LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’AGRICULTURE ET DES FORÊTS
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mardi 25 novembre 2025
Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui, à 18 h 31 (HE), avec vidéoconférence, pour examiner, afin d’en faire rapport, le rôle du secteur de l’agriculture et de l’agroalimentaire dans la sécurité alimentaire au Canada; et, à huis clos, pour l’étude d’un projet d’ordre du jour (travaux futurs).
Le sénateur John M. McNair (vice-président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le vice-président : Honorables sénateurs, je déclare ouverte la séance du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts.
Je m’appelle John McNair et je suis le vice-président de ce comité. Je souhaite la bienvenue aux membres du comité, à nos témoins, ainsi qu’à ceux qui suivent cette réunion sur le Web.
Je tiens à souligner, pour commencer, que nous sommes réunis sur le territoire traditionnel non cédé de la nation algonquine anishinabe.
Avant d’entendre nos témoins, je demanderai aux sénateurs autour de la table de se présenter.
La sénatrice Burey : Sharon Burey, de l’Ontario.
Le sénateur Varone : Toni Varone, de l’Ontario.
La sénatrice Robinson : Mary Robinson, de l’Île-du-Prince-Édouard.
La sénatrice McBean : Marnie McBean, de l’Ontario.
La sénatrice Muggli : Tracy Muggli, du territoire visé par le Traité no 6, en Saskatchewan.
Le vice-président : Merci à toutes et à tous, et vous arrivez à point nommé, sénatrice Robinson. C’est parfait.
Je demanderai à tous les sénateurs de consulter les cartes sur la table pour connaître les directives destinées à éviter les effets Larsen. Je rappellerai également à tous les participants d’éviter de changer de langue au milieu d’une phrase. Veuillez également ne pas parler trop vite. Une bonne qualité audio facilite l’interprétation, la transcription et le sous-titrage.
Aujourd’hui, le comité poursuit son étude sur le rôle du secteur agricole et agroalimentaire dans la sécurité alimentaire au Canada.
Nous disposerons de 45 minutes pour notre premier groupe. Ce soir, nous recevons les représentants d’Agriculture et Agroalimentaire Canada, ou AAC, soit Liz Foster, sous-ministre adjointe, Direction générale des programmes; Sophie Beecher, directrice générale, Direction des politiques de développement durable, Direction générale des politiques stratégiques; et Jason Baillargeon, directeur, Division de la politique alimentaire, Direction générale des politiques stratégiques. Felicitas Katepa-Mupondwa, directrice générale de la Direction générale des sciences et de la technologie de la Région des Prairies, se joindra à nous par vidéoconférence.
Nous vous remercions tous d’avoir accepté de comparaître devant notre comité. Vous disposerez de cinq minutes pour vos observations préliminaires. Ensuite, les sénateurs vous poseront des questions. Lorsqu’il ne vous restera plus qu’une minute, je vous le signalerai en levant la main, et je lèverai les deux mains quand votre temps de parole sera écoulé. À ce moment-là, vous devrez vous arrêter.
Madame Beecher, vous avez la parole. Bienvenue.
[Français]
Sophie Beecher, directrice générale, Direction des politiques de développement durable, Direction générale des politiques stratégiques, Agriculture et Agroalimentaire Canada : Je vous remercie de me donner l’occasion de comparaître devant ce comité pour discuter du rôle d’Agriculture et Agroalimentaire Canada et de l’ensemble du secteur dans le soutien à la sécurité alimentaire partout au Canada.
Je tiens tout d’abord à souligner que je m’adresse à vous aujourd’hui depuis le territoire traditionnel et non cédé du peuple algonquin anishinabe.
La sécurité alimentaire revêt une importance cruciale pour le travail du ministère, qui consiste à soutenir ceux qui nourrissent notre pays. À cet égard, le ministère se concentre sur l’amélioration de la compétitivité et de la durabilité du secteur agricole et agroalimentaire. Cela comprend notamment la promotion des innovations et des solutions scientifiques, comme les ressources phytogénétiques, afin d’améliorer les rendements et de s’adapter au changement climatique, la diversification et le développement des marchés, le soutien d’un éventail de méthodes de production et de types d’exploitations agricoles et le renforcement de la résilience de la chaîne d’approvisionnement.
Je vais maintenant vous parler de la Politique alimentaire pour le Canada. La toute première Politique alimentaire pour le Canada a été lancée en 2019 par la ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire de l’époque. Le lancement de cette politique a permis de respecter l’engagement pris dans la lettre de mandat de 2015, qui visait à élaborer une politique alimentaire favorisant un mode de vie sain et la salubrité des aliments en mettant sur la table des gens un plus grand nombre d’aliments sains de grande qualité produits par les éleveurs et les agriculteurs canadiens.
Cette politique, axée sur la sécurité alimentaire, la santé et l’environnement, a été développée grâce à de vastes consultations menées auprès des consommateurs, des producteurs, des transformateurs, des professionnels de la santé, des détaillants, des communautés autochtones et des groupes de la société civile.
Ces consultations ont souligné le rôle central que joue l’alimentation dans la vie des Canadiens et des Canadiennes. L’importance d’une approche plus coordonnée pour aborder les questions alimentaires au Canada a été soulignée. La sécurité alimentaire s’est révélée être une priorité évidente et une attention particulière a été accordée au taux élevé d’insécurité alimentaire dans les communautés racisées et autochtones, de même que dans les collectivités du Nord.
Compte tenu de cette priorité, la Politique alimentaire pour le Canada établit une vision selon laquelle toutes les personnes peuvent avoir accès à une quantité suffisante d’aliments salubres, nutritifs et culturellement diversifiés. De plus, elle vise à s’assurer que les systèmes alimentaires du Canada sont résilients et novateurs, protègent notre environnement et soutiennent notre économie.
[Traduction]
En tant que responsable fédéral de la Politique alimentaire pour le Canada, Agriculture et Agroalimentaire Canada a dirigé des initiatives qui vont au-delà de son mandat principal, afin de promouvoir cette vision en collaborant avec un large éventail d’intervenants et de partenaires dans tous les systèmes alimentaires du Canada, en proposant des investissements qui améliorent les résultats économiques, sociaux, sanitaires et environnementaux, et en adoptant une approche pangouvernementale pour renforcer la sécurité alimentaire. Au fil du temps, la Politique alimentaire s’est adaptée pour répondre aux nouveaux défis et priorités en matière de sécurité alimentaire. Elle a soutenu la sécurité alimentaire des collectivités dans le cadre de différentes versions du Fonds des infrastructures alimentaires locales et a coordonné l’aide alimentaire d’urgence pour les Canadiens pendant la pandémie de COVID-19.
Plus récemment, elle s’est tournée vers la promotion de solutions à long terme visant à renforcer les systèmes alimentaires locaux. Cela s’est traduit dans le budget de 2024 par des investissements dans le Programme national d’alimentation scolaire, le renouvellement et l’élargissement du Fonds des infrastructures alimentaires locales et de nouvelles initiatives soutenant les systèmes alimentaires inuits et la souveraineté alimentaire des Autochtones, conformément à la Politique sur l’Inuit Nunangat et à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
Le budget de 2025 a également annoncé un financement de 216,6 millions de dollars par an, à compter de 2029-2030, pour Emploi et Développement social Canada, Services aux Autochtones Canada et Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada, afin de rendre permanent le Programme national d’alimentation scolaire.
Chacune de ces initiatives destinées à améliorer la sécurité alimentaire est multidimensionnelle, mobilise différents intervenants et partenaires et concerne les mandats de plusieurs ministères et organismes. La Politique alimentaire a aidé à décloisonner les ministères fédéraux, mais les systèmes alimentaires relèvent de la responsabilité partagée de différentes administrations. Nous savons qu’il faut continuer de renforcer les partenariats avec les provinces, les territoires et les administrations locales.
Pour favoriser une meilleure coordination et une meilleure évaluation des mesures prises, Agriculture et Agroalimentaire Canada définit actuellement un cadre d’indicateurs de la sécurité alimentaire au Canada. Ce cadre permettra de mieux comprendre la sécurité alimentaire dans son ensemble et de fonder les mesures politiques sur des données probantes. Nous recueillons les commentaires des ministères fédéraux, des chercheurs, des experts et des partenaires autochtones afin d’orienter sa définition.
Agriculture et Agroalimentaire Canada reconnaît qu’il reste encore à faire pour renforcer la sécurité alimentaire des Canadiens. Nous faisons activement le point de l’évolution de la situation et des défis auxquels nous faisons face en tant que société, et nous réfléchissons à de nouvelles voies que notre ministère devra peut-être suivre pour renforcer la sécurité alimentaire et la résilience future.
Merci.
Le vice-président : Je vous remercie. Sénateurs, nous allons maintenant passer aux questions. Comme vous le savez, vous disposez de cinq minutes pour poser vos questions et ce temps de parole comprend les réponses.
La sénatrice McBean : Je suis contente que vous disiez qu’il y a une « vision » pour que tout le monde ait accès à des aliments nutritifs. Pouvez-vous me dire comment elle se concrétisera, selon vous, et comment AAC collabore avec les provinces, les territoires et les gouvernements autochtones pour créer une approche nationale coordonnée en matière de sécurité alimentaire, au lieu de se contenter de réponses régionales disparates?
Mme Beecher : Je peux commencer par la deuxième partie de la question et laisser mon collègue répondre à la première partie.
L’approche coordonnée nous est apparue comme étant un rôle unique pour Agriculture Canada. Comme vous le savez tous, la sécurité alimentaire ne relève pas entièrement du mandat fédéral. Elle relève en grande partie de la compétence des provinces et des territoires, voire des municipalités, mais il est évident que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer et qu’il peut jouer un rôle déterminant.
Je sais que vous avez déjà reçu des témoins d’autres ministères pour discuter de ce sujet. Nos mandats sont inscrits dans la loi et sont parfois très précis. Le ministère de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire a un mandat très précis en matière d’agriculture, et c’est tout ce que dit la loi, en fait.
Nous avons dû nous montrer très créatifs quand notre ministre a reçu pour instruction, dans sa lettre de mandat, d’essayer d’inscrire certaines de nos mesures dans le mandat d’Agriculture Canada et, si cela ne cadrait pas parfaitement, d’établir au moins un lien avec la production primaire de denrées alimentaires ou avec le secteur agroalimentaire.
Néanmoins, nous avons essayé de jouer le rôle de coordonnateur. Cela a commencé dans les consultations et l’élaboration de la politique, dans les contacts continus que nous avons avec un très grand nombre d’intervenants. Un conseil composé des principaux intervenants est venu régulièrement nous offrir ses compétences sur des questions précises et conseiller directement le ministre. Il comprenait des représentants de toutes sortes de secteurs venant de tout le Canada, de la production alimentaire aux programmes sociaux, en passant par les peuples autochtones.
Le ministère de l’Agriculture a essayé de coordonner du mieux qu’il pouvait, et nous avons réussi à bien des égards, en regroupant des initiatives dans différents exercices budgétaires qui ont permis de les intégrer à la Politique alimentaire, toutes œuvrant à la réalisation de ces objectifs et dans le respect de cette vision. Cependant, cela reste un défi, bien sûr, car nous dirigeons en coulisse à cet égard et nous réunissons les gens autour de la table pour travailler ensemble.
Monsieur Baillargeon, pouvez-vous répondre à la première partie de la question?
Jason Baillargeon, directeur, Direction générale des politiques stratégiques, Agriculture et Agroalimentaire Canada : Je répondrai également, en quelques mots, à la deuxième partie. Dans notre collaboration avec les partenaires autochtones, dans le cadre de la Politique alimentaire, nous nous sommes efforcés de promouvoir des consultations dirigées par les partenaires autochtones eux-mêmes, afin de mobiliser les communautés, et ce travail se poursuit depuis lors. Par exemple, nous travaillons avec nos partenaires inuits dans le cadre du Comité de partenariat entre les Inuits et la Couronne. Un Groupe de travail sur la sécurité alimentaire est chargé de promouvoir la Stratégie sur la sécurité alimentaire dans l’Inuit Nunangat.
En ce qui concerne la question relative à la vision audacieuse qui a été présentée et aux progrès réalisés pour la concrétiser, comme l’a mentionné Mme Beecher, un certain nombre de difficultés en compliquent le suivi et freinent les progrès, notamment le fait qu’au Canada, nous examinons l’insécurité alimentaire avant tout en fonction d’une mesure fondée sur le revenu. Nous cherchons à créer un cadre canadien d’indicateurs de sécurité alimentaire, afin d’avoir un tableau plus complet de la façon dont la sécurité alimentaire est mesurée et suivie dans toute l’administration.
