Aller au contenu
AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’AGRICULTURE ET DES FORÊTS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 6 novembre 2025

Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui, à 8 heures (HE), pour examiner, afin d’en faire rapport, les questions qui pourraient survenir occasionnellement concernant l’agriculture et les forêts.

Le sénateur Robert Black (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour. Je m’appelle Rob Black et je suis le président de ce comité. Je souhaite la bienvenue aux membres du comité, à nos témoins ainsi qu’à ceux qui nous regardent sur Internet.

Je tiens d’abord à souligner que les terres sur lesquelles nous sommes réunis se trouvent sur le territoire traditionnel non cédé de la nation algonquine anishinabe.

Avant d’entendre nos témoins aujourd’hui, j’aimerais commencer par demander aux sénateurs autour de la table de se présenter.

La sénatrice Martin : Bonjour. Yonah Martin, de la Colombie-Britannique.

Le sénateur McNair : Bonjour et bienvenue. John M. McNair, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Varone : Bonjour. Toni Varone, de l’Ontario.

[Français]

La sénatrice Burey : Bonjour. Sharon Burey, de l’Ontario.

[Traduction]

La sénatrice Robinson : Bonjour et bienvenue. Mary Robinson, représentant l’Île-du-Prince-Édouard.

La sénatrice McBean : Marnie McBean, de l’Ontario.

La sénatrice Sorensen : Karen Sorensen, de l’Alberta.

La sénatrice Muggli : Tracy Muggli, du territoire du Traité no 6, en Saskatchewan.

Le président : Avant de commencer, je prie tous les sénateurs de consulter les fiches qui se trouvent sur la table pour prendre connaissance des consignes visant à éviter les effets Larsen. Veuillez vous assurer de toujours garder votre oreillette loin de tous les micros et ne touchez pas le micro pendant que vous parlez. Cela nous aide à faire en sorte que les personnes qui nous soutiennent ne subissent aucun inconvénient. Veuillez éviter de manipuler votre oreillette lorsque votre micro est activé.

Un son clair facilite l’interprétation, la transcription et le sous‑titrage. Vos questions et votre témoignage seront aussi transcrits, alors ne parlez pas trop vite.

Aujourd’hui, le comité lance sa série Ag101 — quel nom génial —, une nouveauté pour nous. Ces séances d’information ont pour but d’informer les Canadiens et les membres du comité sur certains sujets d’intérêt dans le domaine de l’agriculture. Aujourd’hui, nous entendrons parler de l’évolution des accords agricoles fédéraux-provinciaux-territoriaux.

Nous avons le plaisir d’accueillir Steven Jurgutis, directeur général de la Direction générale des politiques, de la planification et de l’intégration d’Agriculture et Agroalimentaire Canada; Francesco Del Bianco, directeur général, Direction des programmes de gestion des risques de l’entreprise; et Marco Valicenti, directeur général, Direction générale des programmes d’innovation.

Merci d’avoir accepté notre invitation à comparaître devant nous. Vous disposerez ensemble de 20 minutes, après quoi je m’attends à ce que notre groupe vous pose une multitude de questions.

Je vous signalerai quand il ne vous restera plus qu’une minute. Il est préférable de conclure lorsque vous verrez deux mains levées.

Sur ce, la parole est à vous, monsieur Jurgutis.

Steven Jurgutis, directeur général, Direction des planifications et intégration des politiques, Agriculture et Agroalimentaire Canada : Je vous remercie, monsieur le président, de me donner l’occasion de m’adresser à votre comité pour présenter un aperçu de l’évolution des cadres fédéraux-provinciaux-territoriaux pour l’agriculture, y compris leur histoire, leurs réussites, leurs défis et leurs contraintes.

Ces cadres représentent des décennies de collaboration entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, et ils ont joué un rôle crucial dans le soutien aux producteurs de tout le pays et dans l’élaboration d’une politique agricole canadienne de façon plus générale.

Comme vous le savez, l’agriculture et l’agroalimentaire sont des domaines de compétence partagée au Canada. À ce jour, le gouvernement fédéral a conclu cinq cadres stratégiques pour l’agriculture avec les provinces et les territoires, en commençant par le lancement du premier Cadre stratégique pour l’agriculture en 2003, suivi de Cultivons l’avenir et de Cultivons l’avenir 2 en 2008 et en 2013, respectivement. Nous avons ensuite lancé le Partenariat canadien pour l’agriculture en 2018 et nous en sommes maintenant à la troisième année du Partenariat canadien pour une agriculture durable, également connu sous le nom de PCA durable, qui a été lancé en avril 2023.

Récemment, nous avons entamé les toutes premières étapes de réflexion pour préparer le prochain cadre stratégique pour l’agriculture et l’agroalimentaire du Canada, dont le lancement est prévu en 2028.

Ensemble, ces cadres ont défini la façon dont nous investissons dans l’agriculture : des programmes de gestion des risques de l’entreprise qui stabilisent les revenus aux initiatives stratégiques à frais partagés en passant par les programmes et activités exclusivement fédéraux qui soutiennent le développement des marchés et du commerce, qui stimulent la science et l’innovation et qui renforcent la résilience. Ces investissements sont administrés conformément aux accords multilatéraux et bilatéraux négociés avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, qui permettent aux administrations de répondre à divers besoins régionaux tout en favorisant l’obtention de résultats communs.

Aujourd’hui, j’aborderai quatre thèmes clés concernant l’évolution des accords fédéraux-provinciaux-territoriaux en matière d’agriculture : les principaux changements stratégiques entre les cadres, les forces et les faiblesses des derniers cadres, la collaboration multilatérale dans l’élaboration des cadres, et enfin, la façon dont le PCA durable s’appuie sur les réussites des cadres précédents.

Si l’on regarde les deux dernières décennies, chaque cadre a reflété les priorités économiques et sociétales de son époque, tout en conservant un objectif central constant : assurer la croissance, la résilience et la durabilité à long terme de l’agriculture canadienne.

Le Cadre stratégique pour l’agriculture était le premier cadre et a répondu à un besoin commun du gouvernement et du secteur de disposer d’une approche stratégique plus exhaustive en matière d’agriculture et d’agroalimentaire. Il portait sur la gestion des risques, le renouvellement, l’environnement, la salubrité et la qualité des aliments, ainsi que la science.

Cultivons l’avenir a vu le jour à la suite d’un regain d’intérêt pour la compétitivité et le développement des marchés, entre autres. Il a accordé une grande importance à l’innovation, au transfert de connaissances et à l’aide aux agriculteurs pour qu’ils contribuent à la société et s’adaptent à la demande des consommateurs.

Cultivons l’avenir 2 a renforcé ce regain d’intérêt en introduisant une approche davantage axée sur les résultats et en ciblant les investissements dans l’innovation, la compétitivité et le développement des marchés. Il a également cherché à rendre les programmes de gestion des risques de l’entreprise plus prévisibles et plus responsables sur le plan financier, en particulier à la suite des leçons tirées du soutien ponctuel des années précédentes.

Le Partenariat canadien pour l’agriculture, ou PCA, a reflété un nouveau changement vers la confiance du public, la résilience aux changements climatiques et la croissance inclusive. Le PCA a également reconnu l’importance croissante de la science et des données comme élément fondamental, en promouvant une politique fondée sur des données probantes et la mesure du rendement.

Enfin, le PCA durable actuel marque une nette transition vers la durabilité comme pilier déterminant de la politique agricole. Cette évolution reconnaît la nature interdépendante de la croissance et de la compétitivité à long terme, la gérance de l’environnement et la responsabilité sociale étant au premier plan.

Chaque cadre successif nous donne l’occasion de faire progresser une approche renouvelée pour soutenir le secteur. C’est pourquoi il est essentiel de s’appuyer sur les leçons tirées des cadres précédents. L’expérience acquise lors des cadres précédents nous a montré qu’il y a eu à la fois des réussites et des défis.

Cultivons l’avenir a permis d’établir une approche stratégique nationale unifiée. Il a amélioré la coordination entre les administrations et a fourni une base stable pour des programmes comme Agri-investissement et Agri-stabilité. Toutefois, ses systèmes de mesure du rendement étaient limités, ce qui rendait difficile l’évaluation complète des résultats des investissements.

Cultivons l’avenir 2 a amélioré cette situation en intégrant des indicateurs de rendement plus clairs et des mécanismes de responsabilisation plus solides. Il a également stimulé l’innovation en accroissant le nombre d’initiatives de recherche et d’adoption menées par le secteur. Cela dit, les producteurs ont trouvé que les programmes de gestion des risques de l’entreprise dans le cadre de Cultivons l’avenir 2 étaient parfois trop rigides et moins adaptés aux risques émergents, comme l’instabilité des prix ou les catastrophes régionales.

Le Partenariat canadien pour l’agriculture a apporté d’importantes améliorations. Il a fait de la confiance du public une priorité en mettant l’accent sur la transparence, la salubrité des aliments et l’engagement du secteur. Il a également soutenu la transformation à valeur ajoutée en encourageant une plus grande intégration tout au long de la chaîne de valeur agroalimentaire. Cependant, la souplesse du PCA a parfois été une arme à double tranchant : même si elle a permis aux provinces et aux territoires d’adapter les programmes aux réalités locales, elle a également entraîné des variations que certains intervenants ont jugées ambiguës ou inégales à travers le pays.

