LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le jeudi 27 novembre 2025
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd’hui, à 10 h 29 (HE), pour examiner, afin d’en faire rapport, les questions qui pourraient survenir occasionnellement se rapportant aux relations étrangères et au commerce international en général.
Le sénateur Peter M. Boehm (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Bonjour. Je m’appelle Peter M. Boehm, je suis un sénateur de l’Ontario et je suis président du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international.
[Traduction]
J’invite les membres du comité à se présenter, en commençant par ma gauche.
La sénatrice Coyle : Sénatrice Mary Coyle, d’Antigonish, en Nouvelle-Écosse. Je vous souhaite la bienvenue.
Le sénateur Adler : Charles Adler, de Winnipeg, au Manitoba.
[Français]
La sénatrice Gerba : Amina Gerba, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Ravalia : Bonjour. Je vous souhaite la bienvenue. Mohamed Ravalia, de Terre-Neuve-et-Labrador.
La sénatrice Ataullahjan : Bonjour et bienvenue. Salma Ataullahjan, de l’Ontario.
La sénatrice Robinson : Bonjour. Je suis Mary Robinson, et je représente l’Île-du-Prince-Édouard.
La sénatrice Pupatello : Sandra Pupatello, de l’Ontario.
Le sénateur Woo : Bonjour. Yuen Pau Woo, de la Colombie‑Britannique.
Le sénateur Wilson : Bonjour. Duncan Wilson, de la Colombie-Britannique.
Le sénateur Harder : Peter Harder, de l’Ontario.
La sénatrice M. Deacon : Bienvenue à l’équipe et à la ministre. Je m’appelle Marty Deacon et je viens de l’Ontario.
Le sénateur Al Zaibak : Mohammad Al Zaibak, de Toronto, en Ontario.
La sénatrice Muggli : Tracy Muggli, du territoire visé par le Traité no 6, en Saskatchewan.
[Français]
La sénatrice Hébert : Martine Hébert, du Québec. Bienvenue, madame la ministre.
[Traduction]
Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald, du Cap‑Breton, en Nouvelle-Écosse.
Le président : Merci, sénateurs. Je tiens à mentionner que la sénatrice Pupatello, la sénatrice Robinson et la sénatrice Muggli sont nos invitées. Je vous remercie de vous joindre au comité aujourd’hui.
[Français]
Aussi, la sénatrice Youance, du Québec, vient d’arriver. Merci.
[Traduction]
Je souhaite la bienvenue à vous tous et à ceux qui nous regardent au pays sur ParlVU.
Chers collègues, nous nous réunissons aujourd’hui sous notre ordre de renvoi général pour discuter des priorités de la politique étrangère du Canada. Nous avons l’honneur d’accueillir, pour la première fois au sein de ce comité dans son portefeuille actuel, l’honorable Anita Anand, ministre des Affaires étrangères. Madame la ministre, merci d’avoir pris le temps d’être avec nous aujourd’hui. La ministre est accompagnée de hauts fonctionnaires d’Affaires mondiales Canada : Mme Sandra McCardell, sous-ministre déléguée des Affaires étrangères; M. Alexandre Lévêque, sous-ministre adjoint, Secteur de l’Europe, du Moyen-Orient et de l’Arctique; Mme Cheryl Urban, sous-ministre adjointe, Secteur de l’Afrique; et M. Weldon Epp, sous-ministre adjoint, Secteur de l’Indo-Pacifique.
Avant d’entendre la déclaration liminaire de la ministre et de passer aux questions et aux réponses, j’aimerais demander à toutes les personnes présentes de bien vouloir mettre en sourdine les notifications sur leurs appareils et de respecter les règles qui figurent sur la carte devant vous concernant les microphones et les oreillettes. Nous voulons éviter tout problème audio ou dommage à cet égard.
Madame la ministre, nous sommes prêts à entendre votre déclaration liminaire, qui sera suivie de questions des sénateurs. Vous avez la parole.
[Français]
L’honorable Anita Anand, c.p., députée, ministre des Affaires étrangères : Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, merci beaucoup.
[Traduction]
Merci de m’avoir invitée à discuter de l’approche du Canada en matière d’affaires étrangères et de commerce international.
[Français]
Il faut prendre acte du fait que le monde a changé. Aujourd’hui, l’ordre international est mis à l’épreuve par des défis venant de certaines puissances, comme des actions hostiles, la montée du protectionnisme qui nuit au libre-échange et les menaces à la souveraineté.
[Traduction]
Comme le premier ministre l’a récemment déclaré :
... les États-Unis ont fondamentalement changé leur approche au commerce, ce qui menace des emplois et plonge les entreprises dans un climat d’incertitude.
De nombreuses forces du Canada, fondées sur des liens commerciaux étroits avec les États-Unis, sont devenues nos faiblesses.
Je voudrais m’arrêter ici, car ce qui va suivre est essentiel pour l’ensemble de mon témoignage. Nous vivons à une époque marquée par des tensions géopolitiques croissantes, une incertitude économique et des changements rapides des forces sur la scène mondiale.
Je voudrais prendre un moment pour remercier le Sénat et les membres du comité sénatorial réunis ici aujourd’hui pour leur analyse réfléchie et minutieuse des enjeux entourant la politique étrangère. J’ai discuté avec bon nombre d’entre vous et je sais à quel point vous prenez ces questions au sérieux. Je vous remercie de votre contribution dans ce dossier.
[Français]
Pour nous, nos priorités sont claires : nous devons protéger la souveraineté du Canada et nous devons assurer notre prospérité à court et à long terme.
[Traduction]
Nous avons un nouveau gouvernement, un nouveau premier ministre et une nouvelle approche en matière de politique étrangère. Le budget de 2025, adopté au début du mois, présente le plan de notre gouvernement pour transformer notre économie. Nous procéderons ainsi. Nous allons cesser de dépendre d’une seule économie à 80 %. Nous allons diversifier nos partenaires commerciaux, renforcer notre économie nationale et doubler nos échanges commerciaux non américains en 10 ans.
La politique étrangère du Canada repose sur trois piliers : la résilience économique, la défense et la sécurité, et la promotion de nos valeurs fondamentales. Ces priorités représentent notre vision du Canada sur la scène mondiale et reflètent notre engagement à assurer la sécurité des Canadiens, à créer des débouchés pour nos entreprises et à envisager un avenir plus sûr, plus inclusif, plus pacifique et plus durable. C’est pourquoi nous avons été si actifs sur la scène mondiale au cours des six derniers mois, comme vous l’avez certainement remarqué.
[Français]
Dans cette période d’incertitude économique, le Canada doit diversifier ses échanges commerciaux, rendre plus fortes ses chaînes d’approvisionnement et se positionner comme le meilleur choix pour les investissements.
[Traduction]
Dans le contexte mondial actuel, qui est marqué par des perturbations dans les chaînes d’approvisionnement et exacerbé par les pressions climatiques et l’évolution des alliances mondiales et géopolitiques, nous ne pouvons pas nous reposer sur nos lauriers. Lors de mes récents déplacements en Europe, en Asie et en Amérique, j’ai rencontré mes homologues afin d’approfondir nos partenariats sur les marchés stratégiques et de renforcer la présence du Canada là où elle compte le plus.
J’ai rencontré des homologues, des chefs d’entreprise et des organisations de la société civile. Je voudrais m’exprimer un peu plus lentement ici, car partout où je vais, j’entends dire que le Canada est un partenaire fiable, stable et bien placé pour jouer un rôle de premier plan dans des secteurs clés tels que les minéraux essentiels, l’agroalimentaire, les énergies propres, les technologies de pointe et l’intelligence artificielle.
Prenons l’exemple des nouveaux partenariats du Canada avec l’Union européenne, ou UE, et le Mexique, de notre nouvel accord avec l’Indonésie ou de nos engagements en cours dans le Pacifique et en Europe, qui démontrent clairement notre volonté d’établir des relations commerciales stables et bénéfiques avec des alliés et des partenaires qui partagent nos valeurs. Ces accords renforcent notre résilience et notre prospérité. Ils témoignent de notre engagement à défendre un système économique mondial fondé sur des règles. Nous sommes déterminés à forger de nouveaux partenariats économiques et à tirer parti de nos avantages concurrentiels, de nos talents, de nos ressources naturelles et de notre énergie propre.
À l’avenir, la région du Golfe sera une priorité pour nos prochains efforts de diplomatie économique. En tant que ministre des Affaires étrangères, j’ai l’intention d’utiliser tous les outils diplomatiques à ma disposition pour soutenir les priorités économiques du Canada et veiller à protéger notre économie contre les menaces extérieures.
Investir dans la défense et la sécurité est un autre pilier pour garantir un Canada plus fort, plus autonome et plus résilient, et ce qui inclut des investissements dans l’Arctique. L’une des différences entre notre approche et celle des autres partis à la Chambre des communes, par exemple, est que nous croyons fermement qu’il faut travailler main dans la main avec les peuples autochtones de l’Arctique. Nos efforts doivent suivre le chemin de la réconciliation, et nous devons travailler conjointement en tout temps. La région subit bien sûr des menaces à la sécurité, en plus d’être touchée par les changements climatiques. Le Canada doit donc réagir, d’autant plus que l’Arctique canadien couvre 40 % du territoire canadien et plus de 70 % de son littoral.
J’espère que vous avez pris connaissance de certains points saillants du budget de 2025. Par exemple, nous nous engageons à consacrer 80 milliards de dollars aux dépenses dans la défense. J’ai déjà témoigné devant ce comité dans mes fonctions précédentes, et on m’avait interrogé sur nos dépenses en matière de défense. En effet, en tant que ministre de la Défense nationale, c’était l’une des questions qui m’étaient fréquemment posées.
