LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’AGRICULTURE ET DES FORÊTS
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mardi 18 novembre 2025
Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui, à 18 h 31 (HE), pour examiner, afin d’en faire rapport, les questions qui pourraient survenir occasionnellement concernant l’agriculture et les forêts; et, à huis clos, pour étudier un projet d’ordre du jour (travaux futurs).
Le sénateur Robert Black (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, je déclare ouverte la séance du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts. Je m’appelle Robert Black et je suis le président du comité. Je souhaite la bienvenue aux membres du comité à la réunion de ce soir. Bienvenue également à nos témoins — merci de votre présence —, ainsi qu’aux gens qui nous regardent sur le Web.
Je tiens d’abord à souligner que les terres sur lesquelles nous nous réunissons se trouvent sur le territoire traditionnel non cédé de la nation algonquine anishinabe. Avant de céder la parole à nos témoins d’aujourd’hui, j’aimerais demander aux sénateurs de se présenter.
La sénatrice Martin : Bonsoir. Yonah Martin, de la Colombie-Britannique.
Le sénateur McNair : Bonsoir. Bienvenue. John McNair, du Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Varone : Toni Varone, de l’Ontario.
La sénatrice Burey : Sharon Burey, de l’Ontario.
La sénatrice Robinson : Bonsoir. Je m’appelle Mary Robinson. Je représente l’Île-du-Prince-Édouard.
La sénatrice Sorensen : Karen Sorensen, de l’Alberta.
La sénatrice McBean : Marnie McBean, de l’Ontario.
La sénatrice Muggli : Tracy Muggli, du territoire du Traité no 6, en Saskatchewan.
Le président : Afin que nous appliquions les pratiques exemplaires, je vous invite tous à consulter les cartes qui sont sur la table pour connaître les lignes directrices visant à prévenir les incidents acoustiques. Je tiens également à rappeler à tous les participants et à nos témoins de s’abstenir de changer de langue au milieu d’une phrase et de ne pas parler trop vite. Un son clair facilite le travail d’interprétation, de transcription et de sous‑titrage. Nous vous serions donc reconnaissants de bien vouloir respecter ces consignes.
Aujourd’hui, chers collègues, nous continuons la série AG101. Nous avons tenu une ou deux séances d’information jusqu’à maintenant. Ces séances ont pour but d’informer les Canadiens et les membres du comité sur certains sujets d’intérêt dans le domaine de l’agriculture. Cette fois-ci, nous allons nous intéresser aux accords de libre-échange, comme l’Accord Canada—États-Unis—Mexique, ou ACEUM, et l’Accord de partenariat économique global entre le Canada et l’Indonésie, ou APEG Canada-Indonésie.
Nous avons le plaisir d’accueillir des représentants d’Affaires mondiales Canada : M. Aaron Fowler, sous-ministre adjoint délégué du commerce international et négociateur commercial en chef; et Mme Lynn McDonald, directrice générale à la Direction générale de la politique commerciale pour l’Amérique du Nord. Nous recevons également des représentants d’Agriculture et Agroalimentaire Canada : M. Matthew Smith, négociateur en chef pour l’Agriculture et directeur général à la Direction des accords commerciaux et des négociations; et M. Axel Ndayisaba, directeur de la Division des négociations commerciales. Merci beaucoup d’avoir accepté notre invitation à comparaître devant le comité.
Nous vous accorderons jusqu’à 20 minutes pour nous en dire un peu plus sur ce que vous faites afin que nous puissions en avoir un aperçu. Ensuite, les sénateurs vous poseront des questions. Lorsque votre temps sera presque écoulé, soit au bout d’environ 18 minutes, je lèverai la main, puis au bout d’environ 19 minutes et 30 secondes, lorsqu’il vous restera environ 30 secondes, je lèverai les deux mains. Ainsi, si vous n’avez pas terminé votre déclaration préliminaire à ce moment-là, vous devrez la terminer bientôt.
Monsieur Fowler, la parole est à vous.
Aaron Fowler, sous-ministre adjoint délégué, Commerce international et négociateur commercial en chef, Affaires mondiales Canada : Merci, monsieur le président. Merci, honorables sénateurs.
Le secteur agricole canadien est un pilier de l’économie nationale. Il contribue pour plus de 149 milliards de dollars à notre PIB chaque année et il emploie 2,3 millions de personnes dans l’ensemble du système agroalimentaire. Avec une population de seulement 41 millions d’habitants, mais une capacité de production équivalente à celle de la moitié d’un continent, le Canada dépend beaucoup des exportations pour renforcer l’économie rurale, soutenir la prospérité nationale et maintenir la croissance.
Le Canada est au cinquième rang mondial des pays exportateurs de produits agricoles et agroalimentaires. L’année dernière, les exportations canadiennes de produits agroalimentaires et de fruits de mer ont atteint un niveau record de 100,3 milliards de dollars. Elles sont destinées à presque tous les pays du monde. Près de la moitié de la production agricole canadienne est exportée. Trois secteurs — mouture des céréales et des graines oléagineuses, viande et volaille, et fruits de mer — représentent plus de 54 % de ces exportations.
[Français]
Le Canada a conclu 15 accords de libre-échange qui accordent un accès préférentiel à 51 pays et à 1,5 milliard de consommateurs. Les accords de libre-échange du Canada sont des outils essentiels qui ouvrent les portes des marchés mondiaux, réduisent les barrières commerciales et créent des environnements prévisibles pour les agriculteurs et les entreprises agroalimentaires. L’Accord Canada—États-Unis—Mexique et l’Accord de partenariat économique global, ou APEG, que nous avons récemment signé avec l’Indonésie en sont des exemples.
[Traduction]
En ce qui concerne l’APEG entre le Canada et l’Indonésie, il apportera des avantages considérables au secteur agricole canadien. L’Indonésie est la plus grande économie de l’Asie du Sud-Est et constitue un marché de plus de 270 millions de consommateurs. L’Indonésie est déjà l’un des principaux partenaires agroalimentaires du Canada. Au cours de la dernière décennie, les exportations canadiennes de produits agroalimentaires vers l’Indonésie ont doublé pour atteindre 1,2 milliard de dollars par année. Le blé et le soja canadiens reconnus mondialement représentent plus de 90 % de ce commerce. Les cultures canadiennes soutiennent les industries indonésiennes de transformation alimentaire pour la fabrication de pains, de collations, de produits de boulangerie et de produits protéiques d’origine végétale. Elles contribuent à la création d’aliments à valeur ajoutée destinés aux marchés locaux et à l’exportation.
Pour ce qui est de l’accès aux marchés, les exportations agricoles canadiennes vers l’Indonésie sont actuellement soumises à des droits de douane de 8,6 % en moyenne, voire de 30 % dans certains cas. Dans le cadre de l’APEG, les droits de douane sur des produits clés comme le bœuf et le porc seront éliminés dans les cinq ans, tandis que le soja, les pois, les lentilles et les pois chiches seront immédiatement exemptés de droits. Pour l’huile de canola, les droits de douane disparaîtront dès l’entrée en vigueur de l’accord, et pour les graines et les tourteaux, ils seront progressivement supprimés sur une période de 10 ans. Même les produits de grande valeur comme les bleuets, les canneberges et les frites surgelées bénéficieront d’une suppression immédiate des droits de douane, ce qui ouvre des portes aux agriculteurs et aux transformateurs canadiens.
En outre, l’APEG s’attaque aux barrières non tarifaires. Il simplifie le régime des licences d’importation pour des produits comme le bœuf et les pommes de terre et il établit des règles rigoureuses et applicables. Il prévoit la création d’un comité chargé des questions sanitaires et phytosanitaires. Ces mesures permettent de réduire les délais et d’offrir un accès plus prévisible aux exportateurs canadiens.
Par ailleurs, l’APEG sera un complément aux initiatives de développement des marchés du gouvernement du Canada en Indonésie, en fournissant le cadre institutionnel et en favorisant les relations intergouvernementales afin d’ouvrir des portes aux producteurs agroalimentaires canadiens. Le travail de nos délégués commerciaux du secteur agroalimentaire en Indonésie, en plus du Bureau Indo-Pacifique pour l’agriculture et l’agroalimentaire nouvellement établi, nous permettront de continuer d’améliorer et d’approfondir nos relations commerciales en Indonésie et dans toute l’Asie du Sud-Est.
[Français]
Finalement, l’accord renforce les investissements et les services. Les entreprises agroalimentaires canadiennes bénéficieront de protections des investissements solides, de règlements transparents et d’une mobilité temporaire facilitée pour les professionnels qui fournissent des services. Cela favorise l’innovation, la transformation des aliments et la collaboration en matière d’agrotechnologie sur l’un des marchés asiatiques les plus dynamiques.