Une autre préoccupation récurrente dans le contexte du PCA et des cadres précédents était la complexité perçue et le fardeau administratif associé à l’accès aux programmes, un aspect que les deux ordres de gouvernement tentent encore de simplifier.

Le PCA durable a pris ces leçons au sérieux. Il intègre des résultats plus clairs, des objectifs de rendement partagés et un accent renouvelé sur la collaboration. Il augmente également le financement dans des domaines clés tels que la durabilité et la résilience du secteur, reconnaissant que le rythme du changement dans l’agriculture exige des réponses plus rapides et mieux coordonnées.

Les cadres ont non seulement progressé, mais le partenariat lui-même, entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, a évolué.

Dans les premiers cadres, l’accent était surtout mis sur la coordination, afin que les gouvernements puissent harmoniser le financement et éviter les chevauchements. Au fil du temps, cette coordination s’est transformée en une véritable élaboration conjointe.

Aujourd’hui, les négociations du cadre incluent une conception partagée de la politique, une prise de décisions fondées sur des données et une mesure conjointe du rendement. Nous sommes passés d’un modèle où le gouvernement fédéral fixait en grande partie les objectifs nationaux à un modèle où les provinces et les territoires codirigent l’élaboration des priorités en fonction des réalités régionales.

Tout au long du cadre, les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux se rencontrent individuellement pour discuter des préoccupations actuelles et pour échanger de l’information. Les parties travaillent également en collaboration au sein de nombreux groupes de travail fédéraux-provinciaux-territoriaux afin de maintenir l’harmonisation des domaines clés comme l’innovation.

Cette évolution reflète la reconnaissance de la grande diversité économique et géographique de l’agriculture canadienne. Des producteurs de pommes de terre de l’Île-du-Prince-Édouard aux éleveurs de bétail de l’Alberta, en passant par les horticulteurs de la Colombie-Britannique et les producteurs de céréales et d’oléagineux de la Saskatchewan, les besoins du secteur sont distincts. Le modèle de partenariat permet d’intégrer ces différences dans des cadres successifs tout en maintenant des objectifs nationaux communs.

Les producteurs et les transformateurs ont également participé davantage à l’élaboration des cadres. Les associations de l’industrie, les organisations autochtones et les partenaires de la chaîne d’approvisionnement participent aux consultations, ce qui permet de s’assurer que les programmes répondent à ce qui se passe sur le terrain.

C’est ainsi que le partenariat fédéral-provincial-territorial a évolué, passant d’une gestion commune des programmes à une création conjointe de solutions.

[Français]

J’aimerais maintenant en dire un peu plus sur la façon dont le Partenariat canadien pour une agriculture durable, ou PCA durable, s’est directement appuyé sur les leçons et les réussites de ses prédécesseurs.

Le cadre conserve la structure de base éprouvée des initiatives stratégiques à frais partagés, des programmes et activités mis en œuvre par le gouvernement fédéral et des programmes de gestion des risques d’entreprise.

Le PCA durable prévoit un financement de 3,5 milliards de dollars sur cinq ans, soit une augmentation de 500 millions de dollars par rapport au Partenariat canadien pour l’agriculture.

Sur ces 3,5 milliards de dollars, 2,5 milliards sont destinés à des programmes à frais partagés, mis en œuvre par les provinces et les territoires, et financés à 60 % par le gouvernement fédéral et à 40 % par les provinces et les territoires; de plus, des fonds de 1 milliard de dollars sont consacrés à des programmes et des activités d’envergure nationale financés et exécutés par Agriculture et Agroalimentaire Canada.

Ces investissements soutiennent cinq priorités communes : le renforcement des capacités, de la croissance et de la compétitivité du secteur; les changements climatiques et l’environnement; la science, la recherche et l’innovation; le développement des marchés et le commerce; la résilience et la confiance du public.

Ces priorités s’appuient directement sur le Partenariat canadien pour l’agriculture précédent, mais introduisent un suivi plus rigoureux du rendement et des liens plus clairs avec les résultats environnementaux.

Par exemple, dans le cadre du Programme des paysages agricoles résilients, ou PPAR, les provinces et les territoires peuvent soutenir des projets adaptés aux régions qui offrent des avantages environnementaux mesurables, comme la séquestration du carbone et l’amélioration de la santé des sols.

Par ailleurs, sur le plan exclusivement fédéral, le PCA durable comprend du soutien à l’innovation par l’intermédiaire de programmes comme Agri-science et Agri-innover, qui sont conformes au programme économique plus vaste du gouvernement.

Le cadre comprend également une stratégie de communication des résultats plus solide, y compris un meilleur partage des données et un engagement à contribuer à des résultats communs et mesurables pendant la durée de vie du cadre.

Avant de conclure, j’aimerais parler des programmes de gestion des risques de l’entreprise, ou GRE, qui demeurent l’épine dorsale de chaque cadre stratégique pour l’agriculture. L’ensemble comprend Agri-stabilité, qui protège les producteurs contre les baisses de revenus, Agri-investissement, qui encourage l’épargne proactive pouvant compenser les petites baisses de revenus et accessible à tout moment, Agri-protection, qui couvre les pertes de production, et Agri-relance, qui est un cadre permettant de préparer des interventions ponctuelles.

Ces programmes ont été créés conformément à la Loi sur la protection du revenu agricole et ne dépendent donc pas des négociations du cadre; cependant, le renouvellement de l’accord-cadre nous donne l’occasion de réunir les parties pour apporter des améliorations et discuter de l’évolution des positions politiques, qui sont ensuite prises en compte dans le cadre.

Les programmes de GRE visent à fournir aux producteurs un ensemble d’outils pour gérer les baisses de revenus, les catastrophes météorologiques et les pertes de production. Au fil du temps, ces programmes ont évolué en fonction des commentaires des producteurs et des réalités budgétaires.

À titre d’exemple, je vous parlerai des récents changements apportés aux taux d’indemnisation du programme Agri-stabilité. Le programme offrait un taux d’indemnisation de 70 %, ce qui signifie que les producteurs pouvaient récupérer 70 % de leurs pertes admissibles.

En réponse aux pressions du secteur, les gouvernements ont augmenté le taux à 80 % à partir de l’année de programme 2023. Il s’agissait d’une amélioration considérable pour aider les producteurs à gérer le risque financier.

Plus récemment, pour l’année de programme 2025, le taux a été porté temporairement à 90 %. Ce changement vise à aider les producteurs à faire face aux défis actuels, comme l’incertitude commerciale et la sécheresse. De plus, le plafond des paiements est passé de 3 à 6 millions de dollars, ce qui permet aux plus grandes exploitations d’avoir accès à un soutien plus substantiel.

Ces changements témoignent d’un engagement continu à adapter les outils de GRE pour répondre aux besoins changeants des producteurs canadiens.

L’orientation à long terme est celle d’un système de gestion des risques plus proactif et adaptatif qui aide non seulement les agriculteurs à se remettre des bouleversements, mais qui les aide aussi à s’y préparer.

[Traduction]

En conclusion, l’histoire de ces cadres est celle d’une évolution constante, axée sur la collaboration, guidée par des données probantes et adaptée au changement.

De Cultivons l’avenir au PCA durable, les gouvernements ont non seulement investi des milliards de dollars dans le cadre de ces partenariats, mais ils ont aussi instauré un climat de confiance et de coopération qui continuent de bien servir le secteur.

Pour l’avenir, il s’agit de maintenir cet équilibre : continuer à soutenir la croissance, la compétitivité et l’innovation tout en veillant à ce que l’agriculture reste résiliente, durable et digne de la confiance des Canadiens.

Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions. Merci.

Le président : Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs. J’espère que vous en aurez beaucoup pour ces personnes qui sont avec nous aujourd’hui.

Le sénateur McNair : Merci d’être ici et merci pour ces dix dernières années de collaboration avec les provinces dans le cadre des nombreuses initiatives que vous avez décrites.

Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur la façon dont les programmes de gestion des risques commerciaux sont administrés? Je m’intéresse particulièrement aux délais pour les exploitations agricoles touchées par des incendies de forêt, par exemple — nous venons de terminer notre étude sur les incendies de forêt — ou par la sécheresse. J’ai lu quelque part ici que cela se fait dans la même année que la perte, mais combien de temps faut-il réellement pour que l’argent parvienne aux agriculteurs? Je suppose que le délai est relativement court, mais quand même pas assez rapide du point de vue des agriculteurs.

Francesco Del Bianco, directeur général, Direction des programmes de gestion des risques de l’entreprise, Agriculture et Agroalimentaire Canada : Merci de votre question, sénateur. Il existe plusieurs programmes de gestion des risques commerciaux. Le premier est Agri-investissement, qui est essentiellement un compte d’épargne dont les producteurs peuvent retirer l’argent à tout moment. Il y a aussi Agri-stabilité, qui offre un soutien en cas de baisse des revenus ou d’augmentation des dépenses, et les producteurs déclarent généralement leurs revenus à la fin de l’année. Ces informations sont utilisées en partie pour déterminer le montant potentiel du paiement, mais ce programme prévoit des dispositions qui nous permettent d’effectuer des paiements anticipés avant la date de déclaration des revenus. Il existe un troisième programme appelé Agri-protection. Si, par exemple, des incendies de forêt détruisent une partie de leurs récoltes, ils peuvent être assurés pour la perte du rendement prévu.