Dans ce budget, nous proposons 80 milliards de dollars. Nous atteindrons cette année notre cible de 2 % en dépenses de défense de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, ou OTAN, et cette proportion atteindra 5 % du PIB d’ici 2035. Chers collègues, c’est considérable, et c’est une priorité pour notre gouvernement.
La Politique étrangère du Canada pour l’Arctique renforcera notre engagement dans le Nord, et nous reviendrons à la charge tant que tout le Canada, y compris l’Arctique, ne sera pas protégé comme il se doit pour assurer la sécurité de notre population. Dans cette optique, nous avons récemment nommé une ambassadrice aux affaires arctiques, dont le rôle est de veiller à ce que les priorités des communautés de l’Arctique et du Nord soient prises en compte dans notre politique étrangère.
[Français]
En même temps, nous renforçons nos relations avec les gouvernements et les organisations nordiques et autochtones. De plus, au cours de la nouvelle année, nous ouvrirons un consulat canadien à Nuuk, au Groenland, afin d’augmenter notre présence diplomatique dans l’Arctique. Lors de mes conversations avec les ministres des Affaires étrangères des pays de l’Arctique, j’ai pu constater qu’ils partagent les mêmes idées. Un consensus clair s’est dégagé : le moment est venu pour nous d’être présents et engagés dans l’Arctique. Ce n’est pas seulement un objectif canadien : tous les pays de l’Arctique — sauf la Russie, bien sûr — doivent travailler ensemble pour assurer la protection nécessaire de l’Arctique. Nous allons le faire avec les pays de l’OTAN. Je serai là la semaine prochaine pour travailler avec nos homologues de l’OTAN.
[Traduction]
Permettez-moi de dire quelques mots sur les technologies émergentes qui redessinent le paysage des conflits. Le Canada redéfinit les normes mondiales afin de gérer les risques et de saisir les occasions qui se présentent. Il ne s’agit pas de questions abstraites; elles façonneront ce qui s’en vient sur le plan de la sécurité mondiale.
J’aimerais également souligner que le Canada a fait du soutien indéfectible à l’Ukraine une priorité du G7 sous sa présidence cette année. Nous sommes d’une solidarité indéfectible envers l’Ukraine. Nous lui avons accordé une aide multidimensionnelle de près de 22 milliards de dollars depuis la nouvelle invasion illégale et injustifiable à grande échelle de la Russie, qui est au cœur d’un processus de paix se déroulant sous nos yeux. Le Canada participe par l’intermédiaire de la coalition des partenaires pour une même cause. Je suis en contact étroit avec mon homologue ukrainien, le ministre Sybiha, avec qui je me suis entretenu hier afin de m’assurer que le Canada fait tout son possible pour soutenir l’Ukraine. Nous utilisons le G7 pour veiller à ce que nous agissions collectivement.
Avant de conclure, je dirai quelques mots au sujet de nos valeurs fondamentales, qui sous-tendent et imprègnent l’ensemble de notre politique étrangère. Nos priorités sont claires : protéger la souveraineté du Canada et assurer notre prospérité et notre robustesse économiques à long terme. Nos valeurs restent indissociables de la poursuite de ces objectifs et font partie intégrante de notre identité en tant que Canadiens. Le Canada continue de défendre la démocratie, l’ordre international fondé sur des règles, les droits de la personne, l’égalité des sexes, la protection de l’environnement et la réconciliation. Nos valeurs sont notre boussole; nous en tirons une force. Il y aura des détracteurs, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, qui nous reprocheront la poursuite de ces valeurs, mais nous ne renoncerons jamais à celles qui forgent l’identité des Canadiens.
J’en ai énuméré quelques-unes, mais il y en a d’autres. Soyez assurés que notre politique étrangère reflétera les valeurs du Canada, notamment le soutien à l’ordre international fondé sur des règles, au multilatéralisme, aux droits de la personne, à l’égalité des sexes, à la protection de l’environnement et à la réconciliation.
Notre nouvelle approche en matière de politique étrangère est donc à la fois stratégique et pragmatique. Elle reflète notre identité, ce que le monde attend du Canada en ce moment, ainsi que ce que les Canadiens attendent de notre politique étrangère.
Les enjeux auxquels nous sommes tous confrontés transcendent les frontières. En tant que président du G7, le Canada a mobilisé des appuis pour faire avancer des enjeux qui correspondent à ses priorités. La semaine dernière, à Niagara, les ministres des Affaires étrangères du G7 ont démontré la puissance de la coopération multilatérale en obtenant des engagements clés, qu’il s’agisse de promouvoir la paix et la sécurité mondiales, de renforcer la résilience économique ou de soutenir l’Ukraine. Nous avons élargi nos discussions à d’autres acteurs clés et partenaires de sensibilisation : le Brésil, l’Inde, le Mexique, la République de Corée, l’Arabie saoudite, l’Afrique du Sud et l’Ukraine. Leurs contributions ont été inestimables, car elles ont apporté des perspectives supplémentaires aux discussions entre les partenaires du G7.
En tant que pays, nous affirmons clairement que, alors que certains pays se replient vers l’unilatéralisme et le protectionnisme, nous redoublerons d’efforts en faveur du multilatéralisme. Nous l’avons constaté lors du sommet du G20 en Afrique du Sud, où les pays ont considéré le Canada comme un leader et un partenaire stable sur la scène multilatérale. Nous avons constaté une forte unité sur diverses questions cruciales lors du G20, ainsi que lors de la réunion des ministres des Affaires étrangères du G7 et du sommet des dirigeants du G7 à Kananaskis en juin.
[Français]
Nous sommes ici avec la diplomatie canadienne, une diplomatie multiforme et pragmatique. Elle est là pour renforcer notre autonomie stratégique et offrir des avantages concrets aux Canadiennes et Canadiens : une frontière plus sûre, une économie plus forte et un monde qui reflète nos valeurs.
Maintenant, monsieur le président, je serai heureuse de répondre à vos questions.
Le président : Merci beaucoup, madame la ministre.
J’aimerais préciser aux membres du comité que notre panel doit durer 90 minutes, mais que la ministre et la sous-ministre déléguée doivent partir à 11 h 30.
[Traduction]
M. Lévêque, Mme Urban et M. Epp resteront jusqu’à midi. Nous aurons donc une demi-heure supplémentaire.
Chers collègues, la salle est comble. Je vais vraiment m’en tenir à la règle des trois minutes pour essayer de gérer cette réunion. Veuillez formuler des questions très précises, sans longs préambules, et aller droit au but, ce qui permettra à la ministre d’avoir plus de temps pour répondre.
[Français]
La sénatrice Gerba : Bienvenue, madame la ministre. Merci de votre disponibilité.
Comme vous le savez, en mars dernier, le Canada a annoncé une nouvelle stratégie pour l’Afrique. C’est un progrès que la diaspora et les entreprises actives en Afrique ont salué. Pourtant, au premier Sommet du G20 tenu en sol africain, le premier ministre a déclaré que l’Afrique ne figurait pas parmi les grandes priorités du Canada. Comment expliquez-vous cette contradiction entre la Stratégie du Canada pour l’Afrique lancée par votre ministère et cette déclaration surprenante du premier ministre devant les dirigeants africains en sol africain?
Mme Anand : Merci de cette question. J’aimerais commencer par vous remercier pour votre contribution à ce sujet.
Pour nous, l’Afrique est très importante. Le premier ministre l’a clairement indiqué : l’Afrique est une priorité pour le gouvernement. Le renforcement de nos relations à travers le continent est en l’un des nombreux points à l’ordre du jour de notre ambitieux programme commercial. Comme nous avons déjà discuté pendant le mois d’octobre, j’espère que nous pourrons avoir d’autres conversations. Il est important pour nous de continuer d’avoir des relations multilatérales et bilatérales avec les pays d’Afrique. Cela veut dire mettre de l’avant notre stratégie, comme nous en avons discuté, et souligner nos priorités énoncées dans le mandat du premier ministre, renforcer la coopération économique, développer des relations mutuellement avantageuses avec des partenaires fiables et protéger les intérêts du Canada en matière de sécurité.
Par exemple, j’ai rencontré le ministre des Affaires étrangères du Nigeria. Nous avons discuté de la nécessité de tenir plus de négociations et de discussions sur ces relations, parce qu’il y a des pays dans le continent, comme le Nigeria ou l’Afrique du Sud, où on ne peut pas seulement pousser les intérêts économiques canadiens, mais on doit aussi discuter de la manière dont nous pouvons appuyer leurs chaînes d’approvisionnement, leurs entreprises et leurs objectifs. C’est mutuel. Nous avons une stratégie pour l’Afrique. Je vais continuer de mettre cette stratégie de l’avant. J’espère que nous pourrons le faire ensemble.
[Traduction]
La sénatrice Ataullahjan : Merci, madame la ministre.
Vous avez dit que le Canada défend la démocratie et les droits de la personne. Je suis très heureuse de l’entendre. Avec tous les conflits armés, les troubles et les guerres qui font rage, et les femmes et les enfants qui en font les frais, pensez-vous que la politique étrangère du Canada devrait être et est toujours liée aux violations des droits de la personne commises par un pays? Nous défendions autrefois les droits de la personne, et nous étions connus pour cela dans le monde entier.
[Français]
Mme Anand : Merci de la question.
Je ne suis pas d’accord avec l’affirmation de votre question; pas du tout. Nous sommes un pays qui a des valeurs de respect des droits de la personne et qui met ces droits de l’avant non seulement à l’échelle nationale, mais aussi à l’échelle internationale.
Par exemple, j’étais à l’ONU avec le premier ministre pendant le mois de septembre. Il s’agit d’une organisation multilatérale où l’on continuera de promouvoir les droits de la personne.
