LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES PEUPLES AUTOCHTONES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 19 novembre 2025
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd’hui, à 18 h 51 (HE), avec vidéoconférence, pour examiner le projet de loi S-2, Loi modifiant la Loi sur les Indiens (nouveaux droits à l’inscription).
La sénatrice Margo Greenwood (vice-présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La vice-présidente : Bonsoir, honorables sénateurs. Avant de débuter, je demande à tous les sénateurs et aux autres participants présents dans la salle de consulter les cartes sur la table pour connaître les directives visant à prévenir les incidents de retours de son. Veuillez vous assurer de toujours garder votre oreillette éloignée de tous les microphones. Lorsque vous n’utilisez pas votre oreillette, placez-la face vers le bas sur l’autocollant prévu à cet effet sur la table. Merci à tous pour votre coopération.
Je veux d’abord reconnaître que nous sommes réunis sur le territoire traditionnel, ancestral et non cédé de la nation algonquine anishinabe où vivent aujourd’hui de nombreux autres peuples des Premières Nations, Métis et Inuits de toute l’île de la Tortue.
Je suis la sénatrice Margo Greenwood. Je suis Nêhiyaw du territoire du Traité no 6, dans la région aujourd’hui connue sous le nom d’Alberta. Je suis vice-présidente du Comité des peuples autochtones.
Je rappelle à mes honorables collègues que, lors de notre première réunion publique, le 24 septembre, la sénatrice Michèle Audette, présidente de ce comité et marraine du projet de loi S-2, s’est récusée de son rôle de présidente pour la durée de cette étude afin d’en préserver la neutralité. C’est pour moi un honneur et un privilège de présider cette importante réunion aujourd’hui.
Honorables sénateurs, le projet de loi S-2, Loi modifiant la Loi sur les Indiens (nouveaux droits à l’inscription), a été adopté tel qu’amendé lors de notre réunion d’hier matin. Je rappelle également à mes honorables collègues que, lors de cette même réunion hier, le comité a convenu d’examiner la possibilité d’ajouter des observations au rapport sur le projet de loi S-2. Le comité souhaite-t-il examiner ces observations à huis clos? Êtes‑vous pour ou contre l’idée?
Des voix : Contre.
La vice-présidente : D’accord. La séance sera publique.
Je crois comprendre que nous avons reçu des observations préliminaires. Je sais que j’en ai reçu de la part du sénateur Prosper. Sénateur Prosper, puis-je vous inviter à nous en faire part?
Le sénateur Prosper : Oui. Merci, madame la présidente, de m’en donner l’occasion.
Je crois que mon bureau a fourni des observations préliminaires. Elles ont été traduites. Certaines d’entre elles sont très simples à comprendre. Dois-je les lire aux fins du compte rendu?
La vice-présidente : Est-ce que tous les sénateurs ont une copie des observations?
Des voix : Oui.
La vice-présidente : Il y a cinq paragraphes. Ils doivent être lus aux fins du compte rendu. Nous vous écoutons, sénateur Prosper.
Le sénateur Prosper : Je vais lire les observations.
La première :
Le comité estime qu’un engagement clair et légal est nécessaire afin de fournir aux Premières Nations un financement adéquat, durable et prévisible pour l’administration des nouvelles réglementations. À l’heure actuelle, les Premières Nations souffrent déjà d’un sous-financement chronique et beaucoup d’entre elles ne sont pas en mesure de soutenir le nombre actuel de leurs membres. Sans investissements, les Premières Nations continueront à supporter les charges administratives et financières liées au nombre actuel et croissant de leurs membres.
La deuxième :
Le comité reconnaît que l’objectif ultime, tel que décrit par les témoins dans leurs témoignages et leurs mémoires, est l’autodétermination. L’abandon complet du statut et de l’appartenance au profit de la citoyenneté serait conforme aux articles 6 et 9 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Jusqu’à ce que la Loi sur les Indiens puisse être entièrement abrogée, il est essentiel que le Canada respecte l’engagement qu’il a pris en 2021 avec l’adoption de la Loi sur la DNUDPA et prenne les mesures nécessaires pour s’assurer que la Loi est conforme à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Ce comité reconnaît et affirme que les membres des Premières Nations sont les mieux placés pour savoir qui en fait partie et que le pouvoir ultime de décider qui est citoyen de leur nation appartient à la nation elle‑même.
