LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES TRANSPORTS ET DES COMMUNICATIONS
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 10 avril 2024
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd’hui à 18 h 50 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier l’incidence des changements climatiques sur les infrastructures essentielles dans les secteurs des transports et des communications et les répercussions corrélatives sur leurs interdépendances.
Le sénateur Leo Housakos (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonsoir, chers collègues. Je m’appelle Leo Housakos, je suis un sénateur du Québec et je préside ce comité. J’invite mes collègues à se présenter brièvement.
La sénatrice Simons : Paula Simons, de l’Alberta, territoire visé par le Traité no 6.
La sénatrice Clement : Bernadette Clement, de l’Ontario.
Le sénateur Quinn : Jim Quinn, du Nouveau-Brunswick.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Julie Miville-Dechêne, du Québec, plus particulièrement de Montréal.
[Traduction]
La sénatrice Dasko : Donna Dasko, de l’Ontario.
[Français]
Le président : Ce soir, nous poursuivons notre étude sur l’incidence des changements climatiques sur les infrastructures essentielles dans le secteur des transports, et notre étude des Grands Lacs et du Saint-Laurent. Pour notre premier groupe de témoins, nous avons le plaisir d’accueillir Martin Massé, vice-président, Affaires publiques et vice-président, Développement durable, Aéroports de Montréal. Bienvenue.
[Traduction]
Nous avons également le plaisir d’accueillir, par vidéoconférence, M. Todd Ernst, directeur, Énergie et environnement, à l’Autorité aéroportuaire du Grand Toronto, ou AAGT. Bienvenue, monsieur.
Vous aurez chacun cinq minutes pour vos déclarations préliminaires. Ensuite, je donnerai la parole à mes collègues pour les questions.
[Français]
Monsieur Massé, la parole est à vous.
Martin Massé, vice-président, Affaires publiques et vice-président, Développement durable, Aéroports de Montréal : Merci beaucoup, honorables sénateurs. C’est un plaisir d’être ici aujourd’hui pour échanger avec vous sur les impacts des changements climatiques sur les infrastructures essentielles. Je m’appelle Martin Massé, je suis vice-président, Affaires publiques et vice-président, Développement durable chez Aéroports de Montréal, ou ADM. ADM est l’autorité aéroportuaire responsable de la gestion et de l’exploitation de YUL Aéroport Montréal-Trudeau et de YMX Aérocité internationale de Mirabel. À l’instar des autres aéroports canadiens, nous sommes préoccupés par l’impact des changements climatiques sur nos infrastructures et particulièrement sur nos opérations. YUL et YMX sont situés à l’est des Grands Lacs, dans la partie sud du Québec, où règne un climat continental que l’on définit comme froid et humide. Or, comme vous le savez, nous avons des saisons hivernales — peut-être pas comme la dernière —, mais nous avons habituellement des précipitations de neige et nous assistons à une augmentation des épisodes de verglas, tandis que nos saisons estivales sont de plus en plus ponctuées d’épisodes de chaleur extrême.
Nous avons donc procédé récemment à l’analyse de la vulnérabilité climatique de nos installations. Celle-ci a été inspirée des normes ISO 31000 sur la gestion du risque et ISO 14090/14091 sur l’adaptation au changement climatique et a été menée par des experts de Stantec. Nous avons analysé des scénarios de risques posés par les aléas climatiques sur les infrastructures et les opérations jusqu’à l’horizon 2050.
Conséquemment, on peut raisonnablement s’attendre à ce que l’avènement des changements climatiques produise des conséquences. Celles-ci ont été catégorisées de deux grandes façons : d’abord, les risques physiques, c’est-à-dire les risques découlant des changements climatiques qui peuvent être causés par des événements climatiques extrêmes ou des variations des températures et de la météo, qui ont notamment des impacts potentiels sur les opérations aéroportuaires, la sécurité des personnes et l’intégrité des infrastructures. De l’autre côté, il y a les risques de transition, donc ceux découlant des initiatives visant le passage à une économie plus sobre en carbone qui pourrait impliquer des changements sur le plan des politiques, du droit, des technologies et des marchés, ce qui aura des impacts potentiels sur les revenus et dépenses d’ADM.
Parmi les risques les plus notables, notons d’abord les chaleurs extrêmes, puis les conditions orageuses et la foudre, puis le cocktail météo et enfin, les pluies intenses de courte durée, donc les grandes averses. Ces risques, à l’exception des pluies intenses, donc les trois premiers, ont davantage d’impacts sur nos opérations que nos infrastructures. Cependant, des investissements seront requis pour réduire les retards et les délais que ces situations occasionneront.
Par exemple, il faudra plus d’automatisation du côté de la manutention pour réduire les arrêts des opérations en raison d’alerte à la foudre. La présence de cellules orageuses à YUL a, par le passé, stoppé les opérations pour une période de près de 6 heures. Bien que les équipes d’entretien des terrains et du centre de dégivrage soient parmi les meilleures au monde pour le déneigement, les cocktails météo et les précipitations mixtes, la neige, le verglas, le grésil et la pluie amènent des défis opérationnels et des investissements seront également requis dans ce secteur pour accroître la capacité, l’achat d’équipement et de produits ainsi que l’ajout d’espace d’entreposage. Ces aléas climatiques génèrent également une inquiétude quant à la fiabilité de l’alimentation électrique du site aéroportuaire de YUL.
La gestion des événements de pluies intenses de courte durée est un risque important à considérer. La capacité des exutoires de la ville de Montréal est insuffisante pour le drainage du site aéroportuaire. ADM doit construire à ses frais des bassins de rétention. L’augmentation de l’intensité de ces événements climatiques mettra davantage de pression sur ces systèmes de drainage. Bien que des solutions soient en cours d’investigation pour s’adapter à cette situation tout en considérant nos développements futurs, le risque d’inondations augmente avec les changements climatiques.
Quant à nos infrastructures, des analyses additionnelles sont en cours, notamment en ce qui concerne la longueur de nos pistes. Jusqu’à présent, une hausse des températures à 35°C ou plus peut faire en sorte que certains vols long-courriers doivent décoller avec un poids réduit. Les résultats de nos premières analyses indiquent que le niveau de risque n’atteint pas un seuil critique ou sérieux pour ADM.
ADM est engagée dans la lutte contre les changements climatiques. Nous avons publié l’an dernier notre premier plan de durabilité. Soulignons que notre organisation a adopté une solide feuille de route zéro émission nette et vise à atteindre cet objectif en 2040 pour les émissions provenant de ses bâtiments et véhicules. Plusieurs mesures sont également déployées pour soutenir nos partenaires et usagers dans la réduction de leurs émissions de GES, comme l’installation de bornes de recharge pour les véhicules de support au sol, la participation à un consortium pour du carburant d’aviation durable, sans oublier la construction d’une station du REM.
ADM est d’ailleurs reconnue pour son engagement et ses initiatives, notamment avec l’accréditation Airport Carbon, une accréditation mondiale dans le milieu aéroportuaire de niveau 4. Nous sommes sept en Amérique du Nord à l’avoir. YUL est l’aérogare canadienne qui émet le moins de GES. Elle participe aussi au Défi carboneutre du gouvernement du Canada. Comme vous pouvez le constater, notre organisation est déjà fortement résiliente et possède une bonne capacité d’adaptation face aux changements climatiques. Nous nous assurerons de tenir à jour notre plan d’action d’adaptation aux changements climatiques, car il s’agit d’un enjeu qui évolue et qui se modifie en tenant compte des avancées technologiques. Je vous remercie.
Le président : Merci, monsieur Massé.
[Traduction]
Todd Ernst, directeur, Énergie et environnement, Autorité aéroportuaire du Grand Toronto : Je vous remercie de me donner l’occasion de comparaître aujourd’hui dans le cadre de votre étude sur l’incidence des changements climatiques sur les infrastructures essentielles dans le secteur des transports. Je m’appelle Todd Ernst et je suis directeur de l’énergie et de l’environnement à l’Autorité aéroportuaire du Grand Toronto, l’organisation responsable de la gestion et de la supervision de l’exploitation générale de l’aéroport international Pearson de Toronto.
À titre de plus grand aéroport du Canada, nous nous efforçons d’être un chef de file en matière de gestion environnementale, reconnaissant ainsi l’incidence des activités aéroportuaires sur l’environnement. Dans le cadre de la stratégie environnementale de l’AAGT, nous avons lancé diverses initiatives relatives aux changements climatiques à la fois conformes à la réglementation, fondées sur des pratiques de gestion exemplaires et favorisant l’innovation pour réduire notre empreinte environnementale.
Nos initiatives de réduction de la consommation d’énergie axées sur nos cibles de réduction des gaz à effet de serre, ou GES, ont permis à l’aéroport Pearson de Toronto d’obtenir le niveau 4 du programme d’accréditation contre le carbone dans les aéroports. Notre objectif est d’atteindre la carboneutralité pour les émissions de catégories 1 et 2 d’ici 2050.
Nous reconnaissons également le rôle que joue l’aéroport Pearson de Toronto dans la protection des ressources naturelles et de l’habitat faunique entourant notre aéroport. Notre but est de réduire l’incidence de l’aéroport sur les collectivités environnantes tout en menant nos activités de manière sûre et sécuritaire. Nous créons un environnement plus sain autour de nous, notamment par l’établissement de partenariats avec les entreprises locales et les offices de protection de la nature, la surveillance de la qualité de l’air et l’utilisation accrue de véhicules électriques sur le terrain de l’aéroport, où l’AAGT possède également un rucher comptant 15 ruches d’abeilles mellifères. Cela favorise la sécurité alimentaire et l’agriculture durable dans les environs. En outre, nous avons une équipe de gestion de la faune sur place.
Pour ce qui est de nos infrastructures aéroportuaires, l’AAGT utilise le protocole d’évaluation de la vulnérabilité de l’ingénierie des infrastructures aux changements climatiques actuels et futurs. Nous avons mené de nombreuses évaluations de la résilience aux changements climatiques axées sur les infrastructures clés, ce qui s’ajoute aux autres études menées dans nos autres domaines prioritaires en environnement, notamment la carboneutralité, les émissions et l’utilisation stratégique de l’énergie.