Enfin, il existe un cadre appelé Agri-relance, et c’est peut-être à cela que vous faites allusion. Il est souvent utilisé pour faire face aux incendies de forêt. Ce programme couvre essentiellement les coûts extraordinaires que les producteurs doivent engager pour reprendre leurs activités. Il diffère des autres en ce sens qu’il s’agit d’un cadre dans lequel nous nous assoyons avec la province touchée et les responsables pour évaluer la situation, puis, si la situation le justifie, nous demandons aux autorités de mettre en place un programme. Le programme couvrira l’incendie de forêt en question et fournira une aide spécifique pour certaines des dépenses engagées par les producteurs.

Nous nous efforçons de procéder aussi rapidement que possible, mais nous devons obtenir des autorités qu’elles mettent ces programmes en place, tant du point de vue politique que financier.

Le sénateur McNair : Merci. Hier, le budget a été présenté. Agriculture et Agroalimentaire Canada devra réaliser des économies d’ici 2028. Pensez-vous que cela aura une incidence sur les programmes dont nous discutons aujourd’hui?

M. Jurgutis : Je peux citer un passage du document budgétaire qui indique que les paiements de transfert obligatoires aux provinces, aux territoires et aux particuliers ne faisaient pas partie du champ d’application de cet examen. Toute autre question relative au budget à ce stade devrait être adressée au ministère des Finances du Canada.

La sénatrice Martin : Merci beaucoup d’être ici ce matin. Je suis nouvelle au sein du comité et je viens de la ville, alors quand je pense aux risques et aux incertitudes auxquels les agriculteurs sont confrontés chaque jour et chaque année, je trouve qu’ils sont vraiment courageux. Récemment, des membres de la Fédération canadienne de l’agriculture, la FCA, étaient sur la colline du Parlement, et j’ai eu l’occasion de les rencontrer. Voici deux questions qui ont été soulevées lors de notre rencontre.

L’un des points dont nous avons discuté concernait leur inquiétude quant à l’absence de minimum garanti dans le cadre du Programme de paiements anticipés, ce qui crée un risque de planification au moment de l’achat des intrants. Chaque année, il plane une incertitude quant au montant.

Agriculture et Agroalimentaire Canada envisagerait-il de préapprouver des montants minimaux d’avance — par exemple, un seuil saisonnier basé sur la production de l’année précédente — afin d’accroître la certitude au moment des semis? Quels sont les plans mis en place pour répondre à cette préoccupation?

M. Del Bianco : Le Programme de paiements anticipés est essentiellement conçu pour permettre aux producteurs de commercialiser leurs céréales au moment le plus opportun. Il existe une partie sans intérêt qui est généralement de 100 000 $ par an, mais nous l’avons récemment portée à 250 000 $, et à 500 000 $ pour le canola, pour l’année 2025. Les producteurs peuvent obtenir une avance de 50 % de ce qu’ils ont semé, ce qui devient en fait la garantie de l’avance.

Si vous semez pour 200 000 $ de canola, vous pouvez obtenir une avance sans intérêt de 100 000 $, qui sera remboursable une fois que vous aurez vendu ce canola.

En ce qui concerne le programme, le budget a reconfirmé la limite de 250 000 $ sans intérêt ainsi que la limite de 500 000 $ pour le canola. Cela donnera aux producteurs une certaine certitude pour l’année 2025 du programme.

La sénatrice Martin : J’essaie de comprendre leur inquiétude quant à la manière dont cela est traité. Je ne sais pas d’où vient l’incertitude. Ils ont mentionné que leur demande s’élevait à 350 000 $. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet?

M. Del Bianco : Oui, merci pour cette précision. En vertu de la loi et des règlements, la limite sans intérêt est de 100 000 $. Au cours des dernières années, le gouvernement a décidé d’augmenter ce montant. Des producteurs, tels que ceux de la FCA, ont demandé que la limite soit augmentée de manière permanente. Le gouvernement a confirmé dans le budget qu’elle restera à 250 000 $ pour l’année 2025 et à 500 000 $ pour le canola.

La sénatrice Martin : Ils n’ont pas obtenu ce qu’ils avaient demandé, mais c’est tout de même plus que les 100 000 $. Je comprends. Peu importe le niveau de certitude ou le type de soutien, tout ce que nous donnons aux agriculteurs compte.

J’ai une deuxième question. Plus de 90 % des importations de carburant renouvelable du Canada proviennent des États-Unis, et presque la moitié de notre approvisionnement total en biocarburant est importée. La FCA a souligné le plafonnement de la capacité de transformation et de mélange de biocarburant au pays. Nous tenons là une occasion de rapatrier cette industrie. Quel est le plan mis sur pied par le fédéral pour augmenter la capacité de transformation et de mélange de biocarburant et pour réduire la dépendance envers les importations provenant des États-Unis? Quel est l’échéancier pour y parvenir?

M. Jurgutis : Merci de la question, sénatrice. Ma réponse sera probablement assez générale. Dans le budget qui a été déposé hier, des fonds additionnels sont prévus pour aider Ressources naturelles Canada à développer le secteur des biocarburants. Le gouvernement connaît bien ce secteur, qu’il considère comme une autre source de revenus possible pour les producteurs d’intrants canadiens, surtout dans le contexte actuel d’instabilité que provoquent parfois certains partenaires commerciaux. Le développement de ce secteur procurerait aux entreprises canadiennes une autre possibilité de vendre leurs produits au pays.

Les questions portant sur les normes et le fonctionnement de l’industrie et sur la responsabilité devraient s’adresser à Ressources naturelles Canada. Cela dit, Agriculture et Agroalimentaire Canada a une bonne connaissance du secteur des biocarburants; il est d’ailleurs prêt à le soutenir.

La sénatrice Martin : Merci.

La sénatrice Muggli : Merci de participer à notre processus d’apprentissage. Je suis enchantée par ce projet parce que je ne connais pas beaucoup votre ministère et la réglementation qui s’y rapporte. Merci de votre aide.

Ce matin, à l’édition de Saskatoon du bulletin de CBC News, des représentants de l’Association des municipalités rurales de la Saskatchewan ont exprimé de vives critiques sur les portions du budget qui traitent de l’agriculture. Ils ont dit essentiellement que les Prairies — ou l’Ouest — ne retiraient rien du budget, sauf des compressions. Pourriez-vous indiquer certaines des augmentations qui touchent les agriculteurs des Prairies depuis les deux dernières années, ou mentionner quels sont, selon vous, les éléments du budget à corriger pour améliorer la situation des agriculteurs des Prairies?

M. Jurgutis : Merci pour la question. Comme je l’ai dit plus tôt, puisque le budget a été déposé au Parlement hier, les questions pointues sur le budget et les prochaines étapes devraient être posées, à ce stade, au ministère des Finances du Canada.

Je peux dire par contre que le document renferme plusieurs initiatives, dont certaines ont été rendues publiques, notamment la hausse de la limite du Programme de paiements anticipés, que M. Del Bianco a mentionnée. J’ai indiqué dans ma déclaration liminaire les changements à la limite du programme Agri‑stabilité, tout comme les fonds alloués aux biocarburants. Le comité trouvera intéressant de constater que le cadre injecte des fonds au secteur. De manière plus générale, le secteur est soutenu par d’autres programmes d’Agriculture et Agroalimentaire Canada et d’autres initiatives, dont des activités scientifiques, en plus d’un certain nombre d’activités menées à l’extérieur du ministère. Le budget prévoit aussi des mesures qui amélioreront les infrastructures telles que les chemins de fer et les ports qui permettront d’exporter les produits vers d’autres marchés.

La sénatrice Muggli : Une de leurs critiques visait justement les fonds insuffisants pour les routes, les chemins de fer ou les ports.

M. Jurgutis : C’est exact. Nous sommes conscients des préoccupations soulevées sur la fiabilité des infrastructures servant à l’exportation de produits ailleurs dans le monde et de la nécessité de s’attarder à cette question. Des détails à ce propos sont présentés dans le budget, mais toute demande d’information supplémentaire devra être adressée à d’autres ministères ou à ce stade, au ministère des Finances du Canada pour tout ce qui a trait au budget.

Marco Valicenti, directeur général, Direction des programmes d’innovation, Agriculture et Agroalimentaire Canada : Un autre domaine mis en évidence dans le budget est une somme additionnelle de 75 millions de dollars octroyée au programme Agri-marketing ou au développement du commerce et des marchés, dont tous nos secteurs vont bénéficier. Ces fonds serviront à diversifier nos activités commerciales et à intégrer de nouveaux marchés, que ce soit en Asie, dans l’Indo-Pacifique, au Moyen-Orient, en Afrique et dans d’autres régions du monde. Cette nouvelle a été très bien accueillie par l’industrie. Pour revenir à ce que M. Jurgutis a mentionné à propos des sciences, de l’innovation et de l’environnement, une foule de projets intéressants prennent forme dans les Prairies, notamment dans le domaine de l’élevage et de la santé des animaux, de la santé des plantes et de l’agronomie, qui visent tous l’augmentation du rendement. Nous analysons tous les angles possibles tels que la commercialisation, les sciences et les pratiques écologiques pour aider les agriculteurs à accroître la durabilité de leurs activités le plus possible à la ferme. Il existe une diversité de perspectives.

