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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’AGRICULTURE ET DES FORÊTS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mardi 7 octobre 2025

Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui, à 19 h 30 (HE), pour étudier, afin d’en faire rapport, le problème grandissant des feux de forêt au Canada et les effets que les feux de forêt ont sur les industries de la foresterie et de l’agriculture, ainsi que sur les communautés rurales et autochtones, à l’échelle du pays.

Le sénateur Robert Black (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je déclare ouverte la séance du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts. Bonsoir à tous. Merci d’être des nôtres ce soir. J’aimerais commencer par souhaiter la bienvenue aux membres du comité, à mes collègues, à nos témoins — nous en recevons deux ce soir —, ainsi qu’à ceux qui nous regardent sur le Web. Je suis le sénateur Rob Black, de l’Ontario, et je préside le comité.

Je tiens d’abord à souligner que les terres sur lesquelles nous nous réunissons ce soir se trouvent sur le territoire traditionnel non cédé de la nation algonquine Anishinaabe. Avant de céder la parole à nos témoins d’aujourd’hui, j’aimerais demander aux sénateurs autour de la table de se présenter, en commençant par notre vice-président.

Le sénateur McNair : John McNair, du Nouveau-Brunswick. Merci d’être là.

La sénatrice Martin : Oui, bonsoir. Yonah Martin, de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Varone : Toni Varone, de l’Ontario.

La sénatrice Sorensen : Karen Sorensen, de l’Alberta, où se trouve le parc national Banff, situé sur le territoire du Traité no 7.

La sénatrice McBean : Marnie McBean — et ce sera moins pittoresque —, de Toronto...

La sénatrice Sorensen : Du centre-ville de Toronto.

La sénatrice McBean : ... en Ontario, mais je n’en suis pas moins fière.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Julie Miville-Dechêne, du Québec.

[Traduction]

Le président : Aujourd’hui, le comité poursuit son étude sur le problème croissant des feux de forêt au Canada et les effets qu’ils ont sur les industries de la foresterie et de l’agriculture.

Nous avons le plaisir d’accueillir ce soir M. Robert Gray, écologiste spécialisé dans les feux de forêt, et M. John Pomeroy, professeur émérite au département de géographie et d’aménagement de l’Université de la Saskatchewan. Merci, messieurs, d’être des nôtres. Vous disposerez chacun de cinq minutes pour faire votre déclaration préliminaire, après quoi mes collègues vous poseront des questions à tour de rôle. Chaque intervention sera d’une durée de cinq minutes, ce qui comprend les questions et les réponses. Lorsque je lève la main, cela veut dire qu’il vous reste une minute, et si je lève les deux mains, cela signifie qu’il est temps de conclure. Nous aurons plusieurs séries de questions.

Au nom des membres du comité, je tiens à vous remercier de votre présence aujourd’hui. Sur ce, monsieur Gray, la parole est à vous.

Robert W. Gray, écologiste spécialisé dans les feux de forêt, R.W. Gray Consulting Ltd. : Je tiens à remercier le comité de me donner l’occasion de contribuer à son étude. Je le remercie également d’avoir accepté notre récent article sur la crise liée aux feux de forêt. Je m’excuse de ne pas avoir eu le temps de le faire traduire en français. Il a été publié jeudi dernier, et nous l’avons distribué le plus rapidement possible.

Mon mémoire porte sur la Colombie-Britannique, où je vis, mais bon nombre des problèmes qui affligent ma province touchent aussi l’ensemble du Canada.

Au cours de la dernière décennie, les Canadiens ont connu de nombreuses saisons d’incendies extrêmement destructrices. Malheureusement, la modélisation des changements climatiques laisse présager une aggravation de la situation à l’avenir. Températures plus élevées, saisons d’incendies plus longues, vents plus forts, foudres plus fréquentes, combustibles plus secs — voilà autant de facteurs qui contribueront à l’augmentation de la superficie brûlée de manière particulièrement intense.

Le coût total des incendies devrait également augmenter. Cela comprend le coût direct des activités d’extinction, auquel s’ajoutent les nombreux coûts indirects associés aux feux de forêt, comme la santé physique et émotionnelle des civils et des pompiers, les dommages aux biens et aux infrastructures, les pertes commerciales, les coûts d’évacuation, les pertes de ressources, et cetera.

Les organismes provinciaux et territoriaux font le suivi des coûts d’extinction, mais pas des coûts indirects. Selon les estimations des économistes, les coûts indirects peuvent être de 1,5 à 20 fois plus élevés que les coûts directs pour un incendie donné. Cela représente donc un coût énorme pour la société. Par exemple, on estime que le fardeau économique annuel des feux de forêt aux États-Unis se situe entre 394 et 894 milliards de dollars par année.

À mesure que les saisons des incendies s’aggravent et se chevauchent de plus en plus, les gouvernements doivent réserver davantage de fonds de prévoyance pour se préparer aux années difficiles. C’est de l’argent qui n’est plus disponible pour la santé, l’éducation, le logement, et cetera.

En Colombie-Britannique, les feux de forêt des huit dernières années ont eu de graves répercussions sur une partie importante du territoire de base. Si l’on ajoute à cela les millions d’hectares de terres endommagées par les insectes et déjà exploitées, il arrivera un moment, dans un avenir pas si lointain, où l’industrie cessera d’être économiquement viable et durable.

Les répercussions sur les collectivités rurales à industrie unique et la province seront catastrophiques sur les plans économique et social. Il faut une industrie forestière saine et diversifiée si vous tenons à résoudre la crise liée aux feux de forêt, mais les pratiques forestières et les modèles économiques doivent évoluer pour en faire un outil efficace.

En Colombie-Britannique, l’empreinte annuelle de la récolte forestière est d’environ 130 000 hectares, mais seule une faible proportion de cette superficie fait l’objet de traitements visant à réduire la végétation inflammable. Les rémanents ne sont pas éliminés, et des plantations de conifères sont mises en terre à travers ces débris. Ironiquement, les zones de récolte qui survivent aux feux de forêt actuels sont celles des coupes des années 1980 et 1990, où les rémanents avaient été brûlés avant le reboisement.

L’ampleur du problème des combustibles est immense et décourageante, mais il n’est pas nécessaire de traiter toutes les zones. Pour être véritablement efficace, la récolte doit avoir lieu à des endroits précis du territoire et pour des raisons bien définies. En d’autres termes, l’objectif principal ne peut pas être la rentabilité — c’est-à-dire maximiser le volume au coût le plus bas —, mais plutôt l’atténuation des risques de feux de forêt.

Nous disposons des outils nécessaires pour prédire les zones où le feu est le plus susceptible de se propager, pour prévoir son éventuelle gravité et pour déterminer comment interrompre cette propagation et en modifier l’intensité. Nous avons également des recherches qui confirment la quantité à traiter : les feux de grande ampleur se produisent rarement si, en l’absence de contraintes, environ 40 % d’un site se caractérise par une végétation dont la disposition et la composition ralentissent et étouffent les incendies. C’est ce dont nous avons hérité de la gestion des feux par les Autochtones. Cela signifie davantage de forêts de feuillus, de prairies, de zones arbustives, de boisés, de peuplements éclaircis et brûlés, parfois à plusieurs reprises, et de zones riveraines plus robustes. Cela signifie également, de manière stratégique, qu’il faut éviter de reboiser de vastes zones après un incendie.

Pour financer ce travail qui s’impose, il faut établir un lien entre les secteurs forestier et énergétique. Nos forêts permettent de produire du bois d’échantillon et de la pâte de bois, mais elles emmagasinent aussi de l’énergie. Si nous ne contrôlons pas la façon dont cette énergie est libérée, c’est dame Nature qui le fera.