Les évaluations et la modélisation du climat futur ont entraîné d’importants investissements dans les infrastructures, notamment quelque 19 millions de dollars pour l’agrandissement des réservoirs de stockage de l’installation de dégivrage des aéronefs en prévision du volume croissant de précipitations, d’eau de fonte et de pluie verglaçante durant la saison hivernale; 90 millions de dollars pour l’agrandissement du dalot triple à l’extrémité de la piste 05/23 en prévision de l’augmentation des précipitations de courte durée et de forte intensité; des investissements continus dans nos infrastructures de gestion des eaux pluviales pour protéger nos voisins en aval et les offices locaux de protection de la nature des répercussions de l’augmentation des précipitations, notamment les inondations localisées. Nous avons aussi fait des investissements pour la modification de nos installations de services publics centraux afin d’adapter les installations de refroidissement à la plage croissante de températures qu’on observe en périodes de pointe de chauffage et de refroidissement.
Enfin, nous assurons notre résilience énergétique lors de phénomènes météorologiques extrêmes grâce à un investissement de 150 millions de dollars dans la centrale de cogénération de 117 mégawatts. Cette centrale fournit à l’aéroport l’alimentation d’appoint souvent nécessaire lors d’événements météorologiques extrêmes qui nuisent à la stabilité du réseau, comme la pluie verglaçante ou les vents violents. La centrale de cogénération favorise notre résilience aux phénomènes météorologiques extrêmes, mais elle représente aussi notre principale source d’émissions de GES, puisqu’elle est alimentée au gaz naturel. Nous devons donc tenir compte de ce facteur dans nos efforts pour l’atteinte de la carboneutralité. En outre, nous avons participé à l’élaboration du Plan d’action climatique de l’aviation du Canada en collaboration avec diverses entités : organismes fédéraux, transporteurs aériens, services d’escale et autres aéroports.
Étant donné la fréquence accrue des phénomènes météorologiques extrêmes, nous reconnaissons qu’il nous incombe d’assurer la résilience continue de nos infrastructures pour avoir la capacité de prendre en charge le volume futur de passagers. Voilà pourquoi notre présidente-directrice générale, Mme Deborah Flint, a annoncé l’automne dernier la prochaine étape de notre plan d’immobilisations transformateur, maintenant appelé Pearson LIFT, pour « Long-term Investments in Facilities and Terminals ». Il s’agit d’un plan ambitieux visant à améliorer et moderniser nos terminaux, nos installations, nos infrastructures aériennes et l’accès au site. Ces investissements dans le plus grand aéroport du Canada contribueront à protéger et à améliorer la connectivité aérienne directe du Canada avec les économies mondiales, et à appuyer nos chaînes d’approvisionnement tout en réduisant les répercussions sur l’environnement afin de progresser vers les objectifs du Canada relatifs au climat et à la transition énergétique. Nous devrons continuer à investir davantage à mesure que nous progresserons vers la carboneutralité et que nous nous adapterons de manière continue aux bouleversements des régimes météorologiques.
Nous sommes déterminés à collaborer avec les instances gouvernementales pour assurer la résilience et la durabilité de nos infrastructures aéroportuaires pendant de nombreuses années.
Je vous remercie encore une fois de m’avoir invité à participer à cette étude. C’est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
Le président : Merci, monsieur. Je cède la parole à la vice-présidente, la sénatrice Miville-Dechêne.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Merci, messieurs, pour vos explications très détaillées. Ma question s’adresse à M. Massé.
Je sais que vous avez fait des études très poussées sur ce qu’il faut faire, mais avez-vous commencé à faire des choses?
Je m’intéresse à la question des pistes. Je ne suis pas spécialiste comme vous, mais vous dites qu’avec le réchauffement, l’asphalte va fondre ou ramollir. Que va-t-il se produire? Vous semblez dire que nos avions devraient être plus légers.
Votre collègue a parlé des investissements requis. Vous n’avez pas mentionné combien coûteront les bassins de rétention ni les investissements requis, justement. Avez-vous l’argent pour faire cela? Je crois qu’Aéroports de Montréal doit se débrouiller pour s’autofinancer.
M. Massé : Merci beaucoup, sénatrice. Effectivement, nous faisons des études; c’est un processus d’amélioration continu et une science en constante évolution. Déjà, nous avons prévu de refaire les études aux cinq ans. Nous rédigeons en ce moment le plan d’action. Je dirais que le diagnostic est plutôt positif en ce qui a trait aux infrastructures. J’ai parlé spécifiquement des bassins de rétention, qui deviennent un enjeu, parce que le drainage ne suffit déjà pas en prévision du développement de l’aéroport. De plus, il faut prévoir l’arrivée du train à grande fréquence, situé tout juste au sud de l’aéroport, ce qui pourrait augmenter les risques liés aux bassins de rétention entre l’aéroport et la gare ferroviaire.
Nous n’avons pas le chiffre exact, mais les coûts s’élèvent à des dizaines de millions de dollars. Les aéroports canadiens suivent un modèle d’utilisateur-payeur. Au moment où l’on se parle, le dollar qui serait investi dans le bassin de rétention ne va pas dans d’autres projets de développement durable, ni dans l’amélioration des services, ni dans l’ajout de portes d’embarquement, par exemple.
La sénatrice Miville-Dechêne : Qu’en est-il maintenant de tout ce qui est lié aux cellules orageuses? Vous avez parlé de six heures perdues.
M. Massé : Oui. Il faut comprendre que le tarmac, les opérations au sol et la santé et sécurité des travailleurs — et je ne parle pas seulement des travailleurs d’ADM, mais des gens qui travaillent pour les compagnies aériennes et leurs sous-traitants — sont des enjeux majeurs. C’est notre principale source d’inquiétude dans notre plan de durabilité. C’est ce sur quoi on se concentre le plus. Plus il y aura des orages électriques, plus le nombre de pannes ou d’arrêts augmentera. La solution passe par l’automatisation d’un maximum d’appareils.
C’est la technologie qui va nous amener ces solutions. Évidemment, il faut aussi une augmentation du nombre de portes d’embarquement. Il faut savoir que l’embarquement d’un avion qui se fait par autobus ou par PTV, qui est notre spécialité montréalaise, implique davantage de manœuvres dans le champ d’aviation pour qu’un passager se rende à son avion, alors qu’il y en a moins si l’avion est apponté. Cela réduit la fluidité des opérations. Ce cocktail a donc un impact sur les opérations, et ce, encore plus que sur l’infrastructure dans le cas de Montréal.
Je ne veux pas oublier les pistes.
La sénatrice Miville-Dechêne : Les pistes qui fondent.
M. Massé : Non; en fait, c’est par rapport à l’avion. Certains modèles d’avions plus lourds n’ont pas la même capacité moteur pour prendre leur envol et ont besoin de pistes plus longues, surtout s’ils sont à capacité passagers, et également bagages et cargo, car il y a de plus en plus de cargo en soute des avions de passagers. Nous avons une piste plus longue que l’autre. Pour certains modèles, sur notre piste plus courte, lors des épisodes de chaleur extrême, on risque de devoir faire du délestage. Ce sont des choses qui se font dans plusieurs aéroports.
Chez nous, à Montréal, nous n’avons pas encore eu à le faire. Un type d’avion qui doit prendre moins de poids pose un risque selon le modèle d’affaires de la compagnie aérienne, car cela implique de prendre moins de colis, ce qui représente moins de revenus, ou ultimement moins de passagers. Toutefois, on n’en est pas là. Dans le secteur du transport aérien, on a un savoir-faire. À Montréal, on n’a pas vécu ces situations, mais elles risquent de se produire à l’avenir.
La sénatrice Miville-Dechêne : Si on doit délester les avions, quel est le rapport avec les changements climatiques? Est-ce parce qu’il va faire plus chaud et que les pistes changeront?
M. Massé : Non; c’est une question de pression atmosphérique et de capacité de l’avion à prendre son envol. L’aéronef aurait besoin d’une plus longue piste pour rouler avant de prendre sa vitesse d’envol.
La sénatrice Miville-Dechêne : Merci de l’avoir précisé. Je ne sais pas si j’étais la seule à ne pas comprendre, mais c’est plus clair maintenant.
M. Massé : Cela me fait plaisir.
Le sénateur Quinn : Bienvenue, monsieur Massé et monsieur Ernst. J’ai plusieurs questions qui découleront probablement de statistiques.
[Traduction]
Vous avez parlé d’analyses, entre autres. Y a-t-il dans chacun des aéroports un registre des risques permettant d’examiner les événements potentiels, la probabilité qu’ils se produisent et leur incidence?
J’aimerais faire un rapprochement avec ce que démontrent les données historiques. Vous avez parlé d’études aux cinq ans, et je pense qu’il a été mentionné qu’à Toronto, on fait notamment des évaluations de la viabilité. Dans le contexte de la fréquence accrue de ces événements, dans quelle mesure vos prévisions d’il y a cinq ans sont-elles précises par rapport à la situation d’aujourd’hui? Je parle donc de renseignements, par exemple un registre des risques, que vous pourriez transmettre au comité pour nous donner un aperçu. Cela dit, quels étaient les résultats de l’analyse prédictive réalisée il y a cinq ans? Quelle est la situation réelle? Selon vous, comment cela évoluera-t-il, étant donné l’augmentation de la fréquence des événements?
M. Ernst : Je vous remercie. De toute évidence, les prévisions climatiques évoluent avec le temps, et nous le constatons aujourd’hui. Nos premières prévisions climatiques ont servi de référence pour la construction, par exemple, de l’infrastructure d’eaux pluviales que nous avons aujourd’hui. Nous avons fait de nouvelles prévisions récemment. Même si nous avons constaté que l’infrastructure d’eaux pluviales actuelle est suffisante pour résister à un orage à récurrence de 100 ans, ce qui est notre objectif, on constate que selon l’évolution des tendances relatives à la fréquence et à l’intensité — on parle de précipitations de courte durée et à forte intensité —, les orages auparavant considérés comme des orages à récurrence de 100 ans tendront davantage à se produire aux 30 ans. Dans ce cas, le dalot triple à l’extrémité de la piste 05/23 dont j’ai parlé, qui résiste actuellement à un orage à récurrence de 100 ans, sera insuffisant dans les années à venir.
Par conséquent, pour répondre à votre question, il est primordial d’actualiser continuellement les prévisions climatiques. La mise à jour de ces prévisions tous les trois à cinq ans nous a permis de garder une longueur d’avance. Les changements dans les prévisions n’ont pas été aussi désastreux que si nous avions refait nos prévisions pour ensuite constater que nous accusions du retard. Cela dit, il est important de revoir les prévisions de manière continue.