Vos questions ne sous-entendent pas que nous sommes un gouvernement qui croit aux droits de la personne. Nous sommes pourtant un gouvernement qui favorisera une politique des affaires étrangères basée sur les droits. Cela veut dire que nous sommes toujours là avec d’autres pays pour promouvoir les droits de la personne.
Je ne suis pas d’accord avec votre question, bien respectueusement. Nous faisons toujours la promotion des droits de la personne. Mon travail consiste à mettre en œuvre nos stratégies et nos priorités, tout en poursuivant l’objectif de mettre de l’avant les droits de la personne. C’est nécessaire.
De plus, nous avons d’autres priorités. Toutefois, cela veut dire d’avoir la promotion des droits de la personne à côté d’autres priorités de notre gouvernement. C’était mon message à l’ONU, mon message au sujet de notre politique étrangère et mon message ici aujourd’hui en réponse à votre question, comme je l’ai dit, en tout respect. C’est nécessaire de le reconnaître aussi chez nous. Nous continuons sans cesse de mettre de l’avant les droits de la personne. Le Canada est un leader en la matière. Avec les réalités des situations géopolitiques dans le monde, reculer n’est pas une option. Le Canada travaillera sans relâche avec d’autres pays en faveur des droits de la personne.
[Traduction]
Le président : Je tiens à signaler que le sénateur Cardozo, de l’Ontario, s’est joint à la réunion.
Le sénateur Harder : Je souhaite la bienvenue à la ministre et aux membres de son équipe. Je souscris sans réserve à vos propos concernant la promotion de nos valeurs et de nos intérêts et la reconnaissance de notre place dans les rapports de force entre les nations.
Je voudrais vous demander s’il est temps d’établir ou de rétablir des relations diplomatiques avec l’Iran et l’Afghanistan, pour différentes raisons, bien sûr. Il était regrettable que nous nous soyons retirés d’Iran; c’était l’un des endroits où le Groupe des cinq se réjouissait de la présence du Canada. En ce qui concerne l’Afghanistan, je pense que notre présence dans ce pays pourrait aider ceux qui continuent à fournir une aide au développement, et que nous pouvons mieux apprendre en étant présents sur le plan diplomatique.
Alors, le temps est-il venu? Dans le cas contraire, que faut-il faire pour que nous soyons prêts à revenir dans ces deux zones difficiles, pour toutes les raisons que vous avez déjà exposées?
[Français]
Mme Anand : Merci de cette question. Je pourrais commencer par discuter de l’Iran, puis de l’Afghanistan.
Je comprends la question. Nous sommes à un moment où l’on continuera de bâtir les relations internationales. C’est bien clair.
Le Canada encourage l’Iran à revenir à la diplomatie et engager des pourparlers avec les États-Unis et l’Union européenne, ce qui constitue la voie la plus durable pour régler la question du programme nucléaire iranien.
Premièrement, il est important de reconnaître que les activités de prolifération nucléaire de l’Iran sont depuis longtemps une menace majeure pour la sécurité régionale et internationale. On doit souligner l’importance d’avoir un programme de non‑prolifération. C’est un objectif international et un message de nos partenaires internationaux et multilatéraux. Le Canada appuie la décision prise par le groupe au sujet du droit de déclencher le mécanisme de rétablissement des sanctions du Conseil de sécurité des Nations unies à l’encontre de l’Iran.
Je comprends la question. Toutefois, en ce moment, il est important d’envoyer le message clair que nous sommes en faveur de la non-prolifération nucléaire. On continuera de le dire.
[Traduction]
Le président : Merci, madame la ministre, mais nous avons épuisé le temps alloué à cette partie.
La sénatrice Coyle : Madame la ministre, je vous remercie sincèrement de votre leadership et votre dévouement en cette période très difficile et complexe, et votre équipe aussi.
Lors du sommet du G20, le premier ministre a déclaré : « [...] je ne la qualifierais pas de politique étrangère féministe. » Voilà qui a mis fin à une initiative de huit ans que vous avez soutenue en tant que ministre sous l’administration précédente du premier ministre Trudeau.
Stephen Brown, professeur à l’Université d’Ottawa, a déclaré qu’on s’éloigne de nos valeurs et qu’il s’agissait :
[...] d’un revers majeur pour la politique étrangère canadienne. Les droits des femmes, et plus largement les droits de la personne, restent des défis majeurs partout dans le monde. [...] Bien que le Canada n’ait pas complètement abandonné ses contributions dans ces domaines sous le gouvernement Carney, son changement de cap radical vers la sécurité au sens strict et notre propre intérêt économique lui coûte cher.
Madame la ministre, pourquoi votre gouvernement a-t-il abandonné sa politique étrangère féministe, sachant que les droits des femmes et des filles subissent de plus en plus de revers dans le monde? Cette déclaration du premier ministre indique-t-elle que le Canada abandonnera sa Politique d’aide internationale féministe, qui a donné de bons résultats et est tant admirée?
Mme Anand : Je tiens tout d’abord à préciser que le féminisme est une valeur fondamentale de notre gouvernement et qu’il occupe une place importante dans notre politique étrangère.
Vous avez raison. J’ai passé la majeure partie de ma vie à m’assurer que tout ce que je fais, tout le travail que j’entreprends, reflète les valeurs féministes, les droits de la personne et les valeurs fondamentales liées à l’égalité des sexes. C’était le cas lorsque j’étais ministre de la Défense nationale et que je me battais pour les femmes victimes de harcèlement sexuel et d’inconduite sexuelle, en transférant ces affaires au système judiciaire civil. C’était le cas lorsque j’étais présidente du Conseil du Trésor, et que je veillais à ce que l’absence de discrimination soit un principe fondamental des politiques internes du gouvernement canadien...
La sénatrice Coyle : Nous manquons un peu de temps. Mes questions...
Mme Anand : J’aimerais passer à ce qui, dans notre politique étrangère, reflète expressément notre engagement en faveur du féminisme de l’égalité des sexes. Je tiens à préciser que la détermination du Canada est inébranlable en ce qui a trait à l’autonomisation des femmes et des filles, l’élimination des obstacles, l’atteinte de l’égalité entre les sexes, la condamnation de toutes les formes de discrimination et la fin de la violence sexiste. Cela ne changera jamais. Je l’ai souligné à plusieurs reprises, notamment dans mon discours aux Nations unies. Le féminisme est une valeur fondamentale de notre gouvernement et un élément important de notre politique étrangère.
Si vous examinez certains des programmes que nous avons défendus et financés, vous constaterez cet engagement. Il y a 5 millions de dollars en appui au fonds mondial pour les Survivant.es de violences sexuelles liées aux conflits; 35 millions de dollars en appui au Programme global pour mettre fin au mariage d’enfant du Fonds des Nations unies pour l’enfance, ou UNICEF, et du Fonds des Nations unies pour la population, ou FNUAP. La liste est longue, et je peux vous fournir une liste exhaustive...
Le président : Je vous remercie. Je suis désolé de vous interrompre, madame la ministre.
Mme Anand : Depuis 2016, le Canada applique une politique étrangère féministe conçue délibérément, et ces efforts se poursuivent. Je vous remercie.
Le président : Merci beaucoup.
Le sénateur Ravalia : Je vous remercie d’être ici aujourd’hui.
Madame la ministre, avec le démantèlement effectif de l’Agence américaine pour le développement international, ou USAID, et la perte de dizaines de milliards de dollars en financement humanitaire et pour le développement à l’échelle mondiale, comment le Canada va-t-il établir ses priorités, que ce soit en matière d’aide humanitaire, de santé mondiale, d’adaptation aux changements climatiques ou de gouvernance démocratique, compte tenu de la réduction de notre propre programme d’aide?
Mme Anand : Monsieur le président, permettez-moi de commencer en disant que pour l’exercice 2024-2025, le Canada a fourni 797 millions de dollars pour répondre aux besoins vitaux des personnes touchées par les conflits et les catastrophes naturelles dans le monde. Le Canada continue d’être à l’avant‑garde des interventions en cas de catastrophes naturelles et de conflits. Je mentionnerai également notre aide humanitaire au Soudan, qui s’élève à environ 300 millions de dollars depuis 2021, et à Gaza, qui atteint environ 400 millions de dollars.
Au total, plus de 300 millions de personnes auront besoin d’aide humanitaire en 2025, mais le Canada continuera de fournir une aide humanitaire d’urgence là où les besoins sont les plus criants, par l’intermédiaire d’organisations internationales et de partenaires humanitaires, notamment l’Organisation des Nations unies, ou ONU, la Croix-Rouge, les Sociétés du Croissant-Rouge et des ONG canadiennes et internationales. C’est une priorité pour nous, et je sais que le secrétaire d’État, qui est responsable de bon nombre de ces dossiers, croit profondément en notre aide humanitaire internationale.
Nous travaillons à faire progresser les dossiers prioritaires avec les pays partenaires. Nous cherchons également à réduire la pauvreté en soutenant l’aide humanitaire et en faisant progresser l’égalité des sexes. Comme je l’ai mentionné, nous collaborons aussi avec un large éventail de partenaires de confiance.
Le président : Je vous remercie.
Le sénateur Wilson : Ma question concerne à la fois les affaires étrangères et le commerce international. Tout d’abord, je tiens à préciser que je suis un fervent partisan du programme du gouvernement visant à promouvoir activement le commerce au Canada, ayant moi-même consacré ma carrière à cette occupation. Je suis toutefois préoccupé par le fait que lors des récentes réunions qui se sont tenues aux Émirats arabes unis, par exemple, on n’ait pas abordé la question — du moins pas publiquement — du Soudan. Je suis également préoccupé... Je crois que nous devons renouer le dialogue avec la Chine, mais je veux m’assurer que cela se fera de manière appropriée, afin de maintenir la confiance des Canadiens à l’égard de notre programme en matière de commerce et d’affaires étrangères.
