude est faible. Le système de transport comporte de nombreux éléments.
Pour ce qui est de savoir qui devrait être responsable, la Garde côtière canadienne gère les centres de sécurité maritime, à l’échelle nationale et locale. Si vous prenez la sécurité — le mot « sécurité » — par exemple, dans l’armée américaine à l’heure actuelle, et cela entre en vigueur dans l’armée canadienne, comprend les répercussions des changements climatiques. Il est important d’avoir cette discussion avec les entités qui sont déjà en place pour s’occuper de la sécurité associée au système maritime.
S’agissant du système maritime, la Garde côtière a un rôle important à jouer, puisqu’elle travaille en étroite collaboration avec Transports Canada. Il vaut la peine de se pencher là-dessus. Si vous n’avez pas déjà interrogé les responsables de ces centres de sécurité maritime, ce serait un aspect très important du travail que vous pouvez faire.
Le sénateur Quinn : Merci.
Le sénateur Cardozo : Ma première question s’adresse à Mme Chang et à Mme Moran.
Je pense aux ondes de tempête, et je pense à l’aéroport international de Vancouver. Je suis toujours frappé par le fait qu’il se trouve sur Sea Island. Je me demande si quelqu’un a réfléchi à ce nom à l’époque. Il est assez évocateur.
Nous avons une île sur laquelle la mer empiète. Nous avons des digues qui s’élèvent. À votre avis, ces digues seront-elles assez solides face aux ondes de tempête auxquelles nous sommes désormais confrontés et que nous prévoyons dans les années à venir?
Mme Chang : C’est une question technique à laquelle je n’ai pas de réponse satisfaisante. Je suis désolée.
Le sénateur Cardozo : Merci.
Mme Moran : Vous parlez de leurs caractéristiques géotechniques et de leur résistance aux ondes de tempête.
Les risques sont multiples, comme Mme Chang l’a déjà souligné, ces types de structures peuvent être touchés par des tremblements de terre. C’est un problème qu’il faut régler. Un expert de ce domaine pourrait mener une évaluation.
Le fait est que les digues peuvent être réparées et renforcées. C’est vraiment la façon de voir les choses : y a-t-il un problème? Peut-on le régler en renforçant les ouvrages? Je ne suis pas en mesure d’évaluer si c’est le cas aujourd’hui, sinon pour dire qu’ils sont vulnérables aux tremblements de terre.
Le sénateur Cardozo : La discussion que nous avons eue, qui était partielle, m’a donné l’impression que la construction de digues, ou la surélévation des digues existantes était davantage axée sur l’élévation du niveau de la mer. Je ne me souviens pas d’avoir abordé la question des ondes de tempête. Merci.
Madame Lueck, pouvez-vous nous parler du travail que vous faites en matière de diversité, d’équité et d’inclusion? Quels aspects abordez-vous dans ce domaine? J’ai une autre question plus générale sur la diversité, l’équité et l’inclusion. Il semble y avoir une résistance croissante dans le monde des affaires à l’égard des progrès réalisés en la matière. Il y a des rapports selon lesquels certaines sociétés ont cessé de prendre des mesures à cet égard et d’autres qui continuent de le faire, mais qui essaient de ne pas en parler. Pourriez-vous répondre à ces deux questions, s’il vous plaît?
Mme Lueck : Je vais commencer par la première question, au sujet du travail, et revenir à la deuxième question.
Dans le cadre du travail que nous accomplissons en matière de diversité, d’équité et d’inclusion, l’une des choses sur lesquelles nous mettons l’accent à Living with Water, c’est de placer les points de vue des Autochtones et des collectivités en premier, ou du moins de les mettre à l’avant-plan, et de reconnaître qu’ils jouent un rôle vraiment important.
Il y a plusieurs raisons à cela. L’une est liée à l’équité. Nous voulons une adaptation plus équitable, en reconnaissant que nous ne pouvons pas, dans un projet de quatre ans, en arriver à une adaptation complètement équitable. Nous nous concentrons là‑dessus dans le cadre de notre projet.
Cependant, il y a un autre élément qui est plus pratique à un certain niveau. Nous savons que les adaptations imposées d’en haut sont en général vouées à l’échec. L’adaptation est un processus fondé sur des valeurs, ainsi que sur ce que les gens valorisent, ce que sont leurs priorités et ce qui est important pour eux, ce qui est aussi fondé sur leurs valeurs.
Si les collectivités ne participent pas à leur adaptation, surtout lorsqu’il s’agit de certaines des formes les plus difficiles d’adaptation, comme le retrait géré, cette adaptation échouera. Nous nous intéressons aux adaptations réussies. C’est un autre élément de la diversité, de l’équité et de l’inclusion, la DEI, que nous examinons dans le cadre de notre projet.
En ce qui concerne la résistance du monde des affaires, j’ai été très surpris d’entendre cela. Je sais que cela se produit dans certaines régions. Je dois dire que puisque je suis un citoyen américain, je suis bien au courant de la résistance à tout ce qui a trait à la DEI à un niveau politique élevé. Toutefois, mon expérience de l’adaptation et de la collaboration avec des personnes qui souhaitent modifier les règles de la Securities and Exchange Commission des États-Unis, ou SEC, ou du Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques, ou GTIFCC, c’est que les gens disent que cette diversité accrue peut en fait aider et, en fait, améliorer les résultats financiers. Les gens commencent à le reconnaître et à l’accepter, mais pas nécessairement, comme vous l’avez dit, très publiquement. Je ne suis pas sûre de savoir comment vous aimeriez que j’en parle dans ce contexte.
Le sénateur Cardozo : Je me demande si, dans le cadre de votre travail, vous êtes confrontés à de la résistance de quelque source que ce soit.
Mme Lueck : Oui.
La vice-présidente : Nous allons peut-être en rester là.
Le sénateur Cardozo : J’aimerais en savoir plus.
La vice-présidente : Avez-vous quelque chose à ajouter?
Le sénateur Cardozo : Sans divulguer ce qui vous met mal à l’aise.
Mme Lueck : Je ne peux pas vous en dire beaucoup, car les gens qui nous ont parlé sont encore en poste. Il existe une règle appelée « le cône du silence » qui est appliquée dans certaines de nos réunions lorsque nous parlons de sujets précis. De plus, lorsque nous parlons de retrait géré, il s’agit d’un aspect qui pourrait avoir l’effet d’une bombe sur le plan politique. Je suis sûre que vous le savez tous. Je dois faire très attention à ce que je dis ici, mais je peux affirmer très certainement qu’il y a de la résistance.
Le sénateur Cardozo : Merci. Si je peux revenir à la première question...
La vice-présidente : Vous avez déjà eu sept minutes.
Le sénateur Cardozo : Me reste-t-il une minute?
La vice-présidente : Une minute.
Le sénateur Cardozo : Merci. Pour revenir à la première question, votre projet est sur l’île de Vancouver. Nous avons entendu plus tôt des gens qui traitent avec l’Administration portuaire de Vancouver Fraser dire qu’il y a plusieurs Premières Nations avec lesquelles l’administration portuaire traite et travaille. Est-ce le genre de travail que vous connaissez et que vous considérez comme important, en ce qui concerne la façon dont les ports interagissent avec les Premières Nations avec lesquelles ils cohabitent?
Mme Lueck : C’est extrêmement important. En fait, la plupart de nos projets concernent directement ou indirectement les Premières Nations. Nous travaillons surtout dans la vallée du bas Fraser, en Colombie-Britannique. Je vis et je travaille à Victoria.
Le sénateur Cardozo : Excellent. Merci beaucoup. Merci, madame la présidente, pour le temps supplémentaire.
La vice-présidente : Je vous en prie. C’était une question importante.
La sénatrice Simons : Lorsque nous avons commencé notre étude de cas de Vancouver, nous nous sommes concentrés principalement sur l’aéroport international de Vancouver et le port de Vancouver, mais je suis vraiment heureuse, parce que ces témoins ont soulevé une question très importante dont nous n’avions pas beaucoup parlé, à savoir le service de traversier, tant pour les passagers que pour les marchandises.