Le sénateur Quinn : Monsieur Massé, avez-vous un commentaire?
[Français]
M. Massé : Pour répondre à votre première question, le registre de risques existe. Il contient plusieurs risques, dont le risque de résilience lié aux changements climatiques. Dans notre mécanique de gouvernance, notre comité d’audit et de gestion de risques est le mécanisme avec lequel nous devons faire rapport de ces risques. Il y a des mécanismes de gouvernance sur la gestion de risques, y compris les changements climatiques.
Pour ce qui est de votre deuxième question, c’est une science nouvelle; je ne suis pas en mesure de vous faire part d’une étude parue il y a cinq ans, car elle n’existe pas. Nous l’avons fait et, à partir de maintenant, ce que nous savons, c’est que, vers un horizon 2050, on prévoit qu’il y aura quatre fois plus de jours de 30 degrés et plus en été. J’ai parlé de 35 degrés, qui est le seuil où l’on se questionne sur la plus courte piste; cela augmente le risque sur le plan du délestage sur cette courte piste.
Par exemple, mon collègue a parlé d’un épisode sur 100 ans ou 30 ans pour ce qui est des pluies intenses de courte durée. On prévoit une augmentation de la fréquence des événements de blizzard; on prévoit également 6 % de plus d’épisodes de pluie verglaçante entre décembre et février. Il y a des enjeux opérationnels qui résultent de tout cela.
On prévoit de 10 à 20 % de plus de jours de vent violent; là encore, il y a donc des enjeux d’opérations. On prévoit également de 7 à 8 % de plus d’événements de brouillard. On est moins dans la résilience et plus dans la visibilité pilote. Ce que l’on sait, c’est qu’entre aujourd’hui et 2050, le nombre d’occurrences de ces événements climatiques qui perturbent les opérations iront en augmentant.
Le sénateur Quinn : Comment les événements climatiques ont-ils affecté les opérations, les vols et les délais?
M. Massé : C’est épisodique. Il y a eu des moments où on a eu des arrêts complets d’opérations, mais il n’y a pas assez de données pour être en mesure d’accoler un événement à un retard en nombre d’heures. On sait que cela ira en augmentant.
[Traduction]
Le sénateur Quinn : Monsieur Ernst, avez-vous des statistiques relativement à ces événements et à leurs répercussions sur vos activités? Êtes-vous en mesure de dire si le nombre d’événements de ce genre a augmenté au cours des trois ou cinq dernières années, s’ils ont eu des répercussions sur vos activités et entraîné, par exemple, des retards ou des déroutements de vol? Avez-vous des renseignements statistiques de ce genre?
M. Ernst : Cette question s’adresse-t-elle à moi?
Le sénateur Quinn : Oui.
M. Ernst : L’interprétation a été interrompue; le son n’était pas très bon.
Je suis désolé; pourriez-vous répéter la question?
Le sénateur Quinn : Brièvement, j’aimerais savoir si vous avez des statistiques sur ces événements et sur les répercussions du nombre croissant d’événements ces dernières années sur vos activités, par exemple des retards, des déroutements de vol, etc. La situation a-t-elle empiré en raison de l’augmentation d’événements qui ont une incidence sur vos activités?
M. Ernst : Nous n’avons pas de données qui montrent une véritable corrélation entre les retards et les répercussions liées aux changements climatiques. Nous pouvons certainement dire que les orages de courte durée et de forte intensité se sont multipliés. Nous observons l’été une augmentation du nombre de périodes de canicule qui peuvent avoir une incidence sur les activités, mais je n’ai rien pour établir une corrélation directe quant à l’impact de ces phénomènes sur les activités.
Le sénateur Quinn : D’accord. Je vous remercie.
La sénatrice Simons : Je dois vous dire, puisque j’habite à Edmonton et que je fais la navette avec Ottawa, que j’ai l’habitude de voyager dans vos aéroports respectifs. Monsieur Ernst, vous n’avez peut-être pas de statistiques, mais il m’est arrivé souvent d’être restée prise dans un avion sur l’une de vos deux pistes en raison du mauvais temps.
Vous avez parlé de la résilience des infrastructures physiques. J’aimerais parler brièvement de la capacité de l’aéroport en matière de gestion de crise, par exemple lorsque des gens sont coincés dans un avion sans possibilité de descendre de l’appareil, sans eau ni nourriture, sans accès à des toilettes fonctionnelles. Il me semble que c’est arrivé dans tous les aéroports. Lors de leur comparution, les représentants de l’Administration aéroportuaire de Vancouver ont parlé des leçons tirées de la tempête de neige apocalyptique de 2022 et de l’ensemble des mesures qui ont été prises pour composer avec de telles situations d’urgence.
Je me demande si chacun d’entre vous peut me dire quelles mesures sont prises, dans vos aéroports respectifs, pour veiller à ce que les passagers qui sont surpris par le mauvais temps... Je suis consciente qu’il est difficile, dans bien des cas, de faire sortir les gens d’un aéronef au cours d’un orage. Je comprends parfaitement, mais à un moment donné, il y aura une catastrophe au Canada : quelqu’un dans un avion fera un arrêt cardiaque, subira un AVC ou commencera à avoir des contractions, et nous n’aurons aucun moyen de secourir ces personnes, puisqu’elles seront prises en otage en raison du manque de personnel au sol, du manque de portes d’embarquement et du mauvais temps.
Pourriez-vous me dire, tous les deux, quelles mesures sont prises dans vos aéroports respectifs pour tenter de minimiser, pour les passagers, le coût humain des changements climatiques?
M. Ernst : Je vous remercie de la question. Après un phénomène météorologique extrême, ou tout autre événement ayant une incidence sur les activités et entraînant des retards, nous effectuons des analyses rétrospectives pour déterminer ce qui s’est passé et ce qui peut être amélioré pour prévenir ou atténuer le problème.
L’industrie aérienne a affronté d’importants défis au fil du temps, en particulier au sortir de la pandémie. Je suis fier de dire qu’au cours de la dernière année, l’aéroport Pearson de Toronto a connu une hausse significative du volume de passagers et de son rendement, ce qui est en grande partie attribuable à l’auto‑analyse, aux analyses rétrospectives et aux bilans. Plus particulièrement, l’aéroport a connu un excellent rendement durant les vacances hivernales. Cela ne veut pas dire que tout est toujours parfait. Il y a des événements à gérer, mais nous faisons des analyses rétrospectives.
La sénatrice Simons : Il faisait très doux à Noël. Tout le monde a fait du bon travail à Noël parce qu’il n’y avait pas de neige, mais il y a un mois, lors de l’importante chute de neige à Toronto, des collègues sont restés cloués au sol à l’aéroport Pearson pendant quatre ou cinq heures et n’ont pas pu partir. À Ottawa, sur mon vol — un vol Porter d’Ottawa à Edmonton —, aucun des passagers n’a pu partir d’Ottawa, étant donné que tous les avions étaient cloués au sol à Ottawa parce qu’ils ne pouvaient pas se rendre à Toronto. Ensuite, mon équipage a terminé son quart de travail. Je suis donc restée coincée dans un avion sur le tarmac d’Ottawa pendant cinq heures à cause des problèmes à Toronto. À votre place, je ne me targuerais pas trop d’avoir fait de l’excellent travail à Noël, parce qu’il n’y avait pas de neige.
Monsieur Massé, pouvez-vous me parler de ce que vous faites pour aider cette pauvre clientèle?
[Français]
M. Massé : Je vous remercie pour la question. La chaîne logistique d’un aéroport est extrêmement complexe.
La sénatrice Simons : Comme des dominos.
M. Massé : Exactement. Ultimement, une fois dans l’avion, le ou la pilote est maître à bord. Donc, une fois que l’avion est apponté et que les passagers sont à bord, ou même une fois que l’avion quitte le pont pour rester ensuite sur le tarmac, cela demeure la responsabilité du ou de la pilote, qui est maître à bord.
À Montréal, nous avons une directive indiquant qu’après un maximum de 90 minutes, nous devons envoyer des équipes pour ouvrir les portes.
La sénatrice Simons : Vraiment?
M. Massé : Oui.
La sénatrice Simons : J’ai été dans un petit avion à votre aéroport durant cinq ou six heures, sans eau ni rien à manger, rien du tout. Je suis en bonne santé, ce n’est pas grave, mais pour les autres, c’était plus dur.
M. Massé : Je comprends très bien et je suis vraiment désolé que vous ayez eu à vivre cela ainsi que les autres passagers, mais nous avons une directive indiquant qu’après 90 minutes, nous nous rendons sur place, puis nous nous occupons des relations avec la compagnie aérienne. Nous considérons que c’est notre rôle d’autorité de protecteur de l’usager, du passager, à un moment donné, d’intervenir et de nous occuper des démarches par la suite auprès de la compagnie aérienne.
La sénatrice Simons : Cela me plaît; merci beaucoup.
M. Massé : Malheureusement, je ne dis pas que cela n’arrivera plus. Vous avez raison : à Noël, ça s’est bien passé, car il n’y avait pas suffisamment de neige — malheureusement —, mais c’est très complexe. Je ne veux pas mettre tout cela sur le dos des compagnies aériennes, car nous servons le passager tous ensemble. Cependant, à Montréal plus particulièrement, nous avons cette directive de 90 minutes.
La sénatrice Simons : Merci beaucoup.
La sénatrice Clement : Bonjour à nos témoins et merci pour votre témoignage.
Monsieur Massé, ce qui m’intéresse, c’est la collaboration par rapport à cette question des changements climatiques, les désastres, les réactions.
[Traduction]
Tout le monde doit mettre la main à la pâte.
[Français]
C’est l’impression que j’ai, d’après les témoignages que l’on a reçus jusqu’à maintenant.
[Traduction]
Or, ce n’est absolument pas le cas.
[Français]
Les gens des différents ordres de gouvernement travaillent en silo et la collaboration ou la communication sont absentes.
Vous avez mentionné dans votre témoignage que vous avez fait de la planification jusqu’à 2050. Qui s’occupe de cette planification? Êtes-vous en contact avec les municipalités, avec le gouvernement provincial? Les questions de drainage concernent le provincial, le fédéral, le municipal; il y a de tout. Comment trouvez-vous cela? Comment peut-on améliorer la collaboration?
M. Massé : Merci beaucoup. La planification jusqu’à 2050 est vraiment liée à la résilience aux changements climatiques. Je ne parle pas d’une planification aéroportuaire jusqu’à 2050. Donc, pour la résilience aux changements climatiques, la planification va jusqu’à 2050 et on renouvellera l’exercice aux cinq ans.
