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TRCM - Comité permanent

Transports et communications


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES TRANSPORTS ET DES COMMUNICATIONS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 20 mars 2024

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd’hui, à 18 h 48 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier l’incidence des changements climatiques sur les infrastructures essentielles dans les secteurs des transports et des communications et les répercussions corrélatives sur leurs interdépendances.

Le sénateur Leo Housakos (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je m’appelle Leo Housakos, je suis un sénateur du Québec et je suis président de ce comité.

[Traduction]

J’invite maintenant mes collègues à se présenter.

La sénatrice Simons : Sénatrice Paula Simons, de l’Alberta, territoire visé par le Traité no 6.

Le sénateur Richards : Sénateur Richards, du Nouveau-Brunswick.

[Français]

La sénatrice Clement : Bernadette Clement, de l’Ontario.

[Traduction]

Le sénateur Quinn : Sénateur Quinn, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Cardozo : Andrew Cardozo, de l’Ontario.

[Français]

La sénatrice Oudar : Manuelle Oudar, de la division de LaSalle, au Québec.

[Traduction]

Le président : Ce soir, nous poursuivons notre étude de l’incidence des changements climatiques sur les infrastructures essentielles dans le secteur des transports, ainsi que notre étude des Grands Lacs et du Saint-Laurent.

Pour notre première heure de séance, nous avons le plaisir d’accueillir, par vidéoconférence, Mme Andrea Horwath, mairesse de Hamilton, en Ontario; M. Sylvain Ouellet, conseiller municipal de Montréal, au Québec; M. Bill Steele, maire de Port Colborne, en Ontario; et M. Ken Boshcoff, maire de Thunder Bay, en Ontario.

Chacun de nos témoins disposera de cinq minutes pour nous présenter ses observations préliminaires, après quoi nous passerons aux questions des sénateurs.

Nous allons commencer avec la mairesse Horwath. Madame Horwath, vous avez la parole.

Andrea Horwath, mairesse, Ville de Hamilton : Merci beaucoup. Bonsoir aux honorables membres du Comité sénatorial permanent des transports et des communications ainsi qu’à mes collègues municipaux de Montréal, de Port Colborne et de Thunder Bay. Je suis heureuse d’être des vôtres au nom de la Ville de Hamilton.

Notre ville a vraiment à cœur l’avenir de ses infrastructures municipales et maritimes aux fins du transport. Nous sommes déterminés à travailler avec le gouvernement du Canada afin d’atténuer les répercussions des changements climatiques sur les infrastructures de transport dans les Grands Lacs et sur le fleuve Saint-Laurent. Je vous suis vraiment reconnaissante de me donner l’occasion de vous faire part de certaines de nos réflexions à ce sujet.

Je voudrais d’abord vous parler de la croissance et des progrès remarquables du port de Hamilton, le plus occupé parmi tous ceux de la portion canadienne des Grands Lacs. En 2023, l’administration portuaire a enregistré une hausse de 9 % du transport de marchandises qui a dépassé les 11,2 millions de tonnes métriques. Cette forte augmentation met en évidence le rôle clé que joue notre port dans le mouvement des marchandises au sein de l’écosystème régional.

Il va de soi que le transport maritime à courte distance offre un avantage considérable du point de vue environnemental. Un seul navire peut transporter des marchandises qui exigeraient 963 déplacements par camion, tout en émettant des quantités de carbone nettement inférieures. C’est un argument de taille en faveur du recours à ce mode de transport, surtout quand on sait que plus de 12 000 camions par semaine font le trajet entre le Sud de l’Ontario et les ports américains des Grands Lacs pour transporter des denrées non périssables qui se prêteraient parfaitement au transport maritime.

Nous avons pu entendre les représentations d’entreprises comme Parrish & Heimbecker et Sucro qui connaissent une forte croissance, ici même, au sein de notre collectivité. Ces entreprises priorisent les services portuaires et maritimes, ce qui témoigne de leur engagement envers l’efficience, la protection de l’environnement et la durabilité dans le transport des marchandises. En outre, nous savons que le recours accru au transport par train et par conteneur permet non seulement d’accroître l’efficience, mais aussi de réduire les émissions de gaz à effet de serre en libérant nos routes locales de centaines de camions par jour.

Dans la poursuite de son développement, l’administration portuaire est sur le point de se doter d’un centre de transbordement de 20 000 pieds carrés. Cette nouvelle installation facilitera le transport maritime et ferroviaire des produits de l’acier. Ces initiatives illustrent bien les grands progrès réalisés pour nous donner une infrastructure portuaire plus solide, davantage écologique et plus efficiente, afin que nous soyons prêts à satisfaire aux exigences à venir pour le commerce et le transport de marchandises.

Dans mon rôle de mairesse de Hamilton, je suis tout à fait consciente des défis que pose le changement climatique et je me réjouis des possibilités d’adaptation et d’innovation qui s’offrent à nous, en particulier dans le domaine des transports. Les déplacements des véhicules sur nos routes sont à l’origine d’une partie importante des émissions de gaz à effet de serre de notre ville. Si la chose vous intéresse, nous pourrons vous transmettre notre plan d’adaptation au changement climatique qui a été établi en 2022 à partir des modèles climatiques mondiaux et régionaux qui prévoient notamment des inondations plus fortes et plus fréquentes, ce qui représente une menace grave pour nos infrastructures. La ville de Hamilton a déjà été touchée par des inondations dévastatrices. Pour nous attaquer à certaines de ces problématiques, nous avons cherché à obtenir le soutien du gouvernement fédéral dans le cadre du Fonds d’atténuation et d’adaptation en matière de catastrophes. Nous avons ainsi pu obtenir un financement essentiel pour la protection de nos berges et notre résilience climatique. Comme les incidents de ce genre gagnent en fréquence et en intensité, nous avons de plus en plus besoin de l’aide financière d’autres ordres de gouvernement.

Pour ce qui est de la réduction des émissions à proprement parler, il est également important que le gouvernement fédéral participe à des initiatives comme le défi international pour un transport maritime plus vert et les engagements en faveur d’un transport maritime carboneutre. Nous sommes cependant tous conscients que d’autres possibilités s’offrent à nous par ailleurs et que nous devons agir avec détermination. À titre d’exemple, je pourrais vous citer la mise en service récente de remorqueurs électriques dans le port de Vancouver.

Je reviens à la situation dans notre ville. Le port de Hamilton est une plaque tournante vitale pour le commerce maritime sur les Grands Lacs, avec une croissance significative du volume de marchandises ces dernières années, comme je l’ai déjà noté. Le transport maritime à courte distance représente une solution de rechange durable au transport routier. Il réduit considérablement les émissions carbone tout en assurant un déplacement efficace des marchandises dans toute notre région.

Il est important de noter un autre élément d’infrastructure qui est nécessaire pour maximiser les possibilités de réduction des émissions au port de Hamilton, à savoir un soutien supplémentaire de l’Agence des services frontaliers du Canada, ou ASFC, pour les dédouanements. Un soutien accru de l’ASFC à ce titre augmenterait considérablement notre capacité et contribuerait à rapprocher les marchandises de leur destination, réduisant ainsi le nombre de camions sur nos routes et les émissions de gaz à effet de serre qui s’ensuivent.

Des projets comme le nouveau terminal ferroviaire à conteneurs de Hamilton et l’expansion des activités de Toronto Tank Lines au quai 25 de Hamilton témoignent de notre engagement à améliorer l’efficacité de la chaîne d’approvisionnement et à réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Nous savons que les investissements dans les différents éléments d’infrastructure jouent un rôle crucial dans l’exploitation du plein potentiel du transport maritime, et nous sommes conscients que les municipalités ne peuvent pas faire cavalier seul lorsqu’il s’agit de s’adapter et de protéger nos infrastructures.

En conclusion, dans le cadre de nos efforts pour relever les défis que pose le changement climatique et pour tendre vers un développement économique durable, on ne saurait trop insister sur l’importance d’investir dans les infrastructures municipales et maritimes — y compris dans les services immatériels, comme le soutien de l’ASFC. En donnant la priorité aux mesures d’adaptation et d’atténuation et en tirant parti de solutions novatrices, nous pourrons construire un réseau de transport résilient qui répondra à la fois à nos besoins économiques et à nos objectifs environnementaux. Il s’agit là d’un engagement sans réserve de la Ville de Hamilton et de son nouveau bureau se consacrant au changement climatique.

Merci de votre attention et de votre invitation. Je suis persuadée que vous aurez droit à des exposés beaucoup plus techniques que le mien, mais il n’en demeure pas moins que la Ville de Hamilton reconnaît l’incidence du changement climatique et est fermement résolue à mettre en place les mesures d’adaptation nécessaires, notamment pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Il va sans dire que notre collaboration continue pour assurer un avenir meilleur aux transports dans notre pays demeure une priorité.

Le président : Merci, madame Horwath.

[Français]

Sylvain Ouellet, conseiller de la ville, Ville de Montréal : Bonjour. Je me présente : je suis Sylvain Ouellet, conseiller municipal à la Ville de Montréal, et je représente aujourd’hui la mairesse Valérie Plante.

Tout d’abord, je vous remercie de l’invitation sur ce sujet important qui touche directement la ville de Montréal et sa grande région métropolitaine.

Par son positionnement stratégique, Montréal a toujours été le point de convergence des circuits maritimes internationaux, en provenance d’outremer, et des circuits maritimes intérieurs, en provenance des Grands Lacs.

Les rapides de Lachine, véritable barrière infranchissable pour la navigation, ont généré la construction de nombreuses infrastructures logistiques majeures dont Montréal a bénéficié à travers son histoire. Montréal possède aujourd’hui un port majeur, qui est le plus important nœud ferroviaire à l’est du Canada, et la Voie maritime du Saint-Laurent a ses premières écluses à Montréal, remplaçant ainsi le vieux canal Lachine qui a été le berceau de l’industrialisation canadienne.

Le port de Montréal est actuellement le principal port à conteneurs sur la côte Est du Canada et il est directement lié à la vitalité économique du Grand Montréal, mais également à toute l’économie canadienne, notamment pour l’Ontario et le Québec.

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, le port de Montréal reste opérationnel tout l’hiver grâce à la flotte de brise-glaces de la Garde côtière canadienne.

