LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 29 octobre 2025
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd’hui, à 16 h 15 (HE), avec vidéoconférence, pour examiner, afin d’en faire rapport, les questions qui pourraient survenir occasionnellement se rapportant aux relations étrangères et au commerce international en général.
Le sénateur Peter M. Boehm (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Bonjour, honorables sénateurs. Je m’appelle Peter Boehm, je suis un sénateur de l’Ontario et je suis président du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et commerce international.
[Traduction]
J’invite celles et ceux qui participent à la réunion d’aujourd’hui à se présenter.
Le sénateur Adler : Charles Adler, Manitoba.
La sénatrice Pupatello : Sandra Pupatello, Ontario. Merci.
Le sénateur McNair : John McNair, Nouveau-Brunswick.
La sénatrice LaBoucane-Benson : Patti LaBoucane-Benson, territoire du Traité no 6, Alberta.
Le sénateur Ravalia : Mohamed Ravalia, Terre-Neuve-et-Labrador. Bienvenue à tous.
Le sénateur Wilson : Duncan Wilson, Colombie-Britannique.
La sénatrice Coyle : Mary Coyle, Antigonish, Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Dean : Tony Dean, Ontario.
[Français]
La sénatrice Hébert : Martine Hébert, du Québec.
[Traduction]
Le président : Je précise que les sénatrices LaBoucane-Benson et Pupatello se joignent à nous aujourd’hui, l’une d’entre elles comme membre d’office et l’autre comme observatrice. Bien entendu, tous les sénateurs et sénatrices pourront poser des questions.
Je vous souhaite à tous la bienvenue, ainsi qu’aux personnes qui nous regardent partout au pays sur la plateforme ParlVU du Sénat. Chers collègues, nous nous réunissons aujourd’hui en vertu de notre ordre de renvoi général pour discuter de l’ACEUM, l’Accord Canada—États-Unis—Mexique, et des relations commerciales du Canada avec les États-Unis et le Mexique. C’est le sujet même de notre réunion. Nous avons déjà entendu le témoignage de Cameron MacKay, notre ambassadeur au Mexique.
Aujourd’hui, dans notre premier groupe de témoins, j’ai le grand plaisir d’accueillir par vidéoconférence Kirsten Hillman, ambassadrice du Canada auprès des États-Unis. Je vous souhaite la bienvenue, madame.
Nous accueillons également M. Martin Moen, d’Affaires mondiales Canada. Martin Moen, qui connaît bien le comité, est sous-ministre adjoint délégué, Politique et négociations commerciales.
Avant d’entendre l’exposé préliminaire de l’ambassadrice et de passer aux questions, je demande à toutes les personnes ici présentes de désactiver le son des notifications sur leurs appareils et de tenir compte des instructions indiquées sur la carte concernant le placement de leur oreillette et de leur micro. Il s’agit de protéger notre personnel technique et surtout nos interprètes.
Madame l’ambassadrice, nous sommes prêts à entendre votre exposé préliminaire, après quoi les sénateurs et sénatrices vous poseront des questions.
Kirsten Hillman, ambassadrice du Canada auprès des États-Unis : Merci, monsieur le président, et merci aux honorables sénateurs et sénatrices, de me donner l’occasion de comparaître virtuellement devant vous aujourd’hui.
Je tiens à vous remercier tous du travail que vous faites pour faciliter les relations canado-américaines. J’ai eu le privilège d’accueillir beaucoup d’entre vous à Washington ou de vous rencontrer dans d’autres contextes pour discuter des moyens de faire progresser et d’améliorer cette relation cruciale entre notre pays et notre voisin, qui est notre plus important partenaire.
Aujourd’hui, comme l’a dit le président, nous discutons du commerce entre le Canada et les États-Unis et de l’examen à venir de l’ACEUM, autrement appelé ici l’Accord États-Unis—Mexique—Canada ou AEUMC.
Il est vrai, sans contredit, que les relations commerciales canado-américaines sont essentielles au bien-être économique du Canada. Elles sont aussi, à mon avis et selon mon expérience, très importantes pour les Américains. Permettez-moi de vous donner quelques statistiques à l’appui de cette affirmation.
Les États-Unis sont de loin notre principal partenaire commercial. L’an dernier, nous avons vendu pour près de 600 milliards de dollars de marchandises aux États-Unis, soit 75 % des exportations canadiennes.
[Français]
Le Canada est également la principale destination des exportations américaines. En 2024, les Américains ont vendu plus de 600 milliards de dollars de biens et de services aux Canadiens.
[Traduction]
Tout bien compté, environ 3,4 milliards de dollars en biens et services traversent notre frontière chaque jour.
Ces chiffres impressionnants découlent directement de relations fondées depuis longtemps sur un commerce prévisible, libre et ouvert. Mais, comme vous le savez, l’évolution récente a changé la donne. L’administration américaine a profondément transformé ses relations commerciales avec tous les pays, y compris le Canada.
Plusieurs secteurs sont actuellement visés par des droits de douane imposés par les États-Unis en vertu de l’article 232 au titre de la sécurité nationale — l’acier, l’aluminium, les automobiles, le cuivre et les produits du bois, entre autres —, et cela a des conséquences pour les Canadiens partout au pays.
[Français]
Pour notre pays, ce changement d’orientation de la politique américaine signifie que nous nous éloignons d’un processus de plusieurs décennies marqué par une intégration économique et commerciale de plus en plus étroite. Il ne fait aucun doute que ce changement entraîne des perturbations. Lors de mes discussions avec des entreprises des deux côtés de la frontière, on m’a avisée que les droits de douane visent plusieurs secteurs clés et en menacent plusieurs autres. Ils ont bouleversé les chaînes d’approvisionnement, fait grimper les coûts et fait naître de l’incertitude.
[Traduction]
C’est pourquoi que nous travaillons avec l’administration américaine dans le but de trouver un moyen de régler la question des tarifs et de promouvoir une approche commune des enjeux communs. Le premier ministre Carney a rencontré le président Trump au début du mois, et cela a permis d’accélérer les discussions. Dans les dernières semaines, le ministre LeBlanc, le greffier du Conseil privé et moi-même avons très souvent rencontré le représentant américain pour le commerce, l’ambassadeur Jamieson Greer, ainsi que le secrétaire américain au commerce, M. Howard Lutnick, et d’autres personnes ici à Washington.
Nous avons fait valoir que le commerce avec le Canada contribue à la résilience des États-Unis et que les importations canadiennes ne menacent pas leur sécurité nationale ou leur économie, mais contribuent au contraire à leur amélioration.
Comme vous le savez, la semaine dernière, le président Trump a interrompu ces négociations. Elles sont très avancées, et le Canada est prêt à les reprendre et à poursuivre sur cette lancée quand les États-Unis seront prêts.
[Français]
De plus, nous nous préparons de manière soutenue à une étape importante, c’est-à-dire l’examen conjoint de l’Accord Canada—États-Unis—Mexique, ou ACEUM. Grâce à l’ACEUM, le commerce trilatéral total de biens et de services a augmenté de 35 % depuis son entrée en vigueur en 2020.
[Traduction]
Quand on parle de droits de douane, il est également important de rappeler que les marchandises qui ne sont pas visées par les tarifs découlant de l’article 232 et qui respectent les règles de l’ACEUM — soit la grande majorité des exportations canadiennes vers les États-Unis — continuent de bénéficier d’un accès en franchise au marché américain.
[Français]
Cet examen est un processus planifié et délibéré pour l’ACEUM. Il s’agit d’une occasion d’évaluer le fonctionnement de l’accord et de s’assurer qu’il demeure adapté à ses objectifs.
Afin d’éclairer notre approche et compte tenu de l’évolution du contexte commercial, Affaires mondiales Canada a lancé une deuxième série de consultations publiées par le biais de la Gazette du Canada. Nous cherchons à mieux comprendre la réalité vécue par les entreprises canadiennes et à déterminer la meilleure façon d’aller de l’avant.
Nous continuons de dialoguer avec les parties prenantes de tout le pays, notamment l’industrie, les syndicats, les provinces, les territoires, les organisations autochtones ainsi que la société civile. Nous écoutons attentivement et nous examinons toutes les perspectives. Ces échanges sont essentiels pour orienter notre approche dans la défense et la promotion des intérêts du Canada.
[Traduction]
Les États-Unis et le Mexique ont également lancé leurs propres consultations nationales pour étayer leurs positions. Nous abordons maintenant nous-mêmes ce processus d’examen, et nous le faisons de façon lucide et pragmatique. Nos priorités sont de cibler au maximum cet examen et d’obtenir un renouvellement rapide de l’accord tout en garantissant un accès préférentiel aux marchés et un environnement commercial stable et prévisible pour les entreprises et les investisseurs canadiens. En conclusion, honorables sénateurs et sénatrices, je dirais que nos relations commerciales — notamment, bien sûr, avec les États-Unis — sont à un tournant décisif. Nous sommes prêts à relever le défi et nous continuerons de l’être. Nous sommes prêts à travailler avec nos partenaires de l’ACEUM pour améliorer la sécurité et la prospérité économiques de l’Amérique du Nord. Merci. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Le président : Merci, madame l’ambassadrice. Je précise que la sénatrice Gerba, du Québec, et le sénateur Al Zaibak, de l’Ontario, se sont également joints à notre réunion.
[Français]
Chers collègues, je vous rappelle que vous disposez de trois minutes maximum chacun pour la première ronde de questions, ce qui comprend la question et la réponse.
[Traduction]
J’invite donc les membres du comité à poser des questions concises. Vous disposerez de trois minutes. Je vous demanderais donc de ne pas faire de trop longues introductions et de veiller à ce que l’ambassadrice et M. Moen aient suffisamment de temps pour vous répondre. Si nous avons assez de temps, nous aurons un deuxième tour.
Le sénateur Ravalia : Excellence, monsieur Moen, merci d’être ici aujourd’hui.
Madame l’ambassadrice, pourriez-vous nous dire quelle serait, à votre avis, la meilleure stratégie pour faire face aux politiques commerciales agressives des États-Unis en cette période particulièrement instable, récemment marquée par les tensions découlant de la fameuse publicité? Merci.
Mme Hillman : Je vous remercie de la question. Je crois vraiment — et je le dis à mon équipe ici à Washington et partout et tout le temps aux États-Unis —, que le Canada a une mission très précise aux États-Unis. En matière de commerce, notre mission très précise est d’obtenir un allégement tarifaire pour les secteurs d’activité touchés par les droits de douane découlant de l’article 232 afin de préserver et de maintenir la stabilité de notre environnement commercial — ou de revenir à un environnement commercial plus stable et prévisible — avec notre partenaire américain.
Le Canada a adopté des politiques visant à accroître l’utilisation intérieure de ses propres ressources et à élargir ses relations commerciales avec d’autres pays. Ce sont aussi des éléments très importants, mais, pour nous, ici aux États-Unis, ce qui compte, c’est de garder les yeux sur le ballon et de convaincre les Américains — et ce n’est pas si difficile à faire — qu’un partenaire prévisible et fiable dans le Nord est très avantageux pour eux.
Les États-Unis sont plus forts, plus sûrs et plus prospères grâce à nous.
Cela ne signifie pas pour autant que le chemin qui nous sépare de notre objectif sera facile, car le monde a changé. Le président Donald Trump et son administration estiment qu’il faut rétablir une norme tarifaire différente. C’est un outil important à ses yeux. C’est un fait. Nous travaillons en tenant compte de ce fait.
Cela étant, nous allons pouvoir créer une nouvelle voie pour nos deux pays en nous appuyant sur les domaines dans lesquels nous pouvons bien travailler ensemble, pour donner de la résilience à l’économie canadienne et nous permettre de traverser cette tempête et de nous retrouver avec notre partenaire à un endroit un peu plus prévisible.
Le sénateur Ravalia : Merci.
Le président : Je précise que le sénateur MacDonald, de la Nouvelle-Écosse, s’est joint à nous.
La sénatrice Coyle : C’est un plaisir de vous revoir, madame l’ambassadrice.
Compte tenu de la situation actuelle, quelles seraient, selon vous, les priorités et les prochaines mesures concrètes qui permettraient de rétablir cette relation commerciale et de relancer les négociations commerciales? Quelles seraient ces étapes? Qui en seraient les protagonistes?