[Traduction]
Je vais maintenant parler de l’ACEUM. Comme vous le savez, le Canada, les États-Unis et le Mexique se préparent à l’examen conjoint de l’ACEUM qui doit débuter le 1er juillet 2026, soit six ans après l’entrée en vigueur de l’accord. Le partenariat économique nord-américain est l’un des plus performants et des plus intégrés au monde. Le Canada, les États-Unis et le Mexique sont liés non seulement par leur géographie et leur histoire, mais aussi par d’importants échanges commerciaux et flux d’investissement, des chaînes d’approvisionnement transfrontalières et des liens interpersonnels durables.
L’ACEUM représente le plus grand bloc commercial au monde en ce qui concerne le PIB. Depuis l’entrée en vigueur de l’ACEUM en 2020, le commerce trilatéral total de biens et de services a augmenté de 35 % pour atteindre 652 milliards de dollars canadiens.
Les relations commerciales nord-américaines sont depuis longtemps fondées sur la prévisibilité, la collaboration et les avantages mutuels. Depuis 1994, nous avons un accord qui repose sur l’intégration trilatérale en Amérique du Nord.
Cependant, comme vous le savez, les faits récents ont changé la donne. Les droits de douane américains et la perspective que d’autres mesures protectionnistes soient prises ont plongé les entreprises et les travailleurs des deux côtés de la frontière dans une réelle incertitude. Les mesures ont mis à l’épreuve la résilience de nos chaînes d’approvisionnement et la confiance qui sous-tend la prospérité économique de l’Amérique du Nord. Les décennies d’efforts qui ont été déployés pour approfondir l’intégration économique ne doivent pas être considérées comme acquises.
Même si nous faisons face à des défis sans précédent et que les États-Unis adoptent une approche plus protectionniste de la politique commerciale, le Canada est prêt à mener l’examen conjoint trilatéral de l’ACEUM en 2026 avec ses partenaires nord-américains dans l’optique de renforcer nos économies et la région en veillant à ce que l’accord puisse continuer d’appuyer efficacement les relations économiques trilatérales.
Six ans après l’entrée en vigueur de l’accord, le Canada estime qu’il fonctionne bien et qu’il est avantageux pour les trois parties. L’an dernier, le commerce trilatéral de marchandises a atteint 1,7 billion de dollars, ce qui correspond à une augmentation de 31 % depuis l’entrée en vigueur de l’accord. Les États-Unis demeurent le principal marché d’exportation de produits agroalimentaires et de produits de la mer du Canada. En 2024, 62 % des exportations agroalimentaires du Canada étaient destinées aux États-Unis. Une telle performance, particulièrement dans un contexte d’incertitude mondiale, confirme que le marché nord-américain hautement intégré revêt toujours une importance économique considérable.
Compte tenu de son importance, le travail de planification et de préparation relatif à l’examen conjoint de l’ACEUM est une priorité pour Affaires mondiales Canada et le gouvernement. En étroite collaboration avec d’autres ministères, les intervenants, les provinces et les territoires, les groupes autochtones et d’autres parties intéressées, le travail est déjà bien amorcé. L’examen est un processus planifié et délibéré, un processus prévu de façon explicite dans l’accord. Il s’agit d’une occasion d’examiner le fonctionnement de l’accord et de s’assurer qu’il correspond toujours à son objectif dans un contexte mondial en évolution.
[Français]
Afin d’éclairer notre approche, Affaires mondiales Canada a récemment mené une deuxième série de consultations publiques par l’intermédiaire de la Gazette du Canada pour affiner notre compréhension de la situation des entreprises canadiennes et de la manière dont nous devrions procéder. Nous continuerons de dialoguer avec les parties prenantes et les partenaires partout au pays. Nous sommes attentifs et examinons tous les angles. Ces conversations sont essentielles pour définir notre approche et défendre et promouvoir les intérêts et les priorités nationales du Canada.
[Traduction]
Le Canada aborde l’examen avec lucidité et dans un esprit de collaboration. L’idéal pour nous serait que l’examen soit aussi ciblé que possible et que l’accord soit renouvelé rapidement. Nous voulons assurer le maintien d’un accès préférentiel aux marchés et renforcer un environnement commercial stable et prévisible en Amérique du Nord dans l’intérêt des entreprises et des investisseurs canadiens.
Les relations commerciales du Canada en sont aujourd’hui à un moment crucial. Nous sommes prêts à relever le défi et à collaborer avec nos partenaires de l’ACEUM pour faire progresser les activités économiques des trois pays nord-américains, améliorer leur sécurité et favoriser leur prospérité.
En conclusion, les accords de libre-échange que le Canada a conclus sont des outils indispensables pour le secteur agricole. Ils donnent accès à des milliards de consommateurs, éliminent les barrières tarifaires et non tarifaires coûteuses et favorisent la compétitivité sur les marchés mondiaux, y compris sur ce marché.
De plus, l’entrée en vigueur du projet de loi C-202 a renforcé l’engagement du gouvernement à protéger et à défendre le système de gestion de l’offre du Canada. Le soutien du gouvernement et l’adoption de stratégies proactives de diversification du commerce font en sorte que le secteur agricole canadien continue de prospérer. En cette période d’incertitude géopolitique, les accords de libre-échange aident à assurer la stabilité de nos secteurs et leur offrent des possibilités. Ils permettent aux agriculteurs canadiens de nourrir le monde tout en renforçant l’économie nationale.
Je vais m’arrêter là. Merci.
Le président : Votre déclaration préliminaire a duré 10 minutes. Il vous en reste encore 10 si vous le souhaitez. Non? Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer aux questions. C’est notre vice-président qui commence.
Le sénateur McNair : Le 29 octobre 2025, l’ambassadrice du Canada aux États-Unis, Son Excellence Kirsten Hillman, a comparu devant le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international. J’ai eu le plaisir de l’entendre. Dans ses remarques, l’ambassadrice Hillman a souligné que la Chine est à la fois un important marché d’exportation pour le Canada et un pays :
[...] [qui] a adopté certaines politiques économiques qui ont entraîné des difficultés pour certains secteurs d’activité canadiens [...] et qui ont fait obstacle à la compétitivité de nos entreprises à l’échelle internationale.
Comment évalueriez-vous les possibilités et les difficultés que présente la Chine pour les entreprises agricoles et agroalimentaires canadiennes? Quelles mesures de soutien ou quelles politiques le gouvernement fédéral a-t-il mises en place pour aider les exportateurs agroalimentaires canadiens tant à saisir les occasions qu’à gérer les difficultés associées au marché chinois?
M. Fowler : Merci beaucoup de la question, sénateur. Je commencerai par vous donner un aperçu général, puis je céderai la parole à mes collègues d’Agriculture et Agroalimentaire Canada, qui vous parleront plus en détail de l’importance du marché chinois et des difficultés qui s’y présentent du point de vue du secteur.
La Chine est un partenaire essentiel pour le Canada, non seulement dans le secteur agroalimentaire, mais aussi de manière générale. C’est un marché énorme qui représente un sixième de l’humanité. Aucune stratégie ne peut faire abstraction de la possibilité d’un dialogue continu et d’une collaboration constructive entre le Canada et la Chine dans les domaines où c’est envisageable.
Cela dit, dans de nombreux cas, le contexte peut s’avérer quelque peu difficile. Récemment, ces difficultés se sont manifestées de manière très claire pour les principaux acteurs du secteur agroalimentaire au Canada. Le gouvernement continue de communiquer de manière constructive avec la Chine à différentes occasions, notamment lors d’une rencontre qui a lieu récemment entre le premier ministre et le président de la République populaire, Xi Jinping, à la fin du mois d’octobre. Les deux dirigeants ont demandé à leurs collaborateurs d’agir rapidement pour résoudre les questions commerciales en suspens et les irritants. C’est ce que nous avons l’intention de faire.
Nous savons qu’il y a un risque de ne pas saisir complètement la situation. C’est pourquoi notre approche pragmatique et constructive avec la Chine s’appuiera également sur une compréhension très claire des intérêts du Canada et des risques qui caractérisent toujours ce marché particulier.
Sur ce, je voudrais céder la parole à mes collègues afin qu’ils puissent peut-être donner quelques précisions quant au point de vue du secteur agricole.
Matthew Smith, négociateur en chef pour l’Agriculture et directeur général, Direction des accords commerciaux et des négociations, Agriculture et Agroalimentaire Canada : Je vous remercie de la question, sénateur.
Il est très clair, comme mon collègue vient de le dire, qu’étant donné que c’est un marché si vaste — la Chine est le plus grand marché après les États-Unis — et que notre agriculture est très axée sur les exportations pour tant de cultures et de produits, il est inévitable que ce type de marché suscite un grand intérêt. Nous avons connu beaucoup de succès là-bas au fil des ans et les gens du secteur souhaitent vivement que toutes les portes s’ouvrent partout où c’est possible.
Depuis un certain nombre d’années, nous discutons avec nos partenaires de l’industrie de la meilleure façon de nous y prendre pour ce marché. Il y a certainement des avantages à en tirer. La Chine dispose souvent d’une capacité d’achat très importante, qui s’accompagne souvent de prix intéressants, ce qui en fait un marché très attrayant lorsque la porte est ouverte.