En ce qui concerne le plan directeur — nous sommes d’ailleurs en train de le faire à Montréal, tout le monde a des dates différentes et on doit remettre le plan au ministre à la fin de 2024 —, Transports Canada nous demande une planification sur 20 ans que nous révisons aux 10 ans. Nous sommes en train de la faire présentement.
La sénatrice Clement : Vous, l’aéroport?
M. Massé : Oui; sur nos deux sites, en fait, Mirabel et Dorval, car chacun aura son plan.
En ce qui concerne la collaboration, ce que vous dites est essentiel. La collaboration sur le site aéroportuaire est une chaîne complexe qui comprend l’autorité aéroportuaire, des joueurs privés, des agences gouvernementales, des compagnies aériennes et des sous-traitants. Donc, la collaboration interne sur le site est extrêmement importante. Avant la pandémie — et on veut relancer cela —, on a instauré une culture de service au sein de la communauté aéroportuaire, même si nous travaillons tous pour des employeurs différents.
Ensuite, je dirais qu’on a une très bonne relation avec chacun des gouvernements. Le modèle des opérateurs canadiens fait en sorte que nous sommes des OSBL issus de la communauté, donc nous sommes redevables à Transports Canada tant pour la réglementation que pour le bail.
On est en relation avec les deux autres ordres de gouvernement en raison de notre rôle d’acteur de développement économique et de l’accès à l’aéroport avant d’arriver sur le site aéroportuaire, par exemple dans le cas du ministère des Transports. Là, effectivement, sur la question des champs de compétence, est-ce qu’un gouvernement provincial ou municipal, s’il a un dollar à investir, l’investira dans un aéroport, un parc, une route ou le transport en commun? Il y a de la concurrence, évidemment; l’argent se fait rare et les besoins sont grands.
Cependant, à Montréal, on cherche à travailler ensemble. Il y a eu des épisodes plus difficiles, mais tout le monde a rapidement fait le constat, par exemple, qu’on est un aéroport urbain et qu’on est au cœur de la ville, et donc qu’il faut une meilleure collaboration et un meilleur accès à l’aéroport. Il faut que tout le monde y mette du sien, car on n’a pas la compétence sur les autoroutes avant d’arriver à l’aéroport, par exemple. Même si on n’a pas compétence sur le transport en commun, mis à part une subvention de 100 millions pour la station du REM — donc le nouveau système de transport en commun, le nouveau métro de surface —, c’est nous qui le payons, alors que cela relèverait normalement du gouvernement du Québec.
La sénatrice Clement : C’est complexe.
M. Massé : C’est très complexe.
La sénatrice Clement : Je n’ai pas toujours l’impression qu’il y a une réponse facile à tout cela.
[Traduction]
Monsieur Ernst, vous avez parlé du protocole d’évaluation de la vulnérabilité de l’ingénierie des infrastructures. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet? Cela fait-il partie de votre planification stratégique? Je dois mieux comprendre en quoi consiste la bête.
M. Ernst : Avec plaisir. Le protocole du Comité sur la vulnérabilité de l’ingénierie des infrastructures publiques, ou CVIIP, a été élaboré au Canada dans le but d’évaluer la vulnérabilité des infrastructures ou les risques pour les infrastructures associés aux changements climatiques. Nous recourons à la modélisation climatique pour évaluer les risques et répercussions possibles sur les infrastructures attribuables à divers changements des conditions météorologiques et planifier nos actions en conséquence.
La sénatrice Clement : Rappelez-moi... Est-ce tout le monde qui utilise cette norme, ou seulement les aéroports? J’essaie de comprendre comment cela fonctionne à l’échelle nationale.
M. Ernst : Je ne sais pas s’il s’agit d’une norme obligatoire. À ma connaissance, elle est très largement utilisée dans le secteur des infrastructures. Elle n’est pas conçue spécifiquement pour les aéroports, mais elle est axée sur les grandes infrastructures.
La sénatrice Clement : Je vois.
[Français]
Monsieur Massé, aimeriez-vous faire un commentaire là‑dessus?
M. Massé : Malheureusement, c’est une norme d’ingénierie, comme M. Ernst l’a mentionné, et ce n’est pas lié spécifiquement aux aéroports. Je ne suis pas en mesure de savoir quelles normes nos consultants utilisent.
[Traduction]
La sénatrice Dasko : Je remercie la présidence. Merci aux témoins d’être présents aujourd’hui.
Monsieur Ernst, m’entendez-vous?
M. Ernst : Oui, je vous entends.
La sénatrice Dasko : Monsieur Massé, je crois savoir que vous avez tous les deux indiqué que vous visez la carboneutralité d’ici 2050. Avez-vous des jalons intermédiaires pour l’atteinte de cette cible? Comment établissez-vous vos objectifs?
Avez-vous des objectifs intermédiaires, par exemple une réduction cible pour 2030, puis pour 2040, etc.? Avez-vous de telles cibles? Le cas échéant, pourriez-vous expliquer comment cela fonctionne, s’il vous plaît?
M. Ernst : Dans notre cas, nous avons arrimé nos cibles à celles du GIEC des Nations unies, à savoir sa cible intermédiaire de 45 % de réduction par rapport à la base de référence de 2010 d’ici 2030. C’est la cible la plus proche sur laquelle nous travaillons actuellement.
La sénatrice Dasko : Par qui ces cibles ont-elles été établies?
M. Ernst : Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat des Nations unies.
La sénatrice Dasko : Je vois. Monsieur Massé, avez-vous les mêmes cibles et les mêmes échéances? Non?
M. Massé : Non. Ce qui nous aide, de notre côté, c’est la décision historique du Québec de développer l’hydroélectricité dans les années 1960 et 1970. Cela nous facilite la tâche pour nos premières cibles de réduction.
Nous nous approchons des réductions résiduelles. Notre objectif est d’atteindre moins 86 % d’ici 2030 et moins 98 % d’ici 2040.
Pourquoi ne pouvons-nous pas aller plus vite? Essentiellement, c’est à cause de l’hiver. Nous avons besoin d’équipement de déneigement, qui n’est pas encore électrifié. Nous travaillons aussi au développement de nouvelles sources d’énergie, notamment l’électrification des transports ou l’hydrogène. Pour le moment, nous utilisons des biocarburants ou du gaz naturel renouvelable lorsque c’est possible.
La sénatrice Dasko : Merci. Monsieur Ernst, vous avez parlé des mesures que vous prenez pour réduire les émissions, notamment la cogénération, les infrastructures des eaux pluviales, les véhicules électriques, etc. Quand on pense aux émissions de carbone des avions qui utilisent vos aéroports, il est difficile de comprendre à quel point ce genre de mesures peuvent avoir une incidence sur ces émissions.
Pourriez-vous nous dire quelles mesures parmi celles que vous prenez sont les plus efficaces? Lesquelles réduisent le plus les émissions de carbone?
De plus, quel genre d’investissements devrez-vous faire pour aller de l’avant et réduire les émissions de carbone? Prévoyez-vous de faire des investissements qui accéléreront le processus et qui entraîneront de réels changements?
Je ne dis pas que ces mesures n’ont pas d’incidence sur la réduction des émissions, mais j’essaie de comprendre quelles mesures sont les plus importantes et les plus efficaces pour réduire les émissions de carbone.
M. Ernst : Oui. Je vous remercie; c’est une bonne question.
Les installations que possèdent et exploitent les aéroports sont essentiellement des petites villes. Bien que ces émissions soient importantes — et c’est le fondement de nos objectifs associés aux émissions de portées 1 et 2, et à la carboneutralité —, lorsqu’on les compare aux émissions de l’aviation, elles sont d’un ordre de grandeur tout à fait différent.
C’est pourquoi nous travaillons à l’élaboration d’initiatives de réduction des émissions de portée 3, notamment pour aider les compagnies aériennes dans leurs efforts de réduction des gaz à effet de serre.
En ce qui concerne les répercussions les plus importantes pour l’aéroport, les émissions de portées 1 et 2, les mesures que nous prenons actuellement dans le cadre du programme Pearson LIFT sont axées sur le court terme. L’initiative la plus efficace à court terme vise la réduction des émissions de gaz à effet de serre associées à la combustion du gaz naturel pour les installations de chauffage. Nous sommes en train de passer à la technologie des thermopompes pour délaisser le gaz naturel. En gros, cette initiative nous permettra de réduire du tiers nos émissions totales de portée 1 et de portée 2.
Cela dit, sur le plan du tonnage total, les mesures les plus efficaces sont celles qui nous permettent d’aider nos partenaires du secteur de l’aviation à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Par exemple, nous fournissons des groupes électrogènes de parcs et des groupes de traitement de l’air, comme le font de nombreux aéroports, pour les aéronefs aux portes d’embarquement afin qu’ils ne fassent pas tourner leurs moteurs. Nous avons des initiatives comme la prise de décisions en collaboration avec les aéroports pour aider à améliorer l’efficacité des mouvements d’aéronefs à destination et en provenance des aéroports.
Pearson a également établi un partenariat avec NAV Canada dans le cadre d’une initiative sur la qualité de navigation requise à autorisation obligatoire visant à améliorer les trajectoires de vol à destination et en provenance de l’aéroport. Cette initiative a permis de réduire les émissions. Je n’ai pas le chiffre exact sous les yeux, mais c’est de l’ordre de centaines de milliers de tonnes, ce qui est déjà supérieur au total des émissions de gaz à effet de serre de l’aéroport de Toronto.
La sénatrice Dasko : C’est très intéressant. Ce sont des partenariats avec les compagnies aériennes, en vue de réduire les émissions?
M. Ernst : Oui. Nous travaillons également avec eux à la mise en place de notre réseau de bornes de recharge pour véhicules électriques, par exemple, pour offrir des bornes de recharge pour véhicules électriques sur le côté piste. À l’heure actuelle, nous avons environ 80 chargeurs pour les véhicules à bagages que vous voyez sur l’aire de trafic. C’est ce que nous appelons du matériel de service au sol. Alors que les manutentionnaires au sol et les compagnies aériennes font la transition vers l’électrification des équipements, nous travaillons à étendre ce réseau de bornes de recharge pour véhicules électriques.
La sénatrice Dasko : Merci. Monsieur Massé, voulez-vous ajouter quelque chose au sujet des partenariats avec les compagnies aériennes et de la façon dont...