Mme Hillman : Sur le plan commercial, les protagonistes, ici aux États-Unis, sont ceux qui ont été habilités par le président à travailler avec nous, à savoir le représentant au commerce des États-Unis, l’ambassadeur Greer, et son équipe; le secrétaire au commerce, M. Lutnick, et son équipe; et, dans une certaine mesure, Scott Bessent, secrétaire au Trésor, et son équipe. Ensuite, selon les enjeux à discuter, ce pourrait être le secrétaire à l’énergie. D’autres protagonistes pourraient être appelés à intervenir. Mais c’est le groupe central.
Comment nous faisons? Je voudrais que tout le monde comprenne que nos relations avec les États-Unis sont multidimensionnelles. J’ai fait le point avec mon équipe cet après-midi. Sachez que, durant les quatre ou cinq derniers jours, toute notre équipe a continué de travailler aux échelons supérieurs avec tous ses homologues, qu’ils soient du département d’État, du département de la Sécurité intérieure, de la Maison-Blanche, du ministère de l’Énergie ou du ministère de l’Environnement. Ces échanges se poursuivent, et ce jusqu’aux échelons les plus élevés.
Cette relation est solide et résiliente. Nous faisons énormément de choses ensemble. Les voies de communication sont ouvertes, et nous y reviendrons parce que c’est dans l’intérêt des Américains et des Canadiens. C’est ce qui prévaudra au bout du compte.
La sénatrice Coyle : Il est peut-être trop tôt pour poser cette question, mais, au sujet de l’examen annoncé le 19 septembre, pourriez-vous nous fournir des informations préliminaires sur les conclusions obtenues jusqu’ici?
Mme Hillman : Vous parlez des commentaires publics sur l’examen de l’ACEUM?
La sénatrice Coyle : Oui.
Mme Hillman : Nous faisons un peu de décompte chaque semaine. Les Canadiens expriment un certain nombre de points de vue.
D’abord et avant tout, cela rejoint ce que mon équipe et moi entendons aux États-Unis de la part d’entreprises et de législateurs américains. La première chose qu’on nous dit, c’est : « Faites en sorte de préserver cette relation commerciale privilégiée entre nos deux pays. Elle est importante pour la prospérité de notre collectivité, mais aussi pour l’efficacité et la compétitivité de notre entreprise. » C’est ce qu’on me dit presque tous les jours aux États-Unis, et les Canadiens nous le disent aussi, évidemment.
La sénatrice Coyle : Merci.
[Français]
La sénatrice Hébert : Madame l’ambassadrice, c’est un plaisir de vous retrouver, puisque j’ai eu l’énorme privilège de travailler avec vous et vos équipes pendant un certain temps par le passé dans ma vie antérieure. Bienvenue.
Lorsqu’on avait eu la première salve de tarifs en 2019, on avait entendu beaucoup de voix s’élever. Vous avez mentionné que vos équipes travaillent très fort, et on le sait, avec les représentants des différents États, les intervenants et les alliés que le Canada a partout aux États-Unis. Sentez-vous que l’influence de ces forces vives qui nous avait grandement aidés en 2019 à nous sortir de cette première salve de tarifs nous aidera éventuellement? Ou ne sommes-nous pas du tout dans cette même situation que ce que nous avons connu par le passé par rapport au pouvoir d’influence de ces voix qui pourraient parler avec le Canada?
Mme Hillman : Je crois que, premièrement et surtout, nous devrions faire affaire avec le président et son équipe. C’est bien sûr le président qui, avec son équipe, établit ses politiques et qui a beaucoup de confiance dans sa politique tarifaire, car il trouve que c’est quelque chose qui marche pour lui du point de vue économique, mais aussi du point de vue des négociations sur une multitude de sujets.
Donc, nous mettons bien sûr l’accent sur lui et sur son équipe, et sur les gens qui l’entourent. Cela dit, parmi les gens qui l’entourent et le conseillent, nous retrouvons certains sénateurs, certains gouverneurs, certains chefs d’entreprise qu’il respecte beaucoup. Si nous pouvons nous assurer d’avoir des voies de communication avec ces gens-là, afin qu’ils puissent connaître tous les faits importants, au cas où ils seraient devant le président ou avec lui, pour que le président sache comment eux voient les choses — et espérons qu’ils les voient d’une manière qui soutienne nos arguments —, cela peut aussi être très bien pour nous.
Par contre, je crois que ce n’est pas la même situation que la dernière fois. Les gens nous le disent et nous le voyons très bien : celui qui décide aux États-Unis en ce moment, c’est manifestement le président Trump. Nous nous engageons avec lui d’une façon très efficace en ce moment. Le premier ministre a établi avec lui une relation forte et ouverte, ce qui est très important.
La sénatrice Gerba : Merci, Votre Excellence. C’est toujours un plaisir de vous retrouver; on se souvient de beaucoup de choses à Washington. J’imagine que cela ne doit pas être facile pour vous, et vous avez tous nos encouragements pour ce travail qui n’est sûrement pas évident.
Pour poursuivre dans la foulée de la question de la sénatrice Hébert, les parlementaires et les membres du Congrès américain sont-ils vraiment écoutés par rapport aux décisions de leur président? C’est une première question.
Ma deuxième question est celle sur laquelle je voulais vraiment avoir votre avis, au sujet de l’approche entre le Mexique et le Canada, quant à leurs approches commerciales et diplomatiques par rapport aux droits de douane. Certains observateurs ont décrit l’approche de la présidente du Mexique, Claudia Sheinbaum, face aux droits de douane américains imposés par le président Trump, comme prudente et mesurée. Pensez-vous que cette approche a été payante? Pensez-vous que le Canada pourrait adopter cette approche et éviter de provoquer le président Trump?
Mme Hillman : Premièrement, merci, madame la sénatrice; c’est un plaisir de vous revoir aussi.
Je crois que, oui, en effet, le président Trump aime beaucoup s’entourer de différentes personnes qui lui donnent leurs avis, des données et des faits. Quand j’ai vu le président, j’ai constaté qu’il posait beaucoup de questions et qu’il s’intéressait à obtenir des avis et des conseils d’un peu partout. Cela veut dire qu’il y en a certains au Congrès qui sont des alliés et qui sont des personnes qui ont l’écoute du président. Cela ne veut pas dire qu’il va suivre le conseil d’une personne ou d’une autre. Il écoute et prend sa propre décision.
Pour ce qui est de notre approche vis-à-vis des États-Unis, du Mexique ou d’autres pays, je crois que chaque pays essaie de trouver une approche qui fonctionne pour son pays. Les enjeux du Mexique avec les États-Unis sont différents des nôtres. Ils ont énormément d’enjeux, et selon moi, les enjeux les plus difficiles ne sont pas liés aux tarifs; ils sont liés à la sécurité nationale, la frontière et la drogue. C’est là où les États-Unis mettent énormément de pression sur le Mexique. Pour nous, l’enjeu le plus important et le plus difficile, ce sont les mesures tarifaires, ce qui fait que nous choisissons une façon de réagir qui est propre à nos priorités et à la conversation que nous avons avec les Américains. C’est différent d’un pays à l’autre.
[Traduction]
Le sénateur Dean : Merci d’être parmi nous aujourd’hui.
J’ai deux brèves questions. Pourriez-vous nous parler des répercussions du report de la taxe sur les services numériques au Canada et nous dire ce qu’elle nous a permis d’obtenir et s’il est possible qu’elle soit rétablie?
Deuxièmement, pensez-vous que la position relativement graduelle du Canada au sujet de la Palestine pourrait être un facteur dans ces pourparlers, compte de leur accélération éventuelle?
Mme Hillman : À mon avis, cette taxe était un enjeu qui intéressait le président et qui était prioritaire pour lui, mais qui est devenu un sujet brûlant — ou devrais-je peut-être dire — qui s’est rapidement intensifié dans son esprit. La solution que nous avons trouvée ou la décision que nous avons prise était importante pour pouvoir maintenir des discussions et des relations constructives avec le président.
Cela a contribué à installer un climat général constructif entre nos dirigeants, et je crois que, au final, c’est très important pour le Canada.
Quant au reste de la loi, ces questions ne sont pas vraiment de mon ressort comme ambassadrice aux États-Unis.
Concernant les choix du Canada en matière de politique étrangère, qu’il s’agisse de la Palestine ou d’autres enjeux, j’ai l’impression, vu d’ici aux États-Unis, qu’il est important de parler à nos collègues américains de notre position à certains égards. Il est important de les informer de notre point de vue. Il est important de ne pas les surprendre. Mais ils sont tout à fait capables de reconnaître que même leurs partenaires les plus proches ont des points de vue différents sur des enjeux fondamentaux très complexes dans le monde. D’après mes observations, cela peut mener à de franches discussions, mais cela n’a pas vraiment filtré de la politique étrangère au domaine économique.
Le sénateur Wilson : Je suis heureux de vous revoir, madame l’ambassadrice. Merci du travail que vous faites chaque jour à Washington au nom des Canadiens.
En Colombie-Britannique, dont je suis originaire, le bois d’œuvre est évidemment un enjeu très important. Vous avez probablement entendu notre premier ministre répéter que la Russie accorde un traitement plus favorable aux États-Unis qu’au Canada à cet égard. C’est clairement une priorité.
D’après ce que nous avons vu et lu, avant l’interruption actuelle des discussions, on en était presque à une entente sur l’aluminium, l’acier et l’énergie. Quelle est, d’après vous, la probabilité qu’un accord soit conclu à court terme pour certains autres secteurs prioritaires, comme le bois d’œuvre et l’automobile?
Mme Hillman : Merci, sénateur. Je suis heureuse de vous revoir, moi aussi. C’est une question très importante, et il faut situer les discussions dans leur contexte.
Tout d’abord, pour être très claire, je dirais que le Canada cherche à atténuer, à supprimer ou à réduire tous les droits de douane découlant de l’article 232 qui sont actuellement imposés au Canada. Cela comprend les produits forestiers, le bois d’œuvre, l’acier, l’aluminium, les automobiles et d’autres produits. Nous y travaillons et nous soulevons toutes ces questions. Au sujet du bois d’œuvre, je peux vous dire sans équivoque que pas une seule réunion ne se passe avec le représentant au commerce des États-Unis où nous ne rappelions pas que cette question doit être réglée rapidement pour toutes les raisons que nous connaissons.
Dans le cadre des discussions fructueuses des dernières semaines, les États-Unis nous ont dit souhaiter commencer par certains enjeux pour essayer de faire avancer les choses, sans abandonner les autres, mais peut-être en accélérant les discussions sur certains d’entre eux d’abord et en reportant les autres. C’est ainsi qu’ils ont mis l’acier et de l’aluminium sur la table.
Nous les avons rencontrés à mi-chemin et leur avons donc parlé d’acier et d’aluminium. Pour autant, nous n’avons jamais abandonné ce que nous voulons pour le bois d’œuvre et le secteur de l’automobile.
Compte tenu des analyses et descriptions médiatisées, on a peut-être perdu de vue qu’une discussion n’exclut pas les autres. Ce n’est pas ce qui se passe. C’est plutôt un séquençage, du moins pour les États-Unis, qui expliquent comment ils souhaitent procéder. À vrai dire, le Canada veut marquer le plus de points possibles aussi rapidement que possible. Nous le ferons en les rencontrant à mi-chemin. Mais, comme je l’ai dit, le bois d’œuvre fait toujours partie de la discussion.
Le sénateur Al Zaibak : Je suis heureux de vous revoir, madame l’ambassadrice. Comme mes honorables collègues, je vous suis reconnaissant de votre travail.
Ma question porte sur la décision récente du président Trump de mettre fin à toutes les négociations commerciales avec le Canada à la suite de la diffusion d’une publicité anti-tarif financée par le gouvernement de l’Ontario et apparemment perçue comme une critique de la politique américaine.
Pourriez-vous informer le comité de l’état des négociations avant cette interruption? Quelles voies de communication, s’il en est, restent ouvertes avec Washington depuis cette annonce, en plus des autres voies dont vous avez parlé tout à l’heure?