Avec l’agrandissement prochain du port de Montréal à Contrecœur, et la voie maritime qui fonctionne à environ la moitié de sa capacité, de nouvelles occasions économiques s’offrent à nous dans le domaine du transport maritime, notamment pour éviter le camionnage intense sur nos routes. Cependant, les changements climatiques posent un important risque pour les activités de transport maritime.

En provenance des ports d’outremer, les armateurs planifient déjà leurs cargaisons afin de tenir compte des conditions de navigation dans le fleuve Saint-Laurent. Les épisodes extrêmes de bas niveaux d’eau ou de hauts niveaux d’eau complexifieront la navigation en affectant le tirant d’eau dans le chenal de la Voie maritime du Saint-Laurent et le tirant d’air sous les ponts à Québec et Trois-Rivières.

En provenance des Grands Lacs, les bas niveaux d’eau entraîneront également des difficultés d’opération dans la baie maritime du fleuve Saint-Laurent, alors que de hauts niveaux d’eau et la vitesse accrue du courant affecteront la sécurité de la navigation s’il est nécessaire de relâcher davantage d’eau du lac Ontario.

La planification de la gestion des niveaux d’eau du lac Ontario est donc au centre des préoccupations relatives à la prise en compte des changements climatiques dans le système Saint-Laurent—Grands Lacs.

Pour la région du Grand Montréal, l’optimisation de la gestion des débits sortants du lac Ontario doit également prendre en compte la présence de conflits d’usage et d’occupation du territoire; par exemple, des impacts en matière d’inondation, d’érosion des berges, de protection des sources d’eau potable et de maintien de la biodiversité sont à considérer.

En 2017, Montréal a subi une inondation record où 1 100 maisons ont été inondées, notamment à la suite de la rupture d’une vieille digue dans une ville voisine. Des milliers de citoyens ont dû être évacués, plusieurs dizaines de citoyens ont été déplacés de façon permanente et nos services d’urgence ont été sous pression pendant des semaines. L’armée a été appelée en renfort et nos employés municipaux ont travaillé pendant des mois pour démonter les digues temporaires et nettoyer les dégâts une fois la crue passée. Nos parcs riverains ont également subi une érosion accélérée et leur réhabilitation se heurte aux nombreux règlements et à un partage de compétences très complexe entre Québec et Ottawa, ce qui rend tout travail sur les rives extrêmement long et coûteux.

Pour les villes, la fiscalité actuelle rend très difficile le financement pour assurer la protection et l’aménagement des berges, que ce soit pour se prémunir des inondations, protéger les milieux naturels ou encore redonner accès aux citoyens au fleuve alors qu’ils habitent pourtant sur une île.

La majorité des berges étant de propriété privée, la construction d’ouvrages de protection collectifs et pouvant servir à différents usages est extrêmement complexe.

Les Grands Lacs et le fleuve Saint-Laurent nous offrent des possibilités économiques exceptionnelles, mais il faudra des investissements majeurs pour se prémunir contre les changements climatiques, autant pour assurer la navigation maritime que pour protéger les nombreuses municipalités riveraines — et ces investissements peuvent difficilement venir des villes.

Enfin, les villes du XXIe siècle ne peuvent plus juste compter sur des infrastructures logistiques pour assurer leur succès; elles doivent également offrir une qualité de vie à leurs citoyens afin d’attirer et retenir les meilleurs talents, et quoi de mieux que la mise en valeur de l’archipel exceptionnel de Montréal? Il faudra donc prévoir aussi des investissements pour décontaminer d’anciens secteurs industriels souvent situés en rive, créer de nouveaux parcs riverains, préserver des milieux naturels exceptionnels et les convertir en parcs-nature et, pourquoi pas, créer de nouvelles plages et un réseau de navettes fluviales, ce que Montréal a fait au cours des dernières années.

Comme on le voit en ce moment à Toronto, avec Waterfront Toronto, la contribution directe du gouvernemental fédéral, qui possède souvent de vastes terrains en rive, est essentielle à la mise sur pied de ces vastes projets de revitalisation urbaine qui ont des bénéfices immenses pour les collectivités.

Je vous remercie de m’avoir écouté et je suis prêt à répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup.

[Traduction]

Bill Steele, maire, Ville de Port Colborne : Bonsoir, honorables membres du comité sénatorial. En ma qualité de maire de Port Colborne, sur la rive nord du lac Érié et à l’extrémité sud du canal Welland, j’assisterai à l’ouverture de la Voie maritime du Saint-Laurent vendredi matin, alors que nous accueillerons le premier navire descendant de 2024. On tient une cérémonie d’ouverture du fait que le canal Welland est fermé pendant environ trois mois chaque hiver pour des travaux de réparation et d’entretien pendant que la glace recouvre habituellement les voies navigables des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent. L’ouverture de la Voie maritime du Saint-Laurent permet de relier l’eau douce des cinq Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent à l’eau salée et au monde entier.

La région des Grands Lacs et du Saint-Laurent, qui comprend deux provinces et huit États, peut s’enorgueillir d’une vigueur économique n’ayant rien à envier à celle de certaines des puissances mondiales. Si nous formions un pays, nous serions la troisième plus grande économie du monde. Le transport maritime a façonné cette région, de la facilitation des échanges et du commerce des communautés autochtones jusqu’à la collaboration entre les gouvernements canadien et américain pour la création de la Voie maritime du Saint-Laurent dans les années 1950, en passant par la possibilité de naviguer sur nos lacs et nos rivières et la construction des canaux Lachine, Érié et Welland il y a 200 ans.

Néanmoins, nous sommes confrontés à des défis de taille qui exigent une attention immédiate et des investissements stratégiques. Autrefois vitale pour le commerce de notre région, la Voie maritime du Saint-Laurent ne fonctionne plus qu’à 50 % de sa capacité, tandis que nos autoroutes sont encombrées par la circulation des camions et des voitures. Les données disponibles nous laissent toutefois entrevoir des perspectives fort prometteuses. La diminution de la couverture de glace sur les Grands Lacs et le fleuve Saint-Laurent, comparativement à l’époque de la construction de la voie maritime, pourrait permettre la navigation tout au long de l’année sur de nombreux lacs et rivières.

Alors que nous constatons les effets du changement climatique, avec des sécheresses dans l’Ouest et une augmentation des inondations et une érosion accélérée dans l’Est, nous devons saisir l’occasion d’investir dans la prochaine génération d’infrastructures. Nous devons tirer parti de cette possibilité qui s’offre à nous pour étendre le transport de passagers et de marchandises à un plus grand nombre de collectivités, en permettant du même coup de réduire la congestion routière et de stimuler la croissance économique.

Nous travaillons de concert dans notre rôle de dirigeants municipaux. De Montréal jusqu’à Thunder Bay, nous représentons toute l’étendue du potentiel économique qu’offre notre voie maritime d’eau douce. Partout dans le monde, des régions s’en remettent en grande partie au transport maritime pour soutenir leur économie. Contrairement aux routes sans péage permettant le transport de marchandises, le coût total des infrastructures doit encore être assumé par les entités se livrant au transport ferroviaire et maritime. Les collectivités locales ont besoin d’aide pour construire les infrastructures nécessaires afin de relancer le transport de passagers ou le transport multimodal par conteneurs. Imaginez si l’on pouvait transférer davantage de marchandises de nos autoroutes encombrées vers nos voies navigables sous-utilisées. Imaginez le mouvement de marchandises comme les batteries de voiture, les microprocesseurs ou les caisses de tomates ou d’essuie-tout traversant la région tout au long de l’année pour revitaliser les industries existantes et soutenir les entreprises et les technologies émergentes.

Nous avons la possibilité de remodeler le paysage économique de notre région en exploitant le potentiel de nos ressources en eau douce pour favoriser la croissance durable et l’innovation. Notre collaboration est essentielle pour assurer la prospérité de nos communautés et pour protéger les 20 % de l’eau douce mondiale qui coulent dans notre bassin.

Saisissons l’occasion qui se présente à nous, en tirant parti des efforts combinés de tous les ordres de gouvernement, de l’industrie et des autres parties prenantes afin de bâtir pour notre région un avenir sous le signe de la résilience et de la prospérité. Si nous consentons des investissements stratégiques dans le cadre d’une action coordonnée, nous pouvons faire en sorte que notre commerce maritime en eau douce continue de prospérer, en procurant un moyen de subsistance à des millions de personnes et en préservant notre ressource la plus précieuse pour les générations à venir. L’année prochaine, la voie maritime pourrait ouvrir un mois plus tôt, en février, et dans quelques années, elle pourrait être ouverte toute l’année.

Quelques mots en terminant au sujet de Port Colborne. Nous sommes propriétaires de nos installations portuaires et — comme tous les autres témoins vous le diront aujourd’hui — nous entretenons de solides relations avec nos homologues de Thunder Bay, Hamilton et Montréal.

À vrai dire, tout ce qui circule dans les Grands Lacs et le fleuve Saint-Laurent doit passer par Port Colborne. Comme je l’ai indiqué, nous avons des liens particulièrement étroits avec l’autorité portuaire de Hamilton-Oshawa et avec celle de Thunder Bay pour les céréales, et nous avons eu des discussions avec le port de Montréal concernant l’utilisation de Port Colborne comme petit port à conteneurs. Les grands bateaux de haute mer peuvent céder la place à de plus petits navires pouvant circuler dans un canal. Ces navires amènent au terminal de Port Colborne des conteneurs pouvant par la suite être expédiés par rail ou par d’autres moyens de transport.

L’année dernière, Port Colborne a mené l’industrie des croisières sur les Grands Lacs. Nous avons enregistré 82 escales, soit le nombre plus élevé, devant Cleveland, qui en a eu environ 42. Les Grands Lacs sont l’une des régions du monde où l’industrie des croisières se développe le plus rapidement, et certaines compagnies maritimes construisent des navires expressément conçus pour les croisières sur les Grands Lacs et le fleuve Saint-Laurent, en provenance de la côte Est.

Sur ce, mesdames et messieurs, je vous remercie

Le président : Merci, monsieur Steele.

Ken Boshcoff, maire, Ville de Thunder Bay : Merci.

Thunder Bay a été autrefois connue sous les noms de Port Arthur et de Fort William. Certains l’appellent encore la tête des Grands Lacs. Je ne peux pas vous dire à quel point je suis heureux d’être ici avec les sénateurs et mes homologues alors que le gouvernement fédéral se penche sur la question de l’eau douce.