La sénatrice McBean : Pouvez-vous donner des exemples de domaines dans lesquels vous avez constaté que le ministère de l’Agriculture permet d’obtenir des réponses à la question « Comment résoudre ce problème et dire que le ministère de l’Agriculture en fait plus? »
Mme Beecher : Bon nombre de nos programmes en sont de magnifiques exemples, car ils ont permis de mettre en place des infrastructures concrètes dans les communautés pour les aider à développer des systèmes alimentaires locaux. De même, pendant la pandémie de COVID, nous avions des programmes qui ont aidé à distribuer de la nourriture dans les communautés. Liz Foster est notre spécialiste en la matière.
Liz Foster, sous-ministre adjointe, Direction générale des programmes, Agriculture et Agroalimentaire Canada : Je peux vous donner des exemples du soutien apporté par le Fonds des infrastructures alimentaires locales d’AAC qui illustrent bien son utilité.
Le projet de la Première Nation Tsawwassen fait partie des projets à grande échelle que nous avons soutenus. Ce soutien lui a d’ailleurs permis de faire une multitude de choses. Quand il s’agit d’un projet de grande envergure, il est possible d’examiner différents éléments d’infrastructure en même temps. Ce projet comprenait des chambres froides, des réfrigérateurs, des serres, du matériel de compostage et, surtout, l’agrandissement du jardin communautaire et de la cuisine communautaire. Je me suis rendue dans la Première Nation Tsawwassen. Le financement et le soutien qu’elle a reçus dans le cadre de ce programme se sont révélés très bénéfiques pour la sécurité alimentaire de cette communauté.
Mon collègue a également mentionné le soutien apporté par les programmes pendant la pandémie. Au tout début, il y avait un surplus de nourriture qu’il fallait acheminer jusqu’aux personnes qui en voulaient. Le Fonds d’urgence pour la sécurité alimentaire et le Programme de récupération d’aliments excédentaires sont intervenus dans ces circonstances très particulières. Ils n’étaient pas forcément axés sur les infrastructures, mais ils étaient là pour aider à distribuer des aliments de qualité à des personnes dans le besoin.
La sénatrice Muggli : Je vous remercie de votre présence aujourd’hui. Nous vous en sommes très reconnaissants.
En 2021, vous avez organisé un dialogue intitulé Mesure de l’insécurité alimentaire et données connexes. Il a révélé de graves lacunes dans le système fédéral de données sur la sécurité alimentaire. Je mentionnerai quelques-uns de ces problèmes, et j’espère que vous pourrez nous dire si des solutions y ont été apportées.
AAC a compris que le rôle du gouvernement fédéral dans la coordination et la gestion des données sur la sécurité alimentaire n’était pas clair. Les investissements dans la collecte de données sont insuffisants, notamment en ce qui concerne les données nécessaires pour connaître les réalités régionales dans tout le pays. Les méthodes d’échantillonnage actuelles ne permettent pas de prendre convenablement en compte les populations vulnérables et marginalisées. Toutes les institutions n’ont pas la même définition de la sécurité alimentaire, d’où des problèmes de comparaison et de mesure. Et, sans surprise, étant donné tous ces problèmes, le Canada manque de données sur la sécurité alimentaire récentes, fréquentes et longitudinales.
Pouvez-vous dire au comité si des mesures concrètes ont été prises depuis 2021 pour combler ces lacunes particulières en matière de données?
M. Baillargeon : Je vous remercie de votre question, sénatrice.
Ce dialogue a été engagé dans le cadre du Sommet sur les systèmes alimentaires des Nations unies. Nous avons eu sept dialogues qui ont abouti à un dialogue final visant à proposer des améliorations pour que les systèmes alimentaires canadiens deviennent plus résilients, plus durables et plus sains.
Nous avons progressé sur plusieurs de ces fronts, mais il reste encore beaucoup à faire, en particulier en ce qui concerne les investissements et les données qui manquent peut-être. Des possibilités se dessinent avec l’élaboration d’un cadre d’indicateurs de sécurité alimentaire dont nous pourrons nous servir pour mettre en commun des ressources dans l’ensemble du gouvernement. Dans certains cas, nous avons des données qui nous permettent de dresser un tableau partiel. En ayant une approche pangouvernementale plus coordonnée, nous comblerons certaines des principales lacunes et nous chercherons aussi à avoir des mesures qui répondent aux mandats de plusieurs ministères, au lieu d’avoir des mesures ou des indicateurs pour les objectifs d’un seul ministère.
La sénatrice Muggli : Le cadre d’indicateurs fait-il partie de l’approche destinée à combler certaines de ces lacunes?
M. Baillargeon : Tout à fait. Il nous fournira des mesures et un état des lieux de la situation actuelle. Dans bien des cas, nous n’avons pas d’indicateurs pour certaines des six dimensions clés de la sécurité alimentaire.
La sénatrice Muggli : Quelles sont les six dimensions clés? Ce n’est pas un test.
M. Baillargeon : C’est bon. Si je me trompe, mon équipe m’en voudra. Disponibilité, accès, utilisation, stabilité, autonomie et durabilité. Désolée, j’ai parlé très vite.
La sénatrice Muggli : C’est maintenant consigné au compte rendu.
M. Baillargeon : Nous constatons des lacunes dans les données ou les indicateurs relatifs à l’autonomie en ce qui concerne les dimensions culturelles des systèmes alimentaires, ainsi qu’à l’accès au-delà du revenu, notamment pour les communautés autochtones, nordiques et éloignées.
La sénatrice Muggli : Vous disiez que vous aviez besoin d’investissements dans les données qui font défaut. De quoi avez-vous besoin? Qu’entendez-vous par « investissements »?
M. Baillargeon : Essentiellement, mettre sur pied des enquêtes ou d’autres méthodes de collecte de données, afin d’obtenir des données pour cerner ces dimensions en particulier. Par exemple, l’Enquête canadienne sur le revenu, qui mesure l’insécurité alimentaire, nous permet d’avoir de très bonnes données. Il s’agit de l’accès économique des personnes à la nourriture — autrement dit, ont-elles assez d’argent pour se nourrir? Cependant, nous n’avons pas d’indicateurs qui permettent, par exemple, de savoir si les communautés ont accès à des aliments qui ont une importance culturelle pour elles, si les ménages possèdent les compétences alimentaires voulues pour tirer pleinement parti des aliments — il s’agit de mesures supplémentaires relatives aux déchets et au gaspillage alimentaires.
La sénatrice Muggli : Pourquoi ne disposons-nous pas de ces données?
M. Baillargeon : C’est un domaine que nous étudions actuellement en tant que gouvernement en vue d’investissements futurs.
La sénatrice Muggli : Par investissements, entendez-vous des ressources humaines? De quoi avez-vous besoin?
M. Baillargeon : Nous avons avant tout besoin d’une meilleure coordination gouvernementale. Il ne s’agit pas toujours d’obtenir des fonds supplémentaires, mais d’utiliser au mieux les ressources dont nous disposons.
La sénatrice Muggli : Cela pourrait donc figurer comme recommandation dans notre rapport. Cela vous semble-t-il judicieux?
Mme BeecherSans doute.
La sénatrice Burey : Je vous remercie de votre présence. Je trouve cette discussion passionnante, et je tiens à féliciter le gouvernement d’avoir rendu permanent le Programme national d’alimentation scolaire — j’aime entendre ces mots — et à féliciter votre ministère de son leadership dans l’élaboration de la Politique alimentaire. Bien sûr, le Canada avait pris du retard. Il reste du travail à faire, mais nous avons commencé.
J’ai bien des questions, mais je vais donner la parole à Mme Felicitas Katepa-Mupondwa. Pouvez-vous me décrire votre poste et ce qu’il comprend? Parlez-nous ensuite de la science et de l’innovation que vous essayez d’intégrer dans la Politique alimentaire et dans le dossier de la sécurité alimentaire.
Felicitas Katepa-Mupondwa, directrice générale, Région des Prairies, Direction générale des sciences et de la technologie, Agriculture et Agroalimentaire Canada : Certainement. Je suis responsable des centres de la Direction générale des sciences et de la technologie dans la région des Prairies, c’est-à-dire en Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba. Nous avons six centres de recherche qui travaillent dans différents domaines scientifiques, allant de la zootechnie à la production végétale. Aujourd’hui, je m’intéresse particulièrement aux ressources phytogénétiques et à leur rôle dans la promotion de la sécurité alimentaire.
Au Canada, les ressources phytogénétiques sont conservées dans trois banques de gènes relevant du système canadien de matériel génétique végétal. Ces banques de gènes ont été créées expressément pour lutter contre l’érosion génétique et préserver la diversité génétique des cultures de plein champ et des cultures horticoles. La diversité génétique est un fondement de la sécurité alimentaire et de la durabilité agricole. Je vous expliquerai cela dans un instant.
Les Ressources phytogénétiques du Canada, à Saskatoon, sont la première banque de gènes. Nous y conservons 120 000 obtentions, ou échantillons uniques, de grandes cultures et de leurs espèces sauvages apparentées. Cela comprend des cultures importantes, comme le blé, l’avoine, l’orge, le maïs, les fourrages, le canola, les oléagineux et de nombreuses autres cultures.
La deuxième banque de gènes est la Banque canadienne de clones, à Harrow. Nous y conservons 3 500 obtentions de matériel clonal fruitier, notamment des pommes, des poires, des prunes et des cerises. Ces obtentions sont conservées dans des vergers. Nous avons des raisins dans des vignobles. Nous avons des bleuets, des fraises, des framboises et de nombreuses autres baies, et ces obtentions sont conservées dans des serres.
La troisième banque de gènes est la Banque de gènes de pommes de terre du Canada, à Fredericton. Elle se concentre sur les pommes de terre. Nous y conservons 223 obtentions de variétés canadiennes, de variétés patrimoniales et de variétés sauvages apparentées à la pomme de terre.
Le système national canadien de matériel génétique végétal joue un rôle essentiel dans la sécurité et la durabilité de l’agriculture en protégeant et en préservant la diversité génétique de plus de 121 000 obtentions de 980 espèces de cultures et de leurs variétés sauvages apparentées. Ces obtentions sont minutieusement caractérisées à l’aide de données descriptives, puis les données sont saisies dans un système international appelé RIRG-Mondial-CA. Ainsi, tous les matériaux de la collection sont mis gratuitement à disposition à des fins de sélection, de recherche et d’éducation, conformément aux modalités du système multilatéral. Cette disposition permet une caractérisation scientifique. La plupart de ces...
La sénatrice Burey : D’accord. Rencontrez-vous des difficultés pour sécuriser cette banque de données?
Mme Katepa-Mupondwa : Les principaux défis tiennent, en réalité, à l’énorme quantité de ressources génétiques dans le monde et à la nécessité de s’assurer que nous recueillons des échantillons représentatifs — donc, je dirai en ce qui concerne les ressources nécessaires. Cela représente beaucoup de travail. Disposer des ressources nécessaires pour traiter un grand nombre d’échantillons est, à mon sens, le principal défi.
Le sénateur Varone : Merci. Je vais revenir sur le manque de données.
Statistique Canada, dans son rapport sur l’Enquête sur le revenu, mentionne que 10 millions de Canadiens, soit 25,5 % de la population, dans 10 provinces, souffrent d’une forme d’insécurité alimentaire. Quand j’ai essayé de trouver les données pour approfondir la question — si le Canada compte 40 millions d’habitants et que 80 % d’entre eux vivent dans des centres urbains, cela signifie qu’il y a 32 millions de personnes dans les centres urbains et seulement 8 millions dans les collectivités rurales et très rurales. J’ai essayé de déterminer la cause réelle de l’insécurité alimentaire. Est-ce la pénurie d’aliments? Est-ce leur coût prohibitif? Dans les témoignages entendus au cours de réunions précédentes, nous avons appris qu’il faut livrer les aliments par avion aux collectivités éloignées.
Je remets en question les données de Statistique Canada parce qu’elles présentent d’importantes lacunes. Les décideurs veulent prendre des décisions politiques pertinentes. Disposez-vous des données nécessaires pour nous permettre d’examiner les solutions ou, au moins, de proposer les solutions dont vous pensez avoir besoin? J’ai beaucoup de mal à trouver les chiffres qui pointent le problème, qu’il s’agisse du coût, de pénuries ou de l’éloignement. Il existe des solutions à tous ces problèmes. Le simple fait que 32 millions de personnes vivent dans des centres urbains renvoie au 2 millions sur les 10 millions que Statistique Canada souligne. Ce n’est pas une question de pénuries, mais plutôt de coût des aliments. Mais où sont ces données?
