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TRCM - Comité permanent

Transports et communications


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES TRANSPORTS ET DES COMMUNICATIONS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 28 février 2024

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd’hui, à 18 h 47 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier l’incidence des changements climatiques sur les infrastructures essentielles dans les secteurs des transports et des communications et les répercussions corrélatives sur leurs interdépendances.

Le sénateur Leo Housakos (président) occupe le fauteuil.

Le président : Mon nom est Leo Housakos, sénateur du Québec et président du comité. J’invite mes collègues à se présenter brièvement.

La sénatrice Simons : Bonjour. Je suis la sénatrice Paula Simons, du territoire du Traité no 6, en Alberta.

Le sénateur Klyne : Bonsoir et bienvenue à notre comité. Je suis le sénateur Marty Klyne, du territoire visé par le Traité no 4, en Saskatchewan.

La sénatrice Patterson : Je suis Rebecca Patterson, sénatrice de l’Ontario.

La sénatrice Miville-Dechêne : Julie Miville-Dechêne, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Dasko : Je suis Donna Dasko, sénatrice de l’Ontario.

Le président : Merci, chers collègues.

Ce soir, nous poursuivons notre étude de l’incidence des changements climatiques sur les infrastructures essentielles dans le secteur des transports, ainsi que notre étude des Grands Lacs et du Saint-Laurent.

Je suis heureux de souhaiter la bienvenue à notre premier groupe de témoins : Jim Athanasiou, vice-président, Ingénierie et technologie, pour la Corporation de gestion de la Voie maritime du Saint-Laurent. Nous sommes également heureux d’accueillir par vidéoconférence M. Ian Hamilton, président et chef de la direction de l’Administration portuaire de Hamilton-Oshaw, et Roelof-Jan Steenstra, président-directeur général de PortsToronto.

Je vous souhaite la bienvenue et vous remercie de vous joindre à nous ce soir. Chacun d’entre vous disposera de cinq minutes pour faire une déclaration liminaire. Nous commencerons par M. Athanasiou, qui sera suivi par M. Hamilton, puis par M. Steenstra. Ensuite, nous céderons la parole à mes collègues pour la période des questions. Monsieur Athanasiou, la parole est à vous.

Jim Athanasiou, vice-président, Ingénierie et technologie, Corporation de gestion de la Voie maritime du Saint-Laurent : Merci beaucoup, monsieur le président. Je tiens à remercier le comité sénatorial de me donner l’occasion de parler de la valeur de la Voie maritime du Saint-Laurent, qui est un maillon important de la chaîne d’approvisionnement nord-américaine.

[Français]

La Corporation de Gestion de la Voie Maritime du Saint-Laurent est une société à but non lucratif créée en 1998 pour exploiter les actifs canadiens de la Voie maritime du Saint-Laurent, qui comprennent des ponts, des écluses et d’autres infrastructures. La Corporation de Gestion de la Voie Maritime du Saint-Laurent travaille en étroite collaboration avec la Great Lakes St. Lawrence Seaway Development Corporation, le partenaire américain de notre réseau binational.

[Traduction]

La Voie maritime du Saint-Laurent fait partie de la solution canadienne visant à atténuer les répercussions du secteur des transports sur les changements climatiques. Notre réseau est écologique et rentable. Son taux de disponibilité est de 99 %, et il peut doubler son débit immédiatement. Des investissements continus permettront à la Voie maritime du Saint-Laurent de continuer à composer avec les problèmes que posent les changements climatiques.

L’efficacité énergétique est l’une des mesures liées aux répercussions environnementales du secteur des transports. Un navire ayant les dimensions permises dans la Voie maritime du Saint-Laurent peut transporter l’équivalent de près de 1 000 camions de transport ou de 300 wagons.

L’optimisation de la chaîne d’approvisionnement passe par l’utilisation du bon moyen de transport pour le bon travail. Les gouvernements canadien et américain ont récemment annoncé un plan visant à créer un corridor maritime vert sur la Voie maritime du Saint-Laurent. Un plus grand nombre de navires transportant des marchandises essentielles par notre réseau permettra de réduire la congestion sur les routes encombrées et les corridors ferroviaires très fréquentés. Grâce à l’utilisation de technologies novatrices et à la production d’hydroélectricité, la Corporation de gestion de la Voie maritime du Saint-Laurent a réduit les émissions de gaz à effet de serre de 58 % par rapport aux niveaux de 2005, devançant ainsi la cible de réduction de 40 à 45 % fixée par le gouvernement du Canada pour 2030.

Réduire l’empreinte carbone de notre réseau apporte également des avantages économiques. Si l’on tient compte des échanges commerciaux réalisés au Québec le long du fleuve Saint-Laurent, notre voie navigable partagée soutient 355 000 emplois. Ces emplois représentent 30 milliards de dollars en salaires. En 2022, 252 millions de tonnes de marchandises ont transité par la Voie maritime du Saint-Laurent, ce qui a généré des retombées économiques de 66,1 milliards de dollars.

Passons maintenant aux répercussions des changements climatiques sur nos infrastructures. Chaque année, la Corporation de gestion de la Voie maritime du Saint-Laurent lance un vaste programme d’investissement dans les infrastructures afin d’assurer leur fiabilité. Nous investissons plus de 70 millions de dollars par an pour entretenir les actifs essentiels à notre mission, comme les écluses, les ponts, les murs d’amarrage et les quais. Nous déployons également diverses stratégies pour accroître notre résilience aux changements climatiques. Par exemple, au cours des dernières années, un projet au canal Welland visant à optimiser la saison de navigation a permis de la prolonger jusqu’à la première semaine de janvier. Cette année, nous avons prolongé la saison de façon similaire dans le tronçon de la Voie maritime entre Montréal et le lac Ontario. Cependant, les changements climatiques causent également des problèmes qui auront une incidence importante sur nos infrastructures vieillissantes, dont certaines datent des années 1920. Il sera de plus en plus nécessaire d’investir dans les infrastructures dans les années à venir.

Pour réaliser pleinement le potentiel du Programme de corridors maritimes verts et pour assurer une résilience continue à l’avenir, la voie maritime a besoin d’un financement important et stable. Pour optimiser les chaînes d’approvisionnement, davantage de marchandises doivent être transportées par eau. La Voie maritime du Saint-Laurent est un élément essentiel de la solution canadienne visant à atténuer les répercussions du secteur des transports sur les changements climatiques.

Je serai heureux de répondre aux questions du comité.

Le président : Merci, monsieur Athanasiou. Je passe la parole à M. Hamilton, qui sera suivi par M. Steenstra.

Ian Hamilton, président et chef de la direction, Administration portuaire de Hamilton-Oshawa : Je vous remercie de me donner l’occasion de vous parler de cette question importante. Je suis également président de l’Association des administrations portuaires canadiennes, mais, aujourd’hui, je me concentrerai principalement sur les répercussions des changements climatiques dans la région des Grands Lacs.

J’interviens ce soir aux côtés de mes collègues du port de Toronto et de la Corporation de gestion de la Voie maritime du Saint-Laurent. Ensemble, nous espérons offrir une perspective sur l’incidence des changements climatiques sur les infrastructures publiques et le commerce dans l’un des corridors commerciaux les plus importants au Canada.

Les répercussions des changements climatiques se font sentir de nombreuses façons inattendues. L’une des plus importantes concerne le niveau d’eau dans les Grands Lacs, qui constitue une grande préoccupation. Comme nous l’avons constaté ces dernières années dans le lac Ontario, le niveau d’eau est géré dans une certaine mesure, et nous savons que les protocoles de la Commission mixte internationale ont été ajustés à la suite de la période de crue de 2017-2019. Toutefois, il s’agit d’un système, et tout ce qui l’affecte finit par affecter tout le monde. Quand le niveau d’eau est trop élevé, l’eau déborde des murs de quai et érode les rivages. Quand le niveau d’eau est trop bas, il est impossible de charger au maximum les navires.

Contrairement à certaines idées reçues, l’industrie recherche la même stabilité que tout le monde, et pas seulement un niveau d’eau élevé.

Les répercussions des changements climatiques ne se limitent pas à cela. L’une des choses dont je tiens à vous faire part est un problème auquel je suis confronté en ce moment, à savoir que nous avons dépensé 5 millions de dollars pour draguer l’entrée du port d’Oshawa afin de permettre aux navires chargés au maximum d’y entrer et d’en sortir. Ces travaux ont été achevés en 2021. En 2022, une seule tempête violente a déposé l’équivalent d’environ cinq ans de matériaux à l’entrée d’Oshawa, et, au printemps prochain, nous dépenserons encore 1 million de dollars pour les draguer afin de permettre aux navires d’y circuler. Ce n’est qu’un exemple du type de problèmes avec lesquels nous devons maintenant composer à cause des changements climatiques et des conditions météorologiques extrêmes.

L’augmentation des chutes d’eau surcharge les systèmes d’infrastructures d’eaux pluviales, qui ne sont pas conçus pour de tels volumes. Il faudra investir davantage pour adapter les infrastructures portuaires afin qu’elles résistent mieux aux répercussions des changements climatiques et aux conditions météorologiques extrêmes qui en découlent. Il ne s’agit pas de besoins futurs, mais bien de besoins actuels.

L’un des autres domaines que nous examinons est l’atténuation et ce que nous pouvons faire pour minimiser les répercussions des changements climatiques ou réduire le nombre croissant de phénomènes météorologiques qui en découlent. Nous travaillons certainement dans le cadre d’initiatives de la portée 1 et nous avons remplacé notre flotte par des véhicules électriques. Notre autorité portuaire se dirige de plus en plus vers la carboneutralité et nous espérons qu’elle l’atteindra d’ici 2025.

Nous offrons également des incitatifs, soit des fonds de contrepartie pouvant atteindre 250 000 $ pour soutenir des initiatives, notamment l’amélioration de systèmes de chauffage, de ventilation et de climatisation, l’installation de panneaux solaires et l’achat de nouveaux équipements électriques pour la manutention.

Comme l’a mentionné mon collègue, le Programme de corridors maritimes verts a été extrêmement intéressant pour entamer le débat sur les types de projets disponibles et les types d’initiatives qui peuvent être prises. Il s’agit de 165 millions de dollars, et la date limite a été reportée au 11 mars, ce qui est fantastique, mais il m’apparaît évident que le programme ne suffira pas à la demande. Néanmoins, il permettra probablement de créer une liste formidable de projets futurs et de possibilités de financement à consulter, c’est donc un bon début.

En ce qui concerne le financement futur des infrastructures, l’Association des administrations portuaires canadiennes travaille actuellement sur une étude qui vise à déterminer quels seront les besoins globaux pour lutter contre les changements climatiques au cours des 20 à 40 prochaines années. Ces besoins se chiffreront à plusieurs milliards de dollars. Là encore, ces investissements potentiels doivent être compris, et des dispositions doivent être prises pour qu’ils nous permettent de composer avec les répercussions des changements climatiques.

Je sais que le projet de loi C-33 est en train de franchir les étapes du processus législatif au Sénat. Il était censé moderniser le système portuaire au Canada. Il avait des objectifs très nobles, mais, à bien des égards, il semble qu’il n’ait pas réussi à les atteindre.

Rappelons que les administrations portuaires canadiennes ont été créées dans le but d’être agiles et de répondre au marché en tant que sociétés d’État autonomes. Nous avons un excellent bilan lorsqu’il s’agit d’assurer des avantages commerciaux et économiques tout en étant respectueux de l’environnement et attentifs aux collectivités.

Le projet de loi C-33 sape notre indépendance, et nous pensons que ce n’est pas pour le mieux. Il ajoute un certain nombre de tâches administratives qui exigent que nous fassions rapport au gouvernement fédéral encore plus fréquemment et sur un nombre croissant de sujets. Le projet de loi pourrait également être amélioré en accroissant la marge de manœuvre des ports pour qu’ils puissent financer des projets avec des partenaires externes, notamment certains des projets essentiels pour lutter contre les changements climatiques. Nous vous encourageons à examiner le projet de loi afin de permettre aux ports de se concentrer sur les choses qui comptent vraiment et de les inciter à le faire. Nous convenons que la lutte contre les changements climatiques est le plus grand défi de notre époque. Nous sommes prêts à être des partenaires pour répondre de façon intelligente et urgente à ces questions et nous croyons qu’une approche adéquate à l’égard du projet de loi C-33 nous permettra de le faire.