Mme Hillman : Merci, sénateur. Heureuse de vous revoir.
Depuis la visite du premier ministre au début du mois, nous avons eu des discussions beaucoup plus intenses, presque quotidiennes, pendant quelques semaines. Nous avons surtout discuté des droits de douane découlant de l’article 232, parce que c’est là que les entreprises canadiennes et les Canadiens sont le plus durement touchés, mais aussi des droits de douane sur le bois d’œuvre.
Nous avons fait des progrès importants. Vraiment. Nous tentions de définir les grandes lignes d’une première étape vers un accord entre le Canada et les États-Unis et ce à quoi cet accord pourrait ressembler. Nous échangions des points de vue à ce sujet et nous les mettions sur papier.
Il y avait encore des divergences dans nos perceptions respectives de ce que serait un bon accord. Nous n’étions pas encore au bout de nos efforts, mais nous étions effectivement en train de réduire ces divergences.
Il y a encore du travail à faire. Je ne prétends pas que nous étions sur le point de conclure une entente, mais, à mon avis, nous avions fait plus de progrès au cours de ces semaines que nous n’en avions faits depuis très longtemps.
Quant aux voies de communication, beaucoup restent ouvertes. Comme on l’a fait savoir aujourd’hui, je crois, le premier ministre a eu des échanges avec le président Trump en Asie. Au sommet, les voies de communication restent ouvertes.
J’ai eu des échanges ici avec plusieurs de mes contacts dans l’administration. Mon équipe a également eu des contacts. Ces gens ne participent pas expressément aux négociations commerciales, puisque leur chef les a informés qu’elles étaient interrompues, mais on peut discuter de beaucoup d’autres choses. Nous veillons également à ce que ces relations restent saines et solides.
Le sénateur Adler : Madame l’ambassadrice, ce n’est pas une question qui me fait plaisir, mais je crois que c’est une question que le population se pose. L’administration américaine songe-t-elle sérieusement à détruire le secteur automobile au Canada?
Mme Hillman : Sénateur, je ne crois pas que l’administration américaine souhaite détruire le secteur canadien de l’automobile. J’invoquerais les propos récents du président, qui a déclaré publiquement au bureau ovale que le Canada et les États-Unis sont en « conflit », tandis que notre premier ministre a dit qu’ils étaient « en concurrence » dans certains domaines qui sont importants pour le président. Et je ne sais plus dans quels termes exacts — je suis désolée —, mais, de mémoire, il a aussi dit qu’on trouverait une solution qui convienne aux États-Unis et aux deux pays.
D’après les discussions plus techniques que j’ai eues ici à Washington, je crois que c’est vrai. C’est une question difficile pour les États-Unis, parce que le président s’intéresse de près aux emplois dans le secteur de la fabrication automobile, mais je suis convaincue que nous trouverons un moyen.
Je précise par ailleurs que, dans les dispositions de l’article 232 concernant les droits de douane sur les automobiles, qui sont bien sûr préjudiciables à notre secteur, on reconnaît que le Canada est de loin le plus gros client des entreprises d’exportation d’automobiles américaines.
Nous achetons environ 70 % des camions lourds que vendent les États-Unis. Quand nous rappelons que cette relation est bonne pour les États-Unis et bonne pour les travailleurs américains, nous trouvons des solutions qui peuvent être fructueuses.
Il est important pour nous d’être forts et fermes, mais aussi de comprendre les objectifs du président et de déterminer comment démontrer que la proximité du Canada et les partenariats avec lui permettent déjà de concrétiser certains de ces objectifs.
Le sénateur MacDonald : C’est un plaisir de vous revoir, madame l’ambassadrice. J’examinais les droits de douane cumulatifs imposés au Canada et au Mexique, et, d’après les chiffres que j’ai vus, le taux tarifaire cumulatif global pour le Mexique est d’environ 4,7 %, tandis que le taux tarifaire cumulatif global pour le Canada est d’environ 12,6 %. Pourquoi les États-Unis nous imposent-ils des tarifs plus élevés qu’au Mexique? Selon vous, quelle en est la raison à l’origine?
Mme Hillman : Merci, sénateur. Je vais devoir demander à mon collègue Martin Moen de répondre s’il le peut ou de vous revenir à ce sujet, mais je crois que notre taux moyen n’est pas de 12,6 %. C’est plutôt de l’ordre de 6 %, mais nous pourrons vous revenir avec les chiffres exacts.
Le sénateur MacDonald : D’accord.
Mme Hillman : Pour revenir à ce que j’ai dit tout à l’heure, nous avons les mêmes tarifs équivalents que le Mexique sur les produits visés par l’article 232. Nous avons des produits qui sont assujettis aux tarifs généraux de ce qu’on appelle l’IEEPA. Ces tarifs s’appliquent à l’ensemble de notre économie, mais les produits conformes à l’ACEUM en sont exclus.
Si l’on combine ces deux éléments, 85 % des exportations du Canada vers les États-Unis sont exemptes de droits de douane. Les tarifs s’appliquent surtout aux secteurs visés par l’article 232, puisque le Canada est conforme à plus de 90 % aux dispositions de l’ACEUM pour ses exportations vers les États‑Unis. Ces produits sont exempts de droits de douane. Je ne prétends pas un seul instant que nos secteurs tarifés ne souffrent pas. Nous savons qu’ils souffrent. C’est difficile pour eux, et c’est l’objet de toute notre attention.
Nous vous reviendrons sur la comparaison du taux tarifaire généralisé, à moins que M. Moen ait la réponse en main. Mais je ne crois pas que ce soit le cas.
Le sénateur MacDonald : Comme on l’a dit ici, le gouvernement Ford mène une campagne publicitaire de 75 millions de dollars contre l’administration américaine, et voilà que le premier ministre de la Colombie-Britannique parle de faire la même chose. À mon avis, ce n’est pas nécessairement une bonne tactique de négociation. Quels sont les commentaires de vos homologues américains à cet égard?
Mme Hillman : Merci, sénateur. Personnellement, je n’ai pas eu de réactions concernant une éventuelle campagne publicitaire de la Colombie-Britannique, et les réactions à la campagne publicitaire de l’Ontario sont très publiques. Les gens les auront donc vues.
Le président : Monsieur Moen, avez-vous une réponse à la question du sénateur?
Martin Moen, sous-ministre adjoint délégué, Politique et négociations commerciales, Affaires mondiales Canada : Malheureusement, je n’ai pas de réponse claire, car je n’ai pas eu connaissance de ce genre de chiffres. Comme l’a rappelé l’ambassadrice, il y a les droits découlant de l’article 232 et les droits découlant de l’IEEPA. À cet égard, notre traitement est le même.
Le Canada et le Mexique sont assujettis à des droits distincts qui ne font pas partie des décisions présidentielles, mais qui découlent en fait de procédures antidumping et antisubventions. Dans le cas du bois d’œuvre , nous estimons que ces droits sont injustifiés, que nous ne causons pas le préjudice allégué et que les calculs relatifs aux taux des droits sont erronés.
Ces droits sont différents d’un pays à l’autre, parce que nous expédions des produits différents et faisons l’objet de différents types de procédures. Par exemple, il y a des droits sur les tomates du Mexique, mais pas sur celles du Canada, et il y a des droits sur le bois d’œuvre du Canada, alors qu’il y a très peu d’exportations de bois d’œuvre du Mexique vers les États-Unis et donc aucun droit.
C’est possible. Nous allons vérifier s’il y a quelque chose de ce genre, mais c’est très difficile à calculer parce que cela change tout le temps. Cela ne vient pas vraiment d’une décision présidentielle ou autre. C’est le fonctionnement des procédures juridiques américaines et leur application à deux économies différentes. C’est peut-être la cause de certains écarts dans le calcul des tarifs, mais ce ne sont pas des différences attribuables à des décisions politiques découlant de proclamations du président. C’est un sujet de préoccupation distinct dans certains cas pour le Canada, mais c’est un enjeu distinct.
Mme Hillman : J’ai parcouru ma documentation, et, au début de septembre, le tarif moyen pondéré appliqué au Canada était de 5,6 %. Nous pouvons vous fournir une mise à jour en date d’aujourd’hui, mais, au début de septembre, c’était 5,6 %.
Le président : Très bien. Si vous pouviez nous envoyer cela par écrit à l’attention de Chantal Cardinal, la greffière, ce serait vraiment bien. Merci.
La sénatrice Ataullahjan : Madame l’ambassadrice, je tiens à vous remercier du travail que vous faites dans des circonstances très difficiles. Nous revenons tout juste d’une réunion de l’UIP, l’Union interparlementaire, à Genève, et le Canada était très en demande. Certains de nos alliés européens sont plus préoccupés que d’autres par les discussions qui se déroulent ici au Canada et par notre approche. Nous avons parfois pu répondre à leurs questions, et d’autres fois non.
Nous avons eu des rencontres individuelles confidentielles avec des représentants de différents pays, et je ne veux rien révéler, mais on perçoit une inquiétude générale, et ce n’est pas la première fois. Il y a six mois, nous étions en Ouzbékistan, et les représentants de certains des mêmes pays nous ont rencontrés et nous ont posé ces questions.
Je sais que nous avons des alliés. Quelles sortes de conversations privées ces alliés ont-ils avec vous? Quand j’étais aux États-Unis récemment, pas mal de gens se sont approchés de nous. Au moment où je traversais l’aéroport, un homme m’a dit : « Je m’excuse. Nous aimons vraiment les Canadiens. » Est-ce qu’on vous dit ce genre de choses en privé, à vous aussi?
Mme Hillman : Merci, sénatrice. Je dois dire que c’est tous les jours que des Américains m’envoient des messages d’amitié. Et je crois important de souligner qu’il ne s’agit pas seulement des Américains avec qui je discute au Congrès ou dans l’administration, où l’on m’envoie aussi beaucoup de messages d’amitié. Il y a beaucoup de gens dans cette administration — comme le président l’a dit lui-même — qui aiment beaucoup le Canada et les Canadiens, qui sont impatients de partager leurs expériences et qui sont désireux d’essayer de faire des choses ensemble.
Les politiques mises en place, soit dit en passant, s’appliquent au monde entier. Cette politique tarifaire s’applique au monde entier, pas seulement à nous. Nous la percevons de notre point de vue, mais je peux vous assurer que l’Union européenne, le Brésil et d’autres pays la perçoivent aussi vivement.
Il faut comprendre que, parfois, ces mesures ne nous visent pas uniquement. C’est une politique que le gouvernement américain applique au monde entier.
Je remarque autre chose, et je pense que c’est très important. Il n’y a pas un seul événement auquel j’assiste, qu’il s’agisse d’un petit dîner ou d’une grande réception, où je ne reçoive pas le témoignage d’Américains qui viennent me dire : « J’aime vraiment le Canada. J’apprécie les Canadiens. J’ai vécu un certain temps à Toronto. Ma fille est allée à l’école à l’Île‑du‑Prince-Édouard. Ma femme vient de Winnipeg. » Quel que soit le problème, les gens cherchent toujours à entrer en relation personnellement avec nous et à consolider ces relations.
Est-ce que cela facilite la vie à certains de nos secteurs et de nos travailleurs qui souffrent? Probablement pas, mais, pour quelqu’un comme moi, qui essaie d’envisager le moyen et le long terme, ce genre d’expressions et de relations sera important pour déterminer comment retrouver le cours normal des choses, comment trouver des appuis au sein même des États-Unis et comment procéder pour avancer dans cette relation à mesure qu’elle change et évolue.
Cela m’encourage. J’espère que les Canadiens comprennent que nous pouvons trouver les politiques du gouvernement difficiles et qu’elles peuvent rendre la vie des Canadiens pénible, mais l’Amérique est un immense territoire, et il y a beaucoup de gens qui ont des opinions extrêmement fortes et favorables à notre égard.
Le président : Je vais utiliser mon privilège de président pour poser une question à l’ambassadrice. Il s’agit de la manière dont nous, au Canada, et nos gouvernements successifs, avons été des alliés dans la protection du troupeau vulnérable de caribous de Porcupine, et des partenaires dans les préoccupations liées à la réserve faunique nationale de l’Arctique en Alaska, qui, bien sûr, s’étend également jusqu’au Yukon. Les accords de licence qui étaient en vigueur sous l’administration Biden ont été abrogés la semaine dernière par l’administration américaine.