Grâce à l’harmonisation et l’hybridation des secteurs forestier et énergétique, nous pourrons envisager l’aménagement du paysage forestier sous l’angle des produits forestiers et du secteur de l’énergie dès le départ, et non comme deux actions distinctes.

Pour effectuer ce travail — éclaircissement, brûlage dirigé, feux culturels, plantation d’arbres, remise en état après incendie, et cetera —, nous avons besoin d’une main-d’œuvre régionale stable. J’entends par là une main-d’œuvre qui s’entraîne et qui planifie les interventions pendant l’hiver, qui procède au traitement des combustibles au printemps et à l’automne et qui est disponible pour lutter contre les incendies en été. Ainsi, l’accent sera mis non plus sur l’extinction des feux de forêt, mais sur leur atténuation, ce qui nous permettra de devancer la crise et de réduire les conditions dangereuses auxquelles nos pompiers forestiers doivent faire face.

Il faut aussi un financement stable et adéquat pour renforcer la capacité de gestion des feux de forêt et mener à bien le travail. Des initiatives comme le programme canadien de formation en prévention des incendies, financé par la Fondation de la famille Weston et récemment mis sur pied au campus Okanagan de l’Université de la Colombie-Britannique, constituent une première étape essentielle, mais à défaut d’un financement stable, nous ne pourrons jamais nous attaquer à la crise à la bonne vitesse ni à l’échelle nécessaire. Je vous remercie.

Le président : Je vous remercie.

Monsieur Pomeroy, c’est à votre tour.

John Pomeroy, professeur émérite de géographie, directeur du Centre d’hydrologie, Université de la Saskatchewan, à titre personnel : Merci beaucoup. C’est un honneur pour moi de m’adresser au comité et de représenter plus de 200 professeurs de 23 universités et 1 800 étudiants et techniciens qui ont contribué au programme Global Water Futures depuis sa création en 2016, et notre travail d’observation se poursuit encore aujourd’hui.

Au Canada, nous observons une diminution des manteaux neigeux et une irrégularité accrue des précipitations, qui constituent les principales sources d’eau pour nos réserves hydriques qui sont de plus en plus menacées. En 2023 et 2025, dans l’Ouest et dans une grande partie du Nord, nous avons connu des périodes de sécheresse nivale qui ont entraîné de vastes feux de forêt, des débits fluviaux historiquement bas, une débâcle hâtive des glaces, le retrait de réservoirs, l’assèchement des zones humides et des lacs, ainsi qu’une fonte record des glaciers. La chaire de l’UNESCO en durabilité des eaux de montagnes, à laquelle je contribue, et la Décennie d’action pour les sciences cryosphériques, une initiative des Nations unies qui porte sur les questions liées à la neige et à la glace et que je préside, s’emploient à renforcer les connaissances et les capacités relatives à ces enjeux, qui nécessitent des systèmes intégrés d’observation et de prévision, afin de faciliter la transformation des collectivités pour accroître leur résilience et élaborer des mesures d’adaptation aux feux de forêt à l’échelle locale.

Les feux de forêt, les sécheresses et les inondations vont de pair avec les changements climatiques. Le réchauffement planétaire se manifeste plus rapidement au Canada que partout ailleurs; plus on va vers le nord ou plus on monte en altitude, plus ce phénomène s’accentue. Des hivers plus doux signifient des manteaux neigeux plus minces, des printemps plus précoces et des feux de forêt plus intenses au début de l’été. Des étés plus chauds provoquent des sécheresses, une faible humidité du sol, des tempêtes de pluie extrêmes et plus imprévisibles, et une fréquence accrue des feux de forêt. Les feux de forêt, à leur tour, accélèrent la déglaciation des Rocheuses canadiennes, et leur nombre a augmenté de 10 %, ce qui est alarmant, en raison de la suie qui assombrit la glace et accélère la fonte.

Depuis 2001, les zones récemment brûlées au Canada représentent environ 11 % de notre superficie forestière. C’est l’équivalent de la région de Terre-Neuve-et-Labrador. Les conséquences en matière d’inondations sont désastreuses. En effet, après un incendie qui touche un bassin montagneux, les débits de crue des cours d’eau peuvent augmenter de 25 % ou plus.

Environ la moitié du territoire canadien est recouvert d’arbustes et de forêts, qui régulent l’approvisionnement en eau et stockent le dioxyde de carbone et d’autres gaz à effet de serre. Ces forêts septentrionales perdent leur résilience face à des tendances à la hausse, comme l’intensification des feux de forêt, le dégel du pergélisol, l’effondrement des forêts, les infestations de ravageurs et les maladies. Il s’agit du changement le plus rapide de la couverture terrestre depuis la colonisation agricole du Canada. C’est un phénomène lourd de conséquences pour les ressources en eau douce, et cela se produit en ce moment même.

Les feux de forêt constituent le principal facteur de perturbation dans les forêts boréales. De nombreuses espèces s’y sont bien adaptées, comme l’épinette noire, mais les changements dans le régime des incendies augmentent l’ampleur, la fréquence et la gravité des feux de forêt, ce qui réduit la capacité de régénération de ces forêts. Selon ma collègue Jennifer Baltzer, de l’Université Wilfrid Laurier, 40 % des terres boisées à épinettes noires ne sont pas résilientes face aux sécheresses prolongées causées par les changements climatiques. Jusqu’à 30 % de ces terres boisées présentent une absence de régénération de toute espèce d’arbres. Les forêts ne repoussent plus.

Partout en Amérique du Nord, nous avons assisté à une transition des conifères — au feuillage en forme d’aiguilles — vers des espèces feuillues — comme le bouleau et le tremble — ou même vers des couvertures terrestres non boisées. Nous observons maintenant des feux zombies, c’est-à-dire des brûlages à intervalles très courts qui anéantissent ces milieux.

Cela touche une vaste gamme de services écosystémiques, y compris l’hydrologie.

Selon de nombreuses estimations, les années 2023 et 2024 ont été les plus chaudes sur Terre en 120 000 ans. Cela a réchauffé notre neige, provoqué sa fonte précoce, dégelé notre pergélisol, brûlé nos forêts et intensifié les précipitations et la sécheresse au-delà des conditions auxquelles la nature et notre population se sont adaptées. Voilà qui nous propulse vers un monde dangereux et inconnu, où notre expérience des approches traditionnelles de gestion des forêts et de l’eau ne suffit plus à préserver notre environnement, à bâtir notre prospérité, à prendre soin les uns des autres et à vivre dans des collectivités sûres et saines.

Depuis l’an 2000, le Canada a connu un nombre sans précédent de catastrophes naturelles liées à l’eau, qui ont causé plus de 40 milliards de dollars de dommages. Ces phénomènes rendent non viable l’assurance contre les feux de forêt, les sécheresses et les inondations dans de nombreux pays, et certaines régions du Canada deviennent même inassurables.

Le risque accru de feux de forêt attribuables à des conditions plus sèches exige que les politiques de gestion foncière intègrent des stratégies de gestion des combustibles afin de réduire l’intensité et la propagation des feux de forêt. Les campagnes de sensibilisation à la prévention sont de plus en plus importantes. Les organismes de gestion des incendies doivent se préparer à des saisons de feux de forêt plus longues et plus intenses. Ils doivent fournir des ressources pour une détection précoce et une intervention rapide. Une stratégie nationale de prévision des eaux pourrait être mise à profit pour prédire la probabilité de feux de forêt à l’aide des mêmes modèles utilisés pour la prévision des sécheresses et des inondations. Ces prévisions seraient utiles pour le brûlage dirigé, la mobilisation des ressources et la planification des évacuations.