Enfin, vous avez mentionné la réconciliation avec les Autochtones. Ici, au pays, je crains — et nous l’avons vu avec le projet de loi C-5 et nous le verrons probablement encore plus tard aujourd’hui — que nous abordions certaines questions sans d’abord rencontrer les Premières Nations. S’il y a une chose que nous avons apprise au sujet de la réconciliation au cours de la dernière décennie, c’est que nous devons entamer le dialogue avec les Premières Nations. Nous sommes très conscients qu’il est temps d’agir dans notre pays, mais je crains que nous laissions de côté certaines communautés qui devraient participer plus activement à la discussion. J’aimerais donc connaître votre point de vue, tant en ce qui concerne les questions internationales qu’en ce qui concerne les questions nationales.
Mme Anand : Je tiens à corriger, pour le compte rendu, ce qui a été dit au sujet du Soudan. Nous sommes le troisième donateur bilatéral, avec 144 millions de dollars en aide humanitaire depuis 2023…
Le sénateur Wilson : Je parlais des Émirats arabes unis.
Mme Anand : Je sais, mais je tenais simplement à corriger ma déclaration précédente. J’espère que le président ne vous enlèvera pas de temps pour cela.
Le président : Je tiens à préciser pour le compte rendu que je suis très généreux.
Mme Anand : Je vais d’abord répondre à la question sur les affaires internationales, étant donné que c’est mon portefeuille. Dans le cadre des conversations que j’ai eues avec mon homologue aux Émirats arabes unis, des questions relatives aux droits de la personne ont été abordées. Nous avons également discuté de nombreuses autres questions, mais je tiens à souligner qu’il ne faut pas oublier que le Quad mène les efforts en faveur de la paix au Soudan, et que quatre pays font partie du Quad. Les Émirats arabes unis sont l’un de ces pays, tout comme l’Égypte, bien entendu, et les États-Unis. Nous devons également veiller — je l’ai d’ailleurs souligné lors de la réunion des ministres des Affaires étrangères du G7 — à soutenir les efforts du Quad, tout d’abord, en faveur d’un cessez-le-feu, deuxièmement, en faveur d’une paix durable dans le cadre de la deuxième phase du travail du Quad, et troisièmement, en faveur de l’aide humanitaire. Tel a été mon message à l’intérieur et à l’extérieur des salles de réunion. Le Canada est présent sur le terrain avec ses partenaires pour apporter une aide humanitaire, et nous ne cesserons jamais ces efforts.
Nous soutenons également les efforts multilatéraux visant à lutter contre les atrocités commises au Soudan. Je tiens à réaffirmer que cette approche reflète nos valeurs, contrairement à ce que laisse entendre votre question. Nos valeurs mettent l’accent sur l’humanitarisme. Nos valeurs mettent l’accent sur la paix. Nos valeurs mettent l’accent sur un cessez-le-feu. C’est mon approche dans toutes les conversations.
Lorsque vous parlez de la situation ici, dans notre pays, c’est notre gouvernement qui a adopté le rapport de la Commission de vérité et réconciliation et qui a adopté les engagements en faveur de la vérité et de la réconciliation. Je me demande d’ailleurs pourquoi nous n’avons pas commencé cette séance par une reconnaissance des terres ancestrales, ce qui est très important où que nous soyons, chaque fois que nous discutons et que nous nous réunissons sur le territoire traditionnel non cédé des peuples autochtones. Cela fait partie de la réconciliation.
Je pense toutefois que votre question concernait les projets économiques entrepris par le gouvernement et la nécessité de consulter les peuples autochtones…
Le président : Je vous remercie. Je suis désolé, mais je dois vous interrompre. Nous avons largement dépassé le temps imparti.
La sénatrice M. Deacon : Je vous remercie, madame la ministre, ainsi que toute votre équipe, d’être ici aujourd’hui. Je vous suis très reconnaissante de vos éclaircissements au sujet du Quad.
Au cours des dernières semaines, au sein du comité et ailleurs, nous avons entendu parler des atrocités commises au Soudan et en Haïti. Nous avons discuté de ces enjeux au sein du comité, afin de mieux comprendre la situation. En ce qui concerne le Soudan, je m’intéresse aujourd’hui aux contrôles à l’exportation du Canada. Nous savons — et on nous dit — qu’ils sont parmi les plus rigoureux au monde, mais des renseignements crédibles indiquent que des armes fabriquées au Canada ont été utilisées dans le conflit au Soudan. Lorsque des armes d’origine canadienne apparaissent dans un conflit actif, quelles mesures concrètes sont prises par la suite? Quelles étapes sont suivies? Des permis seront-ils suspendus ou révoqués à la suite de ces constats au Soudan? Quelles conséquences pourraient être envisagées tant pour les entreprises que pour le gouvernement impliqués dans ce type de détournement?
[Français]
Mme Anand : Je pourrais commencer par dire que le Canada possède l’un des régimes de contrôle des exportations le plus rigoureux au monde. Les droits de la personne et le respect des droits de la personne sont inscrits dans notre législation sur le contrôle des exportations.
Comme vous l’avez mentionné dans votre question, toutes les demandes de licence pour des marchandises contrôlées sont examinées individuellement. Si un risque important de violation grave des droits de la personne est identifié, le permis d’exportation est refusé. L’exportation de marchandises ou de technologie contrôlée sans licence valide représente une infraction à la loi canadienne qui peut entraîner des sanctions, notamment des amendes, la saisie des marchandises et des poursuites criminelles.
Il y a donc des sanctions prévues dans la loi et nous avons une loi très rigoureuse. Nous continuons de nous assurer que toutes les entreprises qui ont reçu un permis de contrôle, par exemple, respectent strictement leurs obligations.
Je suis accompagnée de M. Lévêque, qui pourra ajouter des commentaires.
Alexandre Lévêque, sous-ministre adjoint, Secteur de l’Europe, du Moyen-Orient et de l’Arctique, Affaires mondiales Canada : Je n’ai rien à ajouter à ce que la ministre vient de décrire.
[Traduction]
Le sénateur Woo : Madame la ministre, je vous remercie d’être ici. Je suis très heureux d’entendre votre rapport positif sur la réunion du G20 qui s’est tenue à Johannesburg, et qui a été dirigée, bien entendu, par l’Afrique du Sud qui est, comme nous, championne du multilatéralisme. Vous venez d’ailleurs de le dire. Nous venons d’apprendre que le président Trump n’invitera pas l’Afrique du Sud à la réunion du G20 qui se tiendra à Miami l’an prochain. Compte tenu de votre déclaration sur le soutien au multilatéralisme et la nécessité d’appuyer la diversification, pouvons-nous être assurés que le Canada insistera pour que l’Afrique du Sud participe à la prochaine réunion du G20 ou qu’il trouvera d’autres moyens pour que l’Afrique du Sud puisse participer pleinement à cet important forum multilatéral dont nous faisons partie?
[Français]
Mme Anand : Merci pour cette question.
Bien sûr, le Canada favorise toujours le multilatéralisme, pas seulement le G20, mais aussi le G7, en plus du NORAD, de l’OTAN et des Nations unies.
Pour répondre à la question que vous avez posée, c’est important pour le Canada, comme leader du G7, de continuer d’être un exemple de multilatéralisme. Ce n’est pas seulement l’Afrique du Sud; tous ces pays doivent savoir que le Canada sera toujours là pour traiter des enjeux importants dans le monde.
Par exemple, j’ai eu une rencontre avec le ministre des Affaires étrangères de l’Afrique du Sud, ici au Canada, parce que je l’ai invité au Sommet des dirigeants du G7, mais aussi quand nous étions en Afrique du Sud...
[Traduction]
Le sénateur Woo : Si vous me le permettez, madame la ministre, cela ne répond pas à ma question, qui porte sur le fait d’inviter l’Afrique du Sud à participer à la réunion du G20 qui se tiendra aux États-Unis. Appuyons-nous le droit de l’Afrique du Sud à participer à la réunion du G20 qui se tiendra aux États‑Unis l’an prochain?
[Français]
Mme Anand : Nous appuyons toujours le multilatéralisme. Nous continuons de nous engager avec l’Afrique du Sud. Comme je l’ai dit, avec lui et avec le président de l’Afrique du Sud, nous continuons d’avoir les conversations nécessaires sous toutes les formes possibles, pas seulement au sein du G20, mais aussi avec tous nos partenaires au sein d’autres organisations multilatérales. Nous avons aussi une stratégie pour l’Afrique. C’est important pour le Canada d’avoir les pays à la table pour la coopération et la collaboration. Ce sont toujours des valeurs canadiennes. Nous continuons de souligner ces messages.
[Traduction]
Le sénateur Al Zaibak : Je vous remercie, madame la ministre, d’être parmi nous aujourd’hui avec votre équipe, que je remercie aussi. Compte tenu de la récente visite du premier ministre aux Émirats arabes unis et des possibilités croissantes dans les pays du Conseil de coopération du Golfe et dans le monde arabe en général, comment le gouvernement intègre-t-il la région du Golfe dans la stratégie de diversification commerciale du Canada à titre de marché prioritaire et de noyau permettant de tirer parti d’un bloc économique de 450 millions de personnes, à savoir le monde arabe? Dans tous ces pays, quels secteurs offrent le plus fort potentiel à court terme pour le Canada? Je vous remercie.