Madame l’ambassadrice, je sais que vous avez beaucoup de pain sur la planche. Ce sujet fait-il partie des discussions dans le cadre du travail de certains membres de l’ambassade?
J’en parle aussi parce que, quand j’ai été affecté à Washington il y a de nombreuses années, c’était un dossier important pour nous à l’époque. On dirait qu’il est de retour.
Mme Hillman : Merci, monsieur le président.
Il est de retour, en effet. Depuis que je suis ici, la première administration Trump a cherché à modifier sa politique à cet égard et elle l’a fait. L’administration Biden avait rétabli les mesures de protection. Elles viennent d’être éliminées encore une fois. C’est la nature du débat aux États-Unis.
Nous sommes restés un allié solide et déterminé dans la protection de cet espace et dans la protection du caribou. Oui, nous avons une équipe de l’environnement ici. Nous avons également une équipe qui collabore étroitement sur les enjeux de l’Arctique, probablement plus que je n’en ai jamais vu depuis mon entrée en fonction, c’est-à-dire depuis maintenant neuf ans ici à Washington. C’est aussi à l’ordre du jour de cette équipe.
C’est une question complexe, parce que le gouvernement actuel est tout à fait catégorique quand il dit qu’on devrait faire de l’exploration dans cette zone. L’une des questions qui m’ont été posées est de savoir s’il y a un intérêt économique à le faire. C’est une bien piètre consolation, j’en suis sûre, pour ceux qui veulent des mesures de sauvegarde.
La question de savoir s’il y a ou non un intérêt économique est importante.
Le président : Merci de cette réponse, madame l’ambassadrice. De nombreux facteurs entrent en ligne de compte. Il y a d’abord le prix du pétrole. Nous devons également tenir compte de notre engagement envers les Autochtones du Nord.
Nous allons maintenant passer à la deuxième série de questions. Au deuxième tour, le temps de parole sera de deux minutes. J’ai six personnes qui veulent poser des questions.
Le sénateur Ravalia : Madame l’ambassadrice, j’aimerais connaître votre avis sur l’approche d’Équipe Canada.
Faudrait-il parler d’une seule voix plutôt que de 13 voix susceptibles d’être perçues comme incendiaires ou antagonistes?
Mme Hillman : C’est une question complexe. À un certain niveau, les messages de base qui viennent du Canada doivent être fondés sur des principes semblables. À un certain niveau, je crois que oui. Le même principe s’applique : nous sommes votre voisin, votre allié et votre partenaire. Nous ne sommes pas une menace économique, mais un facteur d’amélioration de l’économie et de la sécurité, et nous voulons être traités équitablement. Cette tendance se manifeste partout au pays, je crois. C’est vrai en tout cas ici à Washington quand je travaille avec différents paliers de gouvernement et diverses parties prenantes.
Les moyens que certains Canadiens choisissent pour s’exprimer, et le vocabulaire qu’ils utilisent sont différents d’une personne à l’autre. Je peux parler en mon nom et au nom de mon équipe ici à Washington. Ce qui fonctionne dans le rôle que nous jouons ici passe par des discussions constructives extrêmement factuelles dans lesquelles nous essayons vraiment de comprendre les motivations de cette administration et leurs sources, pour peut-être offrir des pistes qui permettraient d’en arriver à la solution et à l’objectif qu’ils recherchent et qui sont différentes de la piste qu’ils suivent, et d’en arriver à la meilleure pour le Canada. C’est ce à quoi nous travaillons.
Je trouve que c’est efficace à la table de négociation, mais aussi dans la défense des droits.
[Français]
La sénatrice Hébert : Sur la question des ententes sectorielles, on a entendu certains analystes estimer que cela pourrait ne pas nécessairement être un atout pour le Canada lors des renégociations ou que cela risque d’affaiblir le Canada lors du processus de négociation sur l’ACEUM. J’aimerais vous entendre sur cette question, à savoir si les ententes sectorielles aideront le Canada pour la suite des choses avec les États-Unis et pour ce qui s’en vient avec l’ACEUM.
Mme Hillman : Quand vous parlez des ententes sectorielles, vous voulez dire le secteur automobile?
La sénatrice Hébert : En fait, ce dont nous avons parlé : l’aluminium, l’acier et l’énergie.
Mme Hillman : Premièrement, je dirais que c’est notre responsabilité de trouver une voie pour les secteurs qui subissent ces tarifs, des secteurs où les entreprises et les travailleurs souffrent; c’est notre responsabilité de le faire dès que possible dans la mesure où c’est une entente qui fonctionne pour le Canada.
La renégociation de l’ACEUM prendra un certain moment, soit 12 ou 18 mois; ce n’est pas quelque chose qui se fera du jour au lendemain. Entretemps, nous avons des secteurs qui souffrent, alors selon moi, il faut essayer de régler ces problèmes dès que possible.
Ensuite, ces tarifs sont des tarifs 232, et pour les États-Unis, ces derniers ne font pas partie de l’ACEUM; ils ne font pas partie de ce sur quoi portera cette conversation, parce qu’ils voient cela comme des mesures qui sont prises pour des raisons de sécurité nationale. Nous ne sommes peut-être pas d’accord là‑dessus, mais ils voient cela comme étant un sujet distinct de l’ACEUM. Ce n’est même pas clair si cela ferait partie de la conversation qui aurait lieu à cette table de toute façon.
La sénatrice Gerba : Ma question fait suite à ma première question, parce que j’ai compris que les pays ont chacun leurs enjeux prioritaires. À l’approche de la négociation de l’ACEUM en 2026, selon vous, comment le Canada et le Mexique peuvent‑ils mieux coordonner leurs efforts diplomatiques et commerciaux pour défendre leurs intérêts communs? En effet, on a quand même des intérêts communs avec les États-Unis par rapport à l’ACEUM.
Mme Hillman : Merci pour la question, sénatrice. C’est évident que le Mexique est un partenaire très important pour le Canada et qu’il le devient de plus en plus. Nous nous engageons avec le Mexique maintenant; le premier ministre a visité le Mexique, tout comme le ministre LeBlanc. Nous avons souvent des conversations ici à Washington avec nos homologues à l’ambassade du Mexique, parce que c’est quand même une économie nord-américaine qui est très interreliée avec la nôtre. C’est normal.
La meilleure façon de faire cela, c’est de trouver les domaines dans lesquels nous avons des intérêts communs. Nous avons des buts et des objectifs de négociation en commun et il faut comparer comment nous allons approcher le tout. Il faut aussi dialoguer avec les États-Unis, car c’est quand même une relation trilatérale.
Parfois, il y a certains sujets sur lesquels nous sommes d’accord avec les États-Unis et nous avons des enjeux par rapport au Mexique et des sujets où le Mexique et les États-Unis ont le même point de vue par rapport au Canada. C’est quand même une relation trilatérale qui comporte différents aspects. Selon moi, c’est quand nous sommes très ouverts les uns avec les autres que la relation fonctionne le mieux.
[Traduction]
La sénatrice Coyle : Je ne sais pas si ma question est juste, mais j’aimerais vous poser une question au sujet des relations commerciales du Canada avec la Chine et de la façon dont nous devons les harmoniser avec celles des États-Unis. Nous avons emboîté le pas dans le dossier des tarifs sur les véhicules électriques, etc. Pourriez-vous nous en parler?
Mme Hillman : Certainement. C’est une question importante.
La Chine est un important marché d’exportation pour le Canada. Comme je viens de l’Ouest, d’une collectivité agricole, je peux en témoigner. C’est aussi un pays important qui a, dans le monde, beaucoup d’importance et d’influence.
Par ailleurs, la Chine a adopté certaines politiques économiques qui ont entraîné des difficultés pour certains secteurs d’activité canadiens — dans le milieu, on appelle cela des « irritants commerciaux » — et qui ont fait obstacle à la compétitivité de nos entreprises à l’échelle internationale.
À mon avis, il est tout à fait possible d’analyser les irritants qui ont été portés à notre attention et de trouver des moyens de les régler à l’échelle du Canada, mais aussi de concert avec nos partenaires, dans la mesure où nous avons des points de vue communs, mais aussi de veiller à nouer des relations constructives et efficaces avec la Chine quand c’est dans l’intérêt du Canada.
À certains égards, c’est dans l’intérêt du Canada. Nous pouvons certainement faire les deux. Et nous devons agir de façon délibérée et prudente. C’est la voie que nous suivons.
Le sénateur Al Zaibak : Monsieur Moen, je crois que la signature et la conclusion de l’ALENA il y a plus de 30 ans ont représenté une percée historique qui s’est traduite par une situation avantageuse pour les deux pays.
Le problème que pose maintenant le renouvellement de l’ALENA et de ses versions successives jusqu’à l’ACEUM, c’est le peu de temps imparti pour l’analyser, et c’est la transformation du contexte politique qui déclenche parfois une certaine réticence à y adhérer ou à s’y conformer.
Est-ce que votre ministère a envisagé un cadre plus global qui pourrait durer plus longtemps et être plus exhaustif que ne l’est l’ACEUM actuel, au-delà même des périodes de renouvellement, qui pourrait convenir aux gouvernements des deux pays et recevoir l’appui des deux administrations, et qui serait, si je peux m’exprimer ainsi, plus perpétuel et ne dépendrait pas de changements ou de périodes d’instabilité dans le leadership politique d’un pays?
M. Moen : Tout d’abord, voilà une très bonne question. On en arrive à la question de la stabilité, et c’est ce que nous disent les parties intéressées au Canada. Elles veulent de la stabilité pour pouvoir planifier leurs investissements et prendre des décisions. C’est certainement un objectif fondamental pour l’avenir.
L’ACEUM a une très vaste portée. Il couvre un large éventail d’activités économiques, beaucoup plus vaste que l’ALENA qui l’a précédé, et c’est ce qui a donné lieu à une expansion de notre accord de libre-échange avec les États-Unis. C’est une évolution qui pourrait se prolonger. Dans le cadre de l’examen de l’Accord, nous pourrions aborder des enjeux plus strictement économiques. C’est quelque chose qui intéresse certains protagonistes et que nous sommes prêts à examiner.
Quant à aller au-delà des enjeux économiques, c’est une autre question. Nos relations avec les États-Unis sont multidimensionnelles. Nous collaborons et travaillons ensemble dans toutes sortes de domaines. À mesure que nous négocions des accords commerciaux, nous essayons de prendre acte de cette coopération, mais sans la rattacher directement à l’accord proprement dit et plutôt à des enjeux distincts liés au commerce et aux investissements.
Le sénateur MacDonald : Madame l’ambassadrice, j’étais à Washington en mars dernier pour une assez longue réunion avec le Conseil des affaires canadiennes-américaines. On s’y inquiète beaucoup, et beaucoup d’intérêts sont les mêmes.
Qu’entendez-vous dire parmi les représentants du milieu des affaires américain qui y participent, par exemple, le conseil des gens d’affaires et de nombreux autres intérêts? Quel genre d’influence, s’il y a lieu, exercent-ils sur les négociations?
Ils s’inquiètent énormément des chaînes d’approvisionnement. Ils veulent être sûrs qu’elles ne seront pas perturbées. C’est une grande collectivité aux États-Unis, et elle représente des intérêts commerciaux importants. De ce côté-ci de la frontière, nous n’obtenons pas beaucoup d’information sur ce qui se dit ou se fait en coulisses. Pourriez-vous nous éclairer à ce sujet?
Mme Hillman : Il ne fait aucun doute qu’ils se font entendre, sénateur. Ce qui diffère du passé, c’est que cela ne se fait pas sur la place publique. Je peux vous assurer — car je le sais pour avoir parlé à des PDG, ici, à des membres de la Maison-Blanche et même au président lui-même — que ces chefs d’entreprise vont voir le président. Ils lui parlent de ses politiques. Ils lui parlent de ce qu’ils aiment et de ce qu’ils n’aiment pas. D’ailleurs, peut-être que le verbe aimer n’est pas le bon, mais ils lui parlent de ce qui, selon eux, fonctionne. Ils lui présentent les faits et lui font part de leurs réflexions sur les effets des mesures qui peuvent les déranger davantage. Je crois qu’ils ont droit à une audience.