La sénatrice Muggli : L’anxiété que ressentent bon nombre de producteurs aujourd’hui est due aux aléas de l’acheminement de leurs produits dans les marchés et à la vétusté des ponts. Je ne sais plus quel est le pourcentage de ponts en Saskatchewan qui ont une limite de poids ou qui sont sur le point d’être fermés, mais ce pourcentage ne cesse de s’accroître. Le piètre état des routes fait aussi partie des préoccupations majeures des producteurs.

La sénatrice Robinson : Je voudrais parler de la situation mondiale. Il est notoire que les agriculteurs qui évoluent dans les marchés des matières premières se font imposer des prix. Pour égaliser les règles du jeu avec nos concurrents ailleurs dans le monde, il faudrait comparer la série de programmes de gestion des risques au Canada avec celle de ces pays. Je me demande par exemple si vous vous êtes penchés sur la loi agricole aux États-Unis pour vérifier si les dispositions au Canada sont comparables sur le plan de la rapidité et la prévisibilité des paiements. Dans le même ordre d’idées, j’aimerais comprendre — comme nous n’avons probablement pas le temps, je vous demanderais de me répondre par écrit — les étapes que doivent suivre les producteurs pour déclencher le processus et recevoir le chèque. J’aimerais savoir quel est l’échéancier en moyenne.

Je voudrais aussi savoir comment la portée de notre protection au Canada se compare à celle des autres pays. Quels sont les seuils à atteindre? Les pourcentages sont passés à 70 % à 80 %, puis à 90 % au Canada, mais que font les autres pays? Globalement, comment se compare le revenu net des agriculteurs canadiens à celui des agriculteurs américains compte tenu de programmes de gestion des risques de l’entreprise qui sont censés les aider à traverser les périodes difficiles?

M. Jurgutis : Merci, sénatrice, de vos questions.

La sénatrice Robinson : Je ne vous ai posé qu’une question.

M. Jurgutis : Comme la question était vaste, je vais donner une réponse générale.

La sénatrice Robinson : Ce serait formidable si vous pouviez nous envoyer des informations complémentaires par écrit après la réunion.

M. Jurgutis : Je ne pense pas que les témoins puissent vous donner d’explications économiques aussi détaillées que vous le souhaitez. Dans une perspective générale, il faut savoir que des comparaisons sont effectuées par rapport à la position de l’agriculture canadienne dans le classement de l’OCDE. Ce cas de figure ne permet pas de dégager facilement des points de comparaison entièrement linéaires en raison de la grande variété de soutiens fournis par divers moyens à divers producteurs dans divers pays. Le cadre comporte aussi des initiatives dites stratégiques, et non pas seulement des programmes de soutien, ainsi que des initiatives offertes pour faire avancer le secteur grâce à l’innovation, à la commercialisation et à d’autres activités.

Dans l’ensemble, des tentatives sont faites pour trouver comment les producteurs canadiens peuvent s’inscrire dans le cadre. En général, ces comparaisons permettent de constater que le Canada tire bien son épingle du jeu sur le plan du contenu et du versement des soutiens au secteur agricole. Certaines comparaisons directes — les producteurs au pays qui voient des mesures de soutien instaurées aux États-Unis réclament souvent des mesures comparables — doivent être effectuées dans un contexte plus large pour englober tous les autres soutiens et toutes les autres initiatives. Évidemment, il faut entre autres continuer à respecter les règlements sur le commerce et ne pas mettre en péril le soutien aux producteurs en provoquant des effets non voulus à l’échelle du commerce mondial.

Je demanderais peut-être à M. Del Bianco de répondre à la question sur le processus ou les délais.

M. Del Bianco : Comme M. Jurgutis l’a mentionné, il y a moyen de faire des comparaisons, mais nous pouvons fournir des informations sur les paiements versés par les programmes par rapport au revenu total.

La sénatrice Robinson : Combien coûte le programme Agri‑stabilité? Pour chaque dollar versé aux producteurs dans ce programme, quels sont les coûts administratifs et comment nous comparons-nous aux pays concurrents? Je comprends la difficulté de faire ces comparaisons parce qu’il faut parfois comparer des pommes et des oranges. C’est très complexe, mais c’est votre travail. Dans les marchés, les producteurs se mesurent à des homologues à l’étranger dont les revenus sont différents. Si vous vouliez bien soumettre par écrit les informations sur les coûts de prestation des programmes, monsieur Del Bianco, je vous en serais reconnaissante.

M. Del Bianco : Les coûts de prestation du programme Agri‑stabilité sont prévus dans la loi. Les demandes de paiements varient d’une année à l’autre. Dans l’absolu, le gouvernement fédéral dessert le Manitoba et certaines provinces maritimes. Le soutien en Colombie-Britannique, en Alberta, en Saskatchewan, en Ontario et au Québec est versé par le gouvernement provincial. Les coûts totaux se chiffrent à environ 70 millions de dollars, ce qui signifie environ 20 % du montant en frais administratifs.

Quant à Agri-investissement, les coûts sont faibles parce que c’est un compte d’épargne. L’assurance-récolte est offerte sous forme de contrat, mais je peux fournir ces informations également.

La sénatrice Robinson : Merci.

La sénatrice Burey : Merci beaucoup d’être venus témoigner et de nous transmettre ces informations très utiles. Tout d’abord, je vous remercie chaleureusement de nous avoir présenté l’historique et le processus d’élaboration de vos cadres et de vos politiques, et de nous avoir expliqué comment vous êtes passés d’une façon de faire hiérarchique à une méthode centrée davantage sur la coordination et le codéveloppement à tous les niveaux. J’aime le terme « cocréation ». Plusieurs ministères pourraient apprendre — je viens du domaine de la santé — de ce que vous avez accompli. J’espère que ce sera le cas.

Ma question a pour objet d’établir des liens entre certains de ces cadres. Sauf erreur, vous avez abordé le sujet lorsque vous parliez de la durabilité et de l’innovation. Comment Agriculture et Agroalimentaire Canada pourrait-il intégrer le cadre et le concept Une seule santé à toutes ses politiques et à tous ses programmes? Tous les témoins peuvent répondre.

M. Jurgutis : Merci de la question, sénatrice. Je souligne d’entrée de jeu qu’une bonne part des activités du ministère sont liées au cadre, mais pas toutes. D’ailleurs, le ministère compte une Direction générale des sciences et de la technologie qui travaille beaucoup avec le concept Une seule santé, particulièrement dans sa collaboration avec les collègues de Santé Canada et d’autres ministères. La prise en considération des activités scientifiques et de la recherche qui sont menées fait partie du concept.

Nous examinons aussi la protection de la santé des animaux, et cela se fait à travers le prisme Une seule santé. Une partie des activités s’inscrivent dans le cadre, mais pas toutes. Par exemple, les préoccupations suscitées par l’apparition possible de cas de peste porcine africaine au Canada ont entraîné énormément de travail collaboratif et la mise en place d’un grand nombre d’initiatives et de programmes qui se sont effectués conformément au principe Une seule santé. Cette préparation a lieu aussi avec d’autres partenaires fédéraux et avec les provinces et les territoires.

Nous avons atteint un degré de coopération plus élevé en poursuivant les conversations sur ces problèmes et sur les préoccupations liées à la santé des animaux dans le contexte élargi du principe Une seule santé.

M. Valicenti : J’ajouterais que nous nous penchons sur les différentes facettes du principe Une seule santé : la santé des animaux, la santé des plantes et la résistance aux antimicrobiens. Aux côtés de Santé Canada, de l’Agence de la santé publique du Canada et de l’Agence canadienne d’inspection des aliments, nous travaillons comme un consortium — un mode opératoire qu’il faut perpétuer — et en collaboration avec les provinces. Voilà le premier élément.

Le deuxième élément que je veux soulever est notre travail dans le domaine des politiques alimentaires, qui s’est traduit entre autres par la mise sur pied d’infrastructures alimentaires dans les écoles, que nous avons soutenues au cours des dernières années, ou d’infrastructures alimentaires locales qui répondent aux besoins locaux et soutiennent la population. Nous travaillons dans le cadre de relations fédérales-provinciales et nous appliquons une stratégie multiministérielle au sein du gouvernement fédéral. Ces quelques exemples en témoignent.

M. Del Bianco : Les programmes de gestion des risques de l’entreprise ont pour objet d’aider les producteurs à lutter contre les maladies des animaux ou des plantes pour assurer en priorité la viabilité de leurs opérations.

Le sénateur Varone : Je voudrais approfondir un point que la sénatrice Burey et vous, les témoins, avez abordé, soit la recherche et l’innovation. Le Partenariat canadien pour une agriculture durable investit, comme vous l’avez dit, dans la recherche, les technologies, l’amélioration du rendement des cultures, la résistance aux parasites et aux changements climatiques et le développement de nouvelles sources de nourriture. Les budgets suivent le principe des vases communicants : plus un poste reçoit de fonds, moins il y en a pour les autres. Étant donné les changements climatiques, comment le partenariat met-il en ordre de priorité les initiatives de recherche entre les provinces et entre les sujets de recherche pour assurer l’adaptation d’Agriculture et Agroalimentaire Canada au caractère imprévisible des conditions météorologiques? J’entends parler chaque jour de nouveaux parasites problématiques.

