LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES TRANSPORTS ET DES COMMUNICATIONS
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mardi 9 avril 2024
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd’hui, à 9 heures (HE), avec vidéoconférence, pour étudier l’incidence des changements climatiques sur les infrastructures essentielles dans les secteurs des transports et des communications et les répercussions corrélatives sur leurs interdépendances.
Le sénateur Leo Housakos (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Bonjour, honorables sénatrices et sénateurs.
Je m’appelle Leo Housakos, je suis un sénateur du Québec et je suis président de ce comité.
[Traduction]
J’invite mes collègues à se présenter brièvement.
La sénatrice Simons : Je suis la sénatrice Paula Simons, de l’Alberta, du territoire visé par le Traité no 6.
[Français]
La sénatrice Clement : Bonjour. Bernadette Clement, de l’Ontario.
[Traduction]
Le sénateur Quinn : Jim Quinn, du Nouveau-Brunswick.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Julie Miville-Dechêne, du Québec.
[Traduction]
La sénatrice Dasko : Donna Dasko, sénatrice de l’Ontario.
Le président : Aujourd’hui, nous poursuivons notre étude de l’incidence des changements climatiques sur les infrastructures essentielles dans le secteur des transports et l’étude des Grands Lacs et du Saint-Laurent.
Comme premiers témoins, j’ai le plaisir d’accueillir Claude Deschambault, directeur de l’environnement, et Julien Baudry, directeur des affaires publiques, de l’Administration portuaire de Montréal. Nous avons également le plaisir d’accueillir Maguessa Morel-Laforce, directeur principal, Affaires gouvernementales et des intervenants, et M. Paul Topping, directeur principal, Affaires réglementaires et environnementales, de la Chambre de commerce maritime. Chaque groupe disposera de cinq minutes pour présenter ses observations liminaires.
[Français]
Par la suite, nous aurons une période de questions avec mes collègues.
Pour les présentations, nous commencerons avec M. Baudry, suivi de M. Morel-Laforce et de M. Topping.
Monsieur Baudry, la parole est à vous.
Julien Baudry, directeur, Affaires publiques, Administration portuaire de Montréal : Merci beaucoup, monsieur le sénateur, pour l’occasion qui nous est donnée de vous faire part de notre opinion sur un sujet qui nous touche énormément.
Tout d’abord, il faut savoir que parler du port de Montréal et de la résilience climatique, mais également des changements climatiques, c’est parler non pas uniquement de la résilience d’un port, mais de celle de l’ensemble de l’économie canadienne.
Le port de Montréal sert le Québec, bien entendu, mais il sert également l’Ontario. En fait, nous desservons deux tiers de la population canadienne, mais aussi 75 % de la capacité manufacturière du pays, avec des échanges économiques avec l’Europe qui passent à plus de 70 % par le port de Montréal. Le port de Montréal, en termes économiques, c’est plus de 600 000 emplois qui sont soutenus par nos activités. C’est 10 % du PIB du Québec, mais aussi 3,5 % du PIB canadien. Parler de la résilience climatique au port de Montréal, c’est aussi parler de la résilience de l’ensemble de notre économie, et ce, tant en matière d’importation que d’exportation.
Bien entendu, nous avons des activités sur l’île de Montréal, mais également à Contrecœur, où nous projetons de développer un nouveau terminal à conteneurs. Aussi, vous comprendrez que nous prenons nos responsabilités pour réduire l’empreinte carbone, mais également pour gérer les risques en matière d’adaptation aux changements climatiques.
Claude Deschambault, directeur, Environnement, Administration portuaire de Montréal : Notre résilience à faire face aux changements climatiques est essentielle. À travers le programme de l’évaluation des risques liés aux ressources de transport de Transports Canada, le port de Montréal et ses partenaires d’affaires ont participé à une étude exhaustive de Claude Comtois et Brian Slack, dans le cadre du projet Résilience des composantes d’infrastructures de transport et de logistique du Port de Montréal : compilation, analyse et options d’aide à la décision dans un contexte de changement climatique.
Comme vous le savez, une chaîne est aussi forte que son maillon le plus faible. Cette étude a séparé la chaîne en trois segments : les actifs, les opérations portuaires et les chaînes d’approvisionnement. Deux scénarios climatiques bâtis et analysés par Ouranos à Montréal et à Contrecœur ont été considérés pour un horizon allant jusqu’à 2100. Dix-sept indicateurs climatiques ont été retenus.
L’étude montre que les interactions entre les principaux marqueurs des actifs portuaires, notamment le chenal maritime, les quais, les routes, le rail, les silos, les réseaux électriques et les indicateurs climatiques ne représentent aucun risque, ou un faible risque de 87 %. Ce pourcentage est de 89 % pour les opérations portuaires comme l’accostage, le pilotage, la manutention, l’entreposage, et de 86 % pour les chaînes d’approvisionnement, comme les conteneurs, le pétrole et les céréales. Si ces pourcentages peuvent sembler élevés, le risque est là — on parle de 10 à 15 % de risque élevé. Ce n’est pas négligeable.
Parmi la gamme probable de changements aux paramètres climatiques, on peut identifier que la vulnérabilité du système portuaire de Montréal sera exacerbée par la hausse des températures, la croissance de vagues de chaleur, l’augmentation du cycle de gel et dégel, l’accentuation de l’intensité des précipitations et les variations des conditions hydrologiques.
L’étude révèle aussi que l’accroissement de la résilience du système portuaire de Montréal repose principalement sur l’adaptation de trois composantes : le chenal maritime ou navigable, la fiabilité de son réseau électrique et de communication et les espaces de manutention et d’entreposage.
Notre situation, au cœur du système laurentien, semble nous préserver de certaines conditions extrêmes, mais nous ne pouvons pas nous permettre de nous croiser les bras : il en va de notre efficacité, de notre prévisibilité et de notre compétitivité. Des actions sur le terrain sont déjà déployées depuis longtemps, comme notre stratégie de redondance du réseau d’alimentation électrique et de communication, l’augmentation de la puissance des sous-stations électriques pour répondre aux besoins croissants en électrification des quais et des équipements ainsi que la modification de nos hypothèses météo et des charges pluviales pour la conception du drainage des eaux de surface.
M. Baudry : Desservir l’ensemble des chaînes d’approvisionnement canadiennes est un honneur, mais c’est surtout une responsabilité que nous avons. Pour y faire face, il n’y a pas de secret : nous avons besoin de ressources financières non seulement pour construire des infrastructures, mais surtout pour mieux les construire. Nous caressons également le rêve de pouvoir le faire en collaboration avec d’autres ports.
Actuellement, les possibilités de collaboration avec d’autres administrations portuaires sont limitées par le cadre législatif. On souhaite être en mesure de mutualiser certaines actions et infrastructures avec d’autres ports, toujours dans la même perspective : rendre non seulement les ports, mais aussi l’économie canadienne plus résiliente face aux changements climatiques.
Merci.
Maguessa Morel-Laforce, directeur principal, Affaires gouvernementales et des intervenants, Chambre de commerce maritime : Merci beaucoup.
Les changements climatiques ont un impact sur les chaînes d’approvisionnement, apportant un lot d’imprévisibilités, de risques et d’adversité qui préoccupe nos membres. Ce sont opérateurs de navires, des autorités et des opérateurs portuaires. Nous représentons ces acteurs qui œuvrent dans les Grands Lacs, le fleuve Saint-Laurent, sur la côte Est du pays ainsi que dans l’Arctique canadien.
Ce défi colossal a poussé bon nombre d’acteurs du milieu maritime ainsi que les membres de la Chambre de commerce maritime à réduire leur empreinte carbone, soutenant ainsi le gouvernement fédéral dans sa quête de carboneutralité d’ici 2050, et en adhérant à diverses initiatives, dont celle de l’Alliance verte.
Il va sans dire que la tâche de décarboner l’industrie maritime ne peut se faire en silo. L’aide des échelons gouvernementaux est requise pour favoriser un contexte législatif et réglementaire propice à la transition vers des énergies vertes. Par exemple, le gouvernement fédéral peut en faire plus dès aujourd’hui en favorisant l’utilisation de biocarburant, un carburant qui permet de réduire l’empreinte carbone de l’industrie jusqu’à 80 %; plus de financement dans ses programmes, comme les corridors verts, peut permettre de réduire les émissions de gaz à effet de serre aujourd’hui et favoriser la recherche et le développement pour les énergies de demain.
[Traduction]
Nous savons que les changements climatiques peuvent accroître les risques pour le transport maritime, mais ils offrent également de nouvelles occasions dans certains contextes. Du côté des risques, les températures mondiales extrêmes provoquent des phénomènes météorologiques plus violents qui peuvent avoir un effet sur le transport maritime en augmentant les niveaux d’eau au-delà des limites de sécurité de la navigation. Les niveaux d’eau doivent être maintenus dans une plage de navigation sûre, car un niveau trop bas réduit la cargaison maximale qui peut être transportée, tandis que des niveaux d’eau trop élevés créent des conditions de navigation difficiles et dangereuses.
La fréquence des changements météorologiques devrait augmenter, ce qui peut entraîner des épisodes de froid soudains qui provoquent l’accumulation de glace dans l’eau et sur les portes des écluses des voies maritimes. La gravité de ces événements devrait augmenter au fil du temps, ce qui accroît les risques et la probabilité de perturbations de la chaîne d’approvisionnement.
Dans ce contexte, la Commission mixte internationale, ou CMI, créée en 1909 pour gérer les plans d’eau partagés entre le Canada et les États-Unis, doit réorienter son processus décisionnel en fonction de ses trois principes fondateurs, soit l’accès à l’eau potable pour les municipalités, la production d’hydroélectricité et la navigation commerciale. L’industrie maritime craint que la prochaine crue des eaux soit imminente et que le Conseil des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent de la CMI ne dispose pas de l’expertise nécessaire en navigation pour évaluer les risques et les effets de ses décisions en situation de crise.
Les phénomènes météorologiques violents peuvent endommager les infrastructures et entraîner des retards dans la livraison de cargaisons cruciales à l’industrie et aux clients. Comme vous le savez, plus de 90 % des marchandises sont transportées par voie maritime à un moment ou à un autre de leur existence.
Pour que les opérations se poursuivent malgré les risques croissants, l’industrie maritime a besoin d’aides à la navigation telles que des bouées, des brise-glace en nombre suffisant, des investissements dans les écluses pour mieux les adapter à des conditions extrêmes, ainsi que d’équipements portuaires, tels que des systèmes de chargement de cargaisons capables de supporter les impacts croissants des phénomènes météorologiques violents. Les changements dans les tendances météorologiques font qu’il est plus difficile de prévoir les événements majeurs. Comme notre secteur dépend des prévisions météorologiques pour ses activités sûres et efficaces, nous en subissons donc les conséquences.
En ce qui concerne les nouvelles occasions, les changements climatiques apportent généralement un temps plus chaud dans la région des Grands Lacs et du Saint-Laurent. Cela peut permettre de prolonger les périodes de croissance des cultures, dont beaucoup sont exportées par voie maritime. Le réchauffement du climat permet aux Grands Lacs de prolonger la durée de la saison de navigation.
Au sujet de la prolongation de la saison de navigation, la Chambre de commerce maritime, ou CCM, cherche à harmoniser les voies maritimes canadiennes et américaines pour qu’elles ouvrent le 22 mars et restent opérationnelles jusqu’au 15 janvier, afin d’obtenir un calendrier prévisible et une plus grande utilisation de ces voies. Pour y parvenir, nous devrons trouver des moyens novateurs d’obtenir plus de ressources de la Garde côtière canadienne pour appuyer la navigation et plus d’argent pour l’entretien des voies maritimes afin de soutenir les opérations prolongées et les interventions en cas de mauvais temps.
Au fil du temps, nous continuerons à avoir besoin d’améliorations pour réparer et remplacer les infrastructures vieillissantes de la voie maritime et améliorer l’efficacité du système de transport maritime.