[Français]
M. Massé : Votre constat touche l’impact des émissions de catégorie 3, comparativement aux émissions de catégories 1 et 2. Évidemment, notre impact le plus grand, c’est sur les émissions de catégories 1 et 2. Pour les émissions de catégorie 3, bien sûr, il y a les avions, et l’industrie aérienne s’est engagée à la carboneutralité d’ici 2050. De notre côté, 40 % des émissions de catégorie 3 viennent des avions.
L’autre gros morceau, c’est tout ce qui concerne l’arrivée et le départ de l’aéroport; c’est pourquoi nous avons investi dans le transport en commun, pour que nos passagers et nos employés utilisent des transports décarbonés pour se rendre à l’aéroport. On peut aussi offrir une alternative ferroviaire électrique, comme le projet de train entre Québec et Windsor qui permettrait de réduire les vols entre Montréal et Toronto, par exemple. L’avenir de l’aéroport de Montréal n’est pas de revenir à 50 vols quotidiens entre Montréal et Toronto. Nous, comme aéroport, disons oui à un train le plus rapide possible.
De plus — et ici, le gouvernement fédéral peut jouer un rôle —, nous avons le site de Mirabel qui est un joyau industriel et aéronautique où est assemblé l’avion le plus performant écologiquement, l’Airbus A220. C’est une plateforme où nous pourrions avoir de l’investissement sur l’innovation. Le gouvernement du Québec a un programme de zones d’innovation et le gouvernement du Canada pourrait également investir dans l’innovation dans l’aéroportuaire et dans l’aérien pour développer des équipements qui résistent aux températures canadiennes et se dirigent vers l’automatisation. C’est là où le gouvernement pourrait jouer un rôle : dans l’innovation dans les aéroports.
[Traduction]
La sénatrice Dasko : Merci.
Le président : Sénatrice Simons, vous êtes notre dernière intervenante pour cette deuxième série. Vous disposez de trois ou quatre minutes.
La sénatrice Simons : J’ai parlé des passagers, mais comme l’a dit M. Massé, le transport des marchandises représente une énorme partie des activités de ces deux aéroports.
Pourriez-vous nous parler de la logistique, de la chaîne d’approvisionnement et des conséquences des phénomènes météorologiques violents et inattendus sur le transport des marchandises, notamment sur le chargement et le déchargement à partir des avions?
M. Ernst : Je n’ai pas cette information avec moi. Je pourrais vous la transmettre avec plaisir.
La sénatrice Simons : Nous vous en serions très reconnaissants.
[Français]
M. Massé : Les deux sites aéroportuaires de Mirabel et Dorval ne sont pas de grands joueurs en matière de cargo dans la logistique canadienne. Le cargo transite davantage par le port ou par camion, par exemple de Hamilton, en Ontario. Il y a présentement plus de cargo à Dorval, à YUL, dans la soute des avions passagers qu’il y en a dans les avions tout cargo à Mirabel. C’est une vocation qui n’est pas encore très importante sur les deux sites, car sur le plan de l’intermodalité notamment, le chemin de fer près de Dorval est plutôt destiné au transport de passagers et aucune voie ferrée ne passe à proximité de Mirabel. Tout doit donc être transporté par camion.
La sénatrice Simons : La vocation de Mirabel est-elle uniquement le cargo?
M. Massé : Il n’y a plus de passagers à Mirabel. Les avions qui atterrissent à Mirabel sont uniquement pour le cargo. Mirabel est un parc industriel bien plus qu’un aéroport tout cargo. Airbus s’y trouve, avec tout ce qui l’entoure. Il y a du tout cargo à Mirabel qui doit ensuite transiter par camion, car la voie ferrée ne passe pas par Mirabel.
[Traduction]
La sénatrice Simons : Donc, la météo n’est pas un enjeu?
M. Massé : La météo n’est pas un enjeu. Comme le transport fait partie des activités de l’aéroport de Montréal, c’est plutôt une question de liaison. À partir de l’aéroport Dorval, nous avons un lien avec l’Asie, parce que la compagnie aérienne peut remplir les avions de homard frais de la Nouvelle-Écosse, qui est populaire chez les Asiatiques.
Ce n’est pas une question de météo, mais plutôt d’installations.
La sénatrice Simons : D’accord.
M. Massé : C’est plutôt une question d’installations. Nous n’avons pas de chemins de fer près des aéroports.
La sénatrice Simons : Je connais mieux la ville d’Edmonton, où le transport des marchandises est très important... et Vancouver également.
M. Massé : Non.
La sénatrice Simons : Merci beaucoup.
[Français]
Le président : Monsieur Massé, monsieur Ernst, merci pour votre présence ici aujourd’hui et merci d’avoir répondu à nos questions et partagé votre expérience.
Honorables sénatrices et sénateurs, nous poursuivons notre étude sur l’incidence des changements climatiques sur les infrastructures de transport des Grands Lacs et du Saint-Laurent avec notre deuxième groupe de témoins. Ce soir, nous accueillons par vidéoconférence Hugues Paris, vice-président, Développement durable, Administration portuaire de Québec.
[Traduction]
Se joignent également à nous par vidéoconférence les représentants de l’Association du camionnage de l’Ontario : le président et directeur général, Stephen Laskowski; le président, James Steed; et le vice-président principal des politiques, Geoffrey Wood. Nous vous souhaitons la bienvenue et vous remercions de vous joindre à nous ce soir.
Nous allons commencer par entendre le discours préliminaire de M. Paris, puis nous entendrons M. Wood, qui prendra la parole au nom de l’Association du camionnage de l’Ontario. Mes collègues vous poseront ensuite des questions.
[Français]
Monsieur Paris, vous avez la parole.
Hugues Paris, vice-président, Développement durable, Administration portuaire de Québec : Je tiens d’abord à vous remercier de l’occasion qui nous est offerte de comparaître devant ce comité sénatorial permanent. Je suis Hugues Paris et je représente aujourd’hui le port de Québec à titre de vice-président, Développement durable.
Le Canada dispose des plus longues lignes côtières au monde. Ses voies navigables intérieures sont aussi parmi les plus grandes de la planète, notamment en raison de la présence du corridor Saint-Laurent—Grands Lacs. Ce corridor permet de rejoindre un marché de plus de 100 millions de consommateurs situés dans le Midwest américain et passant par l’axe canadien Québec-Montréal-Toronto.
Durant cette importante phase de transition qui s’opère vers des économies décarbonées, le système Saint-Laurent—Grands Lacs et l’Est du Canada peuvent se démarquer de la côte Est américaine non pas par le volume de marchandises transbordées, mais en montrant davantage de résilience et en accélérant la mise en place de corridors maritimes décarbonés de plus en plus recherchés par les consommateurs. Les perturbations climatiques politiques et sociales sont appelées à s’intensifier, et l’une des meilleures façons de garantir la pleine autonomie des Canadiennes et des Canadiens est de se doter d’une vision maritime plus intégrée de l’axe Saint-Laurent—Grands Lacs.
Il faut d’abord noter que la sensibilité croissante des consommateurs aux effets des changements climatiques influence leur comportement. Les consommateurs recherchent des produits avec l’empreinte carbone intégrée la plus faible possible. Il en résulte donc que l’optimisation des distances entre les lieux de production et de consommation, ainsi que le choix des moyens les plus efficients pour le transport des produits ou des commodités, deviennent des incontournables pour bien planifier nos chaînes d’approvisionnement.
Le port de Québec présente des atouts indéniables à cet égard, car c’est le dernier port en eaux profondes sur le système Saint‑Laurent—Grands Lacs se trouvant le plus près de ce marché de 100 millions de consommateurs. Le succès du port de Québec repose sur son modèle d’affaires où convergent les laquiers et les navires de classe océanique, optimisant à la fois les coûts de transport et les émissions de gaz à effet de serre. Ce concept de trajectoire optimisée de réduction des GES fait écho aux émissions évitées par l’utilisateur final lors de l’usage d’un produit ou d’un service.
Il faut aussi revenir à la base quand on parle d’infrastructures. Le port de Québec est l’un des plus vieux en Amérique du Nord. La moitié de ses quais sont maintenant centenaires et fabriqués à l’ancienne à l’aide de vieux caissons de bois. Le port de Québec, à lui seul, aura besoin de plus de 400 millions de dollars au cours des 10 prochaines années seulement pour espérer maintenir ses capacités commerciales actuelles.
À ces besoins de base de maintien d’actifs s’ajoutent, bien entendu, des impératifs liés à la décarbonation et au climat. Pour n’en nommer que quelques-uns, notons en premier lieu une gestion de la dégradation accélérée des infrastructures causée par les changements climatiques.
Deuxièmement, des investissements additionnels sont requis pour s’adapter aux changements climatiques. Troisièmement, il y a une nécessité de se doter de nouveaux actifs pour l’approvisionnement électrique des navires à quai. Quatrièmement, on a besoin de nouvelles capacités de stockage pour les carburants maritimes renouvelables. Enfin, il faut une meilleure gestion de l’énergie, ce qui implique aussi une capacité éventuelle d’autoproduction de cette énergie électrique que l’on sait de plus en plus rare.
Le Canada et les acteurs du système Saint-Laurent—Grands Lacs ont le devoir de trouver leur propre voie pour assurer l’autonomie, accentuer la résilience et maintenir la compétitivité de leurs chaînes d’approvisionnement dans un monde qui subit de profonds changements. Voici quelques éléments essentiels à intégrer dans cette réflexion.
D’abord, il faut trouver des mécanismes efficaces pour soutenir le réinvestissement dans le maintien des actifs maritimes et portuaires. La qualité des infrastructures portuaires est un élément qui est remarqué par les multiples visiteurs qui fréquentent Québec, ville de l’UNESCO, et son port qui est situé en plein cœur de la ville. Ces mêmes actifs sont d’autant plus importants qu’ils servent aussi à protéger les collectivités et la biodiversité des effets du réchauffement climatique.
De plus, il faut accélérer la mise en œuvre de programmes spécifiques de modernisation des infrastructures maritimes et portuaires pour faire face à la transition énergétique. Le programme de corridors maritimes verts, dont vous avez sans doute entendu parler, est un bon point de départ, mais il est insuffisant pour surmonter les défis actuels.