Madame Chang, pourrions-nous revenir à vous, car je crois que c’est vous qui en avez parlé en premier? Quelle est l’importance du réseau de traversiers pour la chaîne d’approvisionnement, tant pour les marchandises que pour les personnes? Pouvez-vous nous parler un peu des vulnérabilités propres aux ports de traversiers de Vancouver et à tous les autres endroits où les traversiers aboutissent?
Mme Chang : Oui. En ce qui concerne leur importance, ils sont essentiels. C’est essentiellement de cette façon que les gens et les marchandises se rendent à ces collectivités côtières et insulaires, et il y en a beaucoup. Il y a très peu d’autres moyens de s’y déplacer. En gros, ils sont indispensables dans cette partie du pays et il y a des systèmes semblables dans l’Est.
La sénatrice Simons : Sinon, il y aurait quoi, des hélicoptères qui largueraient des marchandises?
Mme Chang : Oui, et cela ne pourrait pas se faire à grande échelle, n’est-ce pas? Peut-être pour des fournitures médicales d’urgence extrêmement importantes ou quelque chose du genre, les gestionnaires des urgences à qui j’ai parlé ont envisagé des hélicoptères et même, selon la situation, des avions et des hydravions.
Dans le système de transport maritime, l’une des approches qui ont été évoquées consiste à utiliser des barges pour se rendre aux collectivités qui pourraient être isolées ou déconnectées pour diverses raisons en matière de transport. Les barges qui ne se rendent normalement pas à certains endroits pourraient, au besoin, le faire pour les approvisionner, mais il y a des limites.
Parmi les goulots d’étranglement auxquels nous ne pensons pas nécessairement immédiatement, mais qui sont réels, mentionnons par exemple l’utilisation accrue de barges pour approvisionner les endroits sur la côte qui seraient touchés par un tsunami ou une catastrophe du genre. Il y a un nombre limité de ces barges, et il faut prendre des dispositions et mettre en place une planification préalable pour disposer de ces barges sur place lors d’un événement important qui touche une grande partie de la côte. Il peut y avoir un besoin dans de nombreuses collectivités et une capacité très limitée de les aider.
Il y a toutes sortes de choses auxquelles il faut réfléchir à l’avance. Notamment, il y a eu des discussions pour déterminer si nous pouvons, au besoin, accéder à des navires qui se trouvent normalement dans l’État de Washington, par exemple. Nous partageons le même plan d’eau. Il y a toutes sortes de possibilités auxquelles on peut penser à l’avance, mais il faut les planifier pour travailler efficacement.
La sénatrice Simons : De toute évidence, s’il y a une énorme inondation causée par une tempête dans la vallée du bas Fraser, en Colombie-Britannique, cela va aussi toucher l’État de Washington. Ce n’est pas comme s’il s’agissait d’écosystèmes distincts.
Mme Chang : C’est exact, et c’est évidemment la même chose pour un tsunami. Cela toucherait absolument tout le littoral de la Colombie-Britannique et de l’État de Washington.
La vice-présidente : J’ai une brève question à poser avant d’en finir avec ce groupe de témoins. Madame Lueck, vous avez parlé de méthodes non traditionnelles. Je suis intriguée. En ce qui concerne les inondations et les tsunamis, quelles méthodes non traditionnelles, par opposition aux digues et aux barrages, pourraient aider à éviter les inondations?
Mme Lueck : Je vais en choisir une qui est actuellement utilisée. Elle est gérée par Force de la nature, qui réunit un groupe de compagnies d’assurances privées qui y investissent de l’argent. Ils font des dépôts de sédiments le long de la côte de Richmond, et c’est ce qu’on appelle le banc Sturgeon. S’il n’y a pas assez de temps maintenant, je pourrai vous envoyer plus tard de l’information à ce sujet.
Ils déposent des sédiments au large des côtes. Ensuite, les sédiments se déplacent naturellement vers le marais salé, ce qui le surélève. C’est la raison pour laquelle ils utilisent cette méthode à l’heure actuelle. Il s’agit d’un essai, d’un projet pilote, pour voir à quelle vitesse les marais salés augmenteront en altitude et à quel point la mesure sera efficace. Cela ne fait pas partie des lignes directrices canadiennes sur les solutions fondées sur la nature, qui seront publiées, je crois, en mars, j’espère, sous la direction d’Enda Murphy. C’est un projet qui pourrait avoir des répercussions importantes et qui serait également intéressant pour l’aéroport.
La vice-présidente : Nous aimerions recevoir de la documentation à ce sujet parce que, de toute évidence, nous nous concentrons sur le port et l’aéroport. Des marais seraient-ils possibles à cet endroit? C’est une question.
Merci. Notre temps est écoulé.
[Français]
Merci beaucoup, mesdames. J’ai été heureuse de voir que ce panel sur des questions techniques était entièrement féminin. Je vous remercie d’avoir été présentes.
Merci d’être là, mais avant de débuter, nous avons de la cuisine à faire. Je propose que, nonobstant la pratique habituelle et conformément à l’article 12-17 du Règlement, le comité soit autorisé à entendre des témoignages aujourd’hui en l’absence du quorum nécessaire et pourvu que deux membres du comité soient présents. Est-ce que j’ai l’accord du comité pour cette motion?
Oui? La motion est adoptée.
Honorables sénatrices et sénateurs, nous nous réunissons maintenant pour poursuivre notre étude sur l’incidence des changements climatiques sur les infrastructures des transports de la région de Vancouver. Aujourd’hui, nous terminons cette étude de cas sur la région de Vancouver avec vous, messieurs et mesdames.
[Traduction]
Pour notre deuxième groupe de témoins de ce matin, nous avons le plaisir d’accueillir Marc Brazeau, président-directeur général, Association des chemins de fer du Canada; Dave Earle, président-directeur général, Association du camionnage de la Colombie-Britannique; et Bonnie Gee, présidente, Chamber of Shipping.
Bienvenue et merci de vous joindre à nous. Nous allons commencer par les déclarations préliminaires de cinq minutes de M. Brazeau, suivi de M. Earle et de Mme Gee. Nous passerons ensuite aux questions des sénatrices et sénateurs.
Marc Brazeau, président-directeur général, Association des chemins de fer du Canada : Merci, madame la présidente. L’Association des chemins de fer du Canada est heureuse d’avoir l’occasion de comparaître une deuxième fois au sujet...
[Français]
La vice-présidente : On va devoir prendre une pause, on semble éprouver des pépins techniques.
(La séance est suspendue.)
(La séance reprend.)
La vice-présidente : Nous poursuivons avec M. Brazeau. La parole est à vous. Vous disposez de cinq minutes.
[Traduction]
M. Brazeau : L’Association des chemins de fer du Canada, ou ACFC, est heureuse d’avoir l’occasion de comparaître une deuxième fois sur ce sujet important. Depuis notre plus récente comparution dans le cadre de l’étude menée en avril 2022, nous avons tous clairement constaté le besoin d’infrastructures capables de résister aux changements climatiques. Qu’il s’agisse d’incendies, d’inondations, de glissements de terrains ou de froids extrêmes, les sociétés de chemins de fer et les cheminots ont relevé de nombreux défis avec dévouement et ingéniosité. Contrairement aux voies publiques, la plupart des infrastructures ferroviaires sont privées; les coûts d’entretien, de mise à niveau et de protection des infrastructures — des voies ferrées aux ponts et ponceaux — sont assumés par les chemins de fer. Au cours des 10 dernières années, les sociétés de chemins de fer ont investi plus de 21,5 milliards de dollars, soit près de 25 ¢ sur chaque dollar gagné, pour améliorer la sécurité, la fluidité et la résilience du réseau ferroviaire du Canada.
[Français]
Si le Canada veut mieux protéger l’infrastructure de transport contre les phénomènes climatiques, il doit s’assurer que son cadre politique et réglementaire permet et renforce ce type d’investissements. Ce sont les investissements et non les règlements préjudiciables comme l’interconnexion réglementée prolongée qui renforcent les chaînes d’approvisionnement et leur résilience au climat.
