LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES BANQUES, DU COMMERCE ET DE L’ÉCONOMIE
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le jeudi 2 octobre 2025
Le Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie se réunit aujourd’hui, à 10 h 30 (HE), pour examiner, afin d’en faire rapport, toute question concernant les banques, le commerce et l’économie en général; et à huis clos, pour étudier un projet d’ordre du jour (travaux futurs).
Le sénateur Clément Gignac (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Honorables sénatrices et sénateurs, je m’appelle Clément Gignac, sénateur du Québec et président du Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie.
Je tiens à vous souhaiter la bienvenue, aux gens qui nous écoutent également aujourd’hui, ainsi qu’à celles et ceux qui nous suivent à partir du site Web sencanada.ca.
Avant de commencer, je demanderais à mes collègues du comité de bien vouloir se présenter.
[Traduction]
Le sénateur Varone : Je m’appelle Toni Varone, sénateur de l’Ontario.
[Français]
Le sénateur Dalphond : Pierre Dalphond, du Québec
La sénatrice Henkel : Danièle Henkel, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Loffreda : Je suis le sénateur Tony Loffreda, de Montréal, au Québec. Je vous souhaite à nouveau la bienvenue à notre comité. Nous allons commencer à vous facturer un loyer... Nous nous sommes vus hier soir; bienvenue encore une fois.
[Français]
La sénatrice Ringuette : Pierrette Ringuette, du Nouveau-Brunswick, province voisine de mes collègues du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Yussuff : Je m’appelle Hassan Yussuff, sénateur de Toronto.
La sénatrice McBean : Je suis la sénatrice Marnie McBean, de l’Ontario.
La sénatrice Wallin : Pamela Wallin, de la Saskatchewan.
La sénatrice Martin : Bonjour, je m’appelle Yonah Martin, et je représente la Colombie-Britannique.
[Français]
Le président : Honorables sénateurs, nous continuons aujourd’hui notre étude portant sur la crise du logement au Canada. Je souhaite la bienvenue à nos invités du Bureau du directeur parlementaire du budget : M. Jason Jacques, M. Louis Perrault et Mme Caroline Nicol. Je vous remercie d’avoir accepté notre invitation. Le moment est opportun, parce que vous avez publié il y a quelques minutes un rapport intitulé Évaluation du prix et des propriétés. Après vos remarques d’ouverture, nous allons procéder à la période des questions. Je vous cède la parole. Merci.
Jason Jacques, directeur parlementaire du budget par intérim, Bureau du directeur parlementaire du budget : Merci.
Honorables sénatrices et sénateurs, je vous remercie de m’avoir invité à comparaître devant vous aujourd’hui. Nous sommes heureux d’être ici pour appuyer votre étude de la situation du logement au Canada dans le contexte des obstacles auxquels le secteur privé est actuellement confronté.
[Traduction]
Conformément à son mandat prévu par la loi, le directeur parlementaire du budget, ou DPB, fournit une analyse impartiale et indépendante aux parlementaires pour les aider à accomplir leur rôle constitutionnel qui consiste à demander des comptes au gouvernement. Mon équipe et moi allons continuer de produire des rapports et des analyses sur l’état du marché immobilier au Canada.
Le mois dernier, nous avons publié deux rapports à ce sujet: La formation de ménages et le stock de logements : estimation de l’écart de l’offre de logements en 2035 et Évaluation du prix des propriétés, que nous avons publié aujourd’hui. Ces rapports présentent notre analyse sur l’offre immobilière au Canada et l’abordabilité du logement partout au pays.
Afin que nous puissions vous fournir l’information la plus détaillée possible, mes collègues Caroline Nicol et Louis Perrault m’accompagnent pour livrer mon témoignage aujourd’hui. Ils sont spécialistes des questions immobilières et ont dirigé l’analyse qui sous-tend ces rapports.
Même si je suis bien sûr prêt à répondre à toutes les questions de votre comité, je crois que vos travaux vont bénéficier de leur apport. Avec votre permission, j’ai demandé à mes collègues de répondre directement à vos questions.
[Français]
Notre bureau demeure fidèle à son mandat principal : fournir une analyse indépendante et non partisane des finances du pays et de l’économie canadienne.
Je vous remercie de votre attention. Nous serons heureux de répondre à vos questions.
Le président : Merci, monsieur Jacques.