Mme Anand : Je vais prendre un peu de recul pour répondre à cette question et parler de l’approche en matière de politique étrangère dans ce contexte géopolitique et dans un environnement où les pays se replient vers le protectionnisme et l’unilatéralisme. L’ordre commercial international a subi des perturbations et des réorganisations, et partout où nous allons, les pays adoptent une politique de diversification commerciale et considèrent le Canada comme l’un des partenaires les plus robustes, sinon le plus robuste, avec lesquels ils peuvent coopérer. C’est la raison pour laquelle le premier ministre a obtenu des Émirats arabes unis un engagement de 70 milliards de dollars en matière d’investissements au Canada. C’est sans précédent. Il s’agit de l’engagement en matière d’investissements étrangers le plus important de l’histoire du Canada. Cela devrait vous donner l’exemple nécessaire pour comprendre l’importance de la région du Golfe, d’une part, et l’importance de la diversification commerciale, d’autre part.
Je me rendrai dans la région du Golfe dès la nouvelle année, afin d’insister sur l’importance de cette région dans notre politique étrangère. Cependant, ne vous y trompez pas, les efforts visant à diversifier le commerce dans l’intérêt de l’économie nationale ne se limitent pas à la région du Golfe. Ils s’étendent à l’ensemble du monde, y compris à la région indo‑pacifique. L’accord de libre-échange avec l’Indonésie, les travaux que nous menons en vue de conclure un accord de libre‑échange avec l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est, ou l’ANASE, d’ici 2026, le programme SAFE avec l’Union européenne pour la coopération industrielle dans le domaine de la défense, ce qui permettra aux fournisseurs canadiens de participer aux processus d’approvisionnement auxquels les entreprises européennes ont accès, les travaux menés en Amérique du Sud pour le Mercosur, tous ces efforts témoignent de la politique étrangère actuelle du Canada.
Comme je l’ai souligné dans mon discours à l’ONU et pendant la réunion d’aujourd’hui, notre politique étrangère se résume aux questions liées à la défense, à la sécurité, à la résilience économique et à la diversification commerciale, tout en garantissant le respect de nos valeurs fondamentales.
[Français]
La sénatrice Hébert : Madame la ministre, merci d’être là. Dans votre mot d’ouverture, vous avez mentionné l’importance pour le Canada de diversifier ses exportations et de mettre en place des mécanismes pour attirer des investissements. On vous a vue sur la scène internationale faire des rapprochements diplomatiques avec certaines économies importantes, comme celle de l’Inde. Il y a aussi la Chine, avec qui on voit un certain réchauffement de nos relations diplomatiques. Nous savons qu’une rencontre s’en vient.
Où allons-nous avec ces économies, celles de la Chine et de l’Inde, quand on pense à l’avenir et à nos objectifs ambitieux de diversification et d’attraction des investissements?
Mme Anand : Merci pour la question. C’est important de continuer cette conversation sur l’économie domestique. Cela veut dire, dans notre politique en matière d’affaires étrangères, de favoriser les rapprochements avec plusieurs pays, dont l’Inde et la Chine. En ce moment, il y a des menaces économiques à travers le monde entier. On va y répondre avec une nouvelle politique d’affaires étrangères. Je tiens à remercier mes collègues fonctionnaires d’Affaires mondiales Canada de leur travail.
Dans le cas de l’Inde, notre gouvernement a l’ambition de faire du Canada un partenaire commercial viable. C’est très clair. C’est la raison pour laquelle le premier ministre joue un rôle de premier plan sur la scène mondiale pour conclure de nouveaux accords et élargir nos partenariats.
Le premier ministre a annoncé ce week-end que nous lancerons des négociations avec l’Inde en vue de conclure un nouvel accord de partenariat économique global. Je voudrais ajouter que ce n’est pas la seule voie envisagée pour les négociations avec l’Inde. La première étape, dans nos relations bilatérales, est de respecter la sécurité publique et le dialogue entre les pays. Après avoir établi ce dialogue, nous prendrons la décision de commencer d’autres liens économiques. Premièrement, j’étais là-bas au mois d’octobre pour faire une déclaration conjointe de coopération sur l’agriculture, l’énergie — toutes sortes d’énergies — l’IA, la technologie et le commerce B2B. Je parle ici de l’Inde. Il y a là une voie, mais nous allons commencer par la sécurité publique.
Dans le cas de la Chine — et je peux vous entendre —, le Canada poursuit un réajustement progressif de sa relation avec ce pays pour faire avancer ses intérêts par un engagement pragmatique constructif. C’est notre objectif. Des interactions à un haut niveau montrent une volonté renouvelée de la Chine de rouvrir des canaux par l’intermédiaire du gouvernement. Il y a eu plusieurs conversations avec leur gouvernement, mais encore une fois, on envisagera ces relations étape par étape.
[Traduction]
Le sénateur MacDonald : Je remercie la ministre d’être ici aujourd’hui.
Madame la ministre, lorsque vous avez fait votre déclaration préliminaire, j’ai remarqué que vous n’avez pas beaucoup parlé de notre relation la plus importante, soit celle avec les États-Unis d’Amérique. Vous avez toutefois mentionné que 80 % de nos échanges commerciaux se font avec ce pays. Nous voulons doubler notre commerce avec des pays autres que les États-Unis, et c’est une bonne idée, mais cela pourrait prendre beaucoup de temps. Les deux tiers de nos échanges commerciaux avec les États-Unis concernent les petites et moyennes entreprises, qui pourraient éprouver plus de difficultés à mener leurs activités dans différentes régions du monde et de l’autre côté de la frontière.
Que faisons-nous pour remédier à ce que je considère comme la relation inacceptable qui existe actuellement entre le Canada et les États-Unis? Que fait notre gouvernement pour tenter d’apaiser les tensions et rétablir de bonnes relations de travail?
Mme Anand : Je vous remercie, sénateur, de votre question. Je suis d’accord avec vous, c’est-à-dire que le Canada et les États-Unis partagent le partenariat commercial le plus intégré et le plus mutuellement avantageux au monde, avec des échanges quotidiens de biens et de services représentant près de 3,6 milliards de dollars.
Nous sommes prêts à reprendre les discussions sur la refonte de notre partenariat économique et notre partenariat en matière de sécurité avec les États-Unis. Le premier ministre se rendra aux États-Unis la semaine prochaine, par exemple, et rencontrera le président Trump à cette occasion. Entretemps, je poursuivrai le dialogue avec le secrétaire d’État américain, M. Rubio, et mes homologues du gouvernement du Canada feront de même avec leurs homologues américains. Nous continuerons à préserver les avantages conférés par l’ACEUM, tout en protégeant le marché canadien contre les risques liés aux droits de douane à venir. C’est en partie pour cette raison que la diversification commerciale est tellement importante.
Vous avez dit qu’il faudrait beaucoup de temps pour doubler le commerce avec des pays autres que les États-Unis. Oui, c’est vrai, mais nous nous sommes fixé un objectif de 10 ans et nous réalisons des progrès dans le cadre de la diversification commerciale.
En ce qui concerne les États-Unis, nous prendrons le temps de négocier un accord avantageux pour le Canada. Nous défendrons les intérêts du Canada et nous ferons toujours ce qui est le mieux pour le Canada et l’économie canadienne. Il s’agit d’une relation profonde et complexe, qui exige et mérite l’attention que le premier ministre lui accorde, et nous ferons toujours passer les intérêts des Canadiens avant tout.
Vous avez certainement entendu l’annonce faite hier par le premier ministre au sujet du soutien prévu pour l’industrie canadienne, l’acier canadien et le bois d’œuvre canadien. Cette annonce découle directement de notre opinion selon laquelle, pendant que ces négociations sont en cours et que nous tentons d’obtenir le meilleur accord possible pour le Canada avec les États-Unis, nous devons également nous préoccuper des droits de douane sectoriels, qui nuisent grandement aux Canadiens, en tenant compte du fait qu’environ 80 % de nos échanges commerciaux sont actuellement couverts par l’ACEUM.
Le président : Je vous remercie, madame la ministre. Je suis désolé, sénateur, mais le temps qui vous est imparti est écoulé.
Le dernier intervenant sera le sénateur Adler. Je sais que d’autres sénateurs, y compris des sénateurs en visite, aimeraient poser des questions, mais la ministre a un emploi du temps très chargé. Vous pourrez poser vos questions — nous suivrons la liste des intervenants — aux hauts fonctionnaires qui resteront ici après son départ.
Le sénateur Adler : Je vous remercie de vous joindre à nous, madame la ministre. Il ressort clairement du langage corporel et des propos de M. Zelenski, le président de l’Ukraine, qu’il faudra céder des territoires ukrainiens pour obtenir la paix.
Étant donné que les Russes sont des envahisseurs en série, si cet accord prévoit une protection accrue de l’Ukraine, cela signifierait-il l’envoi de soldats canadiens sur le terrain?
Mme Anand : Je travaille activement sur ce dossier depuis février 2022, lorsque la Russie a envahi illégalement et injustement l’Ukraine. La question du déploiement de troupes sur le terrain est une question sur laquelle je me concentre depuis un certain temps, en tenant compte du fait que l’opération Unifier des Forces armées canadiennes, que nous avons renouvelée en janvier 2022, soit avant la nouvelle invasion, a permis à 44 000 militaires ukrainiens de recevoir une formation des Forces armées canadiennes.
Le point que vous soulevez dans votre question et que vous qualifiez de clairement établi fait actuellement l’objet de négociations, et je ne suis donc pas d’accord pour dire qu’une décision a été prise à ce sujet, étant donné ce que je sais. J’ai d’ailleurs discuté de cette question avec des membres du gouvernement ukrainien au cours des dernières semaines.
Les négociations vont bon train, et notre conseillère à la sécurité nationale et au renseignement, Mme Nathalie Drouin, était à Genève avec ses homologues européens, la fin de semaine dernière, pour aborder certains des points du plan pour la paix en 28 points qui a été initialement proposé, puis la version révisée et mise à jour de ce plan sur laquelle se penchent les différentes parties, mais rien n’a encore été finalisé. L’objectif du Canada n’est toutefois pas de continuer à défendre ses seuls intérêts, mais plutôt de se fonder sur la meilleure solution pour l’Ukraine. Dans le cadre de sa politique étrangère, le Canada soutient les intérêts de l’Ukraine.