Le port de Thunder Bay est le terminal canadien situé à l’extrémité ouest du réseau de la Voie maritime du Saint‑Laurent, la plus grande voie navigable intérieure au monde. Il s’agit également du port d’exportation le plus important de ce réseau. Comme il sert de porte d’entrée vers l’Ouest, le rôle stratégique du port au sein du corridor de la voie maritime détermine en grande partie les possibilités à exploiter. Le port a été construit pour permettre aux producteurs de céréales de l’Ouest canadien d’accéder aux marchés européens par le truchement de la plus longue chaîne d’approvisionnement en céréales au monde. Mon homologue, monsieur Steele, est tout à fait justifié de s’enorgueillir de l’importance de sa ville portuaire. Nous accueillerons pour notre part 20 escales de navires de croisière internationaux qui, bien sûr, sillonneront principalement le lac Supérieur. Cela représente un formidable coup de pouce financier pendant les mois d’été.

Nous ne pouvons pas parler des infrastructures municipales de transport sans évoquer le changement climatique et les risques élevés d’événements météorologiques extrêmes susceptibles d’endommager nos infrastructures et de réduire leur durée de vie. Nous sommes déjà confrontés à des déficits considérables en la matière. Nos infrastructures ont été endommagées par des inondations et par un épisode de pluie extrême de 70 millimètres en deux heures. Notre station d’épuration a été submergée. En tant que maire par intérim à l’époque, j’ai dû déclarer l’état d’urgence pour la ville.

Il y a quelques années, nous avons connu une fonte des neiges record, et la situation s’est répétée l’hiver dernier. Cette année, il n’y a pratiquement pas eu de neige pour les Jeux d’hiver de l’Ontario. Nous avons dû prendre toutes sortes de dispositions pour pouvoir tenir les épreuves de ski et de saut.

Ces incidences climatiques pouvant toucher Thunder Bay — ces phénomènes météorologiques violents — peuvent gravement endommager nos infrastructures portuaires, y compris notre gigantesque brise-lames et nos quais en eau profonde. Le dragage devient de plus en plus nécessaire étant donné la variabilité accrue des niveaux d’eau du lac Supérieur. Les tempêtes de verglas et de neige, les affouillements et les autres événements graves peuvent entraîner la fermeture temporaire de différentes voies d’accès. Outre les dommages causés aux routes, aux ponts et aux ponceaux, l’écoulement des eaux pluviales touche toutes nos municipalités par le biais de l’infrastructure de drainage et des inondations par ruissellement.

Ces impacts viennent exacerber un déficit déjà important en matière d’infrastructures de transport. Même en se limitant aux infrastructures de base que sont les routes, les ponts et les ponceaux, le déficit annuel à Thunder Bay est estimé à 5,4 millions de dollars. On estime que le changement climatique, si aucune mesure d’adaptation n’est prise, fera grimper les coûts des infrastructures de transport de plus de 11 % d’ici 2030 et de 32 % d’ici 2100.

Ainsi, sans soutien fédéral ciblé pour l’adaptation, les municipalités auront du mal à réduire ces déficits.

À l’échelon local, nous nous efforçons de relever ces défis pour nos infrastructures de transport au moyen d’un programme de gestion des actifs, qui mise notamment sur l’évaluation des risques climatiques pour en déterminer les incidences et cibler les mesures d’adaptation requises.

Le gouvernement fédéral peut apporter son aide en élargissant et en finançant davantage les programmes mis en place pour s’attaquer à ces défis, comme le Fonds d’atténuation et d’adaptation en matière de catastrophes. En abaissant le seuil d’admissibilité en dollars, on pourrait également permettre à des projets plus diversifiés de voir le jour. Deuxièmement, il y a le Programme national d’atténuation des catastrophes, ou PNAC, et, troisièmement, les programmes d’adaptation au climat par l’intermédiaire du Fonds municipal vert de la Fédération canadienne des municipalités.

En outre, un soutien non direct pourrait être apporté en majorant les investissements fédéraux dans les normes et les directives techniques pour appuyer la mise en place d’infrastructures de transport résistantes au climat, ainsi qu’en bonifiant les ressources rendues accessibles par l’intermédiaire du Centre canadien de services climatologiques et en assurant la mise en œuvre des mesures prévues dans la Stratégie nationale d’adaptation.

Il est impératif pour les municipalités que le gouvernement fédéral travaille directement avec les collectivités qui hébergent des actifs de transport fédéraux pour répondre à ces préoccupations.

En tant que plaque tournante régionale, nous desservons tout le Nord-Ouest de l’Ontario, une région plus vaste que de nombreux pays du monde. Nous accueillons le troisième aéroport le plus achalandé de la province. On compte également sur nous pour apporter un soutien, notamment lorsque les résidants d’autres localités doivent être évacués en raison d’événements climatiques. Cette année seulement, j’ai dû déclarer trois urgences climatiques pour recevoir des gens évacués de leur collectivité dans le Nord-Ouest de l’Ontario. Les incidences du changement climatique, comme les incendies de forêt et les inondations, affectent grandement nos localités environnantes. Il est donc absolument crucial que tous les ordres de gouvernement investissent davantage dans la capacité d’accueil des personnes évacuées en raison du changement climatique.

Voici donc un résumé de nos demandes. Premièrement, il faudrait prendre en compte les besoins des municipalités qui accueillent fréquemment des personnes évacuées des communautés autochtones et financer des investissements dans leurs infrastructures pour mieux soutenir leurs activités en ce sens. Deuxièmement, il convient de bonifier le soutien offert aux communautés autochtones pour appuyer leurs investissements dans les infrastructures d’adaptation locales de telle sorte que des évacuations deviennent moins souvent nécessaires. Troisièmement, il nous faut étendre nos relations, compte tenu du fait que nous avons la plus longue frontière non défendue du monde, ce qui constitue un trésor international.

Sénateurs, ce sont toutes ces choses faisant notre fierté qui nous incitent vraiment à travailler avec nos collègues de tous les ordres de gouvernement, comme c’est le cas ce soir même, alors que je peux voir à l’écran mes homologues du Québec et de l’Ontario.

Le président : Merci, monsieur Boshcoff. Nous passons maintenant aux questions des sénateurs.

Le sénateur Quinn : Je remercie les témoins de leur présence ce soir et de leurs excellents exposés. Vous nous avez donné un excellent aperçu de l’importance que revêt la voie maritime du Saint-Laurent, qui est un véritable système.

Il est formidable de voir la collaboration entre vos villes. Je sais que vous entretenez des relations étroites avec les différents ports.

Nous nous penchons sur les infrastructures essentielles et les changements climatiques. Depuis des décennies, nous sommes aux prises avec les fluctuations des niveaux d’eau, les restrictions de profondeur ainsi que toutes ces difficultés que rencontre l’industrie du transport maritime. Une des meilleures choses que nous puissions faire, c’est tirer parti de la voie maritime, la mettre à profit et en augmenter la capacité. Il s’agit d’un élément clé de notre bien-être économique au pays.

Compte tenu de cette collaboration et de l’examen des infrastructures essentielles, quelles sont, selon vous, les infrastructures dont les besoins d’aujourd’hui et de demain sont les plus criants?

Est-ce que chaque témoin pourrait répondre? Nous essayons de faire le point sur la situation actuelle et future des infrastructures essentielles.

M. Steele : Si vous le voulez bien, je vais commencer. Je remercie mes collègues. Je tiens à remercier le sénateur de cette question.

Il y a deux semaines, j’ai pu représenter l’Alliance des villes des Grands Lacs et du Saint-Laurent à Washington, où nous avons rencontré un certain nombre de membres du Congrès et de sénateurs, ainsi que la directrice adjointe pour le climat et l’environnement du président des États-Unis.

L’une des choses que les maires canadiens ont examinées, et dont ils ont parlé avec les membres du Congrès, les sénateurs et nos partenaires américains — les maires des villes américaines des Grands Lacs —, c’est que les Américains réservent vraiment des fonds aux Grands Lacs, ce qui est fort bien. L’un de leurs programmes est l’initiative de restauration des Grands Lacs. Nous demandons un crédit de 5 millions de dollars par an à cette fin.

Compte tenu de notre partenariat avec le Canada et nos provinces, le financement réparti en trois parts égales est destiné à la résilience des berges, la reconstruction des ports et les travaux portuaires. Le gouvernement de l’Ontario a lancé son initiative maritime l’automne dernier, à laquelle j’ai pu contribuer avec l’aide du directeur de l’autorité portuaire de Windsor. C’est lui qui a mené le projet, mais un certain nombre de maires le long des Grands Lacs et du Saint-Laurent ont travaillé à cette initiative.

Le financement doit aller directement aux Grands Lacs eux‑mêmes. Une chose que nous avons apprise, c’est qu’il n’y a pas de mur au milieu de chaque lac, là où se trouve la frontière entre leurs eaux et les nôtres; il s’agit de la même étendue d’eau. Nous rencontrons tous les mêmes problèmes liés aux ondes de tempête et à l’élévation et à l’abaissement des lacs chaque année. La résilience des berges est essentielle — il faut disposer d’un financement continu chaque année que les municipalités peuvent utiliser, comme je l’ai dit, avec l’aide des gouvernements fédéral et provinciaux.

Le long des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent, il est impératif que nous disposions de ces fonds annuels. Ainsi, nous ne nous contenterons pas de présenter des demandes et de croiser les doigts pour obtenir de l’argent.

Je pense que le gouvernement doit adopter une position ferme à l’égard des Grands Lacs et, franchement, suivre certaines des mesures prises par les États-Unis, qui se sont avérées très efficaces jusqu’à maintenant.

Le sénateur Quinn : Je vous remercie. La mairesse Horwath veut-elle répondre?

Mme Horwath : Merci beaucoup. J’abonde dans le même sens que le témoin précédent, et j’insiste particulièrement sur la nécessité d’avoir un modèle de financement prévisible, en quelque sorte. Notre ville a des besoins d’infrastructure dans tous les domaines. La plupart des municipalités sont dans la même situation : nos infrastructures vieillissent, et nous n’avons pas la capacité municipale de nous en occuper.