Le train est le mode de transport terrestre le plus écologique. Les chemins de fer du Canada sont au premier plan de l’innovation verte. Même s’ils transportent plus de la moitié des exportations du Canada et 380 milliards de dollars de marchandises chaque année, les chemins de fer représentent moins de 4 % des émissions du secteur des transports.
[Traduction]
Des locomotives à hydrogène du Canadien Pacifique Kansas City Limited, ou CPKC, au système interne d’économie de carburant de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, ou CN, en passant par le projet pilote sur le biodiésel à 100 % de la Southern Railway of British Columbia, ou SRY, et les logiciels d’intelligence artificielle pour réduire les émissions de VIA Rail, l’ensemble de l’industrie innove grandement pour réduire davantage les émissions. De même, il se fait beaucoup de travail pour prévoir les événements météorologiques, les prévenir et y réagir. Par exemple, l’Agawa Canyon Railroad de Watco, dans le Nord de l’Ontario, utilise des capteurs spécialisés de surveillance des inondations. Big Sky Rail en Saskatchewan utilise des lasers et des drones pour évaluer l’intégrité des ponts. La Quebec North Shore and Labrador Railway met à niveau son système de gestion des géorisques. La Keewatin Railway, qui appartient à des Autochtones et est administrée par eux, a déployé un outil numérique pour déterminer les améliorations qu’il est possible d’apporter à la conception des ponceaux. Chacun de ces projets a nécessité des investissements ferroviaires et a été appuyé par le Programme d’adaptation aux changements climatiques du réseau ferroviaire du gouvernement. Compte tenu de son succès et du besoin pressant d’accélérer l’innovation en prévision des événements et en réaction à ceux-ci, nous recommandons que l’enveloppe de financement passe à 10 millions de dollars par année. Lorsque nous parlons d’un environnement favorable à l’investissement, cela comprend l’abrogation de politiques qui étouffent l’investissement, comme la prolongation de l’interconnexion réglementée. Il faut aussi veiller à ce que les taux et les règles d’amortissement soient concurrentiels à l’échelle internationale et cohérents entre les différentes modes de transport.
[Français]
Pourquoi nos amis du secteur du camionnage, dont l’infrastructure est financée par les fonds publics, bénéficient-ils de taux d’amortissement plus favorables que le secteur ferroviaire, qui est quatre fois plus économe en carburant?
Ce déséquilibre de traitement entre les modes de transport est contraire à l’objectif que nous partageons avec le gouvernement, c’est-à-dire transporter plus de marchandises par train afin de réduire les émissions. Les chemins de fer recommandent un amortissement accéléré pour tous les membres de la chaîne d’approvisionnement. Les taux et les règles d’amortissement doivent à tout le moins être rééquilibrés pour encourager les investissements dans le secteur ferroviaire canadien.
[Traduction]
De plus, les gouvernements devraient adopter le modèle américain de crédit d’impôt pour l’entretien des chemins de fer d’intérêt local afin de faire en sorte que les chemins de fer d’intérêt local soient viables pour les clients qu’ils desservent et qu’ils puissent assurer leur avenir. La nécessité de soutenir les chemins de fer d’intérêt local canadiens est bien documentée dans le rapport Emerson de 2016. Vancouver est une plaque tournante essentielle pour les chemins de fer canadiens et une porte d’entrée vers le monde. La protection de son port et des corridors d’infrastructure connexes est essentielle pour les importateurs et les exportateurs canadiens. La région de Vancouver a toujours reçu plus que sa part de pluie, mais les événements récents sont plus préoccupants. Le grain, par exemple, n’est pas chargé des wagons aux navires par mauvais temps au port de Vancouver, et pourtant c’est exactement ce que font les ports concurrents de Seattle et de Portland. Il s’agit d’un goulot d’étranglement permanent et inutile dans la chaîne d’approvisionnement du grain au Canada. Selon le port de Vancouver, la résolution de ce problème libérerait environ 7 % de nouvelles capacités. C’est pourquoi nous recommandons des mesures fiscales, y compris l’amortissement accéléré, pour aider les exploitants de terminaux céréaliers à faire les investissements nécessaires pour éviter que les goulots d’étranglement au niveau du chargement du grain ne retardent les trains au port lorsqu’il pleut, et nous savons qu’il pleut beaucoup à Vancouver.
Si l’on se rapporte aux pluies historiques de 2021 dans la vallée du bas Fraser et à l’intérieur des terres, les membres de l’ACFC, y compris le CN, la CPKC et SRY Rail, ont réalisé une merveille d’ingénierie pour restaurer les voies emportées par les eaux, retirer les débris et remettre les trains en marche en quelques jours malgré des défis extrêmes. De tels événements exigent une coordination étroite entre les propriétaires d’infrastructures, les exploitants, les premiers intervenants et les représentants locaux. Il doit également y avoir une planification dès le départ pour réduire les risques de façon proactive et atténuer les répercussions climatiques potentielles. Merci.
[Français]
La vice-présidente : Merci, monsieur Brazeau.
[Traduction]
Nous allons maintenant entendre Dave Earle.
Dave Earle, président-directeur général, Association du camionnage de la Colombie-Britannique : Bonjour et merci de me donner l’occasion de vous rencontrer aujourd’hui. On ne saurait trop insister sur l’importance de l’industrie du transport commercial par camion au Canada. Le secteur des routes commerciales transporte bien au-delà de 95 % de tous les biens de consommation; pratiquement tout ce que le consommateur achète est transporté au dernier kilomètre, au premier kilomètre ou pour la totalité du parcours, à l’arrière d’un camion. L’Association du camionnage de la Colombie-Britannique est une association de transport routier provinciale, non partisane et sans but lucratif. Nos membres exploitent entre 13 000 et 14 000 véhicules, emploient plus de 26 000 personnes et génèrent environ 2 milliards de dollars de revenus par année en Colombie-Britannique. Un des piliers de notre mandat consiste à travailler à la décarbonation du secteur du transport commercial. Nous travaillons en étroite collaboration avec les fabricants d’équipement, tous les ordres de gouvernement, le milieu universitaire, les ONG et nos membres pour comprendre l’état d’avancement des efforts de décarbonation dans notre secteur. La semaine prochaine, nous tiendrons le plus grand salon des véhicules lourds à émission zéro jamais organisé au Canada. Au moment de la rédaction de cette lettre, le 9 février, nous comptons y accueillir 500 participants, et on m’informe qu’à compter d’hier, il y en aura même plus de 600.
Il y a beaucoup d’engouement et d’enthousiasme, mais malgré toute cette fébrilité, cet engagement et cette diligence, nous devons affirmer sans équivoque qu’il n’y a aucune possibilité que le transport commercial puisse même commencer à s’approcher de la cible de réduction des gaz à effet de serre, ou GES, fixée par le gouvernement. C’est littéralement impossible mathématiquement.
C’est pourquoi nous croyons que le travail de votre comité et son étude sont si importants alors que nous nous préparons à atténuer les effets inévitables et imminents des changements climatiques.
Par conséquent, notre première recommandation serait que tous les ordres de gouvernement reconnaissent publiquement que nous ne pouvons pas atteindre nos objectifs collectifs en matière de changements climatiques dans les délais prévus, ainsi que l’importance de travailler avec les collectivités pour atténuer les effets inévitables des changements climatiques.
Ces répercussions ont été bien illustrées par les inondations de novembre 2021. Du jour au lendemain, une série d’importantes tempêtes du Pacifique, conjuguées à des conditions météorologiques douces, mais pas inhabituelles, et à une accumulation hâtive de neige, ont entraîné la destruction massive de nos infrastructures. La vallée du bas Fraser abrite le plus grand port du Canada et plus de 50 % de la population de la Colombie-Britannique. Le réseau routier de la province relie la côte au reste de la province, au reste du Canada et au continent. Du jour au lendemain, nous avons perdu de 80 % à 90 % de notre capacité de transporter des marchandises. Du jour au lendemain, cette capacité a disparu.