L’Administration portuaire de Hamilton-Oshawa, comme d’autres administrations portuaires, souhaite en faire davantage. Nous sommes favorables à une approche de partenariat qui tire parti de notre rôle unique dans l’économie, de nos relations avec l’industrie et de notre rôle unique en tant que gardiens de précieux espaces riverains.

Merci de m’avoir accordé votre temps aujourd’hui. Je serai heureux de répondre à vos questions au cours des travaux du comité.

Le président : Merci, monsieur Hamilton. Je cède maintenant la parole à M. Steenstra.

Roelof-Jan Steenstra, président-directeur général, PortsToronto : Merci beaucoup et bonsoir. Je vous remercie de m’avoir invité, aux côtés de mes collègues, à m’exprimer sur l’incidence des changements climatiques sur les infrastructures de transport et la chaîne d’approvisionnement nationale. PortsToronto est une entreprise publique fédérale qui possède et exploite des actifs clés en matière d’infrastructure de transport dans la ville de Toronto, notamment l’Aéroport Billy Bishop de Toronto et le Port maritime de Toronto.

L’Aéroport Billy Bishop de Toronto est situé sur le bord de l’eau et célèbre cette année ses 85 ans d’existence. Il accueille normalement un peu moins de trois millions de passagers par an.

Juste à côté, le port maritime de Toronto est une installation d’importation essentielle pour la ville de Toronto. On y importe en moyenne plus de deux millions de tonnes métriques de sucre, de sel, d’agrégats et de matériaux de construction chaque année. L’emplacement du port, à quelques minutes du centre-ville de Toronto, a pour avantage non seulement de répondre aux besoins commerciaux de la ville, mais également d’avoir un effet environnemental très positif en se substituant aux 54 000 camions, environ, qui parcourraient nos routes sinon pour servir les fabricants.

J’ai tant à dire sur le port de Toronto, dont PortsToronto est le propriétaire exploitant, et sur notre engagement à atténuer l’incidence de nos activités sur l’environnement et à adopter des approches durables. Par exemple, en 2021, PortsToronto a inauguré le premier traversier de passagers entièrement électrique du Canada. Ce traversier est le fruit de la modernisation d’un traversier diésel existant, et il circule désormais silencieusement, sans émissions atmosphériques, entre l’Aéroport Billy Bishop de Toronto et la terre ferme, ce qui réduit nos émissions de portée 1 de 530 tonnes chaque année.

PortsToronto alimente par ailleurs l’ensemble de ses installations à l’électricité 100 % propre et renouvelable de Bullfrog Power. Ce sont les seuls port et aéroport au Canada à pouvoir en dire autant.

Le port de Toronto, comme de nombreux ports en Amérique du Nord, participe également à divers programmes de certification environnementale, tels que le programme de l’Alliance verte, afin de mesurer et d’améliorer son rendement environnemental. PortsToronto innove aussi en favorisant l’élimination de la pollution plastique dans nos lacs et le piégeage des déchets, notamment par un programme très efficace qui met à profit les Seabins et les WasteSharks. Ces innovations sont les premières du genre au Canada. Il s’agit d’un réseau de dispositifs statiques et mobiles qui écument l’eau, retirant des milliers de microplastiques de notre port. Imaginez un robot aspirateur pour un lac. Les résultats du programme de 2023 ont été annoncés lundi dernier et ont attiré l’attention des médias partout au pays en raison de leur incidence sur l’élimination des déchets et des plastiques dans le port de Toronto.

Nous avons également pris la décision d’embaucher une ressource interne spécialisée pour nous guider dans nos efforts de durabilité, pour nous aider à réagir et à élaborer notre feuille de route pour l’avenir.

Voilà les efforts que nous déployons, ils témoignent de notre engagement à faire partie de la solution face aux changements climatiques, mais il est évident que nous devons tous nous serrer les coudes pour que les entreprises canadiennes fassent tout ce qu’elles peuvent pour se protéger contre la menace des changements climatiques et y répondre. Selon une étude de RTI International, révisée par l’Environmental Defence Fund, les effets des changements climatiques sur les ports pourraient à eux seuls coûter à l’industrie mondiale du transport maritime jusqu’à 10 milliards de dollars par an d’ici 2050 et jusqu’à 25 milliards de dollars par an d’ici 2100.

De tous les secteurs du transport, le transport maritime est l’un des plus vulnérables aux effets des changements climatiques. Concrètement, les répercussions climatiques les plus prévalentes au port de Toronto touchent les niveaux d’eau. Des niveaux d’eau particulièrement faibles nous ont causé bien des difficultés, mais en 2017 et en 2019, Toronto a au contraire été gravement touchée par des niveaux d’eau record. Des précipitations inhabituellement élevées, combinées à la fonte des neiges et à certaines décisions prises par la Commission mixte internationale, ont fait monter les niveaux d’eau dans le port de Toronto de façon alarmante. Ainsi, d’immenses inondations se sont produites tout le long du bord du lac et ont perturbé les activités des entreprises, notamment celles de l’Aéroport Billy Bishop de Toronto et du port de Toronto. Le port et l’aéroport n’étaient qu’à une dizaine de centimètres de l’inondation. Des efforts et des coûts considérables ont été consacrés au pompage, à la mise en place de sacs de sable et à des solutions temporaires pour assurer le maintien des activités.

Nous sommes bien conscients des risques qui pèsent sur les activités de PortsToronto et de la responsabilité qui lui incombe de protéger ses installations et d’atténuer les risques. C’est pourquoi nous avons pris des mesures pour mieux les cerner, les comprendre et nous y préparer. Ainsi, nous avons mené une analyse visant à évaluer les risques actuels et futurs pour notre infrastructure. Elle a permis d’observer 614 points d’interaction entre l’infrastructure et le climat, dans les conditions climatiques actuelles et futures. Il s’agit notamment des répercussions sur les quais flottants, l’approvisionnement en électricité, l’exploitation des traversiers et les égouts pluviaux.

À l’avenir, PortsToronto intégrera également les recommandations du Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques, sur lesquelles se fondent de nombreuses exigences fédérales en matière de rapports dans le monde, ainsi que le projet de Règlement 51-107 sur l’information liée aux questions climatiques. Nous avons aussi l’intention d’entreprendre une analyse de scénarios climatiques selon différents facteurs comme les courbes de températures, le niveau des lacs, la législation liée au climat, la demande de la clientèle et les développements technologiques.

PortsToronto a pour mission de relier les gens entre eux et de transporter les personnes et les marchandises au bénéfice des économies locales, régionales et nationales. Plus les effets des changements climatiques s’intensifieront et la probabilité d’événements météorologiques augmentera, plus le gouvernement et les entreprises devront collaborer pour définir des mesures d’atténuation, d’élimination et de protection afin de garantir la qualité et l’efficacité de notre infrastructure et de nos réseaux de transport. Il faudra notamment mettre en place un vaste programme de financement pluriannuel pour les infrastructures, non seulement pour gérer les infrastructures en fin de vie, mais aussi pour renforcer la chaîne d’approvisionnement maritime nationale afin de fournir aux ports les fonds et la capacité nécessaires pour se préparer aux changements climatiques.

Il sera essentiel d’offrir du financement pluriannuel, parce que la construction de bajoyers et d’autres grandes infrastructures ne peut se réaliser de manière réaliste en une seule année. En outre, il faudra réserver ces fonds aux infrastructures critiques...

Le président : Monsieur Steenstra, je suis désolé de vous interrompre, mais si vous pouviez conclure, s’il vous plaît, vous avez déjà dépassé les cinq minutes.

M. Steenstra : Certainement.

La lutte contre les effets des changements climatiques est une responsabilité partagée qui nécessitera l’engagement des entreprises et des gouvernements à travailler ensemble pour trouver des solutions. Nous devrons innover et améliorer nos façons de faire, atténuer l’incidence de nos activités sur l’environnement et faire des investissements importants.

Je tiens à remercier le comité de nous offrir, à mes collègues et à moi, l’occasion de nous exprimer ce soir sur cet enjeu important. Nous félicitons tous les membres pour leur volonté d’en apprendre davantage sur les changements climatiques et leurs effets sur le secteur des transports. Je vous remercie de votre attention.

Le président : Merci beaucoup. Pour le bénéfice de notre auditoire, j’aimerais informer tout le monde que le sénateur Andrew Cardozo s’est joint à la réunion de ce soir.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : J’ai une question pour M. Athanasiou concernant la Voie maritime du Saint-Laurent qui, bien sûr, m’intéresse particulièrement à titre de sénatrice du Québec.

Dans votre présentation, vous avez surtout parlé de tout ce qui va bien et un peu moins de ce qui va mal ou qui pourrait aller mal en raison des changements climatiques. J’aimerais vous entendre plus précisément là-dessus. Vous avez dit « pour que nos infrastructures soient résilientes » et vous avez parlé des ponts. Alors, qu’est-ce qui doit être fait dans l’infrastructure autour du Saint-Laurent pour renforcer la chose?

On a entendu un témoin, le maire de Saint-Anicet, qui était catastrophé du fait que les inondations sont de plus en plus fréquentes parce qu’il n’y a plus autant de glace sur le Saint-Laurent. Cela pose problème, mais pas pour les bateaux, j’imagine, car les inondations ne sont pas une préoccupation pour eux. Il me semble que c’est quand même important quand on parle de la Voie maritime du Saint-Laurent.

J’aimerais vous entendre sur ces deux questions.

M. Athanasiou : Merci pour votre question, madame la sénatrice.

La première question, c’est d’avoir toujours assez d’argent pour faire des travaux et bâtir une résilience pour la fluctuation des niveaux et du débit d’eau. Cela revient toujours à être davantage en mesure de bâtir nos infrastructures pour gérer les variations.

La sénatrice Miville-Dechêne : Maintenant, en ce moment, les infrastructures ne sont plus bonnes? Elles sont vieilles et dépassées?

M. Athanasiou : Non, pas du tout. Depuis 1998, on a un programme qui investit chaque année plus de 70 millions de dollars en moyenne. On a un programme robuste d’inspection, de planification et d’investissement qui permet de s’assurer que toutes nos infrastructures sont sécuritaires. On a 99 % de disponibilité de passage pour les bateaux. On a une très haute disponibilité, mais il faut que l’investissement continue.

La sénatrice Miville-Dechêne : Pour ce qui est des inondations et des niveaux d’eau en général, tout cela doit avoir un impact sur la navigation.

M. Athanasiou : Comme mon collègue en a déjà parlé, la Commission mixte internationale (CMI) gère les débits d’eau qui passent par la voie maritime. C’est ce qui a le plus grand impact sur la navigation et les membres de la communauté et tout autre service hydrologique. Pour nous, tout est géré par cette commission.

Pour répondre à votre question, on ne peut pas ultimement contrôler la glace, s’il y en a ou non. Pour la commission, il faut assurer qu’on a un transport sécuritaire des navires et c’est par le débit que tout cela est géré. On travaille avec la CMI, qui nous donne des conseils, et cela nous permet de prendre les meilleures décisions sur les manières de régler le débit d’eau, ce qui est le plus important pour...

La sénatrice Miville-Dechêne : Le débit dans les écluses?

M. Athanasiou : Oui, mais c’est un peu plus que cela.

On parle d’un haut niveau d’eau dans les Grands Lacs. Cette eau doit être libérée et se libère par les rivières. Comme les bateaux naviguent par les écluses et aboutissent dans la rivière, cela peut affecter leur comportement et leur capacité de traverser la rivière si le débit d’eau est trop élevé ou trop bas.

La sénatrice Miville-Dechêne : Étant donné les changements climatiques, pensez-vous que notre système d’écluses continuera d’être suffisant et de fonctionner? Croyez-vous que nous devrons changer profondément notre façon de contrôler les débits d’eau dans le fleuve Saint-Laurent?