Par exemple, le plein potentiel de notre port d’Hamilton ne pourra pas être réalisé si nous n’avons pas la capacité d’investir, et de veiller ensuite à montrer au public la valeur de ces investissements. Nous ne pouvons pas réserver des fonds d’infrastructure à l’activité maritime ou à notre port et à l’infrastructure qui le soutient sans avoir un partenaire qui nous aidera. D’autres priorités l’emportent.

De bonnes choses ont été réalisées dans ma ville — je m’en réjouis — du côté du port de Hamilton, qui a été désigné comme un site d’intérêt considérable en raison de la contamination due à l’héritage industriel de notre ville. Je sais que le gouvernement fédéral a travaillé d’arrache-pied pour nous aider à résoudre ce problème, qui n’est plus considéré comme auparavant.

L’avantage est que nous réutilisons les terres qui ont été rendues disponibles par le recouvrement et le processus d’assainissement du récif Randle. Nous remettons en état ces terres, et c’est une bonne chose. Cette mesure augmentera notre capacité économique, mais encore une fois, il faut s’assurer que nous sommes en mesure de faire les investissements nécessaires pour maximiser les possibilités de transport dont nous disposons.

Le sénateur Quinn : Je vous remercie.

[Français]

Monsieur Ouellet, avez-vous des commentaires à faire?

M. Ouellet : Évidemment, pour Montréal, il y a l’expansion du port de Montréal à Contrecœur qui en est à l’étape de l’analyse finale en ce moment. Je suis d’accord avec mes collègues : nous aurons besoin de programmes financiers récurrents pour tout ce qui est intervention en rive, notamment sur le plan des municipalités, que ce soit pour faire bâtir des digues ou pour faire de la réhabilitation. La réglementation actuelle est très complexe. Comme je le mentionnais dans mes remarques d’ouverture, il y a aussi beaucoup de terrains fédéraux qui sont parfois au cœur des municipalités et qui pourraient être intéressants. Toronto l’a fait et même Montréal, à certains égards, pour être en mesure d’ouvrir des portes aux communautés. Avoir un programme récurrent aiderait énormément les villes.

[Traduction]

M. Boshcoff : Cette année apportera aussi une situation complètement différente pour chacun d’entre nous sur les rives des Grands Lacs et du Saint-Laurent. Cet hiver, il n’y a pratiquement pas eu de neige dans le Nord-Ouest de l’Ontario et les régions avoisinantes. Nous n’avons aucune idée de l’incidence qu’aura le phénomène. Notre budget de déneigement était pratiquement intact, ce qui signifie que l’approvisionnement en eau souterraine dans tout le bassin versant du lac Supérieur — s’il n’a pas été réapprovisionné, c’est la même chose pour tous les autres en aval. Ce n’est qu’une chose de plus dont nous devons nous préoccuper, mesdames et messieurs les sénateurs.

Je pense que nous en verrons l’effet sous peu, lorsque les navires commenceront à se déplacer.

La sénatrice Simons : Monsieur le maire Boshcoff, vous avez soulevé un point dont personne ne nous a parlé auparavant. Beaucoup de gens ont dit qu’ils avaient besoin de plus d’argent fédéral, mais vous avez plutôt mentionné de nouvelles réglementations fédérales, et je voulais vous donner l’occasion d’en dire plus là-dessus. Vous parlez de réglementations fédérales dans quel domaine? Et comment pensez-vous qu’elles seraient utiles pour atténuer les effets du changement climatique?

M. Boshcoff : Je pense qu’il faudrait avoir un soutien nécessaire pour maintenir les niveaux d’eau, compte tenu des changements climatiques — et cette année sera certainement dramatique, sénatrice —, même au moyen de normes techniques. D’un côté de la frontière, le Minnesota et le Michigan nous livrent une concurrence assez féroce, si le lithium provient du Nord-Ouest de l’Ontario. Nous ne sommes pas vraiment en concurrence avec d’autres ports canadiens, mais bien avec l’infrastructure américaine.

S’il existe d’autres méthodes de transport, ce qui aurait été une source de revenus considérables pour le pays et les provinces pourrait ne pas rester au Canada. Ce sont des choses qui sont maintenant en vue et auxquelles il faut faire face.

La sénatrice Simons : Je ne comprends pas très bien. Êtes‑vous en train de dire que nous devons harmoniser nos réglementations avec celles des États-Unis pour pouvoir être compétitifs? Quel est le rapport avec la protection de notre infrastructure?

M. Boshcoff : Au fond, madame la sénatrice, il s’agit d’une question de préparation qui nécessite de consolider les forces et de prendre conscience que nous ne sommes pas vraiment en concurrence avec Sudbury pour l’exploitation minière, mais plutôt avec des intérêts étrangers, dans le cas des usines de lithium et d’installations semblables.

Lorsque nous considérons la voie maritime, qui chevauche plusieurs compétences, cela signifie que nous avons besoin d’une approche fédérale coordonnée pour nous assurer de pouvoir soutenir la concurrence. J’espère que c’est logique.

La sénatrice Simons : Cela n’a donc rien à voir avec l’infrastructure. Je me demande si nous pourrions nous limiter à l’infrastructure, puisque c’est l’objet de notre étude.

M. Boshcoff : Bien sûr.

La sénatrice Simons : Monsieur Ouellet, quelles sont les plus grandes menaces qui pèsent sur le Port de Montréal? Nous avons entendu plus tôt dans notre étude des représentants du Port de Vancouver s’inquiéter vivement d’inondations au port, étant donné que les installations portuaires sont au niveau de la mer.

Pourriez-vous nous dire quelles sont, disons, les trois plus grandes choses qui menacent l’intégrité structurelle des installations portuaires de Montréal?

[Français]

M. Ouellet : Merci, madame la sénatrice.

Premièrement, il y a l’expansion du port à Contrecœur qui attend toujours l’autorisation finale. Cette expansion servira surtout pour les conteneurs; c’est vraiment pour l’avenir du port.

Sinon, en ce qui concerne la résilience, il y a toujours eu des variations du niveau d’eau, mais les variations sont beaucoup plus intenses et imprévisibles. Le port de Montréal pourrait mieux décrire ce problème, mais cela fait en sorte que si les niveaux sont très hauts ou très bas, il faut des quais qui sont adaptés pour fonctionner avec ces deux extrêmes.

Il y a des ponts à Québec et Trois-Rivières, donc en aval de Montréal. Si le niveau de l’eau est très élevé, certains bateaux ne peuvent plus passer dessous. Faudra-t-il les rehausser? Peut-être que oui, peut-être que non. S’il y a des niveaux très importants, cela fait en sorte qu’il faudra peut-être draguer. Évidemment, il y a aussi tout l’aspect environnemental lié aux opérations de dragage.

Ce qui me fait le plus peur n’est pas tant à Montréal : ce sont les conflits d’usage. Si le port de Montréal veut plus d’eau provenant du lac Ontario et que les niveaux d’eau sont trop bas, il y aura des conflits, autant du côté canadien que du côté américain.

Parfois, ce serait peut-être plus facile de jouer sur les niveaux d’eau pour que tout le monde soit satisfait — si on n’inondait pas autant de personnes. Il faudra des digues dont on n’avait pas besoin auparavant.

La sénatrice Simons : Merci.

[Traduction]

Le sénateur Cardozo : Je vais commencer par poser des questions à la mairesse Horwath et au maire Boshcoff. Tout d’abord, madame Horwath, c’est un plaisir de vous voir ici. En tant que sénateur de l’Ontario, je tiens à vous remercier pour les longs services que vous avez rendus à la province de l’Ontario en tant que cheffe d’un grand parti, y compris de l’opposition officielle. Il est merveilleux de vous voir assumer ce rôle de mairesse comme si vous aviez été là pendant vos 13 années à Queen’s Park. Je suppose que vous aviez déjà traité bon nombre de ces dossiers. C’est vraiment agréable de vous voir.

Ken Boshcoff, lorsque vous étiez député, nous avons eu l’occasion de parler longuement du décorum parlementaire, un problème qui s’est aggravé dans l’autre chambre, mais je vous encourage à venir faire un tour au Sénat. Le décorum parlementaire ici est bien meilleur qu’à l’autre endroit. Je vous en expliquerai la raison une autre fois, car j’ai des opinions controversées à ce sujet.

Ma question aux deux maires est simplement la suivante : quelle partie de la chaîne d’approvisionnement de votre région est la plus vulnérable au changement climatique? Vous en avez parlé, mais je me demande si vous pouvez vous concentrer sur un point précis.

Mme Horwath : Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question et de vos remarques. Je suis heureuse d’être chez moi — je peux vous le dire — et de mettre ma passion au service de ma ville.

Dans notre cas, il y a deux choses. Premièrement, nous assistons à une expansion massive de l’économie agricole dans notre ville, et aussi d’autres secteurs économiques. Lorsqu’il s’agit de la circulation des marchandises, il est extrêmement important de pouvoir acheminer ces produits agricoles au marché. Nous sommes très heureux de constater la croissance de l’agriculture.

Nous devons nous assurer que notre capacité à transporter ces marchandises suit le rythme de la croissance du secteur. D’un autre côté, il faut protéger ce secteur des effets du changement climatique.

L’agriculture nous donne un aperçu des deux extrêmes, en quelque sorte. Il faut atténuer les effets des changements climatiques, faire en sorte d’arrêter les phénomènes météorologiques violents qui auront un effet sur l’un des secteurs de notre économie qui connaît la croissance la plus rapide. Mais aussi, à mesure que ce secteur continue de croître, sans jeu de mots, il faut veiller à ce que nous ayons la capacité d’acheminer ces marchandises sur le marché. C’est une chose que nous gardons à l’esprit.

Nous avons de la chance d’avoir un port en eau profonde. Nous disposons d’un réseau ferroviaire important. Nous avons de bonnes autoroutes. Nous avons un excellent aéroport. Il est certain que les réseaux de transport sont une chose dont nous nous vantons et qui attire les investissements dans notre communauté, mais je soupçonne que le secteur vulnérable serait l’agriculture. C’est mon opinion. Je suis persuadée que notre personnel pourra vous fournir une réponse plus détaillée.

En raison de l’impact de la situation climatique sur notre communauté, les gens ne considèrent pas Hamilton comme un centre agricole. Ils croient que Hamilton est une ville sidérurgique. Nous produisons encore beaucoup d’acier, mais une partie importante de notre économie est, en fait, l’agriculture.