Enfin, il est nécessaire d’utiliser les meilleures caractéristiques et les meilleurs attributs de l’ensemble des acteurs de la chaîne logistique pour avoir une vision systémique et assurer l’agilité, la fluidité et la résilience de nos chaînes d’approvisionnement. Ce sont des éléments comme la créativité et la collaboration qui feront la différence, autant pour assurer la sécurité des approvisionnements des Canadiens que pour pérenniser cette attractivité que nous aurons sur la scène internationale.
En conclusion, nos chaînes d’approvisionnement sont toujours critiques et le transport maritime y occupera toujours une place prépondérante. Pour nous démarquer, il faudra certes investir, mais aussi accélérer nos apprentissages et nous doter d’une vision ambitieuse sur la destination, tout en maintenant une grande agilité dans l’action. La santé du corridor maritime Saint‑Laurent—Grands Lacs en dépend.
Merci.
Le président : Merci, monsieur Paris.
[Traduction]
Je vais maintenant céder la parole à Geoffrey Wood. Vous avez la parole, monsieur.
Geoffrey Wood, vice-président principal, Politiques, Association du camionnage de l’Ontario : Merci, monsieur le président. Bonsoir à tous. C’est un plaisir d’être ici ce soir pour témoigner devant le comité au nom de l’Association du camionnage de l’Ontario.
Comme il a été mentionné, je m’appelle Geoff Wood et je suis vice-président principal des politiques. Mon exposé se centrera sur l’étude dont est saisi le comité, sur la façon dont elle recoupe certains secteurs de l’industrie du camionnage de l’Ontario et sur la façon dont nos membres sont mobilisés.
Je suis également accompagné de notre président, James Steed, de Steed Standard Transport, de Stratford, en Ontario, et de notre président et directeur général, Stephen Laskowski. Une fois que j’aurai terminé ma déclaration préliminaire, nous serons heureux de répondre aux questions des membres du comité.
Je vais commencer par vous parler un peu de l’Association. Nos membres comptent des flottes de camions qui desservent tous les secteurs de l’économie en Ontario et qui exercent leurs activités dans toutes les collectivités reliées par la route. Notre association est composée d’environ 800 entreprises de camionnage qui exploitent plus de 50 000 camions et emploient un peu plus de 100 000 Ontariens. Bien que nos membres se concentrent principalement sur le transport routier de marchandises, un certain nombre d’entre eux interagissent avec les modes de transport maritime en passant par les ports le long de la voie maritime du Saint-Laurent et offrent des services du dernier kilomètre aux diverses chaînes d’approvisionnement de la province de l’Ontario.
Puisque le comité se centre principalement sur les Grands Lacs, la voie maritime du Saint-Laurent et les répercussions des changements climatiques et des conditions météorologiques imprévisibles, en particulier sur les activités portuaires, nous sommes heureux de vous donner un aperçu de la situation dans le secteur du camionnage et des interactions avec les modes de transport maritime.
Pour commencer, je crois qu’il est important de comprendre que le secteur du camionnage et le secteur maritime travaillent en étroite collaboration en ce qui a trait au transport. Nos membres sont responsables du transport des marchandises, et lorsqu’il est logique de les transporter par voie maritime ou intermodale ou lorsqu’ils peuvent travailler avec les exploitants portuaires et leurs partenaires de la chaîne d’approvisionnement dans l’espace maritime, ils sont heureux de le faire et cherchent constamment des occasions de le faire.
D’après les conversations que nous avons eues jusqu’à présent avec nos membres au sujet du transport maritime, je pense qu’il n’y a pas de façon universelle dont le camionnage et le transport maritime fonctionnent ensemble, mais il y a un certain nombre d’occasions à saisir, et nous serions heureux de vous donner quelques exemples en ce sens et de vous parler de la façon dont notre association peut contribuer à l’étude.
Nous avons discuté ce matin en groupe de ce qui, à notre avis, serait utile pour le comité, notamment en ce qui a trait au transfert modal et aux tendances opérationnelles. À ce jour, nous n’avons pas constaté de changement énorme dans les modèles de transport de marchandises en fonction du climat ou des conditions météorologiques. Nous pensons qu’il y aura des occasions d’aborder la question dans l’avenir.
Ce que je dirais au sujet des conditions météorologiques, de la glace et de ce que nous apprenons sur le système de la voie maritime et la façon dont la glace se forme, c’est qu’il s’agit de la première année où il est possible d’exploiter la voie maritime à temps plein. C’est ce que nous ont dit certains de nos membres qui sont fortement engagés dans l’espace portuaire et ce que nous ont dit les exploitants portuaires. Je crois donc que l’étude arrive à point nommé, et que nous en sommes à une période où nous pouvons tirer des leçons pour l’avenir.
En ce qui a trait à la météo et au réchauffement des lacs, il serait possible d’aborder certains enjeux au début ou à la fin de la saison d’arrêt. Nous comprenons que les conditions météorologiques ne sont pas le seul facteur qui limite le fonctionnement de la voie maritime. Selon ce que nous comprenons, il y a des arrêts d’entretien pendant l’hiver, ce qui empêcherait la circulation des navires et, par conséquent, leur entrée dans les ports et leur interaction avec l’industrie du camionnage.
Nous comprenons que la profondeur de l’eau est un facteur important et que les tempêtes peuvent entraîner des difficultés dans les canaux qui ont été dragués. Nous comprenons que le camionnage peut jouer un rôle de facilitation dans les cas où il y a des surplus dans certaines régions et des pénuries dans d’autres. Le camionnage peut jouer un rôle en aidant le secteur maritime à livrer la marchandise dans la chaîne d’approvisionnement. Nos membres sont très engagés à cet égard et abordent la situation avec beaucoup de souplesse.
Nous croyons aussi qu’il est important de comprendre la quantité de travail qui s’est faite dans le domaine de la planification des transports de la province de l’Ontario, en particulier dans le cadre de la Stratégie ontarienne relative au transport maritime, que plusieurs d’entre vous connaissent, je crois. Il a fallu beaucoup de travail pour rencontrer les intervenants de l’industrie et les municipalités afin de comprendre comment l’espace intermodal peut fonctionner, en particulier pour le camionnage et le transport maritime. C’est un processus continu, et il se poursuivra. L’Association du camionnage de l’Ontario y participera.
Sur le plan de l’infrastructure routière, l’imprévisibilité des conditions météorologiques ou même le réchauffement créent de meilleures conditions. Des hivers plus doux signifient moins de neige et de glace sur les routes. Dans le domaine du camionnage, cela se traduit par une plus grande prévisibilité et une plus grande fiabilité du système. Nous pouvons ainsi exploiter ce que nous appelons les véhicules articulés allongés, qui sont un outil pour réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre.
Il y a un réchauffement et, dans certains cas, les conditions routières sont meilleures. Dans d’autres, c’est un défi. On a fait beaucoup de travail dans le contexte ontarien en vue de pallier l’imprévisibilité et de fournir des renseignements en temps réel à la chaîne d’approvisionnement et aux automobilistes, en particulier par l’entremise de l’application Ontario 511. Par exemple, toutes les déneigeuses de la province sont maintenant dotées d’un système de localisation GPS en vertu des contrats d’entretien par secteur. Ce système fournit des renseignements en temps réel et une foule d’autres outils pour la chaîne d’approvisionnement, et il est donc très utile.
Pour conclure au sujet de l’entretien des routes en hiver, par l’entremise du Conseil privé, des travaux sont en cours sur la question des obstacles au commerce interprovincial. Avec nos partenaires des associations provinciales, nous avons déterminé qu’il s’agissait d’une question à étudier pour l’avenir, la prémisse étant que des normes plus élevées d’entretien des routes en hiver signifient une chaîne d’approvisionnement plus fiable.
Puisque nous croyons comprendre que le comité s’intéresse également à la question, nous allons vous donner quelques exemples de phénomènes météorologiques extrêmes ou d’enjeux qui ont une incidence sur les infrastructures. Par le passé, nous avons eu recours à ce que nous appelons le programme des marchandises en transit des États-Unis dans les cas où la redondance était limitée dans certaines régions. Ce programme permet au fret canadien de transiter par certaines parties des États-Unis pour se rendre à destination. Le programme a très bien fonctionné, notamment lors des récents événements météorologiques de la Colombie-Britannique. Le gouvernement du Canada a travaillé en étroite collaboration avec l’industrie et ses homologues américains pour permettre le recours au programme.
En ce qui a trait au réseau routier national, nous avons parlé de la nécessité d’améliorer les aires de repos, qui sont utilisées pour permettre aux camionneurs de prendre leurs pauses obligatoires pendant leurs heures de service.
La dernière question d’intérêt pour le comité concerne les perturbations locales et la façon dont elles seraient gérées. Comme nous l’avons mentionné plus tôt, l’industrie du camionnage fait preuve d’une grande souplesse et est prête à travailler avec le secteur maritime dans le domaine du transport intermodal au besoin. Il faut toutefois garder en tête que les heures de service des camionneurs sont réglementées, et qu’il y a des périodes de repos obligatoires. C’est un autre facteur à prendre en compte sur le plan local.
J’ai couvert une foule de sujets. J’en suis maintenant à la fin de ma déclaration préliminaire, monsieur le président. Je tiens encore une fois à remercier le comité de m’avoir donné l’occasion de prendre la parole. Je serai heureux de répondre à vos questions avec mes collègues.
Merci.
Le président : Merci, monsieur.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Monsieur Paris, est-ce que les infrastructures critiques comme le port de Québec sont prêtes pour ce qui s’en vient avec les changements climatiques? On pense ici à des événements de météo extrêmes. Face à cela, vous dites que les installations sont vieillissantes. La moitié des quais doivent être remplacés, et on parle de 400 millions de dollars d’investissement. Si je comprends bien, en ce moment, le port de Québec n’a pas la capacité de penser à un avenir plus difficile, car il doit réparer des infrastructures vieillissantes.
Ma deuxième question porte sur l’électricité, car elle a un lien les perturbations qu’il peut y avoir dans la météo. Vous parliez d’autoproduction. C’est la première fois qu’on entend parler de cela dans notre étude. Qu’est-ce que vous voulez dire par là? Commençons par les infrastructures vieillissantes et le fait qu’au contraire, il me semble qu’on s’attend à ce que vous soyez dans un mode de préparation en vue de faire à ces événements extrêmes.
M. Paris : Merci pour la question. Je dirais que nous avons effectivement hérité d’un déficit d’entretien important. On sait que les administrations portuaires existent depuis un peu plus de 20 ans. Déjà, au moment où la Loi maritime du Canada a été adoptée, nous avons hérité d’un déficit d’entretien.