Mme Beecher : Oui, il y a un problème de données. De plus, pour répondre en partie à votre question, nous avons consulté de nombreux chercheurs et experts dans ce domaine, et il semble que le principal facteur d’insécurité alimentaire concerne le revenu des ménages ou des familles. Le problème de la sécurité alimentaire est très complexe, car il dépasse la politique alimentaire et agricole et relève plus des programmes et des politiques sociales.
Bien entendu, l’accès aux aliments a un rôle à jouer. Mon collègue Jason Baillargeon a mentionné qu’au Canada, beaucoup de régions et de collectivités isolées n’y ont tout simplement pas accès. Lorsqu’elles y ont accès, leur coût est prohibitif. Ensuite, bien sûr, il y a l’inflation, qui est un tout autre problème en matière d’abordabilité et qui fait intervenir un tout autre groupe d’acteurs autour de la table.
Pour nous, à Agriculture et Agroalimentaire Canada, la véritable question est de savoir quel rôle le ministère de l’Agriculture fédéral peut jouer. Pour être tout à fait honnête avec vous, le rôle le plus important que nous pouvons jouer concerne probablement l’accès à l’alimentation et la production locale d’aliments sains qui vont directement aux consommateurs dans certains cas — quand les gens sont en contact avec ceux qui produisent leurs aliments, ce qui offre d’autres solutions d’approvisionnement en cas de crise ou de choc social.
Monsieur Baillargeon, avez-vous quelque chose à ajouter au sujet des données?
Le sénateur Varone : Permettez-moi de reformuler une dernière partie de cette question : collaborez-vous avec Statistique Canada quand ses agents vont poser des questions sur le terrain? Savent-ils à quels types de questions vous souhaitez obtenir des réponses?
M. Baillargeon : Oui, et les statistiques auxquelles vous faites référence proviennent de l’Enquête canadienne sur le revenu, dont 17 questions concernent la capacité des ménages à se nourrir. Comme l’a indiqué ma collègue, la solution, en l’occurrence, repose principalement sur des interventions axées sur le revenu, à quelques exceptions près, car l’accès physique à la nourriture est problématique dans certaines collectivités. Cependant, au Canada, c’est surtout une question de revenu.
Cela dit, c’est pourquoi nous cherchons à créer un cadre canadien plus large d’indicateurs de la sécurité alimentaire qui tienne compte de certains des indicateurs que ma collègue a mentionnés. Nous ne nous intéressons pas qu’au revenu.
Oui, nous travaillons avec Statistique Canada et d’autres ministères et organismes sur ce dossier.
La sénatrice Sorensen : Merci. Veuillez excuser mon retard. Je suis Karen Sorensen, sénatrice de l’Alberta, territoire du Traité no 7.
La sénatrice McBean a posé mes questions dès que je me suis assise, mais j’en ai d’autres. Je vais regrouper ces deux questions pour la personne la plus à même d’y répondre: selon vous, quel est le point faible le plus important du système alimentaire canadien? Et, sur une note plus positive, quelle est l’innovation la plus prometteuse qui pourrait accroître la résilience agricole au cours des 10 prochaines années?
Mme Beecher : Ce sont de très vastes questions.
La sénatrice Sorensen : Sortez des sentiers battus.
Mme Beecher : Je ne dirai pas qu’il y a un seul point faible majeur.
La sénatrice Sorensen : Quelles sont les principales préoccupations? Cela rendrait peut-être les choses moins dramatiques.
Mme Beecher : C’est vrai. On peut dire que le Canada a beaucoup de chance en ceci qu’il produit beaucoup de nourriture. Le problème n’est pas la quantité de nourriture au Canada.
La sénatrice Sorensen : En effet.
Mme Beecher : Les problèmes concernent l’équité de l’accès et de la distribution. Sommes-nous en mesure de transformer nos propres aliments au Canada, ou doivent-ils quitter notre pays, puis y revenir pour y être consommés? Il existe quelques cas notables à cet égard.
La sénatrice Sorensen : Oui.
Mme Beecher : Pourtant, nous avons un secteur de fabrication et de transformation des aliments qui est très solide. Je crois que 80 % de ce qu’il produit se retrouvent sur les tables canadiennes.
M. Baillargeon : C’est exact. Oui, le secteur de la transformation alimentaire représente entre 70 et 80 % des aliments consommés au Canada.
La sénatrice Sorensen : C’est une réussite.
M. Baillargeon : C’est l’immense majorité.
Mme Beecher : Oui, je pense donc que notre plus grand défi concerne parfois la réflexion sur le système alimentaire. C’est parfois le cas au palier fédéral, où Transports Canada s’occupe des transports, Santé Canada s’occupe de la nutrition et du Guide alimentaire canadien, et Agriculture Canada s’occupe de la production alimentaire primaire, et nous n’intégrons pas nécessairement une réflexion sur les systèmes alimentaires dans notre façon d’élaborer les politiques. Nous essayons. Nous essayons vraiment, par la coordination, en nous informant et en collaborant avec des organisations internationales sur ce type de concept.
Nous pourrions faire beaucoup de choses avec des lentilles. Quand nous élaborons des politiques à Agriculture et Agroalimentaire Canada, il n’est pas inutile de nous demander quel est l’impact de ce que nous concevons sur la santé des Canadiens, l’accès à l’alimentation ou les prix. Bien sûr, nous sommes un ministère économique. Notre principale préoccupation est de maintenir la compétitivité de notre secteur agricole. C’est notre priorité absolue. Évidemment, nous voulons qu’il soit viable à long terme, car c’est fondamentalement ce qui garantira notre sécurité alimentaire, dans tous les cas.
Cependant, il y a des mesures que nous pourrions prendre. Nous avons un secteur des légumineuses très important. Pourquoi les Canadiens ne consomment-ils pas plus de légumineuses? C’est une question légitime.
Ce sont des questions que nous nous posons quotidiennement.
La sénatrice Sorensen : C’est bien, et ma note précédente indiquait que l’inexpérience, même avec les meilleures intentions et une véritable approche pangouvernementale, n’est pas toujours prioritaire dans la pratique
Mme Beecher : C’est vrai.
La sénatrice Sorensen : Si je peux ajouter une petite remarque, je suis intriguée lorsque je visite des universités, en particulier les chercheurs. Y a-t-il des travaux particuliers que vous menez et financez en partenariat avec des universités et des collèges? Il est clair que cela n’a pas de fin.
Mme Beecher : Oui. Ma collègue scientifique serait probablement la mieux placée pour répondre, car elle travaille en étroite collaboration avec des universités sur toutes sortes de projets scientifiques.
Nous ne les finançons pas nécessairement. Ils sont financés par les agences relevant d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada, ou ISDE, mais nous travaillons en collaboration avec des universités sur certains projets.
Je ne sais pas si Felicitas Katepa-Mupondwa souhaite répondre à cette question.
Mme Katepa-Mupondwa : Bien sûr. Vous avez raison, certaines de nos collaborations avec des universités sont financées par ISDE, et nous collaborons avec elles.
Nous avons de nombreuses collaborations dans le cadre de notre Partenariat canadien pour une agriculture durable, ou PCA durable, des grappes de programmation du Cadre stratégique pour l’agriculture et des projets agroscientifiques. La plupart d’entre elles sont menées en collaboration avec des universités. Oui, nous travaillons avec elles en permanence.
La sénatrice Sorensen : Et dans tout le pays, je suppose?
Mme Katepa-Mupondwa : Dans tout le pays, oui, bien sûr.
La sénatrice Sorensen : Merci.
La sénatrice Robinson : Ravie de vous revoir tous.
Vous avez mentionné le Programme national d’alimentation scolaire dans la loi d’exécution du budget. Dans le projet de loi, nous savons que le ministre n’a pas encore été désigné. Nous pensons que cela se fera probablement par décret. Je pense que plusieurs ministres pourraient être chargés de ce dossier. J’aimerais savoir si vous pensez que le ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire a un rôle à jouer dans ce dossier, ou peut-être même si AAC a un rôle à jouer dans sa supervision. Pensez-vous que ce serait AAC seul ou AAC en collaboration avec d’autres ministères?
M. Baillargeon : Pour revenir sur l’élaboration de la politique et du programme lui-même, le gouvernement du Canada a annoncé pour la première fois son intention d’aller de l’avant avec un programme national d’alimentation scolaire dans notre Politique alimentaire qui remonte au budget de 2019. Depuis lors, nous travaillons avec nos collègues d’Emploi et Développement social Canada, EDSC, de Santé Canada, de l’Agence de la santé publique du Canada et plusieurs autres partenaires pour faire avancer ce dossier. La politique était inspirée par de nombreux points de vue et elle vise à mettre en œuvre une approche systémique.
À l’avenir, quel que soit le ministre responsable, nous continuerons à travailler en étroite collaboration avec d’autres ministères et organismes afin de garantir que les objectifs de la Politique alimentaire soient pris en compte.
Mme Beecher : Nous travaillons régulièrement avec EDSC pour assurer le lien avec l’agriculture, et nous le voyons dans la politique qui est fondée sur un principe d’approvisionnement alimentaire local.
Ce type de critères est appliqué par les provinces elles-mêmes, mais nous discutons régulièrement de ce principe particulier avec EDSC.
La sénatrice Robinson : Le Sénat étudiera la loi d’exécution du budget. Je pense que c’est peut-être une occasion exceptionnelle pour l’agriculture, et que nous pourrions être cette voix critique et ce partenaire pour la sécurité alimentaire dans le pays. Je me demande si vous conviendriez avec moi qu’il serait utile que le Comité de l’agriculture et des forêts étudie cette question.
Mme Beecher : Nous laissons au Comité de l’agriculture et des forêts le soin de décider de ses activités.
La sénatrice Robinson : Froussarde, va.
Merci.
Le vice-président : Chers collègues, nous entendrons maintenant Mme Muggli, puis je laisserai plusieurs sénateurs poser des questions aux fins du compte rendu.
En fait, madame Muggli, vous devriez probablement poser vos questions aux fins du compte rendu, car nous avons épuisé le temps imparti.
La sénatrice Muggli : Je me demande quelle est votre définition opérationnelle de la « sécurité alimentaire », si vous en avez une. Sinon, que recommanderiez-vous? Vous avez le temps d’y réfléchir et de la mettre par écrit. Si vous avez une définition, est-elle adoptée à l’échelle nationale, provinciale et municipale? Nous allons avoir besoin de fondements pour établir la définition de la « sécurité alimentaire ».
Je vais poser une autre question : vous avez parlé d’investissements dans l’amélioration des rendements. S’agit-il de renforcer la sécurité alimentaire nationale ou d’aider les producteurs à augmenter leurs rendements afin d’augmenter nos échanges commerciaux à l’échelle mondiale?
Mme Beecher : Répondons-nous à toutes les questions maintenant?
Le vice-président : Non. Nous manquons de temps. Si vous pouviez fournir vos réponses par écrit.
Mme Beecher : Nous avons beaucoup à dire sur ces deux sujets.
La sénatrice Muggli : Excellent. Je m’en réjouis d’avance.
La sénatrice Burey : J’ai deux questions très brèves. Tout d’abord, les mesures incitatives « de la ferme à la table » qui favorisent l’accès aux aliments cultivés localement — pourriez-vous nous donner votre avis à ce sujet, surtout pour ce qui est de rendre obligatoire ou de privilégier l’achat d’aliments locaux?
Voici mon autre question : en ce qui concerne la sécurité alimentaire et la protection des terres agricoles, existe-t-il une collaboration entre les ministères, par exemple entre Maisons Canada et Agriculture et Agroalimentaire Canada, en matière d’utilisation des terres?
La sénatrice McBean : La sénatrice Sorensen et moi-même avons entendu aujourd’hui un groupe qui a notamment mentionné les différentes réglementations en vigueur d’une province à l’autre, par exemple en matière de plastiques et de recyclage. Quels investissements ou changements réglementaires concrets seraient les plus efficaces pour aider les agriculteurs canadiens à accroître leur production durable tout en maintenant des prix abordables pour les ménages canadiens?