Le sénateur Cardozo : Est-ce que c’est le cas au-delà de la ville de Hamilton, jusqu’à Niagara et la péninsule du Niagara?

Mme Horwath : Oui, c’est tout à fait vrai. Notre ville a été fusionnée en 2000. Un grand nombre de nos communautés rurales qui entouraient l’ancienne ville de Hamilton ont été intégrées à la municipalité actuelle. Cette empreinte agricole, si vous voulez, fait maintenant partie de la ville de Hamilton, et ce, depuis environ 24 ans. Nous avons des actifs agricoles importants non seulement à Hamilton, mais aussi dans la région environnante, et il est extrêmement important que notre port puisse répondre à la demande du secteur agricole non seulement pour nous, mais aussi pour les régions avoisinantes.

Le sénateur Cardozo : Je vous remercie.

M. Boshcoff : Merci, sénateur. Le problème consiste à acheminer les céréales jusqu’au port, ce qui signifie que les réseaux ferroviaires doivent être robustes et efficaces, ce qui semble être le cas. Des investissements considérables ont été réalisés ici pour accroître la capacité céréalière.

La main-d’œuvre est aujourd’hui l’un de ces problèmes que nous n’aurions jamais cru devoir affronter. Il y a beaucoup moins de gens qui travaillent, mais il faut aussi se demander qui veut faire ce travail, même s’il est assez bien rémunéré.

Il y a quelques semaines, nous avons visité les emplacements avec un certain nombre de députés et de ministres, et le gain en efficacité est indéniable. Cependant, il faut veiller à ce qu’un chemin de fer national robuste achemine les céréales de manière sûre et fiable. Le dragage des approches des écluses et des ports ne doit pas se faire à l’aveuglette, mais avec constance, pour que les navires de haute mer puissent aller et venir sans gêner les cargos hors mer qui se déplacent.

Le troisième facteur, d’après les transporteurs, consiste à trouver l’équipage des navires. Il y a certainement des problèmes à cet égard. Je ne parlerais pas de crise, mais c’est quelque chose qu’il faut garder à l’œil.

En général, les navires semblent entrer et sortir de Thunder Bay. La connectivité est très impressionnante sur le plan des nouvelles technologies. C’est quelque chose dont nous pouvons être fiers en tant que Canadiens. Je pense aux innovations qui permettent d’amener les voitures ici, de charger les bateaux et de les mettre en route.

Il y a du bon et du mauvais, sénateur. Je m’attends à ce que l’autorité portuaire et les sociétés céréalières sachent ce qu’il faut faire pour régler les problèmes de main-d’œuvre et d’infrastructure.

La sénatrice Clement : Bonjour, madame la mairesse, et messieurs les maires. Je suis l’ancienne mairesse de Cornwall, en Ontario, située sur les rives du majestueux fleuve Saint-Laurent. Je trouve toujours que les maires sont des témoins très convaincants. Vous êtes des experts en matière d’infrastructure, mais vous comprenez aussi le lien avec la communauté.

Je vais poser mes questions. J’en ai une à l’intention de la mairesse Horwath et une autre destinée à M. Ouellet.

Madame la mairesse Horwath, vous avez parlé de votre plan d’adaptation au changement climatique de 2022. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet? Je m’inquiète de l’absence de relation ou de collaboration entre le gouvernement fédéral et les municipalités, et de la façon dont cela amplifie les effets du changement climatique sur l’infrastructure.

Pourriez-vous nous parler de votre plan d’adaptation au changement climatique et du rôle que le gouvernement fédéral est appelé à y jouer, ainsi que de la relation entre la municipalité et le fédéral?

[Français]

Monsieur Ouellet, vous avez parlé du cas des inondations et du fait que la collaboration entre le gouvernement fédéral et les municipalités a été difficile. Pouvez-vous nous dire ce que le gouvernement fédéral doit faire pour améliorer la situation?

[Traduction]

Mme Horwath : Je vous remercie de votre question, qui est fort pertinente.

Notre plan s’appuie sur un certain nombre d’initiatives qui nous ont donné des idées sur ce que nous devions faire pour faire face à la crise climatique à laquelle notre ville est confrontée. Au cours de l’élaboration de ce plan — dont je vous enverrai le lien —, il nous est apparu que les diverses initiatives qui, selon nous, nécessitaient du travail ont toutes besoin de ressources. Plus précisément, le manque de capacité financière des administrations municipales est toujours au sommet de nos soucis. Par exemple, la ville de Hamilton est dotée d’un réseau combiné d’égouts et d’eaux pluviales. Quand des inondations d’envergure se produisent, nous finissons par contaminer le port que nous cherchons à nettoyer. Je pense que le maire Boshcoff a également déploré ce problème et indiqué que c’est une situation que sa ville a déjà connue. Nous avons reculé.

Comme nous n’avons pas la capacité physique ou financière de séparer notre réseau d’eaux pluviales de notre réseau d’égout, nous sommes contraints, pour essayer d’éliminer les contaminants en aval, de faire au mieux avec une combinaison de réservoirs recueillant les débordements d’égout et divers changements à notre usine de traitement des eaux usées. C’est plus coûteux que de séparer nos systèmes, mais nous n’avons pas la capacité financière d’effectuer ces travaux. L’objectif serait de séparer les réseaux d’égout et d’eaux pluviales dans l’ensemble de la ville. Dans certains nouveaux quartiers de notre municipalité, ces réseaux ne sont pas combinés, bien entendu, mais comme notre ville est fort ancienne, son réseau d’égouts sous-terrain figure parmi les deux ou trois plus vieux au pays. Certains de nos puisards sont encore en bois.

Nous voudrions améliorer ces infrastructures, mais nous n’en avons pas la capacité financière. Nous cherchons d’autres façons d’accroître les revenus, par exemple en imposant des droits pour les eaux pluviales. Nous essayons d’encourager la mise en œuvre du captage des eaux pluviales sur place dans les grands espaces, comme les vastes parcs de stationnement et des endroits semblables, les grandes industries et les entreprises commerciales comme les centres d’achat.

Notre plan d’adaptation a mis en exergue le fait que même si nous avons d’excellentes idées, nous n’avons pas la capacité financière de les concrétiser. Nous continuons de travailler fort et d’entreprendre non seulement des initiatives ciblées, mais aussi des programmes pilotes pour voir si ce sont eux qui auront le plus d’impact en regard de l’investissement nécessaire.

Comme je l’ai indiqué, je vous enverrai ce plan. Il s’appuie sur notre rapport climatologique, qui est étayé par moult données scientifiques et contributions issues d’un certain nombre de sources.

Pour résumer, les changements que nous devons apporter pour nous adapter sont énormes par rapport à la capacité financière nécessaire pour accomplir ce travail.

[Français]

M. Ouellet : Merci pour votre question, madame la sénatrice.

Il faut savoir que, pendant les grosses inondations de 2017, on a eu du soutien du gouvernement fédéral, notamment par l’intermédiaire de l’armée. Je les remercie encore. Ils ont notamment évacué une ville en pleine nuit quand une digue a cédé au nord de Montréal. On a pu bénéficier du Fonds d’atténuation et d’adaptation en matière de catastrophes (FAAC) et la Ville de Montréal a remercié le gouvernement fédéral pour cela.

Par contre, il faut savoir que la réglementation en berge, en rive, est très complexe, parce qu’une partie est sous la responsabilité du gouvernement provincial et l’autre partie sous celle du gouvernement fédéral. Parfois, le processus a été tellement long que certaines berges ont été affectées. On commence le processus et cela prend tellement de temps qu’en 2019, lorsqu’il y a eu des inondations presque aussi intenses qu’en 2017, on n’a pas eu le temps de se prémunir contre cela. Ce serait bien d’accélérer les choses pour réaliser des projets qui vont aussi bénéficier à l’environnement, parce que c’est souvent un facteur qui fait bloquer le processus. On dit qu’il faut étudier la situation et qu’il faut éviter les dommages environnementaux, et je suis tout à fait d’accord, mais si une inondation arrive rapidement et détruit complètement la berge — parce que ce sont souvent des milieux naturels importants —, personne n’y gagne. Il faudrait trouver une façon d’accélérer la réglementation sur le plan de l’étude des dossiers.

Pour Montréal plus particulièrement, il faut savoir qu’elle est baignée d’eau; c’est une île. On n’a aucun contrôle direct sur l’eau qui nous arrive. J’imagine que c’est un peu pareil pour l’ensemble des municipalités. On n’a pas de contrôle direct sur ce qui nous arrive et souvent, il y aurait peut-être des décisions plus intéressantes à prendre pour ce qui est du bassin versant. Cependant, le bassin versant relève rarement des municipalités ou du gouvernement provincial. Des ententes existent, certaines ont même été conclues avec les États-Unis, mais il faut être en mesure de voir au bassin versant. Parfois, pour des digues ou des expropriations en milieu urbain qui coûteraient extrêmement cher en vue de se prémunir contre des catastrophes... Globalement, même si le gouvernement fédéral s’occupe de ce genre de choses et même si ce sont des interventions qui se font loin des villes, elles pourraient tout autant bénéficier aux villes. Il faut étudier le bassin versant et voir où on peut investir de l’argent pour que cela rapporte le plus possible aux Canadiens. Ce n’est pas nécessairement là où on subit l’inondation.

[Traduction]

Le sénateur Richards : Je vous remercie de témoigner. Monsieur Ouellet, vous avez essentiellement répondu à ma question. Je vais poser la même question au maire Boshcoff.

Je m’interroge quant à l’érosion des rives des Grands Lacs, à l’ampleur de l’évolution constante au fil des ans et à la façon dont ce phénomène créera un problème au chapitre du transport au cours de la prochaine décennie ou décennie et demie. Si vous avez des idées à ce propos, coordonnez-vous une réaction quelconque avec les villes et les municipalités des lacs américains à ce sujet, une réaction commune à ce qui se passe?

M. Boshcoff : Je vous remercie, sénateur.

Lorsque j’étais maire, dans une vie antérieure, les villes de Duluth et de Thunder Bay se sont jumelées, donnant lieu à beaucoup de coordination et de coopération, sur les plans tant social que commercial. Les problèmes de cette ville sont nos problèmes.