M. Athanasiou : Oui, il continuera de fonctionner pour les bateaux. Le défi a trait aux changements et à la variabilité des niveaux, qui sont tantôt élevés, tantôt bas; cela affecte le tonnage qu’un bateau peut transporter et le comportement des navires.

Il faut investir; il y a des projets dans lesquels on peut investir pour s’assurer qu’on minimise l’impact à quelques endroits de la voie maritime afin de faire cela de façon plus résiliente.

La sénatrice Miville-Dechêne : D’accord. Merci.

[Traduction]

Le sénateur Klyne : J’ai une question à poser à M. Steenstra. Je ferai un petit préambule.

Les acteurs de la chaîne d’approvisionnement sont confrontés à d’énormes défis liés aux changements climatiques. Quand un risque climatique en vient à interrompre ou à paralyser la chaîne d’approvisionnement, cela peut avoir une incidence énorme sur les activités quotidiennes d’une entreprise, sans parler des répercussions sur les économies locales, régionales et nationales.

Dans vos remarques, je vous ai entendu mentionner quelque chose qui ressemble à un plan de continuité des activités. Je me pose donc la question suivante : avez-vous un plan de continuité des activités pour accroître votre viabilité et votre résilience face aux risques climatiques croissants et atténuer les perturbations de la chaîne d’approvisionnement?

M. Steenstra : Oui, absolument. Il est évident qu’en tant qu’entreprise indépendante, qu’il s’agisse de l’aéroport ou du port, nous devons continuellement analyser les risques auxquels nous sommes confrontés et la façon dont nous pouvons en atténuer l’impact. De toute évidence, pour nous, la planification est primordiale. Ensuite, il y a tout le soutien nécessaire pour parvenir à nos fins. Un meilleur accès au capital et une stratégie nationale en matière de transport nous aideraient à atténuer les difficultés dans les chaînes d’approvisionnement et à mieux servir nos clients et le marché plus en général, ici à Toronto.

Le sénateur Klyne : Merci.

Monsieur Athanasiou, je ne vous demanderai peut-être pas si vous avez un plan de continuité des activités. Selon vous, dans quelle mesure les autorités gouvernementales pourraient-elles aider les acteurs de la chaîne d’approvisionnement et les entreprises comme la vôtre et celle de vos collègues à accroître leur durabilité et leur résilience face aux risques climatiques croissants?

M. Athanasiou : Merci pour cette question. En gros, je voudrais que les autorités gouvernementales veillent à ce que nous disposions d’un financement stable pour investir dans nos infrastructures afin de pouvoir nous adapter au fur et à mesure que les changements climatiques se produisent.

Le sénateur Klyne : Je vois. Avez-vous un plan de continuité des activités?

M. Athanasiou : Oui, nous en avons un.

Le sénateur Klyne : Pouvez-vous donner au comité une idée générale des principaux éléments auxquels vous vous attardez à cet égard?

M. Athanasiou : Je n’ai pas toutes les informations en ce moment. Si vous le souhaitez, je peux demander à une personne de mon équipe de se pencher là-dessus.

Le sénateur Klyne : C’est parfait. Pourriez-vous envoyer la réponse au greffier?

M. Athanasiou : Je le peux absolument.

Le sénateur Klyne : Je vous remercie.

La sénatrice Simons : Monsieur Hamilton, j’adore un bon exemple de déterminisme nominatif, et l’idée que M. Hamilton travaille à l’administration portuaire de Hamilton me réjouit à un niveau très enfantin. Je suis persuadée que vous avez entendu cette blague bien trop souvent pour la trouver encore drôle.

Vous avez raconté une histoire déchirante : vous avez procédé au dragage du port, puis assisté au retour des sédiments. Hier, nous avons entendu deux experts universitaires parler du danger que représente le changement climatique pour l’érosion, et pas seulement en raison du vent. Ils ont dit que s’il manque de glace pour protéger les berges de l’érosion, le phénomène va s’aggraver.

Le scénario que vous avez décrit est-il attribuable à une tempête anormale? Dans quelle mesure illustre-t-il l’incidence d’une érosion accrue, qui crée plus de matière?

M. Hamilton : Je vous remercie de cette question. Oui, quelques personnes ont remarqué que mon nom de famille est Hamilton et que je travaille également au port de Hamilton.

Les énormes fluctuations des niveaux d’eau causent probablement une grande partie de l’érosion et certains des problèmes. La situation que j’ai décrite — qui ne faisait qu’illustrer le type de problèmes que rencontrent les ports — était en fait due, comme vous l’avez dit, à une tempête anormale. Cependant, le fait est que ces « tempêtes du siècle » arrivent maintenant tous les deux ans.

Nous avons réalisé un grand nombre de modélisations de cette situation particulière. Il existe une solution, qui consiste à construire des épis dans le lac Ontario, ce qui modifie les courants et l’endroit où les sédiments se déposent. La solution à ce problème — qui va un peu dans le même sens que M. Steenstra et mon collègue de la CGVMSL — coûte 20 à 50 millions de dollars. Malheureusement, il faudra des investissements semblables pour assurer la continuité du service dans les ports au pays.

La sénatrice Simons : Monsieur Steenstra, c’est un plaisir de vous revoir. J’ai connu le témoin à l’époque où il travaillait à l’aéroport international de Fort McMurray.

M. Steenstra : C’est vrai. C’est un plaisir de vous revoir, sénatrice Simons.

La sénatrice Simons : Nous avons récemment entendu des témoins dire que l’aéroport international de Vancouver est vulnérable parce qu’il est situé sur Sea Island. Je n’avais pas pensé au fait qu’on est bien sûr sur une île. Il est évident que le lac ne connaît pas les mêmes montées des eaux et les mêmes ondes de tempête que l’océan Pacifique, mais le scénario que vous avez décrit, où vous avez failli être inondé, semble assez sinistre.

À Vancouver, on s’interroge sérieusement sur la durée de vie d’un aéroport à cet endroit. Dans quelle mesure l’aéroport international de Vancouver est-il vulnérable, à moyen et à long terme, aux ondes de tempête qui pourraient inonder l’île elle-même?

M. Steenstra : Il peut y avoir des ondes de tempête, mais il est certain que le changement climatique et ses conséquences représentent un risque majeur. Nous y prêtons attention et l’examinons chaque trimestre pour voir comment nous pouvons en atténuer les effets, en parler judicieusement et assurer notre viabilité.

Il est certain que les aéroports ont eu une reprise très forte après des années difficiles. Les changements climatiques, les tempêtes violentes qui s’abattent sur nos environnements et, dans notre cas, les variations du niveau de l’eau affectent l’ensemble du secteur. De toute évidence, les tempêtes violentes peuvent également s’abattre directement sur Toronto. J’imagine que c’est un élément de risque très élevé pour tous les aéroports du pays. En ce qui concerne la continuité de leurs activités, comment s’assurent-ils de pouvoir faire face à ces événements météorologiques de plus en plus fréquents?

La sénatrice Simons : Le fait que l’aéroport soit entouré d’eau ne le rend-il pas plus vulnérable que, disons, Fort McMurray, Edmonton ou Saskatoon, qui ne seront jamais inondés?

M. Steenstra : C’est tout à fait vrai, mais j’ai bien sûr connu les incendies de 2016 à Fort McMurray, qui ont pratiquement brûlé la totalité de l’aéroport, et même une bonne partie de la ville. Le défi est donc de taille dans tout le pays. Dans notre micro-environnement, nous surveillons certainement les niveaux d’eau, simplement parce que nous ne pouvons pas construire suffisamment d’infrastructures pour nous permettre d’y survivre.

La sénatrice Simons : Je vous remercie infiniment.

La sénatrice Patterson : J’ai eu la chance de me rendre aux ports de Toronto et de Hamilton, tous deux situés sur la Voie maritime du Saint-Laurent. C’est fort intéressant.

Monsieur Steenstra, j’ai été très étonnée que vous parliez de moderniser le traversier pour le rendre électrique. Nous parlons de facteurs qui haussent et diminuent le niveau de l’eau, mais la qualité de l’eau est également fort importante. L’érosion massive d’un lac s’accompagne non seulement de sédiments, mais aussi de pollution, en raison surtout du dépotoir situé à Oshawa. La pollution a des conséquences et acidifie l’eau.

Voici ce qui m’intrigue à l’égard des régions de Toronto, d’Oshawa et de Hamilton. Comment surveillez-vous ce phénomène? Cette érosion acide affecte également les coques des navires. Recueillez-vous des données à ce sujet? Avez-vous des commentaires à faire là-dessus?

M. Steenstra : Monsieur Hamilton, voulez-vous commencer?

M. Hamilton : C’est d’accord. Je vais parler brièvement des dépôts et de la façon dont nous traitons les résidus de dragage. Nous testons toutes les matières que nous déplaçons ou retirons de l’eau. Si elles sont propres, elles peuvent être rejetées dans l’eau. Si elles sont contaminées, elles sont ramenées sur le rivage et asséchées. Nous trouvons ensuite une forme de décharge ou, dans le cas du port de Hamilton, nous utilisons ce que l’on appelle un dépôt confiné. Nous prenons ces résidus et les plaçons dans l’installation. De cette façon, nous pouvons les isoler. En fin de compte, le contenant est fermé.

Il existe actuellement à Hamilton un excellent exemple d’installation semblable, financée par le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial et l’industrie. L’objectif est de remédier à ce qu’on appelle le récif Randall, un très grand dépôt de goudron de houille qui se trouvait dans le port de Hamilton, ce qui en fait l’endroit le plus contaminé des eaux canadiennes à l’heure actuelle. Les responsables ont construit une grande installation de confinement, ont retiré la matière du lit du port à proximité et l’ont placée à l’intérieur de l’installation, où elle est désormais confinée. Le dépôt sera ensuite recouvert d’un couvercle.

Cela répond à une partie de votre question. Je passe la parole à M. Steenstra pour l’autre volet. C’est en tout cas ainsi que nous gérons et traitons les matières contaminées du fond du port.

M. Steenstra : Je vous remercie, monsieur Hamilton. Nous avons un processus similaire pour nos matières.

Mais en ce qui concerne le traversier, nous sommes à l’écoute de notre communauté. Dans ce cas précis, nous parlons de la qualité de l’air. Nous avons reçu des commentaires sur les impacts potentiels de la circulation du traversier à diésel entre l’île et le continent. Nous avons donc pris des mesures immédiates pour investir dans le traversier et le rendre entièrement électrique, ce qui a remarquablement réduit notre incidence sur la qualité de l’air dans la région. C’est une grande réussite.

La sénatrice Patterson : Merci beaucoup.

Toutes ces solutions coûtent de l’argent. Assurer la continuité des activités a un coût, c’est certain.

Recevez-vous des fonds à cette fin? Il ne s’agit plus nécessairement de coûts inattendus, mais ils réduisent votre capacité à accroître la résilience des ports et de la voie maritime. D’où vient cet argent? Quel est l’impact sur vos autres secteurs d’activité?

M. Steenstra : Au sujet du traversier, nous avons procédé à cet investissement en puisant dans les recettes de nos activités portuaires et aéroportuaires. Vous avez raison : cela a une incidence, bien sûr, car si nous décidons d’en faire une priorité et d’investir, cela veut dire que d’autres investissements doivent attendre. Les sommes que nous pouvons consacrer à des besoins d’infrastructure importants ne sont pas infinies. Nous examinons les priorités, et c’était assurément la plus importante pour nous. C’est ainsi que nous procédons.

Le président : J’ai une question pour l’un ou l’autre de nos témoins ce soir. Les changements climatiques ont, évidemment, des répercussions très importantes sur vos activités, et nous devons prendre des mesures pour nous y adapter. Toutefois, constatez-vous aussi des changements qui ont des effets positifs sur la voie maritime et les ports canadiens?

M. Athanasiou : J’ai mentionné que la saison de la navigation sur le canal Welland et la section entre Montréal et le lac Ontario pouvait être prolongée d’une semaine, ce qui veut dire que plus de marchandises peuvent être transportées de cette manière, et cela enlève de la pression sur les autres modes de transport.

C’est donc un exemple. Il faut toutefois compenser cette variabilité par un financement stable. Appelons donc cela un élément positif, car étant donné que le transport maritime est le mode de transport le plus écologique, le fait de prolonger la saison de navigation constitue un avantage net pour l’environnement.