Paul Topping, directeur principal, Affaires réglementaires et environnementales, Chambre de commerce maritime : Enfin, alors que nous représentons le mode de transport le plus économe en énergie, nous travaillons à réduire nos propres émissions, collaborant avec Transports Canada sur le plan de la réglementation et avec le gouvernement et d’autres partenaires au sujet de l’adoption de carburants et de technologies. Nous cherchons également à regrouper ces efforts dans le cadre d’un réseau de corridors de navigation verts dans les Grands Lacs et la voie maritime du Saint-Laurent. Cette initiative est dirigée par les deux voies maritimes, Transports Canada et le département des Transports des États-Unis.
Nous vous remercions de nous avoir invités à vous faire part de notre point de vue dans le cadre de cette étude cruciale. Nous sommes à votre disposition si vous avez des questions.
Le président : Je vous remercie. C’est le sénateur Quinn qui amorcera la période de questions.
Le sénateur Quinn : Merci, monsieur le président. Je vous remercie de témoigner ici ce matin. Il ne fait aucun doute que la voie maritime et le port de Montréal sont importants non seulement pour l’économie canadienne, mais aussi, sans doute, pour l’économie nord-américaine. Mes questions portent sur les infrastructures essentielles et les impacts des changements climatiques.
Pour le port de Montréal, quelles sont les trois infrastructures les plus essentielles dont vous devez tenir compte? Avez-vous effectué une évaluation des risques? Existe-t-il un document qui décrit tous les risques et d’autres facteurs, un registre des risques que le comité pourrait examiner?
[Français]
M. Deschambault : Effectivement, monsieur le sénateur, il existe une étude réalisée par Claude Comtois et Brian Slack, où l’on repasse tous les marqueurs, donc tous les éléments des actifs, des éléments des opérations et de la chaîne d’approvisionnement.
En résumé, dans cette étude de 350 pages, il y a effectivement trois éléments importants. L’infrastructure la plus importante, c’est le chenal maritime; avec une baisse de niveau d’eau, il y aura un impact direct sur la quantité de chargement des navires. Le deuxième élément, c’est notre réseau électrique et notre réseau de communication et le troisième élément comporte les espaces de manutention et d’entreposage qui sont à risque.
[Traduction]
Le sénateur Quinn : Vous avez mentionné les trois dans votre exposé. Je cherchais des éléments plus opérationnels. Je sais que ces trois éléments sont tous opérationnels, mais certains quais n’ont-ils pas une importance cruciale? Vous inquiétez-vous des écluses que gère la voie maritime pour assurer le passage des navires qui entrent dans les Grands Lacs et qui en sortent? J’ai parlé d’un registre des risques. Avez-vous un tel document que vous pourriez remettre au comité?
[Français]
M. Baudry : Bien entendu, ce travail a été réalisé avec des partenaires publics, donc tout est disponible.
[Traduction]
Le sénateur Quinn : Vous avez dit que vous envisagiez la collaboration et d’autres initiatives. Vu l’importance de Montréal et compte tenu du fait qu’il s’agit d’acheminer les marchandises jusqu’aux consommateurs partout en Amérique du Nord, quels échanges avez-vous eus avec d’autres ports au sujet des stratégies et des plans d’atténuation qui pourraient être mis en œuvre pour assurer la circulation continue des marchandises? Sans partialité, je donnerai l’exemple du port de Saint John.
Compte tenu de l’histoire centenaire entre Saint John et Montréal, discute-on avec eux de ce qu’ils peuvent faire ou de ce que ceux qui utilisent leurs terminaux ou voies ferrées peuvent faire pour assurer le transport des marchandises en cas de fermeture du port de Montréal en raison des changements climatiques, à part faire la grève, disons? Discute-t-on de la question?
[Français]
M. Baudry : On a de nombreuses discussions avec le port de Trois-Rivières et le port de Québec, puisque nous avons une entente de collaboration. Il y a certaines discussions que nous ne pouvons pas avoir à la fois pour des raisons légales, à savoir que nous ne pouvons pas déléguer des responsabilités qui nous sont confiées, mais il y a aussi le fait que la Loi sur la concurrence s’applique aux administrations portuaires canadiennes. Même si nous ne sommes pas les opérateurs des terminaux, nous ne pouvons pas avoir de discussions qui auraient un impact sur la concurrence dans ce type d’activités. Nos discussions sont très limitées, même si nous sommes tous membres d’un même réseau et mandataires du gouvernement canadien.
[Traduction]
Le sénateur Quinn : Je vous remercie. Je mettrai la question de côté pour l’instant.
Pour la chambre, vous avez parlé de l’allongement de la saison. Il ne fait aucun doute que la saison a pris fin le 6 janvier et a commencé à la mi-mars de cette année. Quels sont les principaux facteurs qui expliquent l’allongement de la saison? Ces dernières années, les données nous indiquent que les saisons peuvent être plus longues s’il y a moins de glace, des conditions plus chaudes et une fluctuation des conditions de l’eau. Le fait que les écluses fonctionnent plus longtemps occasionne-t-il des problèmes?
Vous avez mentionné les ressources de la Garde côtière. On pourrait dire que les actifs de la Garde côtière deviennent moins importants à certains égards, surtout dans les environs du pont de Québec, si l’eau se réchauffe et que la saison se prolonge. Comment composez-vous avec la situation et quels sont les risques que vous envisagez au chapitre des infrastructures essentielles?
M. Topping : Chaque saison, il y a des consultations avec la voie maritime et la Garde côtière parce que ce sont elles qui assurent la circulation. C’est comme si elles faisaient office d’autoroute et que nous étions des camions, pour employer une analogie routière. S’il y a une chute dramatique de température et une formation soudaine de glace, le système d’amarrage mains libres et les mécanismes des portes des écluses peuvent se bloquer. Il faut donc installer des équipements supplémentaires. La voie maritime a pris des arrangements à cette fin parce que nous sommes au Canada et qu’il y a un hiver. Nous pouvons nous occuper de ce problème, mais cela entraîne des coûts supplémentaires et il faut être prévoyants et planifier pour que les contrats soient en place afin qu’on puisse les mettre en œuvre et intervenir en temps opportun. Il faut générer de la vapeur pour réchauffer les écluses afin qu’elles puissent bouger et que les pièces mécaniques fonctionnent.
En eau libre, on peut avoir besoin de brise-glaces. C’est probablement là que les plus grands défis se posent, car la flotte canadienne ne compte qu’un nombre limité de brise-glaces. Ce sont aussi les véritables brise-glaces sur les Grands Lacs. La flotte américaine est plus imposante et compte environ huit brise-glaces, mais ce sont essentiellement des remorqueurs sur stéroïdes. Ce sont les navires canadiens, les grands navires de la Garde côtière, qui passeront à travers la glace épaisse. Ils ont la capacité de le faire, étant conçus à cette fin. Les États-Unis n’ont qu’un seul brise-glace, le USCGC Mackinaw, qui est en rénovation et qui a de l’âge. Toutes les infrastructures des navires du côté américain et canadien sont vieilles.
L’autre élément, c’est que pour que les États-Unis atteignent Thunder Bay, il faut passer par les écluses du Sault, qui se trouvent à l’extérieur de la voie maritime et sont administrées par le Corps of Engineers. C’est ce que nous essayons d’harmoniser pour que cela fonctionne sans heurt. En hiver, il y a des appels quotidiens et parfois hebdomadaires sur les glaces, selon la gravité de la situation. Lorsque la situation est grave, il y a des appels quotidiens sur la glace pour vérifier l’état des actifs. Les gens peuvent exercer des pressions et dire qu’ils ont besoin d’aide. Il y a aussi des appels dans le cadre d’une opération gérée par le réseau de communication de la Garde côtière canadienne par radio. Il est possible de présenter des demandes officielles, qu’il s’agisse d’un besoin planifié ou d’une urgence, et on intervient. Voilà ce qu’il en est en quelques mots.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Bienvenue à notre comité, messieurs.
Pour le port de Montréal, j’aimerais avoir un peu plus de détails et des exemples, parce que vous avez parlé de façon générale de risques d’environ 10 à 15 % en mentionnant la hausse des températures, le gel et le dégel et les questions hydrologiques. Pouvez-vous nous donner des exemples concrets de ce que ces différents changements de température ou gels et dégels pourraient faire au port de Montréal, pour que nous comprenions bien la menace? Où est-elle?
M. Deschambault : Par exemple, madame la sénatrice, on a vu par le passé que le verglas peut avoir des impacts très dramatiques au réseau électrique. S’il arrivait un gros épisode de verglas et que cela affectait notre réseau électrique et que l’on n’avait pas de plan B, le port de Montréal devrait cesser ses activités pendant une bonne période, comme cela fut le cas en 1998.
La sénatrice Miville-Dechêne : Comme le reste du Québec, d’ailleurs.
Y a-t-il des risques spécifiques au port de Montréal parce que vous êtes un port en ces temps de changement climatique?
M. Deschambault : La baisse des niveaux d’eau aura un lien, parce qu’on n’a pas cette capacité. La profondeur d’eau est très importante. Les navires qui visitent le port de Montréal sont assez spécifiques, donc la baisse du niveau d’eau peut être un élément important dans la baisse du trafic qui pourrait fréquenter le port de Montréal. Pour nous, l’utilisation de la navigation électronique et l’amélioration des connaissances en matière de navigation électronique sont des priorités, afin qu’on puisse maximiser la colonne d’eau et continuer de maintenir la quantité de matière transportée, même s’il y a une baisse du niveau d’eau.
La sénatrice Miville-Dechêne : Que veut dire « maximiser la colonne d’eau »?
M. Deschambault : C’est l’épaisseur de l’eau jusqu’au fond. Les navires utilisent actuellement une hauteur de sécurité pour la quille pour ne pas frapper le fond. Avec des outils électroniques, on permet à la quille de s’approcher un peu plus profondément du fond et donc d’avoir plus de matériel à transporter pour ainsi contre-balancer le problème de la baisse de niveau d’eau.
La sénatrice Miville-Dechêne : Y a-t-il d’autres exemples concrets que vous pourriez nous donner?
M. Deschambault : Je vais vous donner un exemple très imagé, bien que ce ne soit pas nécessairement dans l’analyse, car ce n’était pas un élément prioritaire. Vous connaissez les bollards?
La sénatrice Miville-Dechêne : Non, je ne sais pas ce que c’est.
M. Deschambault : Un bollard, c’est là où on attache le navire. Ces bollards sont importants, mais avec des augmentations des tempêtes et du niveau de vent, ils peuvent être arrachés et le bateau peut partir. La construction et l’ingénierie doivent tenir compte de l’augmentation éventuelle des épisodes venteux. Ce n’est qu’un exemple, mais cela fait partie de l’ensemble des éléments qui ont été analysés dans l’étude du programme de l’évaluation des risques liés aux actifs de transport (ERAT) de Claude Comtois.
La sénatrice Miville-Dechêne : Êtes-vous prêts? J’ai visité quelques ports à travers le pays et le port de Montréal n’est pas le plus moderne pour ce qui est des grues, notamment. Peut-être allez-vous me contredire, mais c’est ce que j’ai vu.
Vous dites que vous devriez construire des infrastructures pour le changement climatique. Je n’ai pas tout à fait saisi s’il y avait un lien. Quelles sont ces infrastructures à construire? De quoi parle-t-on?
M. Baudry : Face aux changements climatiques, nous avons deux rôles, et d’abord celui de réduire notre empreinte carbone. Nous devons donc construire des infrastructures pour réduire notre empreinte carbone. C’est aussi notre responsabilité.
La sénatrice Miville-Dechêne : Avez-vous un exemple?
M. Baudry : Je donne un exemple : on a parlé de sous-stations électriques. On souhaite offrir plus de branchements à quai à des navires qui viennent au port de Montréal, ce qui réduirait grandement l’impact carbone par tonne manutentionnée, sans parler d’autres aménagements pour d’autres modes de carburants alternatifs, par exemple, dans le développement d’un corridor vert. Ce sont des infrastructures qu’on devra soit développer ou requalifier ou on devra carrément en construire de nouvelles pour faire face à la demande accrue.