Les observations intégrées de l’eau et les prévisions hydrologiques pourraient apporter des renseignements cruciaux sur l’eau et les feux de forêt dans le cadre de nos efforts de préparation aux situations d’urgence et d’adaptation aux changements climatiques. Je vous remercie.

Le président : Merci beaucoup.

Chers collègues, le premier tour comprendra des interventions de cinq minutes chacune, questions et réponses comprises. Si le temps le permet et que cela s’avère nécessaire, nous ferons un deuxième tour.

Le sénateur McNair : Merci à vous deux, messieurs, d’être ici ce soir. Monsieur Gray, ma question s’adresse à vous. Dans l’article que vous nous avez remis et qui s’intitule « Wildfire management at a crossroads », vous parlez essentiellement d’un virage qui doit se produire à l’échelle de la société afin d’atténuer les effets des feux de forêt jusqu’à ce que nous observions un changement notable.

Pouvez-vous nous expliquer plus en détail à quoi ce virage devrait ressembler, selon vous, et comment nous pouvons y parvenir? Je suppose que cela nécessite des investissements accrus et des mesures d’atténuation dont vous parlez dans votre article.

M. Gray : Oui, c’est une question complexe. En 2023, nous avons commencé à parler de la nécessité de nous mettre sur le pied de guerre, non seulement en ce qui concerne les incendies, mais aussi les changements climatiques. Cela ressemble à la façon dont nous avons abordé la lutte contre le fascisme dans les années 1940. Il faut examiner les choses sous un angle économique différent.

Nous soutenons que la foresterie ne peut pas être un simple exercice économique; elle doit être un outil pour atteindre un objectif plus vaste, et il y a tout un effet de retombée lorsqu’on envisage les choses de cette façon. Nous devons orienter les pratiques vers des parties très précises du territoire, quel qu’en soit le coût, et cela peut signifier qu’il faut réoutiller l’industrie forestière et chercher d’autres moyens de mobiliser d’autres secteurs, comme l’énergie, pour aider à couvrir ces coûts. L’ensemble de la société devra probablement faire certains sacrifices pour que cela se fasse au rythme et à l’échelle nécessaires.

Lorsque nous envisageons d’agir de manière très intentionnelle dans l’ensemble du territoire, cela signifie qu’il faut changer non seulement les pratiques forestières, mais aussi les contraintes que nous imposons au territoire. Le feu se propagera là où les conditions le permettent; par conséquent, si les forêts ont des réserves statiques, nous ne pouvons pas les protéger. Il faut composer avec une situation très changeante sur le terrain et faire des compromis importants.

Le sénateur McNair : En ce qui concerne l’année 2025 et les pratiques de gestion des incendies et des combustibles dont vous avez parlé, les a-t-on déjà appliquées au Manitoba et en Saskatchewan? Comment aurait-on pu les appliquer pour améliorer les choses cette année?

M. Gray : Il n’y a pas eu beaucoup de brûlage dirigé au Canada, et ce, depuis un certain temps. En 2023, environ 7 000 hectares ont été brûlés au Canada et environ 8 millions aux États-Unis.

Donc, sans ces travaux d’éclaircissement et ces brûlages dirigés nécessaires, nous ne pouvons pas vraiment interrompre la propagation du feu, du moins pas très efficacement. Les brûlages dirigés privent le feu de combustible, et il est bien établi, comme le montrent de nombreux articles de recherche, que l’éclaircissement suivi d’un brûlage dirigé ou le brûlage dirigé seul sont vraiment efficaces. Utilisé seul, l’éclaircissement ne suffit pas. Il reste que l’étendue des travaux effectués est vraiment déterminante. Avec la taille des incendies que nous observons, ce qui se fait ne compte pour à peu près rien. Pour être efficace, il faut que ce soit à une échelle suffisamment grande.

Un bon exemple cité dans notre article est celui de 2023, où nous avons procédé à un brûlage dirigé de 1 300 hectares dans la région d’Aqam, juste au nord de Cranbrook. Nous voulions sauver l’aéroport et la collectivité. En juillet, un feu de forêt a détruit 7 maisons, soit 10 % des maisons de la réserve, malheureusement, avant de continuer sa route en direction de l’aéroport, qui est la base des avions-citernes et le site de ravitaillement en carburant des hélicoptères. Or, le traitement pratiqué à ce moment-là a permis de stopper l’avancée du feu et de sauver 100 maisons et l’aéroport. Le feu s’est toutefois propagé vers le nord et a détruit 5 000 hectares supplémentaires, ce qui signifie que le traitement de ces 1 300 hectares n’était pas suffisant. L’ampleur des mesures doit être proportionnelle à l’ampleur du fléau à combattre.

La sénatrice Sorensen : Monsieur Pomeroy, vous affirmez que la fumée des feux de forêt accélère la fonte des glaciers dans les Rocheuses canadiennes. Vous estimez que le glacier Athabasca aura disparu d’ici la fin du siècle et que le glacier Peyto pourrait disparaître d’ici une décennie, deux régions qui me sont très chères. Pouvez-vous expliquer l’effet que la fumée des feux de forêt peut avoir sur les glaciers, mais aussi comment les chercheurs mesurent cet impact particulier sur les glaciers? Il existe de nombreuses raisons pour lesquelles le glacier Athabasca recule, mais comment mesurez-vous cela en particulier?

M. Pomeroy : Je vous remercie de votre question. Nous prenons des mesures détaillées des glaciers Peyto et Athabasca depuis plusieurs années. Il s’agit de stations météorologiques, de stations météo qui reposent sur la glace. Elles sont dotées de radiomètres qui mesurent le rayonnement solaire — essentiellement l’ensoleillement — ainsi que l’énergie solaire qui provient du ciel ou qui est réfléchie par la glace. Ces appareils nous ont permis de mesure le facteur de réflexion des glaciers au fil du temps. Il y a 30 ou 40 ans, les glaciers reflétaient environ 30 % du rayonnement solaire qui les frappait. Aujourd’hui, ils sont aussi sombres qu’un champ de prairie et ils ne reflètent plus qu’environ 15 % de ce rayonnement. Par conséquent, ils absorbent beaucoup plus l’énergie du soleil et ils fondent plus rapidement.

Nous avons également constaté que les jours de fumée empêchent une partie du rayonnement solaire d’atteindre la glace des glaciers, ce qui ralentit légèrement la fonte. Ces jours-là sont généralement plus frais, ce qui est pour le moins intéressant.

Les grandes fontes se produisent l’année suivant les années de fumée. La fonte des glaciers s’accélère lorsque le ciel redevient clair. Nous avons découvert que des algues poussaient sur les glaciers et retenaient la suie. Ces algues filamenteuses se nourrissent de cette suie et font en sorte que les glaciers gardent leur teinte sombre pendant des années après un feu de forêt. L’effet d’un seul feu de forêt peut durer plusieurs années, et l’augmentation globale du taux de fonte est d’environ 10 %. Or, comme ce taux est déjà à un niveau record, il s’agit d’une augmentation catastrophique.

La sénatrice Sorensen : J’ai travaillé au glacier Athabasca il y a environ 45 ans. Je crois donc comprendre que vous preniez déjà cette mesure à l’époque.

M. Pomeroy : Non, mais nous prenons des mesures au glacier Peyto depuis 1965. Cela faisait partie de la contribution du Canada à la Décennie hydrologique internationale.

La sénatrice Sorensen : J’ai une question pour M. Gray. Comme je l’ai mentionné, je vis dans le parc national Banff. Les brûlages dirigés de Parcs Canada font partie de ma vie. Ils sont aussi pratiqués à Jasper, un autre exemple dont nous pourrions parler, notamment à propos de la façon dont ces mesures ont permis de protéger 70 % de la ville. Je suis surprise d’apprendre qu’il se fait si peu de brûlage dans le reste du Canada. Faut-il en conclure que Parcs Canada est proactif à cet égard et que c’est tout à son honneur?