Il faut toutefois garder à l’esprit que ce marché peut se fermer — ce qui s’est déjà produit par le passé — à un certain nombre de nos produits agricoles importants. C’est actuellement le cas pour le bœuf, les aliments pour animaux de compagnie et le canola, pour lesquels des restrictions importantes sont en vigueur. Il en va de même pour le porc, les pois et un certain nombre de nos produits agricoles canadiens importants.
Ainsi, même s’il existe une demande réelle pour les produits de grande qualité du Canada, il faut également tenir compte du fait que ce marché comporte certains risques.
Le président : Il vous reste une minute. Je veux seulement vous en avertir.
M. Smith : Compte tenu de l’importance de ce marché, outre les démarches entreprises par le premier ministre, le ministre de l’Agriculture est revenu il y a quelques semaines d’un voyage en Chine, où il a rencontré le ministre de l’Administration générale des douanes de la République populaire de Chine. Cela s’inscrit dans le cadre des efforts déployés par le gouvernement pour tenter de faire en sorte que nos relations reposent sur de meilleures bases et d’examiner les moyens d’accroître la part de marché des produits canadiens dans ce pays.
De plus, les exportateurs ont accès à un soutien important de la part du Service des délégués commerciaux, qui s’efforce de mettre les gens en contact avec des acheteurs sur ces marchés dans des secteurs de produits plus modestes. Certains des grands commerçants ont leurs contacts et savent très bien comment fonctionne le marché. Ils se concentrent sur les droits de douane qui s’appliquent.
On continuera à investir beaucoup dans cette relation.
Le président : Merci. Sénateur McNair, nous ajouterons votre nom pour la deuxième série de questions.
La sénatrice Martin : Je vous remercie beaucoup de votre déclaration préliminaire. J’ai quelques questions au sujet du processus de consultation, puis j’aimerais ensuite vous poser quelques questions sur l’Accord de libre-échange Canada-Corée, qui en est à sa 10e année.
Tout d’abord, en ce qui concerne le processus de consultation, vous avez mentionné qu’il y avait une consultation publique avec les parties prenantes par l’entremise de la Gazette du Canada. Qu’en est-il du processus de consultation avec les agriculteurs, les collectivités autochtones et les autres participants à la chaîne de valeur agricole? Comment vous engagez-vous pleinement dans ce processus? Comment vous assurez-vous que les négociations fonctionnent pour différentes régions et différents types d’exploitations agricoles plutôt que d’adopter une approche universelle?
J’aimerais savoir comment vous tenez compte des répercussions sur les petits agriculteurs et les différentes régions, car ces répercussions varient considérablement d’une région à l’autre.
M. Fowler : Je vous remercie beaucoup de votre question. Je pense que nous allons y répondre en deux étapes, car je vais d’abord essayer de vous donner un aperçu général, puis j’inviterai MM. Smith et Ndayisaba à parler plus précisément de l’agriculture.
À titre de négociateurs commerciaux, nous comprenons que notre capacité à faire notre travail efficacement dépend entièrement de notre compréhension des intérêts et des défis du secteur privé canadien. Nous mettons donc tout en œuvre pour nous assurer que nous pouvons tirer parti des perspectives de nos entreprises, de nos exportateurs, des différentes collectivités d’un bout à l’autre du pays et des différents ordres de gouvernement.
Ainsi, même si nous publions une consultation générale dans la Gazette du Canada avant de lancer toute négociation commerciale, nous étoffons cette consultation publique de diverses manières, parfois en ciblant une négociation donnée et parfois par l’entremise d’engagements continus qui couvrent l’ensemble de notre programme commercial à un moment donné.
Par exemple, en général, lorsque la période de commentaires annoncée dans la Gazette est terminée, nous ouvrons un portail sur le site Web d’Affaires mondiales Canada, afin que les parties intéressées puissent continuer à soumettre leurs commentaires tant que les négociations sont en cours. C’est ce que nous avons fait pour un certain nombre d’accords de libre-échange qui sont en cours de négociation ou qui l’ont récemment été.
Nous avons ce que nous appelons le Comité c-commerce, soit un comité fédéral-provincial-territorial sur le commerce, qui se réunit plusieurs fois par année pour nous assurer que les provinces et les territoires sont équitablement informés du programme commercial ambitieux du Canada. Les représentants ont la possibilité de nous poser des questions et nous faire part du point de vue des provinces et des territoires sur les différentes négociations en cours.
Nous avons récemment réorganisé notre engagement avec les partenaires autochtones du Canada en une structure similaire pour former le Groupe de travail autochtone sur le commerce, qui présente des similarités avec le Comité c-commerce. Là encore, il s’agit d’un groupe qui se réunit plusieurs fois par année avec les principaux partenaires autochtones, afin de leur fournir des renseignements à jour, de leur donner l’occasion de poser des questions et de recevoir leurs commentaires et leurs conseils.
Les différents secteurs participent par l’entremise de négociateurs techniques principaux que le Canada emploie dans le cadre des différentes négociations. Le négociateur principal en matière de droits de douane, par exemple, entrera en communication avec différents groupes, selon les besoins. Certaines de ces discussions seront beaucoup plus techniques et approfondies, mais il s’agit de parties intéressées de longue date avec lesquelles nous communiquons habituellement dans le cadre de ce processus. Nous avons notamment des relations bien établies avec les associations nationales. Bien entendu, le Service des délégués commerciaux dispose d’un réseau de bureaux régionaux à l’échelle du pays que nous utilisons pour communiquer avec des parties intéressées autres que les associations nationales, afin de nous assurer que nos positions s’appuient sur un éventail de points de vue aussi large que possible.
Une fois que nous avons reçu toutes ces contributions fondamentales, il nous appartient, à moi-même, aux autres négociateurs en chef et à nos équipes de négociations, de déterminer la meilleure façon d’exploiter ces données pour élaborer une stratégie de négociation qui permettra de faire progresser efficacement les objectifs que le gouvernement a fixés au sujet de ce marché.
La sénatrice Martin : J’essaie de suivre votre explication. Cela représente une grande quantité de renseignements que vous devrez ensuite intégrer dans les négociations relatives à un accord commercial donné.
Le président : Les cinq minutes sont écoulées.
La sénatrice Martin : Puis-je poser une dernière question?
Le président : Je vais ajouter votre nom aux intervenants de la prochaine série de questions.
La sénatrice Martin : Je n’ai pas eu le temps de parler du Canada… Je le ferai lors de la prochaine série de questions.
Le président : Nous allons d’abord donner la chance à chaque intervenant de poser des questions, puis nous serons plus indulgents.
La sénatrice Muggli : J’aimerais également aborder deux sujets, et nous verrons si nous avons le temps. Ma première question concerne la gestion de l’offre et le projet de loi C-202. J’aimerais savoir comment cela s’appliquera concrètement, selon vous, dans le cadre des négociations de l’ACEUM.
M. Fowler : Je vous remercie beaucoup, sénatrice. Je vous remercie tout particulièrement d’avoir fait référence à l’ACEUM à la fin de votre question, car cela me permet de demander à ma collègue, Mme Lynn McDonald, de répondre à cette question. En fait, vous pourriez tous les deux y répondre.
M. Smith : Je serais heureux de répondre à la question.
Au Canada, nous avons toujours protégé la gestion de l’offre. Tout au long de ma carrière, cela a toujours représenté une partie importante du mandat que les gouvernements ont confié aux équipes de négociations commerciales, et ce mandat clairement établi n’a pas changé aujourd’hui.
Ce qui est différent, à mon avis, c’est qu’il est très facile pour les autres pays de voir que nous sommes soumis à une obligation juridique selon laquelle il n’y aura pas de changement dans l’accès au marché pour les produits soumis à la gestion de l’offre. Cela signifie que la loi stipule très clairement qu’il n’y aura pas d’augmentation du contingent pour les produits pouvant être importés au Canada et qu’il n’y aura pas de réduction du taux tarifaire général qui s’applique habituellement et qui rend coûteuse l’importation de ces produits au Canada.
La sénatrice Muggli : Selon vous, comment cela pourrait-il créer un obstacle à la table des négociations? Pensez-vous que cela représente un obstacle? Qu’est-ce que nous ne pourrons pas faire parce que nous ne pouvons pas aborder cette question?
M. Smith : Mon collègue a parlé des consultations qui ont été menées au Canada. Les États-Unis, ainsi que le Mexique, ont aussi mené des consultations dans le cadre de leur processus de préparation à l’examen de l’ACEUM et à toute interaction entre les trois gouvernements.
Les Américains ont terminé ce processus il y a quelques jours. Nous sommes en train d’examiner toutes les contributions, et certaines d’entre elles concernent assurément les produits laitiers et leurs intérêts dans ce secteur. En effet, les États-Unis s’intéressent depuis longtemps au marché canadien des produits laitiers, et il serait donc surprenant qu’ils ne nous posent aucune question à ce sujet.