Il y a aussi des infrastructures que l’on doit mieux construire. On ne peut plus construire des quais aujourd’hui comme il y a 100 ans. Par exemple — c’est notre souhait —, lorsque nous allons faire l’expansion du port de Montréal à Contrecœur, vous comprendrez que c’est un projet qui sera électrifié, mais qui devra aussi tenir compte de l’adaptation aux changements climatiques dans l’ensemble de l’ingénierie.
La sénatrice Miville-Dechêne : Est-ce que le port de Montréal sera désuet par rapport à Contrecœur? Tout va-t-il se déplacer là-bas?
M. Baudry : Les infrastructures portuaires font l’objet d’un cycle de renouvellement. Il est certain qu’on a toujours cette réalité, soit des infrastructures plus modernes jumelées à d’autres avec lesquelles on cohabite.
Nous serons heureux de vous accueillir au port de Montréal. Vous verrez que nous avons des entrepôts qui ont quelques années, mais on concentre nos investissements là où cela fait une grande différence. Évidemment, il y a des infrastructures plus âgées qui deviendront désuètes et devront être remplacées.
La sénatrice Miville-Dechêne : Je ne sais pas si c’est ce rapport que vous avez demandé, sénateur Quinn, mais le premier rapport dont vous avez parlé, le rapport Comtois-Slack, est-il public? Pouvez-vous nous l’envoyer?
M. Deschambault : Il n’est pas encore public. Plusieurs informations qui se trouvent dans ce rapport ont trait à la compétitivité. Par contre, il y a beaucoup d’éléments que l’on peut partager facilement, comme l’analyse de criticité et l’analyse de risques pour les infrastructures.
La sénatrice Miville-Dechêne : Si vous pouviez l’envoyer à notre greffier, ce serait formidable.
Le président : Nous avons eu ce rapport et il a été envoyé à tous les membres du comité le 1er mars.
Tout le monde ne l’a peut-être pas reçu?
La sénatrice Miville-Dechêne : Non, je l’ai manqué; désolée.
Le président : Il est rare que cela arrive.
M. Deschambault : Il y aura aussi un plan d’adaptation aux changements climatiques issu de cette étude. On va le formaliser dans un plan d’adaptation un peu plus facile à lire, car celui-là est plus difficile et plus complexe. Ce plan d’adaptation aux changements climatiques, accompagné d’une analyse financière, devrait être disponible l’année prochaine.
La sénatrice Miville-Dechêne : Très bien. Merci.
La sénatrice Simons : Ma première question s’adresse à M. Morel-Laforce.
[Traduction]
Je vous ai entendu dire qu’il y a un problème parce que vous n’obtenez pas les prévisions météorologiques dont vous avez besoin en temps opportun, que nous n’avons peut-être pas l’expertise nécessaire pour réagir promptement aux changements climatiques rapides et à très court terme que nous considérons comme faisant partie des changements climatiques globaux. Pouvez-vous nous parler un peu plus de ce dont vous et vos membres avez besoin en matière de prévisions météorologiques juste à temps?
M. Morel-Laforce : Il s’agit de montrer que la fréquence des phénomènes météorologiques inhabituels va augmenter. Nous avons parlé de la formation de glace qui peut s’accumuler très rapidement. Les pics que nous observons se produiront plus rapidement et de manières plus complètes. Ce n’est pas que nous n’avons pas les prévisions météorologiques; c’est qu’il faut montrer que ces phénomènes météorologiques inhabituels se produiront plus fréquemment. Il peut s’agir d’accumulation de glace ou de variation rapide du niveau de l’eau. L’industrie a besoin d’information juste à temps pour s’adapter, mais cela montre aussi qu’elle devra parfois réagir très rapidement et apporter des changements à la chaîne d’approvisionnement actuellement établie.
La sénatrice Simons : Les gens se fient-ils à Environnement Canada à cet égard, ou est-ce que des entreprises privées fournissent ce genre de prévisions?
M. Topping : Le service météorologique d’Environnement Canada fournit de l’information et il excelle dans ce domaine. Le plus gros problème, cependant, est que les changements climatiques eux-mêmes perturbent ses modèles. Le ministère a des modèles de prévision très complexes, très poussés, mais leur taux d’erreur augmente à mesure que le climat change et que des imprévus se produisent. Il devient ainsi difficile de prévoir. Il se produit d’autres tempêtes soudaines, et les meilleurs systèmes d’Environnement Canada ne sont pas en mesure de nous avertir immédiatement. Nous obtenons généralement nos prévisions numériquement avec des cartes superposées à nos cartes de navigation. Ce n’est pas un simple télétype comme dans le bon vieux temps.
La sénatrice Simons : Là, vous nous donnez un coup de vieux.
M. Topping : Le capitaine peut voir comment il peut éviter une tempête et planifier un voyage. Pour ce faire, Environnement Canada doit avoir des modèles climatiques et des modèles de prévision météorologique à jour, et cela a des coûts. Comme mon collègue l’a fait remarquer, quand les changements climatiques sont plus importants, cela crée de l’incertitude et de l’imprévisibilité.
La sénatrice Simons : Vous me rendez nostalgique des télétypes.
[Français]
Ma question s’adresse à M. Deschambault. C’est la première fois que tous les témoins ont dit que le système de communication était menacé.
[Traduction]
Vous avez parlé à la sénatrice Miville-Deschêne des risques pour les dispositifs électroniques, mais pouvez-vous parler brièvement des risques pour les systèmes de communication dont vous avez besoin pour exploiter le port de manière sécuritaire?
[Français]
M. Deschambault : Merci. C’est une très bonne question, madame la sénatrice. En fait, un peu à l’instar de notre réseau électrique, notre réseau de communication est tout aussi important. C’est la clé pour éviter des accidents; s’il n’y a plus de communications, il peut y avoir un risque pour les navires.
C’est un échange constant de données. Le réseau de communication est aérien en général et il est tout aussi à risque que notre réseau électrique. C’est vraiment la clé, et cet élément est ressorti, pas seulement sur l’exploitation de l’Administration portuaire de Montréal, mais également sur nos opérateurs de terminaux. Eux aussi sont la clé de leurs communications avec les ligues maritimes, les camions qui viennent visiter le port et tout ce qui a trait au transport ferroviaire. C’est donc pour cela que notre réseau de communications est, en somme, tout aussi important que notre réseau électrique.
La sénatrice Simons : Cela fonctionne par radio ou par téléphone cellulaire?
M. Deschambault : Les deux. Cela peut être des communications par câble, mais aussi par Internet ou par sans-fil.
M. Baudry : Si vous me permettez d’ajouter un complément d’information pour mieux comprendre le volume dont on parle : le port de Montréal représente environ 1 800 navires par année avec lesquels on doit interagir. Ce sont aussi 80 trains par semaine et 2 500 camions par jour. Aucun de ces partenaires de la chaîne logistique ne peut entrer et sortir du port sans avoir fait l’objet d’une communication avec nous ou nos opérateurs, à la fois pour des raisons de sécurité et d’efficacité.
La sénatrice Simons : Merci.
[Traduction]
La sénatrice Dasko : Je remercie nos témoins de comparaître aujourd’hui.
En ce qui concerne l’impact des changements climatiques, je pense que vous nous avez parlé de certains des coûts, soit ceux de l’ajustement des infrastructures, des efforts d’atténuation et de l’adaptation que vous devez faire en raison des changements climatiques, de l’incertitude, de la vulnérabilité du processus et d’autres inconvénients. Nous savons également qu’il y a aussi des avantages, puisque vous prévoyez que la saison sera plus longue pour les clients et les nombreuses entreprises qui utilisent le système, le port et diverses infrastructures.
J’aimerais que vous parliez des avantages nets. Les changements climatiques ont-ils plus d’avantages pour nos opérations ou entraînent-ils une perte nette? Les changements climatiques ont-ils un avantage net? J’aimerais que vous nous disiez ce qu’il en est pour que nous puissions comprendre. Nous connaissons les inconvénients. Ils sont certainement réels, mais y a-t-il un avantage net pour votre industrie, pour vos opérations?
[Français]
M. Deschambault : Cela peut paraître paradoxal, mais l’un des avantages, c’est la compétitivité. Tous les ports qui vont mettre en œuvre des mesures de mitigation ou de décarbonation seront compétitifs ou attractifs, donc l’une des possibilités est d’arriver à mettre ces mesures en place et d’être conscients de l’importance de ces mesures d’adaptation aux changements climatiques et de décarbonation. Les grosses entreprises comme IKEA, Walmart, Canadian Tire et autres commencent déjà à l’envisager, parce que les émissions portuaires sont de portée 3. Pour ces entreprises, cela devient important dans toutes leurs chaînes de valeur de diminuer leurs émissions de gaz à effet de serre, donc nous faisons partie de la solution. Plus nous serons avant-gardistes, plus nous mettrons des mesures en place — et certains autres ports ne suivront pas. Les ports qui auront mis des mesures en place seront donc attractifs pour les grosses entreprises qui feront appel à leurs services.
[Traduction]
M. Morel-Laforce : Je pense que n’importe qui, que ce soit au gouvernement ou chez les entreprises, préférerait la prévisibilité à l’incertitude que les changements climatiques engendrent. Cette imprévisibilité rend la prise de décision plus difficile et nous pousse à investir dans de nouvelles technologies pour décarboner l’industrie et les nouveaux carburants. Elle ajoute également une taxe sur les infrastructures qui doit être évaluée pour qu’elle puisse soutenir un degré croissant de difficultés. Les infrastructures sont victimes de sous-investissement chronique. La voie maritime a été construite après la Seconde Guerre mondiale, dans les années 1950. Il y a eu un sous-investissement chronique, et nous pouvons en pâtir.
Pour revenir aux avantages nets, je préférerais la prévisibilité plutôt que de compter sur des avantages potentiels.
M. Topping : Un projet pilote est en cours pour prolonger la saison sur le canal Welland. Nous constatons des avantages. Lorsque nos membres armateurs parlent à leurs clients de leurs disponibilités, la situation est avantageuse pour les opérations du client, car nous transportons les matières premières dont les sociétés pétrolières ont besoin et tout ce qui est produit à partir des matières de base que General Motors et d’autres secteurs de l’économie utilisent. Lorsque nous offrons l’avantage d’accroître les opérations afin d’augmenter l’offre dans l’économie en général, on récolte certains avantages.
Nous constatons un accroissement de la participation. La circulation de navires augmente. Initialement, on pensait que le même nombre de navires circulaient et transportaient les mêmes chargements, mais qu’ils disposaient d’un peu plus de temps. Il y a maintenant plus de voyages et plus de marchandises acheminées. C’est un avantage de taille. Nous travaillons à rallier Montréal et le lac Ontario. C’est un peu plus complexe parce que la voie maritime doit consulter des communautés des Premières Nations afin de conclure des arrangements avantageux avec elles.
[Français]
M. Baudry : Il y a de nombreux avantages à l’adaptation aux changements climatiques. Il est certain que parmi nos motivations à électrifier davantage nos installations, il y a la réduction de nos émissions, mais cela nous permet également d’agir sur la qualité de l’air, qui est un élément important. Oui, il peut y avoir des bénéfices commerciaux, mais il faut comprendre que le port de Montréal, comme tous les ports au Canada, fait partie d’un réseau. Si les ports partenaires comme Anvers ou les ports en Europe avec qui nous travaillons ne s’adaptent pas aux changements climatiques, les infrastructures ne seront pas adaptées et nous allons aussi en pâtir. Il y a des avantages potentiels, mais pour nous, les investissements requis et les attentes des utilisateurs sur le plan de la prévisibilité priment sur les gains potentiels à l’heure où l’on se parle.
[Traduction]
La sénatrice Dasko : Je vous remercie.
Le sénateur Richards : Merci de témoigner. Je suis désolé de mon léger retard.
Est-il prévisible de perdre le chenal ? Êtes-vous en train de perdre le chenal de la voie maritime du Saint-Laurent à cause des changements climatiques? La profondeur du chenal est-elle la même qu’il y a 10 ans, en 2014 ou en 2001?