Comme je l’ai dit, le président s’intéresse beaucoup aux faits et veut entendre les gens qu’il respecte. Il respecte assurément les chefs d’entreprise du pays. Je suis convaincue qu’il les écoute.
J’ai commencé en disant qu’il allait lui-même aux renseignements. Cela ne veut pas nécessairement dire qu’il suivra toujours les conseils ou avis de ces gens-là, mais l’administration est au courant de leurs positions.
Le président : Votre Excellence, je vous remercie de vos réponses. Nous avons dépassé le temps alloué, mais comme vous pouviez vous en douter, le sujet nous intéresse.
Au nom du comité, je vous remercie de votre témoignage, de vos réponses franches et de l’excellent travail que vous accomplissez, vous et votre équipe. Même chose pour Martin Moen et pour son équipe, ici, à Ottawa. Je sais que vous travaillez tous deux en harmonie.
Cette question est importante pour notre pays, et je m’avancerai jusqu’à dire que nous y reviendrons de temps en temps. Cela étant, Excellence, nous vous réinviterons sans aucun doute.
Pour notre deuxième groupe de témoins, nous accueillons Jean Simard, président et chef de la direction de l’Association de l’aluminium du Canada, et Catherine Cobden, présidente‑directrice générale de l’Association canadienne des producteurs d’acier.
Bienvenue à vous deux. Je vous remercie d’être parmi nous aujourd’hui. Nous sommes prêts à entendre vos déclarations liminaires. Vous avez suivi les témoignages du groupe précédent. Les sénateurs vont vous poser des questions auxquelles nous espérons des réponses.
Monsieur Simard, vous avez la parole.
Jean Simard, président et chef de la direction, Association de l’aluminium du Canada : Bonjour. Je vous remercie de nous avoir invités à participer à cette audience. Je m’exprime au nom de l’Association de l’aluminium du Canada, qui représente trois producteurs primaires de calibre mondial, soit Alcoa, Rio Tinto et Aluminerie Alouette qui possèdent neuf fonderies en tout : huit au Québec et une en Colombie-Britannique.
L’ACEUM a donné des résultats palpables pour l’économie nord-américaine. Pour le Canada, l’ACEUM a assuré un accès prévisible et sûr à ses deux plus grands marchés d’exportation, procurant la confiance nécessaire aux investissements à long terme et au maintien de chaînes de valeur industrielles profondément interconnectées.
Pour le secteur de l’aluminium, l’ACEUM a fourni une base solide pour le commerce. L’accord a renforcé la nature intégrée du marché nord-américain de l’aluminium, dans lequel les producteurs canadiens répondent à plus de 50 % de la demande américaine de métaux de première transformation tout en produisant plus de 80 % de tous les métaux de première transformation en Amérique du Nord.
Cet environnement commercial ouvert et prévisible a permis à la région d’assurer un approvisionnement stable d’une matière essentielle aux industries du transport, de la construction, de l’énergie et de la défense, et des réinvestissements annuels moyens au Canada d’un milliard de dollars dans nos actifs, assurant ainsi notre compétitivité.
Chaque emploi dans le secteur primaire de l’aluminium au Canada se traduit par environ 13 emplois bien rémunérés aux États-Unis. Dans le but de renforcer et de moderniser les principales dispositions de l’ACEUM et ainsi d’améliorer la compétitivité et d’assurer l’intégrité des marchés nord‑américains, voici ce que recommande notre association :
L’examen devrait surtout porter sur les améliorations pratiques susceptibles de moderniser la mise en œuvre tout en maintenant la confiance et la stabilité que l’ACEUM a instaurée entre les partenaires nord-américains.
Si des ajustements importants s’imposent, comme dans le cas de l’aluminium, il y aurait lieu de privilégier des accords parallèles ciblés ou des annexes au texte principal.
Il est essentiel d’éliminer les échappatoires permettant de contourner les règles commerciales. L’examen devrait mettre davantage l’accent sur l’amélioration de la transparence et de l’application de la loi, en particulier dans les secteurs jugés essentiels à la sécurité économique et nationale.
L’espace commercial de l’ACEUM procure des avantages importants à tous les pays membres, mais un accès en franchise de droits peut également être synonyme de possibilités d’arbitrage que certains acteurs seront tentés d’exploiter. L’importation de fausses jantes en aluminium est un exemple évident d’une pratique qui mine la concurrence loyale et affaiblit la confiance dans l’intégrité du régime préférentiel de l’accord.
Si un partenaire ne s’acquitte pas pleinement de sa responsabilité de contrôler ses frontières et d’appliquer les règles commerciales, la crédibilité et la stabilité de tout l’espace commercial de l’ACEUM pourraient être compromises.
Le Canada devrait préconiser l’élimination progressive des barrières tarifaires et non tarifaires qui vont à l’encontre de l’esprit et des objectifs de l’ACEUM.
La demande d’aluminium en Amérique du Nord devrait augmenter jusqu’à 80 % d’ici 2050. Cette croissance générera de nouvelles possibilités.
Pour qu’un approvisionnement sûr en métaux permette de répondre à la demande future, de nouveaux investissements privés substantiels et un marché régional équitable et transparent, soutenu par des règles commerciales cohérentes et des politiques prévisibles dans toute l’Amérique du Nord seront nécessaires.
Les entreprises opérant dans des économies de marché ne peuvent pas rivaliser sur un pied d’égalité avec les producteurs d’économies contrôlées bénéficiant des interventions de l’État et des distorsions structurelles.
Il est donc essentiel de s’attaquer aux pratiques non marchandes qui sous-tendent la domination du marché chinois pour élaborer un cadre régional sûr et concurrentiel en matière d’aluminium.
Une harmonisation tarifaire complète dans l’ensemble de l’espace commercial de l’ACEUM ne serait pas appropriée, car elle pourrait limiter la souveraineté du Canada en matière de politique commerciale. Il faudrait plutôt envisager une approche plus ciblée pour les secteurs économiques clés, comme cela a déjà été fait pour l’acier et l’aluminium en provenance de la Chine.
L’harmonisation des tarifs pour l’aluminium et d’autres matériaux stratégiques est essentielle au maintien de règles du jeu équitables en Amérique du Nord.
Le Canada, les États-Unis et le Mexique devraient assurer un traitement uniforme de ces produits dans leurs listes tarifaires respectives.
Les règles d’origine pourraient être l’un des outils les plus efficaces pour préserver l’intégrité des chaînes de valeur nord‑américaines. La mise à jour et la clarification de ces dispositions pour les produits d’aluminium feraient en sorte que seuls les matériaux véritablement nord-américains bénéficient des préférences de l’ACEUM. Il faudrait notamment étendre les exigences particulières en matière d’origine aux produits intermédiaires et semi-fabriqués comme les jantes de roues, les extrusions et autres formes fréquemment utilisées pour contourner les règles commerciales.
La transparence et la traçabilité sont essentielles pour assurer la crédibilité du régime préférentiel de l’ACEUM.
Le système canadien de surveillance des importations d’aluminium, ainsi que les nouveaux mécanismes américains et mexicains, devraient être harmonisés afin de former un cadre continental unifié pour la collecte et l’analyse des données sur le commerce.
L’harmonisation de la déclaration des fonderies et des coulées dans les trois pays permettrait un suivi précis de l’origine du produit, faciliterait l’application de la loi et fournirait aux gouvernements des données en temps réel pour repérer les flux commerciaux irréguliers.
Un système de surveillance coordonné et interopérable empêcherait le contournement et donnerait aux décideurs une vision plus claire de la dynamique de la chaîne d’approvisionnement.
Une telle intégration favoriserait également la coopération trilatérale pour réagir rapidement aux distorsions du marché et protéger l’intégrité à long terme de la production d’aluminium en Amérique du Nord.
En tenant compte des tendances économiques plus générales tout en tirant parti des forces industrielles actuelles du Canada, il nous serait possible de maintenir notre compétitivité et de stimuler la croissance économique.
Un meilleur alignement sur le traitement tarifaire, les règles d’origine et la traçabilité réduira l’exposition aux distorsions externes et fera en sorte que l’aluminium continue de servir de base à une croissance économique partagée.
Merci.
Le président : Merci, monsieur Simard.
Nous allons maintenant entendre Catherine Cobden.
Catherine Cobden, présidente et cheffe de la direction, Association canadienne des producteurs d’acier : Merci à tous de m’avoir invitée. Je suis heureuse d’avoir l’occasion de m’adresser à vous.
Comme cela a été dit, je m’appelle Catherine Cobden et je représente l’Association canadienne des producteurs d’acier. Nous sommes responsables de la totalité de la production d’acier au Canada, de l’Alberta au Québec. Nous représentons certains des plus grands consommateurs d’acier au pays. Je vous remercie de m’avoir invitée à témoigner et à vous faire part du point de vue de nos membres sur les relations commerciales Canada-États-Unis et sur les approches que nous cherchons, tant dans les limites de l’ACEUM qu’en dehors de celles-ci, pour appuyer notre industrie, nos travailleurs et nos collectivités à ce qui est, je l’avoue, une période très difficile.
Depuis plus de sept mois, l’industrie canadienne de l’acier est assujettie aux droits de douane imposés par les États-Unis en vertu de l’article 232. Les répercussions sur notre industrie continuent de s’accentuer, car ces tarifs détruisent notre accès au marché américain, qui était la destination d’environ 6 millions de tonnes — soit la moitié de toute la production du pays — en 2024.
En 2025, nous avons vu nos expéditions chuter de façon précipitée. Nos exportations ne sont maintenant plus que la moitié de ce qu’elles étaient avant les tarifs et nous prévoyons que les niveaux seront encore plus bas d’ici la fin de l’année. De plus, les États-Unis ont élargi leur régime tarifaire en vertu de l’article 232 pour couvrir 20 milliards de dollars d’exportations canadiennes de produits manufacturés contenant de l’acier et de l’aluminium. C’est une attaque directe contre notre base canadienne. Ce n’est qu’un début, car les États-Unis continuent d’élargir leur liste de produits dérivés ciblés, comme les jantes d’auto dont parlait M. Simard, et l’on s’attend à ce que des centaines de produits soient ajoutés à cette liste d’ici la fin de l’année et ainsi de suite — tous les trois ou quatre mois, selon nous.
Il est très, très complexe de parler d’harmonisation et de miser sur l’intégration remarquable dont le Canada jouit avec les États‑Unis depuis plus de 30 ans. Quoi qu’il en soit, à l’approche des discussions bilatérales et trilatérales, il est impératif de se rappeler que le marché canadien de l’acier est touché par les mêmes phénomènes mondiaux qui orientent la politique américaine en matière de commerce de l’acier et de droits de douane. La capacité excédentaire mondiale — et dans le cas de l’acier provenant principalement de la Chine — détruit les marchés, créant un régime de prix inférieur au marché qui a une incidence directe sur notre viabilité et notre compétitivité.
Bien que ce scénario se soit considérablement accentué, particulièrement au cours de la dernière décennie, les mesures commerciales prises par les États-Unis pour cibler ce phénomène — mais aussi en imposant des droits de douane au Canada et au Mexique — accroissent grandement l’urgence à agir pour notre propre pays. L’action que nous recherchons vise à soutenir deux objectifs clés. Le premier est de protéger l’industrie nationale pour récupérer la part du marché canadien, et le deuxième est de démontrer notre ferme engagement à relever ce défi mondial commun à notre plus important partenaire commercial, les États-Unis.
Malgré la guerre commerciale qui fait rage entre nos deux pays, les membres de l’Association canadienne des producteurs d’acier veulent un examen de l’ACEUM qui favorise une collaboration encore plus étroite avec nos industries américaines et mexicaines et leurs gouvernements afin d’harmoniser les efforts visant à protéger le marché nord-américain contre ce défi très important.
Pendant beaucoup trop longtemps, nos marchés respectifs ont souffert des répercussions de pratiques commerciales déloyales, du dumping, du transbordement de marchandises, du contournement et de la fraude qui découlent de cette surcapacité mondiale et qui entraînent l’érosion non seulement de l’industrie sidérurgique canadienne, mais aussi de l’industrie sidérurgique nord-américaine.