[Traduction]
Le sénateur Varone : Merci aux témoins de leur présence. J’ai deux questions à vous poser, mais elles ne sont en rien liées entre elles. L’une porte sur votre nouveau rapport, et l’autre sur un rapport précédent. Concernant le projet de loi C-4, à la partie 2, la remise de 5 % sur la TPS pour les premiers acheteurs, vous avez déjà dit que ces mesures auraient une incidence sur quelque 13 000 mises en chantier par année, mais si le gouvernement décidait de les appliquer à tout le marché privé, cela représenterait de 60 000 à 65 000 maisons par année. Si le programme englobait aussi les logements locatifs non construits à des fins précises, on parle là de 130 000 à 135 000 mises en chantier par année. Ces mesures, qui devaient coûter environ 400 millions de dollars, seraient alors de l’ordre de 1,6 milliard à 2 milliards de dollars, mais je ne suis pas certain du chiffre exact.
Cela étant dit, avez-vous calculé les coûts qu’entraînerait l’inaction du gouvernement fédéral pour régler cette crise nationale? Il faut penser aux mises à pied, aux chômeurs, aux impôts non perçus auprès des constructeurs, car l’industrie serait en crise et au bord de l’effondrement. Avez-vous analysé la variable que sont les coûts si le gouvernement décidait de ne pas agir?
M. Jacques : Je vous remercie de cette question. La réponse courte est non, mais nous n’avons pas beaucoup de temps, alors même la réponse plus élaborée ne sera pas bien plus longue de toute façon : le mandat du directeur parlementaire du budget — qu’il ou elle occupe ces fonctions de manière intérimaire ou permanente — consiste à estimer les coûts que comportent les propositions que le gouvernement soumet aux parlementaires, et non d’examiner très précisément l’évitement de coûts ou les compromis possibles en matière de politiques gouvernementales. Les questions que vous soulevez sont sans conteste pertinentes, mais elles ne font pas partie de notre mandat.
Le sénateur Varone : Quel organisme serait responsable de faire ce genre de travail?
M. Jacques : Je pense qu’évidemment, c’est tout à fait ce pour quoi la fonction publique est là. Si vous souhaitez que nous vous remettions une analyse plus détaillée et une microanalyse de ce secteur en particulier — comme vous le savez, nous faisons des calculs sur une base annuelle moyenne pour l’ensemble du pays, mais dans les faits, il existe 16 marchés résidentiels différents —, c’est certainement une demande que nous pourrions considérer.
La raison pour laquelle nous ne faisons pas ce travail, c’est la rétroaction que j’ai reçue durant mes 17 années au Bureau du directeur parlementaire du budget. Les parlementaires ne veulent pas d’un DPB délinquant qui se mette à réaliser de manière proactive ses propres analyses sur les politiques phares du gouvernement.
Cela dit, si un comité et tous les sénateurs nous demandaient de mener des travaux plus complexes, nous serions assurément ouverts à répondre positivement à cette demande.
Le sénateur Varone : Ma seconde question concerne votre rapport publié ce matin à 9 h 30. Vous y parlez des ratios d’endettement hypothécaire, ou DSR, et de la réduction de l’écart entre les DSR et la valeur des maisons dans certains secteurs du marché. Mais ce qui me préoccupe, c’est qu’en temps réel, sur le marché, lorsque les prix baissent, ils baissent d’un pourcentage supérieur à la capacité de chaque propriétaire à rembourser son prêt hypothécaire. Au moment du renouvellement, ce n’est pas le ratio d’endettement qui est pris en compte par les banques, mais le ratio d’endettement. Dans de nombreux cas, ils sont tombés en dessous des seuils de capacité de prêt des banques. Leurs prêts hypothécaires passent donc de prêts conventionnels à des prêts à ratio élevé.
La réalité est que la Société canadienne d’hypothèques et de logement, la SCHL, n’est pas là au moment du renouvellement pour aider la personne à conserver sa propriété, sans parler d’en acquérir une nouvelle. C’est ce que j’ai retenu du rapport présenté aujourd’hui.
Ma question porte sur la SCHL et sa capacité à aider les Canadiens à conserver leur propriété, en particulier dans les cas où le prix de la maison qu’ils ont achetée il y a trois ans a baissé, mais où leur prêt hypothécaire n’a pas baissé en conséquence. Et s’ils ont contracté au départ un prêt hypothécaire à ratio élevé, qui leur était accessible, mais qui ne l’est plus aujourd’hui. Quel est donc le rôle de la SCHL dans ce processus, qui consiste à permettre aux Canadiens de conserver leur propriété?