M. Topping : La situation varie d’une année à l’autre parce que le fond du fleuve est dynamique et les sédiments s’y déplacent. Ce n’est pas tant un arrêt complet que nous craignons. Ce n’est pas un risque que nous envisageons. Il pourrait plutôt se produire quelque chose qui créerait un blocage temporaire. Comme il est question de 50 millions de dollars par jour, ce blocage aurait un effet d’entraînement sur le coût si la fréquence augmente, que ce soit en raison d’une vague de froid qui gèle l’équipement en hiver ou de sécheresses qui font baisser les niveaux d’eau, de sorte que la capacité de chargement est moindre. Les clients doivent toujours transporter la même quantité de marchandises, mais il faudra peut-être plus de navires pour les acheminer, ce qui ferait augmenter les coûts et réduirait l’efficacité du transport.
Si le fond du fleuve est trop élevé et rend la navigation dangereuse à certains endroits, cela devient un problème. Dernièrement, nous avons eu des problèmes avec le barrage Moses-Saunders, qui devait permettre de contrôler les niveaux d’eau, mais qui ne le fait pas. Le réseau des Grands Lacs comprend des billions de tonnes d’eau. C’est la plus grande réserve d’eau douce au monde. Ce barrage permet de contrôler les niveaux d’eau dans une certaine mesure, mais il sert principalement à produire de l’énergie hydroélectrique. Les gens croyaient qu’ils devaient en augmenter le débit, mais cela a entraîné l’arrêt de la navigation parce qu’il y a eu des périodes où d’importantes quantités d’eau ont dû être libérées, ce qui a augmenté les courants et a rendu la navigation dangereuse. Je crois que c’est en 2019 qu’on a décidé de retarder l’ouverture pour permettre le déversement de l’eau, et cela a encore une fois nui aux opérations prévues.
Le sénateur Richards : Je vous remercie. Quelle est la profondeur de la voie maritime? J’imagine qu’elle est assez profonde pour accueillir les navires de charge maritimes.
M. Topping : Je devrai vous fournir la réponse exacte ultérieurement, mais je pense que c’est approximativement 80 pieds. Je souligne que ce sont des pieds et non des mètres. Ce serait formidable si c’étaient des mètres.
Le sénateur Richards : Oui, ce serait génial. Vous n’auriez pas à vous inquiéter. Je me pose la question parce que la situation est imprévisible. Voilà où je veux en venir. Tout cela est hypothétique, d’une certaine manière, car aussi sincères que nous soyons à ce sujet, nous nous rendons compte que nous avons encore une connaissance limitée de ce qui se passera demain. On nage dans l’hypothèse. Il n’y a plus de navires de charge sur ma rivière, la Miramichi. Il faut refaire le dragage, mais je ne suis pas certain que cela se fera, parce que tout s’est arrêté là-bas. Le dernier dragage remonte aux années 1980.
Vous ne faites pas face à la même incertitude sur la voie maritime du Saint-Laurent? Vous n’aurez pas à faire de dragage, n’est-ce pas?
M. Topping : Pas sur la voie maritime du Saint-Laurent, mais c’est un problème du côté américain des Grands Lacs où s’effectuent 45 % de nos activités. Nous exerçons des pressions constantes sur le Corps of Engineers, et nos amis américains de la Lake Carriers’ Association le font continuellement. Ils ont reçu un financement substantiel du Congrès ces dernières années; on s’attend donc à ce qu’ils agissent. Le dragage est très en retard pour permettre l’accès aux divers ports et terminaux du réseau des Grands Lacs.
Le sénateur Richards : Pour qu’il y ait une interconnexion entre vous et les Américains, qui se montrent parfois très peu coopératifs avec vous?
M. Topping : Nous sommes actifs dans les eaux communes et sommes donc en concurrence. À certains égards, toutefois, nous avons des problèmes en commun.
Le sénateur Richards : Merci beaucoup.
[Français]
Le sénateur Cardozo : Merci d’être avec nous ce matin. Si l’on considère le récent accident survenu à Baltimore, êtes-vous aussi vulnérables? Est-ce que les changements climatiques représentent plus de danger pour l’avenir?
M. Baudry : Je n’ai pas une expertise particulière dans l’ingénierie des ponts, car ils sont gérés par d’autres partenaires. Tout navire qui se rend au port de Montréal, notamment les porte-conteneurs, doit passer sous plusieurs ponts. Bien sûr, à la suite de l’événement, on a eu l’occasion de répondre à des questions de journalistes. L’ingénierie des ponts et le chenal de navigation qui va vers le port et quitte le port de Montréal font en sorte qu’un événement comme celui qui s’est produit à Baltimore est fort peu probable.
L’un des éléments très importants dans notre industrie, c’est le risque que nous devons toujours prévenir. Donc, il y a des dimensions de santé et de sécurité, mais tous les mécanismes qui existent dans l’industrie maritime sont très importants pour prévenir de tels risques. Bien entendu, on ne compte pas uniquement sur la solidité des ponts pour faire face à tout cela.
Nous ne voyons pas à l’heure actuelle de risques majeurs nous portant à croire qu’un événement de la sorte pourrait être provoqué par les changements climatiques et ferait en sorte que le port de Montréal serait fermé. Selon nos évaluations, ce n’est pas une situation à laquelle on doit faire face.
Le sénateur Cardozo : Est-ce qu’il y a d’autres structures dans la région, pas juste des ponts?
M. Baudry : Si on agrandit le cercle des infrastructures autour du port de Montréal, il ne faut pas oublier que nous gérons nos infrastructures, mais tout camion qui quitte le port de Montréal devra aller sur une autoroute du Québec ou de l’Ontario, une route de la ville de Montréal ou des ponts ferroviaires qui sont construits. Nous avons au Canada de nombreuses infrastructures dont nous n’avons pas évalué le risque face au changement climatique, mais ces infrastructures devront faire l’objet d’investissements dans le but d’être reliées. Nous desservons le Québec et l’Ontario, mais aussi les Prairies et le Midwest américain. Si l’on construit des corridors vers ces marchés, il est évident qu’il y aura des infrastructures plus vulnérables que d’autres.
[Traduction]
M. Topping : En ce qui concerne l’incident de Baltimore, on en tirera de nombreuses leçons. Nous avons communiqué avec la Corporation de gestion de la Voie maritime du Saint-Laurent, qui a parlé de la solidité des ponts dans l’ensemble de son réseau. La voie maritime a des structures défensives autour des ponts. Certaines sont visibles; il y a du gravier. Certaines ne sont pas visibles, mais il y a des piliers en béton sous l’eau. Ils sont conçus pour que si un navire est hors de contrôle, il les frappe et soit guidé entre les pylônes. Ce sont les structures de base du code qui sont en place. Le pont de Baltimore était plus vieux et ne disposait pas de ces défenses. C’était un gros problème.
Nous découvrirons exactement ce qui a mal tourné après les rapports du National Transportation Safety Board. Il y avait manifestement un problème avec ce navire. Nous affichons un excellent bilan en matière de sécurité. Quelqu’un a évoqué un possible problème de carburant. Il s’est passé quelque chose qui a causé une perte totale de puissance. Nos navires sont plus petits. En général, en cas de perte de puissance, on jette d’abord l’ancre, et les pilotes sont capables d’arrêter le navire la plupart du temps. J’ai juste pensé formuler ces réflexions.
Le sénateur Cardozo : L’utilisation de remorqueurs fait-elle partie de cette défense? Les navires sont-ils guidés par de plus petits bateaux pour que les gros navires ne...
M. Topping : Nous utilisons des remorqueurs et des pilotes. Nous avons nos propres pilotes, mais dans certaines zones de la région, nous devons avoir recours à d’autres pilotes. Les remorqueurs sont nécessaires dans quelques zones pour gérer les risques. Cela est déterminé à l’aide d’études de gestion des risques.
Le sénateur Cardozo : Lorsque vous construisez des structures à proximité des ports, par exemple, auxquelles les bateaux risquent de se heurter, j’imagine que vous tenez compte des changements climatiques?
M. Topping : Ces défenses sont essentielles. Nous ne voulons pas que ces incidents surviennent, mais ces défenses doivent être là.
Le sénateur Cardozo : Les équipes sur les bateaux et sur les quais doivent donc être en étroite communication afin d’éviter que ces accidents ne surviennent?
M. Topping : Oui. Il y a énormément de communication. Il existe également un système de commande, comme pour les avions. La Garde côtière canadienne exploite un système de navigation. Elle ne détermine pas exactement où les navires se rendent, mais elle les suit. Nous disposons aussi d’un système d’identification automatisé. N’importe qui dans cette salle peut sortir son téléphone intelligent et ouvrir une application pour suivre n’importe quel navire, n’importe où. Ce système nous permet de savoir où se trouvent les navires en cas d’incident. La Garde côtière envoie des messages pour informer les capitaines qu’il y a un accident plus loin. Elle fournit les renseignements nécessaires pour que les capitaines puissent prendre des mesures afin d’éviter tout risque supplémentaire pour la sécurité. Cela entraîne toujours des retards pour les navires et le transport de marchandises, mais cela rend la circulation sécuritaire.
Le sénateur Cardozo : Je vous remercie.
Le sénateur Richards : Lorsque le navire pénètre dans la voie maritime, des pilotes doivent assurer sa conduite. C’est obligatoire, n’est-ce pas?
M. Topping : Le recours à un pilote est déterminé dans la Loi sur le pilotage. Il existe un processus d’évaluation des risques où des zones de pilotage obligatoire sont prescrites. Il en existe plusieurs. Dans ces zones, la conduite d’un navire doit obligatoirement être assurée par un pilote. Dans les Grands Lacs, nous travaillons avec l’Administration de pilotage des Grands Lacs. Nous avons quelque 300 pilotes à bord de nos navires, qui sont employés par nos armateurs. Ils sont titulaires d’un certificat de pilotage et assurent la conduite des navires. Lorsque nous sortons des Grands Lacs et arrivons sur le fleuve Saint-Laurent, nous devons faire appel à des pilotes, car l’Administration de pilotage des Laurentides ne reconnaît pas un grand nombre de nos employés. C’est une pomme de discorde.
Le sénateur Richards : Je vous remercie.
Le sénateur Quinn : Mes questions complémentaires ne sont pas celles que j’avais l’intention de poser, en raison de ce qui a été dit. Je tiens à apporter deux ou trois corrections au compte rendu. L’une a trait au dernier point, sur le pilotage. Les zones de pilotage obligatoire dans la région des Grands Lacs sont claires. Les capitaines d’expérience peuvent travailler pour des entreprises et ils sont titulaires d’un certificat de pilotage délivré par l’administration de pilotage. Cependant, il y a quand même des pilotes qui embarqueront sur les navires commerciaux. Je ne voulais que ce soit bien clair pour mes collègues.
La sénatrice Miville-Dechêne : Je vous remercie de votre expertise, sénateur.
Le sénateur Quinn : Je veux parler davantage des niveaux d’eau parce que c’est une caractéristique très importante pour la voie maritime, particulièrement pour le port de Montréal. Nous n’avons pas abordé ce sujet. Je pense qu’il faudrait en parler davantage pour que mes collègues comprennent l’importance des structures de régulation des eaux. Il ne s’agit pas seulement des Grands Lacs, mais aussi de la vallée de l’Outaouais et des bassins hydrographiques environnants, comme vous pouvez l’imaginer.
Premièrement, vous avez parlé du dégagement sous quille. Vous n’utilisez pas ce terme, mais il s’agit de la profondeur entre le fond du navire et le sol et, bien que les appareils électroniques et autres outils soient des technologies éprouvées, ce sont les pilotes qui déterminent le dégagement sous quille. Le secret, c’est que c’est l’administration de pilotage qui détermine le dégagement sous quille qui est jugé acceptable pour piloter. Quel que soit ce dégagement, à moins que les pilotes ne disent qu’ils sont à l’aise avec la technologie, le dégagement sous quille utilisé sera celui-là. Je tenais à le préciser.