La coalition des volontaires à laquelle participe le premier ministre planifie actuellement le soutien qui sera apporté à l’Ukraine après le cessez-le-feu, notamment en offrant des garanties de sécurité.
Le sénateur Adler : Est-ce qu’aucun territoire ukrainien ne sera transféré à la Russie?
Mme Anand : La ministre dira que les décisions relatives au territoire ukrainien reviennent au président Zelenski et au peuple ukrainien.
Le sénateur Adler : Je vous remercie.
Le président : Madame la ministre, je tiens à vous remercier sincèrement d’avoir comparu devant le comité aujourd’hui. Vous avez abordé un large éventail de questions en matière de politique étrangère. Nous vous en sommes reconnaissants et nous espérons vous revoir bientôt pour approfondir certaines des autres questions qui ont été soulevées aujourd’hui.
Au nom du comité, je vous remercie beaucoup. Nous vous sommes reconnaissants de votre témoignage.
Mme Anand : Je serai heureuse de comparaître à nouveau devant le comité. Je vous remercie, monsieur le président.
La sénatrice Pupatello : J’ai été ravie de voir le renouveau des relations avec l’Inde, et je suis curieuse de connaître les progrès réalisés au sujet d’un accord sur l’énergie nucléaire et de savoir comment nous pouvons — pour revenir sur certaines des autres questions — intégrer les discussions commerciales aux efforts en matière de diplomatie où le Canada a d’énormes possibilités de croissance économique, y compris ce que nous pourrions investir ailleurs, par exemple une énorme chaîne d’approvisionnement en Ontario dans le domaine nucléaire. Ce pays a également adopté notre technologie nucléaire canadienne, soit le réacteur CANDU.
C’est un exemple parmi d’autres. Y a-t-il d’autres exemples, ailleurs dans le monde, où nous intégrons le travail accompli par votre ministère avec Innovation, Sciences et Développement économique Canada, ou ISDE, à ces occasions, afin d’aider nos entreprises à se transformer pour éventuellement œuvrer dans d’autres régions?
Compte tenu de l’urgence économique, j’aimerais savoir ce que fait le ministère pour favoriser ces possibilités économiques.
Weldon Epp, sous-ministre adjoint, Secteur de l’Indo-Pacifique, Affaires mondiales Canada : Je peux commencer, puis je laisserai la parole à mes collègues qui pourront vous donner d’autres exemples. En ce qui a trait à l’Inde, c’est un domaine qui, au cours des six derniers mois, avec le nouveau gouvernement, a suscité un intérêt renouvelé à l’échelle internationale et un regain d’intérêt et un empressement de la part de nos ministres du Commerce, de notre ministre des Affaires étrangères et du premier ministre dans leurs discussions avec leurs partenaires. J’ai eu le plaisir de me rendre en Inde avec la ministre Anand, où nous avons pu rencontrer divers intervenants, tant à l’échelle nationale qu’à l’échelle infranationale.
Si l’on examine les taux de croissance en Inde et les besoins énergétiques, force est de constater que le pays recherchera des possibilités de diversification et le moyen d’opérer une transition énergétique propre. L’Inde est au fait des résultats que le Canada a obtenus avec le réacteur CANDU et s’intéresse beaucoup aux petits réacteurs modulaires, ou PRM.
Pour répondre à la première question de la sénatrice, il s’agit d’un domaine qui fait l’objet de discussions et dans lequel nous travaillons en étroite collaboration avec les représentants d’ISDE et de l’Ontario. Nous avons reçu plusieurs délégations de la région au cours de la dernière année seulement. Je ne vais pas les nommer, mais nous attendons trois très importantes délégations de haut niveau des secteurs public et privé de la région indo‑pacifique. Il s’agit d’un secteur clé. Voilà pour l’énergie nucléaire.
Je vais vous donner un autre exemple concernant cette région. La question est très pertinente. La promotion de la diversification est un travail d’équipe, un travail de collaboration, et non pas seulement une initiative d’Affaires mondiales Canada. Dans le cadre de la stratégie pour l’Indo-Pacifique et du déploiement en cours, nous travaillons en étroite collaboration avec d’autres ministères, notamment ISDE, Ressources naturelles Canada, et aussi Agriculture et Agroalimentaire Canada.
Je dirais que bon nombre de ces déploiements sont parmi les plus importants ou les plus révolutionnaires — c’est peut-être un peu exagéré —, car ils permettent de mettre en commun l’expertise de différents ministères. Les déploiements de personnel provenant de ces ministères sont vraiment essentiels dans un bureau d’Agriculture et Agroalimentaire Canada situé dans la région indo-pacifique.
Cheryl Urban, sous-ministre adjointe, Secteur de l’Afrique : J’ajouterais que nous venons de participer au G20 en Afrique du Sud. Notre premier ministre a rencontré le président Ramaphosa, et ils ont fait plusieurs annonces, dont la conclusion des négociations entourant l’Accord de coopération nucléaire Canada-Afrique du Sud. L’Afrique du Sud effectue une transition énergétique, ce qui nous donne de véritables possibilités économiques. Je pense que cela illustre très bien comment nous pouvons utiliser notre diplomatie pour promouvoir les intérêts économiques des Canadiens.
[Français]
La sénatrice Youance : Merci aux témoins.
Un groupe de réflexion de la société civile et de la diaspora haïtienne a conclu que la situation d’Haïti illustre la complexité d’une crise qui s’enracine dans des décennies d’instabilité, d’influence et de fragilisation et de catastrophes successives.
Malgré les échecs, plusieurs signes laissent entrevoir un contexte plus favorable. Je parle notamment de la déclaration commune des pays du G7 au sujet de la Résolution 2793 du Conseil de sécurité des Nations unies sur la publication de calendriers électoraux.
Pourriez-vous nous dire si le gouvernement compte s’engager davantage pour accompagner Haïti? Quelles mesures concrètes le Canada va-t-il prendre pour répondre à l’appel du G7?
M. Lévêque : Je vais me permettre de répondre à l’excellente question de madame la sénatrice Youance.
Vous avez devant vous trois sous-ministres adjoints sur quatre; nous sommes quatre qui couvrons toute la géographie mondiale, mais malheureusement votre question tombe dans les cordes du quatrième, qui n’est pas avec nous.
Cela étant dit, je peux vous dire que la relation historique personne à personne entre le Canada et Haïti est tellement profonde que c’est quelque chose qui préoccupe beaucoup nos dirigeants politiques et notre ministère. Donc, ce à quoi je vais m’engager auprès de vous aujourd’hui, c’est de revenir avec une réponse par écrit concrète et complète dans les plus brefs délais.
La sénatrice Youance : Je vous remercie.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Lévêque, vous vous adaptez toujours.
[Traduction]
La sénatrice Coyle : Je modifie mes questions en fonction des participants qui sont toujours ici. Ma question s’adresse à vous, monsieur Lévêque, et elle concerne l’Ukraine.
J’aimerais revenir sur notre brève discussion de tout à l’heure au sujet de l’Ukraine. Ma question porte sur les réductions de l’aide étrangère en général. L’Ukraine a été un bénéficiaire très important de l’aide étrangère du Canada. Et nous savons qu’avec la reconstruction, les besoins seront encore plus grands. J’ose espérer que la reconstruction s’amorcera bientôt. Pourriez-vous nous parler de l’incidence que ces réductions de l’aide étrangère qui ont été annoncées pourraient avoir en Ukraine?
M. Lévêque : Bien sûr. Je vous remercie de la question. Je suis heureux d’en parler quelque peu.
J’aimerais d’abord parler de la nature multidimensionnelle du soutien que le Canada apporte à l’Ukraine depuis trois ans et demi, une question que j’ai déjà abordée devant ce comité. Cette nature multidimensionnelle signifie que l’Ukraine a bénéficié de bien plus que d’une simple aide au développement. Elle a reçu un soutien militaire, une aide au développement et une aide humanitaire. Le Canada a apporté une grande partie de sa contribution par l’entremise de prêts macroéconomiques, de prêts à très long terme.
Dans ce contexte, les possibles réductions de l’aide au développement du Canada annoncées dans le budget de 2025 auront plus ou moins d’importance, étant donné la diversité des instruments dont nous disposons pour continuer à soutenir l’Ukraine.
Cela dit, puisqu’il s’agit d’une priorité pour le gouvernement, nous ne prévoyons pas une réduction de l’enveloppe qui sert à soutenir le développement de l’Ukraine.
Pour répondre à votre question très importante sur la reconstruction, je pense que les derniers chiffres dont nous disposons — l’évaluation du coût de la reconstruction de l’Ukraine — se situent entre 550 et 600 milliards de dollars. Il va sans dire qu’aucun ensemble de gouvernements d’États dans le monde ne peut fournir une telle somme pour appuyer cette reconstruction. Cela signifie qu’il faudra établir des partenariats avec le secteur privé, en particulier pour ce que j’appellerai des « projets d’infrastructure qui contribuent à l’édification du pays » qui peuvent offrir un retour sur investissement au secteur privé. Les gouvernements peuvent aider en réduisant les risques liés à certains de ces investissements.
Ces questions, malgré la guerre qui fait toujours rage, font l’objet de discussions et de planification. De fait, une délégation canadienne est à Kiev en ce moment pour en discuter. Une fois par an, il y a une conférence sur la reconstruction, généralement dans une capitale européenne, lors de laquelle le secteur privé et des investisseurs institutionnels, entre autres, sont invités à réfléchir à la manière d’amorcer cette reconstruction lorsque les hostilités prendront fin.