Il est intéressant de revenir sur les cinq dernières années. Il y a eu deux litiges commerciaux dans lesquels les États-Unis ont soulevé des contestations en vertu de l’ACEUM contre le Canada au sujet du secteur des produits laitiers, et ces contestations ne portaient pas sur les deux aspects abordés dans le projet de loi C-202 concernant l’accès, mais sur la façon dont les quotas sont gérés au Canada. Je pense que cela s’explique en partie par le fait que des groupes de producteurs laitiers américains cherchent à tirer le meilleur parti de l’accès offert par l’ACEUM.
Il sera intéressant de voir comment la situation évolue. Différentes voix s’élèveront au sein du secteur laitier américain pour demander différentes choses. Nous examinerons l’ensemble des commentaires présentés par le gouvernement américain, mais nous examinerons également ce que le gouvernement américain demande au Canada dans ce secteur. Je ne pense pas que la manière dont ils aborderont la question ait été clairement définie pour l’instant, et nous devons donc nous attendre à toute demande de la part des États-Unis.
Ils arrivent également dans un contexte où ils ont vu le vote à la Chambre et le soutien de tous les partis à l’égard de cette loi. Cela entre donc en ligne de compte.
La sénatrice Muggli : Il semble que l’Accord de partenariat économique global entre le Canada et l’Indonésie sera une bonne chose pour la Saskatchewan. Comment la mettrons-nous en œuvre? Allons-nous créer davantage de bureaux commerciaux? Comment acheminerons-nous nos produits là-bas, en sachant que ce pays pourrait être très intéressé par les produits de la Saskatchewan? Comment pouvons-nous concrétiser l’accord, maintenant qu’il a été conclu, et comment pouvons-nous acheminer nos produits là-bas?
M. Fowler : Je vous remercie beaucoup de votre question.
Tout d’abord, il faut mettre l’accord en vigueur. La Chambre est saisie du traité conclu et signé, sous réserve de la politique du Parlement en matière de traités. Ensuite, le gouvernement présentera un projet de loi à cet égard. Les Indonésiens devront suivre un processus semblable de leur côté, et à un moment donné — je pense que ce sera en 2026 —, il est probable que les deux pays ratifieront l’accord, et il entrera en vigueur à ce moment-là.
Pour nous assurer que les occasions qui seront créées dans le cadre de cet accord seront effectivement saisies, nous devons veiller à ce que les intervenants concernés soient informés de ces occasions. Ainsi, après la mise en œuvre du traité, nous mènerons une vaste campagne au Canada, afin d’informer la communauté des exportateurs, que ce soit dans le secteur agricole ou dans d’autres secteurs, des modalités de l’accord. Bien entendu, nous disposons déjà d’un réseau de bureaux qui travaillent, d’un bout à l’autre du pays, avec des entreprises canadiennes qui sont prêtes à exporter pour les aider à entrer sur les marchés internationaux. De même, nous avons déjà des délégués commerciaux en Indonésie qui connaissent très bien le contexte local et qui peuvent aider les exportateurs, les investisseurs et les autres entrepreneurs à pénétrer ce marché tout en tirant parti des avantages que leur procurera l’accord.
La sénatrice Muggli : Disposons-nous d’infrastructures suffisantes en Indonésie pour faire véritablement avancer les choses là-bas?
M. Fowler : Nous sommes assez bien représentés à Jakarta, ainsi que dans l’ensemble de la région de l’ANASE, notamment grâce au Bureau indo-pacifique pour l’agriculture et l’agroalimentaire qui est désormais ouvert à Manille. Je ne refuserais jamais des ressources supplémentaires, mais nous avons une très bonne équipe sur le terrain et je pense qu’elle sera en mesure de faire bouger les choses.
Le sénateur Varone : Ce que je sais du commerce, c’est que je n’y connais rien. Sénatrice, vous m’avez volé la question que j’allais poser, mais je vais en poser une autre, car nous adaptons toujours nos questions pour nous assurer de bien comprendre. Vous avez terminé votre intervention avec des commentaires sur la question de la sénatrice Martin au sujet de la stratégie en matière de négociation. J’aimerais approfondir ce sujet, car notre premier ministre est assez conciliant. Il est très posé et j’aime sa façon de procéder, mais compte tenu des événements de la semaine dernière, c’est-à-dire lorsque le président Trump a capitulé au sujet de produits comme le café, les fruits des Caraïbes, les engrais et le bœuf, pour lesquels il a réduit les droits de douane pour les Américains, si le premier ministre Carney est un grand conciliateur, certains premiers ministres provinciaux ont une approche plus combative, comme M. Ford et Mme Smith. En sachant que les négociations commerciales sont très nuancées, qui, parmi eux, s’en tire le mieux? Quelle est la formule gagnante? Faut-il être intransigeant? Vaut-il mieux être conciliant? Le simple fait de voir le président Trump revenir sur ses droits de douane a été très révélateur. Cela change-t-il votre façon d’aborder ces négociations?
M. Fowler : Permettez-moi de tenter de répondre à cette question de façon à éviter de perdre mon emploi.
Je dirais que dans le cadre de mon expérience à titre de négociateur du côté canadien, j’ai côtoyé des négociateurs, que ce soit de notre côté ou de l’autre côté, qui avaient adopté une grande variété d’approches en matière de négociation. Certains d’entre eux ont une approche antagoniste et compétitive. D’autres misent sur la collaboration. Certains d’entre eux ont adopté une approche à somme nulle et d’autres sont d’avis que tout le monde peut tirer parti d’une entente. Je dirais qu’aucune de ces approches n’est intrinsèquement supérieure à une autre. Certaines se combinent mieux que d’autres. Il est très difficile d’adopter une approche de négociation qui mise sur la conciliation lorsque votre interlocuteur utilise une approche antagoniste, mais je pense que tant que vous adoptez une approche qui vous convient et qui vous permet de communiquer clairement à l’autre partie vos attentes, vos intérêts, vos objectifs, les choses que vous êtes et n’êtes pas en mesure de faire, ainsi que le prix à payer par l’autre côté pour faire ou ne pas faire ces choses, vous pouvez être un négociateur efficace.
Je pense donc qu’il n’y a pas une seule bonne ou mauvaise façon de négocier, mais que même si c’était le cas, je ne me permettrais pas de dire à un négociateur comment faire son travail.
Le sénateur Varone : Ce que vient de faire le président Trump aura-t-il une incidence concrète sur votre approche commerciale?
M. Fowler : J’aimerais demander à Mme McDonald de répondre à cette question, mais je dirais très rapidement que selon moi, il faut avoir suffisamment confiance en son approche en matière de négociation pour être prêt à s’y tenir même dans les moments difficiles et ne pas nécessairement se laisser influencer par les derniers événements. À mon avis, le fait de rester sur ses positions est probablement une stratégie plus efficace à long terme. Toutefois, je ne sais pas s’il y a quelque chose à ajouter au sujet des négociations dont vous parlez.
M. Smith : J’aimerais ajouter un commentaire. L’exemple que vous avez donné, sénateur, concerne les récents changements mis en œuvre par les États-Unis pour éliminer certains droits de douane. Nous avons mené de nombreuses consultations au sein du gouvernement du Canada et nous avons entendu différents intervenants et différentes priorités. Certaines priorités qui sont présentées au gouvernement du Canada préconisent l’attente, car certaines entreprises peuvent se permettre d’attendre un peu plus longtemps et les prix pourraient exercer une certaine pression sur les intérêts américains. Toutefois, d’autres parties prenantes soutiennent que leurs entreprises font actuellement face à des droits de douane ou à un autre problème aux États-Unis, et que c’est une question de temps avant qu’elles soient obligées de procéder à des mises à pied et de prendre des décisions difficiles. Il faudra donc tenir compte de ces différentes voix dans le cadre de la stratégie de négociation canadienne, car les gens demandent différentes choses.
Lynn McDonald, directrice générale, Direction générale de la politique commerciale pour l’Amérique du Nord, Affaires mondiales Canada : J’aimerais ajouter un commentaire à ce qu’ont dit mes collègues. La stratégie adoptée par le Canada s’appuie également sur une bonne compréhension continue des facteurs qui peuvent influencer et motiver certaines des approches adoptées par l’administration américaine. Dans le cas de certaines des récentes mesures prises par le président américain, on peut comprendre certaines des pressions internes qu’il subit en raison de l’augmentation des prix de ces produits de base.
Je pense que d’autres facteurs contribuent également à éclairer notre stratégie en matière de négociation, comme le fait de rester vigilants et de continuer, comme nous l’avons fait jusqu’à présent, d’obtenir des renseignements supplémentaires par l’entremise de notre ambassade et d’autres points de contact et, à mesure que la situation évolue, sur les différentes opinions et sur les pressions qui s’exercent également du côté américain.