Le président : Quelqu’un d’autre aimerait-il ajouter quelque chose?

M. Hamilton : Oui. J’imagine mal les aspects positifs l’emporter sur les aspects négatifs, mais nous avons constaté une chose qui n’est pas liée précisément au transport. La saison de croissance agricole est plus longue, et cela a pour effet d’accroître la productivité des récoltes et les exportations en Ontario. Hamilton, en particulier, a investi environ 500 millions de dollars dans ses infrastructures à cette fin. L’an dernier, c’est environ 3,5 millions de tonnes métriques de produits agricoles destinés à l’exportation qui ont transité par notre port, et la croissance se poursuit. La productivité a augmenté de 6 % à 9 %. Cela n’est pas dû uniquement à la saison de croissance qui est plus longue, mais aussi à l’agriculture de précision et à diverses autres techniques.

Encore une fois, je ne peux pas imaginer que les éléments positifs vont l’emporter sur les éléments négatifs, mais disons que c’est un autre élément positif potentiel que nous avons constaté.

Le président : Je ne crois pas que l’idée soit de chercher à savoir si les effets des changements climatiques sont positifs ou négatifs. Nous savons tous qu’ils sont là et que leurs effets se font sentir. Le gouvernement collabore-t-il suffisamment avec les administrations portuaires et les responsables des voies maritimes pour élaborer les stratégies nécessaires afin que nous soyons prêts à nous adapter aux changements climatiques qui se produiront dans 3, 7 ou 15 ans d’ici?

M. Steenstra : C’est une excellente question. Nous sommes heureux des engagements pris dans le budget de 2023, en particulier du Programme de corridors maritimes verts, le fruit d’une collaboration continue entre le gouvernement et l’industrie. Je vous en remercie.

Un des défis qu’il ne faut pas perdre de vue, c’est le grand nombre d’autres infrastructures qu’il faudra pour remplacer les infrastructures vieillissantes, et aussi les innovations qu’il faudra mettre à profit pour que les ports demeurent des catalyseurs dans l’économie.

De plus, il est absolument nécessaire que les ports aient accès à du capital de risque, et c’est pourquoi nous sommes heureux de poursuivre le dialogue avec le gouvernement pour garantir une certitude à ce sujet. Je vous remercie de votre question.

M. Athanasiou : Je vais poursuivre sur la lancée de mon collègue. Le Programme de corridors maritimes verts est assurément un bon départ. Au sujet de la variabilité, vous avez entendu ce qui a été dit précédemment, à savoir que la clé consiste à continuer d’investir pour bien se préparer, et le Programme de corridors maritimes verts est assurément un bel effort en ce sens.

M. Hamilton : Je vous remercie. Je vais intervenir à mon tour.

Nous nous félicitons assurément du Programme de corridors maritimes verts, et dans ma déclaration liminaire, j’ai montré, je l’espère, à quel point il sera populaire et pourrait être le fer de lance de nouveaux projets.

Jusqu’à maintenant, les investissements dans les ports qui ont été faits dans le cadre du Fonds national des corridors commerciaux ont visé à faciliter le commerce et étaient très importants, surtout après la COVID, pour nous assurer d’avoir les infrastructures nécessaires en place. Il faut maintenant réorienter nos efforts et comprendre que nous devons presque passer en mode défensif et nous assurer de continuer à bâtir et à entretenir nos infrastructures de façon à pouvoir faire face aux changements climatiques.

Dans ma déclaration liminaire, j’ai aussi parlé du projet de loi C-33. Nous espérons que des amendements seront apportés afin de permettre aux administrations portuaires de se financer autrement que par des subventions auprès des gouvernements fédéral et provinciaux, et d’établir de meilleurs partenariats, que ce soit avec les collectivités autochtones, l’industrie ou les institutions financières, afin de pouvoir procéder à des investissements essentiels et potentiellement les amortir sur de longues périodes.

Je pense qu’il faut nous outiller pour que nous puissions trouver du financement auprès d’investisseurs et de tierces parties. Pouvoir établir des partenariats avec les collectivités autochtones est important pour nous, car elles ont toujours porté un vif intérêt aux façons de lutter contre les changements climatiques.

La sénatrice Dasko : Je remercie nos témoins d’être avec nous. Monsieur Hamilton, je voudrais rebondir sur vos commentaires à propos du projet de loi C-33, et mes questions s’adressent aussi aux autres témoins.

Y a-t-il des éléments du projet de loi C-33 qui s’appliquent à nos objectifs environnementaux ou climatiques? Y a-t-il des activités ou des objectifs qui concernent votre mandat? Avez-vous l’obligation de prendre des mesures qui portent sur quoi que ce soit qui concerne l’environnement? Nous avons entendu parler du projet de loi. Il ne nous est pas encore parvenu, mais je sais qu’il se trouve à l’autre endroit.

M. Hamilton : Je vais commencer. Le projet de loi oblige à tenir plus de consultations. Je pense que cela, en soi, nous aidera à nous assurer que la voix de l’environnement sera entendue et que nous pouvons nous en occuper.

L’autre façon de faire — qui, je le répète, est plus subtile — est de permettre aux administrations portuaires d’avoir accès à de multiples sources de financement et de créer de nouveaux partenariats. Nous aimerions que le projet de loi C-33 nous permette de le faire afin que nous puissions procéder aux investissements essentiels que nous devons faire pour relever les défis actuels, et les changements climatiques sont l’un des plus importants. Il faut notamment que les ports puissent emprunter sur les marchés ouverts, établir des partenariats avec des tierces parties, et trouver des façons plus novatrices de financer ces projets.

La sénatrice Dasko : Dites-vous que des éléments particuliers du projet de loi portent sur les changements climatiques? Ou êtes-vous en train d’extrapoler un peu?

M. Hamilton : J’extrapole un peu. Le projet de loi pourrait nous donner les outils pour nous attaquer aux changements climatiques.

La sénatrice Dasko : Très bien. Est-ce que les autres témoins auraient des commentaires à faire au sujet du projet de loi C-33 et de ses liens avec l’environnement?

M. Steenstra : Je vais faire écho aux commentaires de M. Hamilton. Certaines limitations ou restrictions qui sont actuellement contenues dans le projet de loi C-33 ont des répercussions négatives sur les ports canadiens qui les empêchent de se préparer et de faire face aux changements climatiques, notamment parce qu’elles nuisent aux investissements et aux activités que nous devons entreprendre d’un point de vue commercial et qui sont nécessaires.

La sénatrice Dasko : Très bien. Monsieur Steenstra, j’ai quelques questions pour vous.

M. Steenstra : Oui.

La sénatrice Dasko : Je suis une Torontoise. J’utilise l’aéroport au moins une fois par semaine, alors je le connais très bien, mais je dois dire que je connais très peu le port et que cela manque vraiment à mes connaissances. Je vais devoir m’y rendre un de ces jours.

M. Steenstra : Bien sûr.

La sénatrice Dasko : Oui, j’ai hâte d’y aller. Vous avez parlé du traversier. Depuis qu’il y a la passerelle, les gens que je connais n’utilisent plus du tout le traversier, mais vous allez me dire, je présume, qu’une foule de gens l’utilisent.

Les économies que vous avez réalisées sont-elles dues au fait que le traversier ne fait plus autant de traversées? En fait-il autant qu’avant?

M. Steenstra : Oh, non, le traversier est vraiment un lien essentiel entre l’île et le continent, notamment en raison du transport des marchandises, qui sont toutes acheminées par le traversier. Vous pouvez imaginer qu’on a besoin de nourriture, de produits et de carburant au terminal. Tout cela est acheminé par le traversier, c’est donc encore aujourd’hui un mode de transport indispensable.

Comme vous l’avez dit, la passerelle est un autre moyen que les passagers peuvent maintenant utiliser pour se rendre à l’aéroport. Toutefois, des gens utilisent encore le traversier et se rendent sur son pont pour profiter de cette courte ballade et de la vue, s’ils ont le temps. J’insiste sur le fait qu’il s’agit encore d’un lien de transport essentiel pour nous afin d’acheminer les marchandises sur l’île.

La sénatrice Dasko : Eh bien, il peut y avoir quelques touristes sur le traversier. Fait-il autant de traversées qu’auparavant?

M. Steenstra : Le nombre a diminué un peu, bien sûr, en fonction des besoins, mais il a un horaire régulier tout au long de la journée pendant nos heures d’activité.

La sénatrice Dasko : Je crois comprendre que vous êtes responsable des questions environnementales au port de Toronto. Puis-je vous demander le rôle qu’a joué PortsToronto dans l’aménagement du cours inférieur de la rivière Don? PortsToronto y a-t-il joué un rôle important? Comme vous le savez — de toute évidence, puisque vous y travaillez — des travaux importants ont été faits.

M. Steenstra : Oui.

La sénatrice Dasko : La rivière Don a été détournée, et il semble y avoir une nouvelle rivière à cet endroit. Est-ce que PortsToronto a participé à ces travaux?

M. Steenstra : Non, nous n’avons pas joué un rôle directement. En tant qu’intervenant dans ce secteur et bien sûr de partenaire clé dans la zone riveraine, nous avons voix au chapitre, mais le projet était mené en grande partie par Waterfront Toronto et la Ville de Toronto.

La sénatrice Dasko : Très bien. Je vous remercie.

Le sénateur Cardozo : J’ai quelques questions, et comme je suis arrivée en retard, je vous prie de m’excuser si vous y avez déjà répondu.

Tout d’abord, je m’intéresse aux ports existants. Je présume que Hamilton et Oshawa étaient auparavant des ports séparés et qu’à un moment donné, leur gestion a été regroupée. Est-ce que l’on songe à regrouper un jour les trois ports sous une même administration portuaire?

Je le mentionne parce que certains enjeux dont nous discutons — qu’ils soient géographiques, environnementaux ou économiques, ou encore liés à la circulation ou au chargement — concernent tous la région du Grand Toronto et de Hamilton.

M. Hamilton : Oui.

Le sénateur Cardozo : Est-ce que je touche une corde sensible ici? Je ne veux pas que l’un ou l’autre d’entre vous perdent son emploi ou quoi que ce soit du genre.

M. Hamilton : Transports Canada a bien entendu le pouvoir, dans le règlement sur la gestion, de regrouper des ports, et c’est ce qu’il a fait dans le cas d’Hamilton et d’Oshawa il y a environ quatre ans et demi maintenant, bientôt cinq. L’objectif était vraiment d’assurer la viabilité à long terme du système, et en les regroupant, on avait de meilleures chances d’y parvenir.

Du point de vue de l’Administration portuaire de Hamilton-Oshawa, nous croyons — que ce soit par regroupement ou par une collaboration très étroite — que le système portuaire porte bien son nom, car c’est vraiment un système. Plus nous avons la possibilité de travailler ensemble pour nous assurer que le financement fait l’objet d’une utilisation optimale et que les marchandises partent du meilleur endroit et y arrivent, mieux cela sert les Canadiens.

Le sénateur Cardozo : Monsieur Steenstra, voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Steenstra : Eh bien, si nous avions une stratégie plus vaste et plus globale pour les ports canadiens à l’échelle nationale, ce pourrait être utile pour assurer la viabilité de chaque port. Je comprends votre point de vue selon lequel il pourrait y avoir des synergies et des gains d’efficacité, mais nous pensons, évidemment, que les marchés et les clients servis par chaque port sont différents, si bien que ce n’est certainement pas quelque chose dont nous discutons activement. Mais oui, je comprends tout à fait votre point de vue.

Le sénateur Cardozo : Sur le plan géographique, il me semble étrange d’avoir Toronto au milieu et ces deux ports, Oshawa et Hamilton, de part et d’autre, et que ces deux types de ports soient liés alors que celui du milieu est distinct. Toronto devrait être avec l’un ou l’autre.

J’ai une autre question sur la géographie. Entre Oshawa et Hamilton, il n’y a que les trois ports — Hamilton, Toronto et Oshawa —, n’est-ce pas? Il n’y en a pas d’autres.