Vous connaissez un peu le modèle d’affaires des ports. Le port doit générer ses propres bénéfices d’exploitation. Il ne reçoit pas de subventions pour ses opérations. C’est important pour lui de faire ses propres profits. Nous sommes officiellement un OSBL et nous devons réinvestir ces profits à l’intérieur de nos infrastructures. Avec cette magnitude d’infrastructures en défaut, où nous n’avons pas suffisamment de ressources pour combler ce déficit d’entretien, il est important de prévoir des programmes plus flexibles pour être en mesure de rattraper ce déficit d’entretien que nous avons depuis plusieurs années.
La sénatrice Miville-Dechêne : Votre mairesse suppléante nous a bien expliqué qu’elle voudrait que le gouvernement fédéral soit plus généreux. On a compris cela. Par ailleurs, quels sont les préparatifs que vous faites ou que vous ne faites pas face à ce qui va se passer à l’avenir? Je parle des conditions climatiques plus difficiles, peut-être sur l’eau, mais certainement sur le sol. Vous avez aussi parlé de l’électricité. Qu’est-ce que vous envisagez comme difficultés supplémentaires face à ce qui s’en vient?
M. Paris : Le problème que nous avons pour les quais plus vieux... Nous avons fait quelques études en analyse de risque avec le programme du plan d’intervention d’urgence (PIU), dont on vous a peut-être parlé. Cela a permis d’établir le risque sur nos infrastructures. Ce qu’on a découvert, c’est que les plus vieilles infrastructures, sans surprise, sont plus vulnérables aux changements climatiques. Vous comprendrez que l’augmentation des eaux, des vagues, les cycles de gel et dégel qui vont s’accentuer et qui vont amener la présence accentuée de sel de déglaçage... Qui dit sel de déglaçage dit enjeu avec des aciers d’armature qui sont contenus dans les structures de quai. Cette dégradation accélérée est quelque chose que nous avons documenté. Évidemment, ce n’est pas suffisant. Il faut rattraper ce déficit, mais en plus, il faut investir dans cette transition énergétique. Je reviens à votre question sur l’autoproduction.
Par exemple, pour électrifier les quais à Québec — nous avons d’ailleurs déposé une demande en vertu du programme de corridors maritimes verts —, il nous faut des blocs d’énergie quand même importants, de l’ordre de 16 à 20 mégawatts de puissance. Ces blocs d’énergie ne sont pas nécessairement disponibles et nous attendons de voir s’ils vont l’être auprès du gouvernement du Québec. Ce n’est pas seulement une question d’investissements, mais aussi de développer une certaine autonomie sur le plan de la capacité.
À l’heure actuelle, nous testons différentes innovations, comme les hydroliennes, par exemple, et nous regardons le potentiel marégraphique pour pouvoir générer de l’électricité à partir du courant marin. Nous examinons également l’énergie solaire; elle est très difficile à rentabiliser au Québec. Compte tenu du coût de l’énergie qui est très bas, on parle de projets de 15 ou 20 ans de rentabilisation.
Nous sommes en mode d’expérimentation et d’innovation avec ces technologies pour nous assurer d’être en mesure de suivre la parade sur le plan de ces changements climatiques qui s’en viennent. Il y a tout l’enjeu de la décarbonation qui exige d’autres investissements. On pourrait vous donner une foule d’exemples de défis particuliers que nous avons dans les ports, mais cela dresse un portrait quand même assez général.
La sénatrice Miville-Dechêne : L’objectif est de devenir plus vert, mais notre étude porte sur les façons de s’assurer que le port de Québec soit encore fonctionnel dans quelques décennies, lorsque le climat aura encore changé pour le pire. Je n’ai pas le sentiment... Je crois comprendre que vous avez des problèmes financiers qui vous empêchent d’être plus avancés sur ces questions-là; est-ce que je me trompe?
M. Paris : Non, je pense que nous sommes préparés. Il ne faut pas être pessimiste. Par exemple, on vous a peut-être dit que certains endroits sur le fleuve subiront une baisse des niveaux d’eau. À Québec, ce qu’on anticipe, en fonction des différents scénarios climatiques, c’est une augmentation des niveaux d’eau.
On parle de pronostics, bien sûr. Il faut faire de la modélisation; cette augmentation pourrait être de 10 à 70 centimètres d’ici 2100, dans les pires scénarios. Il est possible de se prémunir contre cela en renouvelant nos quais; cela nous permettra de rehausser la hauteur de nos murs de couronnement, ce qui, en fin de compte, nous permettra de contrer cet effet du rehaussement du niveau des eaux et de l’augmentation des zones de tempêtes et des vagues et nous permettra également de contenir les risques d’inondation.
Il y a aussi des possibilités parce que nos infrastructures sont vieillissantes. En les renouvelant, nous pourrons mieux gérer ces risques-là. C’est la même chose en ce qui concerne les cycles de gel et de dégel et d’autres enjeux liés aux zones de tempêtes. Nous serons en mesure de réagir en fonction des possibilités qui s’en viennent. Tout n’est pas noir. Nous sommes optimistes, mais nous devons quand même nous doter de programmes ou, à tout le moins, de la flexibilité financière requise pour être en mesure de relever les défis relatifs à ces infrastructures critiques pour le Canada.
La sénatrice Miville-Dechêne : Merci.
[Traduction]
Le sénateur Quinn : J’aimerais poser une question à nos deux témoins. Merci pour votre comparution ce soir. Je vais veiller à ne pas devenir un témoin moi-même.
Il n’est pas exagéré de dire que les ports au Canada, c’est-à-dire les administrations portuaires canadiennes, ou les APC, agissent à titre de propriétaires. Les actifs appartiennent au gouvernement fédéral, et les investissements nécessaires sont considérables. Monsieur Paris, je comprends ce que vous avez dit au sujet des caissons de bois. J’ai eu à faire face au même problème. Cela demande beaucoup d’investissements et une planification à long terme.
Si l’on se dirige vers l’ouest, le port de Québec est le dernier port en eau profonde. En revanche, si l’on va vers l’est, c’est le premier. Comment peut-on profiter du rôle stratégique que joue le port de Québec pour collaborer avec le gouvernement fédéral, qui est en mesure de financer des projets d’infrastructure depuis 2008? Ces projets, comme on le sait, peuvent s’échelonner sur une longue période. Comment veiller à ce que les bonnes mesures soient prises aujourd’hui pour que le port de Québec soit toujours en activité dans 10 ou 20 ans?
[Français]
M. Paris : Merci pour la question complexe. J’en ai dressé un court portrait. Par l’entremise de nos différentes possibilités de collaboration... Notre président-directeur général tient un discours de collaboration depuis près de 10 ans pour assurer une plus grande collaboration dans les ports du fleuve Saint-Laurent et utiliser des actifs qui sont propres à chacun des ports pour mieux desservir le marché nord-américain. Cette résilience est primordiale pour faire face aux différents enjeux climatiques et perturbations sociales que nous vivons, que ce soit des grèves ou différents problèmes dans les chaînes logistiques. Les exemples ont été nombreux dans les dernières années.
Pour nous, ce qui est important, c’est de travailler avec nos partenaires. C’est pour ça que nous travaillons avec les ports de Montréal et de Trois-Rivières. C’est une façon de faire plus complémentaire pour être en mesure de relever ces défis. Il faut étendre cette réflexion à l’ensemble du Saint-Laurent, y compris la côte Est canadienne, qui est très importante. Il y a plusieurs façons de le faire et de mutualiser les actifs et les risques sur les investissements. À l’heure actuelle, la législation est faite de telle sorte qu’il y a des enjeux à cet égard.
[Traduction]
Le sénateur Quinn : J’aurais une question sur l’infrastructure essentielle que sont les ports le long de la voie maritime du Saint-Laurent. Vous avez évoqué la collaboration avec les différents acteurs. Y a-t-il autre chose qu’il faut considérer, compte tenu des changements climatiques, pour assurer la viabilité à long terme de cette infrastructure essentielle et la fluidité du transport des marchandises le long de cette voie maritime? Faudrait-il avoir une discussion stratégique? La province du Québec s’est dotée d’une excellente stratégie maritime. Serait-ce avantageux d’examiner de plus près l’infrastructure disponible dans la voie maritime? Comment faire une bonne utilisation de nos ressources financières pour que nos infrastructures soient capables de résister aux changements climatiques?
[Français]
M. Paris : Nous avons devant nous ce défi important. Il faut replanifier les investissements en fonction de cette vision systémique de nos infrastructures stratégiques. Le port de Québec est un port en eau profonde, mais il dispose aussi de tous les services maritimes. Vous avez parlé à des pilotes, à différents acteurs de la chaîne de logistique; il y a des camionneurs ici aujourd’hui. Il est important d’essayer de retravailler notre façon d’investir dans cette chaîne de logistique.
Vous faites bien de mentionner que le gouvernement du Québec a fait énormément avec sa stratégie Avantage Saint‑Laurent. Nous devons maintenant revoir cette stratégie. Le gouvernement du Québec fait actuellement la révision de la stratégie. Nous faisons partie de cette discussion. Tout doit se faire dans un contexte de meilleur partage des informations. Ce n’est pas juste une question d’infrastructures physiques, mais aussi d’infrastructures de communication et d’échange d’information. C’est la meilleure façon de travailler ensemble, soit mettre ensemble tous ces actifs informationnels et physiques pour arriver à livrer une chaîne d’approvisionnement plus résiliente.
[Traduction]
Le sénateur Quinn : J’aimerais poser une question à M. Wood. Vous avez dit que les membres de votre association disposent de 50 000 camions et représentent 100 000 emplois. Certains ports, tel celui de Hamilton, cherchent à réduire les émissions de gaz à effet de serre, ou GES, en ayant recours au transport maritime sur de courtes distances, ce qui réduirait le nombre de camions en circulation. Quel est votre avis sur la question? Faudrait-il se servir de la voie maritime du Saint-Laurent pour réduire nos émissions de GES? Serait-ce judicieux d’examiner cette question de plus près?
M. Wood : C’est une très bonne question. J’aimerais dire d’entrée de jeu que les membres de notre association collaborent étroitement avec le port de Hamilton et les divers acteurs de la chaîne d’approvisionnement qui y sont mobilisés. Nous avons effectivement eu des discussions avec eux sur le transport maritime sur de courtes distances. Nos membres sont d’avis que, si c’est avantageux et si la chaîne logistique le permet, le transport peut se faire par voie maritime ou en faisant intervenir plus d’un mode de transport. Il convient toutefois de tenir compte d’autres facteurs tels les délais de transport, la péremption des marchandises et l’infrastructure disponible dans les ports pour charger et décharger. S’il s’agit du transport de conteneurs et de cargaisons en vrac, certains ports sont dotés de l’équipement nécessaire.