Bien que l’industrie canadienne de l’acier apprécie énormément les mesures qui ont été prises depuis la mise en place des droits de douane en mars — le gouvernement canadien a fait trois annonces très importantes —, nous devons continuer d’en faire plus et renforcer de toute urgence nos mesures pour protéger l’industrie contre ce commerce déloyal et pour soutenir le périmètre nord-américain du commerce.
Nous cherchons plus précisément à faire en sorte que les produits dérivés soient inclus dans toutes les mesures commerciales, que d’autres restrictions à l’importation au Canada s’appliquent à l’acier fondu et coulé par la Chine et que le Canada limite son cadre de remise uniquement aux produits que nous ne produisons pas chez nous. Pour mesurer nos progrès, nous demandons l’adoption d’une cible de 80 à 85 % de part du marché intérieur de l’acier, ce qui correspond aux parts comparables des marchés américains et européens. Ces deux partenaires commerciaux ont agi différemment, mais ils ont atteint l’objectif consistant à approvisionner 80 à 85 % de leur marché à partir de leur propre industrie nationale.
Nous voyons d’autres possibilités de renforcer le commerce de l’acier dans les régions nord-américaines. Nous espérons également qu’un ACEUM renouvelé élargira les dispositions actuelles sur les règles d’origine à une gamme de produits dérivés, ainsi qu’à une liste plus vaste de pièces et de produits automobiles et à un pourcentage plus élevé. Nous cherchons également à renforcer les mécanismes de recours commerciaux grâce, par exemple, à une législation anti-contournement améliorée et à une coopération accrue entre les autorités douanières et des échanges d’informations entre les trois pays.
Honorables sénateurs, avant la guerre commerciale, l’industrie sidérurgique nord-américaine a grandement bénéficié des efforts conjugués déployés dans le cadre de l’ACEUM pour protéger l’espace nord-américain. La guerre commerciale actuelle renforce vraiment notre urgence à faire plus et plus rapidement. Les changements que nous recommandons renforceront notre capacité à regagner notre marché sans trop perdre de temps — car il y a péril en la demeure — et nous aideront à résister. De plus, nous pensons que ces mesures concrètes montreront sans équivoque aux États-Unis que nous sommes plus forts ensemble que séparés et, idéalement, que nous pouvons mettre un terme à cette guerre commerciale. Merci.
Le président : Merci pour ces remarques, madame Cobden.
La sénatrice Ataullahjan : Merci à vous deux de comparaître devant nous.
Voici ma question : quel est le meilleur résultat que vous pourriez espérer, compte tenu de la crise actuelle et du fait que tout est au point mort? Êtes-vous intéressés par d’autres marchés à l’exportation? Vous dites que vous traversez une période complexe, que vous êtes confrontés au dumping de l’acier chinois. Ma question s’adresse à vous deux. Avez-vous en tête un marché international sur lequel vous aimeriez vous retrouver?
Mme Cobden : Comme vous le verrez, nos situations sont très différentes. Le meilleur résultat que nous puissions espérer consisterait à donner au périmètre que les États-Unis ont établi une dimension trilatérale et à l’étendre aux trois régions. Ce ne serait pas nécessairement la même trousse d’outils, mais le résultat serait le même. Sur le plan intrarégional, nous pouvons revenir à l’environnement de libre-échange qui a été vraiment crucial pour l’économie des trois pays.
À propos de la diversification des marchés, je dirais que M. Simard et moi vous donnerons sans doute des réponses très différentes, et je lui laisserai le soin de vous répondre en ce qui le concerne. Quant à mon association, elle a son propre marché, le marché américain. Par exemple, moins de 0,1 % de l’acier que nous produisons est destiné à l’Union européenne. La raison en est très facile à comprendre. Quand il existe une telle surabondance d’acier provenant d’une région, et qui fait le tour du monde, il est très difficile de pénétrer de nouveaux marchés. Nous reconnaissons que la diversification des marchés est une stratégie importante pour notre pays et nous l’appuyons, mais malheureusement, compte tenu de la situation dans le secteur de l’acier, celle-ci n’a pas vraiment d’application pratique.
M. Simard : Dans notre cas, il s’agit d’abord de limiter l’espace commercial de l’ACEUM entre les trois pays pour empêcher l’entrée de métaux provenant d’économies planifiées. Deuxièmement, nous sommes dans une situation différente parce qu’il n’y a pas de surplus d’aluminium sur la planète : 73 millions de tonnes produites et 73 millions de tonnes consommées. Le problème tient à la surcapacité chinoise qui se sert des marchés extérieurs comme d’une soupape pour écouler son surplus de métaux sur les marchés.
Nous expédions en Europe. Nous pouvons expédier nos produits dans la région du Pacifique. Nous expédions nos produits aux États-Unis. Les marchés européen et américain ont désespérément besoin de métal. Les États-Unis consomment 5 millions de tonnes de métaux primaires. Ils en produisent 670 000, soit l’équivalent d’une fonderie par année sur la Côte‑Nord du Québec. Il est donc très important de délimiter le territoire parce qu’il s’agit d’un espace commercial privilégié. Nous ne devrions pas laisser des métaux venant d’économies planifiées traverser les frontières de l’ACEUM, et c’est fondamental pour nous.
Le sénateur Ravalia : Je vous remercie tous les deux de votre présence et du travail que vous faites.
On a beaucoup parlé des projets d’édification de la nation. Avez-vous eu des discussions directes avec le Cabinet du premier ministre sur la façon dont vos industries pourraient être intégrées d’une manière ou d’une autre pour faire en sorte que votre surcapacité ou la perte potentielle de marchés puissent servir à améliorer certains de ces projets?
M. Simard : Dans notre cas, c’est différent. Nous produisons un intrant industriel, pas un produit final. Nous avons des marchés en Europe et aux États-Unis. L’édification de la nation concerne davantage les transformateurs et les petites et moyennes entreprises éparpillées un peu partout au pays qui transforment l’aluminium en produits semi-finis et finis. L’aluminium n’est pas un matériau d’infrastructure. Il est davantage destiné aux bâtiments, aux maisons et aux automobiles.
Le projet que nous avons identifié — nous avons eu des réunions et le gouvernement a fait preuve de beaucoup d’ouverture — s’inscrit dans le cadre de l’initiative Maisons Canada. C’est un concept fabuleux qui a été élaboré et conçu au Québec. Il s’agit de maisons préfabriquées en bois et en aluminium. C’est une très belle conception, très concurrentielle sur le plan des prix et qui pourrait être déployée partout au Canada, ce qui permettrait de développer des chaînes de valeur à l’échelle régionale pour appuyer la mise en œuvre de ce concept.
Nous travaillons activement avec le gouvernement fédéral qui veillera à ce que l’appel d’offres ou l’appel d’intérêt prévoie ce type de solution.
Mme Cobden : Du point de vue de l’acier, nous avons été encouragés d’entendre le premier ministre dire que les projets nationaux annoncés seront appuyés par la politique « Achetez canadien », que nous n’avons cependant pas encore vue. Nous avons été consultés sur certains aspects, notamment sur l’utilisation obligatoire de l’acier canadien à des niveaux raisonnables. Nous espérons donc que le projet de loi sera adopté ou publié tel quel.
Il serait très appréciable que les provinces et les municipalités reprennent à leur compte cette politique d’achat canadien. Cela aiderait vraiment, mais dans tous les cas, rien n’ira assez vite dans le contexte actuel. C’est pourquoi nous accordons la priorité aux mesures commerciales à la frontière, d’où notre préférence pour la politique Acheter canadien. Il faut beaucoup de temps pour que les projets se concrétisent. Nous vivons actuellement une crise existentielle, mais nous avons vraiment hâte de jouer un rôle dans ces projets nationaux.
Le président : Merci beaucoup.
Le sénateur MacDonald : Je pourrais vous parler des heures durant de l’acier et de l’aluminium, car les Américains nous en ont beaucoup dit au cours des 15 dernières années. En fait, c’est tout un sujet en soi. Les Américains se plaindront toujours du fait que trop d’acier et d’aluminium chinois transitent par notre pays, pour être ensuite retraités et vendus aux États-Unis. Quelle quantité d’acier et d’aluminium est importée par des producteurs au Canada? Quelle quantité est importée par des tiers qui traitent et exportent ces métaux? Est-ce que certains de nos producteurs ont eux-mêmes besoin d’acier et d’aluminium?
Mme Cobden : Pas nous.
M. Simard : Pas nous non plus. L’aluminium provenant d’autres pays — puisque nous ne sommes pas un marché final et que nous n’avons pas la masse critique des États-Unis — est du métal dont nous avons besoin parce que nous n’en recevons pas des États-Unis. Nous nous trouvons dans une situation litigieuse avec nos homologues de l’industrie américaine à ce sujet. En situation de resserrement du marché américain, les tôles et les plaques d’aluminium sont conservées aux États-Unis. Comme nous leur avons dit, nous ne sommes pas des kiosques de limonade qui peuvent attendre deux ans avant que le métal redevienne disponible, et nous devons importer de la Chine. C’est le seul endroit qui fournira ce matériel. Tant qu’ils n’auront pas la capacité d’approvisionner l’ensemble du marché nord-américain, nous devrons avoir accès à d’autres sources d’approvisionnement. Ce n’est pas le principal. Nous produisons le primaire. Nous n’importons pas de produits primaires d’un autre pays.
Le sénateur MacDonald : Je sais que les deux industries ont leurs préoccupations, mais laquelle est la plus vulnérable en ce moment : celle de l’aluminium ou celle de l’acier? Tout cela touche à l’industrie sidérurgique, n’est-ce pas?
Mme Cobden : Oui.
Le sénateur MacDonald : J’ai supposé que.
Mme Cobden : J’ajouterais à la conversation et en réponse à votre question au sujet de l’acier qui entre au Canada que, d’après notre expérience, le problème vient souvent du fait qu’il arrive à un prix de dumping. Il y a une dévaluation importante de l’acier dans notre pays à cause du dumping, ce qui nous ramène aux pratiques commerciales déloyales. Notre pays a des défis à relever face au commerce déloyal.
Le sénateur MacDonald : Notre acier circule dans les deux sens, n’est-ce pas?
Mme Cobden : C’est-à-dire?
Le sénateur MacDonald : Entre le Canada et les États-Unis
Mme Cobden : Oui, c’est exact et, d’ailleurs, c’est une excellente remarque. Nous expédions 6 millions de tonnes aux États-Unis et ils nous en envoient environ 3,5 millions de tonnes. Nous sommes l’un pour l’autre le plus important partenaire commercial dans le secteur de l’acier. Nous le rappelons régulièrement aux Américains.
Le sénateur Al Zaibak : Ma question fait suite aux questions du sénateur Ravalia et du sénateur MacDonald.
Compte tenu de l’incertitude actuelle entourant la guerre commerciale et de la menace continue à laquelle nous sommes confrontés, pouvez-vous imaginer une nouvelle utilisation au pays qui pourrait permettre d’absorber un pourcentage important de la production touchée par cette guerre commerciale? J’ai obtenu la réponse de M. Simard au sujet de la nature de l’industrie de l’aluminium, mais je pense davantage à l’accumulation des stocks pour les chemins de fer et les ponts et, je dirais, à l’utilisation de n’importe quel article ou capacité touchée. Et s’il y a une telle utilisation, quel pourcentage pourrait être absorbé par la constitution de réserves dès maintenant, sans parler de l’avenir?
Mme Cobden : Notre défi est celui de l’échelle. Nous produisons beaucoup d’acier, mais la bonne nouvelle, c’est que nous en produisons environ 12 millions et que notre pays en utilise entre 13 et 14 millions. Pour répondre à votre question, je dirais que cela devrait convenir.
Malheureusement en ce qui concerne le transport ferroviaire, par exemple, étant donné que nous avons une économie si intégrée, nous avons cessé de produire des rails parce que les États-Unis en fabriquent et qu’ils sont notre fournisseur. C’est là un des basculements que doit opérer notre industrie nationale, c’est-à-dire qu’elle doit reprendre à son compte ce genre de production que nous avons délaissée il y a longtemps. Nous avions l’habitude de le faire.