M. Steenstra : C’est exact.

M. Hamilton : Certainement pas ceux qui sont détenus ou réglementés par le gouvernement fédéral.

Le sénateur Cardozo : D’accord. Je suis sur le site Web du port de Toronto, et vous parlez de la quantité de marchandises que vous retirez des routes grâce à l’interconnexion des ports et à l’utilisation accrue des voies navigables pour les marchandises.

Pouvez-vous ajouter quelque chose sur ce que vous faites à l’heure actuelle et sur ce que vous prévoyez pour l’avenir? Combien de marchandises supplémentaires pensez-vous pouvoir retirer des routes dans cette région?

M. Steenstra : Cela dépend fortement de l’activité générée. Évidemment, les clients choisissent les ports pour différentes raisons, mais nous croyons que la proximité de ces ports, dont dispose Toronto — et en fonction des marchandises qui arrivent —, annulerait la nécessité de longs transports depuis d’autres régions pour acheminer les produits dans la ville de Toronto, et plus particulièrement les produits en vrac, dans notre cas.

Par exemple, les granulats qui arrivent directement au port de Toronto servent à l’industrie de la construction dans le centre-ville de Toronto. Il s’agit d’un trajet de 10 minutes, contre deux ou trois heures — les bons jours — pour d’autres régions de l’Ontario. Il y a donc certainement des gains d’efficacité et une diminution des répercussions à long terme des activités qui ne nécessitent pas, par exemple, de longs trajets par camion.

Le sénateur Cardozo : En ce qui concerne la congestion routière dans la région du Grand Toronto et de Hamilton, y a-t-il une circulation des marchandises vers les voies navigables?

M. Steenstra : Nous aimerions certainement que plus de mesures soient prises à cet égard. Vous avez tout à fait raison. La congestion est un problème de taille qui coûte environ 11 milliards de dollars en perte de productivité. Donc, quoi que nous fassions, nous sommes certainement une solution à ce problème du point de vue des importations.

M. Hamilton : Sénateur Cardozo, puis-je intervenir également?

Le sénateur Cardozo : Je vous en prie.

M. Hamilton : Je veux seulement donner une idée du potentiel. Je pense que le véritable potentiel est dans la conversion de ce qui est à l’heure actuelle le transport terrestre ou routier en transport maritime. Nous avons relevé, par exemple, un demi-million de chargements de camions par année qui partent du Sud de l’Ontario pour se rendre à Chicago et dans la région du Midwest. Notre objectif est d’essayer de créer de nouveaux services maritimes qui peuvent réellement retirer ces camions de la route. Lorsque vous disposez d’un service maritime qui produit environ un dixième des gaz à effet de serre d’un camion par tonne-mille, vous avez là une véritable occasion.

De même, aucun port des Grands Lacs n’est en mesure de transborder des conteneurs non dédouanés, c’est-à-dire des conteneurs provenant de l’étranger, car nous ne disposons pas d’entrepôts d’attente, qui sont des installations des douanes qui nous permettraient de faire entrer ces conteneurs. Le client n’a donc pas d’autre choix que de les transporter par camion ou par train. Je pense que c’est le Saint-Graal que nous recherchons vraiment. Nous avons l’arrivée naturelle des marchandises qui conviennent le mieux au transport maritime à l’heure actuelle, mais nous devons maintenant commencer à réfléchir à la manière dont nous pouvons mieux utiliser nos voies navigables. Vous avez dit que Toronto est l’une des régions où la congestion routière est la plus importante dans toute l’Amérique du Nord et que nous avons pourtant 50 % de capacité disponible dans le système. M. Athanasiou peut également nous parler de la quantité de marchandises supplémentaires que nous pourrions acheminer par l’autoroute H2O et notre réseau de voies navigables.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : J’ai une question pour M. Steenstra. J’ai lu dans un article du Toronto Star que le port de Toronto est en discussion avec Transports Canada pour allonger ses pistes d’atterrissage afin qu’elles soient plus sécuritaires. Où allez-vous mettre ces pistes d’atterrissage? Allez-vous remblayer le lac pour agrandir l’île? Ce projet est-il compatible avec le réchauffement climatique, ou va-t-il déstabiliser certains éléments?

[Traduction]

M. Steenstra : Je vous remercie de la question. Vous parlez des aires de sécurité d’extrémité de piste, ou RESA, que tous les aéroports du Canada doivent mettre en place et, en fait, que la plupart d’entre eux ont déjà mises en place. Nous sommes actuellement en pourparlers avec Transports Canada pour mettre en place une RESA. Ce serait un prolongement de notre piste existante afin de nous conformer à cette exigence en matière de sécurité. Nous travaillons très fort pour nous assurer de gérer cette question et établir quelles mesures ont des répercussions positives. Il s’agit certainement d’une question cruciale, et nous avons jusqu’en 2027 pour mettre en place cette mesure dans notre aéroport.

La sénatrice Miville-Dechêne : D’accord, mais ma question était un peu plus précise. Allez-vous construire d’autres pistes d’atterrissage sur l’eau? Allez-vous mettre en place une décharge? Irez-vous dans le lac juste pour avoir plus de pistes d’atterrissage? Désolée, mon anglais est complètement...

M. Steenstra : Il n’y a pas de souci. Je comprends. Il y a un certain nombre d’options pour que nous soyons conformes, et c’est certainement l’une des options que nous envisageons à l’heure actuelle.

La sénatrice Miville-Dechêne : Est-ce vraiment une bonne idée à ce stade-ci? Nous parlons des niveaux d’eau qui augmentent et de tout le reste. Est-ce une bonne idée?

M. Steenstra : Eh bien, je pense que la réponse la plus simple à cette question est que nous n’avons peut-être pas le choix.

La sénatrice Miville-Dechêne : Je vous remercie.

M. Steenstra : Je vous en prie.

Le président : Je tiens à remercier tous nos témoins d’être présents ce soir et de répondre à nos questions.

[Français]

Honorables sénatrices et sénateurs, nous poursuivons notre étude sur l’incidence des changements climatiques sur les infrastructures dans le secteur des transports des Grands Lacs et du Saint-Laurent. Pour notre deuxième groupe de témoins ce soir, nous avons le plaisir d’accueillir, par vidéoconférence, M. Jason Rimmer, premier dirigeant de l’Administration de pilotage des Grands Lacs, et Marc-Yves Bertin, premier dirigeant de l’Administration de pilotage des Laurentides.

[Traduction]

Nous vous souhaitons à tous les deux la bienvenue à notre comité. Nous vous remercions de vous être joints à nous. Chacun de nos témoins disposera de cinq minutes pour faire sa déclaration liminaire, puis nous céderons la parole aux sénateurs pour la période des questions et réponses. Nous commencerons par accorder cinq minutes à Marc-Yves Bertin.

[Français]

Il sera suivi de Jason Rimmer pour cinq autres minutes, avant de passer à la période des questions et réponses.

Monsieur Bertin, vous avez la parole.

Marc-Yves Bertin, premier dirigeant, Administration de pilotage des Laurentides : Meegwetch. Merci beaucoup de m’avoir invité à prendre la parole sur le sujet à l’étude.

Je m’appelle Marc-Yves Bertin et je suis premier dirigeant de l’Administration de pilotage des Laurentides (APL) depuis mai 2023. L’APL est une société d’État fédérale responsable de fournir des services de pilotage dans la région qui englobe le golfe du Saint-Laurent jusqu’aux écluses de Saint-Lambert, à Montréal. Au total, notre région comprend environ 945 milles nautiques d’eaux navigables, qui relient la troisième région économique la plus importante au monde à l’économie internationale. Nos services de pilotage sont fournis 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, à partir de notre centre de répartition situé à Montréal et par l’intermédiaire de cinq stations de déploiement situées le long du fleuve.

[Traduction]

En moyenne, l’Administration de pilotage des Laurentides, ou l’APL, gère près de 25 000 missions de pilotage par an. En plus de relier les commerçants canadiens aux marchés mondiaux, nos opérations jouent également un rôle essentiel en matière de sécurité économique, en servant de corridor principal pour le réapprovisionnement de Terre-Neuve-et-Labrador et de l’Arctique canadien. Bien entendu, ce service contribue à la sécurité de la navigation, y compris la sécurité du public et du personnel maritime, mais il sert également à la protection de la santé et des biens, ainsi qu’à celle de notre grande richesse naturelle.

[Français]

À vrai dire, l’incidence des changements climatiques et les impacts sur les chaînes d’approvisionnement font partie des enjeux quotidiens auxquels l’Administration de pilotage des Laurentides apprend à faire face. Par exemple, les changements climatiques ont un impact sur la température de l’eau, qui a pour effet de déplacer les zones de gestation des mammifères marins qui sont difficiles à prévoir pour le trafic maritime.

Les variations plus extrêmes des cycles atmosphériques sont également une préoccupation. D’ailleurs, je me souviens d’une époque où la question des niveaux d’eau dans le corridor Saint-Laurent—Grands Lacs signifiait qu’il y avait trop peu d’eau. Les navires étaient alors contraints de réduire la quantité de marchandise qu’ils transportaient. Aujourd’hui, c’est tout le contraire. Avec des niveaux d’eau plus élevés, la sécurité de la navigation est confrontée à de nouveaux défis, comme les courants plus rapides et l’érosion des berges.

Des changements peuvent également être observés en hiver. Autrefois, les embâcles sur le fleuve se produisaient presque tous les ans. Je note toutefois que le dernier embâcle a eu lieu en 2019, mais qu’il a été accompagné de deux embâcles, quoique moins graves, au cours de la même saison.

[Traduction]

Les responsables de l’environnement seraient mieux placés pour donner un avis réfléchi, mais je pense qu’il est juste de dire que la fréquence et l’intensité de ces répercussions sur l’environnement semblent, du moins à nos yeux, avoir augmenté.

[Français]

Pour l’APL, la nécessité de relever ces enjeux souligne l’importance de deux choses. D’abord, nous devons mieux intégrer les considérations environnementales dans tout ce que nous faisons et faire les efforts nécessaires pour rendre nos opérations plus écologiques.

Deuxièmement, nous devons reconnaître que la gestion de ces défis nécessite des partenariats pour promouvoir la résilience de notre corridor, que ce soit pour faire face aux crises ponctuelles ou de façon plus stratégique, pour explorer les moyens d’atténuation et d’adaptation. C’est pourquoi l’APL a intensifié ses efforts de collaboration. Nous investissons dans les données et tirons parti de nos capacités de simulation pour mieux comprendre l’évolution de notre environnement naturel.

Avec le gouvernement du Québec et d’autres partenaires, nous mettons au point des outils de gestion du trafic plus sophistiqués en utilisant l’intelligence artificielle pour déterminer le moment optimal pour un navire d’entrer ou de sortir du fleuve, et ce, en tenant compte d’une variété de facteurs, comme les marées et ultimement les niveaux d’eau.

De façon plus large, nous travaillons avec les instances canadiennes et américaines, les ports, l’industrie maritime et d’autres parties prenantes, notamment au sein de la Société économique du Saint-Laurent (SODES) sur le plan régional, mais aussi dans le cadre d’initiatives ministérielles telles que le Green Shipping Corridor Network. L’objectif de ces efforts est tout simplement de définir des approches — une chose qui n’est pas si facile — et, à terme, de mettre en place un corridor de navigation plus vert, plus intelligent et en cohérence avec les objectifs de carboneutralité du gouvernement fédéral et ses efforts en matière de résilience des chaînes d’approvisionnement.

En conclusion, nous reconnaissons que la prestation de services sûrs et efficaces dépend de notre capacité à comprendre, anticiper et s’adapter aux changements de notre environnement naturel. Ce travail continuera d’impliquer l’exploitation de notre expertise interne, mais, de plus en plus, d’aligner nos efforts avec ceux d’autres entités pour mettre en place des solutions cohérentes.

[Traduction]

Je suis ravi de vous céder à nouveau la parole, monsieur le président, ainsi qu’à mon collègue, M. Rimmer.

Le président : Merci, monsieur.

Monsieur Rimmer, la parole est à vous.

Jason Rimmer, premier dirigeant, Administration de pilotage des Grands Lacs : Bonjour, meegwetch. Merci, honorables membres du comité, de m’avoir invité à m’entretenir avec vous aujourd’hui.