Pourriez-vous nous parler de la CMI et de son rôle relativement aux structures de régulation des eaux? C’est très important face aux changements climatiques. Il existe de nombreuses installations dans une vaste zone géographique. Vous parlez du contrôle du débit de l’eau dans la Voie maritime du Saint-Laurent et dans le port de Montréal. Messieurs, vous devez gérer cela en permanence. Il est important que ce comité prenne conscience de l’importance de ce système et des défis liés aux changements climatiques auxquels il est confronté.
M. Morel-Laforce : La Commission mixte internationale, établie en vertu d’un traité entre le Canada et les États-Unis en 1909, gère tous les plans d’eau partagés par le Canada et les États-Unis. Nous sommes du côté Est. Les Grands Lacs et le Saint-Laurent sont couverts par le Conseil international du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent. Il s’agit d’un sous-comité de la CMI. Normalement, ils doivent maintenir des niveaux d’eau pour qu’il soit possible de naviguer, que les villes aient accès à l’eau potable et que l’on puisse produire de l’hydroélectricité. C’est, grosso modo, le mandat de la Commission. Six commissaires sont nommés ; trois au Canada et trois aux États‑Unis. Au fil des ans, malheureusement, des intérêts politiques ont commencé à s’immiscer dans le mandat, faisant en sorte que la Commission ne se concentre plus toujours sur ses trois principes fondateurs, et cela nous inquiète.
Le sénateur Quinn : Pourriez-vous nous en dire plus sur le système physique qui permet de réguler le débit d’eau face aux changements climatiques? Nous savons que les sécheresses se multiplient. Nous avons eu moins de neige cet hiver. Il y aura moins de drainage et les niveaux d’eau seront probablement plus bas cette année, à moins que nous n’ayons de fortes précipitations, ce qui est un autre problème.
M. Morel-Laforce : Les niveaux d’eau sont quelque peu en dessous de la normale en ce moment, mais ils varient beaucoup. Le dernier épisode où le niveau de l’eau était élevé remonte à environ quatre ans, donc cela peut arriver.
Le sénateur Quinn : Le système lui-même, les structures qui permettent de contrôler les débits d’eau suscitent-ils des préoccupations?
M. Morel-Laforce : La principale préoccupation — et la CMI le reconnaîtra — c’est qu’en réalité, le contrôle qu’ils peuvent exercer est limité, avant qu’une grande zone, comme Montréal, ne soit inondée. Les barrages offrent un certain degré de contrôle. Nous avons parlé tout à l’heure du barrage hydroélectrique Moses-Sauders. Il est possible de contrôler les débits de quelques pieds ici et là. Toutefois, si l’on corrige excessivement une partie du système, d’autres parties seront inondées. C’est là que la question devient politique. Lorsque certaines régions de certains États sont inondées, la pression sur la Commission s’intensifie pour qu’elle atténue le problème. On se retrouve alors dans une situation où la Commission doit prendre des décisions.
Le sénateur Quinn : La dernière chose que je souhaite préciser — et vous pouvez certainement me corriger — concerne la profondeur de la voie maritime. Je crois que le sénateur Richards a posé une question à ce sujet. La profondeur n’est pas de 80 pieds. Nous aimerions qu’elle le soit, mais ce n’est pas le cas. Au port de Montréal, la profondeur est d’environ 37 pieds.
[Français]
M. Deschambault : À Montréal, c’est 11 mètres.
[Traduction]
Le sénateur Quinn : Oui, 11,3 mètres.
[Français]
M. Deschambault : C’est exact, et un peu plus loin, c’est 11,3 mètres.
[Traduction]
Le sénateur Quinn : Tout à fait. Je ne veux pas que mes collègues s’imaginent qu’il y a une profondeur de 80 pieds. Ce n’est pas le cas. Au nord de Québec, c’est environ 12,5 mètres, puis c’est moins profond. En amont, à l’est de Montréal, la voie maritime — et les navires sont conçus pour cela — a une profondeur d’environ 27 pieds, soit 8,2 mètres. Je voudrais que le comité reconnaisse ces contraintes.
Le sénateur Cardozo : Je vous remercie, sénateur Quinn, d’être un excellent témoin.
Faut-il draguer le fond de la voie maritime de temps à autre pour maintenir cette profondeur? Est-elle maintenue naturellement?
M. Topping : Il faut parfois draguer le fond. En général, lorsque l’on emprunte une écluse, le fond est en béton, et le dégagement se situe entre 1 pied et 1,5 pied. C’est aussi peu que cela. Il y a un pied de chaque côté du navire. C’est pourquoi nos navires sont conçus pour maximiser le volume. Je pense que vous faisiez allusion à la profondeur. Ce n’est pas tant la profondeur de l’eau qui compte, mais le dégagement sous quille. Dans de nombreux endroits, le dégagement sous quille peut être très faible. Il suffit qu’il y ait une tempête pour que la couche de sable change. Chaque saison, il y a des échouements à cause de ce dégagement. Lorsque le sable est mou, les capitaines savent quoi faire. Le navire peut continuer à avancer et il ne sera pas endommagé, il n’y aura pas de fissures ou de problèmes majeurs. C’est le cas dans la plupart des échouements. Cependant, si le navire accroche un rocher, il y aura des dommages. Nous avons eu de la chance. Dans la majorité des cas, il n’y a pas eu de pollution ni de dommages. Il arrive que le navire soit endommagé, mais la plupart du temps, les capitaines d’expérience ont l’habitude de gérer ce genre de situation.
[Français]
M. Deschambault : On voit déjà qu’il est très complexe de connaître les niveaux d’eau. Avec les changements climatiques, ce sera encore plus complexe. Le navire qui est chargé en Europe doit savoir environ une semaine ou deux à l’avance la quantité de marchandise qu’il transportera, pour être sûr de pouvoir se rendre à Montréal sans accrocher le fond. Il doit lui-même faire des projections.
Le port de Montréal, pour sa part, fait des projections basées sur la quantité d’eau permise, par exemple, par le barrage Moses-Saunders. Il y a toute une mécanique qui va se complexifier avec le temps. On parlait plus tôt de communications. C’est là où la communication est très importante et où les données doivent être le plus fiables possible.
M. Baudry : J’aimerais répondre à un autre élément de la question qui concerne l’entretien par rapport au dragage. Il y a effectivement de l’entretien qui se fait. Évidemment, à l’approche des quais, par exemple, des interventions peuvent s’avérer nécessaires pour s’assurer que le chenal de navigation se rende à quai. Il y a un autre élément qui ajoute à la complexité : nous avons beaucoup parlé de colonne d’eau, mais il y a également la colonne aérienne — et vous en avez parlé. Nous devons composer également avec la présence de ponts. Vous comprenez qu’un dégagement aérien est aussi nécessaire. Cette cohabitation entre la colonne d’eau et la colonne d’air, si je puis me permettre, est également nécessaire.
[Traduction]
M. Topping : Si de nouveaux ponts sont construits en vertu de la Loi sur les eaux navigables canadiennes — lorsque j’étais à Transports Canada, je travaillais avec les gens qui s’occupaient de ces approbations —, ils examinent le trafic qui passe sur le plan d’eau et réglementent l’emplacement des ponts et ce qu’il faut faire pour atténuer les risques.
[Français]
Le président : Monsieur Baudry, monsieur Deschambault, monsieur Morel-Laforce et monsieur Topping, merci beaucoup de votre présence ce matin. Merci d’avoir répondu à nos questions et d’avoir partagé vos connaissances. C’est très apprécié.
Pour notre deuxième groupe de témoins ce matin, nous accueillons Catherine Vallières-Roland, mairesse suppléante de la Ville de Québec, accompagnée de Charles-Éric Bernier, directeur de l’environnement, Communauté métropolitaine du Québec. Nous recevons également Tirupati Bolisetti, professeur à la Faculté d’ingénierie de l’Université de Windsor.
Bienvenue à vous et merci de vous joindre à nous.
[Traduction]
Nous allons commencer par la mairesse suppléante de la ville de Québec.
[Français]
Vous avez cinq minutes pour votre déclaration liminaire.
Catherine Vallières-Roland, mairesse suppléante, Ville de Québec : Monsieur le président, merci de nous recevoir aujourd’hui. C’est un grand privilège de pouvoir échanger avec vous.
En tant que mairesse suppléante de la Ville de Québec et membre du Conseil de la Communauté métropolitaine de Québec, je suis impliquée au sein de plusieurs instances qui traitent du fleuve Saint-Laurent, notamment l’Alliance des villes des Grands Lacs et du Saint-Laurent.
La Communauté métropolitaine de Québec, je le rappelle, est composée de 28 municipalités et représente plus de 820 000 citoyens. C’est dans une perspective à la fois municipale et régionale que je prends la parole devant vous aujourd’hui.
Tout d’abord, permettez-moi de faire quelques remarques introductives. Le Saint-Laurent, pour nous, est un axe de transport essentiel à notre développement, mais aussi une source d’eau essentielle pour notre population et un écosystème unique. Il est donc important d’aborder toute question qui concerne le fleuve Saint-Laurent en prenant en considération l’ensemble des usages qui le caractérisent et en favorisant une approche intégrée dans la façon de percevoir et de gérer ce cours d’eau. Je vais aborder trois principaux éléments aujourd’hui.
Premièrement, l’érosion des berges et les effets du transport maritime.
Je tiens à souligner que le transport maritime est une activité importante dans la grande région de Québec, tant pour le transport des marchandises que pour celui des personnes. Il s’agit d’un mode de transport qui est, à notre avis, durable, et ce, spécialement dans le contexte des changements climatiques. Comme je l’ai mentionné d’entrée de jeu, si nous souhaitons adopter une vision intégrée du transport maritime, nous devons l’aborder sous différents angles, dont celui de l’impact de la navigation sur les berges dans la région de Québec et même au‑delà.
Si l’érosion riveraine peut, en bonne partie, être attribuable à des phénomènes naturels — je songe notamment aux marées, aux courants et aux vents —, le batillage des navires peut aussi contribuer à accélérer ce processus d’érosion.
Actuellement, près de 40 % des rives du Saint-Laurent dans la région de Québec sont artificialisées, ce qui permet de stabiliser les berges face au processus d’érosion, par exemple, avec des murs de protection. Cela dit, plusieurs de ces ouvrages sont maintenant vieillissants et endommagés. Cela remet en cause leur capacité à maintenir la stabilité des rives à long terme. Leur remplacement s’avère essentiel, mais cela représente des coûts très importants qui sont difficiles à assumer pour les municipalités et les communautés locales.
On peut penser que les défis associés à l’érosion côtière et à la stabilité des berges vont s’amplifier dans un contexte de changement climatique, avec une plus grande fluctuation des niveaux d’eau, des événements climatiques extrêmes plus fréquents et un changement des couverts de glace, comme en a parlé M. Moretti lors de son intervention devant votre comité. Dans ce contexte, des ressources financières adéquates pour mieux faire face aux enjeux de la stabilité des rives du Saint‑Laurent permettraient aux municipalités d’élaborer et de mettre en place des solutions durables dans le temps. Cela permettrait de faire face à ces défis, qui vont augmenter. Des investissements conséquents permettraient également de réduire les impacts sur les citoyens.
Actuellement, par exemple, les inondations, qui sont plus fréquentes, font en sorte que les citoyens doivent absorber des coûts importants avec des programmes et des mesures de compensation financière très limités. Ils subissent une augmentation, dans certains cas, de leur prime d’assurance. Ce sont des impacts que les gens vivent au quotidien et auxquels les municipalités doivent également faire face.
Outre l’érosion des berges, les changements climatiques peuvent également mettre une pression accrue sur les autres infrastructures maritimes et portuaires, qui sont davantage sous la loupe des administrations portuaires concernées. On en a eu des exemples ce matin. Il sera nécessaire de prévoir des mesures adaptées pour assurer un financement adéquat, non seulement pour le maintien, mais aussi pour l’optimisation et la mise à niveau de ces infrastructures. Il faut faire en sorte que l’impact des changements climatiques soit pris en compte dans les stratégies de gestion d’entretien et dans la stratégie de résilience de ces infrastructures. À cet égard, les administrations portuaires sont déjà en marche. De nombreuses mesures sont en cours, mais les besoins, notamment en matière de financement, sont immenses.