M. Valicenti : Dans les deux perspectives différentes, il y a le cadre, soit le Partenariat canadien pour une agriculture durable, et le plus important pilier — je l’appellerai notre principal pilier —, qui est la science et l’innovation. C’est au niveau fédéral. Nous avons le Programme Agri-science qui dépense environ 325 millions de dollars sur cinq ans et qui a été assez constant, ainsi qu’une partie des initiatives stratégiques que les provinces consacrent à la science et à l’innovation. Nos secteurs principaux sont la santé animale, la santé des végétaux, l’agronomie et la lutte contre les parasites. Ce sont les secteurs sur lesquels nous voulons nous concentrer.

Le sénateur Varone : Est-ce un partenariat entre le gouvernement fédéral et les provinces?

M. Valicenti : C’est exact, dans les programmes, Agri‑science a un modèle de regroupement qui réunit l’industrie, le milieu universitaire et des partenaires fédéraux, y compris Agriculture et Agroalimentaire Canada. La moitié de notre ministère se consacre à la recherche. Nos chercheurs scientifiques dans ce modèle de regroupement travaillent dans les domaines de la lutte contre les parasites ou de la santé des végétaux pour améliorer le rendement dans ce secteur. L’industrie définit les priorités sur lesquelles elle veut que nous nous concentrions, en collaboration avec le milieu universitaire. C’est vraiment essentiel. C’est le modèle de regroupement.

Toutefois, je tiens à mentionner qu’en dehors du partenariat, au cours des quatre dernières années, nous avons dépensé plus d’un milliard de dollars dans le secteur de l’environnement et de la durabilité. C’est avec des organisations comme la nôtre qui offrent des programmes de durabilité, mais nous avons également une expression au gouvernement, soit la « distribution supplémentaire de fonds », où nous fournissons des fonds à une organisation qui est plus proche des producteurs afin de mettre en œuvre des programmes en matière d’environnement et de durabilité. Nous travaillons à la fois au sein du cadre et en dehors du cadre dans les domaines des sciences et de l’innovation. Nous en sommes très fiers.

M. Jurgutis : Au ministère, nous aimons commencer l’appellation des programmes par « Agri », ce qui prête à confusion. Agri-science relève du volet fédéral du Partenariat canadien pour une agriculture durable. Par ailleurs, des mesures sont mises en œuvre dans le cadre du volet du partage des coûts, qui est géré par les provinces. Comme je l’ai mentionné dans ma déclaration liminaire, le volet concernant la durabilité dans ce cadre est beaucoup plus important. Non seulement les types de programmes, mais aussi les types d’initiatives et d’activités qui faisaient partie du cadre convenu entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux signifiaient, par exemple, que nous cherchions à augmenter le financement pour démontrer que nous pouvions apporter des améliorations afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre. C’était une cible qui a été fixée dans ce cadre, tout en reconnaissant qu’elle devait stimuler les investissements dans ces types d’activités.

Le sénateur Varone : J’ai une question complémentaire. Êtes-vous en mesure d’attribuer une valeur pécuniaire aux découvertes? Admettons que vous avez inventé quelque chose qui rend cette culture résistante ou qui fait disparaître un parasite. Est-ce une technologie commercialisée dans le monde entier, ou la gardez-vous secrète et dites-vous qu’elle est uniquement pour le Canada?

M. Valicenti : Nous examinons les cibles de rendement d’un certain nombre de perspectives différentes. L’une d’elles est l’augmentation du rendement. Il y a aussi les brevets de propriété intellectuelle. Nous examinons le nombre de chercheurs qualifiés de talent que nous formons dans le système. Nous examinons de multiples cibles de rendement. C’est au niveau des exploitations agricoles. Nous avons également des programmes en sciences et en innovation dans les domaines de la transformation et de la fabrication, ainsi que dans ceux des nouvelles technologies, des technologies propres et des technologies révolutionnaires. Nous avons le Programme Agri-innover, qui se penche sur les types de science et d’innovation en amont.

Le sénateur Varone : Est-ce fait au Canada pour le Canada?

M. Valicenti : C’est exact. Nous finançons uniquement les technologies dans le Programme Agri-innover qui sont nouvelles au Canada et parfois nouvelles dans le monde. Nous les appelons des technologies révolutionnaires. C’est très intéressant.

Le sénateur Varone : Je vous remercie.

La sénatrice McBean : C’est un peu différent de ce que nous avons fait jusqu’à présent. Quelle est la stratégie du ministère pour attirer et retenir la prochaine génération d’agriculteurs, plus particulièrement compte tenu du vieillissement de la population et de l’augmentation du coût des terres agricoles au Canada?

M. Jurgutis : Je vous remercie de la question. Je dirai peut‑être pour commencer que le cadre est un élément à prendre en considération, et nous prendrons cette succession en exemple. On a soulevé ce sujet comme étant une préoccupation. Des changements ont récemment été apportés, par exemple, à l’impôt sur les gains en capital et aux transferts dans le système fiscal par le ministère des Finances du Canada, qui créent une situation plus favorable à ce transfert de richesse aux générations futures.

Il convient aussi de mentionner que Financement agricole Canada, ou FAC, par exemple, s’est également lancé dans ce domaine. Le programme offre des services destinés à offrir de l’aide dans ce domaine. C’est l’un des aspects dans le contexte général du travail que nous examinons dans ce cadre. Nous avons tenu des discussions en vue d’élaborer ce cadre, notamment pour permettre aux provinces — pour les programmes qu’elles offrent et dont nous partageons les coûts — d’offrir leur aide également dans ce domaine.

Nous avons des initiatives pour poursuivre les conversations avec nos homologues provinciaux et territoriaux au sujet des solutions possibles. Le cadre aborde cette question dans une certaine mesure, mais les éléments extérieurs au cadre et même au ministère commencent également à apporter des changements, car ils reconnaissent le vieillissement de la population et la nécessité de réfléchir à quoi ressemblera la prochaine génération d’agriculteurs au Canada. La grande majorité des terres agricoles au Canada sont encore détenues selon le modèle de l’exploitation familiale. Nous voulons nous assurer que la prochaine génération d’agriculteurs pourra exercer ses activités au Canada.

M. Valicenti : Nous avons également des programmes qui visent à accroître la participation des groupes sous-représentés, que ce soit les jeunes, les femmes ou les organisations détenues et dirigées par des Noirs. Des fonds sont disponibles pour soutenir leur participation. Nous essayons généralement d’utiliser des outils tels que des ratios de partage des coûts avantageux dans nos programmes et d’offrir de nouvelles possibilités et options dans ce secteur. Nous examinons la situation sous différents angles.

La sénatrice McBean : C’est Ag101. Y a-t-il de nouveaux agriculteurs? Il est toujours question de gains en capital et de maintien des agriculteurs. J’imagine que les meilleurs agriculteurs sont ceux qui pratiquent l’agriculture depuis longtemps, car ils savent ce qu’ils font. Comment attirer de nouveaux agriculteurs dans cet investissement? Existe-t-il des modèles visant à encourager les personnes qui souhaitent se lancer dans l’agriculture, mais qui doivent commencer sans posséder des terres?

M. Jurgutis : Je vous remercie de la question. Je peux revenir sur le commentaire que M. Valicenti vient de faire. Certains programmes contribuent à cela et visent à attirer de nouveaux arrivants dans le secteur agricole, non seulement grâce aux programmes, mais aussi grâce au soutien, à l’éducation, à la compréhension et à la reconnaissance de la force que nous apporte une plus grande diversité dans cette structure.

De plus, le Programme de la Loi canadienne sur les prêts agricoles octroie des prêts pour aider précisément ce type d’initiative. Nous devons tenir compte non seulement du transfert intergénérationnel, mais aussi, pour revenir à ce que vous avez dit, de l’arrivée de nouveaux venus dans le secteur agricole.

La sénatrice McBean : Merci. Je viens de mener une étude sur le logement dont le but est l’accession à la propriété. Il y a aussi la location. Le gouvernement envisagerait-il de devenir propriétaire de terres? J’imagine que c’est comme Ag101, sénatrice Robinson. On vit et on apprend.

M. Jurgutis : Je vous remercie de la question. Je ne m’attendrais pas à cela de la part du gouvernement fédéral. Les questions relatives aux terres relèvent des provinces. Quand les discussions portent sur la protection des terres agricoles, le gouvernement fédéral doit respecter la répartition des pouvoirs.

La sénatrice Martin : Ma question fait suite à la question de la sénatrice McBean à propos des nouveaux agriculteurs. L’un des représentants de la Fédération canadienne de l’agriculture était un nouvel agriculteur du Yukon. Apparemment, les agriculteurs au Yukon n’ont pas accès au Programme de paiements anticipés. Faites-vous des démarches pour qu’ils puissent y avoir accès?

M. Jurgutis : Je vous remercie de la question. Nous reconnaissons que le modèle des activités traditionnellement considérées comme agricoles au Canada ne s’applique pas nécessairement aux territoires ou même aux régions nordiques des provinces. Nous parlons généralement de l’élevage du bétail et de la culture des récoltes, des fruits et des légumes.

Nous avons davantage de discussions, en particulier avec les territoires, pour envisager d’intégrer les récoltes et les aliments traditionnels dans le cadre. Certaines dispositions, capacités et marges de manœuvre existent actuellement pour permettre aux territoires de le faire dans le cadre, mais la structure des programmes de gestion des risques commerciaux, plus particulièrement, ne s’y prête pas forcément pour le moment. Dans le cadre du Programme de paiements anticipés, le modèle actuel nécessite une réflexion plus approfondie.