Je suis le premier dirigeant de l’Administration de pilotage des Grands Lacs, ou APGL, depuis le début du mois de février. Je suis reconnaissant d’avoir l’occasion d’aborder la question cruciale des changements climatiques et de notre rôle pour contribuer à en atténuer les profondes répercussions sur notre infrastructure de transport vitale.

[Français]

Créée en 1972, l’Administration de pilotage des Grands Lacs a pour mandat d’établir, d’exploiter, d’entretenir et d’administrer, dans l’intérêt de la sécurité de la navigation, un service de pilotage efficace et rentable dans les eaux canadiennes désignées.

[Traduction]

La région des Grands Lacs est vaste, avec quelque 250 000 kilomètres carrés d’eaux navigables. Le trafic maritime dans les Grands Lacs est principalement attribuable aux céréales, au minerai de fer, au pétrole et au gaz, aux produits en vrac et aux navires de passagers. Des services de pilotage sécuritaires et fiables assurent le transport de ces marchandises et de ces personnes, et garantissent les retombées économiques pour le Canada. Nos services contribuent également à atteindre les objectifs environnementaux grâce au transport sécuritaire et efficace des marchandises et des matières dangereuses.

[Français]

Les changements climatiques ont amené depuis quelques années des conditions environnementales sévères qui, malheureusement, se manifestent plus fréquemment qu’auparavant. Ces changements climatiques posent d’importants défis opérationnels à l’Administration de pilotage des Grands Lacs en ce qui a trait à sa capacité de fournir des services de pilotage rentables et efficaces. D’importantes fluctuations des conditions météorologiques peuvent modifier les courants et les niveaux d’eau, qui peuvent avoir des effets négatifs sur le mouvement des navires dans le réseau des Grands Lacs.

[Traduction]

Afin de contribuer à atténuer les effets des changements climatiques, l’Administration de pilotage des Grands Lacs continue de consulter les communautés autochtones le long de la Voie maritime du Saint-Laurent afin de mieux comprendre les répercussions des changements climatiques et d’élaborer, en collaboration avec les partenaires et les intervenants, des outils efficaces pour assurer la viabilité de cette voie navigable vitale.

[Français]

Afin d’aider à atténuer les effets des changements climatiques, tant sur l’environnement que sur l’économie, l’Administration de pilotage des Grands Lacs fournit une expertise précieuse à la Commission mixte internationale, l’organisme responsable de surveiller et d’élaborer des stratégies sur les niveaux d’eau dans le système.

[Traduction]

L’Administration de pilotage des Grands Lacs tire également parti de ses 70 pilotes pour apporter son expertise au système d’information sur le tirant d’eau. Mis au point par la Corporation de gestion de la Voie maritime du Saint-Laurent, le système d’information sur le tirant d’eau permet aux navires de charger à un tirant d’eau maximal tout en minimisant l’incidence sur la voie maritime.

Nous participons également à la conception du système d’information sur les navires, un outil qui utilise l’intelligence artificielle pour mieux prévoir le trafic et améliorer la fluidité des mouvements des navires tout en maximisant l’efficacité et en réduisant les retards dans la voie maritime.

[Français]

L’Administration de pilotage des Grands Lacs est, depuis 2023, membre du Green Shipping Corridor Network et participe à quelques groupes de travail, dont un qui aide le secteur du transport maritime à s’aligner sur l’objectif de limiter la hausse de la température mondiale à 1,5 degré Celsius, et un autre qui est responsable d’explorer les stratégies de décarbonation et les émissions de gaz à effet de serre tout en suivant les possibilités de collaboration accrue avec nos partenaires.

[Traduction]

À l’interne, dans le cadre de l’initiative du gouvernement sur la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité, l’APGL examinera les exigences en matière d’achats écologiques pour tous ses entrepreneurs, tels que ses contrats de transport terrestre, dans le cadre de ses prochaines stratégies d’approvisionnement.

En 2023, l’APGL a également réalisé une évaluation de ses émissions de gaz à effet de serre dans le cadre de la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité. Toutes les données sur les émissions ont été compilées et présentées à l’organisation au début de 2024 et sont actuellement examinées. La prochaine étape consistera à déterminer quel plan d’action permettra de réduire les émissions de gaz à effet de serre de l’Administration de pilotage des Grands Lacs.

Le transport maritime est le mode de transport le plus respectueux de l’environnement. L’Administration de pilotage des Grands Lacs, en s’acquittant de son mandat de pilotage maritime sécuritaire, économique et fiable, constitue un lien vital, garantissant que l’industrie maritime qui transite par les Grands Lacs continue de fournir un service durable aux économies du Canada et de nos partenaires des États-Unis.

Je tiens à remercier le comité de m’avoir donné une tribune pour communiquer des renseignements sur la façon dont l’Administration de pilotage des Grands Lacs continue de démontrer son engagement à fournir un service de pilotage sécuritaire et durable aux Canadiens. Je vous remercie.

[Français]

Le président : Merci beaucoup.

[Traduction]

Le sénateur Klyne : Bienvenue à nos invités. Ma première question s’adresse à Marc-Yves Bertin.

Un article de la Gazette de Montréal du 24 février explique certains des défis auxquels est confrontée l’Administration de pilotage des Laurentides. Je cite :

L’environnement dans lequel l’APL exerce ses activités est plein de défis : des chaînes d’approvisionnement irrégulières causées par la COVID-19 et les conflits mondiaux, une volonté de rendre les opérations plus écologiques avec un objectif de carboneutralité d’ici 2050, et la nécessité de remplacer les pilotes et les capitaines de navire plus âgés et hautement qualifiés qui arrivent à leur retraite. On demande également à l’APL d’étendre sa zone d’exploitation sur la Côte-Nord du Québec...

En tant que société d’État, je présume que vous disposez d’un financement stable et de ressources stables pour accroître la durabilité et la résilience de l’APL face aux risques croissants liés aux changements climatiques. Je suppose également qu’en tant que société d’État, vous devez disposer d’un plan de continuité des activités.

Pouvez-vous nous donner des exemples concrets des mesures prises par l’APL pour améliorer l’efficacité de la chaîne d’approvisionnement et atténuer les perturbations de la chaîne d’approvisionnement, non seulement dans vos opérations dans les eaux de la région des Laurentides, mais aussi dans vos projets d’expansion sur la Côte-Nord du Québec?

M. Bertin : Je vous remercie de cette excellente question. Comme vous pouvez le constater, nous sommes confrontés à un certain nombre de défis importants dans le cadre de nos fonctions aux administrations de pilotage.

Il y avait un certain nombre de questions. Pour répondre à votre première question concernant le financement, la Loi sur le pilotage nous oblige à être autonomes financièrement. Cela signifie que nous assurons nos revenus et notre viabilité financière par l’entremise d’une structure tarifaire, qui est facturée à nos utilisateurs — essentiellement des armateurs nationaux et internationaux. De ce point de vue, nous sommes en mesure de garantir que le service continue d’être présent, résilient et fiable, ainsi que sécuritaire et efficace, bien entendu.

En ce qui concerne la continuité des activités et le type de mesures que nous prenons pour assurer la résilience de la chaîne d’approvisionnement, il est évident qu’il y a un certain nombre de défis à relever, comme pour n’importe quelle organisation. J’ai entendu une question durant la discussion avec le groupe de témoins précédent, et vous avez soulevé un thème similaire, celui de la continuité des activités. Il est évident que nous nous concentrons sur la continuité de nos installations, de nos opérations, de nos systèmes informatiques, etc. Nous suivions les principaux risques. Nous relevons les mesures d’atténuation et d’urgence, qu’il s’agisse de formation, de systèmes de rechange ou de redondances. Nous avons pour mission principale de relier le Canada au reste du monde.

Quant au genre d’activités que nous menons, il y a un vaste éventail. Nous avons fait beaucoup de travail de recherche-développement pour mieux comprendre l’environnement naturel. À cette fin, nous avons établi, en collaboration avec des universités et des centres de recherche, des programmes de recherche portant sur une multitude de problèmes liés à la navigation. Je peux parler de certains d’entre eux en détail si vous le souhaitez. J’attire votre attention sur un élément qui, à mon avis, répond à un certain nombre de critères intéressants, à savoir notre logiciel de pilotage optimisé, que nous avons mis au point avec divers partenaires, en collaboration avec le gouvernement provincial.

Essentiellement, nous avons travaillé sur un logiciel qui nous permet d’intégrer divers facteurs, notamment des facteurs environnementaux naturels comme les niveaux d’eau et — je ne sais pas trop comment dire cela en anglais, quand l’eau arrive et se retire — les facteurs liés aux marées, les dégagements aériens et d’autres. À cela s’ajoutent le côté réglementaire — c’est-à-dire la réglementation applicable en matière de sécurité — et les dimensions physiques des navires, pour déterminer le moment optimal pour la circulation des navires, dans un sens ou l’autre, dans le corridor de la Voie maritime du Saint-Laurent.

Selon nos tests préliminaires, qui ne sont pas terminés, cela devrait non seulement réduire le temps de transit, mais aussi réduire les coûts grâce aux économies de carburant et, parallèlement, réduire les émissions de gaz à effet de serre, ou GES. C’est une solution fort prometteuse que nous avons mise au point avec des partenaires dans le but manifeste de rendre le système plus efficace et efficient, et bien sûr de réduire son incidence sur l’environnement.

Le sénateur Klyne : Monsieur Bertin, je suppose que vous avez l’occasion d’examiner en rétrospective les fréquents phénomènes météorologiques. Avez-vous l’intention de répondre favorablement à la demande d’aller sur la Côte-Nord du Québec? Si oui, que ferez-vous — maintenant que vous avez vécu certains de ces événements — pour renforcer la résilience et la durabilité de ce nouveau service?

M. Bertin : C’est une excellente question. Bien entendu, nous servirons la Basse-Côte-Nord du Québec si le gouvernement du Canada nous le demande. Nous attendons cette décision. Si une décision en ce sens est rendue, nous ferons le nécessaire pour être prêts.

Je pense qu’il est juste de dire que notre organisme a 50 ans d’expérience dans ce domaine et que nous avons un bilan remarquable. Lorsqu’on regarde notre efficacité et notre respect des délais, les retards dans la chaîne d’approvisionnement associés à nos activités représentent seulement 0,1 % des retards. Je pense que cela témoigne de manière éloquente de notre compétence pour l’établissement et la prestation de services de ce genre.

Cela dit, quelle est la clé du succès? Il s’agit de connaître les besoins de nos clients, de nos utilisateurs. Une de nos pratiques consiste à tenir une rencontre avec les intervenants, ce que nous avons d’ailleurs proposé aux intervenants de la Basse-Côte-Nord. L’objectif est double. Premièrement, il faut mieux comprendre les systèmes existants, car il importe de pouvoir comprendre et de planifier la transition, étant donné que l’on passe évidemment d’un état à un autre. En outre, il faut se donner un délai suffisant pour réaliser des essais en temps réel avant d’assurer la prestation du service, si le gouvernement nous le demande.

Le sénateur Klyne : Les phénomènes météorologiques et les importantes perturbations qui ont eu lieu dans le passé ont-ils permis de tirer des leçons qui vous seront utiles dans cette entreprise?

M. Bertin : Une des leçons que nous tirons de notre expérience de la gestion de crises, par exemple des embâcles sur les rivières, c’est qu’il faut être capable de mobiliser les gens rapidement pour faire face à la situation. La gestion de crises n’a rien de nouveau pour nous. Auparavant, en fait, les embâcles se produisaient chaque année. Par conséquent, nous avons pu acquérir la réactivité et l’expertise nécessaires pour mobiliser les gens et gérer l’arrêt des activités de manière ordonnée, et le redémarrage, au besoin.

Évidemment, ces partenariats seront essentiels dans un tel contexte. Nous espérons qu’ils mèneront, au fil du temps, à des dialogues plus stratégiques axés sur l’avenir afin de mieux comprendre l’évolution de l’environnement naturel dans lequel nous fonctionnerons.

Le sénateur Klyne : Merci.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Ma question s’adresse à M. Bertin.