Lorsqu’on parle d’un lac de cette taille et qu’on peut voir le rivage s’assécher — c’était avant, on sait qu’il se passe quelque chose de dramatique.

Nous travaillons souvent de concert, mais pour le moment, nous n’avons rien formalisé au chapitre du jumelage dans cette partie du lac. Cette idée me plaît et je l’ajouterai à la liste.

Le sénateur Richards : [Difficultés techniques] idée s’il y avait une forme de coordination entre les deux pays à cet égard?

M. Boshcoff : Je crois également que l’Ontario et le Minnesota entretiennent une relation assez solide et collaborent beaucoup. Je pense que cette collaboration pourrait aller plus loin. Je proposerais de vous fournir une meilleure réponse sur la manière dont on a communiqué avec ces entités.

Le sénateur Richards : Je vous remercie beaucoup.

Le président : Sénateur Quinn, c’est vous qui aurez les trois dernières minutes.

Le sénateur Quinn : Je serai très bref. Je veux faire le suivi, de façon plus générale, quant au sujet abordé par le sénateur Richards.

Nous savons que la Voie maritime du Saint-Laurent est un système intégré qui dépend beaucoup des deux pays, y compris des provinces et des États. Des organisations s’intéressent à certains de ses aspects. La Commission mixte internationale, par exemple, surveille le débit d’eau. Mais si nous voulons étudier sérieusement ce système, faut-il que nous collaborions davantage ou qu’une sorte d’organisation réunissant des acteurs du secteur maritime et des infrastructures examine les points cruciaux qu’il faut régler?

Ce qui se passe d’un côté se produit de l’autre. Comme vous l’avez dit, il n’y a pas de mur au fond du lac.

Y a-t-il une recommandation que nous pouvons présenter au gouvernement fédéral pour favoriser les échanges avec nos voisins du Sud et demander aux gouvernements provinciaux de collaborer avec les États pour faire front commun?

M. Steele : Je vais intervenir pour ajouter quelque chose aux propos de M. Boshcoff. Notre organisation s’est employée récemment, tant à Ottawa qu’à Washington, à faire valoir l’idée que le gouvernement canadien participe à l’Étude sur la résilience côtière des Grands Lacs de l’Army Corps of Engineers. Comme nous l’avons tous dit et convenu, l’eau est de l’eau et le littoral est un littoral pour tout le monde. Tout ce qui touche le Canada touche les États-Unis. Il faut que les deux gouvernements soient de la partie.

L’Army Corps of Engineers est reconnu dans le monde entier et est très respecté. Si nous pouvons participer à ce programme et y investir des fonds pour intervenir de notre côté du lac tout en travaillant avec l’Army Corps of Engineers... je sais que la collaboration peut être difficile lorsque nous faisons quelque chose.

Mme Horwath ayant été élue à la mairie de Hamilton, il lui est beaucoup plus difficile qu’auparavant, à titre de mairesse, de collaborer quand elle est avec tout le monde. La collaboration est fort bonne et assez facile entre les quatre dirigeants municipaux ici présents aujourd’hui, mais lorsqu’il s’agit de coopération interfédérale entre le Canada et les États-Unis, les pourparlers s’enlisent parfois et prennent trop de temps. Comme je l’ai dit au président des États-Unis : « Amenez vos gars, j’amènerai les miens, et réunissons-les dans une pièce pour qu’ils s’entendent. » Cela peut être aussi simple que de demander à l’Army Corps of Engineers de réaliser une étude sur les Grands Lacs et le fleuve Saint-Laurent. Il ne faut pas étudier la moitié des lacs. Cela nous aide, mais nous avons vraiment besoin d’avoir un portrait exhaustif de la situation. Je pense que cette étude sera le début des démarches qui nous permettront de connaître les effets des changements climatiques et leur impact sur la résilience du littoral. Je pense que nous devons vraiment nous investir dans ce dossier.

Le sénateur Quinn : Merci. Je pense que mon temps est écoulé, mais je conclurai en félicitant la mairesse Horwath et ses collègues du port d’avoir réellement insisté sur le transport maritime à courte distance. Vous avez raison : cet effort permettra de réduire considérablement la circulation routière. Continuez en ce sens.

Le président : Au nom du comité, j’aimerais remercier tous nos témoins d’avoir comparu et de nous avoir fait part de leurs points de vue ce soir.

Pour le deuxième volet de la réunion de ce soir, j’ai le plaisir d’accueillir Reg Niganobe, chef du Grand Conseil de la nation Anishinabek. Merci de vous joindre à nous. Nous commencerons par une déclaration préliminaire de cinq minutes, suivie d’une période de questions.

Reg Niganobe, chef du Grand Conseil, nation Anishinabek : [Le témoin s’exprime en langue autochtone.]

Je me réjouis d’avoir l’occasion de vous faire part du point de vue de la nation Anishinabek sur les effets des changements climatiques sur les transports et les communications.

La nation Anishinabek est une organisation politique et territoriale qui représente 39 Premières Nations de l’Ontario. Notre territoire s’étend jusqu’à Sarnia vers le sud, jusqu’à Thunder Bay vers le nord — avec un certain nombre de communautés plus ou moins éloignées entre les deux — et presque jusqu’ici, à Ottawa.

Je voudrais notamment parler des effets sur la nation Anishinabek, qui compte des communautés éloignées, dont certaines ne sont accessibles que par traversier. Nous devons donc constamment nous préoccuper de l’infrastructure des quais et de la fluctuation du niveau de l’eau. Les quais exigent constamment des améliorations. Les coûts d’entretien des traversiers augmentent, et les variables météorologiques accroissent le risque de dommages aux infrastructures des traversiers. Les infrastructures sont de plus en plus inabordables en raison des conditions météorologiques continuellement défavorables à cause des changements climatiques qui peuvent, par exemple, provoquer l’arrêt des opérations en raison des conditions dangereuses. Voilà qui prive les gens de transports en commun, d’approvisionnement alimentaire, de soins d’urgence, d’éducation, et la liste ne s’arrête pas là.

Certaines de nos communautés ne sont accessibles que par une seule route rurale, laquelle est, bien sûr, susceptible d’être inondée et emportée par les eaux. Des nids de poule ont été observés dans la Première Nation de Munsee-Delaware, et dans d’autres communautés, la route principale a été emportée par les eaux. La communauté de Munsee-Delaware se trouve près de London, en Ontario. Elle n’est pas très loin au nord ou très éloignée. Ce sont là des répercussions que subissent parfois les Premières Nations, même à proximité des zones urbaines.

Plus près de North Bay se trouve un autre exemple en la Première Nation de Dokis, qui est desservie par une route et est entourée par la forêt. Si un incendie de forêt survient le long de la route principale, cette Première Nation devra trouver des moyens inventifs de s’échapper si elle était ainsi isolée.

Certaines communautés n’ont pas d’accès routier et ne sont accessibles que par bateau. La communauté de Namaygoosisagagun n’a pas d’accès routier. Je m’y suis rendu au printemps dernier. À partir de Thunder Bay, il faut faire trois heures de route sur un chemin forestier qui passe heureusement à proximité du lac où cette communauté se trouve. Il faut descendre à pied jusqu’au lac en portant ses bagages et prendre un bateau pour traverser le lac jusqu’à destination. Sinon, il faut venir en train, moyen grâce auquel les habitants reçoivent une bonne partie de leurs produits. Mais bien entendu, les trains sont souvent en retard lors de la livraison des marchandises, et notamment de l’eau potable, qui dans certains cas coûte 90 $ le gallon dans cette communauté.

Bien sûr, les changements climatiques font également disparaître les routes de glace. Les Premières Nations de Georgina Island et de Beausoleil avaient l’habitude d’emprunter de telles routes, mais elles ne peuvent pas utiliser ces accès routiers d’hiver depuis quatre ans en raison des changements climatiques. C’est maintenant dangereux, bien sûr, parce que leurs habitants dépendent entièrement des traversiers et des aéroglisseurs pour se rendre sur le continent et en revenir.

La communauté de Georgina Island a exprimé son intérêt pour une levée empierrée qui relirait le continent à l’île comme solution, mais cela limiterait l’accès au territoire traditionnel et parfois aux mesures d’urgence comme les hôpitaux et les spécialistes en cas de besoin. Cette solution nuirait également à l’égalité d’accès à l’éducation des insulaires.

Les changements climatiques font augmenter le coût des infrastructures pour l’ensemble de la nation Anishinabek. L’augmentation des précipitations, le dégel précoce et d’autres facteurs ont fait augmenter le coût de l’entretien des routes et de l’équipement, et diminuer la capacité de gérer et d’entretenir les routes dans les communautés, qui sont constamment sous-financées. À cela s’ajoute l’augmentation des coûts d’entretien des véhicules utilisés pour accéder aux services et bénéficier de l’égalité des chances en matière d’éducation, comme je l’ai souligné.

Nous avons un problème avec les communautés situées dans des bassins en raison de la perturbation du cycle hydrologique de l’eau dans les communautés qui se trouvent dans le bassin des principaux plans et cours d’eau, comme les Grands Lacs, le lac Simcoe et le fleuve Saint-Laurent. Les températures élevées en été peuvent provoquer une évaporation accrue, réduire la couverture de glace en hiver et modifier les régimes de précipitations. Ce phénomène a une incidence sur la date de dégel annuel, ce qui entraîne des changements dépassant les niveaux d’eau moyens, avec des fluctuations constantes entre les niveaux inférieurs et supérieurs.

Il y a les perturbations des infrastructures de transport que j’ai évoquées. Nous nous inquiétons même de la gestion des situations d’urgence, car les changements climatiques augmentent la fréquence des tempêtes violentes, et lorsque des urgences surviennent, il faut avoir la capacité de communiquer efficacement sans couverture à large bande ou cellulaire, qui existe dans certaines communautés situées, comme je l’ai indiqué, à proximité de villes rurales, de municipalités et d’endroits semblables. Parfois, les gens n’ont pas accès aux communications. Même la capacité des véhicules d’urgence de circuler sur les routes communautaires constitue une préoccupation majeure pour la nation Anishinabek. Les phénomènes météorologiques extrêmes sont plus fréquents. De gros orages et des tempêtes de neige majeures ont entraîné la fermeture de routes importantes, entravant l’accès des citoyens qui voyagent pour aller travailler et obtenir des services essentiels, et réduisant la sécurité alimentaire.