Le lendemain matin, nous avons appris que toute la capacité avait disparu, à 100 %. Nous n’avons pas pu transporter de marchandises d’est en ouest en passant par le Canada.
Nous avions la possibilité de les faire passer par les États-Unis; c’est ce qu’on appelle des déplacements en transit. Nous avons constaté que, même avec les structures en place, ces déménagements prenaient de 8 à 12 heures de plus, et en raison des barrières douanières et des règles différentes pour le transport des marchandises, ces déplacements étaient possibles, mais ne pouvaient remplacer que de 200 à 300 des milliers de déplacements quotidiens manqués chaque jour.
Nous recommandons ainsi que tous les organismes et toutes les administrations susceptibles d’être touchés par ce genre d’incidents s’emploient immédiatement à éliminer les obstacles au commerce et à élaborer un protocole de transport en transit détaillé et général pour favoriser une souplesse maximale et une mise en œuvre très rapide.
Depuis les inondations de 2021, le ministère provincial des Transports et de l’Infrastructure a travaillé à reconstruire l’infrastructure, une tâche qui, il faut le souligner, malgré plus de deux ans de travaux et des coûts de plus de 5 milliards de dollars encore à la hausse, n’est pas terminée. Les routes n’ont pas été entièrement reconstruites.
Le ministère utilise toutefois aussi ce qu’on appelle la cartographie de la criticité pour déterminer les priorités en matière d’infrastructure. La mesure de la criticité permet de déterminer l’importance d’un actif pour la résilience de l’ensemble du réseau de transport. Ces renseignements permettent de soupeser les mesures d’atténuation, de savoir où les plans d’intervention d’urgence sont les plus urgents et de déterminer les voies de rechange qui devraient être examinées aux fins d’amélioration si un lien critique est très susceptible de faire défaut.
Malheureusement, cela se produit trop souvent. En août dernier, il y a eu la fermeture d’une route reliant deux petites collectivités de la côte ouest de l’île de Vancouver au reste de l’île et, par conséquent, au reste du Canada. La structure de rechange était une très petite route de service forestière. On n’avait pas déterminé auparavant qu’il s’agissait d’une solution de rechange, mais avec un peu de travail rapide du jour au lendemain, nous avons été, encore une fois, en mesure de maintenir la chaîne d’approvisionnement.
Nous recommandons qu’à l’avenir, tous les ordres de gouvernement entreprennent une cartographie de la criticité pour régler ce problème. Inévitablement, cette évaluation permettra de déterminer les secteurs de criticité qui nécessitent un investissement important et prolongé. En fait, elle le fait déjà. Pendant les inondations de 2021, des kilomètres de la route 1 dans la vallée du Fraser ont été submergés pendant des semaines. La route a été construite selon les normes en vigueur il y a plus de 60 ans, mais ni elle ni les digues qui l’entourent ne peuvent faire face aux événements actuels, et encore moins futurs, liés aux changements climatiques. Des années après le retrait de l’eau, les dommages ont été réparés, mais les travaux ne sont pas encore en cours pour atténuer la prochaine catastrophe.
Même avant que la cartographie de la criticité ne soit terminée, la province a déterminé qu’il était crucial que ce tronçon de la route 1 soit amélioré. Elle a entrepris des travaux de conception et des affectations budgétaires pour surélever la route de plusieurs mètres de plus que dans sa configuration actuelle au cours de la prochaine décennie.
Le problème, c’est que les provinces ne peuvent pas agir assez rapidement sans le financement et le soutien du fédéral. Notre dernière recommandation est donc que nous utilisions le gouvernement fédéral pour créer un mécanisme de financement à l’appui des projets d’infrastructure identifiés par la cartographie de la criticité et définis par notre besoin d’atténuer les impacts des changements climatiques.
Je vous remercie de m’avoir invité ici aujourd’hui. Je me ferai un plaisir de discuter des éléments que nous avons soulevés avec vous.
La vice-présidente : Merci, monsieur Earle.
Nous allons maintenant entendre Mme Gee. Vous avez cinq minutes.
Bonnie Gee, présidente, Chamber of Shipping : Bonjour, honorables sénatrices et sénateurs, et merci de me donner l’occasion de comparaître devant vous aujourd’hui.
La Chamber of Shipping est une voix unifiée de l’industrie du transport maritime qui navigue sur la porte d’entrée de l’Asie-Pacifique. Nous représentons des lignes de transport maritime internationales qui sont une composante essentielle des chaînes d’approvisionnement mondiales et qui transportent des marchandises et des matériaux dans les océans du monde de façon rentable. Le transport maritime représente près de 90 % du commerce mondial en volume et 80 % de celui-ci en valeur. Par l’entremise d’organismes internationaux comme l’Organisation maritime internationale, ou OMI, des Nations unies et la Chambre internationale de la marine marchande, les transporteurs maritimes ont reconnu que le transport maritime international demeure fortement tributaire des combustibles fossiles et représente environ 3 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. La Stratégie de l’OMI sur la réduction des émissions de GES des navires de 2023 vise à réduire l’intensité en carbone du transport maritime international d’au moins 40 % d’ici 2030. Elle vise également à accroître l’adoption de technologies, de combustibles et/ou de sources d’énergie à émissions nulles ou quasi nulles de GES d’ici 2030.
La Chambre internationale de la marine marchande a présenté une proposition détaillée à l’OMI pour la création d’un fonds de transport à émission zéro afin d’accélérer la transition vers la carboneutralité d’ici 2050. Ce fonds vise à favoriser l’accélération et l’adoption de technologies et de carburants marins carboneutres et à générer des milliards de dollars pour soutenir la transition énergétique dans les pays en développement.
Dans le cadre de la proposition, les contributions des navires, par tonne d’équivalent CO2 émise, seront utilisées pour réduire les écarts de coûts importants entre les combustibles carboneutres et le mazout classique. Le gouvernement du Canada doit collaborer avec ses partenaires provinciaux pour soutenir la transition énergétique du transport maritime international.
La densité énergétique des nouveaux combustibles à émission zéro devrait être plus faible, ce qui obligera les navires à se ravitailler plus fréquemment. Des investissements importants dans la technologie et l’infrastructure seront nécessaires pour appuyer les efforts de décarbonation de l’industrie du transport maritime.
Les changements climatiques font en sorte que les événements de La Niña et d’El Niño sont plus longs, plus graves et plus fréquents. Les phénomènes météorologiques extrêmes, y compris les ouragans, les cyclones, les vents violents, l’augmentation des précipitations, les inondations et les conditions de sécheresse, auront une incidence sur les opérations maritimes.
Le canal de Panama connaît actuellement des conditions de sécheresse qui ont entraîné une diminution de 40 % des transits par jour. Le canal de Panama dessert environ 46 % du trafic de conteneurs entre la côte Est des États-Unis et l’Asie du Nord-Est. Il est possible que ce trafic soit détourné par les ports de Vancouver et de Prince Rupert, compte tenu des liaisons ferroviaires existantes avec le Midwest américain.
Les récents feux de forêt, combinés à un événement de rivière atmosphérique, ont mis en évidence les vulnérabilités et les effets dévastateurs que les changements climatiques peuvent avoir sur le réseau de transport du port de Vancouver. La collaboration sans précédent qui a suivi entre les partenaires de la chaîne d’approvisionnement et les dirigeants de plusieurs ordres de gouvernement a entraîné une reprise remarquable. Cependant, la mise en place d’une infrastructure numérique servant de base à la chaîne d’approvisionnement aurait pu accélérer la reprise et fournir aux expéditeurs et aux compagnies de transport maritime de meilleurs renseignements pour gérer les arrivées de navires et établir l’ordre de priorité du mouvement des marchandises essentielles. Le gouvernement du Canada doit accorder la priorité à la mise en œuvre d’un cadre numérique qui appuie une stratégie de transport des marchandises sûre, résiliente et concurrentielle dans tous les modes de transport.