La sénatrice Martin : Nous devons les inclure. Ils font de l’agriculture.

M. Del Bianco : Le Programme de paiements anticipés est habituellement mis en œuvre par des organisations à but non lucratif telles que l’Association canadienne des producteurs de canola. Elle administre le programme au nom du gouvernement fédéral. Il y a 26 organisations différentes qui offrent le Programme de paiements anticipés au pays pour une multitude de cultures et d’animaux d’élevage. S’il existe une demande au Yukon, nous pouvons certainement travailler avec les administrateurs pour veiller à ce que des paiements anticipés soient accordés pour les produits qu’ils cultivent.

La sénatrice Martin : Ce serait très utile. Merci.

La sénatrice Sorensen : Je suis ravie de vous voir. Je pense également que l’étude d’Ag101 est formidable. Nous n’avons pas beaucoup de temps pour discuter de ce que nous faisons réellement ici. Je suis assez nouvelle à ce comité. J’y siège depuis environ un an. Je ne suis pas une citadine; je suis une fille des montagnes. Je vis à Banff. Je dirais que le gouvernement fédéral aide avec le logement, mais sur les terres de la Couronne. Nous sommes très fiers de ce modèle.

Mon univers a toujours tourné autour du tourisme. Quand je rencontre des concitoyens du secteur agricole et des représentants de la Fédération canadienne de l’agriculture, je me lance rapidement sur cette conversation courante. En raison de mon expérience dans l’industrie, je sais que les ministères travaillent en vase clos, pour ainsi dire. Vous avez tous donné des exemples qui me rassurent quant à la façon dont vous travaillez avec d’autres ministères. J’aime parler de l’approche pangouvernementale. C’est intéressant de rencontrer des agriculteurs qui demandent un budget pour les transports, car c’est une grande préoccupation pour eux. Je vois sur la liste l’agriculture, l’immigration, les transports, le logement, la santé, l’emploi, l’innovation et l’environnement.

Je suppose que c’est une question d’ordre général. Je pense parfois que les ministères ne comprennent tout simplement pas. Le ministère des Transports dit parfois, « Eh bien, je ne travaille pas dans l’industrie du tourisme ». C’est juste une conversation que nous avons fréquemment. Nous aborderons les questions budgétaires, législatives et politiques à un niveau élevé. Rassurez-moi que les ministères travaillent ensemble car les gens que nous rencontrons ne le croient pas. Je ne parle pas uniquement de l’agriculture, mais d’un niveau très élevé.

M. Jurgutis : Merci de cette question très facile, sénatrice. Nous collaborons très étroitement au niveau fédéral, et vous avez nommé de nombreux ministères concernés. Cela démontre la complexité des enjeux concernant l’agriculture et l’agroalimentaire. D’autres domaines de compétence et de responsabilité qui relèvent d’autres ministères sont pertinents, importants et, dans certains cas, cruciaux pour le secteur.

En ce qui concerne les transports, les problèmes liés à la chaîne d’approvisionnement ont certainement été une préoccupation pour le secteur. Nous travaillons avec des partenaires, par exemple, à Transports Canada et dans d’autres ministères pour comprendre les répercussions de la façon de procéder actuelle ou des changements potentiels dans le secteur agricole et agroalimentaire. Ensemble, nous examinons des possibilités d’amélioration. Comme on l’a mentionné, pour acheminer les récoltes et les produits vers d’autres marchés dans le monde, il faut un système fiable pour répondre aux exigences des acheteurs.

Il existe des possibilités. Nous avons mis en place des comités et des groupes, et nous tenons des discussions et des conversations directes avec les autres partenaires fédéraux pour examiner les occasions d’apporter ces améliorations. Il faut en grande partie reconnaître le moteur économique qu’est le secteur agricole au Canada et faire valoir que certaines améliorations facilitent les choses. Il faut reconnaître non seulement la complexité et les difficultés auxquelles les agriculteurs et les transformateurs agroalimentaires peuvent être confrontés, mais aussi la possibilité, d’un point de vue économique, de contribuer à la prospérité du pays.

C’est un exemple où on le fait beaucoup, mais il y en a de nombreux autres. Nous communiquons constamment avec les fonctionnaires et les ministres.

M. Valicenti : Si je peux donner un autre exemple, nous traitons beaucoup avec les agences de développement régional : l’APECA, PrairiesCan, PacifiCan, Fednor, FedDev Ontario et DEC. Elles reconnaissent l’expertise que nous possédons au ministère. Donc, si des projets liés à l’agriculture nous parviennent de la Saskatchewan ou de l’Alberta, elles s’adressent à nous et participent à la discussion. Elles investissent leur argent dans le projet, mais elles nous demandent d’évaluer la technologie, les partenaires, etc. Il y a un dialogue important dans cette optique de développement économique, juste pour vous donner l’exemple des agences de développement régional.

La sénatrice Sorensen : Je terminerai en mentionnant l’immigration, les travailleurs étrangers temporaires et le logement dans les régions rurales. J’ai lu le budget. Il y a de grandes inquiétudes dans votre industrie et dans la mienne, et j’espère vraiment que l’agriculture bénéficiera d’un flot de travailleurs étrangers temporaires. J’espère que l’industrie du tourisme en bénéficiera également, mais je vais m’en tenir au sujet.

M. Jurgutis : Je vous remercie de la question. Des consultations sont en cours pour créer un nouveau volet pour les industries de l’agriculture, de la pêche et des fruits de mer, car on reconnaît qu’il faut mettre en place un volet précis consacré au secteur agricole. À l’heure actuelle, les travailleurs étrangers temporaires sont admis dans le cadre de plusieurs volets au sein du système, dont le Programme des travailleurs agricoles saisonniers. Il y a le volet des travailleurs peu qualifiés ainsi que celui des travailleurs hautement qualifiés.

Des dispositions sont en place pour reconnaître qu’il est nécessaire d’avoir des travailleurs dans le secteur agricole. Ces efforts se poursuivent, et c’est un autre exemple de notre étroite collaboration avec Emploi et Développement social Canada et Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada.

Le président : Merci. J’ai la chance de poser une question.

Comme vous le savez bien — et les gens ici savent que j’allais soulever cette question —, nous avons présenté un rapport sur la santé des sols il y a un peu plus d’un an. Quels changements avez-vous constatés en matière de santé des sols et de mesures de soutien dans les différents cadres auxquels vous avez participé? Ce peut être à un niveau élevé. Par ailleurs, dans vos discussions préliminaires en vue de 2028, vous dit-on qu’il s’agit d’une question qui revêt une plus grande importance en raison de notre rapport?

M. Valicenti : Merci, sénateur. Nous avons suivi de près le rapport et collaboré activement avec nos intervenants.

J’ai passé les deux derniers jours à Ottawa avec les dirigeants des grappes et les chefs de projet à travailler sur le programme Agri-science dont j’ai parlé. Il y avait 50 intervenants à Ottawa. L’une des choses qu’on nous a dites clairement du point de vue de la durabilité et de l’environnement, c’est qu’il ne faut pas seulement nous pencher sur les mesures d’atténuation; la réduction des gaz à effet de serre doit être une priorité. Nous devons adopter une approche équilibrée, et ils veulent que nous examinions l’adaptation des sols, de l’eau et de l’air. C’est l’un des secteurs que M. Jurgutis a abordés dans sa déclaration liminaire lorsqu’il a parlé de l’évolution de ces cadres. Nous assisterons probablement à une évolution de la manière de percevoir l’environnement et la durabilité pour inclure les sols et d’autres éléments. Je pense que le rapport sur les sols sera également un élément fondamental pour nous.

En ce qui concerne les sciences, des projets voient le jour, qu’il s’agisse d’analyses de sol, d’améliorations du sol ou des données. Les données constituent un enjeu important. Nous nous attendons à ce que plus de travaux soient accomplis dans le cadre des programmes.

M. Jurgutis : Si je peux ajouter quelques observations, comme M. Valicenti l’a mentionné, nous avons déjà eu des discussions avec nos homologues provinciaux et territoriaux. Nous le faisons régulièrement pour faire le point sur l’état d’avancement du cadre, et nous commençons à lancer des idées concernant le prochain cadre. Comme M. Valicenti l’a mentionné, cela vient de nos homologues provinciaux et territoriaux également. Il faut reconnaître l’aspect environnemental fondamental de l’agriculture pour assurer la viabilité des exploitations agricoles, et les sols en font certainement partie.

Dans le cadre du Programme des paysages agricoles résilients, c’est une priorité pour un certain nombre des provinces en ce qui concerne les types d’activités qu’elles entreprennent dans cet espace à coûts partagés.

Le président : Mesdames et Messieurs, je dirais que c’est un gros plus pour notre rapport. Je vous remercie sincèrement.

Nous pouvons dépasser l’horaire prévu, car c’est notre prérogative. Nous aurons une séance à huis clos dans quelques instants, mais nous avons encore un peu de temps. Je propose que nous terminions au plus tard à 9 h 20, ce qui nous laisse environ 10 minutes. Veuillez privilégier des questions courtes et concises.

Si vous avez le temps de rester parmi nous.