Le deuxième point que j’aimerais aborder est l’évolution de l’activité maritime dans le Saint-Laurent, notamment dans la région de Québec. La région a toujours été caractérisée par des activités maritimes et portuaires importantes. On retrouve à Québec le dernier port en eau profonde dans le système du Saint-Laurent et des Grands Lacs, avec une profondeur d’eau d’environ 15 mètres. Cela permet d’accueillir des navires à fort tirant d’eau.
Or, si les changements climatiques ont un impact accru sur les fluctuations des niveaux d’eau du fleuve et des profondeurs disponibles pour la navigation en amont de Québec, on anticipe un impact sur le transport maritime dans l’ensemble du réseau. Pour ce qui est de la chaîne d’approvisionnement, on a notamment parlé des impacts sur les retombées économiques et sur les nombreux emplois générés dans notre région.
Dans ce contexte, la situation géographique de la région de Québec au sein du système maritime du Saint-Laurent ne pourrait être plus stratégique pour l’ensemble des acteurs de cet écosystème. Le fait que notre région puisse recevoir des navires de plus grand gabarit pourrait contribuer à la compétitivité de l’ensemble du réseau de transport du Saint-Laurent dans l’avenir si des investissements conséquents sont faits en ce sens. Nous nous devons — pour nous, mais aussi pour l’ensemble du réseau — de demeurer attrayants.
La Ville de Québec souhaite que le rôle de la région au sein du système maritime du Saint-Laurent évolue en ce sens lors des prochaines années. Il sera absolument essentiel de pouvoir compter sur les gouvernements du Canada et du Québec pour se donner une vision partagée qui prend en compte les intérêts, les ressources et les capacités plus limitées des municipalités.
Pour développer cette vision, il sera essentiel d’acquérir davantage de connaissances dans les exercices de planification à venir pour une meilleure compréhension de notre territoire et des impacts des changements climatiques. Il faudra développer de nouvelles stratégies de corridor de commerce, comme la stratégie de la porte continentale et du corridor de l’Atlantique.
Le président : Excusez-moi, madame Vallières-Roland, mais vous avez dépassé vos cinq minutes. Je vous demanderais de conclure.
Mme Vallières-Roland : Absolument. Je vais conclure en parlant de l’importance des administrations portuaires et des efforts d’adaptation aux changements climatiques. On a mentionné que certaines administrations sont très investies et engagées dans les efforts d’adaptation aux changements climatiques, notamment au moyen de l’électrification des transports et des quais. Les investissements, encore une fois, semblent insuffisants pour permettre à ces administrations d’exercer un leadership et de poursuivre et d’atteindre les objectifs qui sont aussi ceux du gouvernement canadien. La Ville de Québec collabore de très près avec le port de Québec, qui s’avère être exemplaire en matière de décarbonation.
Je terminerai en disant que la complémentarité et la collaboration entre nos différentes instances sont absolument essentielles et fondamentales pour faire face à ces changements et ces défis qui sont majeurs pour nous et, surtout, pour nos citoyens.
Merci.
Le président : Merci beaucoup.
[Traduction]
Monsieur Bolisetti, la parole est à vous.
Tirupati Bolisetti, professeur, Faculté d’ingénierie, Université de Windsor, à titre personnel : Bonjour, honorables sénateurs. Je vous remercie de me donner l’occasion de m’exprimer devant vous. Nous reconnaissons l’importance des Grands Lacs, qui représentent 20 % des réserves d’eau douce de la planète et desservent plus de 10 millions de personnes au Canada et environ un dixième de la population des États-Unis. Ils soutiennent également une économie de 6 billions de dollars. Mes collègues dans le premier groupe de témoins se sont surtout concentrés sur le transport maritime. Je vais plutôt me concentrer sur ce qui se passe dans le bassin des Grands Lacs, sur la façon dont le climat change dans le bassin et sur l’incidence de ces changements sur la disponibilité de l’eau et sur les infrastructures essentielles et de logistique.
Mon groupe de recherche évalue les effets des changements climatiques sur les ressources en eau et les infrastructures essentielles. Il n’y a pas longtemps, nous avons évalué les effets des changements climatiques et la disponibilité de l’eau dans le bassin des Grands Lacs, depuis l’est de la baie Georgienne jusqu’aux lacs Huron, Érié et Ontario. Nous avons analysé cinq modèles de circulation générale et des modèles climatiques régionaux dans le cadre de deux scénarios d’émissions différents : le profil représentatif d’évolution de concentration 4,5 et le profil représentatif d’évolution de concentration 8,5. Au lieu de passer en revue tous les chiffres et de les comprimer dans une fourchette qui dépend du scénario choisi, nous avons calculé que la température avait augmenté de 2,5 degrés Celsius au milieu du siècle et qu’elle augmentera d’au moins 5,4 degrés Celsius d’ici la fin du siècle.
Nous avons également constaté que les précipitations annuelles augmentent de 8 à 21 %, surtout dans l’Est du bassin des Grands Lacs. Nous nous sommes concentrés uniquement sur le Canada. Nous ne nous sommes pas penchés sur ce qui se passe aux États-Unis.
De plus, en raison de ces changements dans les précipitations, nous estimons que si le scénario établi dans le profil représentatif d’évolution de concentration 4,5 est ce qui risque de se produire, l’apport en eau douce de nos réseaux hydrographiques aux bassins augmentera de 5 % à 13 %, tandis que l’augmentation sera d’environ 7 % à 20 % si c’est le scénario établi dans le profil représentatif d’évolution de concentration 8,5 qui se produit.
D’après ces bons chiffres, la situation devrait être gérable, du moins, c’est l’impression qu’ils nous donnent. Or, il y a de moins en moins d’épisodes de pluie, et c’est un problème, car cela signifie que l’intensité de ces épisodes va augmenter. Nous avons effectué une analyse pour la ville de Windsor à l’aide des tendances prévues. Nous avons constaté que les averses qui ne survenaient que tous les 100 ans surviennent maintenant tous les 25 ans. Les averses qui ne sont survenues que tous les 25 ans au cours de la période historique actuelle surviennent maintenant tous les 5 ans. Cela signifie que ces événements extrêmes ont de graves conséquences et que, dans le cas des inondations, les infrastructures ne fonctionneront probablement pas comme nous le souhaitons. C’est indéniable. Votre comité se concentre sur les transports et les communications. Sur quoi nous penchons-nous dans le domaine des transports? Nous nous intéressons à toutes les structures de drainage, comme les autoroutes, les routes et les artères. Ces infrastructures ont été paralysées dans le passé. Je ne reviendrai pas sur tous les événements qui se sont produits. Je ne me concentrerai que sur trois événements qui sont survenus entre Windsor et Ottawa.
À Toronto, lors des inondations de 2013, il est tombé près de 126 millimètres de pluie en 90 minutes, ce qui a paralysé le système ferroviaire ; 1 400 personnes sont restées bloquées dans les trains GO et 300 personnes ont été privées d’électricité. Toutes ces personnes ont dû être évacuées à l’aide de différentes embarcations. À Windsor, en l’espace de 11 mois, en 2016 et 2017, nous avons fait face à de graves inondations dans l’Est de la ville. Là encore, la ville a dû déclarer l’état d’urgence. En 2017, la ville d’Ottawa a subi des inondations. Si je ne me trompe pas, plus de 300 maisons ont été touchées.
Cela signifie que les lieux changent et que les temps changent. Certains événements se produisent en septembre, certains se produisent en mai, et d’autres se produisent en juillet. Par conséquent, selon le moment et l’endroit, chaque région est vulnérable à ces événements.
J’en viens maintenant aux infrastructures. Du côté canadien du bassin des Grands Lacs, principalement en Ontario et dans certaines régions du Québec... je n’ai pas les statistiques pour le Québec, mais je veux vous présenter celles pour l’Ontario. Les municipalités possèdent près de 52 % des infrastructures, les provinces détiennent environ 38 % des infrastructures et le gouvernement fédéral 10 %. La valeur actuelle de ces infrastructures, tant provinciales que municipales, est d’à peu près 708 milliards de dollars, dont 330 milliards dans le secteur des transports.
À part les infrastructures propres au secteur des transports, ce sont les infrastructures de gestion des eaux pluviales qui auront une incidence sur le secteur des transports. Les infrastructures de gestion des eaux pluviales et les infrastructures de traitement des eaux usées représentent près de 124 milliards de dollars...
Le président : Je tiens à vous rappeler que chaque témoin ne dispose que de cinq minutes. Je vous demanderais donc de bien vouloir conclure.
M. Bolisetti : Je vais conclure dans une minute.
Si nous n’apportons aucun changement à notre système, nous devrons probablement faire face à des dépenses de l’ordre de 2,3 à 3 milliards de dollars au cours de ce siècle, et d’ici la fin du siècle, ces dépenses s’élèveront à environ 10 milliards de dollars.
Dans le secteur des transports, il n’y a pas que les événements extrêmes qui ont une incidence; même les événements les plus petits ou modérés vont ralentir les services de logistique, ce qui signifie qu’ils auront des répercussions sur l’économie. Nous devons donc élaborer une stratégie d’adaptation durable et réalisable pour limiter les effets sur la vie humaine, les biens et l’environnement. Je vous remercie encore une fois de votre attention.
Le président : Je vous remercie, monsieur Bolisetti.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Je poserai ma question à la mairesse suppléante de Québec, Mme Catherine Vallières-Roland. En toute transparence, je tiens à mentionner que nous avons travaillé ensemble à l’UNESCO il y a quelques années — mais on n’a pas parlé du port de Québec, alors tout va bien.
Madame Vallières-Roland, vous avez surtout parlé des berges. Cet enjeu semble être un problème assez important qui pourrait s’accentuer avec les changements climatiques. Avez-vous évalué combien coûtera la restauration de ces berges? Vous avez dit que 40 % des berges étaient déjà artificialisées, mais qu’elles devront sans doute être réparées également. Ce domaine est-il de compétence fédérale, puisqu’on parle d’une zone qui n’est pas tout à fait dans l’eau, mais sur les berges? Relève-t-il du gouvernement fédéral? Y a-t-il des programmes qui peuvent vous aider?
Mme Vallières-Roland : Merci de votre question, sénatrice Miville-Dechêne. C’est un plaisir de vous revoir.
En effet, je crois que cela fait partie des enjeux auxquels nous devons faire face. Nous devons colliger des données pour avoir une meilleure idée des coûts que cela impliquerait et pour faire une meilleure planification à long terme.
Les municipalités doivent faire face à cet enjeu. Je pense notamment à l’île d’Orléans, qui est particulièrement touchée. À l’intérieur d’une même année, elle subit une érosion de ses berges de plusieurs mètres. Dans les circonstances, elle se trouve en réaction, alors qu’elle n’a pas les capacités ni les moyens de faire de la prévention ni d’effectuer une planification d’intervention à long terme. En effet, ce sont des estimations que nous ne possédons pas à l’heure actuelle. Nous croyons que c’est la responsabilité du gouvernement canadien d’effectuer des interventions.
La Communauté métropolitaine de Québec travaille justement à recueillir ce type de données pour voir quels seraient les investissements possibles. Si le gouvernement canadien était en mesure d’ajouter des investissements à travers ses différents programmes et mesures, cela aiderait grandement les municipalités.
La sénatrice Miville-Dechêne : Ma prochaine question est plus large. À part les berges, il est évident que le réchauffement climatique peut avoir d’autres impacts sur les ports, en particulier celui de Québec. Avez-vous fait une étude des risques, comme pour le port de Montréal? Connaissez-vous les risques pour Québec? Vous parlez de possibilités. Je comprends que le port de Québec a une profondeur de 15 mètres, comparativement à une profondeur de 11,3 mètres au port de Montréal. Vous pourriez récupérer de grands bateaux. Toutefois, quels sont les risques pour vos infrastructures? Les avez-vous évalués? Êtes-vous en train de réduire ces risques?