L’adoption de centres de données internationaux est essentielle pour favoriser une collaboration régionale et nationale transfrontalière en cas d’événements climatiques catastrophiques.
L’augmentation des inondations, les vents violents, le froid extrême et les fortes précipitations ont tous des répercussions sur les opérations de transport de marchandises au port de Vancouver. Le dragage d’entretien régulier est de plus en plus important pour l’exploitation des terminaux du fleuve Fraser. Les vents violents et les précipitations interrompent régulièrement les opérations de transport de marchandises, de sorte qu’une augmentation de la fréquence ou de la durée de ces événements aura une incidence sur la chaîne d’approvisionnement.
À mesure que les retards imprévus dans les opérations de fret augmentent, la demande de mouillages augmente également. Des aires de mouillage sécuritaires sont essentielles à la fluidité des opérations de transport de marchandises dans les terminaux maritimes. Pendant les périodes de perturbation prolongées, il est arrivé que tous les mouillages disponibles dans la région soient occupés, ce qui a obligé plusieurs navires à attendre au large des côtes.
Le Canada a besoin d’une autorité maritime forte ayant le mandat clair de gérer activement ces navires, ainsi que des outils et des pouvoirs appropriés pour atténuer les risques. La gestion active des navires, combinée au placement de navires de remorquage d’urgence à des endroits stratégiques, est essentielle pour assurer la préparation opérationnelle requise pour protéger nos côtes et intervenir d’urgence dans les collectivités côtières dans la foulée d’une catastrophe naturelle.
La gestion de la biodiversité, des climats plus chauds et des écosystèmes changeants dans les ports sont également des facteurs de criticité. Le commerce mondial peut favoriser la prolifération d’espèces envahissantes qui peuvent supplanter les espèces indigènes et altérer des écosystèmes sains. Les exigences phytosanitaires sont susceptibles d’évoluer pour protéger contre les nouveaux ravageurs; par conséquent, il faudra investir dans les ressources pour renforcer la capacité d’inspection et la technologie de détection afin de réduire le plus possible les perturbations des activités portuaires.
Les nations autochtones sont les gardiennes de la biodiversité, car elles sont souvent les premières à détecter les changements dans notre écosystème en tant que gardiennes du savoir sur nos terres et sur nos eaux. Malheureusement, l’absence d’un cadre transparent régissant les relations entre le Canada et les Premières Nations côtières du Sud de la Colombie-Britannique a entraîné l’inertie à l’égard d’un large éventail d’initiatives importantes concernant la gestion et la protection des écosystèmes marins. Notre groupe encourage les gouvernements à maintenir un dialogue régulier et ouvert avec l’industrie sur la façon de réduire l’impact environnemental et d’élaborer des pratiques exemplaires afin d’accroître la clarté et la prévisibilité de nos activités.
Je vous remercie de m’avoir invité à comparaître devant vous. Voilà qui met fin à ma déclaration préliminaire. Je serai heureuse de répondre à vos questions.
[Français]
La vice-présidente : Merci à vous trois pour vos présentations. Nous commençons la période de questions des sénateurs.
[Traduction]
Le sénateur Quinn : Je remercie les témoins d’être ici aujourd’hui. C’est formidable d’avoir le chemin de fer et la mer dans la pièce en même temps.
Je m’excuse à l’avance, car comme j’ai un autre engagement, ma question sera courte et directe.
Compte tenu de la concentration dans la vallée du bas Fraser de l’infrastructure et des systèmes de transport, ainsi que de tous les liens qui existent entre les deux, un phénomène qui a une incidence sur le port — et sur l’aéroport, mais je vais me concentrer sur le port à ce moment-ci —, quelle valeur, le cas échéant, accordez-vous au transport maritime sur de courtes distances afin de contribuer à mieux se préparer à d’autres itinéraires si l’inévitable devait se concrétiser?
Mme Gee : Je suis absolument convaincue de la nécessité du transport maritime à courte distance. Pour cela, nous avons tout simplement besoin d’infrastructures adaptées. Il se fait actuellement du transport maritime à courte distance entre le continent et l’île de Vancouver. Cela semble bien fonctionner, mais certains changements réglementaires sont nécessaires pour optimiser l’impact.
M. Brazeau : Je n’ai pas grand-chose à ajouter, si ce n’est à propos des ports de Prince Rupert et de Vancouver, où il va falloir réaliser tous les investissements nécessaires à l’expansion des installations portuaires et des terminaux.
Tout à l’heure, j’ai dit que le secteur ferroviaire réinvestit en moyenne 20 à 25 % de ses revenus totaux annuels dans les infrastructures.
Au Canada, nous avons une chaîne d’approvisionnement intégrée. Quand une partie de la chaîne d’approvisionnement s’effondre ou ne fait pas les bons investissements, il se produit un effet d’entraînement. Nous devons encourager les investissements dans toutes les chaînes d’approvisionnement. Le gouvernement fédéral a un rôle à jouer à cet égard, notamment en mettant en place certains programmes, à l’instar du Fonds national des corridors commerciaux, en vue d’aider à soutenir ce genre d’effort. Le gouvernement doit aussi accélérer les possibilités d’amortissement pour les investissements en capital effectués par les compagnies ferroviaires. Nous aimerions que des changements soient apportés aux dispositions relatives à l’amortissement accéléré.
M. Earle : Je vous remercie encore une fois de votre question. Mme Gee nous a parlé de diversification, qui consiste à trouver des solutions pour remplacer les infrastructures vulnérables. Il convient, certes, d’améliorer l’efficacité et le flux du transport maritime à courte distance, mais aussi de déplacer une partie de cette activité hors des zones physiques où elle se déroule pour nous donner d’autres possibilités en matière de transport.
Pour ce qui est de la criticalité de la chaîne d’approvisionnement dans son ensemble, prenons le cas de l’industrie du camionnage en Colombie-Britannique. Même si le travail de nos membres est particulièrement visible et jugé essentiel, il ne représente que quelque 2 % de l’industrie de la province. Il se passe bien d’autres choses ailleurs dont nous devons tenir compte.
Le sénateur Quinn : Qui, selon vous, devrait piloter l’examen d’une stratégie d’atténuation comme l’expansion du transport maritime à courte distance — notamment pour déterminer si ce mode de transport est viable et logique — afin de contourner les goulots d’étranglement en cas de catastrophe? Serait-ce le gouvernement provincial ou le gouvernement fédéral? Qui devrait prendre l’initiative d’entreprendre ce genre d’examen aujourd’hui pour que nous soyons mieux préparés demain?
Mme Gee : Je crois savoir que le port a déjà travaillé en collaboration avec le gouvernement de la Colombie-Britannique sur la question du transport maritime à courte distance.
Le sénateur Quinn : Merci.
Le sénateur Cardozo : J’ai une question au sujet du financement, notamment de sa provenance.
Monsieur Brazeau, vous avez dit que les terminaux de chargement de maïs ne sont pas abrités de la pluie. Comment les imperméabiliser, pour ainsi dire?
La question plus générale que je veux vous poser à tous les trois est la suivante : comment allons-nous financer les investissements que vous jugez nécessaires? Nous sommes dans une situation où le gouvernement fédéral est en train de fermer les robinets. Nous avons vu récemment qu’il a refusé de prolonger le programme de prêts du Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes, lequel représente une somme considérable pour le Conseil du Trésor, mais aussi un coût énorme pour les petites entreprises. Nous avons constaté une nouvelle pression de la part des États-Unis relativement à notre contribution à l’OTAN, avec toutes sortes de menaces à la clé. Vous êtes en concurrence avec bien d’autres secteurs d’activités importants, sans compter la possibilité d’un changement de président à la tête des États-Unis.
Voici ma première question : comment imperméabiliser les terminaux? Deuxièmement, quelles pourraient être les autres solutions de financement? Si notre comité dit au gouvernement fédéral qu’il devrait couvrir tel ou tel coût, il va faire la sourde oreille.