M. Gray : Tout à fait. Ils sont les chefs de file dans ce domaine depuis très longtemps.

La sénatrice Sorensen : Je retiens ce que vous dites, car ils ont été vertement critiqués. Je suis surprise que le reste du Canada et les autres ordres de gouvernement ne pratiquent pas le brûlage dirigé.

M. Gray : Eh bien, en Colombie-Britannique, environ 150 000 hectares étaient brûlés chaque année jusqu’au début des années 1990, mais il y avait trop d’incendies qui s’échappaient, enfumant des centres urbains et brûlant des zones qu’il n’était pas approprié de brûler d’un point de vue écologique. La pratique est donc tombée en disgrâce et n’a pu se défendre contre les vents contraires.

La sénatrice Sorensen : Ce qui est intéressant, car, bien sûr, nous sommes des destinations touristiques, et lorsqu’un brûlage dirigé est lancé et que la fumée s’installe, ce n’est pas très apprécié des touristes. Or, je vais vous dire, ces collectivités, qui s’en soucie? Débarrassez-vous de cela. Construisez une barrière.

Merci.

La sénatrice McBean : Je vais revenir rapidement sur un point que la sénatrice Sorensen vient de soulever. Vous avez parlé de 7 000 hectares au Canada et de 8 millions d’hectares aux États-Unis. Comment y arrivent-ils, et que faisons-nous de mal pour freiner autant les choses?

M. Gray : La grande majorité des brûlages aux États-Unis ont lieu dans le sud-est, et ils n’ont jamais cessé. Les brûlages « cowboy » ont cours là-bas depuis des décennies.

Même après 1910 et le changement d’approche à l’égard des feux — qui s’est orientée vers une extinction accrue —, ils ont continué à brûler et ils ont instauré une culture. Celle-ci s’est lentement répandue dans tout le pays. Il y a environ 150 000 brûlages dirigés par an aux États-Unis, et ils ont mis en place un système qui affiche un taux de réussite de 99,2 %.

La sénatrice McBean : Est-ce pour cela et pour ses nombreux feux que le Canada est actuellement montré du doigt par tout le monde dans la cour d’école, dont les États-Unis? Est-ce qu’ils ont autant de feux que nous?

Parfois, quand je regarde les informations, j’ai l’impression que le Canada brûle de manière effrénée. Puis, quand on regarde les nouvelles de l’étranger, on se rend compte qu’en fait, la France, l’Espagne et le monde entier sont en train de brûler.

Les brûlages dirigés pratiqués aux États-Unis les empêchent-ils de brûler autant en ce moment?

M. Gray : Non, ils ont eux aussi connu une assez grosse saison des incendies cette année. Leur fumée se déplace vers le nord, alors que la nôtre va vers le sud.

En Colombie-Britannique, nous échangeons en fait des incendies de part et d’autre de la frontière. Nous devons simplement renforcer notre capacité à accélérer le rythme et l’ampleur des brûlages dirigés. Le programme que j’expose dans le mémoire est certainement un début.

La sénatrice McBean : Je vous remercie. Je reviendrai là-dessus lors du deuxième tour de questions.

Monsieur Pomeroy, d’après vos travaux de modélisation, quelles sont les projections à long terme concernant les risques de feux de forêt dans différents scénarios climatiques, et comment ces projections devraient-elles modifier le plan d’adaptation du Canada?

M. Pomeroy : Nous avons élaboré des modèles climatiques détaillés jusqu’à la fin du siècle, en tenant compte du statu quo et de certains scénarios de réduction des gaz à effet de serre, mais lorsque nous les associons aux changements écologiques les plus probables dus aux feux de forêt, le résultat est assez inquiétant. Nous constatons un recul très marqué de la forêt boréale, mais aussi une expansion de cette dernière dans la toundra moins rapide que ce que nous espérions. Nous constatons une expansion de la toundra arbustive, mais un recul de la forêt boréale dû aux maladies, aux feux de forêt, à une régénération déficiente attribuable à diverses raisons et à la désagrégation du pergélisol, qui déstabilise les forêts d’épinettes noires dans le Nord.

Je m’attends à ce que la déforestation s’accélère. Les feux de forêt sont l’une des principales causes de ce phénomène, mais d’autres facteurs y sont aussi associés. Lorsque le pergélisol disparaît, les forêts perdent leur base, leurs racines. Elles périclitent et deviennent plus à risque de brûler, par exemple.

La sénatrice McBean : Merci de ces renseignements très remontants... Je sais. Désolée, c’est atterrant. Merci.

M. Pomeroy : Oui, nous sommes en train de perdre la forêt boréale.

Le sénateur Varone : Monsieur Gray, ma question s’adresse à vous. J’ai lu le rapport avec attention. Comme je fais mes débuts à ce comité, j’apprends au fur et à mesure. Quoi qu’il en soit, à la fin du rapport, vous formulez quatre recommandations. Je comprends les trois premières, et par souci de clarté, vous dites :

[...] amorcer un changement de politique proactif qui établit une vision claire de la résilience à l’égard des feux de forêt [...]

Je comprends cela. La deuxième recommandation est :

[...] la compréhension et l’acceptation par le public de la crise liée aux feux de forêt [...] en reconnaissant que l’objectif de réduire à zéro les risques en la matière est illusoire.

J’ai trouvé cette observation très percutante.

La troisième recommandation stipule :

[...] les gouvernements doivent adopter une approche proactive et « concrète », et coordonner leurs efforts avec l’industrie et la communauté scientifique [...]

Toutes ces recommandations sont très claires et concises.

La quatrième, cependant, m’a laissé extrêmement perplexe, car vous y affirmez ceci :

[...] la couverture médiatique accrue et la prise de conscience des coûts humains et financiers [...] ont créé une frustration suffisante (au sein des populations touchées) [...] pour inciter les gouvernements régionaux et nationaux à faire de nouveaux choix.

Vous l’affirmez clairement, mais ailleurs, vous suggérez que les solutions imposées d’en haut :

[...] se heurtent à une résistance accrue, au lieu de favoriser l’intégration des connaissances locales et de la gouvernance communautaire [...]

Lorsque vous parlez du financement, je suis curieux de savoir ce que vous appelleriez un « modèle de gouvernance utopique » qui permettrait une formule de financement et la mise en œuvre de ce modèle de gouvernance pour appliquer vos recommandations, car d’un côté, vous parlez de ce qui est « imposé d’en haut », et de l’autre, vous parlez d’un mouvement ascendant.

Donc, si l’argent provient du niveau de gouvernement le plus élevé, comment cela fonctionne-t-il?

M. Gray : Je n’en ai aucune idée. Ces mots sont ceux du sociologue qui figurait parmi les auteurs du mémoire. Je suis l’expert technique en science des incendies, et cette recommandation vient de l’un de mes coauteurs. Je ne sais pas trop comment cela se fait sur le plan concret.

Le sénateur Varone : Je comprends que cela restera un mystère?

M. Gray : Oui. Je suis désolé. Je ne peux pas répondre à cette question.

Le sénateur Varone : Je présume que ce qui suit est un cauchemar pour un analyste des politiques :

[...] les économistes affirment que le coût total des incendies représente de 1,5 à 20 fois le coût direct.

Ce n’est pas une fourchette négligeable. En fait, c’est une marge énorme.

Vous poursuivez en disant que :

[...] les dépenses directes et indirectes varient entre 394 et 893 milliards de dollars [...]