Nous sommes très enthousiasmés par des projets comme le train à grande vitesse. Nous espérons être en mesure d’y contribuer, et à condition que nous puissions nous réorienter. Je ne me souviens pas du chiffre exact, mais il est davantage question de mois que d’années de production. Les échelles sont faussées par ces projets individuels.
C’est là où la politique d’achat canadien, qui accorde la priorité à l’acier canadien dans les projets, est cruciale, mais elle doit aller plus loin et plus rapidement.
M. Simard : C’est une question de chiffres. C’est toujours une question de masse critique. On y revient toujours.
Un chemin de fer de 1 000 kilomètres représente 6 mois de production, peu importe ce qu’on peut en penser. Et après, qu’y aura-t-il? Il n’y aura pas exportation de pièces préfabriquées vers l’Europe ou l’Asie pour faire face à la concurrence de Chine, de la Corée du Sud et de l’Europe. Cela ne réglera donc pas le problème.
L’important est de créer un solide front commun à l’échelle des marchés publics au Canada entre les paliers municipal, provincial et fédéral. Vous allez faire passer les marchés publics fédéraux de 35 milliards à 150 milliards de dollars par année. Vous pourrez ensuite faire passer le message que 35 ponts sont prévus dans les 10 prochaines années. L’industrie investira et des emplois seront créés, mais si c’est du cas par cas, oubliez cela. Le marché ne réagira pas. C’est très important.
[Français]
La sénatrice Hébert : Monsieur Simard, c’est un plaisir de vous retrouver aujourd’hui dans d’autres circonstances que par le passé en ce qui nous concerne.
J’aimerais bien vous entendre. Je vous ai entendu en entrevue à la radio quand vous avez parlé de l’entente que le Canada tentait d’obtenir dans le secteur de l’aluminium. Quand vous dites qu’il y a d’autres débouchés et qu’il y a des choses à faire pour soutenir l’industrie, j’aimerais avoir votre perspective sur l’importance relative de cette fameuse entente sectorielle, si tant est qu’on puisse y arriver, comparativement aux autres débouchés au sein des marchés et aux efforts que le gouvernement devrait faire pour soutenir l’industrie.
M. Simard : Merci de la question. On exporte annuellement 2,7 millions de tonnes vers les États-Unis sur une production totale de 3,3 millions de tonnes. C’est à peu près 90 % de notre production. Sur une base hebdomadaire, c’est 52 000 tonnes d’aluminium par semaine. Avec un tarif de 50 %, cela représente 75 millions de dollars de tarifs par semaine pour trois producteurs.
Il est évident que pour notre lien avec le marché américain, des tarifs de 50 % ne sont pas soutenables. À un moment donné, Ford, GM ou un autre joueur commencera à réfléchir à la substitution du métal pour retourner vers l’acier ou d’autres types de composantes. C’est ce qu’on appelle la destruction du marché, la destruction de la demande.
Actuellement, la situation est critique, avec tout ce qui affecte le secteur automobile comme pression négative de l’extérieur au chapitre politique. On parle de l’importance de diversifier. Nous sommes déjà diversifiés et nous exportons depuis des années vers l’Europe et l’Asie. Nos joueurs, les Alcoa, Alouette et Rio Tinto, produisent déjà en Europe, à partir de la Norvège ou de l’Islande, pour approvisionner le marché européen. Donc, ils ont déjà un lien avec le marché et ils sont déjà structurés.
Pourquoi n’en faisons-nous pas davantage? Nous suivons l’argent, c’est-à-dire que le marché le plus lucratif, c’est le marché américain, et ce qui est important pour nous, ce sont les marges bénéficiaires. C’est ce qu’on appelle en anglais le netback. C’est la différence entre le coût à la sortie de l’usine et ce qui sera obtenu du marché une fois le métal sorti de l’usine. Le marché qui procure le meilleur rendement, et de loin, depuis des décennies, c’est le marché américain.
Donc, nous ne sommes pas prêts à délaisser ce marché à cause de la situation actuelle. Nous allons tenter par tous les moyens de maintenir nos parts de marché, qui sont considérables, avant de les céder à des concurrents du Moyen-Orient, de la Russie, de la Chine ou de l’Inde.
La sénatrice Gerba : Merci à nos deux témoins de leur présence parmi nous. Ma question s’adresse à vous deux. La Cour suprême des États-Unis doit bientôt se prononcer sur la légalité des droits de douane imposés par l’exécutif américain. Cette décision semble-t-elle porteuse d’espoir pour vos secteurs respectifs, ou croyez-vous plutôt qu’elle aura très peu d’incidence sur la dynamique actuelle de vos exportations?
M. Simard : Nos exportations sont visées par l’article 232 de l’outil tarifaire, qui n’est pas porté devant la Cour suprême. Ce qui est devant les tribunaux, c’est ce qu’on appelle l’International Emergency Economic Powers Act.
Il pourrait cependant y avoir un effet, soit de décrédibiliser et affaiblir la position du gouvernement américain, de M. Trump, au sujet de l’outil tarifaire comme moyen de négociation avec les pays.
À partir du moment où un jugement qui va à l’encontre de la position de la Maison-Blanche est rendu, les ententes qui ont été conclues à partir de la pression tarifaire deviennent de plus en plus fragiles, ce qui donne au Canada un pouvoir de négociation potentiellement plus fort, plus tard dans le temps, parce que la position américaine est affaiblie sur le plan des négociations. Cependant, il n’y a pas d’effets directs sur nos tarifs.
Mme Cobden : Merci pour votre question.
[Traduction]
Je suis d’accord avec M. Simard. La situation est la même pour le secteur de l’acier. J’ajouterai que le fondement juridique de l’article 232 est plus solide que celui de l’IEEPA. C’est pourquoi il n’y a pas eu de contestation, parce qu’il y a plus de structure.
M. Simard et moi avons rapidement constaté que nos deux industries étaient de nouveau soumises à des droits de douane sous cette nouvelle administration, car le cadre juridique, pourrait-on dire, avait été mis en place en 2017, sous le régime tarifaire précédent.
Cela explique également pourquoi les autres tarifs, comme ceux sur le bois d’œuvre, ont pris plus de temps à entrer en vigueur. C’est parce qu’ils ont fait l’objet d’un processus. Dans le cas de l’IEEPA, l’International Emergency Economic Powers Act américain, il n’y a pas de processus de ce genre.
Le sénateur Wilson : Je vous remercie tous les deux de vos témoignages qui m’ont permis de mieux comprendre les répercussions sur vos deux secteurs.
Je voudrais comprendre l’ampleur du problème. Il est évident que le rétablissement d’une nouvelle normalité avec les États‑Unis est une priorité. Je voudrais comprendre l’importance de la teneur en acier étranger dans les projets canadiens, madame Cobden. Je me demande quelle est l’ampleur du problème aux échelons provincial et municipal.
Mme Cobden : Si vous me permettez de répondre à cette question en allant au-delà des projets, je dirais qu’au Canada, nous avons vu le volume de nos importations augmenter systématiquement d’une année à l’autre au cours de la dernière décennie, au point où nous avons atteint environ huit millions de tonnes contre quelque quatre millions d’exportation seulement. C’est un défi de taille. Les huit millions comprennent des produits américains. Disons qu’il s’agit de 5,5 millions provenant de l’étranger et de quelques millions des États-Unis et du reste du Canada. Nous sommes petits. C’est pourquoi j’ai mentionné que nous aimerions voir une cible de 80 à 85 %, comme l’Union européenne et les États-Unis, parce que nous sommes nettement en dessous de ces niveaux aujourd’hui.
Le sénateur Wilson : Aujourd’hui, en visitant les chantiers de construction de la Colline du Parlement, j’ai appris que certains intrants d’acier du projet ne viennent malheureusement pas du Canada parce que nous n’en fabriquons pas de ce type. Il paraît que nous sommes en train de nous réoutiller pour pouvoir produire différents types d’acier. Selon vous, combien de temps nous faudra-t-il pour mettre cela en place?
Mme Cobden : La première bonne nouvelle, c’est que nous avons examiné toutes les données. En 2024, si nous examinons tout ce que nous importons dans notre pays, nous avons la capacité d’en produire 80 % ou plus. Nous pourrions reprendre à notre compte 82 % de toutes les importations.
Cependant, nous ne pouvons pas remplacer moins de 20 % de l’acier consommé, dont fait partie celui utilisé dans ce projet. Il faudrait pour cela que nous nous équipions différemment ou que nous trouvions un produit de substitution. À la faveur de nos discussions avec les gestionnaires de projet, nous expliquons que nous pourrions leur offrir différentes solutions à partir des types d’acier que nous produisons déjà.
Cela étant, si notre industrie doit effectivement prendre un virage, elle ne sait pas encore clairement vers où se diriger d’autant que, pour certains secteurs, cette réorientation exigera un investissement relativement faible, tandis que pour d’autres la mise de fonds sera importante et le redémarrage prendra du temps.
La sénatrice Pupatello : Bienvenue à toutes et tous. Avez‑vous calculé combien de nos exportations pourraient être remplacées par une production locale si tous les ordres de gouvernement étaient enclins à aller dans le sens dont on parle?
D’après ce que je comprends, il est difficile de recueillir des données afin de déterminer s’il serait possible d’en remplacer un grand pourcentage.
Par ailleurs, avez-vous dressé une liste des types de barrières non tarifaires que nous pourrions mettre en place pour empêcher ce que l’on appelle le dumping de l’acier, comme le font d’autres pays chez nous? Peut-être pas dans le secteur de l’acier, mais dans d’autres secteurs, par exemple, sous la forme d’une surtaxe sur le charbon intervenant dans la production de l’acier et venant de pays qui produisent de l’énergie à partir du charbon?
Mme Cobden : Eh bien, en ce qui a trait aux exportations à remplacer par la production intérieure, nous pensons être en mesure d’atteindre un taux de consommation de 80 à 85 % au pays. Pour le moment, comme je l’ai dit, nous n’en sommes pas à la moitié. Nous en sommes à 40 %, ou quelque chose comme ça. Nous pensons que le potentiel de substitution au Canada est très appréciable.
Je disais que nous produisons une grande partie des besoins actuellement comblés par les importations. C’est une occasion en or pour le secteur canadien de l’acier, à un moment où nous avons désespérément besoin d’un marché. Et de un.
Quant aux barrières non tarifaires, il y en a beaucoup. Nous nous sommes concentrés sur des propositions visant à créer les conditions du marché que nous recherchons. J’en ai mentionné quelques-unes dans mes remarques, mais il y en a d’autres.
Tout à l’heure, en parlant de l’utilisation de l’acier canadien par le secteur privé, je disais que nous pourrions envisager d’encourager notre secteur privé. Tout utilisateur d’acier, de matériaux ou de bois d’œuvre canadiens pourrait bénéficier d’un allégement fiscal avantageux ou d’une disposition du même ordre. Je ne sais pas quelle serait la formule exacte, mais il y a d’autres occasions de faire avancer les choses.
Le président : Je vais utiliser mon privilège de président pour poser une question. Madame Cobden, vous avez parlé de ce qui s’est passé en 2018 où l’on a coupé l’interrupteur avant de le remettre. En 2018, nous occupions la présidence du G7. Tous les pays ont travaillé d’arrache-pied pour mettre au point un mécanisme de lutte contre le dumping en provenance de la Chine.
Toujours à propos du dumping, surtout dans le cas de l’acier, l’Organisation de coopération et de développement économiques a mis sur pied un mécanisme. On avait alors estimé qu’il fallait aller plus loin et il existait un consensus. Ensuite, nous n’avons pas joint le geste à la parole parce que l’administration Trump a décidé de suivre un autre cap et d’imposer les droits de douane et pas uniquement au Canada. J’ai reçu un appel des États-Unis lors duquel mon interlocuteur m’a dit que nous ne devions pas nous sentir mal parce que nous n’étions pas les seuls. Le Japon et les partenaires européens étant également visés.
À la lumière de cette expérience, qu’avez-vous appris tous les deux quant au genre de préparation nécessaire pour le moment présent? En quoi ce moment diffère-t-il du précédent?