Le sénateur Varone : La sénatrice McBean, le sénateur Black et moi-même avons visité une serre la semaine dernière. Parmi les questions qui ont trouvé réponse, il y avait : « D’où viennent les semences? » et « D’où vient l’équipement? ». Étant donné qu’il s’agissait d’une exploitation de taille importante, aucune des semences ne provenait du Canada. Aucun équipement ne provenait du Canada. Tout provenait des pays du Benelux. Ma question est la suivante : quand nous parlons de recherche et développement, et vous l’avez mentionné dans votre déclaration liminaire, où va l’argent consacré à la recherche et développement? Essayons-nous d’être autosuffisants au Canada, ou devons-nous continuer à compter sur des partenaires dans le monde entier?
La sénatrice Robinson : Nous étudions la sécurité alimentaire au Canada. Nous avons notamment entendu nos horticulteurs et nos maraîchers canadiens nous dire à quel point ils sont vulnérables en matière de main-d’œuvre. Je me demande si vous pourriez nous expliquer à quel point le Programme des travailleurs étrangers temporaires et le Programme des travailleurs agricoles saisonniers, le PTAS, en particulier, sont essentiels à la sécurité alimentaire au Canada.
Le vice-président : Merci. Je tiens à remercier les témoins pour leur participation. Vos témoignages et vos commentaires sont très appréciés. Vous pouvez constater que nous pourrions continuer à vous poser des questions. Nous vous serions reconnaissants de bien vouloir nous faire parvenir par écrit vos réponses aux questions qui ont été consignées au compte rendu.
Pour notre deuxième groupe ce soir, nous accueillons Dennis Laycraft, vice-président exécutif de l’Association canadienne des bovins, et Ron Lemaire, président de l’Association canadienne de la distribution de fruits et légumes. Kristina Farrell, directrice générale, et Jean-Emmanuel Poitras, directeur des politiques et des affaires réglementaires se joignent à nous par vidéoconférence depuis les bureaux de l’association Aliments et boissons Canada.
Au nom des membres du comité, je vous remercie d’être parmi nous ce soir. Nous allons maintenant entendre vos déclarations liminaires qui seront suivies des questions des sénateurs. Monsieur Laycraft, vous avez la parole. Bienvenue.
Dennis Laycraft, vice-président exécutif, Association canadienne des bovins : Monsieur le président et membres distingués du comité, je vous remercie de m’offrir l’occasion de témoigner.
Je m’appelle Dennis Laycraft et je suis vice-président exécutif de l’Association canadienne des bovins. Par l’intermédiaire de nos membres provinciaux, nous représentons 60 000 producteurs de bovins de boucherie à travers le Canada.
Les producteurs et les éleveurs de bovins canadiens jouent un rôle essentiel dans la production alimentaire durable et la stabilité économique rurale, tant pour les Canadiens que pour les consommateurs du monde entier. Notre secteur apporte une contribution considérable à l’économie canadienne. L’année dernière, nous avons contribué à hauteur de plus de 15 milliards de dollars aux recettes agricoles et d’environ 40 milliards de dollars à l’économie canadienne dans son ensemble. En combinant la production bovine et notre industrie de transformation dans les domaines de l’alimentation et de la distribution, nous contribuons également au maintien de près de 347 000 emplois.
L’étude d’aujourd’hui porte sur la sécurité alimentaire. Pour les producteurs de bœuf canadiens, cela va de pair avec le commerce. Environ 50 % de notre production est destinée aux marchés internationaux, où les producteurs peuvent ajouter environ 40 % de valeur supplémentaire à chaque animal que nous produisons. Nous avons exporté pour 7 milliards de dollars de bétail vivant et de viande bovine, dont 6 milliards vers les États-Unis. Tout en continuant à chercher des possibilités de diversification, nous devons continuer à nous concentrer sur les relations entre le Canada et les États-Unis.
Notre secteur est très intégré, et l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement a été mise en place pour soutenir le libre-échange du bétail vivant et de la viande bovine. Le Canada et les États-Unis ont le plus important commerce bilatéral de bovins vivants et de viande bovine au monde. Les petits et moyens transformateurs et les systèmes alimentaires canadiens et américains dépendent du bétail canadien pour être compétitifs et rester en activité, et notre intégration est essentielle à la sécurité alimentaire en Amérique du Nord.
Il n’y a pas de meilleur exemple de cette intégration que ce qui s’est produit pendant la pandémie. L’agriculture et l’agroalimentaire ont été jugés essentiels et nos chaînes d’approvisionnement intégrées n’ont pas été perturbées. Nous devons rendre hommage à l’Agence canadienne d’inspection des aliments, l’ACIA, et à l’Agence des services frontaliers du Canada, l’ASFC, pour avoir maintenu ces services essentiels et assuré l’approvisionnement des rayons des épiceries au Canada et aux États-Unis. Nous continuons de demander que l’agroalimentaire soit considéré comme un service essentiel et que nos ports et nos frontières soient reconnus comme des infrastructures critiques pour garantir la sécurité alimentaire.
Outre le commerce, il est essentiel pour la compétitivité de notre secteur de disposer d’un cadre de réglementation solide. La croissance est freinée lorsqu’il existe des divergences réglementaires avec les États-Unis. Nous travaillons avec l’Agence canadienne d’inspection des aliments dans un processus réglementaire et scientifique approprié afin de supprimer la courte liste des matières à risque spécifiées pour les transformateurs canadiens, car cela nous permettra d’être plus compétitifs par rapport à nos homologues américains.
Je tiens à souligner que notre cheptel bovin est à son plus bas niveau depuis des décennies et que, sans un soutien et des initiatives d’orientation concrètes, nous risquons une nouvelle baisse de la production nationale, ce qui pourrait compromettre la capacité du Canada à tirer parti de la demande accrue de bœuf sur les marchés nationaux et mondiaux. L’amélioration de la réglementation, ainsi que le renforcement de programmes tels que l’assurance des prix du bétail et Agri-stabilité, qui contribuent à réduire les obstacles à la croissance et à encourager la prochaine génération de producteurs à se lancer dans l’industrie, sont des priorités. La simplification des réglementations pratiques qui favorisent un accroissement du cheptel, réduisent les coûts inutiles et permettent aux producteurs de rester compétitifs sera essentielle pour répondre à la demande future.
Nous attachons une grande importance aux jeunes producteurs, et ceux qui souhaitent se lancer dans notre secteur sont confrontés à des coûts d’investissement élevés et à une grande incertitude. Des programmes fédéraux ciblés et une réglementation modernisée peuvent permettre à la prochaine génération de bâtir des élevages bovins viables et d’inverser la tendance à la baisse du cheptel.
Le Canada a la capacité de produire davantage de bœuf, mais les producteurs ont besoin des outils et du soutien appropriés pour y parvenir. À notre avis, le monde a besoin de plus de bœuf canadien, et nous sommes ravis de travailler avec les sénateurs, les députés et les fonctionnaires pour tirer parti de cette occasion.
Le vice-président : Merci, monsieur Laycraft. Madame Farrell, vous disposez maintenant de cinq minutes pour faire votre déclaration. La parole est à vous.
Kristina Farrell, directrice générale, Aliments et boissons Canada : Bonsoir, honorables sénateurs, et merci de m’offrir l’occasion de contribuer à cette importante étude. Je m’appelle Kristina Farrell et je suis directrice générale d’Aliments et boissons Canada. Je suis accompagnée aujourd’hui de mon collègue Jean-Emmanuel Poitras, directeur de Politiques et affaires réglementaires.
Aliments et boissons Canada est l’association nationale qui regroupe les fabricants canadiens de produits alimentaires et de boissons. Nos membres comprennent les six associations provinciales et régionales de fabricants de produits alimentaires et de boissons, ainsi que des entreprises de toutes tailles.
La fabrication de produits alimentaires et de boissons est la plus importante industrie manufacturière du Canada en valeur de production et le plus grand employeur manufacturier du pays, puisqu’elle fournit des emplois de qualité à plus de 318 000 Canadiens. Quand nous parlons de la santé de cette industrie, nous parlons du gagne-pain de centaines de milliers de familles et de la stabilité de l’approvisionnement alimentaire dont dépendent les Canadiens.
La contribution de nos fabricants de produits alimentaires et de boissons est loin de se limiter à la production; ils sont les piliers de l’accès à la nourriture et du bien-être collectif. Permettez-moi de vous présenter quelques-uns de nos membres. Les Aliments LUDA est une petite entreprise familiale qui fait don de plus de 28 700 repas chaque année par l’intermédiaire de Moisson Montréal et d’autres banques alimentaires. Grâce à son partenariat avec Deuxième Récolte, la coopérative Aliments Gay Lea a versé 1,2 million de dollars en trois ans, soit l’équivalent de 5 millions de repas, à des ménages en situation d’insécurité alimentaire à travers le pays. Pour sa part, la coopérative Exceldor a toujours fait de son soutien aux collectivités une priorité en faisant don de produits avicoles de haute qualité, dont au moins 120 000 portions chaque mois.
Ces entreprises, et bien d’autres à travers le pays, sont des partenaires locaux essentiels, mais lorsque les usines ferment, les collectivités perdent des emplois, les agriculteurs perdent des marchés et les Canadiens perdent un accès fiable à la nourriture. Une industrie de transformation nationale forte est nécessaire si nous voulons prendre au sérieux la sécurité alimentaire.
La sécurité alimentaire du Canada ne dépend pas seulement de la quantité que nous produisons. Elle dépend également de notre capacité à transformer, emballer et distribuer les aliments ici même, chez nous. La COVID-19, les récents bouleversements dans les politiques commerciales, les conflits mondiaux et les perturbations dans les ports et les chemins de fer ont démontré que, sans capacité de production nationale, le Canada est vulnérable. Lorsqu’une usine alimentaire ferme, elle rouvre rarement. Nous ne pouvons pas compter uniquement sur les importations ou sur un marché mondial imprévisible pour nourrir les Canadiens en cas de crise.
Un système alimentaire résilient nécessite une solide capacité de production d’aliments et de boissons à l’échelle nationale. Nous pouvons produire toute l’agriculture primaire du monde, mais si nous ne pouvons pas la transformer ici, nous ne pouvons pas garantir aux Canadiens des aliments abordables et accessibles en cas de perturbations. Pour garantir l’accès des Canadiens à la nourriture, nous devons protéger et accroître la capacité de transformation nationale. Nous avons été déçus de l’absence d’annonce concernant un fonds de transformation alimentaire national dans le budget de 2025, un engagement pris par le Parti libéral lors des dernières élections fédérales.
Nous devons moderniser le régime de réglementation canadien. La lenteur ou le dédoublement des processus d’approbation rendent plus difficile l’innovation pour les entreprises et favorisent la fuite des investissements vers d’autres pays. Nous avons besoin d’un régime de réglementation qui contribue à la compétitivité tout en maintenant des normes de salubrité des aliments élevées.
Nous devons renforcer la stabilité de la main-d’œuvre, car une main-d’œuvre qualifiée et fiable est essentielle pour maintenir notre approvisionnement alimentaire. Les travailleurs étrangers sont essentiels au bon fonctionnement des entreprises dans tout le pays et jouent un rôle crucial dans la sécurité alimentaire du Canada. Nous avons besoin non seulement d’un accès continu au Programme des travailleurs étrangers temporaires, mais aussi de voies d’accès à la résidence permanente. Nous sommes encouragés par la mesure ponctuelle proposée dans le budget de 2025 pour un maximum de 33 000 titulaires de permis de travail et espérons que cette mesure donnera la priorité aux travailleurs de nos usines.
Enfin, pour relever les défis en matière de compétitivité, nos entreprises sont présentes sur les marchés mondiaux. Si le Canada ne reste pas compétitif sur les coûts d’énergie, d’emballage, de transport et autres, la production sera délocalisée vers d’autres pays. Chaque usine perdue est une perte permanente pour la sécurité alimentaire du Canada.
La sécurité alimentaire ne consiste pas seulement à cultiver des aliments, mais à les transformer de manière fiable et à grande échelle, ici au Canada. Il s’agit de garantir que, si nous sommes confrontés à une autre pandémie, à une autre perturbation commerciale ou à un autre choc sur les chaînes d’approvisionnement mondiales, nous puissions continuer à nourrir les Canadiens. Le Canada a un potentiel extraordinaire à titre de puissance alimentaire mondiale, mais pour nourrir les Canadiens de manière fiable et soutenir nos agriculteurs, nous devons nous assurer de disposer d’une industrie de fabrication d’aliments et de boissons forte, compétitive et résiliente.
Merci de votre attention. Nous serons heureux de répondre à vos questions.
Le vice-président : Merci pour vos commentaires, madame Farrell. Monsieur Lemaire, la parole est à vous.
Ron Lemaire, président, Association canadienne de la distribution de fruits et légumes : Merci de m’offrir l’occasion de m’adresser à vous.