La troisième :
La perte du statut et du lien avec la communauté a également coupé les gens de leur relation avec le Canada en vertu des traités. Comme nous l’ont dit les chefs Bear et Whitford, il est impératif que tout rétablissement du statut s’accompagne également de la reconnaissance des droits issus des traités. Le comité demande au gouvernement de rétablir pleinement les droits et avantages issus des traités à ceux qui retrouvent leur statut.
La quatrième :
Aucune autre loi canadienne ne prévoit d’interdiction d’indemnisation pour discrimination. Le comité a entendu des témoins qui soutiennent que les interdictions d’indemnisation violent la Charte et les traités internationaux ratifiés par le Canada. Le comité convient que les femmes des Premières Nations ne devraient pas avoir à intenter des poursuites judiciaires pour éliminer cette interdiction.
Et la cinquième :
Bien que le projet de loi S-2 permette à celles qui retrouvent leur statut ou qui ont été automatiquement transférées à la bande de leur mari de retourner dans leur bande natale, il ne le fait que pour les bandes dont l’appartenance est toujours gérée par le ministère. Cela ne devrait pas être facultatif pour une bande qui gère sa propre liste d’appartenance. Le comité estime que le fait de refuser aux femmes et à leurs descendants le droit de s’inscrire sur les listes des bandes visées à l’article 10 constitue une violation de la Charte.
La vice-présidente : Merci, sénateur Prosper. Je voudrais maintenant revenir sur chacune de ces observations séparément. Je vous invite à intervenir si vous avez des commentaires à faire sur chacune d’entre elles. Nous pouvons commencer par la première.
Y a-t-il des commentaires, des débats ou des discussions sur la première observation proposée par le sénateur Prosper? Convenons-nous de l’accepter? D’accord.
Passons à la deuxième observation. Je vous invite à nous faire part de vos commentaires, idées et réflexions. Vous l’appuyez? Nous allons poursuivre.
Pour la troisième observation, y a-t-il des débats, des discussions ou des commentaires? D’accord. Nous l’appuyons.
Y a-t-il des commentaires sur la quatrième observation?
La sénatrice Pate : Je ne sais pas si vous y avez pensé, sénateur Prosper. Je suis désolée : si j’y avais pensé avant, je vous en aurais fait part. Je me demande si nous pourrions renforcer le libellé en disant : « Aucune loi canadienne ne devrait prévoir ». Cette formulation vous conviendrait-elle?
Le sénateur Prosper : Oui.
La sénatrice Pate : Je soulève cet élément parce que la seule autre fois où j’ai vu une telle interdiction, c’était lorsque le gouvernement a tenté d’empêcher les prisonniers d’intenter des poursuites judiciaires alors que leurs droits avaient manifestement été violés.
La vice-présidente : D’accord. Est-ce que tous les collègues sont en faveur de ce changement?
La sénatrice Audette : Avant de passer au vote, pourriez-vous répéter le libellé, sénatrice Pate?
La sénatrice Pate : Oui. Je suis désolée de ne pas l’avoir envoyé à l’avance.
Je proposerais simplement de modifier légèrement la formulation pour dire « Aucune loi canadienne ne devrait prévoir d’obstacle à l’indemnisation », puis la suite resterait telle quelle. J’ai donné la raison du seul autre exemple que j’ai vu en 2010, 2011 ou 2012, lorsque le gouvernement a tenté d’empêcher les prisonniers d’intenter des poursuites pour violation de leurs droits.
La vice-présidente : Acceptez-vous le changement, sénateur Prosper?
Le sénateur Prosper : Oui.
La vice-présidente : Est-ce que le reste du groupe l’accepte? Merci.
Y a-t-il des commentaires ou un débat sur la cinquième observation?
Elle est acceptée. Nous nous entendons. Très bien.
Merci beaucoup. Je crois comprendre que nous avons peut-être d’autres observations. Est-ce bien le cas?