S’il est question de transport transfrontalier, il faudrait obtenir le concours de l’Agence des services frontaliers du Canada et de la United States Customs and Border Protection. Je pense que des discussions préliminaires ont déjà eu lieu à ce sujet. À l’heure actuelle toutefois, notre association, comme je l’ai mentionné tout à l’heure, n’en est qu’au stade exploratoire. Je sais que les ports sont bien établis, mais le tout va dépendre de ce qui est avantageux, de ce que permet la chaîne logistique et du mode de transport que souhaitent les clients. J’espère avoir répondu à votre question, sénateur.
Le sénateur Quinn : Oui, merci beaucoup.
La sénatrice Simons : J’ai également une question pour M. Wood. Lorsque nous avons entamé cette étude sur la voie maritime du Saint-Laurent, je m’attendais à ce que nous parlions des ports, des écluses, de la glace et des niveaux d’eau. Nous avons bel et bien abordé ces questions, mais quelques témoins ont soulevé par ailleurs celle de l’érosion en nous faisant part de leurs inquiétudes quant à la stabilité des routes sillonnant les berges du Saint-Laurent. Ils se demandent si ces routes pourront résister à l’érosion causée par les phénomènes extrêmes associés au changement climatique.
Je ne sais pas si vous pourriez nous parler de l’infrastructure actuelle des routes le long de la voie maritime du Saint-Laurent et le long du fleuve Saint-Laurent et nous dire ce que vous pensez de leur durabilité à long terme.
M. Wood : Merci, sénatrice, pour cette excellente question. Je pense qu’il y a beaucoup de travail à faire du point de vue de la gestion et de la construction des routes. Il est certain que les administrations routières, qu’elles soient municipales, fédérales ou provinciales, n’ont pas manqué de se pencher sérieusement sur la question. J’estime que l’exercice de planification le plus important, du moins de notre point de vue, consiste à s’assurer qu’il y a plus d’une route pouvant être empruntée. Si on prend l’exemple de l’autoroute 401, une artère principale, on a prévu d’autres options. Il y a des voies de contournement pour les situations d’urgence. Tout cela est planifié.
Pour ce qui est des communications, l’industrie est bien consciente des défis qui se profilent à l’horizon. Il va de soi que nous devons en tenir compte et nous préparer en conséquence.
Comme je l’ai mentionné, la majeure partie de l’infrastructure repose sur les épaules de la province, qui consacre beaucoup de temps, avec notre soutien assidu, à la planification des transports. Nous avons mentionné la stratégie maritime, mais il y a aussi dans l’Est de l’Ontario un plan de transport pour la région élargie du Golden Horseshoe qui tient compte des considérations liées au changement climatique. C’est un processus en constante évolution que nous devons certes suivre de près. J’espère avoir répondu à votre question, sénatrice.
La sénatrice Simons : Pas vraiment. Je me demande si vous avez eu droit à des témoignages à ce sujet de la part de vos membres. Je ne sais pas si vous connaissez vous-même ces routes ou si vous avez été mis au fait de risques d’effondrement des routes longeant les rives du Saint-Laurent. Si elles sont construites sur des terrains qui sont en train de s’éroder par en dessous, elles pourraient éventuellement ne plus être praticables.
M. Wood : Je comprends la question. Je n’ai pas d’information à ce sujet et je ne suis pas non plus ingénieur dans ce domaine. Mais je sais, par l’entremise de l’Association des transports du Canada, qu’il existe des normes de conception très précises pour les routes. Encore là, c’est aux gouvernements provinciaux et aux municipalités qu’il revient de décider de la manière dont ce problème sera traité. Je ne peux pas vous citer un endroit en particulier où une route pourrait devenir impraticable. Ce n’est pas dans mon champ de compétence.
La sénatrice Simons : Je pense que dans l’Ouest du Canada, nous avons eu droit il y a deux ans à un véritable signal d’alarme lorsque les routes et les voies ferrées autour de Vancouver ont été complètement emportées et que l’Alberta, ma province d’origine, a carrément perdu son accès portuaire au Pacifique. Je ne sais pas quelles seraient les conséquences d’une destruction de cette ampleur en Ontario. Vous n’êtes pas au bord de la mer, ce qui vous met à l’abri de ces déferlements côtiers soudains, mais je m’inquiète du fait que tout ce qui touche l’Ontario a des répercussions sur l’ensemble du pays. Si les chaînes d’approvisionnement se rompent dans cette province, elles se brisent également dans une grande partie de l’Est du Canada et au Manitoba.
M. Wood : Souhaitez-vous, sénatrice, que je vous en dise plus long à ce propos?
La sénatrice Simons : Bien sûr. Vous voyez où je veux en venir. J’ai vécu en Ontario pendant quelques années. Il m’est arrivé d’être coincée sur l’autoroute 401 sans pouvoir trouver d’itinéraire de contournement. Ce n’est pas agréable de se sentir ainsi prise au piège, même pour une simple automobiliste. Je suis persuadée que vos membres doivent trouver extrêmement frustrant de se retrouver bloqués sur une route. Je sais que vous avez dit que la situation s’améliore en hiver parce qu’il y a moins de neige et moins de glace sur la chaussée. Mais en été, les routes doivent parfois être plus dangereuses qu’auparavant en raison des pluies torrentielles soudaines.
M. Wood : Je comprends. Pour en revenir aux itinéraires facultatifs, sénatrice, il est bien certain que l’autoroute 401 est un corridor clé. Il existe de nombreuses options de contournement. Ce n’est pas parfait, mais on accorde beaucoup d’attention à cet aspect en mettant à contribution les routes utilisées en situation d’urgence. C’est ce que nous faisons, en collaboration avec nos partenaires gouvernementaux. Pour ce qui est des catastrophes pouvant causer l’effondrement d’une route, nous examinons d’autres possibilités comme d’éventuels détours via l’État de New York, la Pennsylvanie, l’Ohio ou un autre endroit aux États-Unis. Cela fait partie de nos priorités. Nous sommes très attentifs à cette question, de concert avec nos partenaires provinciaux.
La sénatrice Simons : Merci beaucoup, monsieur Wood. C’est très utile.
[Français]
Le sénateur Cardozo : J’ai une question pour les deux témoins sur l’avenir de votre secteur. Êtes-vous confrontés à des pénuries de main-d’œuvre aujourd’hui et le serez-vous dans les années à venir? On va commencer par M. Paris.
M. Paris : Merci pour la question, sénateur. Je ne suis pas un spécialiste de main-d’œuvre du côté du port de Québec. Dans les dernières années, la ville de Québec et la région de Québec ont eu l’un des taux de chômage les plus bas au Canada. L’an dernier, on parlait de 4 % du taux de chômage. Nous sommes en compétition avec un marché local féroce et des métiers maritimes qui sont quand même exigeants. Il faut former davantage de marins et de débardeurs. Il y a des gens qui recrutent ce type de main-d’œuvre. Ce n’est pas facile. Il y a des défis importants. Il faut continuer d’être très vigilant là-dessus.
Quant aux changements climatiques, il faut s’assurer — et j’en ai parlé tout à l’heure — de former ces travailleurs sur tous ces enjeux. Je songe notamment à l’utilisation de nouveaux carburants qui s’en viennent, comme le méthanol, l’ammoniac et l’hydrogène. Ce sont des carburants qui se manipulent d’une façon bien différente des combustibles que l’on connaît aujourd’hui. Ce sera important. On va ajouter un fardeau sur cette main-d’œuvre. En plus d’avoir de la difficulté à la trouver, il faudra mieux la former. Voilà des défis importants du côté maritime.
[Traduction]
Le sénateur Cardozo : Monsieur Wood, quelles sont les pénuries avec lesquelles vous devez actuellement composer ou que vous anticipez pour les années à venir?
M. Wood : Merci pour cette question, sénateur. La pénurie de main-d’œuvre est parfois cyclique dans notre secteur. En ce moment, elle n’est pas aussi aiguë qu’elle l’a déjà été.
Cela dit, nous avons des défis à relever et notre objectif, du moins à l’Association du camionnage de l’Ontario, est de veiller à aller de l’avant en nous appuyant sur une planification rigoureuse. Nous cherchons à nous assurer l’accès à une source de main-d’œuvre professionnelle sur laquelle nous pouvons compter. Différents enjeux découlent de cette volonté. Il faut notamment bien sûr attirer des candidats dans notre industrie, et nous nous y employons, en collaboration avec nos partenaires gouvernementaux.
Il y a aussi l’aspect formation, car il est certain qu’il faut des compétences particulières pour conduire un semi-remorque ou un poids lourd. La formation entraîne des coûts. Nous voulons nous assurer un financement axé sur le soutien institutionnel aux fins de la formation des nouveaux chauffeurs de camion, puis des mesures d’appoint venant après l’obtention du permis pour que chaque conducteur soit prêt à prendre la route. Il y a beaucoup d’action sur ce tableau du côté des provinces, et bien sûr à l’échelle fédérale. Tout cela s’est traduit par un appui, surtout du point de vue financier, pour notre industrie. Ce sont des considérations que nous ne perdons pas de vue et qui nous importent beaucoup.
Notre conseil d’administration nous a demandé récemment de nous concentrer sur le fonctionnement général de la formation commerciale dans le contexte de l’intégration de nouveaux chauffeurs, de telle sorte qu’ils soient prêts à prendre le volant et à s’acquitter de leurs mandats lorsqu’ils postulent un emploi auprès de nos membres.
Le sénateur Cardozo : Merci.
M. Wood : J’espère avoir répondu à votre question, sénateur.
Le sénateur Cardozo : Oui, merci.
Le président : Au nom du comité, j’aimerais remercier nos témoins d’avoir été des nôtres ce soir pour nous faire part de leurs réflexions au bénéfice de notre étude.
Chers collègues, j’aurais une requête du sénateur Quinn à vous transmettre. Il souhaiterait que nous puissions prendre cinq minutes pour discuter de la suite des travaux du comité.
Je vais laisser partir nos témoins et nous poursuivrons la réunion à huis clos une fois la séance levée.
(La séance est levée.)