La sénatrice McBean : Je vais commencer par ma deuxième question, car je pense que ma première ne sera pas celle de la sénatrice Robinson. Quand j’étais une athlète, je me souviens que mon agent m’avait dit un jour que le contrat le plus facile à signer était un renouvellement, car nous avions déjà une relation avec l’entreprise. Il faut donc toujours s’assurer que le partenariat est bon.
Je vous entends dire qu’avec l’Accord de partenariat économique global entre le Canada et l’Indonésie, ou APEG — je crois que c’est ce que vous avez indiqué —, nous avons à peu près doublé nos exportations vers l’Indonésie au cours de la dernière décennie. Nous avons tout cela, et comme le dit la sénatrice Muggli, il faut trouver comment acheminer les produits de la Saskatchewan à l’Indonésie, malgré les perturbations incessantes sur les voies ferrées et dans les ports. Je pensais en particulier au nombre limité de bateaux qui transitent par les ports et dans les eaux au large de la côte de la Colombie-Britannique.
Que fait Affaires mondiales Canada pour s’assurer que le système fonctionne au Canada et permet de faire sortir les marchandises du pays, mais aussi pour que nos partenaires aient l’assurance que nous pourrons continuer à leur fournir les produits que nous essayons de vendre? M’avez-vous bien formée, ou si j’ai détourné votre question?
La sénatrice Robinson : C’est incroyable.
M. Fowler : Merci beaucoup pour cette question. Elle est vraiment pertinente. En vérité, comme je l’ai dit dans mon introduction, nous avons actuellement une série de 15 accords de libre-échange qui couvrent 51 pays, soit environ les deux tiers du PIB mondial. Je me surprends de plus en plus à dire que nous n’avons pas vraiment de problème d’accès aux marchés dans ce pays, et même si nous accueillons favorablement l’Indonésie, ce n’est pas comme si tout le monde attendait cet accord avec impatience. Nous avons déjà un accès assez important aux marchés mondiaux.
Là où le bât blesse, c’est plutôt dans notre présence sur ces marchés. En fait, les occasions qu’offraient les États-Unis depuis de nombreuses années suffisaient à monopoliser l’attention d’une grande partie de la communauté des exportateurs canadiens, qui n’ont pas nécessairement ressenti le besoin d’explorer certains de ces autres marchés. Or, avec l’intégration croissante du Canada et des États-Unis depuis au moins les années 1980, les infrastructures ont suivi l’activité économique. Ainsi, les investissements que nous avons réalisés pour mettre en place des infrastructures, en particulier au cours des dernières décennies, ont été principalement sur l’axe nord-sud et visaient à faciliter les déplacements entre le Canada et les États-Unis, puis vers le Mexique, et ainsi de suite.
Si nous voulons tirer parti de l’accès au marché de ces 51 pays dont nous bénéficions déjà, et de ce que nous avons l’intention de négocier prochainement avec de nombreux autres pays, nous devons nous assurer d’avoir les infrastructures nécessaires pour réellement introduire les produits canadiens sur ces marchés. Il faut donc être en mesure d’acheminer les produits jusqu’au port et disposer de lignes ferroviaires, d’installations d’entreposage, d’installations portuaires, de matériel roulant, et ainsi de suite.
Il s’agit d’un défi politique qui dépasse largement les compétences d’Affaires mondiales Canada. Il implique d’autres secteurs du gouvernement, comme Transports Canada, mais nous essayons de jouer un rôle en veillant à ce que nos partenaires au sein de l’administration fédérale comprennent les exigences commerciales en matière d’infrastructures afin d’éclairer leurs décisions et leurs choix d’investissement.
Je ne sais pas si vous souhaitez ajouter une réponse propre au secteur agricole.
M. Smith : Non. Bien sûr, nous recueillons beaucoup d’informations sur les difficultés et les frustrations que rencontrent les exportateurs agricoles pour commercialiser leurs produits. Cela fait partie de la conversation qu’il y a au sein du gouvernement fédéral, comme mon collègue vient de le mentionner. Il faut s’assurer que nos collègues des autres ministères concernés comprennent bien les défis à relever et les domaines dans lesquels les investissements sont les plus bénéfiques du point de vue agricole.
La sénatrice McBean : Vous avez mentionné une installation d’entreposage. Je sais qu’à Halifax, il y en a une pour les céréales qui est mise hors service, je crois. Dans quelle mesure le ministère des Affaires mondiales intervient-il pour dire : « Écoutez, nous essayons de commercialiser ces produits. Vous devez avoir des installations d’entreposage pour que nous puissions transporter les produits de l’autre côté de l’océan Atlantique »?
M. Fowler : Pour être honnête, sénatrice, je doute que nous nous mêlions d’un dossier aussi précis. Nos collègues du ministère de l’Agriculture sont peut-être plus interpellés par une décision donnée concernant la mise hors service ou non d’une installation ou la réalisation d’un investissement particulier. Notre approche consiste à fournir une analyse plus large afin d’éclairer les décisions que prendront d’autres ministères. Or, puisque nous ne sommes pas un organisme national, nous devons faire preuve d’un peu de prudence dans les conseils que nous donnons et la manière dont nous collaborons avec nos partenaires pour qu’ils disposent des informations nécessaires à leurs décisions.
La sénatrice Robinson : J’essaie de trouver une question après que la sénatrice McBean m’a volé la mienne sans pitié. C’est une pratique courante au sein de ce comité. Nous nous volons mutuellement nos questions.
Tout d’abord, je tiens à vous remercier. En 2024, l’Indonésie figurait parmi les cinq principaux débouchés extérieurs pour les pommes de terre de l’Île-du-Prince-Édouard, une situation que l’APEG permettra d’améliorer. C’est assez incroyable que vous ayez commencé en parlant des 100,3 milliards de dollars d’exportations. Nous sommes une nation exportatrice.
Nous avons vu notre rendement chuter. Nous avions l’habitude de dire que nous étions parmi les cinq premiers, mais maintenant je pense que nous sommes septièmes et que nous nous dirigeons vers la neuvième place. Êtes-vous au fait de ces chiffres, monsieur Fowler?
M. Fowler : Je ne les connais pas par cœur, mais je sais de quoi vous parlez.
La sénatrice Robinson : Pour changer de sujet, je voudrais aborder ce dont parlait la sénatrice McBean, mais sous un angle différent.
Lorsque vous négociez un accord de libre-échange, êtes-vous perçu comme un partenaire commercial fiable? Je pense notamment à la mosaïque de règles géniales que nous avons observée en Italie et aux efforts de l’Union européenne. Comment pouvons-nous pénétrer ce marché?
Toutefois, ma grande question concerne en réalité le problème de main-d’œuvre que nous rencontrons ici au Canada et la façon dont nous voyons les arrêts de travail qui frappent notre chaîne de valeur dans les activités ferroviaires et portuaires. Pour chaque jour d’arrêt, il faut six jours à nos céréaliculteurs et à nos transformateurs de viande bovine et porcine pour revenir à la situation avant l’arrêt. Un jour nécessite six jours de rattrapage.
Lors de négociations commerciales, nos exportateurs de produits de base nous disent que nous sommes considérés comme une nation peu fiable en raison de nos problèmes internes de main-d’œuvre pour acheminer les produits des champs aux ports, puis vers leur destination.
M. Fowler : Merci beaucoup pour votre question, sénatrice. Tout d’abord, je connais bien les chiffres auxquels vous faites référence. Lorsque j’ai commencé ma carrière au ministère, nous figurions parmi les quatre premiers pays commerçants au monde. Je n’aime pas dire que nous avons chuté, mais nous nous situons actuellement un peu plus bas dans le classement.
Je ne considère pas cela comme un signe de piètre rendement du Canada. Il est naturel qu’un pays comme la Chine ait plus d’échanges commerciaux qu’une nation de 41 millions d’habitants. L’Inde, avec ses 1,5 milliard d’habitants, devrait avoir un volume d’échanges commerciaux supérieur à celui d’un pays de 41 millions d’habitants. C’est donc notamment attribuable au fait que d’autres pays jouent le rôle qui leur revient naturellement au sein de l’économie mondiale, et il n’y a pas lieu de s’en plaindre. La situation ouvre des perspectives pour notre pays, ce dont nous devrions nous réjouir. C’est une bonne chose.
Lorsque nous parlons de fiabilité aux yeux de nos partenaires commerciaux, je vois cela de deux manières. Premièrement, dans quelle mesure le Canada va-t-il respecter les obligations qu’il prend dans cet accord qu’il négocie avec nous? Pouvons-nous avoir confiance que le gouvernement du Canada respectera les normes qu’il inscrit ici sur papier? Avons-nous des raisons de croire que ces engagements ne seront pas respectés? Je pense que nous sommes très estimés à cet égard.
Depuis de nombreuses années, nous respectons nos obligations en matière de commerce international. Il arrive parfois que les pays ne s’entendent pas sur les détails précis d’une obligation, mais lorsque les décisions du groupe spécial ont été défavorables au Canada, nous nous sommes habituellement conformés à ces décisions et avons apporté les ajustements nécessaires pour démontrer à nos partenaires que nous sommes fiables.