Le sénateur Francis : J’ai quelques observations pour apporter de petites clarifications. Celle-ci porte sur la terminologie :
Le comité observe une certaine confusion dans la signification des termes « statut d’Indien », « appartenance à une bande » et « citoyenneté », car ils ont parfois été utilisés de manière interchangeable au cours de l’étude sur le projet de loi S-2. Le comité souhaite préciser que ces trois termes ne sont pas synonymes.
D’abord, le statut est accordé à une personne inscrite en vertu de la Loi sur les Indiens par le Bureau du registraire des Indiens, au nom du gouvernement du Canada. Le statut confère certains droits et avantages.
En revanche, l’appartenance à la bande est déterminée par la Première Nation concernée. Le gouvernement du Canada, par l’entremise du Bureau du registraire des Indiens, est responsable de l’ajout et du retrait de noms des listes de membres qui sont toujours visés par l’article 11 de la Loi sur les Indiens.
En vertu de ce régime, si une personne a le statut d’Indien, elle devient automatiquement membre de la bande et elle est associée à cette bande.
En revanche, d’autres Premières Nations qui déterminent elles-mêmes leur code d’appartenance en vertu de l’article 10 de la Loi sur les Indiens peuvent définir et maintenir leurs listes de membres en fonction de leurs propres critères et valeurs, qui peuvent différer du statut d’Indien. Pour cette raison, certaines personnes qui sont membres de leur Première Nation peuvent avoir le statut d’Indien sans appartenir à leur bande, et vice versa.
Enfin, les Premières Nations signataires d’une entente d’autonomie gouvernementale établissent leurs propres critères de citoyenneté.
C’était la première observation. La deuxième porte sur les détenteurs de droits.
Le comité est également d’avis que la question de savoir qui sont les détenteurs de droits manque de clarté, ce qui revêt une importance particulière pour les besoins de la consultation fédérale concernant la discrimination fondée sur le sexe et la race dans la Loi sur les Indiens. Ce terme désigne globalement les Premières Nations dont les droits collectifs inhérents sont reconnus et affirmés en vertu de l’article 35 de la Constitution, par exemple la nation anishinabek, la nation dénée et la nation mi’kmaq. Ces détenteurs de droits ne se limitent pas aux gouvernements créés dans le cadre de la Loi sur les Indiens, comme les bandes gouvernées par un chef et un conseil ou ses membres. En raison d’une discrimination systématique qui dure depuis plus de 150 ans, de nombreuses personnes et familles ont perdu leurs liens. Selon ce que le comité a entendu, les consultations fédérales qui ont commencé il y a plus de 40 ans pourraient avoir exclu un grand nombre de détenteurs de droits — y compris ceux qui sont touchés par l’inadmissibilité de la deuxième génération et d’autres iniquités de longue date.
Les personnes les plus durement touchées par la discrimination historique, qui continue à ce jour — c’est-à-dire les femmes, leurs enfants et leurs petits enfants — doivent pouvoir jouir de tous leurs droits garantis par la Constitution et faire partie de tout processus fédéral de consultation, d’engagement ou de collaboration susceptible d’avoir une incidence sur leurs droits. Ces personnes ne doivent pas être exclues en raison des règles coloniales imposées par le gouvernement fédéral qui continuent de les marginaliser.
La vice-présidente : Merci, sénateur Francis.
Je reviens à votre première observation. Le comité accepte-t-il l’observation proposée par le sénateur Francis?
Des voix : Oui.
La vice-présidente : Elle est acceptée.
Le comité accepte-t-il telle quelle la deuxième observation sur les détenteurs de droits?
Des voix : Oui.
La vice-présidente : Elle est acceptée. Merci.
Les membres du comité acceptent-ils les observations dans leur intégralité, à la suite de tous les commentaires entendus?
Des voix : Oui.
Le sénateur McNair : Pouvez-vous indiquer que je m’abstiens de voter sur ces observations?
La vice-présidente : Merci. Oui, bien sûr, sénateur.