Comment les gouvernements peuvent-ils tenir compte de cela sur une base annuelle lorsque la marge est aussi grande? Vous allez donner des sueurs froides à quiconque tente d’équilibrer un budget.

M. Gray : C’est une très bonne question.

En réalité, il s’agit simplement d’une tendance. Il y a beaucoup de variations d’une année à l’autre, mais la tendance reste la même.

Si vous regardez la moyenne mobile sur cinq ans, vous constaterez qu’elle ne cesse d’augmenter. Il y a beaucoup de variations d’une année à l’autre, mais la tendance n’est pas à la baisse, elle est à la hausse.

Nous ne savons pas ce qu’il faudra pour inverser la tendance. Nous ne savons pas combien de temps cela prendra. Nous disposons de modèles qui pourraient probablement nous aider à nous informer à ce sujet, mais il reste que la tendance générale est à la hausse.

Ce que nous constatons, du moins en Colombie-Britannique avec le fonds d’urgence, c’est qu’ils en mettent de plus en plus de côté et que cela érode de manière concrète d’autres parties du budget. Ce n’est pas la même chose d’une année à l’autre, mais sur quelques années, cela grignote les ressources de tous les autres programmes que le gouvernement souhaite financer.

La sénatrice Martin : Merci à vous deux de nous faire profiter de vos connaissances.

Je suis moi-même novice en la matière, mais il y a quelques points importants que je voudrais aborder. Mes questions s’appuient entre autres choses sur mes lectures.

Je vais d’abord m’adresser à M. Gray. Vous avez mentionné le coût considérable des feux de forêt à l’échelle du pays. Rien qu’en Colombie-Britannique, ma province d’attache, je crois que plus de 7 millions d’hectares ont brûlé au cours de la dernière décennie. Le coût direct de ces incendies dépasse les 4,8 milliards de dollars, et, comme vous le dites, il faut prévoir de plus en plus d’argent pour lutter contre les feux de forêt.

Dans votre article, vous indiquez ceci :

Une fois qu’une zone suffisamment grande a été traitée, les coûts d’extinction et de rétablissement devraient commencer à se stabiliser, puis à diminuer [...]

Puis, vous affirmez :

Des gains peuvent être réalisés et ils le seront [...] si la bonne combinaison de traitements est mise en œuvre aux bons endroits [...]

C’est à cet égard que je voudrais poser ma première question. En quoi consiste la bonne combinaison de traitements, où doit-elle être appliquée et s’agit-il de quelque chose qui relève des provinces? Pourrait-il s’agir de quelque chose de national? Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?

M. Gray : L’analyse que nous avons effectuée porte sur des sites de 70 000 à 100 000 hectares, souvent des bassins versants. Lorsque nous modélisons l’optimisation, c’est-à-dire l’emplacement de ces traitements par rapport à la propagation du feu, nous modélisons d’abord les schémas de propagation du feu en fonction des conditions météorologiques, de la topographie et des combustibles, puis nous exécutons les modèles d’optimisation et déterminons l’emplacement des traitements. Ces traitements peuvent aller de l’éclaircissement et du brûlage dirigé au simple brûlage dirigé, en passant par le remplacement des conifères par des feuillus. En d’autres termes, il s’agit de tout ce qui est susceptible de modifier le comportement du feu. En exécutant ces optimisations, nous constatons que pour environ 40 % du site traité, la fréquence des grands feux diminue de manière spectaculaire.

Or, chaque site a ses particularités propres. Il y aura donc des différences d’un site à l’autre. Nos collègues ont exécuté différents scénarios de modélisation, et le seuil critique semble être d’environ 40 %.

Malheureusement, les feux de forêt vont faire une grande partie du travail à notre place. Nous ne pouvons pas aller assez vite pour les devancer. Nous allons devoir lutter contre les feux de forêt pendant longtemps encore. Nous pouvons toutefois nous appuyer sur les zones traitées, car les feux de forêt constituent un traitement. Ce n’est pas toujours le meilleur, mais nous pouvons nous en servir pour essayer d’atteindre le point où nous commencerons à observer une diminution importante de la taille et de la gravité des incendies.

La sénatrice Martin : Travaillez-vous avec le gouvernement de la Colombie-Britannique? Faites-vous partie d’un comité consultatif ou occupez-vous d’autres fonctions?

M. Gray : Je travaille en collaboration avec lui. Nous avons un projet pilote dans le Sud-Est de la Colombie-Britannique qui a été approuvé par le ministre lors d’une réunion qui s’est tenue il y a quelques mois. Nous travaillons aussi avec la nation Ktunaxa et les deux communautés de Kimberley et Cranbrook sur une zone de 3,8 millions d’hectares faisant partie du territoire traditionnel des Ktunaxa. Nous effectuons cette analyse à cette échelle. Au cours des deux dernières années, nous avons activement pratiqué le brûlage dirigé en collaboration avec le service de lutte contre les feux de forêt de la Colombie-Britannique — le BC Wildfire Service — et nous avons effectué environ 12 brûlages au cours des trois dernières semaines dans le Sud-Est de la Colombie-Britannique.

La sénatrice Martin : Vous êtes ici, à Ottawa, et ce projet est d’envergure nationale, mais ces pratiques exemplaires sont-elles efficacement communiquées d’une province à l’autre? Y a-t-il un débat national à ce sujet?

M. Gray : Non, pas que je sache. Je pense que la Colombie-Britannique a actuellement une longueur d’avance dans ce domaine par rapport à un grand nombre d’autres provinces. L’idée derrière cette académie nationale de formation sur les brûlages dirigés est qu’elle soit disponible à l’échelle nationale. Nous allons élaborer la formation au Campus Okanagan de l’Université de la Colombie-Britannique, mais l’intention est qu’elle serve de ressource à l’échelle nationale, afin que tout le monde atteigne essentiellement le même niveau.

La sénatrice Martin : Je pense qu’il est important que cette information soit offerte à l’échelle nationale, car même si chaque région ou chaque terrain est différent, nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres. C’est formidable que le Sénat puisse réunir tous ces acteurs et personnalités clés, mais la manière dont ce travail est coordonné est une autre question discutable.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Bonsoir, messieurs.

[Traduction]

Je ne pose pas ma question en anglais, car elle est un peu spécialisée, et il est tard.

[Français]

Donc, de la même façon que certains de mes collègues l’ont dit, je ne suis pas une spécialiste de ces questions.

Si l’on prend les provinces les plus touchées par les incendies de forêt, quel est le pourcentage des forêts où il y a eu des efforts à 40 % pour changer les choses? Est-ce que c’est très petit? Y a-t-il des projets pilotes seulement à des endroits très précis, ou a-t-on commencé sérieusement dans certaines régions du Manitoba, de la Saskatchewan ou de la Colombie-Britannique à avoir des zones de 40 % et à faire tout le travail requis pour faire en sorte qu’il y ait moins de feux de forêt? J’essaie de savoir où on en est dans nos efforts. Est-ce qu’on n’est nulle part, ou y a-t-il des endroits où on a fait du travail? De plus, est-ce qu’on parle ici de terres de la Couronne ou de terres privées? Il est beaucoup plus difficile d’intervenir sur des terres et des forêts privées.

[Traduction]

M. Gray : Je vous remercie de cette question qui est excellente. Nous sommes encore au tout début de ce travail. La modélisation dont je parle est le fruit d’un travail que j’ai réalisé en collaboration avec le Service des forêts des États-Unis et l’Université de Washington aux États-Unis. Elle a été présentée en Colombie-Britannique, et suscite beaucoup d’intérêt, notamment en raison de ce seuil critique de 40 %.