L’autre aspect est la sécurité qu’apporte un approvisionnement fiable, ce sur quoi portait davantage la fin de votre question. Pour y répondre, je m’en remettrais probablement à mes collègues, étant donné que la chaîne d’approvisionnement dans le domaine agricole est très différente de celle des produits industriels, par exemple. Je ne voudrais pas généraliser.
M. Smith : Heureusement, vous avez les négociateurs commerciaux avec vous aujourd’hui. À cet égard, nous n’avons pas de commentaires ou de préoccupations à formuler ayant trait aux négociations. Mais comme le disait mon collègue, votre comité a la possibilité d’entendre le témoignage d’exportateurs qui tentent de conclure des transactions commerciales. Il est tout à fait vrai qu’ils avouent au ministère devoir relever de nombreux défis pour commercialiser les produits.
Aucun pays ne nous dit : « Nous n’avons ni le temps ni l’intérêt de traiter avec le Canada, et nous refusons de négocier. » Les gens veulent le faire, et nous couvrons les trois quarts du PIB mondial. Il y a donc un intérêt à faire des affaires avec le Canada.
La sénatrice Burey : Je vous remercie d’être ici. J’apprends beaucoup de choses. Je ne connais absolument rien au commerce, mais je suis sûre que je peux utiliser certains des autres aspects qui me sont familiers pour peut-être apporter quelque chose à la discussion ici.
Quoi qu’il en soit, je viens de Windsor-Essex. Nous avons d’immenses serres, probablement les plus grandes d’Amérique du Nord, mais je vais vous poser une question plus générale concernant votre stratégie à long terme. Nous avons discuté de votre stratégie à l’égard des droits de douane.
L’un des principaux points que vous avez abordés est la diversification. Je voudrais approfondir la question et vous demander dans quelle mesure vous êtes déterminé à suivre la stratégie de diversification et quel est le poids de votre recommandation à cet égard.
Vous avez mentionné que nous avons traditionnellement privilégié l’axe nord-sud parce que c’est plus facile. Vous dites que 62 % des échanges commerciaux suivent cette orientation, et le premier ministre affirme maintenant que nous voulons atteindre 300 milliards de dollars d’échanges commerciaux au cours de la prochaine décennie.
Je voudrais essayer de m’appuyer sur ces données pour parler de vos recommandations. Dans quelle mesure êtes-vous convaincu qu’il faut maintenir le cap de la diversification plutôt que de revenir en arrière?
M. Fowler : Je remercie la sénatrice pour cette question. Je pense que nous prenons un engagement extrêmement ferme à mener à bien le programme de diversification. C’est un dossier que les administrations canadiennes tentent les unes après les autres de faire avancer depuis de nombreuses années.
Il est évident pour beaucoup de gens depuis longtemps que l’économie canadienne dépend énormément de son partenariat avec les États-Unis. Bien que cette caractéristique ait souvent été une grande force et un fondement de notre prospérité en tant que nation, toute dépendance aussi étroite accentue la vulnérabilité. Pour éviter de mettre tous nos œufs dans le même panier, il est donc prudent de commencer à tisser d’autres paniers. C’est ce que nous avons fait et que nous poursuivrons.
Pour l’instant, nous devons non seulement ouvrir la porte, mais aussi veiller à ce que nos exportateurs aient les compétences nécessaires pour tourner la poignée et franchir cette porte par eux-mêmes.
La sénatrice Burey : Y a-t-il d’autres commentaires?
M. Smith : Monsieur le président, la sénatrice a expressément mentionné les serres dans sa question. À ce sujet, je dirais que le ministère de l’Agriculture a reçu un message très clair. Oui, il est bon d’avoir le choix entre plusieurs marchés et de se diversifier. Pour certains produits, il existe un marché naturel qui, dans le cas de nombreux produits de serre, est les États-Unis.
Nous ne relâchons pas nos efforts pour nous assurer d’avoir un accès facile au plus grand marché du monde et à notre voisin. Nous pouvons et allons poursuivre ces deux voies en même temps.
M. Fowler : Je tiens à préciser, madame la sénatrice, que même si nous mettons l’accent sur la diversification, notre objectif n’est en aucun cas de réduire la taille absolue de notre partenariat économique et commercial avec les États-Unis. Il s’agit simplement d’en réduire la taille relative et de veiller à ce que nos autres partenariats soient tout aussi capables d’assurer la prospérité et la compétitivité du Canada.
La sénatrice Burey : Madame McDonald, vouliez-vous dire quelque chose?
Mme McDonald : Non, je n’ai rien à ajouter pour l’instant, madame la sénatrice.
Le sénateur McNair : Lorsque vous avez parlé de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique, ou ACEUM, et du fait que l’accord actuel était fondé sur la prévisibilité, j’ai été frappé par les commentaires de mes collègues selon lesquels les actions du président, même dans ses bons jours, sont parfois imprévisibles.
Je suppose que l’objectif est de finaliser le plus rapidement possible un examen restreint, d’arriver à signer un accord, de revenir au Canada et de faire ce que vous dites, c’est-à-dire maintenir les volumes que nous exportons. Une proportion de 62 % des marchandises vers les États-Unis, c’est énorme.
Mme McDonald : Monsieur le sénateur, merci beaucoup pour votre question. Je vais commencer, puis mes collègues voudront peut-être ajouter quelques commentaires.
Vous avez bien résumé la situation. Comme l’a souligné mon collègue, le gouvernement estime que l’accord a été très bénéfique pour les trois parties. L’examen obligatoire prévu pour 2026 portera sur la mise en œuvre et le fonctionnement de l’accord.
Le Canada est d’avis — à l’instar, je crois, de nos homologues mexicains — qu’il faut essayer de préserver l’accord, de conserver l’accès préférentiel au marché qui est en place, de réaliser un examen ciblé plutôt que de rouvrir l’accord et de tout remettre sur la table.
Nous devrons bien sûr voir comment les États-Unis aborderont cet exercice, mais jusqu’à présent, ils ont suivi la procédure habituelle en organisant des consultations publiques et en préparant, comme ils le feront, un rapport au Congrès en janvier. Ils ont pris les mesures qu’ils prendraient normalement à l’approche d’un tel examen.
C’est ainsi que nous envisageons la situation, tout en reconnaissant que nous devrons peut-être nous adapter. Pour l’instant, nous voulons conserver une démarche plus ciblée.
Le sénateur McNair : Je remercie tous les témoins et toute l’équipe qui travaille dans l’ombre pour accomplir ce travail. Je vous souhaite d’ores et déjà une bonne fête du Canada pour l’année prochaine, car je pense que vous serez aux États-Unis à ce moment-là.
Mme McDonald : Merci, monsieur le sénateur.
M. Fowler : Je vous remercie.
La sénatrice Martin : Je voudrais parler de l’Accord de libre-échange Canada-Corée, ou ALECC. Je sais qu’il a fallu environ une décennie pour conclure les négociations, et j’ai pu en être témoin en grande partie grâce à deux ministres du Commerce international et à M. Ian Burney, qui a été présent du début à la fin.
Monsieur Fowler, je sais que vous avez plus de 20 ans d’expérience dans le dossier des négociations entre le Canada et les États-Unis. Je pense que nous avons beaucoup de chance d’avoir des négociateurs commerciaux aussi expérimentés.
L’ALECC prévoit l’élimination des droits de douane sur 99,75 % des exportations canadiennes d’ici 2032, et c’est l’un de nos ALE les plus complets dans le domaine agroalimentaire. Nous en sommes à la dixième année. Quelles sont les réussites attribuables à cet accord, et en quoi influence‑t‑il votre travail dans le cadre des accords avec l’Indo-Pacifique?
M. Smith : L’ALECC a certainement été utile pour les exportations agricoles. Il y a un marché important en Corée, qui continue de croître. On y offre de bons prix pour les produits canadiens de haute qualité.
Nos échanges commerciaux avec la Corée dans le domaine agricole se chiffrent désormais à un peu plus de 1 milliard de dollars et continuent de croître. Les principales exportations sont le porc et le blé. D’autres céréales et certains produits alimentaires finis sont également exportés. À mesure que l’accord entre en vigueur, nous envisageons d’autres possibilités pour certains produits carnés.
Les États-Unis et le Canada ont conclu des accords commerciaux à peu près au même moment. Certaines des concessions accordées par le gouvernement coréen s’accompagnent d’une longue période de transition sur plusieurs années pour les produits agricoles, mais nous constatons une augmentation des ventes d’importations. La Corée est un pays importateur net de denrées alimentaires, ce qui nous incite à envisager de réelles perspectives de croissance à l’avenir.
La sénatrice Martin : En ce qui concerne cet accord de libre-échange, les négociations sont-elles en cours? Certains aspects ont-ils été passés en revue, ou s’agit-il simplement d’un accord de libre-échange qui sera en place? D’ici 2032, nous nous attendons à ce que 99,75 % des droits de douane soient éliminés. Que pouvons-nous prévoir pour l’avenir?