Mme Vallières-Roland : Le port de Québec a effectivement fait une évaluation des impacts et des risques. Il s’est d’ailleurs doté tout récemment d’une planification stratégique sur plusieurs années, justement pour prévoir des investissements qui contribueront aux efforts de décarbonation et d’atténuation des impacts des changements climatiques et de lutte aux changements climatiques, notamment grâce à l’électrification des quais.
Cela dit, je me permets de mentionner que les coûts évalués pour l’électrification des quais s’élèvent à environ 45 millions de dollars uniquement pour le port de Québec. Les investissements qui ont été annoncés récemment par le gouvernement canadien s’élèvent à 165 millions de dollars, dans le cadre du programme de corridors maritimes verts. C’est une très bonne nouvelle, mais vous voyez l’ampleur de ce que cela impliquerait uniquement pour Québec; ces investissements sont nettement insuffisants.
À Québec, on a une vision assez claire des besoins et des priorités. Une bonne planification est prévue, mais il faudra une plus grande synergie, une complémentarité et des investissements plus importants à l’avenir.
La sénatrice Miville-Dechêne : Vous dites que l’électrification est un défi. Les berges le sont aussi. Avez-vous un document à ce sujet? Quels sont les autres principaux défis auxquels vous devez faire face par rapport aux changements climatiques et à la préparation du port de Québec?
Mme Vallières-Roland : J’ai avec moi M. Charles-Éric Bernier, qui est directeur de l’environnement à la Communauté métropolitaine de Québec. Il est notre expert dans la région. Je vais lui permettre de donner un complément d’information à ce que je vous ai dit.
La sénatrice Miville-Dechêne : Assez rapidement, parce que j’ai peut-être dépassé mon temps de parole.
Charles-Éric Bernier, directeur de l’environnement, Communauté métropolitaine de Québec, Ville de Québec : L’érosion et la submersion côtières dans la région sont deux éléments majeurs; de plus, les niveaux d’eau baissent, donc les débits fluviaux issus de la gestion du système entre le Saint-Laurent et les Grands Lacs représentent quand même un enjeu important pour le transport dans la région.
[Traduction]
La sénatrice Simons : J’ai une question à poser à chacun des témoins. J’aimerais commencer par M. Bolisetti.
À l’époque où je travaillais comme chroniqueuse pour le Edmonton Journal, j’ai eu l’occasion de commenter les décisions prises par l’hôtel de ville. Les gens n’ont jamais été très enthousiastes à l’idée d’en savoir plus sur le système de drainage; ce n’est pas un sujet très excitant. Nous avons tendance à oublier que le drainage fait partie intégrante du système de transport. Ainsi, vous avez tout à fait raison de souligner que si nos systèmes de drainage se retrouvent inondés, ce sont nos routes, nos voies ferrées et nos ports qui sont à risque. Que devons-nous faire pour nous assurer que les systèmes de drainage de cette région soient en mesure de résister aux violentes averses imprévues que nous observons de plus en plus souvent?
M. Bolisetti : Il est évident qu’il n’existe pas de solution unique à cette vaste problématique. Je pense que nous devons ajouter plusieurs pièces au casse-tête. En outre, notre approche devrait consister à agir au niveau des sous-bassins versants afin de minimiser l’incidence des averses à certains endroits critiques. Ainsi, nous envisageons d’adopter un modèle d’aménagement à faible impact, en particulier dans les zones urbaines. Cette approche implique notamment de restaurer dans la mesure du possible le type d’hydrologie qui précédait le développement en milieu urbain. Pour ce qui est des zones rurales, nous devons concevoir des systèmes de stockage ayant pour fonction, là aussi, de minimiser l’impact des averses. Ce travail de préservation nous permettra ainsi d’augmenter la résilience de l’ensemble du réseau. Nous pensons que c’est la voie à suivre.
Par ailleurs, nous essayons de plus en plus de nous tourner vers ce que l’on appelle des solutions fondées sur la nature. Il s’agit en gros de trouver des stratégies pour retenir l’eau au niveau des sous-bassins ou des bassins versants avant qu’elle ne se déverse dans les plans d’eau récepteurs.
La sénatrice Simons : Merci beaucoup.
[Français]
J’ai une autre question pour Mme Vallières-Roland. Madame, je viens de l’Alberta. Ce n’est pas exactement la même chose que Québec, mais il y a une espèce d’esprit commun. Il en va de même pour les municipalités, les provinces et le gouvernement fédéral, car il est vraiment difficile parfois pour le gouvernement fédéral de faire des choses pour les municipalités. Chez nous, Mme Smith est un peu jalouse en ce qui concerne les droits des provinces, et je crois que c’est la même chose au Québec.
Pourriez-vous me dire ce que les municipalités de la Ville de Québec pourraient faire par rapport au gouvernement fédéral — pour avoir des fonds du fédéral peut-être, même si les provinces ont de la difficulté à le faire?
Mme Vallières-Roland : C’est une excellente question. Je vous remercie. À la Ville de Québec, on travaille au sein de différents forums et instances, comme la Fédération canadienne des municipalités. Cela nous permet d’avoir des échanges entre nous, mais également de réaffirmer nos besoins auprès du gouvernement canadien. Par l’intermédiaire de cette instance, on a accès au Fonds vert, qui est doté de façon importante et généreuse et qui permet d’avoir accès à des sommes importantes sans nécessairement devoir obtenir un décret de la part du ministère des Affaires municipales et de l’Habitation. Voilà une façon de faire.
Bien sûr, on travaille aussi en collaboration avec le ministère des Affaires municipales pour faire valoir nos besoins et nos priorités et nous assurer que, au moyen des programmes et des stratégies annoncés par le gouvernement du Canada, la Ville de Québec et la région métropolitaine peuvent obtenir leur part des montants qui sont nécessaires pour pallier les changements climatiques. Une collaboration très étroite est primordiale entre nos villes et le gouvernement pour avoir accès à ces fonds du gouvernement canadien. Cela se fait généralement assez bien, je crois. On travaille de façon harmonieuse.
[Traduction]
La sénatrice Simons : M. Bolisetti a indiqué qu’une grande partie des infrastructures appartient aux municipalités, qui se retrouvent donc avec la responsabilité d’en assurer l’entretien. Néanmoins, les administrations municipales n’ont souvent pas les ressources nécessaires. Je vous remercie tous les deux.
La sénatrice Clement : Je tiens à dire que la question des systèmes de drainage demeure très préoccupante. J’ai souvent dit publiquement, à l’époque où j’étais mairesse de Cornwall, que le système de drainage et de traitement des eaux usées représentait le projet d’infrastructure le plus coûteux dans l’histoire de la ville. Je suis donc d’accord avec la sénatrice Simons pour rappeler qu’il s’agit d’un enjeu plus important qu’il n’y paraît.
[Français]
J’aimerais poursuivre dans la même veine que les questions de la sénatrice Simons à la mairesse suppléante. Vous avez parlé du besoin de collaboration étroite, mais est-ce le cas? Est-ce que ça se passe ainsi entre les trois ordres de gouvernement? J’ai une question concernant les 820 000 citoyens que vous avez mentionnés. Sont-ils consultés ou impliqués dans les discussions que vous avez avec les différents ordres de gouvernement?
Mme Vallières-Roland : Je dirais que cette collaboration peut toujours s’améliorer pour en arriver à des résultats très concrets, car on a effectivement besoin de plus d’argent et de plus d’investissements. Je dirais que la collaboration à trois, donc le dialogue, ne se fait pas toujours à trois. Les municipalités parlent surtout au gouvernement du Québec.
En effet, je crois, surtout lorsqu’on parle des administrations portuaires, qu’il y a un dialogue qui peut s’installer avec le gouvernement fédéral, puisque plusieurs des interventions relèvent de ses responsabilités. Je vous donne l’exemple d’un triangle, si l’on veut. Le gouvernement du Québec a mandaté la Communauté métropolitaine de Québec pour faire la cartographie des zones inondables de ses rivières. On est actuellement en discussion avec le gouvernement du Québec, soit le ministère des Affaires municipales, pour obtenir le financement nécessaire pour faire la cartographie des zones inondables sur le fleuve Saint-Laurent. C’est absolument essentiel et nécessaire pour identifier les mesures et les interventions précises qu’on sera en mesure d’effectuer dans les prochaines années dans le contexte des changements climatiques.
Ce sont ces mesures que l’on identifiera et qui pourront être financées ensuite. On l’espère, parce qu’on n’a pas encore eu la confirmation du financement du gouvernement du Québec, mais ces mesures pourraient également être financées par le gouvernement du Canada, parce que les ouvrages dont je parlais tout à l’heure, comme les murs de protection, relèvent du gouvernement fédéral. C’est un bel exemple du genre de collaboration plus importante qui pourrait s’installer dans un contexte de cartographie et d’actions précises. Je suis très ouverte à ce dialogue, mais cela dépend aussi de nos autres partenaires.
La sénatrice Clement : Et le rôle des citoyens? Sont-ils au courant des enjeux? Sont-ils impliqués? Est-ce que vous les consultez sur cette question des infrastructures et sur la résilience?
Mme Vallières-Roland : Tout à fait. Nos citoyens sont touchés par ces événements. Ils sont invités à collaborer à des réflexions au sein de nos instances municipales, que ce soit les conseils de quartier ou le conseil municipal. On est bien au fait de leurs besoins et on en tient compte dans l’identification des actions qui doivent être posées.
À une autre échelle, celle de la Communauté métropolitaine de Québec, je préside la Table de concertation régionale sur le Saint-Laurent, à laquelle on retrouve notamment des organismes de bassins versants. Il y a donc à cette table plusieurs organismes environnementaux, comme les conseils régionaux en environnement, des acteurs économiques importants et les municipalités qui sont principalement touchées par les changements climatiques. Ces forums nous permettent aussi de discuter ensemble de solutions innovantes en tenant compte des impacts environnementaux. Par l’intermédiaire de ce genre de forum, on reçoit des intrants des différents acteurs pour adopter les mesures les plus adéquates possibles, qui auront le moins possible de répercussions négatives sur les différents acteurs et permettront surtout de répondre aux besoins des citoyens.
La sénatrice Clement : Merci.
[Traduction]
La sénatrice Dasko : Ma question s’adresse à M. Bolisetti. J’aimerais simplement obtenir une petite précision. Vous avez évoqué la répartition de la propriété des infrastructures entre les administrations municipales, les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral. Pourriez-vous préciser qui seraient impliqués? S’agit-il des autorités de Windsor? J’aimerais clarifier cette ambiguïté avant de passer à ma question complémentaire.
M. Bolisetti : Merci beaucoup, madame la sénatrice. Je vais vous résumer les statistiques concernant la répartition des dépenses en matière d’infrastructures dans la province de l’Ontario. J’ai supposé que le ratio pour l’Ontario comprend à la fois le bassin des Grands Lacs et l’extérieur de ce bassin. Comme l’indique le Bureau de la responsabilité financière de l’Ontario, environ 52 % des dépenses en matière d’infrastructures relèvent des municipalités, 38 % relèvent des provinces, et 10 % relèvent du gouvernement fédéral.
La sénatrice Dasko : En matière d’investissements majeurs dans les infrastructures, est-ce que ces trois ordres de gouvernement paient en fonction de la répartition que vous venez de présenter? Ainsi, chaque fois qu’il y a une amélioration ou un changement d’infrastructure, les trois ordres de gouvernement se répartissent la facture à 52 %, 38 %, et 10 %. Est-ce bien le cas, ou existe-t-il un autre type d’arrangement? Quel ordre de gouvernement décide des améliorations en matière d’infrastructures? Il m’apparaît évident que chaque palier doit se plier à certaines contraintes sur le plan financier. De quelles manières se prennent les décisions à ce sujet? Les trois ordres de gouvernement se concertent-ils avant de prendre une décision? Est-ce qu’un palier tend à s’attribuer une plus grande part du financement des grands projets d’amélioration des infrastructures? J’essaie simplement de comprendre comment tout cela fonctionne. Je vous remercie.