Vous avez parlé des défis. Pouvez-vous être un peu plus concret sur le genre de problèmes que vous avez eus jusqu’à présent, comme des délais ou des situations dangereuses créées par les changements climatiques, soit des marées plus hautes ou des courants plus forts?

Avez-vous pu quantifier les pertes ou le type d’incidents que vous avez eus dans vos activités de pilotage à cause de ces événements?

M. Bertin : Merci beaucoup pour cette question.

Il y a le type de défi — j’ai envie de vous parler d’embâcles, d’inondations et de force de vent. Ce sont des facteurs naturels qui évoluent et affectent énormément nos travaux.

Cela dit, je vais prendre à titre d’exemple la variabilité des niveaux d’eau. Vous le savez probablement, les cycles atmosphériques de plus grande amplitude font varier les précipitations qui alimentent les cours d’eau. Donc, ces précipitations provoquent des inondations printanières sur le lac Ontario, sur les tributaires et sur le fleuve Saint-Laurent. Par conséquent, il y a des limites de vitesse qui doivent être imposées aux navires pour réduire l’impact sur les vagues dans les endroits sensibles. Bien entendu, on parle d’un impact sur la fluidité maritime et sur la fluidité du commerce, par exemple, et cela pose des défis sur le plan de la sécurité.

Donc, sur le plan stratégique, à part la gestion de ces enjeux au quotidien dans nos opérations d’affectation des pilotes, je dirais qu’une des choses que nous faisons parmi les différentes initiatives de recherche, c’est de travailler avec un groupe de chercheurs, le Réseau Québec maritime, qui est basé à Rimouski et qui implique différents centres de recherche et des universités — que ce soit à l’échelle canadienne ou internationale — pour prédire l’effet de la hauteur des vagues aux endroits sensibles en fonction des niveaux d’eau et des caractéristiques des navires. On parle notamment de la forme de la coque, de l’identification de mesures d’atténuation, de la réduction optimale de la vitesse par type de navire, des investissements possibles en matière d’infrastructure ou autre et des encadrements réglementaires. Ce sont tous des éléments à examiner et à explorer.

J’ajouterais que l’impact à plus long terme sur les fonds marins et l’érosion des berges reste un élément à déterminer; c’est une forme d’activité qui reste à préciser, mais ce qui est clair, c’est que ce genre de travail devra se poursuivre afin de mieux comprendre et de mieux gérer ces événements.

La sénatrice Miville-Dechêne : Je vais vous ramener à la question des animaux; vous en avez parlé brièvement au début.

Quelles sont les difficultés grandissantes par rapport aux poissons, aux cétacés? Est-ce que cela a un rapport avec les changements climatiques? Est-ce que cela complique votre vie ou celles des pauvres cétacés?

M. Bertin : Oui, tout à fait. Je faisais référence au tout début à des changements de la température des eaux, ce qui fait qu’il y a peut-être une présence accrue de type de mammifères marins.

Bien entendu, ce ne sont pas des navires avec un sonar ou du moins avec ce qu’on appelle un AES, c’est-à-dire de la technologie d’identification. Cela signifie qu’il est difficile de prédire et d’identifier leur emplacement lorsque les pilotes sont à bord d’un navire en train de gérer une situation. C’est le genre de travail qu’on suit avec Transports Canada, Environnement et Changement climatique Canada et Pêches et Océans Canada. Ils ont le mandat d’encadrer la protection de ces mammifères marins.

L’impact se situe donc sur le plan réglementaire, car on impose des limites de vitesse. Pour nous, cela veut dire qu’un transit qui prend déjà de 20 à 24 heures entre Les Escoumins et Montréal, par exemple... On parle d’êtres humains qui prennent ces navires à charge pour des périodes de travail de pilotage qui deviennent très longues. Cela soulève des enjeux très pratiques sur le plan de la gestion des effectifs et donc, dans certains cas, cela peut forcer d’assurer la continuité du service non pas avec un seul pilote, mais avec deux pilotes. Cela représente donc deux fois les frais pour les armadas.

Ce sont des enjeux qui doivent être gérés, et il existe des solutions comme ce logiciel de pilotage optimisé, auquel je faisais référence, qui permettent d’encadrer ou de remédier à ces impacts tant sur le plan environnemental que commercial et opérationnel.

La sénatrice Miville-Dechêne : Merci; c’est très clair.

La sénatrice Simons : J’avais aussi l’intention de poser une question au sujet des animaux.

[Traduction]

Je ne la poserai pas, car elle a déjà été posée. Monsieur Rimmer, j’ai été surprise lorsque vous avez mentionné qu’il n’y a que 70 pilotes pour les Grands Lacs. Cela m’a fait prendre conscience que je ne suis pas certaine de connaître la différence entre un pilote et un capitaine. Si la question n’est pas trop élémentaire — je viens des Prairies —, quelle est la différence exactement? Les pilotes sont-ils à bord d’un navire uniquement pour un certain temps pour aider à la navigation dans les secteurs plus difficiles?

Par rapport aux changements climatiques, ma question est la suivante : vos pilotes ont-ils une formation suffisante en préparation aux situations d’urgence et sur les protocoles de sécurité pour composer avec les conditions météorologiques changeantes sur les lacs?

M. Rimmer : Je vous remercie de la question, sénatrice. Oui, la Great Lakes Pilot Association fonctionne légèrement différemment. Nous employons nos pilotes; les 70 pilotes font partie de notre effectif. Veiller à avoir le personnel requis, mais pas trop, en fonction d’un volume de trafic qui est volatile même dans les meilleures années est un travail de tous les instants. C’est comme un jeu. Notre travail avec la Chambre de commerce maritime, la Voie maritime du Saint-Laurent, les transporteurs et les agents maritimes nous permet de prévoir le nombre de pilotes et d’affectations dont nous aurons besoin au cours de l’année. C’est là-dessus que sont fondées nos prévisions, pour ainsi dire.

Concernant la différence entre un pilote et un commandant, j’aurais une excellente réponse pour vous si je me permettais de plaisanter. Il y a bien sûr des différences sur le plan des exigences de certification. Pour le profane, si je peux employer ce terme, la principale différence est qu’un pilote est responsable d’un territoire ou secteur maritime donné, alors que le commandant ou capitaine d’un navire peut mener le navire d’un point A à un point B. Les pilotes montent à bord et représentent une autre paire d’yeux et d’oreilles. Ils connaissent la région locale et assurent la sécurité du navire, la sécurité de l’environnement et du secteur, de sorte que le passage se fait en toute sécurité. C’est aussi une question de temps, car cela réduit les pertes de temps liées aux incidents et aux impondérables, et cetera.

La sénatrice Simons : Donc, vous avez un expert pour un secteur précis.

M. Rimmer : C’est exact.

La sénatrice Simons : J’ai été journaliste pendant de nombreuses années. Je n’ai jamais eu honte d’admettre mon ignorance sur diverses choses. C’était très intéressant. Pour ce qui est des changements climatiques, j’aimerais savoir si vos pilotes ont reçu la formation plus poussée dont ils ont besoin pour composer avec des conditions météorologiques plus instables.

M. Rimmer : C’est intéressant. La réponse courte est oui. J’ajouterais que nos pilotes connaissent tellement la région qu’ils sont sans doute comme les canaris dans la mine de charbon. Ce sont eux qui sont capables de dire qu’il y a des changements. Ce sont eux qui informent les autorités de la voie maritime, par l’intermédiaire de divers comités, groupes de travail et groupes de direction, des changements qui se produisent. Nous avons cette expérience. Encore une fois, nous connaissons très bien ces eaux, car nous les sillonnons depuis des années, même de nombreuses années. La formation est là.

Une formation d’appoint sur simulateurs est offerte pour toutes les régions du pays. Elle vise à s’assurer que les pilotes comprennent les différences. Il est possible de moduler et changer certaines variables, notamment la taille du navire, les conditions sur l’eau et les conditions météorologiques pour s’assurer que le pilote reçoit la meilleure formation possible en cas de changement des conditions climatiques ou de l’environnement.

La sénatrice Simons : Très bien.

La sénatrice Patterson : Je pense que c’est une question complémentaire pour M. Bertin et probablement pour vous aussi, monsieur Rimmer.

Premièrement, monsieur Rimmer, vous avez beaucoup parlé du fait que la hausse du niveau de l’eau a notamment pour avantage de permettre d’atteindre un tirant d’eau maximal. Du point de vue économique, nous savons qu’il est plutôt logique d’avoir la plus grande quantité de fret possible, mais qui dit tirant d’eau maximal dit aussi déplacement maximal.

Nous avons parlé de la collecte de données scientifiques pour déterminer s’il faut réduire la vitesse. Ce que j’entends, d’une part, c’est qu’il est possible de gérer les marées et d’aller plus vite, et d’autre part, que les navires sont plus pleins, plus lourds et ont un plus grand déplacement. Plus précisément, je parle des voies navigables plus étroites que vous empruntez. Vos pilotes ont un excellent sens de l’observation. À mesure que le niveau de l’eau monte, vous passez à des endroits où la berge n’a pas encore été complètement emportée ou érodée. Or, étant donné votre vitesse, vous déplacez plus d’eau, bien entendu, ce qui enlèvera plus de terre et accentuera l’érosion.

Suivez-vous la recherche scientifique? Avez-vous des données à ce sujet? Faites-vous des rapports à ce sujet? Ajoutons à cela les courants tourbillonnants. Faites-vous des études portant en particulier sur le changement artificiel des niveaux d’eau causé par le mouvement des navires de transport?

M. Rimmer : Je vous remercie de la question.

J’avais essayé de nuancer ma réponse en parlant d’un tirant d’eau maximum pour assurer la durabilité. Il y a donc une contrepartie au tirant d’eau maximum, ce qui est reconnu et réalisé par la Corporation de gestion de la Voie maritime du Saint-Laurent, qui établit le niveau de tirant d’eau.

Où est-ce que je voulais en venir? Je suis désolé. Pouvez-vous répéter ce que vous avez dit?

La sénatrice Patterson : Oui. La question portait spécifiquement sur vos observations ou recherches scientifiques, en particulier dans les parties les plus étroites des voies maritimes et des Grands Lacs, et sur l’incidence réelle de l’augmentation artificielle du déplacement et de l’érosion causée par le mouvement des très grands navires. Faites-vous un suivi pour déterminer les différences? Constatez-vous certaines choses?

M. Rimmer : Je ne pense pas que l’Administration de pilotage des Grands Lacs fait un tel suivi. Je sais que ces renseignements font l’objet d’un suivi. Nous vérifions la véracité des informations auprès des diverses collectivités autochtones le long du littoral, en fonction du savoir local.

Il y a aussi la gestion des risques lorsque nous passons dans un secteur donné. Cela se fait de manière cyclique; nous étudions la région pour déterminer si des changements sont nécessaires. Ces renseignements sont transmis aux diverses entités responsables des limites de vitesse et des niveaux de l’eau, et cetera.

C’est cyclique, mais ce n’est certainement pas un travail que l’Administration de pilotage des Grands Lacs fait seule. Elle travaille en partenariat avec les sociétés de transport maritime et, comme je l’ai mentionné, avec les autorités de la Voie maritime du Saint-Laurent.

La sénatrice Patterson : Merci.

Monsieur Bertin, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Bertin : Oui. Nous faisons de plus en plus de recherche intéressante pour comprendre l’environnement naturel. Nous travaillons avec des instituts de recherche et des universités pour comprendre toute une gamme de facteurs.

Par exemple, avec l’Université du Québec à Chicoutimi, nous cherchons à étudier et à simuler les courants subaquatiques pour mieux comprendre leur incidence sur la manœuvrabilité des navires à des quais dans la région du Saguenay.

Il est évident que ce que nous cherchons à éviter à tout prix, c’est qu’un courant inattendu abîme une pièce d’équipement très coûteuse, où des êtres humains se trouvent à proximité. Par conséquent, l’équipement serait endommagé ou des vies seraient en péril. D’une part, nous déployons des efforts en ce sens.

J’ai fait allusion plus tôt à notre collaboration avec le Réseau Québec Maritime de Rimouski où nous étudions la science des vagues et de l’atténuation des vagues pour mieux comprendre, dans les zones sensibles le long du fleuve Saint-Laurent, les répercussions des mesures potentielles d’atténuation qui pourraient être explorées.