Le secteur des fruits et légumes frais du Canada est un pilier de la sécurité alimentaire, de la santé publique et de la résilience économique de notre pays. L’agriculture et l’agroalimentaire contribuent pour plus de 149 milliards de dollars par an au PIB du Canada et emploient plus de 2,3 millions de Canadiens. Le secteur des fruits et légumes frais contribue pour 18,9 milliards de dollars au PIB et emploie 187 000 personnes, ce qui en fait l’un des principaux moteurs économiques de l’alimentation.
Malgré son importance, l’agriculture et la chaîne d’approvisionnement en fruits et légumes frais sont souvent sous-estimées par rapport à d’autres secteurs, alors même qu’elles sont le moteur de l’innovation, de la durabilité et de la sécurité alimentaire, des collectivités rurales aux centres urbains. Notre secteur évolue dans l’un des systèmes alimentaires les plus complexes au monde. Les produits frais sont très périssables et doivent être acheminés rapidement de la ferme à la table afin de préserver leur qualité, leur salubrité et leur valeur nutritionnelle. Cette périssabilité signifie que chaque maillon de la chaîne d’approvisionnement — producteurs, emballeurs, expéditeurs, détaillants et fournisseurs de services d’alimentation — doit travailler en étroite coordination et avec une agilité exceptionnelle. Des chaînes d’approvisionnement solides sont essentielles pour garantir aux Canadiens l’accès à des produits frais et abordables tout au long de l’année. Les investissements dans les infrastructures de la chaîne du froid, les ports modernes et les réseaux de transport efficaces sont fondamentaux pour maintenir l’intégrité de la chaîne d’approvisionnement et réduire les pertes d’aliments.
La complexité du secteur est souvent accentuée par la dépendance du Canada à l’égard de la production nationale et des importations provenant de près de 200 pays. Cela reflète la diversité des goûts que notre mosaïque culturelle exige au Canada. Nous sommes également confrontés à un désalignement de la réglementation, à la lenteur de la prestation des services et à la nécessité de moderniser l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement. Il est fondamental d’étudier la question.
Pour surmonter ces difficultés, le Canada doit adopter une approche coordonnée et systémique, en s’inspirant des politiques qui ont fait leurs preuves tant à l’échelle nationale qu’internationale. Des initiatives fédérales récentes, telles que la Politique alimentaire pour le Canada et l’adoption du projet de loi C-280, ont démontré l’impact d’investissements ciblés et d’une collaboration constante.
Les projets d’infrastructures alimentaires communautaires et la mise en place du Programme national d’alimentation scolaire peuvent contribuer de manière importante à améliorer l’accès à une alimentation saine et à réduire le gaspillage. Des programmes provinciaux tels que le Fonds des infrastructures alimentaires locales de la Colombie-Britannique montrent l’intérêt d’adapter les solutions aux besoins locaux.
Les succès internationaux doivent également être pris en compte. Des pays comme le Danemark et les États-Unis ont fait des progrès notables en intégrant la sécurité alimentaire dans leurs stratégies nationales et en élargissant leurs programmes de soutien. Les initiatives d’alimentation scolaire du Brésil et de l’Inde ont amélioré la nutrition des enfants et soutenu l’agriculture locale, tandis que les politiques climato-intelligentes en Afrique ont renforcé la résilience face aux chocs environnementaux. Nous devons examiner tous ces éléments d’un point de vue canadien afin de déterminer comment les intégrer à l’échelle nationale.
L’Association canadienne de la distribution de fruits et légumes, l’ACDFL, exhorte le gouvernement à soutenir le renforcement du système alimentaire et la sécurité alimentaire pour tous les Canadiens en accordant la priorité à la production alimentaire et à l’accès à la nourriture dans les lois, les politiques et la gestion des crises. L’ACDFL recommande au gouvernement de former un conseil consultatif sur la chaîne d’approvisionnement agroalimentaire qui servirait de forum permanent pour aider le Cabinet à promouvoir une approche interministérielle du changement.
Les orientations politiques en faveur du changement pourraient inclure l’application d’une perspective de sécurité alimentaire et de compétitivité à l’élaboration de politiques; je pourrai vous en dire plus en répondant à vos questions. Elles pourraient également inclure des investissements dans les capacités nationales, le renforcement de nos programmes de main-d’œuvre, l’amélioration des programmes d’accès à l’alimentation, le soutien à la résilience commerciale, le renforcement des systèmes de salubrité des aliments et la promotion de la stratégie « Achetez canadien ». Les investissements nationaux dans la sécurité alimentaire sont essentiels. Les infrastructures, l’innovation et les pôles alimentaires régionaux jouent tous un rôle dans la promotion de l’empreinte alimentaire locale à travers le pays. Le terminal alimentaire en est un bon exemple et un domaine dans lequel nous devons envisager d’investir.
En conclusion, le secteur des fruits et légumes au Canada est plus qu’une simple industrie — il est, comme je l’ai souligné, un pilier de la santé publique, de la durabilité et de la résilience nationale. En adoptant une approche systémique, en renforçant la production nationale et en investissant dans nos systèmes alimentaires, nous pouvons garantir aux Canadiens un accès fiable à des produits nutritifs et abordables, tout en faisant de nos producteurs des chefs de file de la sécurité alimentaire mondiale.
Je vous remercie de votre attention et je répondrai avec plaisir à vos questions au fur et à mesure.
Le vice-président : Merci pour vos déclarations liminaires.
Chers collègues, compte tenu du temps dont nous disposons, je suggère que, pour le premier tour, chaque sénateur dispose de cinq minutes, questions et réponses comprises.
La sénatrice Sorensen : MM. Laycraft et Lemaire ont répondu à ma première question, mais je vais la poser à nouveau. Les événements climatiques, le coût des aliments du bétail, les problèmes de transport ont tous une incidence sur la disponibilité et l’accessibilité financière à long terme — j’ai commencé par « le bœuf », mais j’ajouterai les fruits et légumes frais. Quelles mesures d’aide permettraient de stabiliser l’accès à des aliments nutritifs? Vous avez tous deux fait un excellent travail en énumérant plusieurs éléments. Je voudrais revenir — et c’est quelque chose que Mme Farrell a dit, donc si vous voulez intervenir aussi — et poser des questions, en particulier, sur la pénurie de main-d’œuvre et le vieillissement des usines. Pourriez-vous peut-être développer ces deux points?
Monsieur Laycraft, voulez-vous commencer? Nous sommes des partenaires de vol. Nous volons souvent ensemble.
M. Laycraft : Je commencerai par la main-d’œuvre. Nous avons fait appel à — et je répugne presque à les appeler « travailleurs étrangers temporaires »; je préfère « travailleurs internationaux ». Ils sont devenus une ressource importante pour nos usines de transformation du bœuf. Les dirigeants d’entreprise ont essayé d’embaucher au pays — c’est leur priorité chaque fois qu’ils cherchent du personnel — mais ces travailleurs sont devenus un élément fondamental de notre industrie de transformation du bœuf.
C’est également le cas aujourd’hui pour les petites et moyennes usines. Elles sont confrontées à des obstacles plus importants. Si vous êtes une grande usine, vous disposez d’un service des ressources humaines qui s’en charge. Si vous êtes une petite usine, vous êtes le service des ressources humaines. C’est un autre problème.
Par contre, nous devons nous assurer de maintenir un flux. C’est important lorsque nous recrutons ces employés. Il y aura une formation qui peut s’étendre jusqu’à 37 semaines. Vous n’allez pas recruter des personnes formées à nos systèmes de transformation et de salubrité des aliments au Canada. Il a été vraiment important de donner cette formation.
Je voudrais également faire un commentaire sur la recherche. Il en a été question plus tôt. Alors que nous composons avec la résilience climatique et tout le reste, la recherche demeure un élément fondamental pour l’avenir. Je sais que vous avez interrogé Agriculture et Agroalimentaire Canada, mais dans ce budget, il y a une certaine incertitude quant à l’impact que cela aura sur le financement de base des chercheurs dans les stations de recherche d’Agriculture Canada. Ils nous ont été d’une grande aide dans la mise en place et le renforcement des systèmes de gestion.
J’ai mentionné certains de nos filets de sécurité. En cas de sécheresse ou d’autres problèmes, surtout pour les jeunes producteurs, ces filets de sécurité peuvent être la différence entre la poursuite ou l’arrêt de l’activité.
M. Lemaire : Je voudrais revenir sur le Programme des travailleurs étrangers temporaires. Je sais qu’il y a eu beaucoup de discussions sur ce qu’il convient de faire avec ce modèle au Canada. Dans le domaine de l’agriculture, le Programme des travailleurs agricoles saisonniers est fondamental, et nous encourageons le gouvernement du Canada à ne pas nuire à ce programme. C’est un modèle qui fonctionne parfaitement et qui permet aux producteurs, aux agriculteurs et aux autres acteurs de notre industrie agricole de cultiver, de récolter et de livrer efficacement des aliments aux Canadiens. Ce sont des emplois dont les Canadiens ne veulent pas, surtout dans les régions rurales du Canada, où nous n’avons pas le bassin de main-d’œuvre nécessaire pour recruter. Le Programme des travailleurs étrangers temporaires dans le cadre du PTAS est donc essentiel pour progresser de manière stratégique et assurer la sécurité alimentaire à long terme.
En outre, nous devons nous pencher sur les infrastructures. Nous devons examiner l’efficacité de nos autoroutes et de nos infrastructures et envisager la possibilité de créer des voies doubles afin de permettre aux camions de se déplacer d’un bout à l’autre du pays le plus efficacement possible, ainsi que la question du poids au printemps. Cela peut sembler ridicule, mais dans certaines provinces — et la sénatrice Robinson connaît bien ce sujet —, il faut harmoniser les poids des camions circulant au printemps, car ils doivent parfois s’arrêter à la frontière du Québec et réduire leur poids pour traverser la province. Cela ajoute des coûts au système, par exemple.
Mme Farrell : Il y a bien sûr une pénurie chronique de main-d’œuvre, ainsi qu’un vieillissement de la population active, et bien que le Programme des travailleurs étrangers temporaires soit essentiel, nous avons aussi dans nos usines des personnes dont le permis de travail arrive à échéance et qui n’ont aucun moyen d’obtenir la résidence permanente. Il ne s’agit pas seulement d’avoir suffisamment de personnel, mais aussi d’avoir des personnes possédant les compétences requises et de les attirer vers notre secteur d’activité, où se trouvent ces emplois, parfois dans des collectivités rurales et nordiques.
La sénatrice Sorensen : Merci beaucoup.
Le vice-président : Bravo.
La sénatrice Muggli : J’admets que je suis un peu distraite en ce moment par l’idée d’un bon bifteck saignant accompagné d’une pomme de terre au four de l’Île-du-Prince-Édouard et d’une salade fraîche.
Ma plume m’a incitée à poser cette question, qui est inspirée de la VIDO, la Vaccine and Infectious Disease Organization. Auriez-vous des propositions ou des observations à ajouter à la conversation concernant les investissements qui s’imposeraient dans la gestion des maladies? Monsieur Laycraft, voulez-vous bien commencer?
M. Laycraft : C’est intéressant. La semaine dernière, nous avons mené une simulation en collaboration avec l’ensemble du secteur et Santé animale Canada. On investit actuellement dans la banque de vaccins contre la fièvre aphteuse. Il est extrêmement important que nous poursuivions et maintenions cet effort.
Nous devons continuer à moderniser l’ensemble de nos systèmes pendant cette période. La biosécurité revêt une importance capitale, notamment dans nos ports et nos aéroports, où il est essentiel de maintenir la sécurité. Cependant, l’un des éléments fondamentaux d’un programme de lutte contre les maladies animales exotiques est le maintien de programmes d’indemnisation adéquats. Partout dans le monde, on constate des problèmes liés à la propagation des maladies animales exotiques. Cela se produit lorsque les gouvernements n’indemnisent pas les producteurs directement touchés, ce qui décourage les intéressés de signaler les cas. Au Canada, nous offrons des indemnités. Nous avons actuellement des problèmes liés à la tuberculose, car la valeur de notre bétail a augmenté à un rythme qui dépasse les indemnisations maximales. Ces problèmes sont maintenant résolus, mais ils auraient dû l’être plus tôt.
Je reviens aux principes fondamentaux d’un programme efficace de lutte contre les maladies animales exotiques, à savoir, je le répète, disposer d’une infrastructure vétérinaire et d’un programme d’indemnisation afin que tout le monde y participe et qu’il n’y ait aucune dérogation.
La sénatrice Muggli : Et qu’en est-il du volet de la recherche?