M. Bolisetti : Je suis vraiment désolé, madame la sénatrice. J’ai présenté ces statistiques pour souligner leur importance, mais mes recherches portent principalement sur l’incidence des changements climatiques sur les infrastructures. Il s’agit d’un travail scientifique de quantification axé sur mon champ d’expertise. Mais si j’ai cité ces chiffres, c’est uniquement pour souligner l’urgence d’agir, peu importe quel ordre de gouvernement doit payer la note. En fin de compte, ce sont les entreprises canadiennes et tous les citoyens canadiens qui risquent d’être affectés. Bref, je suis désolé, mais je n’ai pas la réponse à cette question.
La sénatrice Dasko : D’accord, je comprends. La question de la répartition est importante parce que, bien entendu, les municipalités sont responsables de la plus grande proportion, mais elles ne sont généralement pas dotées de moyens importants pour amasser des fonds ni pour investir ces fonds. Il s’agit donc d’un aspect important de la problématique. Je vous remercie de votre attention.
[Français]
Le sénateur Quinn : Ma question s’adresse à la mairesse suppléante de la Ville de Québec.
[Traduction]
Je souhaite revenir sur le port de Québec, qui est une infrastructure de transport essentielle, non seulement pour la ville de Québec, mais aussi pour la province et le pays. Nous avons abordé les défis qui se posent en amont pour Montréal et d’autres villes, notamment en matière de niveaux d’eau, de gestion des débits d’eau, et ainsi de suite. Pensez-vous que le port de Québec pourrait jouer un rôle plus direct ou plus important pour sécuriser le transport des marchandises qui entrent et sortent du pays?
[Français]
Mme Vallières-Roland : Merci de votre question.
En effet, au moyen de ces actions, le port de Québec peut s’assurer de rester une véritable destination et d’avoir des installations très attractives. On se doit de le faire justement pour assurer non seulement la compétitivité de la région, mais de l’ensemble du réseau. On l’a mentionné précédemment; le port de Québec travaille de plus en plus étroitement avec les autres administrations portuaires, que ce soit Trois-Rivières ou Montréal, pour essayer d’adopter une stratégie à la fois complémentaire et cohérente, afin de contribuer aux efforts qui sont actuellement réalisés par les autres administrations portuaires.
On l’a déjà mentionné, et je sortirais de mon champ de compétence en m’avançant un peu trop, mais il y a actuellement des contraintes sur les plans législatif et réglementaire qui pourraient être amoindries pour favoriser cette complémentarité et cette synergie. À la Ville de Québec, je travaille auprès de l’Alliance des villes des Grands Lacs et du Saint-Laurent, notamment avec la mairesse de Montréal et les villes ontariennes et américaines dont les décisions sur les Grands Lacs ont des impacts majeurs sur le fleuve Saint-Laurent.
On s’est beaucoup investi au cours des deux dernières années pour qu’il y ait une mobilisation beaucoup plus importante que par le passé au sein des villes québécoises et pour mettre de l’avant nos enjeux et ceux des administrations portuaires, par conséquent. On s’est efforcé de faire de la sensibilisation et de mettre de l’avant nos enjeux auprès des autres municipalités pour être en mesure de formuler ensemble des plans conjoints. On sait qu’entre le Canada et les États-Unis, il y a des systèmes, des modèles et des fonctionnements qui sont très différents. Cela dit, l’avenir repose sur cette capacité que nous avons de travailler conjointement sur des stratégies qui touchent nos deux pays, et aussi les Grands Lacs et le fleuve Saint-Laurent. Sachez que nous sommes très actifs à ce sujet.
[Traduction]
Le sénateur Quinn : Je tiens tout d’abord à féliciter la province de Québec pour son rôle de chef de file dans l’élaboration d’une stratégie maritime. Je pense que c’est la première fois qu’une province joue un rôle aussi significatif dans l’industrie du transport maritime. Dans quelle mesure la ville de Québec et la province de Québec participent-elles à l’évaluation de cette stratégie dans le contexte des changements climatiques? Êtes-vous impliqués dans ce type de discussion avec le gouvernement provincial?
[Français]
Mme Vallières-Roland : Vous parliez de la stratégie maritime. En effet, le Québec a été à l’avant-garde en ce qui concerne cette stratégie. Elle est en cours de révision, de mise à jour. C’est l’un des secteurs où la Ville de Québec et les autres municipalités...
[Difficultés techniques]
M. Bernier : Est-ce que vous me permettez de compléter la réponse de Mme Vallières-Roland en son absence?
Le président : Absolument, monsieur Bernier.
M. Bernier : Merci. Je pense que Mme Vallières-Roland allait dire qu’actuellement, nous sommes en discussion en ce qui concerne la stratégie maritime, donc nous travaillons à l’élaboration et à la mise à jour de cette stratégie, avec le gouvernement et l’ensemble des municipalités du Québec qui se mobilisent pour la mettre à jour.
En ce qui concerne votre seconde question sur la mise à jour et les données, on est également en discussion avec le gouvernement, notamment sur la modélisation des zones inondables, mais on a aussi réalisé des études au sujet des risques hydroclimatiques avec des partenaires gouvernementaux et Ouranos au Québec par le passé. C’est le genre de partenariat que l’on met systématiquement de l’avant pour s’attaquer à la question des changements climatiques dans le fleuve Saint-Laurent. Madame Vallières-Roland, j’ai essayé de poursuivre.
Mme Vallières-Roland : Je vous remercie, monsieur Bernier. Je suis désolée, j’ai perdu la connexion pendant quelques secondes.
Le sénateur Cardozo : Ma première question s’adresse à Mme Vallières-Roland et fait suite à la question du sénateur Quinn. Avez-vous des plans à long terme pour agrandir le port de Québec?
Mme Vallières-Roland : Il y a actuellement des discussions avec le port de Québec dans le contexte de cette planification. Je vous dirais qu’actuellement, il y a des projets qui sont considérés par le port de Québec. De notre perspective, l’important, c’est que la collaboration avec le port soit très étroite, car il en va de l’adhésion des citoyens à ces projets du port. On a vu par le passé que le sujet a soulevé certaines préoccupations. Le port travaille sur un volet de son action qui vise à faire connaître cette action auprès de la population.
Pour nous, c’est aussi un travail d’accompagnement du port pour s’assurer que ses actions n’ont pas d’impacts négatifs, par exemple, sur la qualité de l’air, qui est un enjeu très sensible, et sur les espèces animales. Il y a toutes sortes d’éléments comme ceux-là qui préoccupent énormément les citoyens. Pour nous, l’avenir du port passe par une collaboration qui est encore plus étroite qu’elle ne l’a été, afin d’assurer une bonne adhésion et de faire de bons choix qui auront des retombées positives sur nos collectivités, tant sur le plan environnemental qu’économique. On sait à quel point il y a un potentiel immense.
Le sénateur Cardozo : Je ne sais pas si on a besoin d’un autre pont ou d’un tunnel, mais c’est une question très délicate. J’ai une question pour M. Bolisetti.
[Traduction]
Vous avez parlé de la question du drainage et du dragage. Lorsque des efforts importants de drainage sont déployés, en quoi cela affecte-t-il la profondeur de la zone autour des ports? Cela entraîne-t-il nécessairement des efforts supplémentaires en matière de dragage?
M. Bolisetti : Je suis désolé, monsieur le sénateur. Je faisais référence à la situation des bassins versants dans la région des Grands Lacs. J’essayais de souligner de quelle manière les conditions climatiques évoluent sur le plan de la température et des précipitations. Ces changements augmentent le débit des fleuves et des rivières, ce qui affecte notre réseau routier et nos ponts, ainsi que nos systèmes d’eaux pluviales. À certains endroits, nous avons dû aménager des réseaux d’égouts unitaires, de sorte que nous sommes en mesure d’évaluer la variation saisonnière des flux qui s’écoulent. Je vous demande pardon, je n’ai pas parlé de la question des niveaux de dragage.
Le sénateur Cardozo : Et les bassins dont vous parlez font bien partie des rivières, et non de la voie maritime du Saint-Laurent? Sont-ils intégrés aux autres cours d’eau qui se jettent dans la voie maritime du Saint-Laurent?
M. Bolisetti : C’est exact. J’ai principalement axé mes recherches sur les bassins versants de la baie Georgienne, du lac Huron, du lac Érié et du lac Ontario. Par contre, je n’ai pas étudié le bassin du Saint-Laurent.
Le sénateur Cardozo : Avez-vous une idée de la fréquence optimale de dragage pour la voie maritime du Saint-Laurent?
M. Bolisetti : Hélas, je suis désolé, je ne peux pas me prononcer là-dessus pour le moment. Nous n’avions pas de partenaires dans cette région lors de nos recherches.
Le sénateur Cardozo : D’accord, je comprends. Mon autre question concerne l’énorme quantité de drainage requis lors d’un orage. La plupart de nos villes sont recouvertes d’un énorme volume de béton et d’asphalte. Vous l’avez d’ailleurs évoqué. Toutefois, les villes commencent à se tourner vers d’autres mesures pour réduire l’usage abusif de l’asphalte et du béton. Je pense notamment à l’utilisation de briques plus poreuses, et aux aménagements alternatifs autour des routes. Pourriez-vous nous résumer le genre de mesures intéressantes susceptibles de changer la manière d’aménager les routes et les espaces ouverts?
M. Bolisetti : En matière de planification urbaine, nous devons nous adapter à chaque nouvelle phase de développement. La population canadienne risque d’augmenter considérablement au cours des prochaines années, ce qui nécessitera évidemment la construction de nouvelles infrastructures. Ainsi, les espaces libres qui restent se réduisent. L’un de nos objectifs est de retenir l’eau au sein des espaces verts et des zones poreuses plus longtemps qu’auparavant. Notre approche précédente consistait à éloigner l’eau des zones habitées le plus rapidement possible, alors qu’aujourd’hui, nous cherchons à faire exactement l’inverse.
Cette nouvelle approche nécessite un certain nombre d’éléments sur le terrain. Par exemple, la première étape en ce qui concerne la ville de Windsor est de modifier les gouttières. Ainsi, au lieu de zones imperméables directement connectées, nous les remplaçons par des zones imperméables indirectement connectées. Cela signifie que l’eau qui ruisselle des toits sera redirigée vers des espaces verts. Lorsque ce n’est pas possible, nous utilisons alors des revêtements poreux, des bassins de rétention ou des jardins de pluie. L’idée n’est donc pas de mettre en place un seul élément, mais toute une série d’éléments ornementaux au sein des zones urbaines.
Cela dit, nous collaborons en ce moment avec la ville de Windsor sur un projet important, et c’est pourquoi nous cherchons à obtenir des fonds. Le sud-ouest de l’Ontario et la partie nord du comté d’Essex contiennent une quantité importante de sols argileux, que nous sommes en train d’étudier et de quantifier. Le gouvernement ontarien a demandé à toutes les municipalités de retenir 90 % des précipitations dans les bassins versants, avant qu’elles ne soient déversées dans les réseaux d’égouts.
Dans le cas de Windsor, on parle d’environ 30 millimètres de pluie. Comment retenir ces 30 millimètres d’eau dans le bassin versant sans pour autant affecter le débit de pointe dans les égouts? Il s’agit là d’une équation complexe de quantification et d’évaluation. Pour simplifier les choses, nous cherchons les moyens d’atténuer le débit de pointe et le volume des écoulements afin d’alimenter la nappe phréatique.
Il faut donc réapprovisionner la nappe phréatique en évitant toutefois d’inonder les sols. Quel est donc l’équilibre à trouver en fonction des différents types de sols? Bien entendu, il faut éviter à tout prix de créer un nouveau problème pour éliminer un problème déjà présent.
Le sénateur Cardozo : Je vous remercie, monsieur Bolisetti.
M. Bolisetti : C’est moi qui vous remercie, monsieur le sénateur.
[Français]
Le président : Madame Vallières-Roland, messieurs Bernier et Bolisetti, merci de votre présence ici ce matin et merci d’avoir répondu à nos questions. Votre contribution à notre étude est très appréciée.
(La séance est levée.)