Je ne connais aucune autre province qui envisage les choses sous cet angle, c’est-à-dire l’idée d’apporter des changements importants aux pratiques forestières afin que la foresterie devienne un outil plus efficace dans le domaine de la prévention des incendies.

Espérons que ce que nous apprenons en Colombie-Britannique pourra être communiqué à l’ensemble du pays à l’aide de conférences, de webinaires, de réunions, d’articles publiés, et cetera. À l’heure actuelle, la Colombie-Britannique est à l’avant-garde dans ce domaine.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Pourquoi est-ce que cela ne se passe pas ailleurs? Est-ce parce que c’est une méthode qui coûte cher ou qui est inconnue? Comment peut-on expliquer cela? Est-ce parce qu’à d’autres endroits, on fait des feux contrôlés et on considère que c’est la seule manière d’intervenir?

[Traduction]

M. Gray : Pour être honnête, et c’est mon opinion, je pense que ces dernières années, les gens considéraient les saisons des incendies comme des anomalies et non comme une tendance. Même en Colombie-Britannique, pendant l’exercice 2017-2018, lorsque près de deux millions d’hectares ont brûlé, j’entendais encore les gens dire qu’il s’agissait d’événements exceptionnels ou d’anomalies. Je pense que l’année 2023 a été décisive, du moins en Colombie-Britannique et dans certaines régions de l’Ouest canadien, où l’on réalise désormais que c’est la réalité et une tendance qu’il faut contrer. Cette réalisation ne remonte qu’à un an et demi.

Ceux d’entre nous qui s’occupent de l’écologie des feux à l’échelle du paysage connaissent la direction que prend cette situation. J’ai participé à la mise au point du rapport Filmon en 2003, dans lequel nous avions prédit cette situation. Maintenant, la question est de savoir ce que nous devons faire à ce sujet? À l’heure actuelle, de nombreux organismes et provinces se demandent ce qu’ils doivent faire.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Si l’on compare le coût pour arriver à réaliser ces zones de 40 % et les coûts relatifs à un incendie de forêt, qu’est-ce qui coûte le moins cher? Quels sont les coûts proportionnels? Est-ce que cela coûte moins cher de laisser brûler ou d’essayer de prévenir les feux de forêt?

[Traduction]

M. Gray : De nombreux travaux ont été publiés sur les rapports entre l’intervention et le rétablissement d’une part, et l’atténuation et la prévention d’autre part, et la plupart du temps, ce rapport est de 6 pour 1, voire de 12 pour 1. J’ai vu des articles où le rapport s’élevait à 60 pour 1. L’option la plus coûteuse consiste à laisser les incendies brûler.

La sénatrice Miville-Dechêne : Je vous remercie beaucoup de vos réponses.

La sénatrice McBean : Je n’arrête pas de me poser plein de questions maintenant.

Monsieur Pomeroy, j’étais présente au cours de la séance précédente. J’ai écouté la discussion concernant le projet de loi C-241. Vous parliez de la création d’un groupe national de gestion de l’eau douce.

Quel rôle une meilleure gestion de l’eau et des terres pourrait-elle jouer dans la réduction des risques d’incendies de forêt? Il est évident qu’il faut créer un groupe national de gestion de l’eau douce, mais quelles mesures recommanderiez-vous que le gouvernement fédéral prenne pour mieux harmoniser les systèmes? J’entends parler de l’eau et des incendies de forêt, et j’ai envie de vous réunir tous les deux autour d’une table avec quelques bières, si c’est ce que vous voulez boire, pour pouvoir vous écouter discuter de ces questions. J’entends en ce moment deux arguments semblables à celui « de la poule et de l’œuf », utilisés de la bonne manière.

Comme j’ai interrompu ma propre question, je vais la reformuler : quel rôle une meilleure gestion de l’eau et des terres pourrait-elle jouer dans la réduction des risques d’incendies de forêt? Quelles mesures recommanderiez-vous que le gouvernement fédéral prenne pour mieux harmoniser ces systèmes?

M. Pomeroy : Je vais commencer. Tout d’abord, les forêts sont des gestionnaires naturels de l’eau. Lorsque nous avons des forêts et des bassins hydrographiques, nous bénéficions dans de nombreux cas d’une atténuation des sécheresses. Nous bénéficions également, dans une certaine mesure, d’une atténuation des inondations et des événements extrêmes, en fonction des causes qui les provoquent. Ces événements sont souvent liés aux sols forestiers.

Au cours d’une simulation que nous avons réalisée, je me suis demandé à quoi aurait ressemblé l’inondation de Calgary si le bassin de la rivière Bow avait brûlé juste avant que l’inondation ne se produise. Le débit de pointe de crue aurait été deux fois plus élevé si les sols avaient été perturbés par cet incendie de forêt. Les incendies de forêt graves et étendus jouent un rôle considérable dans l’amplification des événements extrêmes. À l’époque de la simulation, je pensais que nous n’aurions jamais d’incendies de forêt aussi importants. Je ne le crois plus aujourd’hui.

En outre, le manque d’eau attribuable à la sécheresse extrême, qui est associée au changement climatique, met les forêts en danger. Il provoque des maladies. Il leur apporte tout sauf l’étincelle. Parfois, les tempêtes extrêmes fournissent également l’étincelle grâce à la foudre, en particulier dans le Nord. Nous assistons à une situation où de nombreuses régions du Canada connaissent un mois d’été supplémentaire, sans recevoir l’eau supplémentaire nécessaire pour permettre à ces forêts de traverser cette période dans un environnement bien arrosé. Ces forêts deviennent très vulnérables aux incendies à un moment donné de cet été plus long et plus chaud.

Les espèces d’arbres de nos forêts boréales sont habituées à subir des incendies. Elles ont évolué avec ces incendies. Au fil des ans, elles ont connu une fréquence élevée d’incendies et, comme elles affrontent des incendies très violents qui se reproduisent très rapidement, cela provoque un changement dans la composition des espèces, qui s’orientent vers des espèces à feuilles caduques. Cela modifie la disponibilité de l’eau, car ces espèces stockent la neige et l’eau liquide différemment. Elles ne redeviennent pas toujours des forêts à proprement parler; elles peuvent se transformer en broussailles ou en arbustes, ce qui modifie également l’hydrologie.

Tout le système est en train de changer, et je dois admettre que je ne sais pas vraiment où cela va nous mener, parce que tout évolue en même temps. Nous sommes en train de mener une expérience à grande échelle dans l’ensemble du pays, ce qui est sans précédent dans l’histoire de l’humanité. Il y a de fortes chances que cela mène à l’effondrement des écosystèmes dans certaines régions du pays. Cela entraînera aussi la perte des services de gestion de l’eau que nous recevons gratuitement de ces forêts.

La sénatrice McBean : En quoi la surveillance de l’eau pourrait-elle nous aider? Faut-il simplement observer l’eau? Monsieur Gray, j’ai été frappée lorsque vous avez dit que nous allions devoir faire face à des incendies de forêt pendant encore un certain temps. En mettant en place une gestion nationale de l’eau douce et en l’observant, existe-t-il un moyen de contribuer à la prévention ou à la prévision des incendies?

M. Pomeroy : Je vais répondre rapidement à cette question. Nous avions installé plusieurs stations dans le nord de la Saskatchewan et dans les Territoires du Nord-Ouest cet été. Nous avons enregistré des niveaux d’humidité du sol historiquement faibles. Jasper a enregistré un niveau d’humidité du sol historiquement faible la veille des incendies qui ont ravagé la ville. Les incendies sont assez prévisibles. Nos stations ont d’ailleurs brûlé peu de temps après l’enregistrement de cette mesure historiquement faible.