M. Smith : C’est très inhabituel. L’Accord Canada-États-Unis-Mexique est le seul accord commercial que nous ayons qui est assorti de cette fonction d’examen automatique. Dans l’Accord de libre-échange Canada-Corée, nous avons un certain nombre de comités qui peuvent se réunir au besoin lorsque les deux partenaires estiment qu’une question doit être examinée. À l’occasion, notre comité des mesures sanitaires et phytosanitaires a pu, par exemple, réunir des représentants des deux gouvernements pour discuter d’une question non tarifaire.
Il offre des avantages et nous permet d’être en contact avec les ministères coréens, ce qui est vraiment utile pour l’amélioration continue de la réglementation, mais les droits de douane ne poseront pas de problème si les deux parties respectent cette élimination très importante des droits de douane.
M. Fowler : Quand vous aurez l’occasion d’examiner l’Accord de partenariat économique global entre le Canada et l’Indonésie, vous constaterez qu’il renferme aussi des clauses d’examen. L’une prévoit d’examiner les résultats des droits de douane trois ans après l’entrée en vigueur et l’autre prévoit d’examiner l’accord dans son ensemble cinq ans après l’entrée en vigueur, sauf erreur.
Je pense, sénateurs, que ces clauses d’examen deviendront de plus en plus courantes dans nos accords de libre-échange. Premièrement, elles nous permettent de reconnaître que la situation change parfois après l’entrée en vigueur des accords, mais aussi, il arrive que nos ambitions dépassent ce que nos partenaires commerciaux peuvent accepter dans l’immédiat. Plutôt que de retarder la conclusion d’un accord et les avantages qui en découleraient immédiatement pour les secteurs qui sont prêts à en tirer parti, afin d’attendre que tout soit exactement comme nous le souhaitons, nous essaierons de nous appuyer sur ces clauses d’examen qui nous permettent de revenir à la table une fois que la relation est un peu plus établie et que les parties savent ce que le Canada représente en tant que partenaire commercial.
La sénatrice Martin : J’ai une dernière chose à mentionner. Je sais que c’est le 10e anniversaire, mais je sais aussi que depuis 2019, ce partenariat est devenu un partenariat stratégique global. L’accord de libre-échange est devenu le fondement pour la conclusion d’autres accords. Merci.
La sénatrice Muggli : Je me demande si vous pouvez nous parler de la recherche et des analyses de marché que vous réalisez pour cerner les exportations agricoles qui devraient enregistrer la plus forte croissance. Quelles exportations sont en voie de connaître une croissance dans les années à venir, selon vous? Si vous avez le temps, vous pourriez peut-être parler des possibilités qui s’offrent à nous en Afrique.
M. Smith : D’accord. Au ministère de l’Agriculture, nous travaillons constamment pour orienter notre politique internationale afin d’offrir la meilleure rentabilité possible au secteur. Nous avons créé une série de groupes sectoriels, de tables rondes où nous invitons régulièrement des intervenants de l’industrie, en plus du travail que mon équipe accomplit pour discuter précisément du programme d’accords de libre-échange et examiner où nous avons le plus de possibilités de croissance et où nous sommes confrontés à des obstacles. Nous travaillons donc constamment avec les associations, les provinces et les entreprises. Nous faisons beaucoup de sensibilisation pour mettre toutes ces mesures en place.
Mais les chiffres sont assez éloquents. Nous avons des cultures, des céréales, des oléagineux et des viandes, qui constituent toujours une part importante des échanges commerciaux lorsque nous envisageons de nouer un nouveau partenariat commercial. Tout comme nous constatons un commerce important de porc et de blé vers la Corée, nous voyons également que le blé et les produits de viande offrent de grandes possibilités en Indonésie. C’est en partie attribuable à l’infrastructure et à la quantité de cultures semées partout au pays, où nous disposons d’avantages concurrentiels véritables dans le secteur des oléagineux, ce qui nous permet, par exemple, d’acheminer de grandes quantités de ce produit vers différents marchés.
Dans cette optique, nous essayons de comprendre où les petites entreprises pourraient également croître et de veiller à ce que les accords de libre-échange puissent offrir des possibilités à tous. Il peut également y avoir des cas où cela n’aura pas d’incidence sur notre PIB et le montant total des échanges commerciaux, mais une entreprise peut nous faire part d’un problème avec un permis ou d’un frais qu’elle doit assumer. Une discussion entre les groupes ou même un effort pour rendre notre système un peu plus familier aux pays importateurs peuvent offrir un avantage aux pays de plus petite taille.
La sénatrice Muggli : Et les possibilités avec l’Afrique?
M. Fowler : En ce qui concerne l’Afrique, je dirais évidemment que c’est un marché de plus d’un milliard de personnes, mais qui compte plus de 50 pays. C’est un ensemble très complexe d’économies à gérer pour de nombreux exportateurs canadiens.
Nous avons d’excellentes relations en Afrique. Récemment, l’Union africaine a conclu la Zone de libre-échange continentale africaine, que le Canada a soutenue en fournissant une aide technique et une aide au renforcement des capacités.
La mise en œuvre de cet accord exige que les participants, pour les 10 années suivant l’entrée en vigueur de la Zone de libre-échange continentale africaine, s’abstiennent de mener individuellement des négociations de libre-échange avec des parties externes afin de laisser le temps à cet accord, à l’intégration continentale, de se consolider. Les occasions de négocier des accords comme l’accord de libre-échange en Afrique sont plus limitées que dans certaines régions du monde. Il y a néanmoins certainement des occasions en Afrique.
Le sénateur Varone : Ma question s’adresse à vous, monsieur Fowler. C’est plus une question technique pour m’aider à y voir plus clair. Vous avez commencé en disant que le secteur agroalimentaire représente 149 milliards de dollars du PIB et 2,3 millions d’emplois. J’ai lu quelque part que le secteur soumis à la gestion de l’offre représente environ 20 %, soit environ 30 millions de dollars. C’est là où j’émets des hypothèses.
Vous avez également mentionné que les exportations représentent 100 milliards de ces 149 milliards de dollars. Quels produits exportons-nous dans le domaine de la gestion de l’offre? Quels emplois sont à risque dans ce secteur?
M. Smith : La gestion de l’offre vise principalement à veiller à ce que nous ayons un approvisionnement suffisant pour répondre à la demande intérieure canadienne. Aucune des industries soumises à la gestion de l’offre n’a pour objectif principal d’exporter des produits.
Le sénateur Varone : À titre de précision, si nous exportons 100 milliards de dollars sur les 149 milliards, et que sur les 149 milliards, 30 milliards proviennent du secteur soumis à la gestion de l’offre, cela ne laisse que 19 milliards de dollars pour la consommation intérieure du secteur? Mes calculs sont-ils exacts ou est-ce que je mêle les pommes et les oranges, sans vouloir faire de jeu de mots?
M. Smith : Je pense que les exportations de produits agroalimentaires s’élèvent à 100 milliards de dollars. Mais pour ce qui est des produits exportés et de la façon dont ils cadrent avec l’économie nationale, une grande partie de ces chiffres associés au commerce à l’étranger concernent les céréales, les oléagineux et les produits de viande.
La contribution économique des industries soumises à la gestion de l’offre au PIB est considérable. Je n’ai pas les chiffres devant moi. Je dirais qu’on met certainement l’accent sur le marché intérieur et la production reste en grande partie ici. Les importations dans les secteurs soumis à la gestion de l’offre ne sont pas considérables.
Le sénateur Varone : Y a-t-il quelque chose que vous puissiez nous dire concernant les États-Unis dans le cadre de vos négociations?
M. Smith : Même si le Canada est un grand exportateur de produits alimentaires, il est aussi un grand importateur. C’est pour offrir la variété de produits que les gens sont habitués de voir dans les épiceries. Nous avons la capacité d’approvisionner notre marché dans les industries soumises à la gestion de l’offre, mais il y aura d’autres secteurs agricoles où, même si nous sommes en mesure d’approvisionner les marchés intérieurs, les choix commerciaux pourraient nous amener à accorder la priorité à l’exportation de certains produits parce que nous pouvons obtenir un prix encore plus élevé sur un autre marché.
La sénatrice McBean : La sénatrice Muggli a posé en grande partie ma question. Merci de la troisième question complémentaire. Elle porte sur l’Afrique aussi. Je respecte votre réponse, monsieur Fowler, où vous avez dit qu’il y a 50 pays et que cela représente un défi pour de nombreuses autres raisons.
Je me demande, avec la fermeture de l’Agence américaine pour le développement international, ou USAID, s’il y a une stratégie pour tirer parti des lacunes dans le monde dans le domaine du développement alimentaire et de l’aide alimentaire, et s’il y a un moment que le Canada peut utiliser à son avantage pour influencer la politique mondiale en matière de sécurité alimentaire. Comment pourrions-nous créer de meilleures possibilités pour les produits agricoles canadiens dans ce secteur?