Nous avons des études sur les inondations. Les changements climatiques nuisent à la capacité des Premières Nations d’avoir accès à de bonnes routes et, comme je l’ai souligné, à des logements adéquats, à l’hydroélectricité et aux infrastructures de communication. Certains services ont été interrompus à court et à long terme. Nos infrastructures ne sont pas résistantes aux inondations. Des communautés sont inondées fréquemment. Certaines Premières Nations ont des mesures en place, et d’autres non. La nation Anishinabek tente de renforcer les capacités des Premières Nations au moyen de l’éducation, de la sensibilisation, de la communication, du soutien technique et de l’expertise. Il faut plus de capacité, car les situations d’urgence ne se limitent pas à l’incident lui-même; elles ont également des répercussions généralisées à d’autres égards, comme je l’ai déjà fait remarquer.

Enfin, il nous faut composer avec l’inflation. Les changements climatiques ont des répercussions sur les Premières Nations Anishinabek. La hausse du prix du carburant fait augmenter le coût de la prestation de services essentiels dans les communautés. Comme je l’ai mentionné, certaines d’entre elles sont éloignées et l’inflation a sur elles un impact considérable. Les Premières Nations ne sont pas prêtes à adopter les voitures électriques à l’heure actuelle — et cette transition est peut-être nécessaire — parce qu’elles ont besoin d’infrastructures à l’appui de cette technologie, et je peux vous garantir qu’au rythme actuel, elles ne seront pas prêtes d’ici 2035.

Les véhicules familiaux constituent le principal moyen de transport dans les territoires de la nation Anishinabek, surtout dans les communautés rurales et isolées. Ils sont au demeurant très chers et coûteux à entretenir sur nos routes rurales.

Nous avons la capacité de mettre en œuvre des stratégies d’atténuation des changements climatiques, bien que nous nous demandions toujours si le réseau est capable de répondre aux besoins accrus en électricité. Bien entendu, cet aspect a d’énormes répercussions sur nous à cet égard.

Il manque de transports publics et d’infrastructures à large bande, comme je l’ai indiqué, et le passage à une économie plus verte est difficile.

Des rapports scientifiques indiquent que l’épandage de sel et de sable a des impacts sur l’environnement, la qualité de l’eau et les invertébrés, des impacts que nous commençons à peine à atténuer.

Il est également nécessaire de protéger les zones écologiques sensibles, particulièrement les zones humides du bassin des Grands Lacs. Les zones humides agissent collectivement comme un grand réservoir de stockage de carbone. Il est essentiel de piéger le carbone en accordant la priorité à la protection des zones humides pour atténuer les changements climatiques.

Meegwetch.

Le président : Je vous remercie, monsieur

La sénatrice Simons : Merci beaucoup. C’était un témoignage percutant, et je suis vraiment contente que vous soyez venu nous faire part de votre point de vue.

Étant originaire de l’Alberta, je ne connais pas votre territoire. Pourriez-vous me parler des traversiers et des aéroglisseurs, et de leur importance pour vos communautés? Dites-moi également quelles sont les répercussions des changements climatiques sur les traversiers et les aéroglisseurs.

M. Niganobe : Les infrastructures de nos traversiers et de nos aéroglisseurs sont en bonne partie très vieilles. Il est très coûteux d’entretenir ces deux moyens de transport. Certaines de nos communautés vivant dans leur territoire traditionnel se trouvent sur des îles situées dans de grandes étendues d’eau, l’une dans la baie Georgienne et l’autre dans le lac Simcoe. Elles ne peuvent accéder au continent qu’avec des traversiers ou des aéroglisseurs. Bien entendu, ils sont très coûteux à entretenir avec l’augmentation du prix du carburant et des réparations en général dans ces régions.

J’ai entendu, au cours du dernier témoignage, une question sur la montée et la baisse des niveaux d’eau des Grands Lacs. Dans la baie Georgienne, cette fluctuation a des répercussions importantes sur la communauté. Je ne sais pas exactement à quel point les habitants peuvent devoir ajuster le quai d’une année à l’autre ou même s’il y a des dommages causés par la glace. C’est trop imprévisible pour l’instant, qu’il y ait de la glace ou pas. Comme je l’ai indiqué, ces quatre dernières années, les gens étaient habituellement en mesure d’emprunter la route de glace pendant l’hiver, mais ce n’est plus du tout possible ou même près d’arriver.

La sénatrice Simons : Dans le cadre de notre étude, un peu plus tôt, des habitants de l’Extrême-Arctique nous ont dit que même là-bas, ils ne pouvaient pas entretenir les routes de glace. Dans ma province, l’Alberta, les collectivités nordiques et autochtones ont été particulièrement éprouvées, car elles n’ont pas pu disposer de routes de glace convenables cette année.

Vous avez parlé de la nécessité de construire une levée empierrée comme solution potentielle. Combien de personnes seraient desservies par cette levée empierrée? J’imagine qu’il s’agirait d’un ouvrage coûteux. Qui le financerait?

M. Niganobe : Je pense que les provinces et le gouvernement fédéral paieraient probablement une grande partie de la facture. J’imagine que certaines Premières Nations pourraient trouver des moyens créatifs de contribuer à ce genre de projet. Cela dit, nous en avons réellement besoin en cas d’urgence ou pour l’accès aux soins de santé. Le diabète et une multitude de problèmes de santé ont une incidence sur nos communautés. Toute autre solution qui n’est pas l’installation d’un centre médical dans ces communautés... ce serait une option, mais ce n’est pas non plus très réalisable à certains égards.

La sénatrice Simons : Je ne connais pas les caractéristiques géographiques de cette région. Où construirait-on la levée empierrée? Où commencerait-elle? Où se terminerait-elle? Combien de personnes seraient desservies par cette levée empierrée?

M. Niganobe : Elle commencerait sur le continent et se rendrait jusqu’à la baie Georgienne, dans la région du lac Huron. La levée empierrée desservirait la Première Nation là-bas.

La sénatrice Simons : On y trouve 100, 1 000, 3 000 personnes?

M. Niganobe : Je dirais qu’on y trouve environ 1 000 personnes.

La sénatrice Simons : C’est une communauté assez peuplée. En ce moment, les gens ne peuvent sortir que par bateau?

M. Niganobe : Oui.

La sénatrice Simons : C’est incroyable.

M. Niganobe : Excusez-moi. C’est une petite communauté, mais cette levée empierrée serait très utile pour les déplacements des Autochtones et des non-Autochtones entre la communauté et le continent et vice-versa.

La sénatrice Simons : Je vous remercie. Vous avez brossé un portrait très saisissant des défis auxquels sont confrontées des communautés très uniques. Merci beaucoup de votre présence ce soir.

Le sénateur Quinn : Je vous remercie, chef Niganobe, de votre présence ce soir. C’est un honneur de vous accueillir parmi nous.

Vous nous avez donné une bonne idée des défis auxquels vous êtes confrontés sur un vaste territoire. Nous nous penchons sur les infrastructures essentielles et les changements climatiques. Comme vous l’avez dit à la fin, vous ne nous avez présenté qu’un aperçu des défis auxquels vous faites face.

Mais quel est le plus gros problème en matière d’infrastructures? Comment le résoudre? Pouvez-vous nous parler de ce qui serait le plus important? Quel problème devrions-nous régler, et comment devrions-nous nous y prendre? Cette région est si vaste. Vous avez souligné tant de problèmes. Y a-t-il un problème en particulier qu’il faudrait régler? S’agit-il plutôt d’une foule de choses?

M. Niganobe : On pourrait dire qu’il faut s’attaquer à une foule de choses, mais ce qui est important, c’est l’accès, le lien avec les centres municipaux ou urbains. Comme je l’ai dit, ce n’est pas idéal de ne pas avoir accès aux véhicules d’urgence ou de devoir attendre qu’un traversier vienne vous chercher en cas d’urgence.

Certaines communautés n’ont accès qu’à une seule route pour entrer et sortir de la région, et c’est un énorme problème. En général, ces routes ne sont pas asphaltées. Dans bien des cas, il s’agit de routes de gravier en très mauvais état. Je suppose que c’est ce que l’on a construit à l’époque où il n’y avait aucune raison ou aucun intérêt de se rendre dans les communautés des Premières Nations. Elles ont donc été abandonnées, à un moment donné, avec une seule route pour y entrer et en sortir, sans d’autre accès.

Je dirais que ce genre d’accès est ce qu’il y a de plus important à l’heure actuelle.

Le sénateur Quinn : Le plus important serait donc un accès par voie terrestre et par voie maritime, car les accès routiers d’hiver disparaissent rapidement, s’ils existent encore, évidemment.

Ces liens terrestres et maritimes sont donc nécessaires pour que les gens puissent avoir accès aux services dont ils ont besoin.

M. Niganobe : Absolument.

Le sénateur Quinn : D’accord.

Je voulais simplement avoir une meilleure idée de la situation, car il s’agit d’un défi très important.

Je vous remercie.

Le sénateur Cardozo : Grand chef Niganobe, je vous remercie d’être parmi nous et de nous faire part des renseignements dont vous disposez jusqu’à présent.

Pourriez-vous nous parler des échanges et des relations que vous avez eues relativement aux ports et aux chemins de fer sur votre territoire? Comment les choses se sont-elles passées?

M. Niganobe : Par le passé, je pense qu’il n’y a pas eu d’échanges avec la plupart de nos communautés. On les a exclues de ces discussions alors que l’on construisait ces infrastructures. Aujourd’hui, bien sûr, des consultations ont lieu. Je sais qu’il y a des échanges d’informations et une collaboration avec certaines de nos communautés, ce qui constitue une nette amélioration.

Nos communautés sont prêtes à prendre part à ces discussions. Je sais, par exemple, que l’une de nos communautés à Garden River — qui se trouve à l’intérieur de Sault Ste. Marie — a travaillé avec les représentants du port de Sault Ste. Marie pour le transport de l’acier produit à l’aciérie. Elle a d’ailleurs signé une entente avec eux et la Première Nation de Batchewana, qui étaient prêts à travailler ensemble pour faciliter certaines de ces discussions.

Le sénateur Cardozo : Votre nation, ou d’autres nations, ont‑elles signé de nombreuses autres ententes avec les sociétés ferroviaires ou... y a-t-il des ports dans votre région?