La sénatrice Pate : Je vous présente encore une fois mes excuses de ne pas y avoir pensé à l’avance. Le rapport de ce comité s’intitulant C’est assez! était tellement percutant. Je voudrais suggérer, si cela est possible sur le plan procédural — je suis désolée de ne pas avoir eu l’occasion de consulter nos experts en procédure —, d’annexer ce rapport à celui-ci lorsqu’il sera renvoyé au comité afin que tous les députés sachent qu’il existe. Je ne suis pas sûre que tous les députés savent qu’il existe. Je voudrais donc proposer son ajout ou présenter une motion... je ne sais pas comment je dois m’y prendre. Je suggère d’annexer ce rapport au présent rapport.
La sénatrice Audette : J’appuie entièrement votre suggestion, car grâce à la mémoire sénatoriale ou à la mémoire institutionnelle, je dirais que beaucoup d’entre nous siègent ici depuis ce rapport, et beaucoup d’entre vous sont ici depuis un certain temps. Il y a de nouveaux députés à l’autre Chambre. Il y a aussi de nouveaux sénateurs qui, dans ce contexte, se demandent peut-être « Que se passe-t-il? Pourquoi cela suscite‑t‑il autant d’émotion ou de polarisation? » Mais si nous présentons ce qui a déjà été fait et l’histoire officielle du Sénat à travers des rapports comme celui-ci, je pense que nous ferons comprendre notre rôle, notre fonctionnement et nos réalisations. C’est un bon point. Merci.
La vice-présidente : Nous sommes en train de vérifier que nous pouvons effectivement ajouter ce rapport à ce stade. Nous vous tiendrons informés, sans faute. Oui, et nous pouvons également faire référence au rapport et inclure le lien afin qu’il soit accessible si cela vous convient.
La sénatrice Pate : Il faudrait inclure une observation pour rappeler ce rapport aux parlementaires, et peut-être énumérer les recommandations. Serait-ce...
La vice-présidente : De nombreux témoins nous recommandent de mettre en œuvre les recommandations qui étaient énoncées dans ce rapport. Nous pouvons citer le rapport et ajouter le lien, car les recommandations s’y trouvent. Voulez-vous que nous procédions ainsi? Nous examinerons également l’autre élément, mais le rapport sera au moins nommé dans une observation.
La sénatrice McPhedran : C’est simplement une question de procédure, et nous faisons confiance au comité directeur pour trouver une bonne façon de faire. Nous savons donc qu’on se penchera encore sur la question.
La vice-présidente : Merci.
Le sénateur Francis : Je me demande si nous pouvons ajouter du texte dans les observations qui précise l’objectif du projet de loi dans sa forme originale, à qui il profite et en quoi nous l’appuyons, ainsi que le fait qu’il n’allait pas assez loin. Il faudrait juste un peu de précisions, ici encore.
La vice-présidente : Nous pouvons ajouter ce texte. Mme Fryer l’ajoutera dans l’ébauche de rapport.
Le sénateur Francis : Merci.
La sénatrice Pate : Je crois que ce serait une excellente première observation qui précéderait toutes les autres.
La vice-présidente : Oui.
Acceptons-nous que le sous-comité du programme et de la procédure soit habilité à approuver la version définitive des observations annexées au rapport dans les deux langues officielles, en tenant compte des discussions d’aujourd’hui — tous vos commentaires — et à y apporter tout changement nécessaire du point de vue de la forme, de la grammaire ou de la traduction? Donnez-vous votre approbation?
Des voix : Oui.
La vice-présidente : Merci.
Plaît-il au comité que la présidence fasse rapport au Sénat du projet de loi dans les deux langues officielles, tel qu’amendé, avec les observations?
Des voix : Oui.
La vice-présidente : D’accord, nous avons réussi. Avant que je propose de lever la séance, j’aimerais vous informer que nous nous reverrons le mardi 25 novembre, à 9 heures, pour étudier l’ébauche de rapport sur les événements de 2024 de Voix de jeunes leaders autochtones. Il vous a été envoyé pour que vous le parcouriez une première fois. Je crois que vous l’avez reçu par courriel vendredi dernier, alors il devrait être dans vos boîtes de réception.
(La séance est levée.)