M. Laycraft : Nous poursuivons nos efforts dans ce sens. Absolument. Depuis plusieurs années, nous collaborons avec les services de recherche pour mettre au point un nouveau test de dépistage de la tuberculose, par exemple. Le processus est très lent lorsqu’il s’agit de culture. Ainsi, tout ce que nous entreprenons dans ce domaine, aussi inhabituel que cela puisse paraître, concerne une maladie animale exotique à laquelle nous n’avons pas été confrontés depuis 70 ans et que la plupart de nos vétérinaires praticiens n’ont jamais vue.
La sénatrice Muggli : Si vous pouvez trouver un vétérinaire.
M. Laycraft : Oui. C’est plus que de la simple recherche. Il s’agit de tout rassembler, et c’est là qu’un groupe comme Santé animale Canada joue un rôle très important.
M. Lemaire : Je parlerai de la compétitivité relative aux outils de protection des cultures et des défis que posent les retards et les délais d’attente extrêmement longs pour l’examen des nouveaux outils que notre industrie peut utiliser au sein de l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, l’ARLA. Comment envisager, dans le cadre d’une stratégie de réduction des formalités administratives, la création de voies accélérées plus efficaces et l’acceptation de l’équivalence de différents outils ou technologies de protection des cultures?
Par exemple, en 2018, ils ont commencé à élaborer une stratégie relative aux drones afin de permettre à nos producteurs — et j’ai deux producteurs avec moi ici devant le comité — de cibler essentiellement l’application d’outils de protection des cultures pour le blé, ce qui permettrait de réduire l’utilisation de matériaux, de livrer des produits de manière plus compétitive et plus efficace et, en fin de compte, de renforcer la compétitivité des agriculteurs sur les marchés nationaux et internationaux. Depuis 2018, aucun travail n’a été effectué, et ils indiquent que ce n’est qu’en 2027 que sera commercialisé un modèle qu’ils pourront mettre en œuvre.
Les États-Unis ont déjà mis cela en place. Nos modèles de vent, de soleil et de terrain sont semblables. Nous devrions examiner les modèles utilisés aux États-Unis, les pratiques exemplaires et la manière dont nous pourrions les adapter au Canada, à un cadre canadien.
La sénatrice Muggli : La Chambre des communes va présenter un projet de loi sur la prévision des sécheresses et des inondations, qui sera probablement très important lui aussi.
Mme Farrell : La sécurité alimentaire est primordiale pour nous, mais je ne dirais pas que c’est forcément de notre ressort. Je me tournerais plutôt vers les groupes de producteurs primaires, ceux qui ont déjà parlé.
La sénatrice Muggli : Merci.
La sénatrice Robinson : Par où commencer? Tout d’abord, toutes nos félicitations, monsieur Laycraft. Vous avez été intronisé au Temple canadien de la renommée agricole. C’est remarquable.
Des voix : Bravo!
M. Laycraft : Je me trouve en excellente compagnie.
La sénatrice Robinson : C’est formidable à voir. J’aimerais approfondir une question sous l’angle de la rentabilité et de la prévisibilité, en reconnaissant que les agriculteurs et les éleveurs sont des entrepreneurs, des personnes qui attendent un rendement raisonnable de leurs investissements.
Dans votre déclaration liminaire, vous avez beaucoup insisté sur le fait que nous nous sentons parfois pieds et poings liés en ce qui concerne le financement pour la gestion des risques commerciaux. Je constate aujourd’hui que l’âge moyen des producteurs canadiens est de 57 ans. Il continue d’augmenter légèrement par rapport à mon âge, ce qui me réjouit. Cependant, cela signifie que nous nous trouverons bientôt face à un renouvellement générationnel de taille.
Que se passerait-il si nous ne parvenions pas à atteindre une rentabilité prévisible? Nous avons beaucoup entendu parler du stress que cela engendre, en particulier pour les producteurs de canola de la Saskatchewan, qui doivent acheminer leurs récoltes vers un port, mais qui se heurtent au refus des chemins de fer et à la disparition de leurs marchés. Par conséquent, cela dissuade les gens de s’engager dans la production alimentaire au Canada. Pourriez-vous nous parler de ce que cela signifie pour la sécurité alimentaire et le coût des denrées alimentaires?
M. Laycraft : C’est demander beaucoup.
La sénatrice Robinson : Oui.
M. Laycraft : Tout d’abord, il y a une grande diversité parmi les producteurs. Il faut créer un environnement dans lequel ils sont concurrentiels afin que nous puissions rivaliser principalement avec les États-Unis et un certain nombre d’autres transformateurs. Cela commence par un environnement réglementaire approprié. Il ne faut pas de formalités administratives inutiles. Certains règlements sont très importants.
Comment pouvons-nous attirer davantage de jeunes producteurs? Nous avons notre Programme Jeunes leaders. Nous en voyons de plus en plus rester. Nous avons des filets de sécurité, mais regardez les États-Unis et leur programme d’assurance des prix du bétail. Pendant les cinq premières années, ceux qui sont considérés comme de jeunes producteurs reçoivent une aide pour leurs primes. Ils paient moins cher pour s’assurer, et c’est à ce moment-là que vous avez le plus besoin de l’assurance. Il est difficile d’obtenir le financement.
Il y a cela, mais aussi la sécurité du marché. Nous avons eu de la chance. La Chine, dans une mesure très injustifiée, nous a fermé ses portes en 2021, mais nous avons vu la valeur de nos exportations continuer à augmenter, même si nous avons perdu l’un de nos plus gros clients, car nous bénéficions d’un certain degré de diversification des marchés et d’autres relations étroites. Nous avons de nombreux amis aux États-Unis. Je viens de les rencontrer là-bas. Dans le secteur agricole, ils souhaitent que nous menions à bien ces négociations et que nous conservions l’ACEUM, comme nous l’appelons. Selon eux, il faut ne causer aucun tort.
La sénatrice Robinson : Nos bovins sont l’incarnation même de la double citoyenneté, n’est-ce pas?
M. Laycraft : En effet. Nous importons actuellement 388 000 têtes de bovins d’engraissement, certains en Ontario, d’autres dans l’Ouest canadien, car notre cheptel bovin est en baisse. Cela a contribué à soutenir les prix et a permis à nos transformateurs de maintenir un niveau d’activité élevé.
Je tiens à souligner que nos exportations contribuent en réalité à augmenter l’abordabilité des aliments au Canada. Cela peut sembler paradoxal, mais les types de produits que nous exportons vers l’Asie sont des produits que l’on ne trouverait généralement pas dans les magasins au Canada. Notre marché intérieur est principalement axé sur les steaks, les rôtis et le bœuf haché. En Asie, on préfère le bout de côtes, la poitrine, la hampe, les flancs et la palette.
La sénatrice Robinson : Oui, la langue et la tête.
M. Laycraft : J’ai déjà vu au Japon des langues fraîches destinées au barbecue vendues à un prix supérieur à celui d’un contre-filet de New York. En obtenant une valeur plus élevée là-bas, nous rendons en fait les steaks, les rôtis et le bœuf haché plus abordables au Canada, car nous répartissons la valeur de manière plus uniforme sur l’ensemble de l’animal.
La sénatrice Robinson : Excellent point. J’aime beaucoup ça.
Monsieur Lemaire, pourriez-vous nous parler brièvement de votre compétitivité et, si j’ai bien compris, de votre productivité?
M. Lemaire : C’est très semblable à l’industrie de la viande. Notre industrie des serres en Ontario en est un exemple : 85 % des produits cultivés sont expédiés aux États-Unis. Si nous conservions ces produits au Canada, nous ne pourrions pas consommer tout le volume qui serait sur le marché. Cependant, ces économies d’échelle permettent aux Canadiens d’acquérir des denrées alimentaires à un prix avantageux grâce au volume que nous exportons, tout en en gardant assez pour les Canadiens.
Le sénateur Varone : Quel est l’avenir de la production en serre? Je pose cette question, car la sénatrice McBean et moi-même avons visité une exploitation agricole en serre. Vous avez mentionné plusieurs points importants dans votre déclaration liminaire concernant la périssabilité des légumes, des fruits et des légumes-feuilles. Ils ont fait remarquer qu’ils appliquent le principe de la production sans contact. Personne ne touche quoi que ce soit. La durée de conservation est de deux mois, car la production se fait dans un environnement frais, à l’abri de la lumière du soleil. Les produits peuvent rester dans votre réfrigérateur pendant deux mois tout en conservant leur fraîcheur.
L’âge moyen de leurs employés n’est pas la moyenne canadienne de 57 ans, mais 27 ans. De plus, ils sont tous hautement qualifiés. La capacité de production de chaque pied carré de serre nécessiterait 35 pieds carrés à l’extérieur. Ainsi, 2 acres de serres équivalent à 80 acres de terrain. Est-ce là notre avenir? Ou bien sommes-nous sur la mauvaise voie en raison de la surproduction que cela pourrait entraîner?
M. Lemaire : C’est une excellente question. Il y a un équilibre entre la croissance que nous observons dans la production en serre et celle de l’agriculture en environnement contrôlé, car divers facteurs entrent en jeu, de la culture en conteneurs à la culture en serre, en passant par la culture à l’ombre et la production en entrepôt.
Nous devons nous concentrer sur les outils adaptés aux marchés que nous devons desservir et aux produits que nous pouvons cultiver. Si le soleil est gratuit au Canada, lorsqu’on cultive en plein air, les conditions météorologiques ne nous offrent qu’une période de production limitée, ce qui nous incite à envisager des stratégies de culture en serre de manière plus ciblée.
Ce mode de fonctionnement s’étendra-t-il à tous les domaines? Non. Cela est fonction simplement de la nature même de l’activité, de l’espace disponible et des investissements nécessaires. Les investissements actuels pour développer une serre ne sont pas négligeables. Pour revenir aux défis fiscaux et au coût du rendement des investissements, de nombreux producteurs de serres étudient le marché au Canada, au Mexique et aux États-Unis, puis choisissent l’endroit où ils veulent investir pour croître.
Au Canada, nous ne facilitons pas vraiment l’expansion des entreprises horticoles sous serre. Nous devons envisager davantage de mesures incitatives pour permettre aux entreprises canadiennes de croître et pour permettre au capital-risque et au capital-investissement d’investir dans ces entreprises, car c’est de là que provient actuellement l’argent. Cela afin de nous permettre de continuer à innover, de diversifier nos produits et de répondre à la demande des Canadiens.
Il y aura une croissance continue. Il faut mettre en place les outils adéquats à l’échelle gouvernementale, que ce soit pour le cadre fiscal, le cadre de travail ou un modèle d’incitation à l’expansion, plutôt que de voir les entreprises déménager aux États-Unis et grandir en Virginie et dans d’autres régions d’Amérique du Nord.
Le sénateur Varone : Merci. Cette question s’adresse à Mme Farrell.
La plupart des entreprises de production alimentaire et de boissons que je connais sont situées dans les grands centres urbains. Cela dit, elles sont en concurrence avec les coûts fonciers et immobiliers à la valeur marchande. Ces coûts ont considérablement augmenté au cours des 15 dernières années. Bien des acteurs de ce secteur se sont demandé pourquoi ils poursuivaient leurs activités alors qu’ils pourraient vendre leur entreprise à un promoteur immobilier et prendre une retraite confortable.
Comment négocier avec le gouvernement fédéral? Toutes ces terres appartenant au gouvernement fédéral sont affectées au logement, mais pas à l’industrie, qui est pourtant essentielle à nos besoins. Participez-vous à ces débats en souhaitant que des producteurs de denrées alimentaires et de boissons y participent?
Mme Farrell : L’accès à des terrains adéquats pour la fabrication de produits alimentaires et de boissons constitue un enjeu important, en particulier à l’échelle provinciale. Ce ne sont pas toutes les petites collectivités qui souhaitent se trouver à proximité d’une usine de transformation du bœuf, par exemple. Bon nombre de nos usines au Canada vieillissent. Tout d’abord, nous avons besoin de fonds pour moderniser nos infrastructures. Beaucoup d’entre elles sont équipées de matériel vieux de plusieurs décennies.
La construction d’une nouvelle usine moderne est extrêmement coûteuse, en particulier en cette période d’incertitude. C’est pourquoi il est essentiel de veiller à ce que les usines existantes ne ferment pas.
Le sénateur Varone : Êtes-vous en discussion avec le gouvernement fédéral?
Mme Farrell : Concernant le logement dans le cadre de...
Le sénateur Varone : Non, concernant leur réserve de terrains.