Le sénateur Harder : Je remercie les témoins qui sont toujours ici.
J’aimerais soulever une question qui me préoccupe de plus en plus et qui a des répercussions dans toutes vos régions, mais qui sont parfois plus graves dans certaines d’entre elles. Il s’agit des visas. Je crains que notre politique relative aux visas ait des répercussions sur la politique étrangère. Je me demande si vous pouvez nous dire dans quelle mesure cela vous préoccupe et ce qu’il convient de faire pour changer la donne. Je sais que vous ne vous occupez pas des visas, mais la politique étrangère est de votre ressort.
Ensuite, je suis particulièrement préoccupé par les cas où des personnes se sont rendues aux États-Unis, mais n’ont pas été autorisées à venir au Canada. Il s’agissait d’invitations dont j’étais bien au courant. Et cela ne concerne pas seulement des ressortissants chinois ; cela touche aussi des lauréats de prix — Ismail Mohammed — qui n’ont pas pu venir ici en raison de restrictions relatives aux visas. Il me semble qu’il y a là un problème de politique étrangère auquel vous devez vous attaquer, et je serais heureux de vous aider en coulisse, si cela est possible.
Mme Urban : Je vous remercie de la question, qui est en effet très pertinente et qui fait partie des questions que nous abordons souvent dans le cadre de nos fonctions. Comme vous le savez, ces visas ne relèvent pas du mandat d’Affaires mondiales Canada.
Cela dit, nous reconnaissons qu’il existe des cas — par exemple, lorsque le Canada organise des réunions et y invite des gens, ou lorsque des représentants d’organisations politiques souhaitent venir au Canada pour participer à des réunions légitimes — pour lesquels nous devons coordonner nos efforts avec Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, ou IRCC, afin de faciliter l’octroi de visas, en particulier lorsque nous avons un programme de coopération économique et de promotion des intérêts du Canada. Dans ces situations, nous devons faire avancer les choses.
Je tiens à préciser que nous avons mis en place un groupe de travail qui regroupe des représentants d’Affaires mondiales Canada et d’IRCC. Nous nous réunissons régulièrement. Nous faisons progresser les discussions afin d’améliorer notre collaboration et simplifier certaines situations auxquelles nous avons déjà fait face.
J’aimerais également souligner que nous allons accueillir la Coupe du monde de la FIFA. Si nous parvenons à mettre en place des pratiques exemplaires pendant cette période, en collaboration avec la FIFA, nous pourrons peut-être continuer à employer ces pratiques exemplaires à l’avenir.
Le président : Permettez-moi d’ajouter quelque chose. Le problème soulevé par le sénateur Harder ne date pas d’hier. Je me souviens très bien que dans ma carrière précédente, que ce soit dans le cadre d’une affectation ou à Ottawa, j’en entendais souvent parler.
Je suis d’accord avec vous, madame Urban : la Coupe du monde de la FIFA nous donne une occasion, voire un terrain d’essai. Je sais que d’autres pays sont également confrontés à ce problème. Les États-Unis géreront cette situation à leur manière. J’en ai aussi récemment discuté avec des législateurs mexicains. C’est donc un point important.
Le sénateur Woo : J’aimerais revenir sur la question du sénateur Harder. L’examen de la sécurité nationale et les habilitations de sécurité relèvent, là encore, d’un autre ministère, comme vous ne manquerez sûrement pas de nous le rappeler. Mais je m’intéresse à la question de la politique étrangère.
Je rencontre de plus en plus souvent des personnes qui souhaitent occuper un emploi au gouvernement — peut-être travailler pour un sénateur ou un député — et dont les habilitations de sécurité sont rejetées ou auxquelles on ne donne pas suite, vraisemblablement parce qu’elles viennent de la République populaire de Chine et ont des liens très indirects avec le Parti communiste chinois, ou un organe du gouvernement.
Je sais que vous ne pouvez pas formuler de commentaires sur la manière dont le Service canadien du renseignement de sécurité, ou SCRS, effectue ses vérifications; je comprends cela. Je soupçonne toutefois que le problème concerne la politique étrangère, et j’ai peut-être plus un commentaire qu’une question. À l’instar du sénateur Harder qui a offert son aide pour remédier au problème des visas, ne pourrions-nous pas, nous aussi, réfléchir à la façon dont nous pouvons aborder le problème de la sécurité nationale en pensant aux jeunes canadiens qui sont issus de l’immigration et qui souhaitent faire carrière dans la fonction publique — travailler pour un député ou un sénateur — mais qui se heurtent à des obstacles. J’ai l’impression qu’on les empêche de le faire sans raison vraiment valable. Qu’en pensez-vous?
M. Epp : Je vais tenter de répondre à cette question. Je ne ferai pas de rappel, car je pense que les membres du comité connaissent bien les responsabilités respectives des ministères et des agences. Je trouve que c’est une excellente question. C’est un point très important qui touche directement à l’un des défis que nous devons relever alors que nous menons plusieurs actions de front. J’ai déjà constaté des situations semblables à celles que vous évoquez.
Pour ma part, en particulier puisque vous avez mentionné les pays de la région dont je suis responsable, je dirais qu’il est important d’essayer de trouver le juste équilibre — et je ne vais pas prétendre que le gouvernement y parvient toujours — tout en tenant compte du devoir de diligence du gouvernement du Canada et de la société canadienne : il ne faut pas considérer les gens en fonction de leur origine, comme le feraient des gouvernements étrangers. Dans certaines sphères d’activité de nature délicate au sein du gouvernement, il nous faut être réalistes et trouver des moyens de veiller à ce que les gens ne se retrouvent pas dans des situations, au Canada ou à l’étranger, où des gouvernements étrangers — et non le Canada — risqueraient de les prendre pour cible.
Je sais que ce n’est pas le contexte de tous les cas qui pourraient vous être soumis, mais c’est le contexte entourant certaines situations auxquelles nous faisons face. Merci.
Le sénateur Woo : Nous les privons donc d’un emploi afin de les protéger? Est-ce bien ce que vous êtes en train de dire?
M. Epp : Monsieur le président, je ne pense pas avoir dit quoi que ce soit de tel. Ce que je veux dire, c’est que l’un des éléments dont il faut tenir compte — et, je le répète, il ne s’agit pas de questions qui relèvent d’Affaires mondiales, même si elles nous sont parfois soumises — concerne davantage les intentions d’un gouvernement étranger en matière de profilage. Nous devons en tenir compte lorsque nous examinons les situations dans lesquelles des personnes et les membres de leur famille pourraient se trouver. Les discussions à ce sujet se poursuivent, et il est important de trouver le juste équilibre.
Le président : Merci beaucoup. Il va sans dire que cette question a des répercussions en matière de politique étrangère, mais elle concerne davantage la sécurité nationale, qui est du ressort d’un autre comité du Sénat.
La sénatrice M. Deacon : Je vous remercie d’être restés avec nous aujourd’hui. Nous vous en sommes très reconnaissants. Ma question porte sur le cessez-le-feu au Moyen-Orient et les prochaines étapes.
Nous savons que le cessez-le-feu, malgré les accusations de violations de part et d’autre, a été respecté, dans l’ensemble. Les prochaines étapes comprennent la mise en place d’un organisme international chargé de gouverner Gaza et de superviser la reconstruction. Je me demande quels sont les plans du Canada ou les discussions auxquelles il participe à ce stade-ci, non seulement en ce qui a trait à la reconstruction des bâtiments, mais aussi aux effets de la famine. Lorsqu’il y aura de la nourriture, il faudra des années pour remédier à certains de ces effets, en partie, surtout chez les jeunes. Pensons-nous avoir un rôle à jouer à Gaza, sur le terrain, dans le cadre de ces prochaines étapes?
M. Lévêque : La question tombe à point nommé. Je dirais, pour commencer, que le Canada est au cœur des discussions et de la planification à cet égard. Nous sommes en train d’élaborer les prochaines étapes. Vous avez parlé à juste titre de la force internationale de stabilisation qui devra être mise en place, conformément au mandat et à la décision du Conseil de sécurité des Nations unies. Le Canada peut jouer un rôle de différentes façons.
La semaine dernière, l’Union européenne a organisé, conjointement avec l’Autorité palestinienne, une réunion de hauts fonctionnaires suivie d’une conférence ministérielle des donateurs à la Palestine afin d’examiner les problèmes auxquels la Palestine est confrontée. Il a d’abord été question des réformes qu’il faudra adopter pour veiller à ce que l’Autorité palestinienne continue d’avoir la crédibilité nécessaire pour poursuivre ses activités, et l’on a mis l’accent sur le comité technocratique qui devra être mis en place sous l’égide du Conseil de paix, et sur la force internationale de stabilisation.
Le Canada a participé à cette conférence et y a apporté sa contribution. Le Centre de coordination civil et militaire — qui a veillé au respect du cessez-le-feu — situé tout près de Gaza, en Israël, compte des Canadiens parmi ses membres. Nous avons trois Canadiens, civils et militaires, qui sont agents de liaison et contribuent quotidiennement à la réflexion qui porte sur les prochaines étapes.
Comme vous l’avez dit, ce cessez-le-feu est extrêmement fragile, mais il tient pour l’instant, dans l’ensemble. À l’heure actuelle, on prépare les plans civils et militaires qui seront mis en œuvre lors des prochaines étapes. Le Canada est au cœur de ces initiatives et apporte sa contribution.
[Français]
La sénatrice Hébert : Je vais plutôt aborder la question de la diplomatie économique. Avec les nouveaux objectifs fixés par le gouvernement, on a constaté qu’il y aurait un recentrage des programmes de soutien au commerce et une modernisation des services offerts, notamment par l’intermédiaire des délégués commerciaux, mais aussi dans les différents consulats et ambassades canadiens à travers le monde. Pourriez-vous nous parler plus concrètement de ce que cela veut dire?