M. Brazeau : Merci, sénateur. Comme je l’ai indiqué, au sud de Vancouver, à Seattle et à Portland, il est possible de charger le grain quand il pleut parce que les Américains ont investi dans leurs infrastructures, c’est-à-dire dans la construction de toits pour protéger le grain en cas d’intempérie. C’est une décision que doit prendre un des partenaires de la chaîne d’approvisionnement, qu’il s’agisse de l’autorité portuaire ou des propriétaires de terminaux céréaliers.
Nous croyons que toutes les mesures incitatives qui seront mises en place pour encourager l’investissement sont bonnes. Au cours des dernières années, l’accent a été mis sur l’adoption de nouveaux règlements qui étouffent les investissements. L’élargissement des limites d’interconnexion en est un excellent exemple, car cette mesure empêche les compagnies ferroviaires de réinvestir dans notre réseau sous l’effet d’une réglementation qui décourage l’investissement.
Nous souhaiterions pouvoir évoluer dans un climat où le secteur privé pourrait investir davantage. Les mesures d’amortissement accéléré en sont un exemple. Nous voulons que le gouvernement recoure à des programmes comme le Fonds national des corridors commerciaux pour investir intelligemment dans des infrastructures essentielles souhaitables. Cela doit se faire en collaboration avec tous les partenaires de la chaîne d’approvisionnement.
Je conviens avec vous que nous faisons face à des mesures d’austérité et que le gouvernement est appelé à prendre des décisions difficiles. Cela étant, nous devons transporter des marchandises dans notre pays. En tant que pays axé sur l’exportation, nous devons pouvoir acheminer nos produits vers les marchés mondiaux. Nous devons le faire de façon efficace et sécuritaire en maximisant la capacité existante. Il existe de réelles possibilités, comme au port de Vancouver dont nous pourrions accroître la capacité de 70 % en construisant simplement un toit qui permettrait de charger le grain sous la pluie.
Le sénateur Cardozo : Merci.
M. Earle : Merci. Je vais vous faire part de trois réflexions. D’abord, je pense que nous devrions invoquer la criticité en tant que principe directeur et non pas en tant qu’outil d’opportunisme politique. Ce genre de conversation n’est pas facile pour les politiciens locaux qui doivent dire à leurs électeurs : « Non, votre priorité ne correspond pas aux intérêts nationaux et provinciaux. »
Deuxièmement, il faut examiner la répartition des impôts perçus entre les différentes industries. En ce qui concerne la différence de tarification du carbone et la façon dont elle est traitée, nous croyons qu’il est possible de la réaffecter dans le secteur des transports pour fournir un financement supplémentaire.
Par-dessus tout, quand on parle de financement nécessaire, il ne s’agit pas tant de sommes à débloquer que d’un engagement à prendre à long terme. Il faudra longtemps pour achever la reconstruction de la route 1 dans la vallée du Fraser, qui est jugée nécessaire. Il est intrinsèquement plus coûteux de procéder par étapes. C’est là qu’interviennent les coûts de mobilisation et de démobilisation. Il est nettement préférable d’avoir un projet à long terme financé sur une période de six à neuf ans plutôt que de s’en remettre à un processus d’approvisionnement par appels d’offres successifs et à des processus répétitifs de gestion de projets par étapes.
Depuis de nombreuses années, nous préconisons des engagements de financement à long terme pour que l’argent soit mieux dépensé. Cela ne veut pas nécessairement dire dépenser plus.
Mme Gee : J’ajouterai que le financement est certainement en train de devenir une préoccupation de plus en plus grande. Je crois comprendre que quelques projets d’infrastructures dans le port de Vancouver ont dû être suspendus en raison de l’augmentation des coûts de construction. Dans les partenariats public-privé, les coûts incombent souvent à l’expéditeur, si bien que les expéditeurs canadiens sont un peu moins concurrentiels sur les marchés mondiaux. Il faut une stratégie à long terme pour financer les infrastructures essentielles.
En ce qui a trait au chargement du grain sous la pluie, nous travaillons avec les exploitants de terminaux et nos transporteurs pour essayer de régler le problème. Nous appliquons déjà des solutions consistant, par exemple, à charger les navires grâce à des buses d’alimentation, mais d’autres mesures ont été rejetées par les syndicats. Nous cherchons à surmonter certaines des difficultés constatées en termes d’efficacité.
Le sénateur Cardozo : Merci.
La sénatrice Simons : Monsieur Brazeau, j’aimerais commencer par vous poser une question qui pourra vous sembler un peu inhabituelle, mais qui m’apparaît pertinente.
Ces dernières années, nous avons vu des sociétés de chemin de fer, surtout les plus grandes, appliquer des horaires plus précis pour faire circuler leurs trains afin de pouvoir rallonger les rames. Elles regroupent donc plus de fret dans des trains plus longs. Le système ferroviaire s’en trouve-t-il plus vulnérable aux perturbations qui touchent les infrastructures, car il faut pouvoir accueillir des trains plus longs sans pouvoir les utiliser à capacité réduite? Y aurait-il un risque à généraliser cette stratégie des trains très longs?
M. Brazeau : Les trains longs sont sûrs et ils favorisent la fluidité du trafic. Ils permettent de maximiser la capacité d’emport et, dans le cas des compagnies ferroviaires de catégorie I, soit le CN et CPKC, les trains longs ont résulté en une amélioration du bilan de sécurité par rapport aux résultats de tous les chemins de fer de catégorie I en Amérique du Nord. Nous prenons cet aspect très au sérieux quant à la possibilité de faire circuler des trains longs. La taille des rames doit être réduite l’hiver à cause des basses températures qui affectent les freins à air.
Songez, par exemple, aux investissements réalisés dans de nouveaux wagons-trémies construits à Hamilton, en Ontario. Des milliers de nouveaux wagons-trémies de grande contenance ont été commandés par le CN et CPKC. Il est possible de transporter plus de grain dans un seul train long que dans les trains utilisés jadis. Cela nous permet de répondre à la demande et de disposer d’une meilleure capacité. Les trains plus longs n’ont pas d’effets négatifs importants. En fait, nous voyons des choses positives. Nous veillons à ce que le réseau demeure fluide et à ce qu’il réponde aux besoins de nos clients.
La sénatrice Simons : Monsieur Earle, vous avez soulevé ce que je crois être la question cruciale, à savoir comment déterminer ce par quoi il faut commencer pour régler le problème? « Criticité »... que voilà un beau mot, mais vous avez raison de souligner la vulnérabilité des gens qui font de la politique et qui exercent des pressions en faveur de leur projet favori dans leur région, ce qui est la chose la plus importante pour eux. Comment parvenir à établir un organisme à même de décider objectivement où se trouvent les points de crise les plus importants?
Dans notre étude, nous avons commencé par parler de l’isthme de Chignecto, qui relie la Nouvelle-Écosse au Nouveau-Brunswick, et qui pourrait très bien se retrouver sous l’eau dans les 15 prochaines années. Qui va décider de ce qui est le plus important? L’isthme, qui est essentiel pour relier la Nouvelle-Écosse au continent, ou le port de Vancouver qui est notre port de transport maritime du Pacifique absolument essentiel, ou encore les Grands Lacs? Que se passera-t-il si le fleuve Mackenzie ne permet plus d’acheminer les marchandises jusqu’aux consommateurs parce que le niveau d’eau a trop baissé? Comment déterminer ce sur quoi concentrer nos efforts dans une fédération où les provinces et le gouvernement fédéral sont rarement d’accord sur quoi que ce soit?
M. Earle : Je pourrais faire une plaisanterie en guise de réponse, mais je vais m’abstenir.
La sénatrice Simons : Pourquoi pas, parce que d’après certains des témoignages de ce matin...
M. Earle : Blague à part, j’aborderais la question différemment. Ce n’est pas ce sur quoi porte la question qui interpelle, mais la question elle-même. Nous devons susciter le débat. Voilà pour commencer. Un mythe à cours dans la société occidentale, soit que nous pourrons atteindre nos objectifs climatiques d’ici 2030, 2040 ou 2050. Eh bien, cela n’arrivera pas. Je ne peux pas parler pour tout le monde, mais je peux vous dire avec certitude qu’en ce qui concerne le secteur du transport commercial, c’est mathématiquement impossible.