Mme Farrell : Sur leur réserve de terrains? Non, pas actuellement, mais nos associations provinciales collaborent avec les gouvernements provinciaux sur ce sujet.
La sénatrice McBean : J’aime beaucoup lorsque les conversations en comité trouvent un cours naturel. Vous avez tous les trois mentionné les syndicats et les PME. Mes collègues ont parlé des syndicats et de la technologie. Je m’interroge sur l’avenir.
Je commencerai par vous, monsieur Laycraft. La première occasion de discussion et conférence agricole à laquelle j’ai assisté portait sur l’intelligence artificielle et la robotique. Il était question de la manière dont l’intelligence artificielle et la robotique, en particulier dans le domaine de la transformation de la viande bovine, allaient éliminer les tâches pénibles, dangereuses et malpropres. C’était à la fois déconcertant et fascinant, notamment en ce qui concerne l’éviscération.
Si nous envisageons l’avenir et pensons à la protection des petites et moyennes usines de transformation, car il sera plus difficile pour celles-ci d’adopter la robotique et d’autres technologies de ce genre, quel sera l’avenir de l’emploi? Vous avez mentionné que 347 000 emplois relevant de l’Association canadienne des bovins concernent la transformation. Quel est l’avenir des emplois dans ces organisations, et que peut faire le gouvernement fédéral pour former les Canadiens et les préparer à des rôles plus modernes?
M. Laycraft : J’ai trouvé que la question de la sénatrice Robinson était de taille. Celle-ci est une excellente question.
Nous avons constaté que l’automatisation dans le secteur de la transformation de la viande bovine était plus difficile que dans d’autres secteurs. Il s’agit d’un produit plus diversifié. Certaines parties vont être automatisées. Par exemple, chez JBS, toute la mise en carton est, pour l’essentiel, entièrement automatisée. Lorsque le carton quitte l’usine, tout est trié. Le système peut emballer les produits plus efficacement que les êtres humains grâce au logiciel d’expédition, qu’il s’agisse d’exportation ou de livraison à l’intérieur du pays.
À l’heure actuelle, des technologies remarquables sont utilisées dans le domaine de la santé animale. Il est possible de détecter les premiers signes d’un changement de comportement chez les animaux, ce qui indique généralement le début d’un problème de santé. Plus l’intervention est précoce, moins le traitement est lourd.
Le bétail est quelque peu différent du porc ou de la volaille. On en trouve beaucoup plus. Le bovin est en réalité le premier biodigesteur. Son grand avantage est qu’il consomme des aliments que les humains ne peuvent pas manger et les transforme en un produit de grande valeur. Les pâturages naturels constituent probablement le meilleur système de stockage du carbone au monde.
Nous voyons toujours un avenir prometteur pour la production classique, mais lorsque l’on se penche sur les petites exploitations, une fois que l’on supprime certaines barrières réglementaires, je pense qu’il y aura ce que j’appelle une sorte de compartimentation, avec des technologies plus modestes qui ne nécessitent pas l’échelle d’une grande usine. Elles ne pourront jamais rivaliser avec les économies d’échelle totales des grandes usines, mais nous avons des clients qui veulent avoir des transformateurs locaux. C’est là toute la beauté du choix varié qu’offre notre système de distribution alimentaire.
La sénatrice McBean : Je me souviens avoir aimé avoir une quincaillerie locale, mais elles ont toutes fermé leurs portes. J’aimais ma quincaillerie locale. J’aurais voulu qu’elle soit toujours là. Je n’aime pas les grandes surfaces.
Je me souviens avoir entendu parler de l’arrivée de l’intelligence artificielle et du fait qu’elle serait même capable, à un moment donné, d’abattre du bétail. Monsieur Lemaire, vous avez évoqué l’arrivée des drones, qui s’attaquent directement aux mauvaises herbes et autres nuisibles. Admettons que l’IA et la technologie font leur apparition. Notre main-d’œuvre sera-t-elle en mesure d’occuper ces emplois? Que peut faire le gouvernement en matière de politique pour garantir que les Canadiens des petites villes et des zones rurales puissent continuer à travailler dans les secteurs qu’ils aiment?
M. Lemaire : Il doit y avoir une stratégie avec les provinces. C’est la première étape. Il s’agit d’une discussion de fond. Dans les collèges et les universités, personne ne pense à l’agriculture. Nous sommes l’industrie oubliée. Tout le monde se tourne vers l’automobile. Ils se rendent en Alberta, attirés par le pétrole. Les gens oublient que l’agriculture ne se résume pas au travail dans les champs. L’éventail des emplois offerts dans l’ensemble de notre secteur est assez complexe. Vous pouvez être ingénieur ou agronome. Les possibilités sont nombreuses.
Nous devons mieux communiquer cette information non seulement dans le secteur, mais aussi à l’échelle provinciale et fédérale, afin que les gens sachent qu’il existe un parcours vers l’éducation et la sécurité d’emploi grâce à cette possibilité d’adopter la technologie.
La sénatrice Burey : Sénatrice McBean, vous m’avez convaincue de l’importance de l’éducation. Je ne m’avancerai pas sur ce sujet, mais j’aimerais beaucoup entendre d’autres idées encore.
J’aimerais revenir sur l’infrastructure alimentaire locale et approfondir les observations et les idées sur le concept de la ferme à la table. Pourriez-vous développer ce point? Mon autre question concerne votre conseil consultatif sur la chaîne d’approvisionnement, une de vos recommandations.
M. Lemaire : En commençant par les infrastructures alimentaires locales, j’aimerais aborder le sujet du Marché des produits alimentaires de l’Ontario. La sénatrice McBean a eu l’occasion de visiter ce marché cet été.
Le Marché des produits alimentaires de l’Ontario approvisionne le Canada en fruits et légumes frais. À l’heure actuelle, les producteurs locaux qui vendent leurs produits au terminal le font à partir d’étals extérieurs, de camions frigorifiques et d’unités réfrigérées temporaires. Dans le cadre des dépenses fédérales actuelles en matière d’infrastructures, nous avons demandé 125 millions de dollars pour construire des chaînes du froid intérieures. Les producteurs disposeraient ainsi d’un entrepôt intérieur. Ils pourraient fonctionner comme n’importe quel autre grossiste vendant des produits locaux, depuis le centre-ville de Toronto jusqu’au nord de l’Ontario, en passant par Terre-Neuve, la Nouvelle-Écosse, la Colombie-Britannique et l’Alberta. Le Marché des produits alimentaires alimente plus de 5 000 acheteurs dans tout le pays en fruits et légumes frais locaux, ainsi que, bien sûr, certains produits importés. Cet investissement dans un carrefour alimentaire local tel que le Marché des produits alimentaires peut inciter et aider les agriculteurs à trouver de nouveaux débouchés pour leurs produits. C’est la première étape.
En ce qui concerne le soutien à un modèle de distribution plus étendu, comment pouvons-nous envisager cela? Lorsque nous examinons la croissance et les changements à l’échelle locale, et que les petits agriculteurs doivent être plus efficaces et se concentrer davantage sur la combinaison des ventes avec leurs partenaires au sein de la collectivité, puis trouver des marchés pour ces produits dans tout le pays, les règles d’étiquetage deviennent plus complexes, tout comme les exigences en matière d’emballage, et ainsi de suite. De nombreux agriculteurs ont besoin d’aide pour commercialiser leurs produits. Nous devons envisager des stratégies pour leur permettre de passer plus facilement d’un modèle de distribution à un cadre communautaire pour vendre leurs produits.
La sénatrice Burey : Merci. Aviez-vous l’intention de parler du conseil consultatif?
M. Lemaire : Comment pouvons-nous y parvenir? Il ne s’agit pas uniquement de fruits et légumes. Il s’agit essentiellement d’une combinaison entre l’agroalimentaire et l’industrie agroalimentaire, qui rassemble les principaux acteurs qui fonctionnent actuellement de manière très informelle, afin de commencer à conseiller le gouvernement sur la manière de mettre en place les cadres politiques appropriés pour favoriser le commerce, développer les infrastructures alimentaires locales, mettre en place des stratégies pouvant être reliées aux programmes alimentaires scolaires, aux programmes de nutrition, ainsi que d’autres éléments pouvant être reliés à l’éducation et à d’autres canaux traditionnellement pris en charge par le ministère de l’Agriculture.
Le problème est que nous avons restreint notre secteur à un seul ministère. Je collabore avec le ministère de l’Agriculture, Innovation, Sciences et Développement économique Canada, Transports Canada et Finances Canada. Nous ne sommes pas un secteur à vocation unique. Nos activités sont réparties dans plusieurs domaines de compétence. C’est là que ce conseil consultatif peut jouer un rôle essentiel en aidant davantage de ministères à comprendre que nous sommes un moteur économique, que nous pouvons être à l’origine de changements dans le pays, que nous pouvons stimuler l’emploi et, en fin de compte, que nous nourrissons les Canadiens.
La sénatrice Burey : Merci.
La sénatrice Muggli : Voici l’occasion de résumer. Au cours des trois à cinq prochaines années, quels sont, selon vous, les principaux défis en matière de sécurité alimentaire dans votre domaine, et quelle incidence ces défis auront-ils sur les Canadiens?
M. Lemaire : Comme je l’ai mentionné précédemment, ce sont les formalités administratives de Santé Canada qui retardent l’accès à de nouveaux outils innovants pour la protection des cultures.
La sénatrice Muggli : À l’heure actuelle, quel est le principal obstacle bureaucratique ou la principale difficulté?
M. Lemaire : Le processus d’examen.
La sénatrice Muggli : Examen dans quel but?
M. Lemaire : Pour les outils de protection des cultures qui entrent dans le système. Les entreprises membres de CropLife, pour la plupart, ne veulent investir ni temps ni argent dans le marché canadien, qui ne compte que 40 millions de personnes, en raison des obstacles auxquels elles doivent faire face. C’est une première étape. L’autre étape consiste à se demander, lorsque nous voyons des produits utilisés dans d’autres pays et que ces produits arrivent au Canada, pourquoi les agriculteurs canadiens ne peuvent pas utiliser les mêmes outils de protection des cultures que ceux utilisés à l’étranger.
En s’inspirant de partenaires commerciaux comme les États-Unis, M. Kody Blois a déposé un projet de loi d’initiative parlementaire visant à harmoniser les stratégies de protection des cultures et à déterminer comment l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, ou l’ARLA, pourrait tirer parti de cette expérience pour mettre en place les modèles scientifiques et de risque appropriés. Cela devrait être adopté au Canada. Il faut mettre en œuvre ce genre de stratégie afin que l’adoption de nouvelles technologies se fasse plus efficacement.
J’aimerais parler rapidement du commerce. En ce qui concerne la prévisibilité, qui a été mentionnée précédemment, nous devons nous assurer que notre marché des fruits et légumes frais repose sur un modèle de libre-échange. Dans de nombreux cas, la marge est de 5 %. Si notre principal partenaire commercial venait à appliquer un droit de douane de 5 % à notre secteur, cela entraînerait la disparition de nombreuses exploitations agricoles. Il est primordial que l’ACEUM soit mis en œuvre tel quel. Il faut garantir un niveau de libre-échange nul. Nous devons veiller à préserver la prévisibilité avec notre principal partenaire commercial. Nous pouvons diversifier nos partenaires commerciaux autant que nous le voulons, mais, dans le secteur des fruits et légumes frais, compte tenu de leur caractère périssable, il est plus difficile de vendre sur des marchés éloignés que sur le deuxième marché mondial, qui est notre voisin.
La sénatrice Muggli : Si je me souviens bien, la question d’adopter les produits dont nous savons qu’ils conviennent à une région donnée a également été abordée dans l’étude sur les sols.
M. Laycraft : Je partage certaines de ces observations. Bien que la sécurité des marchés soit d’une importance capitale, elle se concerne principalement sur les marchés clés. Nous sommes actuellement en pourparlers avec des marchés émergents qui n’adhèrent pas aux mêmes normes en matière de législation du travail ou de sécurité alimentaire. Dans le cadre de l’examen des accords commerciaux, il est essentiel de considérer l’intégralité des aspects afin de garantir des conditions équitables pour toutes les parties prenantes. Il est impératif d’instaurer la confiance dans les perspectives d’avenir, notamment dans le secteur commercial.