Le fait est que nous pouvons mesurer ces niveaux d’humidité du sol, ce qui signifie que nous pouvons mettre en place les ressources nécessaires avant que les incendies ne se déclarent. Nous pouvons dépêcher des gens sur le terrain, et prévoir les bombardiers d’eau, les ressources et les fonds nécessaires. C’est ce que nous négligeons de faire en ce moment dans notre pays.

La sénatrice Sorensen : Merci. Je vais commencer par vous interroger, monsieur Gray. Je vais vous poser des questions concernant un article que vous avez cosigné. J’espère donc aborder la partie de l’article à laquelle vous avez participé. Est-ce vous qui avez déclaré que les gardiens du feu pourraient contribuer à réduire le coût total des incendies? Cela vous semble-t-il logique? En ce qui concerne la réduction des budgets consacrés à la fois à la lutte contre les incendies et à leur prévention, l’article indiquait ce qui suit :

Les programmes actuels de gardiens du feu — plus de 200 programmes de gardiens du feu des Premières Nations sont déjà en place au Canada — ont démontré qu’ils rapportent 2,50 $ de retombées sociales, économiques et environnementales pour chaque dollar investi.

Pouvez-vous nous parler de ces programmes? Sont-ils en place partout au Canada?

M. Gray : Ils ne sont pas en place partout au Canada. Certains endroits sont plus avancés que d’autres à cet égard. Il existe certainement de nombreux programmes de gardiens du feu dans l’Ouest canadien. Ces personnes sont formées pour accomplir toutes sortes de tâches, qui vont de la lutte contre les incendies à la protection des habitats fauniques. En ce qui concerne les feux de forêt, ces personnes apprennent à la fois les techniques de suppression du feu et celles de brûlage culturel. Elles participent activement à la réintroduction du feu dans une perspective culturelle.

La sénatrice Sorensen : Je vous remercie de vos réponses. Elles sont très intéressantes.

Monsieur Pomeroy, pourriez-vous nous en dire davantage sur les algues qui se forment sur les glaciers? Quels sont leurs effets? Dans quelle mesure contribuent-elles à la fonte des glaciers?

M. Pomeroy : Oui, les algues ont été une découverte intéressante. Nous avons prélevé des échantillons de ce qu’on appelle la cryoconite, c’est-à-dire un mélange d’algues, de champignons, de bactéries, de virus et d’autres éléments que l’on trouve sous forme de proliférations noires sur le glacier. J’ai rapporté les échantillons au laboratoire, je les ai examinés à l’aide d’un microscope électronique à balayage, et j’ai étudié leur ADN. Ces proliférations sont étranges.

Ces algues ont évolué sur la glace. Elles font toutes partie du système qui attend l’apparition de la suie. Elles sont filamenteuses, ce qui leur permet de maintenir la suie en place sur les cristaux de glace pendant des années grâce à leurs filaments. Comme je l’ai mentionné, il y a aussi des virus, des bactéries et d’autres éléments dans ce mélange. Les algues se sont propagées. Nous assistons littéralement à une prolifération d’algues sur le champ de glace Columbia qui se trouve dans les Rocheuses canadiennes. Cela signifie que nos modèles de prévision hydrologique sont défaillants et que nous devons désormais utiliser les mesures satellitaires de la couleur de la glace pour alimenter les modèles et obtenir des résultats corrects, ce que nous avons appris à faire.

Le Canada n’est pas le seul pays touché. Le Groenland souffre également de ce phénomène. Le carbone noir a accru la fonte des glaciers de 30 % dans l’Himalaya, entraînant le déclin des glaciers sains dans cette région. Ce phénomène est observé également dans les Andes. Il s’agit d’un phénomène mondial, ce qui est assez surprenant. Je pense que si nous avions dit il y a 20 ans qu’il y aurait des proliférations d’algues sur les glaciers, cette prédiction n’aurait pas été inscrite sur la liste, mais ce problème figure aujourd’hui sur la liste.

La sénatrice Sorensen : Je vous remercie de vos réponses. Elles sont fascinantes.

La sénatrice Martin : Je pourrais adresser cette question à vous deux, mais je vais commencer par interroger M. Pomeroy.

Ma question concerne les incendies d’origine humaine qui sont en grande partie évitables et qui représentent encore une part importante des débuts d’incendies, soit 40 % en Colombie-Britannique et environ 50 % à l’échelle nationale. En 2024, environ la moitié des feux de forêt du Canada étaient d’origine humaine.

Je me demande si notre étude devrait accorder une certaine importance à la prévention de ces incendies. Avez-vous des commentaires à formuler à ce sujet en vous basant sur vos recherches? Le feu n’est-il que du feu? Les incendies d’origine humaine ont-ils une incidence différente sur l’agriculture et les terres?

M. Pomeroy : Nous les classons comme des incendies d’origine humaine, mais n’oubliez pas que vous pouvez jeter une allumette dans les bois, et rien ne se passera si le sol est humide. Il faut qu’une sécheresse soit déjà en cours, et il faut que le bois soit sec comme de l’amadou pour qu’un feu se déclare. Une étincelle provenant du pot d’échappement d’un VTT, une cigarette jetée négligemment ou un incendie volontaire sont plus susceptibles de se propager. Il faut tout d’abord que certaines conditions soient réunies pour que la probabilité d’expansion d’un incendie de forêt soit élevée. Sinon, les humains ne peuvent pas vraiment provoquer des incendies très facilement.

D’un autre côté, il était plutôt intéressant de voir la Nouvelle-Écosse interdire aux gens d’aller dans les bois. Je crois que c’était une mesure sans précédent dans l’histoire de la Nouvelle-Écosse, une mesure qui n’était pas très populaire, mais qui était plutôt sensée, car la province n’avait jamais connu de conditions de sécheresse aussi extrêmes, et il fallait travailler avec acharnement et être assez strict pour prévenir les étincelles causées par les humains.

Je vais remonter plus loin dans le temps. Vous avez mentionné l’agriculture. Bien sûr, avant la colonisation agricole des Prairies, il y avait des feux de prairie qui se propageaient dans ce qui est aujourd’hui la forêt boréale. La forêt boréale est restée plus au nord, car elle ne pouvait pas s’étendre vers le sud en raison des incendies réguliers. Bien sûr, les peuples autochtones les allumaient délibérément pour gérer les prairies et la lisière de la forêt. Cela faisait partie de la gestion des terres qui se pratiquait depuis des millénaires dans les Prairies. Avec l’arrivée des colons, cette pratique a cessé, ce qui a entraîné un changement, l’envahissement par les arbres du sud de la Saskatchewan, et finalement un risque d’incendies plus importants en raison de la propagation de petits feux de prairie dans cette région.

La sénatrice Martin : C’était là une réponse très complète. D’autres pays ont-ils un nombre aussi élevé d’incendies d’origine humaine? Oui? D’accord. Ce nombre semble simplement élevé. Pouvons-nous faire quelque chose au Canada pour améliorer cette situation?

M. Gray : Dans l’ensemble des États-Unis, la majorité des incendies sont d’origine humaine, en dépit de la campagne publicitaire Smokey Bear qui existe depuis les années 1940. Si l’on examine la proportion d’incendies d’origine humaine enregistrée depuis les années 1940, on constate qu’elle n’a pas changé, même si cette campagne publicitaire est considérée comme la plus réussie de l’histoire.

L’éducation a ses limites. Nous devons nous préparer comme si des incendies allaient survenir. Nous ne pouvons pas espérer qu’il n’y ait jamais d’incendies. Nous devons nous préparer comme s’il allait y avoir des incendies d’origine humaine et des incendies d’origine naturelle. Tout est une question de combustibles.