En outre, et de manière plus générale, nous travaillons avec le secteur privé et des consultants spécialisés en durabilité et en environnement afin d’examiner les effets des changements climatiques sur la navigation. Il s’agit d’un exercice à long terme, mais comme vous pouvez le constater, nous menons un certain nombre d’activités de recherche dans ce domaine.

Bien entendu, je ne m’attribuerai pas tous les mérites. Pour que ces informations soient convaincantes et utiles, elles doivent être mises en commun et élaborées en partenariat, et c’est la raison pour laquelle nous déployons ces efforts.

La sénatrice Patterson : Merci.

Le président : Pour la gouverne des milliers de Canadiens qui nous regardent ce soir, nous formons le Comité sénatorial permanent des transports et des communications et nous poursuivons notre étude sur les changements climatiques et leur incidence sur les infrastructures essentielles.

La sénatrice Dasko : Je remercie nos témoins d’aujourd’hui.

Je suis ici depuis quelques séances, et nous avons parlé à des porte-parole et à des experts de la Voie maritime du Saint-Laurent et des Grands Lacs, dont vous.

J’ai conclu — peut-être à tort — que le principal effet des changements climatiques est de prolonger la saison de navigation pour votre industrie. Tout d’abord, j’aimerais vous demander si vous pensez qu’il s’agit là du principal effet des changements climatiques sur votre secteur. Si on tient compte des désavantages nets et des avantages nets, pouvons-nous conclure que les changements climatiques représentent en fait un avantage net pour votre industrie?

Tout d’abord, ma conclusion est-elle exacte, à savoir qu’il s’agit de la conséquence principale? Deuxièmement, est-il raisonnable d’en arriver à cette conclusion?

Je vous demande à tous les deux de faire des commentaires à ce sujet. Merci.

M. Rimmer : Je vais me lancer en premier.

Vous avez raison. On peut être porté à supposer naturellement que la saison est prolongée et que cela pourrait être un avantage net pour le transport maritime. Je ne parlerai bien entendu pas de la Voie maritime du Saint-Laurent, mais il faut prévoir et du temps et de l’entretien pour la voie navigable. Les périodes d’ouverture et de fermeture offrent peu de souplesse, et la voie maritime a besoin de ce temps d’arrêt, si je puis le dire ainsi, pour l’entretien permettant d’éviter les problèmes ou les retards pendant la saison navigable.

Il y a d’autres pertes, et la saison navigable n’est pas le seul enjeu. Je pense que l’un des autres facteurs est la transition météorologique. Les navires peuvent circuler sur les voies maritimes à l’intérieur de limites de vent et météorologiques, et la variabilité des conditions météorologiques entraîne donc des retards. Ce sont les conséquences les plus importantes, car cela signifie qu’un navire n’arrive pas à un port à temps, ce qui entraîne des retards dans le chargement et le déchargement, ainsi que d’autres retards en aval.

En apparence, il est tentant de supposer que les changements climatiques augmentent la durée d’une saison, et que c’est un avantage net. Lorsqu’on fouille la question, on constate la variabilité et la rapidité avec laquelle la situation change sur le plan opérationnel, ainsi que les temps d’arrêt dus aux retards et à l’absence de capacité de pointe ou de capacité à faire circuler adéquatement le trafic maritime.

Merci.

M. Bertin : Dans le même ordre d’idées, je dirais que c’est un mélange des deux. Oui, il y a plus d’eau, mais une quantité d’eau accrue entraîne différents défis, et ce n’est qu’un facteur parmi d’autres. Nous avons parlé des niveaux d’eau, évidemment. J’ai mentionné les embâcles.

À la fin de 2022, nous avons assisté à un phénomène sans précédent : il y a eu une période où les vents étaient si importants, si forts, que nous n’avons pas pu naviguer pendant deux ou trois jours. Nous ne pouvions pas amener les pilotes en toute sécurité à bord des navires parce que les vagues atteignaient plus de six mètres.

Tout cela pour dire, ici encore, que c’est du jamais vu. Nous vivons dans un contexte où nos repères sont perturbés; lorsque cela arrive, ils changent brusquement et à des moments où l’on ne s’y attend pas.

J’imagine que ce que je dis, c’est qu’il y a un manque de prévisibilité à certains égards. Bien qu’on puisse dire que, oui, le niveau élevé des eaux est formidable parce qu’on peut augmenter la charge des navires, il n’en demeure pas moins que le fleuve Saint-Laurent est en fait un chenal très étroit et difficile à naviguer qui compte plus de 70 coins, ou courbes, rien qu’entre Montréal et Trois-Rivières.

Bref, je pense que les changements climatiques apportent leur lot de défis et ne représentent pas un cadeau tombé du ciel.

La sénatrice Dasko : Les défis que représentent les changements climatiques sont-ils plus nombreux que les possibilités ou les bénéfices nets?

M. Bertin : L’avenir nous le dira.

La sénatrice Dasko : Merci.

Le sénateur Cardozo : J’ai une question de géographie. Je devrais le savoir, mais en quoi consiste exactement la Voie maritime du Saint-Laurent? Est-ce la région de Kingston à Québec?

M. Rimmer : Ma zone de responsabilité s’étend du Sud de l’entrée Nord de l’écluse de Saint-Lambert, à Montréal, jusqu’à Thunder Bay, soit la totalité des Grands Lacs. Bien entendu, je n’en suis pas le seul responsable, car je partage cette responsabilité avec la Garde côtière américaine. Les districts sont partagés entre les deux pays dans cette zone, mais du côté canadien, je suis responsable des Grands Lacs jusqu’à l’écluse de Saint-Lambert; mon collègue, M. Bertin, prend la relève à partir de là.

M. Bertin : Sur le plan technique, le réseau de la voie maritime est une série de 15 écluses : 13 canadiennes et 2 américaines. La première, si on part de l’Est, est l’écluse de Saint-Lambert à Montréal.

Le sénateur Cardozo : Y a-t-il des écluses dans la voie maritime entre Montréal et Québec?

M. Bertin : Non.

Le sénateur Cardozo : Ou dans l’autre direction?

M. Bertin : Dans l’autre direction, il y en a jusqu’à Thunder Bay et, du côté américain, jusqu’à Duluth, au Minnesota.

Le sénateur Cardozo : Lorsque nous parlons de la construction de la Voie maritime du Saint-Laurent, parlons-nous de la construction de ces écluses?

M. Bertin : Tout à fait. Je tiens à dire qu’il y a près de 70 ans, le Canada et les États-Unis ont développé cet atout stratégique qu’est le réseau de la voie maritime — un réseau d’écluses dans lequel, fait intéressant, nous sommes le partenaire majoritaire.

Le sénateur Cardozo : Et de Montréal à Québec, est-ce que la voie est au même niveau?

M. Bertin : Oui. La voie est au même niveau, mais comporte des défis particuliers en ce qui concerne l’étroitesse du chenal. En effet, même si le fleuve semble large, le chenal n’a une largeur que de quelques mètres. Il y a en fait un chenal assez étroit qui est creusé de manière à réduire l’écoulement de l’eau et donc à protéger la colonne d’eau. Cela dit, en sens inverse, la marée océanique influence le fleuve Saint-Laurent, et ses effets peuvent se faire sentir jusqu’à Trois-Rivières. Une sortie d’eau se produit en même temps que les effets de marée.

Le fleuve Saint-Laurent est considéré comme l’un des fleuves les plus difficiles à naviguer sur la planète.

Le sénateur Cardozo : Lorsque vous parlez d’un chenal dans un fleuve plus large, s’agit-il d’une partie plus étroite qui a été creusée plus profondément? Est-ce ce dont il s’agit?

M. Bertin : Il s’agit d’une combinaison d’attributs naturels dus à des millions d’années de courants, mais il y a évidemment une partie créée par l’homme et qui a été draguée sur plusieurs décennies.

Le sénateur Cardozo : J’imagine qu’il faut constamment refaire le dragage de temps en temps.

M. Bertin : Oui. La Garde côtière canadienne a le mandat de surveillance et de dragage pour le gouvernement du Canada sur le fleuve.

Le sénateur Cardozo : C’est fascinant. Quand on pense aux travailleurs dont c’est le gagne-pain... C’est là que va l’argent de nos impôts dans une certaine mesure. Nous ne pensons pas à ces réalités, mais si ce travail ne se fait pas, les navires ne pourront pas passer.

M. Bertin : Effectivement.

Le sénateur Cardozo : C’est fascinant. Il y a tellement de choses qui se passent dans notre monde auxquelles nous ne pensons pas et que nous ne connaissons pas.

Le président : C’est pour cette raison que le Sénat existe : pour faire la lumière sur toutes ces activités.

M. Bertin : Et il est question d’un trafic maritime qui soutient le cœur manufacturier de l’Amérique du Nord — le Canada et les États-Unis — pour certains des minéraux et du minerai de fer qui circulent. Il en va de produits agricoles à un stade où, bien sûr, les céréales sont en mode dynamique. Et c’est sans parler des Canadian Tire, Costco et autres entreprises que les Canadiens tiennent pour acquises. La voie maritime est une porte d’entrée importante.

Le sénateur Cardozo : Pour ce qui est du sujet de notre étude — les changements climatiques —, quel est leur effet sur le chenal, par exemple? Le chenal a-t-il changé au cours des deux ou trois dernières décennies?

M. Bertin : C’est un sujet que nous étudions activement avec l’aide des universités et des réseaux de recherche pour comprendre, d’une part, l’effet des vagues combiné à des niveaux d’eau élevés. D’autre part, il nous faudra un jour mieux comprendre l’érosion, soit les adaptations aux attributs physiques de ce corridor clé. En fin de compte, l’aspect essentiel d’une navigation sûre dépend d’une compréhension approfondie des réalités locales. Mais comme les réalités locales changent autour de nous, nous devons comprendre ces questions horizontales et les traiter en collaboration avec d’autres, tout en continuant à nous adapter à la situation.

Le sénateur Cardozo : Merci énormément.

M. Bertin : Je vous en prie.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Je suis curieuse — tout comme la sénatrice Simons, d’ailleurs — et je veux profiter de votre présence, monsieur Bertin, pour vous poser une question qui pourrait vous sembler une question de base.

Vous dites que les pilotes embarquent dans les navires pour les piloter. Cependant, il me semble que l’on voit parfois des petits bateaux à côté qui les escortent. Alors, quelle est la différence entre ce petit bateau — qui transporte, j’imagine, un autre pilote — et ceux qui embarquent sur les bateaux? C’est une question.

M. Bertin : C’est l’essence même de ce que l’on fait. On a des bateaux-pilotes, que l’on appelle une pilotine, et on a un capitaine avec des matelots à bord de ces bateaux. Ces bateaux font la navette entre, par exemple, notre station aux Escoumins... On amène le pilote au navire, et le pilote doit monter l’échelle ou les marches pour embarquer et prendre le contrôle du navire. Bien entendu, ils doivent en débarquer et c’est avec ces pilotines qu’on les récupère.

On le voit souvent dans le port de Québec ou de Montréal : c’est la valse des pilotines, parce qu’il y a plusieurs navires qui vont se croiser et lors de ces passages, on va récupérer, transférer et repositionner les pilotes à bord de ces navires.

Il y a également les remorqueurs. Parfois, surtout lorsqu’on les amène à quai, il faut positionner les navires d’une façon délicate. Donc, à partir de là, c’est un différent type de bateau, moins petit, mais quand même plus petit que les grands navires, et donc on s’en sert...

La sénatrice Miville-Dechêne : C’est comme des balises.

M. Bertin : Le pilote va justement guider et coordonner le tout. Si cela vous intéresse, nous serions heureux de vous accueillir chez nous.

La sénatrice Miville-Dechêne : Très bien. Je trouve cela absolument fascinant et je vous remercie beaucoup.

[Traduction]

Le président : Au nom du comité, j’aimerais remercier nos deux témoins d’avoir partagé leurs points de vue avec nous ce soir, d’avoir été généreux de leur temps et d’avoir répondu à toutes les questions des membres.

(La séance est levée.)

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