Mme Cobden : Il se trouve que nous étions tous les deux ici lors de la première guerre commerciale, et nous sommes donc tous deux habilités à en parler. Voulez-vous commencer?
M. Simard : Oui. Quand nous nous sommes retrouvés dans cette situation — la première fois où l’industrie de l’aluminium a été soumise à un tel régime —, la surprise fut totale. Nous n’arrêtions pas de dire que c’était dû à l’acier et non à l’aluminium, que nous étions visés par une démarche à l’emporte-pièce des Américains à cause de l’acier et que nous, nous n’avions rien à voir avec tout cela. Enfin, nous avons dû jouer sur tous les tableaux. Grâce à cela, nous avons bâti une relation étroite avec nos homologues américains : l’industrie américaine.
Nous avons... j’ai mis sur pied ce que nous appelons une réunion quadrilatérale, c’est-à-dire une rencontre hebdomadaire avec nos homologues japonais, européens et américains pour faire écho au groupe des pays du G7 et pour nous renseigner sur les enjeux commerciaux communs qui découlent de cette situation.
Nous avons mis sur pied une organisation du G7 sur l’aluminium qui existe encore aujourd’hui et qui travaille pour amener les pays du G7 à s’attaquer aux problèmes liés à la surcapacité chinoise et au fait que des économies dirigées écoulent leurs excédents sur les marchés des pays du G7.
Aujourd’hui, nous avons fait des progrès. Au Canada et aux États-Unis, nous avons développé des systèmes de surveillance des importations d’aluminium avec le gouvernement fédéral. À cette époque, vous vous souviendrez que la déclaration commune de 2019 a imposé comme condition d’exemption tarifaire l’établissement d’un système de surveillance des importations d’aluminium au Canada et au Mexique. Le Canada a immédiatement pris des dispositions et, en six mois, il avait mis en place son système de surveillance des importations d’aluminium.
À ce jour, le Mexique n’a toujours pas suivi, malgré les pressions des États-Unis. Nous finançons un projet visant à inciter le Mexique à mettre son système en place. Ils disent qu’ils le livreront d’ici la mi-novembre de cette année, sous la pression des États-Unis. Nous le croirons quand nous le verrons.
L’industrie est alignée sur l’harmonisation des codes tarifaires et des codes de SH, ainsi que sur la mise en place de systèmes interopérables de surveillance des importations d’aluminium. Le problème est que les pays ne travaillent pas ensemble pour faire adopter ce projet de loi, même si l’industrie est prête à agir et sait quoi faire et comment le faire. Nous avons élaboré la feuille de route. Nous l’avons remis aux gouvernements, et nous devons continuer à frapper aux portes pour que les choses se fassent.
Mme Cobden : C’est très différent dans le cas de l’acier. J’apprécie cette histoire. Nous avons eu le Comité nord‑américain du commerce de l’acier. Ce sont les gouvernements et l’industrie de toute l’Amérique du Nord. Le programme d’harmonisation est solide, mais l’industrie américaine pense qu’elle devrait imposer des droits de douane aux industries sidérurgiques canadienne et mexicaine. Si vous mettez de côté les tarifs, il y a toutes sortes d’harmonisation.
On continue de penser que le Canada et le Mexique sont des portes dérobées. J’ai appris beaucoup de choses en cours de route. Je n’ai pas le temps de les partager. Il y a une chose que je voulais dire. Vous avez demandé ce qui est différent cette fois-ci. Il y a des répercussions plus importantes et plus urgentes, compte tenu non seulement du niveau de 50 %, mais aussi de l’inclusion de produits contenant de l’acier et de l’appel du pied fait à nos clients. Nous n’avons jamais imaginé quoi que ce soit de ce genre, et la situation empire régulièrement.
Le président : Je vous en remercie.
[Français]
La sénatrice Hébert : Vous avez tous les deux des contacts avec vos membres dans vos industries respectives, et vous avez aussi des discussions avec les autorités canadiennes et américaines.
Sur une échelle de 0 à 10, selon les échos que vous avez, quel est votre niveau de confiance que l’on arrivera à une entente avec les Américains dans vos secteurs respectifs dans un délai rapproché? C’est la question qui tue.
[Traduction]
Mme Cobden : Dans un proche avenir?
La sénatrice Hébert : Dans un proche avenir.
[Français]
M. Simard : De notre côté, on ne s’attend pas à une entente rapidement. Notre position, parce que je pense que c’est important de la connaître, est la suivante. En anglais, on dit ceci :
[Traduction]
Ce sont eux qui le sentent passer. Le temps joue en notre faveur.
[Français]
Donc, on dit au gouvernement du Canada de prendre son temps, parce qu’il faut que l’économie américaine ressente le plein impact des tarifs, qui commence à se matérialiser en tenant compte des cycles manufacturiers qui appellent aujourd’hui le métal tarifé à 50 %. C’est cela qui va mettre de la pression sur l’administration américaine au fil des prochaines semaines et des prochains mois et qui permettra au Canada d’être dans une meilleure posture pour négocier. C’est ainsi pour notre secteur, mais je ne dis pas que c’est la même chose pour l’acier.
[Traduction]
Mme Cobden : Dans le cas de l’acier, nous sommes d’accord pour dire que cela prendra du temps. Le problème pour le secteur de l’acier, c’est que, contrairement à l’association de l’aluminium et au secteur de l’aluminium, nous avons moins de temps. Dans ma déclaration liminaire, j’ai indiqué que nous nous attendons à une fermeture complète du marché. Nous continuons d’expédier nos produits aux États-Unis parce qu’il y a encore des contrats, mais tout cela tire à sa fin. Au début de l’année prochaine, très peu d’acier sera exporté vers les États-Unis. C’est une crise existentielle. Nous n’avons pas le temps, et c’est pourquoi notre stratégie a consisté à nous réorienter vers ce que nous pouvons contrôler et faire au Canada. J’ai déjà présenté ce que je considère comme étant les meilleurs scénarios.
Je ne veux pas que cela signifie que nous ne pensons pas y arriver. Le problème, c’est que nous n’avons pas le temps d’attendre que les irritants se manifestent aux États-Unis, ce qui se produira effectivement. Il reste que nous n’avons pas le temps d’attendre.
[Français]
La sénatrice Gerba : Le premier ministre a déclaré que le Canada allait doubler ses exportations ailleurs qu’aux États-Unis. Je comprends que ce n’est pas une priorité pour votre secteur, madame Cobden, pour ce qui est de l’acier.
De votre côté, monsieur Simard, est-ce que le premier ministre vous a contacté, ou a-t-il consulté vos membres pour voir s’ils sont intéressés et comment le gouvernement peut vous accompagner dans cette démarche pour doubler vos exportations? Il faut commencer à y penser, même si on comprend l’urgence de maintenir ce qui existe déjà. On dit toujours...
M. Simard : Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras.
La sénatrice Gerba : Voilà! Donc, quelle est votre stratégie? Vous ont-ils consultés?
M. Simard : Nous sommes en lien constant avec l’appareil gouvernemental fédéral, donc avec les cabinets des ministres et le Cabinet du premier ministre. Ils ont une connaissance et une compréhension très approfondies de notre industrie et de la dynamique de celle-ci. La situation est très claire : on produit à 95 % de capacité. On ne serait pas capable d’augmenter notre production. Notre métal est en demande sur tous les marchés.
On n’a pas besoin d’un effort supplémentaire pour occuper un autre marché. On est déjà fortement présent aux États-Unis. Cet été, on a redirigé 45 % de nos volumes d’exportation qui allaient vers les États-Unis vers l’Europe. C’est énorme. On a fait cela en quelques semaines à peine, avec un effort logistique considérable. Cela a créé une rareté de métal sur le marché américain et cela a forcé les Américains à passer à travers leur inventaire accumulé de métal prétarif. Cela fait en sorte qu’aujourd’hui, plus tôt que prévu, ils commencent à avoir accès à du métal qui coûte 50 % de plus, ce qui leur fait de plus en plus mal. Je ne crois pas que cette déclaration s’applique à l’aluminium, parce que c’est impossible pour nous de doubler ce que l’on fait. On est déjà à pleine capacité et on occupe les marchés.
La sénatrice Gerba : Je comprends quand même que ce n’est pas nécessaire, mais c’est hypothétique. Imaginons que les États‑Unis disent qu’ils continuent, et demain, vous devez vous retourner sur votre...
M. Simard : On est capable de le faire. La dynamique de marché et notre accès maritime pour presque toutes nos usines nous donne l’option de basculer vers une autre région assez aisément.
Le président : Merci.
[Traduction]
Le sénateur Dean : C’est rafraîchissant pour quelqu’un qui travaille au gouvernement depuis longtemps d’entendre des témoins devant un comité du Sénat parler franchement et de façon positive du gouvernement canadien. Dites-nous avec quels ministères vous travaillez en particulier et dites-nous-en plus sur la façon dont ils ajoutent de la valeur. J’ai l’impression qu’ils en savent beaucoup sur vos industries et qu’ils sont là pour vous appuyer plutôt que de vous mettre des bâtons dans les roues ou de vous compliquer la vie. Vous devez nous en apprendre davantage à ce sujet.
Mme Cobden : Je peux commencer. Les trois annonces dont je parlais dans mes remarques liminaires s’appuient, par exemple, sur l’établissement d’un système de contingents tarifaires à nos frontières et sur des mesures frontalières supplémentaires.
Tout cela est fait à partir des pouvoirs du ministre des Finances. Le ministère des Finances détient un pouvoir considérable sur les questions commerciales.
Bien entendu, nous travaillons aussi avec Innovation, Sciences et Développement économique Canada ainsi qu’avec Affaires mondiales Canada — avec tous les volets d’Affaires mondiales, tant celui des affaires étrangères que celui du commerce international —, et le Bureau du Conseil privé, le Cabinet du premier ministre et, comme nous en avons discuté, l’ambassadeur d’Affaires mondiales Canada. Ce sont là quelques exemples de ministères concernés.
En raison de la situation critique dans laquelle se trouve actuellement l’acier, nous discutons de plus en plus avec Services publics et Approvisionnement Canada et Logement, Infrastructures et Collectivités Canada.
M. Simard : C’est la même liste ici. J’aimerais toutefois ajouter quelques éléments. Je n’ai jamais vu un gouvernement aussi pragmatique, agir aussi rapidement et tout faire pour être le plus agile possible et le plus réactif possible.
Je ne dis pas que cela fonctionne tout le temps. La principale plainte que nous avons toujours eue au sujet du gouvernement fédéral est sa capacité à tenir ses promesses. L’exécution a toujours été le problème. Il faut beaucoup de temps pour faire avancer les choses.
La situation est en train de changer et il le faut, car nous sommes en situation de crise. Quand nous avons fait volte-face en tant qu’industrie et demandé au ministère des Finances de mettre en place un groupe de travail gouvernemental sur l’aluminium, comme nous l’avions fait en 2018, cela s’est fait en trois jours.
Nous nous réunissons toutes les deux semaines. Nous avons d’autres rencontres avec d’autres ministères. Tout le monde est au rendez-vous. Non seulement les gens renvoient leurs appels, mais ils s’arrangent pour se rendre disponibles.
Je terminerai en disant qu’en janvier de cette année, forts de notre expérience de la dernière fois, nous avons lancé la création du Conseil commercial Canada-États-Unis que nous coprésidons. Chaque semaine, celui-ci réunit 60 représentants d’associations industrielles et des plus grands syndicats du Canada pour discuter spécifiquement de ces questions et faire le point pendant une heure et demie en compagnie de représentants du gouvernement, comme l’ambassadeur ou les sous-ministres du ministère des Finances.
Le président : Merci, monsieur Simard.
Au nom du comité, je tiens à remercier Jean Simard, président-directeur général de l’Association de l’aluminium du Canada, et Catherine Cobden, présidente-directrice générale de l’Association canadienne des producteurs d’acier. Merci de nous avoir fait partager votre savoir et d’avoir souligné à quel point notre pays vit un moment critique.
J’oserai vous inviter à continuer votre bon travail. Nous voudrons peut-être vous réinviter.
Sur ce, chers collègues, nous reprendrons nos travaux demain matin dans cette salle à 10 h 30 pour conclure notre étude sur l’Afrique.
(La séance est levée.)