Le sénateur Varone : Monsieur Gray, vous avez mentionné dans votre rapport l’importance de l’industrie forestière canadienne. Elle occupe une place considérable dans le paysage industriel. Le produit le plus répandu est le bois d’œuvre, qui brûle beaucoup plus rapidement que le bois dur, mais vous évoquez également la possibilité de reboiser les zones brûlées en privilégiant le bois dur des feuillus.

Que doit faire le gouvernement pour changer ce paradigme afin que l’industrie envisage de modifier ce qu’elle plante, comme complément de la prévention des incendies de forêt? Je crois que ces deux mesures vont de pair. D’après mes dernières informations, un pied-planche de chêne vaut 10 fois plus qu’un pied-planche d’épinette.

M. Gray : C’est là une excellente question. Cela dépendra de l’endroit où vous vous trouvez dans le pays et de l’influence que le gouvernement fédéral exerce sur les provinces.

En Colombie-Britannique, par exemple, on s’intéresse de nouveau au peuplier faux-tremble. Nous menons des recherches en collaboration avec le service de prévention des incendies échappés de la Colombie-Britannique et le gouvernement de la Colombie-Britannique, et nous avons modélisé les données et démontré que les peupliers faux-trembles d’un certain âge, d’une certaine structure et d’une certaine taille ont un effet considérable sur la propagation des incendies. Le peuplier faux-tremble permet de produire de la pâte à papier, des panneaux de copeaux orientés ou toute une série d’autres produits.

Il s’agit de convaincre l’industrie qu’il existe un produit et un marché pour ce bois, car elle s’est concentrée pendant très longtemps sur les conifères. Si les autorités fédérales peuvent faire quelque chose pour stimuler cette conversion, tant mieux. La science des incendies qui sous-tend cette approche recommande de passer aux feuillus, mais l’industrie souffre d’une dépendance à l’égard des conifères, et il est difficile de la faire changer d’avis.

Le sénateur Varone : Vous pouvez rejeter la responsabilité de ce problème sur les constructeurs immobiliers.

M. Gray : Oui.

Le sénateur McNair : Monsieur Pomeroy, j’ai écouté les témoignages et les questions. Disons que vous obtenez ces renseignements sur la sécheresse, ces données. Vous savez que vous êtes dans une situation de sécheresse extrême. Que faites-vous de cette information?

Je crois que vous avez en partie répondu à cette question quand la sénatrice McBean vous a interrogé, en indiquant qu’il faut préparer les équipes pour faire en sorte qu’elles soient en mesure d’intervenir.

Je suppose que l’autre élément est lié au fait qu’en fonction de la situation de sécheresse, les gouvernements prennent des décisions pour fermer les forêts au public et à l’industrie. Vous avez mentionné les mesures prises par la Nouvelle-Écosse à cet égard.

En fait, sénatrice Sorensen, c’est Parcs Canada qui a fermé ses parcs avant que la province interdise l’accès au reste des forêts. La Nouvelle-Écosse a également haussé considérablement les amendes qu’elle impose, mais il y avait encore des gens qui n’y croyaient pas, qui pensaient avoir le droit d’être dans les bois et qui s’y rendaient intentionnellement pour se faire arrêter, ce qui semble incompréhensible dans ces situations. Le Nouveau-Brunswick a également interdit l’accès aux forêts.

Y a-t-il d’autres façons pour nous d’utiliser les renseignements ou les données sur la sécheresse que vous collectez?

M. Pomeroy : Nous devons intégrer les informations relatives à la sécheresse dans les indices de probabilité d’incendie de forêt et continuer à améliorer ces indices, à les rendre plus dynamiques et à les communiquer quotidiennement afin de pouvoir intervenir rapidement dans des situations qui évoluent souvent très vite.

Nous devons également effectuer ces calculs à l’aide des prévisions saisonnières d’Environnement Canada et d’autres organismes météorologiques, afin d’obtenir des perspectives trimestrielles et mensuelles pour préparer les ressources et mobiliser les gens en fonction de ce qui se passe.

Certaines saisons de feux de forêt sont assez prévisibles. Lorsque vous constatez que l’enneigement est inférieur à la moitié de son niveau normal ou que la neige fond deux mois plus tôt que d’habitude, vous savez que, dans la plupart des cas, vous allez connaître une saison printanière très difficile en matière de feux de forêt. Ce qui arrive ensuite dépend de ce qui se passe du point de vue des précipitations.

Les sécheresses ont une certaine persistance. Elles sont de plus en plus sévères, de plus en plus longues, et elles se terminent aussi de manière plus abrupte par des périodes pluvieuses.

C’est là l’autre danger. Ces saisons de feux de forêt se terminent souvent par des inondations, comme cela s’est produit de manière spectaculaire en Colombie-Britannique en 2021, dans la vallée du bas Fraser, mais aussi ailleurs.

Je pense qu’un système national de prévision pourrait être utile. Nous pourrions améliorer notre travail dans ce domaine et le relier à la prévision des inondations et des sécheresses, qui découle essentiellement des mêmes modèles informatiques et des mêmes logiciels. Il suffit de se fonder sur la couche d’humus et sur les indices d’humidité pour prévoir les incendies de forêt.

La sénatrice McBean : Pour faire suite à ce que disait le sénateur Varone, parlons des aspects commerciaux. Monsieur Gray, vous avez dit qu’en Colombie-Britannique, 130 000 hectares constituent une récolte normale, mais qu’aucune partie de cette récolte n’a été utilisée pour traiter les forêts ou les remettre en état. Pensez-vous qu’il existe un moyen d’inciter les exploitants forestiers à faire ce travail? Cela pourrait-il être en accord avec les entreprises qui procèdent à l’abattage des arbres? Devrions-nous essayer de prendre ces 130 000 hectares et de les consacrer au défrichage?

M. Gray : Si nous pouvions orienter ces 130 000 hectares sur le paysage de manière très particulière et très intentionnelle, cela aurait des avantages considérables en matière d’ampleur et de gravité des incendies, surtout si nous pouvions accompagner cette orientation d’autres options de traitement telles que le brûlage dirigé et la conversion des espèces.

La sénatrice McBean : Mais est-ce que cela fonctionnerait? Est-ce quelque chose que les entreprises souhaiteraient? Envisagez-vous des régions qui sont faciles à exploiter, pour ainsi dire?

M. Gray : Le problème se posera lorsque nous commencerons à discuter de précisions quant au traitement et à la récolte. Ces régions ne seront peut-être pas là où le volume sera le plus élevé et les coûts les plus bas. Cela pourrait nécessiter des subventions.

Nous discutons de la possibilité d’hybrider la foresterie et la production d’énergie. Si nous pouvions ajouter à ce traitement non seulement l’extraction de bois de construction, mais aussi un produit énergétique comme la biomasse ou un élément pour la bioénergie, cela rendrait le processus économique. Nous devrons examiner sérieusement ce que nous pouvons faire sur le plan économique et la façon dont nous pouvons modifier les flux de produits pour les rendre plus efficaces.

La sénatrice McBean : Je vous remercie de vos réponses.

Le président : Messieurs, je vous remercie d’avoir pris le temps de comparaître devant nous aujourd’hui. Cette séance a été très instructive.

Je tiens également à remercier mes collègues du comité de leur participation active et des questions éclairées qu’ils ont posées.

Comme toujours, je tiens aussi à remercier toutes les personnes qui travaillent dans l’ombre, c’est-à-dire les interprètes, les traducteurs et les gens qui s’occupent de la télédiffusion et de tout le reste. Évidemment, nous tenons à remercier notre page, Mlle Angélique Pinto. Merci. Votre aide est indispensable à notre travail.

(La séance est levée.)

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