M. Jurgutis : Bien sûr.

Le président : J’aurais dû commencer par vous poser la question.

Soyez très brefs, sénateurs.

Le sénateur McNair : Merci encore, messieurs, pour ce cours d’introduction à l’agriculture. Comme vous pouvez le constater, la plupart d’entre nous en sommes au niveau débutant. Une étudiante au doctorat est venue assister au cours aujourd’hui, elle est assise au fond. Et le président est évidemment le professeur.

J’ai lu que le gouvernement du Canada avait annoncé un financement supplémentaire de 75 millions de dollars sur les cinq prochaines années pour Agri-marketing, dans le but exprès de trouver de nouveaux débouchés à l’exportation pour les producteurs agricoles et agroalimentaires canadiens, en partie en réaction au fait qu’en 2024, près de 70 % de nos produits ont été vendus aux États-Unis et à la Chine.

Quelles activités concrètes Agriculture et Agroalimentaire Canada entreprendra-t-il grâce à ce financement, quelles régions du monde semblent les plus réceptives aux exportations et quels obstacles les exportateurs devront-ils surmonter pour pénétrer ces nouveaux marchés, selon vous? Par simple curiosité, combien de délégués commerciaux agroalimentaires avons-nous actuellement à l’étranger?

M. Valicenti : Merci beaucoup, sénateur. Comme je l’ai mentionné, l’augmentation de 75 millions de dollars du budget consacré à Agri-marketing a été soulignée dans le budget. Pour ce qui est des endroits ciblés, je dirais que l’Indo-Pacifique, le Moyen-Orient et l’Afrique sont des incontournables, selon les gens du milieu, même si nous sommes évidemment ouverts à d’autres possibilités.

Pour répondre à votre question sur les activités proposées, il s’agit de promouvoir les produits agricoles canadiens à l’étranger, de les faire connaître, de mener des missions commerciales, de participer à des foires commerciales, pour ne citer que quelques exemples.

J’ai moi-même été délégué commercial. Je n’en ai pas le nombre exact, mais je pense qu’Agriculture et Agroalimentaire Canada en finance une vingtaine. Voilà pour le ministère, mais Affaires mondiales Canada en compte également un certain nombre, plus de 50, dont probablement 50 % des activités relèvent du secteur agricole. Ces derniers ne sont pas financés par le ministère, mais nous disposons donc d’un important contingent de délégués commerciaux. Ils nous aident, et ils aident les entreprises sur le terrain, grâce aux activités admissibles dont j’ai parlé, comme les foires commerciales ou les campagnes promotionnelles. Nous sommes heureux de l’annonce de ce financement.

La sénatrice Muggli : Merci. C’est l’heure des questions éclair. Je suis ravie d’entendre parler de l’étude sur la santé des sols. Je pense qu’il ne devrait y avoir aucun obstacle à l’intégration de bon nombre de ces recommandations à votre travail et à votre planification au quotidien. Vous n’avez pas besoin d’instructions ministérielles pour cela. Il y a tellement de recommandations qui tombent sous le sens que je suis contente d’entendre.

J’ai une petite question : les agriculteurs des Premières Nations qui cultivent des terres dans les réserves sont-ils admissibles à ces programmes?

M. Valicenti : Oui, je vais laisser M. Del Bianco parler de la gestion des risques commerciaux. En ce qui concerne la gestion des risques non commerciaux, oui, absolument. Pour ce qui est de la possibilité d’améliorer certains ratios de partage des coûts, nous avons réservé 5 millions de dollars spécialement pour les projets scientifiques autochtones afin qu’ils puissent collaborer avec les scientifiques du ministère.

Nous venons également de lancer une initiative de 5 millions de dollars pour le bison des Prairies. Elle débutera en Saskatchewan, mais nous espérons qu’elle s’étendra à l’Alberta et au Manitoba. Oui, absolument, les groupes autochtones peuvent y participer. Nous disposons en fait du service Explorateur pour les Autochtones, qui permet aux groupes autochtones de venir nous rencontrer, puis nous pouvons les orienter vers les programmes et parfois même, les aider à remplir leur demande. Nous souhaitons collaborer avec les communautés autochtones de tout le pays, nous sommes conscients de l’importance de cette collaboration.

M. Jurgutis : J’ajouterais simplement que nous avons multiplié les échanges et les consultations avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis ces dernières années, et que nous comptons bien poursuivre dans cette voie. Une grande partie de l’aide fournie passe par le service Explorateur pour les Autochtones, parce que bien des obstacles viennent du fait qu’ils n’étaient pas nécessairement présents dans le milieu agricole, qu’ils ne comprennent pas forcément très bien comment les choses fonctionnent ou qu’ils n’ont pas été exposés à ce genre de fonctionnement, de sorte qu’ils n’ont pas la même expérience des demandes ou des interactions avec les gouvernements pour bénéficier des programmes.

Je voudrais également ajouter ceci : en plus du financement mentionné par M. Valicenti, nous disposons de fonds au niveau fédéral. Nous avons des dispositions leur accordant des taux préférentiels, essentiellement, pour leur participation à nos programmes. Cependant, les provinces et les territoires sont également très présents dans le domaine et dans le partage des coûts actuellement.

La sénatrice Muggli : J’ai une brève question à poser au sujet de la médecine vétérinaire. Nous vivons une grave pénurie de vétérinaires partout au pays. Votre ministère a-t-il pris des mesures ou a-t-il un plan pour attirer davantage de vétérinaires au Canada? Vous devez certainement en entendre parler par les agriculteurs.

M. Jurgutis : Nous en entendons effectivement parler. Nous sommes conscients de plusieurs problèmes, notamment celui d’attirer suffisamment de personnes dans le secteur agricole, car les vétérinaires spécialisés dans les grands animaux sont moins nombreux, et beaucoup préfèrent exercer hors du secteur agricole et pas nécessairement en milieu rural.

La sénatrice Muggli : D’après ce que j’ai entendu à l’Université de la Saskatchewan, il y aurait une volonté de reconnaître les compétences des vétérinaires formés à l’étranger qui possèdent les qualifications requises, mais il n’y aurait pas suffisamment de places en formation ni de ressources pour faire reconnaître leurs qualifications.

M. Jurgutis : C’est aussi le son de cloche que nous entendons. Je n’ai pas vraiment d’autres informations à ajouter, si ce n’est que nous sommes conscients du problème et que nous sommes en discussion avec l’Agence canadienne d’inspection des aliments, qui travaille plus directement sur ce front.

La sénatrice Muggli : Je vous encourage à continuer de suivre le dossier.

La sénatrice Robinson : Je voudrais rebondir sur la question de la sénatrice McBean concernant le rôle que le gouvernement peut jouer pour attirer des gens dans le secteur et, j’ajouterais, pour assurer la relève. J’avais préparé ma question avant que vous ne posiez la vôtre, sénateur Black. Pour moi, la relève, c’est faire en sorte que les terres restent productives plutôt qu’elles restent nécessairement dans la famille. Je suis une agricultrice de sixième génération, et je ne sais pas si nous verrons une septième génération reprendre la ferme, mais je souhaite que nos terres restent productives. Ce comité a mené une étude sur les sols, et il en est ressorti que ce comité souhaitait protéger les sols.

Si je repense au Compte de stabilisation du revenu net, ou CSRN, et au Programme canadien de stabilisation du revenu agricole, ou PCSRA — tout le monde se souvient de cette époque —, de mon point de vue, ces programmes étaient vraiment utiles. Ils ressemblent à l’actuel programme Agri‑investissement, mais leur fonctionnement est très différent. Ils étaient souvent utilisés comme des REER, ils servaient à financer la retraite d’une génération et à permettre à la génération suivante de prendre la relève dans une situation financière moins difficile, de reprendre les actifs et de continuer à produire. Aujourd’hui, les producteurs doivent envisager de financer leur retraite davantage par la vente de leur ferme, de leurs terres, de leur équipement et de leurs installations. Comme nous l’avons constaté, le coût des terres ne cesse d’augmenter — et je dois dire que, dans l’histoire récente, les terres de ma région qui se négociaient à 2 500 $ l’acre valent aujourd’hui quatre fois plus. Or, si l’on regarde le retour sur l’investissement, les bénéfices et les revenus nets des exploitations agricoles, on constate qu’ils sont loin d’avoir quadruplé. Nous constatons également une augmentation considérable des coûts des intrants agricoles, des risques et des coûts de remise en état après le passage d’une tornade qui détruit des centaines de milliers d’arbres, comme cela s’est produit chez nous avec l’ouragan Fiona. Dans ce contexte, il peut être très difficile de rentabiliser l’investissement. Si l’on souhaite cultiver des pommes de terre à l’Île-du-Prince-Édouard, étant donné que le cycle de rotation obligatoire est de trois ans, il faut 1 500 acres de terres arables. S’il en coûte 10 000 $ par acre pour ces terres, comment peut-on rentabiliser son investissement? Pourriez-vous nous donner votre avis à ce sujet?

M. Jurgutis : Je vais m’efforcer de répondre à cela. Il s’agit d’un problème et d’une préoccupation reconnus. Comme vous l’avez mentionné, les prix des terres en particulier, de l’équipement et la hausse des coûts des intrants sont des considérations très réelles. Comme je l’ai mentionné, en plus des programmes ou des initiatives que nous avons à Agriculture et Agroalimentaire Canada, Financement agricole Canada intervient également beaucoup plus dans ce domaine.