M. Fowler : Nous essayons de déterminer qui est le mieux placé pour répondre à la question. Je vais peut-être commencer, puis mes collègues pourront poursuivre.
Je ne suis pas un expert en développement international. Je ne voudrais pas laisser entendre au comité que je le suis. De toute évidence, je pense que la situation concernant l’USAID a considérablement changé le paysage de l’aide internationale dans le monde, tant pour les pays bénéficiaires que pour les pays donateurs comme le Canada.
Une innovation récente dans l’approche du Canada en matière d’aide internationale est évidente dans l’Accord de partenariat économique global, ou APEG, avec l’Indonésie. Il s’agit du tout premier accord où le Canada s’engage à fournir une aide technique et du soutien en renforcement des capacités à l’Indonésie pour mettre en œuvre l’accord et en respecter les obligations.
Premièrement, il vise à garantir que les avantages que nous pensons avoir négociés dans ce marché soient concrétisés et mis en pratique. Deuxièmement, il vise à fournir à nos partenaires indonésiens une compréhension, à un niveau technique, de certaines des orientations que nous aimerions qu’ils envisagent lorsque nous retournerons à la table des négociations avec eux, et ainsi les aider à se familiariser avec les approches que le Canada aimerait pouvoir mettre de l’avant dans nos négociations.
C’est quelque chose que nos partenaires commerciaux font depuis de nombreuses années. Nous ne l’avions pas fait auparavant. Ce sera fort probablement un élément plus fréquent dans nos accords de libre-échange à l’avenir, afin de conjuguer nos efforts de développement international pour en faire profiter au pays bénéficiaire tout en faisant progresser les choses pour améliorer concrètement les relations économiques du Canada avec ce pays. Mais en ce qui concerne le secteur agricole plus particulièrement, je dois demander à quelqu’un d’autre de vous répondre.
M. Smith : Je n’ai pas grand-chose à ajouter. Je dirai simplement que c’est un secteur intéressant que les exportateurs canadiens aimeraient que le gouvernement explore davantage. Il y aura des facteurs différents à considérer pour les pays qui ont reçu une aide au développement international quant à la forme que cela pourrait prendre et à la manière dont cela pourrait faire partie d’une conversation commerciale avec le Canada, mais c’est certainement un élément qui pourrait présenter un grand intérêt.
La sénatrice McBean : Juste une diminution des échanges commerciaux avec les États-Unis...
Le président : Avez-vous quelque chose à ajouter, madame McDonald?
Mme McDonald : Brièvement, des efforts sont certainement déployés à Affaires mondiales Canada, mais aussi en collaboration avec d’autres collègues au gouvernement, pour voir si nous pouvons élargir davantage ce que nous appelons en quelque sorte ce lien entre le commerce et le développement. Par exemple, on pourrait explorer des possibilités, par exemple, d’utiliser la technologie canadienne dans les secteurs de l’énergie propre et de la gestion des déchets notamment, où des projets d’infrastructure pourraient être menés en Afrique ou dans un autre pays en développement. On pourrait faire en sorte, que ce soit dans le cadre de prêts, de financement ou de la structure de l’accord, que la technologie canadienne soit utilisée pour soutenir cet objectif, si cela convient au projet.
C’est donc pour essayer de voir en quelque sorte où les efforts d’aide internationale du gouvernement peuvent également améliorer ou promouvoir les possibilités commerciales et économiques pour les entreprises canadiennes.
Le président : Merci.
La sénatrice Robinson : Je m’interrogeais au sujet du Mercosur. Nous avons commencé en 2018, et nous avons mis un frein à nos démarches. Je pense que 11 accords de libre-échange sont en cours de négociation, et Mercosur est l’un d’eux.
Le président : Très rapidement, les gens autour de la table ne savent peut-être pas ce que c’est.
La sénatrice Robinson : Mercosur est un accord commercial avec l’Argentine, le Brésil, le Paraguay, l’Uruguay et la Bolivie. Est-ce exact?
M. Fowler : Oui.
La sénatrice Robinson : C’est ce que nous sommes en train de négocier?
M. Fowler : Oui, mais la Bolivie ne fait pas partie du groupe de pays avec lesquels nous négocions. Elle est encore en voie de mettre en œuvre ses obligations en tant que membre du Mercosur.
La sénatrice Robinson : Dans l’optique de l’agriculture, quand vous regardez le Mercosur, quelles possibilités et quels signaux d’alarme voyez-vous? Je m’interroge également au sujet du projet de loi C-202, dont on a récemment entendu parler. J’aimerais que vous nous en parliez un peu.
M. Fowler : Je peux commencer par le Mercosur de manière plus générale, puis nous pourrons aborder un peu les considérations agricoles. C’est un groupe important de pays. Le Canada compte une couverture assez vaste en matière de libre-échange dans tout l’hémisphère, mais il y a évidemment encore certaines lacunes. Les pays du Mercosur constituent une lacune importante dans les Amériques que nous aimerions combler. Nous avons négocié activement entre 2018 et 2021. Je dirais que la pandémie a quelque peu freiné notre élan. Nous avons déployé des efforts pour poursuivre ces négociations virtuellement, mais elles ont finalement été suspendues parce que nous avions perdu notre élan, pour ainsi dire.
Il y a évidemment des occasions importantes dans les secteurs industriel et agricole dans les pays du Mercosur, plus particulièrement au Brésil et en Argentine, compte tenu de la taille de ces marchés par rapport à l’Uruguay et au Paraguay. Il y a également de nombreuses similarités entre la structure économique du Canada et celles de l’Uruguay, de l’Argentine et du Brésil, ce qui signifie que certaines des occasions que nous voyons sur ces marchés représentent des questions délicates de leur point de vue et vice versa.
Alors que nous nous préparons à retourner à la table de négociations en vue de conclure un accord en 2026, nous devons nous pencher sur la façon de veiller à ce que les secteurs où nos intérêts ne coïncident pas parfaitement ne deviennent pas des pierres d’achoppement qui nous obligent à suspendre les négociations. Je pense que la solution consiste à négocier en sachant parfaitement quelles sont nos priorités commerciales et à mettre l’accent sur la façon de tirer parti de priorités commerciales importantes dans les deux sens.
J’étais au Brésil, il n’y a pas si longtemps. Les principes dont j’ai fait part à mes homologues qui, je l’espère, guideront ces négociations sont les suivants. Premièrement, nous devons conclure un accord rapidement, car les travaux sont bien avancés. Deuxièmement, l’accord doit apporter des avantages commerciaux significatifs dans les deux sens. Il ne s’agit pas forcément de tirer parti de toutes les possibilités commerciales que nous voyons, mais elles doivent produire des résultats concrets. Troisièmement, les accords doivent être adoptés par les assemblées législatives des cinq pays, si bien qu’ils ne peuvent pas bafouer sans discernement les questions délicates que j’ai mentionnées tout à l’heure. S’ils le font, ils susciteront une opposition politique dans un ou plusieurs des cinq pays, et nous nous retrouverons avec un accord qui ne peut pas être mis en œuvre. Honnêtement, c’est encore pire que de ne pas conclure un accord; vous avez conclu un accord, mais il n’entrera jamais en vigueur.
Le président : Quelqu’un d’autre veut faire des observations sur cette question?
M. Smith : Je dirai seulement que nous nous efforçons encore une fois de recueillir exactement ce type de renseignements, à savoir quelles sont les questions délicates dans le secteur agricole. Quelles sont les possibilités? Nous menons des consultations pour soutenir le lancement initial des négociations qui se sont déroulées avant la pandémie, mais nous ne tenons pas pour acquis que la situation reste telle qu’elle nous a été présentée il y a de nombreuses années. C’est en fait un sujet sur lequel nous travaillons activement à l’heure actuelle.
Le président : Merci.
La sénatrice Robinson : Tout le monde ici sait que l’aquaculture est une activité agricole. Où l’aquaculture cadre‑t‑elle sur le marché du Mercosur? Est-ce un marché potentiellement bon pour l’aquaculture? Le savez-vous?
M. Smith : Il faudrait que je vérifie.
La sénatrice Robinson : Merci.
Le président : Sur ce, je vous remercie. Vous savez sans doute que c’est le comité où l’on a le plus de plaisir au Sénat. Tout le monde autour de cette table vous le dira.
Mesdames et messieurs, nous avons la chance d’avoir des amis d’Affaires mondiales Canada et d’Agriculture et Agroalimentaire Canada qui négocient en notre nom. À chacun de vous, merci beaucoup de votre participation ce soir, et nous vous sommes très reconnaissants de vos témoignages et opinions. Nous aurons d’autres questions pour vous dans le cadre d’autres études notamment. Nous vous sommes reconnaissants de votre participation ce soir.
C’est nouveau pour nous, et c’est une bonne chose. Encore une fois, merci. Nous allons maintenant suspendre brièvement la séance pour passer à la partie à huis clos de la réunion.
(La séance se poursuit à huis clos.)