M. Epp : Je peux commencer, monsieur le président.
Il est vrai que c’est une continuation. On a fait beaucoup de travail pendant des années pour donner du soutien aux entreprises canadiennes pour assurer leur diversification. Le gouvernement le priorise. On concrétise une nouvelle stratégie et de nouveaux outils au ministère sur le plan d’une stratégie en faveur de la diversification de notre économie.
On pourra en dire un peu plus tard. Cela touche un type de soutien aux entreprises dans des secteurs priorisés, notamment celui de la défense. On peut prévoir que ce sera un secteur priorisé dans la région indo-pacifique et en Europe, par exemple. On a parlé aussi du secteur nucléaire. Ce sont quelques exemples de secteurs qui seront priorisés.
M. Lévêque : J’aimerais ajouter quelques mots.
En effet, c’est au cœur même du pivot de la politique étrangère, et donc de la politique de diversification des exportations qui a été évoquée plus tôt par la ministre Anand.
J’aimerais ajouter deux choses.
Afin de réussir à doubler nos exportations et notre commerce non dirigés vers les États-Unis, il faut que deux choses se produisent : nous devons mettre l’accent sur les marchés les plus prometteurs, donc où il y a déjà une base importante, parce que c’est là que des relations commerciales et certaines chaînes d’approvisionnement sont déjà établies, et nous devons explorer des secteurs de l’activité économique qui ont été sous-exploités.
Sur ce, je reprends ce que disait mon collègue M. Epp : le secteur de l’industrie de la défense est un secteur qui a une technologie de pointe particulièrement reconnue; ce secteur existe au Canada, mais il a été sous-utilisé et sous-développé pour ce qui est du soutien qui a été fourni à ces entreprises par le passé. Il y a plusieurs outils qui ont déjà été négociés, qui continuent de l’être et qui devraient avoir un impact énorme sur l’industrie de la défense, notamment SAFE, ou Security Action for Europe, un outil qui existe au sein de l’Union européenne et qui est en train d’être élargi au Canada et au Royaume-Uni pour que les industries de défense canadiennes puissent avoir accès aux contrats qui seront accordés aux gouvernements européens.
[Traduction]
Le sénateur Al Zaibak : J’ai deux questions. La première fait suite à celle du sénateur Harder et concerne les visas. Alors que nous recherchons de nouveaux débouchés commerciaux, certains pays exigent la réciprocité en matière de visas. Je pense plus particulièrement à l’Arabie saoudite. J’ai trouvé très encourageante l’annonce d’hier au sujet de ce type de réciprocité qui sera accordée au Qatar. Pourquoi ne fait-on pas la même chose avec l’Arabie saoudite?
Mon autre question concerne l’accord avec l’Indonésie. Je comprends qu’il s’agit d’un accord novateur et sans précédent, dans le cadre duquel nous ouvrons un nouveau marché en échange d’une aide au développement ou d’une aide au développement international. Étant donné que le budget prévoit la réduction du financement du développement international, je ne sais pas comment nous pouvons concilier cela et comment nous pouvons reproduire le succès obtenu en Indonésie avec d’autres pays.
M. Lévêque : Je vous remercie de me donner l’occasion de reparler de cet enjeu. Bien sûr, ce n’est pas notre domaine : il n’appartient pas à notre ministère de prendre des décisions sur de telles politiques. Toutefois, l’une des raisons pour lesquelles cet enjeu est si complexe, c’est que la responsabilité d’évaluer les risques et d’élaborer les politiques incombe à plusieurs ministères. Vous avez mentionné un concept important, sénateur Al Zaibak : celui de la réciprocité. La décision d’accorder ou non une dispense de visa n’est pas fondée sur la réciprocité, et ce, à dessein; elle est fondée sur les risques pour la sécurité canadienne, ainsi que, au bout du compte, sur des considérations économiques.
Loin de moi l’idée d’émettre une recommandation, mais votre comité a la fière tradition de commander des études. Je trouve intéressante l’idée d’examiner l’effet, délibéré ou non, qu’ont les politiques des divers ministères sur les considérations liées à la politique étrangère.
Le président : Merci beaucoup pour la suggestion. Il va sans dire que nous la prendrons en considération.
M. Epp : Je ne vais pas proposer d’autres devoirs au comité, mais je vais tenter de donner une réponse brève.
En ce qui concerne l’Indonésie, vous avez raison de souligner la nouvelle stratégie de mise en œuvre. Dans les faits, cette stratégie s’insère dans une transition visant non seulement l’Indonésie, mais aussi plusieurs de nos principaux partenaires de l’aide bilatérale au développement dans la région indo‑pacifique et ailleurs dans le monde. Le gouvernement du Canada va chercher à combiner ses outils d’aide au développement, de promotion du commerce et de politique commerciale. Je pense qu’il convient d’avoir recours à cette stratégie vis-à-vis d’une économie émergente qui fait partie de la tranche inférieure des pays à revenu intermédiaire comme l’Indonésie, un pays en lequel nous avons une grande confiance et avec lequel nous entretenons un partenariat étroit en matière d’aide au développement. Maintenant, ce partenariat peut se transformer en une relation axée davantage sur la croissance économique pour les deux parties.
En ce qui touche l’accord de libre-échange, il s’agit d’aider le pays à respecter les normes, dans les domaines et du travail et de l’environnement. Je pense qu’une stratégie semblable sera utilisée pour finaliser les négociations avec l’ANASE. Merci.
Le sénateur Wilson : Ma question fait suite à celle que j’ai posée à la ministre tout à l’heure. Pendant que le Canada cherche à mener à bien sur la scène internationale son programme commercial très ambitieux, je crains que petit à petit, la population canadienne cesse de soutenir ce programme. Cette crainte est fondée sur le fait qu’on ne parle pas suffisamment des droits de la personne et d’autres enjeux, que ce soit aux Émirats arabes unis, au Soudan, en Chine ou ailleurs. Je m’intéresse à la teneur réelle des discussions sur le terrain; je comprends qu’il s’agit d’une question très politique à laquelle vous ne pouvez pas donner une réponse détaillée. Pouvez-vous nous assurer que le gouvernement tient toujours compte de ces enjeux et qu’il défend toujours ces valeurs?
M. Epp : Je peux vous assurer que l’équipe d’Affaires mondiales Canada poursuit son travail. Je vous donne quelques exemples rapidement. Nos rapports avec la Chine ont toujours reposé sur des consultations structurées et continues menées auprès d’intervenants au Canada qui surveillent attentivement les enjeux relatifs aux droits de la personne en général et au sein de communautés particulières. Ces consultations se tiennent depuis des décennies; il y en a eu récemment. Par ailleurs, pendant que nous envisageons de conclure des accords de libre-échange dans la région, nous établissons aussi des liens avec le milieu des affaires. Sauf erreur, votre comité a reçu mon collègue Aaron Fowler hier. Nous allons continuer à consulter des intervenants de l’industrie et de divers milieux pendant que nous négocions de nouveaux accords de libre-échange dans la région. Merci.
Mme Urban : Le Canada continuera à défendre le multilatéralisme et à investir dans le système multilatéral, un système où, de pair avec des entités aux vues similaires, nous pouvons exprimer nos préoccupations par rapport aux droits de la personne. Nous participons aussi aux actions du Conseil des droits de l’homme. Grâce aux partenariats que nous entretenons, nous pouvons avoir des discussions franches, y compris des discussions individuelles, et ces discussions nous permettent d’agir sur différents conflits, par exemple dans le contexte du Soudan, de la République démocratique du Congo et du Rwanda.
Pour conclure, j’ajouterais qu’il y a des activités que nous avons toujours menées discrètement. Je vous donne l’exemple des questions touchant la communauté LGBTQ. Nous avons toujours adopté une approche délibérément discrète à l’égard de tels enjeux, mais nous continuons à y travailler.
M. Lévêque : Pour ajouter un mot en guise de complément, je vais insister sur le fait que les enjeux relatifs aux droits de la personne restent indubitablement au cœur de notre politique étrangère et de nos activités commerciales sur la scène internationale.
Aujourd’hui, nous utilisons normalement une approche fondée davantage sur l’efficacité que sur le volume du message public. D’après mon expérience, il est beaucoup plus efficace et constructif de faire preuve de discrétion et de diplomatie pour communiquer un message à un pays où les droits de la personne sont bafoués. Je peux donner l’exemple de consultations que j’ai menées auprès de l’Arabie saoudite et d’autres pays de la région de mon ressort. Nous soulevons ce type d’enjeux dans le cadre de consultations structurées. Grâce à cette approche, nous obtenons de bien meilleurs résultats et des réponses beaucoup plus concrètes à nos préoccupations que si nous avions recours à la « diplomatie du mégaphone ».
Le président : Merci beaucoup. Notre temps est écoulé. Au nom du comité, je remercie les sous-ministres adjoints Epp, Urban et Lévêque de s’être joints à nous à nouveau. Vous comparaissez souvent tous les trois devant le comité. Nous apprécions et admirons votre professionnalisme et celui de vos équipes. Merci de votre présence.
Chers collègues, avant de lever la séance, je vous invite à surveiller vos boîtes de réception. Demain, vous devriez recevoir l’ébauche confidentielle du rapport de notre étude sur l’Afrique — je vois que j’ai l’attention de Mme Urban. Nous l’examinerons à huis clos le jeudi 4 décembre. Puisque Mme Urban est ici, je mentionne que le rapport sera publié et que nous attendrons bien sûr une réponse de la part du gouvernement.
(La séance est levée.)