La sénatrice Simons : Même si nous atteignions ces objectifs, il se trouve que nous sommes en pleins changements climatiques.
M. Earle : Exact. La première question consiste à savoir de quoi nous parlons au juste. Vous avez bien parlé de « criticité », mais qu’est-ce que cela signifie vraiment? J’estime que nous devons avoir une conversation avec les Canadiens afin d’en arriver à une compréhension commune de ce dont il s’agit avant de désigner l’organisme qui devrait s’occuper de cela. Nous devons lancer cette conversation et expliquer la situation afin de savoir de quoi nous parlons. Ce n’est pas l’idée, mais le fait que nous faisons face à une crise climatique et à ses répercussions, et que nous devons savoir à quoi nous attaquer. Autrement dit, qu’entend-on par « criticité »? À partir d’une définition commune, il sera plus facile de prendre des décisions en fonction des conclusions tirées que selon les priorités de l’heure. Il est évident que mes collègues de l’Atlantic Provinces Trucking Association parleront de la nécessité de s’occuper de ces infrastructures, et ils auront raison. Cependant, dans un monde où nous avons des ressources limitées, nous devrons être extrêmement stratégiques et réfléchis quant à la façon dont nous utilisons ces ressources.
Je suggère que nous discutions d’abord de cette définition commune. Voilà pourquoi je pense que ce travail est si important.
La sénatrice Dasko : Merci à nos témoins pour leur présence.
Monsieur Brazeau, je vous remercie d’avoir mentionné le Agawa Canyon Tour Train. Je recommande de prendre ce train touristique dans ma belle province de l’Ontario, pour faire un très beau voyage d’une journée.
Vous disiez que l’industrie ferroviaire est un chef de file en matière d’innovation verte, mais vous n’avez pas parlé des trains à hydrogène. La semaine dernière, je me suis entretenue avec un dirigeant de VIA Rail au sujet des trains à hydrogène. J’aimerais avoir votre opinion sur cette solution face aux changements climatiques. A-t-elle un avenir ou pas? Combien de temps faudra-t-il pour déployer de tels trains et où pourront-ils être utilisés? Dites-nous ce que vous pensez des trains à hydrogène.
M. Brazeau : Eh bien, il y a, par exemple, le train Agawa qui est un excellent train touristique exploité l’été, et il y en a un autre dans Charlevoix...
La sénatrice Dasko : Effectivement, je l’ai vu. C’est un train à hydrogène.
M. Brazeau : ... appelé le Train de Charlevoix, qui teste la propulsion à hydrogène en collaboration avec la compagnie Alstom, un fabricant de trains. La saison touristique de 2023 a été fructueuse et le service reprendra en 2024. Il s’agit de tests en conditions réelles sur la propulsion à l’hydrogène. La compagnie CPKC est active dans ce domaine, tandis que le CN s’intéresse davantage à la technologie des batteries d’accumulateurs. Il se fait beaucoup de R-D et d’innovation, mais il faudra plusieurs années de tests avant d’en arriver au point où l’on pourra remplacer les trains au diésel, surtout les trains de marchandises. Comme ces trains parcourent de longues distances au travers de régions montagneuses, la technologie employée doit être éprouvée. Il se fait du bon travail en termes d’essais, mais il faudra du temps avant qu’il existe un marché de masse ou que nous en arrivions à un point où nous pourrons retirer et remplacer les trains au diésel. Cela prendra de temps.
Pour ce qui est de l’engagement de notre industrie sur le plan environnemental, nous venons de renouveler un protocole d’entente avec Transports Canada. Depuis 2005, le secteur ferroviaire a réduit de plus de 25 % ses émissions de gaz à effet de serre. Encore une fois, ce sont des engagements que nous avons pris il y a des décennies et nous voulons continuer à réduire notre empreinte carbone grâce à certaines de ces initiatives.
La sénatrice Dasko : Pensez-vous que le train à hydrogène est viable? Les gens de l’industrie pensent-ils que c’est la voie de l’avenir ou que cette forme d’énergie n’a pas encore été suffisamment testée?
M. Brazeau : Je dirais que nous en sommes encore à l’étape des essais, sénatrice. C’est comme pour tout, quand on introduit de nouvelles technologies, on veut s’assurer qu’elles résistent à l’épreuve du temps. Les trains à hydrogène vont continuer d’évoluer.
La sénatrice Clement : Je vous remercie de votre présence et de votre témoignage. Je suis arrivée en retard parce que j’ai été retenue au Sénat. Veuillez m’en excuser.
J’ai une première question pour Mme Gee, après quoi, monsieur Earle, je me propose de poursuivre la conversation que vous avez entamée avec la sénatrice Simons au sujet de la criticité.
Madame Gee, je vous ai entendu parler de la décarbonation du transport maritime qui exige des avitaillements plus fréquents. C’est un aspect technique que j’aimerais que vous approfondissiez. J’essaie de comprendre ce que cela signifie.
Deuxièmement, je vous ai entendue dire qu’il est remarquable de voir à quel point nous nous serrons les coudes en ces temps de crise. Je ne pense pas que nous soyons aussi exemplaires en planification à long terme, mais en ce qui concerne la gestion de crise, nous maîtrisons. Vous avez dit que cela aurait pu être encore mieux si nous avions eu un meilleur accès à l’information numérique. Pourriez-vous nous en dire plus sur les questions d’avitaillement et d’information numérique?
Mme Gee : Bien sûr. Actuellement, le port de Vancouver accueille environ 2 700 navires par année. Nous ne sommes pas connus en tant que port de soutage où les navires prennent la majorité du carburant dont ils ont besoin pour la traversée du Pacifique.
La sénatrice Clement : Serons-nous un jour un port de soutage?
Mme Gee : Peut-être. Comme la densité énergétique des nouveaux carburants est relativement basse, nous pourrions devenir un port de soutage grâce à ces nouveaux carburants qui arrivent sur le marché.
La sénatrice Clement : Vous pourriez les stocker?
Mme Gee : Nous pourrions les offrir à la pompe. Certains navires sont maintenant motorisés pour fonctionner avec deux combustibles et utiliser aussi du GNL, ou gaz naturel liquéfié, comme carburant secondaire, mais nous savons que le GNL n’est qu’un combustible de transition. Plusieurs transporteurs parlent d’utiliser du méthanol et de l’ammoniac. À un moment donné, le Canada pourrait donc être en mesure de ravitailler les navires en ammoniac ou en éthanol vert. Le Canada et les provinces devraient envisager cette possibilité.
La sénatrice Clement : Cela nécessiterait-il un investissement fédéral?
Mme Gee : Et des provinces aussi.
La sénatrice Clement : Merci.
Mme Gee : L’autre question portait sur la façon dont nous avons fait front après les inondations catastrophiques de 2021. Pendant la pandémie de COVID-19, nous avions collaboré avec le gouvernement fédéral à la gestion des navires et des équipages, mais quand sont survenues les inondations, la province et le gouvernement fédéral ont vraiment réagi. Ils ont réuni les parties intéressées pour parler des défis à relever, et tous se sont rencontrés quotidiennement à ce moment-là.
Nous constatons que l’échange d’informations entre les ministères fédéraux est limité en raison des lois actuelles sur la protection des renseignements personnels qui gênent ce genre de communications. Chaque ministère a son propre système d’information. Aucun n’a une vue d’ensemble de la situation et de la façon de faciliter la circulation des marchandises pendant les perturbations.
La sénatrice Clement : Parlez-vous de la protection des renseignements personnels dans le cadre des contrats?
Mme Gee : Je parle de partage de données. Par exemple, nos navires soumettent des données sur le dédouanement des navires à 10 ministères différents, et très souvent ce sont des renseignements très semblables.
La sénatrice Clement : Est-ce logique?
Mme Gee : Non. Nous encourageons vraiment le Canada à régler cette question. Le nouveau Bureau national de la chaîne d’approvisionnement a intégré la numérisation à ses principaux mandats. Il y a du travail à faire.