Il y a également le programme découlant de la Loi canadienne sur les prêts agricoles qui aide. Nous observons une diminution du nombre d’agriculteurs au Canada, mais nous constatons également que cela s’explique en grande partie par l’augmentation de la taille des exploitations agricoles. La croissance qui se produit est potentiellement plus marquée dans certains types d’agriculture que d’autres. Dans les Prairies, d’une certaine manière, les économies d’échelle sont plus faciles à réaliser que dans l’exemple de la culture de pommes de terre que vous avez évoqué. Nous le reconnaissons.

Il est certain qu’Agri-investissement est l’un des programmes les plus utilisés dans le secteur et qu’il est considéré ou utilisé comme un autre moyen pour les agriculteurs d’obtenir des fonds qu’ils pourront utiliser après avoir cessé leurs activités agricoles ou à la retraite.

La sénatrice Robinson : Comment pourrait-on comparer l’investissement du gouvernement dans Agri-investissement à celui dans le CSRN ou le PCSRA?

Le président : Vous avez 30 secondes.

La sénatrice Robinson : Ce serait formidable si vous pouviez nous fournir une réponse écrite.

M. Del Bianco : Les investissements dans le cadre du programme Agri-investissement ont diminué au fil du temps. Il nous faudrait plus de temps pour établir des comparaisons entre les chiffres d’il y a 30 ans et ceux d’aujourd’hui.

La sénatrice Burey : Comment Agriculture et Agroalimentaire Canada s’attaque-t-il aux problèmes de santé mentale chez les producteurs? De plus, il y a des parents et des enfants qui nous regardent, et je suis pédiatre. Existe-t-il des programmes dans les écoles pour les enfants dans les domaines de l’innovation et des sciences?

M. Valicenti : En ce qui concerne la santé mentale, nous avons lancé en début d’année l’Initiative sur le bien-être mental des producteurs dans le cadre duquel nous avons demandé à divers groupes issus de la communauté de proposer des idées pouvant être déployées à l’échelle nationale. Il y avait 75 projets au début, nous sommes rendus à 20. Les projets proposés partout au pays sont vraiment impressionnants, et nous espérons pouvoir annoncer un gagnant d’ici 18 à 24 mois. Nous voulions vraiment investir davantage sur ce plan. Nous avons également financé des conférences afin de réunir des experts de partout au pays pour discuter des options au niveau communautaire et dans le domaine de la santé.

Toutefois, comme l’a souligné M. Jurgutis, nous souhaitons respecter la compétence des provinces en matière de santé. Nous y travaillons et avons mis en place cette formidable initiative qui, nous l’espérons, portera ses fruits d’ici 18 mois.

Pour ce qui est de la promotion, nous avons récemment mené une campagne de sensibilisation à l’agriculture, organisée par le secteur afin de promouvoir l’agriculture, l’alimentation et, dans une moindre mesure, le tourisme. Nous réfléchissons donc aux possibilités de poursuivre dans cette voie avec nos organisations agricoles, et nous avons un programme qui permet certaines activités dans le cadre du Partenariat canadien pour une agriculture durable.

M. Jurgutis : J’aimerais juste ajouter rapidement que, comme M. Valicenti l’a mentionné, la santé mentale relève de la compétence des provinces, nous travaillons donc en étroite collaboration avec nos homologues provinciaux. Plusieurs provinces ont mis des initiatives en place sur leur territoire, et Financement agricole Canada intervient aussi dans ce domaine. Il y a donc un certain nombre d’activités, de campagnes de sensibilisation et de mesures de soutien qui existent. Nous essayons de coordonner nos efforts afin que les agriculteurs puissent bénéficier d’un maximum de ressources sur ce plan.

Le président : Merci pour tout ce que vous faites à cet égard.

Le sénateur Varone : Puisque ma collègue m’a devancé, je vais poser ma question à l’envers.

À l’exception de mes estimés collègues ici présents qui font partie de la communauté agricole, la plupart des agriculteurs ne sont pas des politiciens, et quand on se retrouve pris dans la guerre commerciale mondiale, comment s’en sortir? Est-ce que les agriculteurs craignent que d’autres pays émergents leur volent leur marché? Je pense à la Chine qui a cessé d’acheter du canola parce que nous l’empêchons de vendre ses véhicules électriques au Canada, si bien qu’elle a commencé à investir massivement dans un autre pays pour produire du canola.

Lorsque j’observe le marché mondial, faut-il s’inquiéter des pratiques commerciales déloyales dont nos agriculteurs pourraient être victimes?

M. Jurgutis : Je vous remercie de votre question. Je peux vous fournir une réponse générale, mais il y a sûrement des gens au ministère qui s’y connaissent beaucoup mieux que moi, qui pourraient vous donner plus de détails.

C’est l’une des raisons pour lesquelles nous cherchons à diversifier davantage nos échanges commerciaux. Nous le faisons notamment par la création du Bureau Indo-Pacifique du Canada pour l’agriculture et l’agroalimentaire, par exemple, afin de pouvoir tisser des liens et essayer de pénétrer d’autres marchés, car nous avons conscience que nous sommes actuellement dans une situation d’instabilité mondiale en matière commerciale, et nous pensons que ce n’est pas fini.

Pour la plupart de nos produits, nous avons toujours dépendu des États-Unis et de la Chine, qui sont nos deux principaux marchés, mais la réalité est que même si nous devons continuer d’approvisionner ces marchés, nous devons chercher d’autres débouchés pour nos cultures et nos produits afin d’avoir des options lorsque de telles situations se produisent.

Par exemple, dans certains de nos programmes, c’est en partie pour cette raison que nous fournissons des ressources supplémentaires lorsque de telles situations se présentent, parce que nous connaissons les difficultés qu’elles engendrent. Il n’est pas toujours facile de se tourner rapidement vers un autre marché lorsque celui sur lequel on comptait se ferme.

Il en va d’une combinaison d’efforts. Il s’agit de travailler en étroite collaboration avec Affaires mondiales Canada sur ces enjeux. Il s’agit de chercher à établir des liens et à ouvrir des marchés dans d’autres régions du pays afin de nous donner d’autres avenues et d’autres possibilités. Il s’agit de nous assurer de disposer de l’infrastructure nécessaire au pays pour atteindre ces marchés, et il s’agit d’offrir de l’aide supplémentaire lorsque de telles situations se produisent afin que les producteurs aient ce dont ils ont besoin pour traverser cette période difficile pendant que nous cherchons à nous réorienter ou à nous remettre.

M. Valicenti : De plus, le financement à long terme que nous avons mentionné contribue à établir ces nouvelles relations essentielles pour accroître le commerce et le diversifier.

La sénatrice McBean : En ce qui concerne la nécessité de changer de cap, pour poursuivre dans la même veine, il arrive parfois qu’une porte qui se ferme en ouvre une autre. Avec le démantèlement de USAID, les Américains ont cessé d’acheter nos produits, mais ils ont également cessé d’approvisionner les marchés étrangers. En 2020, le gouvernement américain a acheté pour 2,1 milliards de dollars d’aide alimentaire aux agriculteurs américains. Récemment, les achats et les livraisons d’aide alimentaire américaine, d’une valeur de plus de 340 millions de dollars, notamment du riz, du blé et du soja, ont été suspendus.

Y aurait-il moyen pour l’agriculture canadienne de venir pallier le manque d’approvisionnement alimentaire dans les pays d’Afrique et ailleurs?

M. Jurgutis : Merci pour cette question. Je peux vous donner une réponse générale et voir si mes collègues souhaitent ajouter quelque chose. Nous avons des spécialistes qui pourraient vous fournir des informations bien plus détaillées au fur et à mesure que vous avancerez dans votre parcours d’initiation à l’agriculture.

C’est assurément une possibilité qui est envisagée. Comme vous l’avez fait remarquer dans votre commentaire, sénatrice, quand une porte se ferme, une autre s’ouvre. Il s’agit d’être à l’affût des segments de marché que nous pourrions occuper si d’autres s’en retirent. Il ne faut pas nous limiter aux marchés que nous avons toujours exploités, mais plutôt, compte tenu de l’instabilité mondiale croissante dans le domaine commercial, déterminer vers quels segments nous devrions nous tourner.

Dans notre ministère, en collaboration avec Affaires mondiales Canada et d’autres organismes, nous comptons bien nous engager davantage sur cette voie.

Le président : Monsieur Jurgutis, monsieur Valicenti et monsieur Del Bianco, merci beaucoup de votre présence parmi nous aujourd’hui et de votre participation. Les renseignements que vous nous avez fournis sont très éclairants. Comme vous pouvez le constater, nous avons eu une heure et demie de questions. Nous vous remercions d’avoir contribué à notre apprentissage; nous vous en sommes reconnaissants. J’aime les mots que vous avez utilisés, sénatrice Muggli. Merci d’avoir accepté de nous servir d’étude de cas. Je pense que cela va bien se passer, d’après ce que nous avons appris aujourd’hui. Nous ne devrions rien prévoir pour la deuxième heure, car nous avons encore du pain sur la planche, chers collègues, pour la partie de la séance à huis clos. Encore une fois, messieurs, merci.

(La séance se poursuit à huis clos.)

Haut de page