M. Niganobe : Il y en a quelques-uns. Il y a, bien sûr, Thunder Bay, Fort William et Sault Ste. Marie. Il en existe quelques autres.

Le sénateur Cardozo : Savez-vous si des ententes ont été formellement signées...

M. Niganobe : Dans certains cas, oui, absolument. Tout dépend des Premières Nations, de leur niveau d’engagement, ou de quiconque est prêt à travailler avec elles.

Le sénateur Cardozo : Vous avez parlé d’une levée empierrée, et je suis en train de regarder la carte. Je ne veux pas dire que je viens de l’Ontario et que je connais cette région, mais je la connais un peu parce que j’y suis allé. La levée empierrée irait-elle jusqu’à l’île Manitoulin?

M. Niganobe : Je dirais qu’elle irait un peu plus au sud, près de Barrie, mais quand même un peu plus au nord-ouest de cette région.

L’île Manitoulin est reliée par un pont, mais il n’y a que ce pont. Si vous êtes dans le sud de l’île Manitoulin, vous pouvez prendre le traversier Chi-Cheemaun. Je vous recommande de le faire au moins une fois dans votre vie.

Le sénateur Cardozo : Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet?

M. Niganobe : À propos du traversier Chi-Cheemaun? En fait, il y a autre chose. Le traversier relie la péninsule Bruce à l’île Manitoulin et constitue l’un des seuls moyens d’aller sur l’île Manitoulin, à part le pont, qui est un vieux pont tournant.

C’est à la fois une bonne et une mauvaise chose. L’accès par traversier dans le sud ouvre plus tôt chaque année, et reste ouvert plus longtemps chaque année, mais ce n’est pas très rassurant pour ce qui est de la couverture de glace et la période pendant laquelle ils peuvent mener, ou non, leurs activités.

Le sénateur Cardozo : Le traversier Chi-Cheemaun existe-t-il depuis longtemps?

M. Niganobe : Il existe depuis un certain temps; depuis au moins 20 ans, sinon plus.

Le sénateur Cardozo : Je l’ai peut-être déjà pris. J’ai pris un traversier et j’ai emprunté le pont, au nord de l’île Manitoulin.

M. Niganobe : Si vous l’aviez pris, vous vous souviendriez des paysages.

Le sénateur Cardozo : J’ai fait ce voyage avec un groupe d’amis lorsque j’étais étudiant. Ce voyage a donc été mémorable pour de nombreuses raisons.

Merci beaucoup de votre réponse.

La sénatrice Clement : Je vous souhaite la bienvenue. Je suis heureuse de vous recevoir, vous et les maires. Vous n’avez pas votre pareil pour accueillir des gens dans vos collectivités, et je vous en suis reconnaissante.

Le maire de Thunder Bay, du groupe de témoins précédent, nous a dit que sa ville avait accueilli les habitants de collectivités qui avaient été évacuées. Lorsque j’étais la mairesse de Cornwall, il nous est arrivé de faire la même chose. Nous avons accueilli des personnes qui avaient dû être évacuées de Kashechewan et de Attawapiskat. Avez-vous vécu cette expérience sur votre territoire?

J’aimerais également que vous nous parliez de votre relation avec le gouvernement fédéral. Avez-vous une bonne relation de travail relativement à l’adaptation aux changements climatiques? Que faites-vous, plus précisément, avec le gouvernement fédéral à ce chapitre?

M. Niganobe : Nous avons essayé de travailler là-dessus avec le gouvernement fédéral. Évidemment, nous aimerions travailler davantage avec lui pour trouver des solutions à ces problèmes.

Heureusement, nos communautés de la nation Anishinabek n’ont pas dû être évacuées. Nous avons eu beaucoup de chance. Nous l’avons échappé belle à quelques reprises. C’est pour cette raison que nous avons élaboré un plan pour que nos communautés soient prêtes à faire face aux situations d’urgence. Nous les aidons dans ce domaine.

La communauté de Pic Mobert a failli être évacuée l’année dernière à cause d’un feu de forêt le long de la route 17 qui se rapprochait de plus en plus. Heureusement, les vents ont tourné, et les gens ont pu rester chez eux et tout s’est bien passé. Cependant, s’il fallait évacuer la communauté, des routes d’accès de part et d’autre permettraient de le faire. Il existe aussi des partenariats entre les communautés. Elles pourraient s’entraider.

Comme je l’ai mentionné, nous avons accès à différents services d’urgence.

La sénatrice Clement : Quelles communautés seraient les plus vulnérables en cas d’évacuation?

M. Niganobe : En ce qui nous concerne, je dirais que les communautés les plus vulnérables seraient celles qui sont situées au nord de Parry Sound. Elles seraient les plus vulnérables. Il s’agit de communautés qui ne disposent que d’un seul accès routier. Il n’est pas facile d’y entrer ou d’en sortir. Comme je l’ai dit, Dokis n’est pas loin de North Bay, de l’autre côté du lac Nippissing. Toutefois, une seule route permet d’y entrer ou d’en sortir. Il y a aussi Namaygoosisagagun, au nord-est de Thunder Bay, où il n’y a que le chemin de fer. Si les gens n’empruntent pas le chemin de fer, ils doivent entrer et sortir par bateau et conduire sur un chemin forestier de terre pendant une heure.

La sénatrice Clement : Vous avez dit que vous travailliez avec le gouvernement fédéral, mais qu’il devait faire mieux. Que faut-il améliorer? Avez-vous des exemples?

M. Niganobe : Il faut investir davantage dans les infrastructures pour les Premières Nations et dans l’accès routier. J’ai beaucoup parlé de Dokis, mais il y a aussi la Première Nation de Wahnapitae, tout près de Sudbury, qui est enfin en train de construire une deuxième route qui permet de sortir de cette région. Ces endroits ne sont pas très éloignés. Ils se trouvent en périphérie de grandes zones urbaines et souffrent des mêmes répercussions.

La sénatrice Clement : Votre conseil travaille-t-il directement avec le gouvernement fédéral?

M. Niganobe : Nous essayons certainement de le faire, autant que possible, de concert avec les communautés et en collaboration avec elles. Elles nous aident à orienter la conversation parce que ce sont elles qui sont les expertes, qui sont confrontées à ces problèmes depuis des années et qui essaient maintenant de les résoudre.

La sénatrice Clement : Je vous remercie.

La sénatrice Dasko : Merci, chef Niganobe, de votre présence aujourd’hui.

Ma question porte sur deux aspects de l’incidence des changements climatiques. Je connais un peu la Première Nation de l’île Walpole et ses installations portuaires; elle exploite un traversier entre le Canada et les États-Unis. Je ne sais pas si cela se trouve sur votre territoire ou pas.

M. Niganobe : Je connais l’île Walpole, oui.

La sénatrice Dasko : Oui, vous les connaissez.

J’ai observé leurs activités. Je pense que le traversier met huit minutes pour parcourir la distance entre le Canada et les États‑Unis, et il y a un bureau d’immigration du Canada juste là, lorsque vous arrivez au Canada. Je peux imaginer qu’il s’agit d’une activité prospère. Elle a l’air très prospère, et on pourrait alors supposer qu’il y a des occasions comme celle-là en raison des changements climatiques.

J’ai déjà posé ce genre de question et je ne veux pas donner l’impression d’être une personne qui nie les changements climatiques. Cependant, je me dis que les changements climatiques peuvent offrir des occasions d’une part, et, d’autre part, entraîner des inconvénients; vous devez mettre en œuvre des stratégies d’adaptation et d’atténuation. Je me demande si vous pourriez nous en dire plus sur les deux aspects de cette question. Les changements climatiques entraînent-ils des occasions? N’y a-t-il que des inconvénients, comme l’atténuation et le renforcement de la glace et des routes, entre autres?

M. Niganobe : Pour ce qui est des changements climatiques et des occasions potentielles, je pense qu’il nous est possible de discuter de la façon dont nous allons nous y attaquer. Ensuite, nous serons en mesure de participer et de collaborer à la recherche de solutions, ce qui, à mon avis, mènera éventuellement à des débouchés économiques pour nos Premières Nations.

J’ai dit que nous sommes tout à fait conscients qu’une grande partie de l’extraction des ressources se fera probablement dans les communautés des Premières Nations, et nous chercherons à participer à ces activités. Nous souhaitons également contribuer à trouver des solutions aux problèmes qui découlent des changements climatiques.

Comme je l’ai mentionné, nous devons bâtir les infrastructures pour les véhicules électriques si nous voulons emprunter cette voie, mais nous sommes également bien conscients qu’il faudra beaucoup d’énergie pour soutenir la transition vers les véhicules électriques. À quoi cela ressemblera-t-il? Nous devrons nous réunir et discuter de l’énergie nucléaire ou d’une plus grande production d’énergie hydroélectrique. Toutes ces discussions auront lieu, et nous sommes prêts à collaborer sur ces questions, à en discuter, à les préciser et à avoir des conversations approfondies sur le sujet.

La sénatrice Dasko : Vous dites donc que les occasions ont trait aux mesures d’atténuation, au travail pour renforcer les infrastructures et à ce genre d’activité.

Quelle est la stratégie principale que votre communauté aimerait mettre en œuvre? S’agirait-il de construire des routes permanentes, ou de renforcer le service de traversier?

M. Niganobe : Il faudrait construire ces routes permanentes. Ce serait bien de renforcer le service de traversier si c’est la solution souhaitée, ou s’il s’agit de la seule solution possible, s’il n’est pas possible de construire un pont ou d’autres infrastructures.

Oui, il faudrait aussi obtenir du soutien pour le service de traversier, car c’est une entreprise qui coûte très cher pour les Premières Nations qui veulent y participer. Comme je l’ai dit, dans certains cas, les Premières Nations sont situées sur un territoire donné, car il s’agit de leur territoire traditionnel. Dans d’autres cas, elles n’ont pas choisi leur territoire; on a choisi leur territoire pour elles.

La sénatrice Dasko : D’accord. Je vous remercie.

Le président : Chers collègues, s’il n’y a pas d’autres questions, je vais remercier, au nom du comité, le chef Niganobe de sa présence parmi nous. Merci de nous avoir transmis vos points de vue sur cette importante question.

(La séance est levée.)

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