La sénatrice Clement : Merci d’en avoir parlé. C’est utile.
Revenons sur la question de la criticité et parlons aussi des administrations municipales. On parle souvent des gouvernements fédéral et provinciaux, mais pour les gens, ce sont les administrations municipales leurs gouvernements. C’est le palier de gouvernement le plus proche d’eux.
Quant à trouver une définition commune au mot « criticité », je pense que les Canadiens en ignorent le sens. Moi, par exemple, je ne sais pas ce que fait votre association. Êtes-vous en lien direct avec les collectivités, les municipalités, en ce qui concerne la criticité? Si nous comptons sur les gouvernements pour établir des définitions communes, nous risquons d’être déçus. Tout le monde doit participer, y compris les différentes organisations professionnelles comme la vôtre. Vos associations ont-elles un contact direct avec les Canadiens? Menez-vous des campagnes de sensibilisation? Que faites-vous pour définir la criticité pour les gens?
M. Earle : Nous avons des relations directes. Nous venons tout juste de lancer la conversation sur la criticité et sur ce qu’elle est, cela en raison du travail effectué après 2021. S’agissant de l’examen de ces questions, notre collaboration avec le palier provincial est un élément intéressant, surtout parce que les routes sont de compétence provinciale. Nous examinons la façon dont les provinces abordent la problématique et nous leur demandons comment il convient de procéder, quelle méthodologie elles vont appliquer. Une ou deux définitions ont été trouvées et une a été retenue. Elle a été testée au Colorado.
Du point de vue provincial, il manquait une reconnaissance de la nature différente de la répartition de la population dans les collectivités de notre province et de notre pays. Il manquait la reconnaissance des besoins des communautés autochtones. Nous essayons d’intégrer cela dans une évaluation globale de ce que cela signifie.
Pour ce qui est de la criticité d’un point de vue général, cela ne veut pas dire avoir la capacité de se rendre au travail en empruntant une belle autoroute à sept voies, mais plutôt que nos besoins quotidiens de base sont satisfaits. Après 2021, nous avons été un peu lents à la détente, mais ces souvenirs sont frais, surtout en Colombie-Britannique. Chaque année, nous constatons des perturbations des chaînes d’approvisionnement en raison d’événements liés au climat. Ces souvenirs continuent de resurgir et sont frais à la mémoire. Nous avons l’occasion d’en discuter et de nous demander ce que cela signifie. La criticité signifie-t-elle que l’on peut se rendre à sa propriété secondaire ou que les gens qui vivent dans ces collectivités toute l’année ont accès à une épicerie? Nous devons avoir ce genre de débat. Où se situe notre bien-être économique? C’est essentiel.
La sénatrice Clement : Menez-vous des consultations à ce sujet?
M. Earle : Nous ne faisons que commencer à discuter avec nos membres et avec la province dans le cadre de notre travail, mais quand je parle de cette définition, je pense à une conversation beaucoup plus vaste qui est difficile à avoir. Pour revenir au point soulevé par la sénatrice, les besoins de chacun sont importants. Tout est important, mais si tout est important, rien ne l’est. Nous devrons avoir des conversations très difficiles sur ce que cela signifiera à l’avenir.
[Français]
La vice-présidente : Vous avez fortement insisté sur le fait que vous n’arrivez pas à atteindre vos objectifs en ce qui concerne les gaz à effet de serre. Je présume que c’est attribuable au nombre insuffisant de gros camions qui fonctionnent soit à l’hydrogène, soit au moyen d’autres sources d’énergie, ou à l’électricité, surtout en ce moment.
J’aimerais que vous nous expliquiez le problème. Vous avez beau dire que vous n’atteindrez pas vos objectifs, une partie de l’enjeu est liée au fait qu’on produit trop de gaz à effet de serre, ce qui contribue aux changements climatiques, et cela pose problème dans l’Ouest. Or, vous dites que vous n’y pouvez rien. Je trouve cette réponse un peu courte.
Où en êtes-vous? Faites-vous des efforts? Que se passe-t-il?
[Traduction]
M. Earle : Merci, sénatrice. C’est vrai que ma réponse était un peu courte, mais nous n’avons que quelques minutes. Notre industrie est prête à apporter absolument tous les changements nécessaires. Encore une fois, nous allons tenir un événement qui n’a eu lieu nulle part ailleurs au Canada, la semaine prochaine, le 21 février, en Colombie-Britannique. Nous accueillerons 20 véhicules de 15 fabricants et plus de 600 personnes pour en apprendre davantage sur l’état de la technologie. Comme je suis conscient du temps, je serai très bref.
Pour atteindre une réduction de 40 % de nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, il faudrait remplacer 40 % du parc roulant par des véhicules à zéro émission. C’est mathématiquement impossible. Pour ce faire, il aurait fallu que tous les véhicules neufs vendus en Colombie-Britannique et au Canada soient des véhicules à zéro émission, et cela depuis trois ans. C’est tout simplement impossible.
La vice-présidente : Parlons des aspects positifs. Quels sont vos objectifs et que pouvez-vous accomplir?
M. Earle : Bonne question : que pouvons-nous faire? Nous travaillons avec les gouvernements, les fabricants et les transporteurs pour réaliser l’art du possible. Nous savons que les véhicules électriques à batterie circulent à l’échelle locale où l’on trouve environ 20 % du parc national. Ces véhicules rentrent à leur base tous les soirs; ce sont des messagers locaux et régionaux. Nous y travaillons. Il faut arrêter de penser à installer des bornes de recharge sur les routes interprovinciales. La technologie des batteries électriques ne fonctionnera pas dans ces situations. Nous devons envisager des carburants de remplacement comme l’hydrogène.
Le problème de l’hydrogène tient à sa production. Il s’agit de l’élément le plus prodigieux de l’univers, mais il n’existe pas à l’état naturel pour ce qui est de son propre isotope. Il faut le fabriquer selon diverses méthodes. Il est possible de l’extraire du gaz naturel et c’est ce qu’on appelle communément l’hydrogène gris. Il est plus carboné que le diésel. Vient ensuite l’hydrogène bleu, obtenu par la séquestration du carbone, puis l’hydrogène vert. Une grande partie du travail porte sur l’hydrogène vert, ce qui signifie qu’il faut de l’électricité pour faire fonctionner les installations d’électrolyse.
La vice-présidente : S’il ne sert à rien d’installer des bornes sur le bord des routes, est-ce parce qu’il n’y a pas assez de monde qui circule sur les routes de campagne?
M. Earle : Les gens ne comprennent pas que, dans le cas des camions, l’autonomie ne veut rien dire, car tout est une question de consommation d’énergie. En Colombie-Britannique en particulier, il y a des collines et des montagnes. Aucun véhicule existant ou à venir ne pourra jamais aller de Vancouver jusqu’au poste de péage de Coquihalla, qui se trouve à une centaine de kilomètres de Hope. On parle ici de la notion de gain d’altitude.
Si nous pouvions obtenir ces véhicules et s’il était possible de les recharger au poste de péage, simplement pour assurer les mêmes dessertes qu’à l’heure actuelle et maintenir le rythme actuel, il nous faudrait 50 postes de chargement fonctionnant 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Il y aurait des files de camions qui se brancheraient toutes les 45 minutes. La consommation d’électricité correspondrait à celle d’une ville de 20 000 à 25 000 habitants.
La vice-présidente : Eh bien, je vous remercie pour cette excellente description de la situation. Cela explique un peu mieux les choses.
Nous n’avons plus de temps et vous m’en voyez désolée, sénatrice Simons, il n’y aura pas de deuxième tour. Nous avons eu moins de temps cette fois-ci, et je voulais poser une question. Merci, honorables sénateurs.
Sur ce, la séance est levée. Merci beaucoup d’être venus et d’avoir fait preuve de patience face à nos problèmes techniques. Vous avez pu vous exprimer et nous avons pu vous poser suffisamment de questions. Donc tout est parfait. Merci.
(La séance est levée.)