Je souhaiterais aborder un point particulier concernant les délais. Nous constatons que l’approbation de certaines initiatives requiert plus de temps au Canada que chez nos partenaires commerciaux. Aux États-Unis, l’Agricultural Marketing Service existe. À titre d’exemple, je citerai la certification par des tiers. Dès 2010, les États-Unis ont initié l’approbation d’auditeurs tiers dans un délai de six mois pour l’accès au marché de l’Union européenne. Ils disposent actuellement de 52 entités accréditées. Nous avons pris contact avec l’Agence canadienne d’inspection des aliments, ou ACIA, en 2017 et nous en sommes toujours à la phase initiale. L’un des candidats détient déjà une certification américaine.
Un obstacle se pose également au niveau provincial, notamment dans le cadre de l’approbation rapide de nouvelles exploitations. Nous avons l’exemple d’un projet de biodigesteur dont le processus d’approbation aux États-Unis par le même groupe de propriétaires, est bloqué au Canada depuis trois ans, tandis qu’il a obtenu son approbation en seulement 30 jours au Texas.
La sénatrice Muggli : Cette situation me rappelle l’expérience vécue avec l’équipement hospitalier pour les robots chirurgicaux, à laquelle j’ai participé.
Mme Farrell : Je soulignerais la problématique de la main-d’œuvre, qui demeure un défi persistant. Nous devons attirer davantage de professionnels dans l’industrie de la fabrication de produits alimentaires et de boissons. Nous faisons face au vieillissement de la main-d’œuvre et aux départs à la retraite, ce qui exacerbera ce problème dans les années à venir.
La sénatrice Robinson : Je dois changer de sujet, car vous anticipez constamment mes questions.
Je souhaiterais m’adresser à Mme Farrell. Nous avons pris connaissance des discussions relatives au rapport Barton, et je souhaite aborder la manière dont nos opportunités au Canada, concernant l’atteinte de cet objectif ambitieux, résident dans la création d’une valeur ajoutée accrue sur le territoire canadien, ce que vous représentez, à mon sens. Quelles recommandations formuleriez-vous pour renforcer la compétitivité du Canada afin d’attirer ces investissements? Je suppose que vos suggestions porteront sur la prévisibilité de la main-d’œuvre et les éléments connexes. Pourriez-vous détailler ce point?
Mme Farrell : Il s’agit de s’assurer de disposer d’une main-d’œuvre qualifiée adaptée à nos besoins. Nous sommes en concurrence avec d’autres secteurs pour attirer ces travailleurs qualifiés. Tout investissement majeur dans l’industrie automobile génère une concurrence pour ces talents; par conséquent, la main-d’œuvre constitue indéniablement un facteur important.
Il est également question de créer un environnement d’investissement prévisible. Je comprends la difficulté actuelle de cette démarche, compte tenu de la conjoncture mondiale. Certaines mesures peuvent être prises. Le budget de 2025 prévoit des crédits d’impôt visant à accroître la productivité, ce qui est bénéfique et encouragera les entreprises à investir dans leurs usines, leurs machines et leurs équipements, et à maintenir leurs investissements ici, au Canada. Nous pourrions néanmoins intensifier nos efforts, par exemple en instaurant un fonds de transformation national pour inciter les entreprises à demeurer au Canada, à y conserver leur main-d’œuvre et à y produire également leurs aliments.
La sénatrice Robinson : Merci. L’un d’entre vous pourrait-il me fournir les statistiques? Je sais qu’il existe une statistique indiquant que chaque travailleur étranger qui vient au Canada pour travailler dans l’agriculture soutient un certain nombre d’emplois.
M. Lemaire : Nous avons discuté de ce point aujourd’hui. Le chiffre s’établit à un peu moins de trois emplois.
La sénatrice Robinson : Pourriez-vous expliciter cette donnée?
M. Lemaire : Développons ce concept. L’arrivée d’un travailleur étranger temporaire a un impact sur trois emplois canadiens supplémentaires, ainsi que sur les avantages fiscaux provinciaux et fédéraux, qui sont alors injectés dans notre système. Ces individus sont désormais en mesure d’investir dans notre propre économie. Il s’agit d’un effet d’entraînement, mais l’agriculture n’est souvent pas perçue comme un facteur influent.
Je reviens à la question de savoir comment ériger le Canada en superpuissance alimentaire. La première étape consiste à maintenir les investissements dans tous les composants de notre communauté agricole, incluant les travailleurs étrangers temporaires, les stratégies d’innovation telles que l’IA, les investissements dans nos infrastructures pour acheminer les produits de la ferme au consommateur et l’allègement du fardeau réglementaire pesant sur la communauté agricole. Nous continuons d’évoquer la bureaucratie, qui s’avère extrêmement dysfonctionnelle à bien des égards.
Nous avons eu une excellente réunion avec le président de l’ACIA aujourd’hui. Nous avons abordé un point simple. Si je souhaite expédier mes produits aux États-Unis en tant que producteur de pommes de terre, je dois obtenir un certificat de pays d’origine auprès du bureau. À l’ère du numérique, ce certificat devrait pouvoir être transmis par courriel à l’exportateur. Ce dernier pourrait alors le joindre à son emballage et l’expédier à l’étranger, au lieu de consacrer 45 minutes pour obtenir une copie papier à annexer à son envoi. Ce sont là des ajustements simples que nous pourrions mettre en œuvre immédiatement.
La sénatrice Robinson : Dans le cadre de notre objectif de devenir une superpuissance agricole, ce qui, à mon avis, est réalisable si nous croyons véritablement en nos capacités, pourriez-vous nous éclairer sur les conséquences imprévues? Je me souviens vous avoir entendu parler de la situation du plastique à usage unique...
M. Lemaire : Oui.
La sénatrice Robinson : ... et de la méconnaissance de la valeur de la technologie sous-jacente.
M. Lemaire : Concernant le concept des plastiques, je suis conscient que le sujet est sensible, car nous devons agir de manière responsable en matière de durabilité et gérer nos déchets plastiques. Nous devons également examiner un modèle systémique : interdire totalement le plastique revient à supprimer un outil qui prolonge la durée de conservation, assure la protection et la sécurité alimentaire des produits destinés aux consommateurs, tout en optimisant l’efficacité du transport. Tous ces éléments sont cruciaux.
Je souhaiterais soulever un point actuellement à l’étude, à savoir notre demande au gouvernement d’examiner le registre des plastiques actuellement en vigueur. Il me semble qu’un millier d’entreprises seulement y sont enregistrées. Cela équivaut à dupliquer les efforts de collecte de données déjà enregistrées dans le cadre de la REP, ou responsabilité élargie des producteurs, au niveau provincial. C’est un fardeau pour l’industrie de devoir enregistrer davantage de données dans un système dont nous ignorons s’il sera un jour utilisé.
Ce ne sont là que quelques-uns des problèmes que nous devons nous efforcer de résoudre, à savoir les conséquences imprévues.
La sénatrice McBean : Je reviens à une question fondamentale pour M. Lemaire et Mme Farrell : comment le gouvernement fédéral peut-il collaborer avec l’industrie pour améliorer l’accès à des produits nutritifs dans les collectivités éloignées, nordiques et autochtones où le coût et le stockage des aliments frais sont disproportionnés?
M. Lemaire : Je laisserai Mme Farrell commencer, car nous avons déjà consacré beaucoup de temps dans cette salle.
Mme Farrell : Je suis heureuse de commencer. Dans le Nord, en particulier, les fabricants de produits alimentaires et de boissons sont peu nombreux. Il s’agit donc d’investir dans nos infrastructures afin de rendre plus rentable le transport de certains de nos aliments qui bénéficient d’une durée de conservation plus longue — pas nécessairement les fruits et légumes — dans le but d’acheminer les aliments là où ils sont nécessaires, en particulier dans les collectivités rurales et éloignées, de manière plus économique.
M. Lemaire : L’autre possibilité consiste à envisager la production sur place. Le concept de Growcer, entreprise qui fabrique des fermes intérieures qui sont logées dans des conteneurs, par exemple, pourrait faciliter les choses. Ce n’est certes pas la solution parfaite et cela ne suffira pas à nourrir l’intégralité de la collectivité.
Un autre élément pertinent concerne les infrastructures existantes. La North West Company illustre parfaitement une infrastructure en place; c’est une entreprise qui effectue des livraisons dans le Nord. La question est de savoir comment nous pouvons aider nos partenaires actuels à réussir, et c’est un point que nous devons examiner.
Je citerai un exemple simple, applicable non seulement au Nord, mais aussi à Terre-Neuve : les difficultés que nous rencontrons pour acheminer des produits frais et des denrées alimentaires à Terre-Neuve en raison des problèmes liés au système de traversier, où les denrées alimentaires ne sont pas priorisées au chargement, au profit, je regrette de le dire, de bois ou d’autres marchandises durables qui ne périssent pas. La question est de savoir pourquoi l’alimentation n’est pas considérée comme une priorité.
Pour revenir à un message clé de votre témoignage, monsieur Laycraft, concernant le caractère essentiel de l’alimentation, celle-ci doit être au cœur de nos politiques et de toutes nos actions.
La sénatrice McBean : Pour m’assurer de poser enfin une question, M. Lemaire, vous avez beaucoup parlé du Marché des produits alimentaires de l’Ontario et de la façon dont il expédie ses produits d’un océan à l’autre. Est-il souhaitable de disposer de davantage d’installations de ce type, ou existe-t-il un juste milieu? Faut-il en avoir une dans chaque province et territoire? Doivent-elles être régionales? Comment cela fonctionnerait-il?
M. Lemaire : Le fait de disposer d’un centre principal permet de transporter efficacement les produits d’est en ouest. L’agrandissement de l’installation existante serait suffisant. En ce qui concerne le coût, il est très efficace et rentable de centraliser les opérations à Toronto même.
Il existe déjà des centres alimentaires dans d’autres régions, partout au pays; nous devons simplement les utiliser de manière plus efficace et rentable.
La sénatrice McBean : Merci.
Le vice-président : Il reste deux minutes.
La sénatrice Robinson : Monsieur Lemaire, pourriez-vous prendre la parole pendant deux minutes?
M. Lemaire : La sénatrice Sorensen a suggéré que je devrais être capable de danser, mais je ne pense pas que vous souhaitiez me voir danser.
M. Laycraft : Je suis conscient que vous n’avez pas nécessairement besoin de quelqu’un d’autre pour prendre la parole, mais j’allais mentionner une solution originale concernant la dernière question. Nous avons des producteurs dans tout le Canada, y compris dans des régions éloignées, et dans le cadre de nos dépenses de défense, l’une des choses qui peuvent être financées est l’amélioration de nos infrastructures, de nos réseaux routiers et ferroviaires vers ces collectivités éloignées, ce qui constituera un élément important.
Si nous y investissons davantage, vous faciliterez le transport des denrées alimentaires. Vous faciliterez également la création d’emplois dans ces régions. Je vous soumets cette idée.
M. Lemaire : La situation du transport routier reste problématique, tout comme celle des chauffeurs routiers.
Le sénateur Varone : Les charges utiles ont considérablement augmenté si l’on considère cela comme une solution pour les collectivités éloignées.
M. Lemaire : C’est possible.
Le sénateur Varone : Nous pouvons désormais transporter des armes qui pèsent plus lourd que les denrées alimentaires.
M. Lemaire : C’est exact. La question porte sur le stockage dans ces collectivités. C’est l’autre débat concernant les infrastructures. Pendant la pandémie, l’Association canadienne de la distribution de fruits et légumes, ou ACDFL, était l’une des trois organisations participant au programme de récupération d’aliments en livrant des denrées alimentaires non vendues dans les restaurants. Nous avons eu accès à ces aliments et les avons acheminés dans le nord du Canada et dans d’autres collectivités à risque.
Une partie du défi que nous avons rencontré était que lorsque nous essayions d’envoyer des aliments dans le Nord, nous pouvions envoyer autant de chargement que nous le voulions, mais il n’y avait pas d’installations de stockage dans le Nord pour conserver la viande congelée ou les fruits et légumes à la bonne température. Les produits arrivaient et se détérioraient. Nous devons examiner la question des infrastructures nationales afin qu’elles puissent stocker les aliments et les mettre à la disposition des collectivités.
La sénatrice Robinson : C’est là qu’intervient Mme Farrell, avec sa capacité à expédier des aliments qui ont une durée de conservation plus longue.
Le vice-président : Je tiens à remercier les panélistes d’avoir pris le temps de comparaître devant nous aujourd’hui. Cette séance a été très instructive. Nous apprécions votre contribution à notre étude. Si vous souhaitez nous envoyer des informations supplémentaires par écrit, n’hésitez pas à le faire après ce soir. Nous allons maintenant suspendre la séance pour passer à la partie à huis clos de notre réunion.
(La séance se poursuit à huis clos.)