M. Jacques : Il s’agit d’une excellente question. La SCHL est un bureau très ennuyeux chargé de la comptabilité et de l’économie budgétaire. Néanmoins, la mise en place de politiques ne fait pas partie de notre mandat. C’est certainement une préoccupation. Je dirais que c’est un élément que nous prenons en compte dans notre modélisation économique. Comme vous le soulignez, et comme nous l’avons déjà fait remarquer par le passé, le pilier de l’économie canadienne est constitué par les familles canadiennes, qui ont besoin d’un endroit où vivre, et qui vivent dans des maisons. En général, le principal actif d’investissement pour la plupart des gens à travers le pays est la maison dont ils espèrent être propriétaires, au moins en grande partie. C’est certainement un élément que nous prenons en compte en matière d’accession à la propriété: le montant versé pour rembourser un prêt hypothécaire, donc le ratio du service de la dette, et les taux de défaillance hypothécaire. C’est un élément que nous prenons certainement en compte.
En ce qui concerne l’intervention politique, il s’agit là d’une question légitime, mais nous ne sommes pas en mesure d’y répondre.
La sénatrice Wallin : Je vous souhaite la bienvenue. J’ai deux questions concernant deux sujets différents. Quels sont les principaux facteurs expliquant l’actuelle crise du logement au pays : l’augmentation inattendue des taux d’immigration, les migrations, les formalités administratives tant au niveau provincial et municipal, l’incertitude par rapport à la situation économique du pays en général? Pourriez-vous classer par ordre d’importance les principaux obstacles qui ont freiné la construction de logements et les mises en chantier?
Caroline Nicol, conseillère-analyste, Bureau du directeur parlementaire du budget : Je ne sais pas si je peux hiérarchiser les problèmes de cette manière, mais je pense que dans notre rapport sur le déficit de l’offre de logements, l’un des éléments que nous avons mis en évidence ces dernières années et qui ont contribué à l’aggravation de la situation sur le marché immobilier est ce déséquilibre entre l’offre et la demande. Depuis 2022, la forte croissance démographique provenait uniquement de l’immigration, et nous avons constaté une augmentation de l’offre qui a dépassé sa tendance historique pour tenter de répondre à la demande, mais cela n’a pas été suffisant. Cela a créé une situation où la demande démographique de logements était beaucoup plus élevée que l’offre, ce qui a exercé une forte pression sur les prix dans un certain sens. Je pense que cela s’explique également par la capacité de l’offre à répondre à la demande, mais nous n’entrons pas nécessairement dans les raisons pour lesquelles l’offre n’a pas pu suivre le rythme. Il est évident qu’il existe un décalage dans le temps en matière d’offre de logements. Il s’agit de projets à long terme; il faut de nombreuses années pour qu’un projet passe du stade du permis de construire à celui de la mise en chantier et de l’achèvement. Il y a certainement un problème de délai différent à cet égard.
Toutefois, nous pouvons mentionner un élément important: dans notre perspective, lorsque nous examinons l’équilibre entre l’offre et la demande de logements, en raison de la réduction de l’objectif d’immigration, simplement de manière mécanique, car il y a moins de personnes qui demandent des logements, nous constatons à moyen terme une amélioration de la pression démographique sur l’offre de logements.
La sénatrice Wallin : Nous avons recueilli des témoignages à ce sujet et rédigé un rapport en décembre 2023. Nous avons entendu deux témoins très convaincants qui ont parlé des formalités administratives au niveau municipal et provincial, qui sont parfois si contradictoires que des immeubles situés de part et d’autre d’une même rue sont soumis à des règles différentes. Nous avons suggéré et demandé au gouvernement fédéral d’utiliser son pouvoir de persuasion pour essayer de convaincre les gens. Voyez-vous des avancées dans ce domaine, les gens comprenant à quel point la question des formalités administratives est essentielle?
Mme Nicol : Je vais élargir un peu le sujet avant de répondre directement à votre question. Dans notre modélisation, dans notre travail, l’un des plus grands défis consiste à essayer d’avoir une image systématique et précise de la manière dont les politiques influencent l’offre de logements. Cela a vraiment été un défi. C’était l’un de nos objectifs lorsque nous avons entrepris ce travail, et le problème auquel nous sommes confrontés, et dont nous avons discuté avec d’autres organisations qui font un travail similaire, est l’hétérogénéité de ces politiques à travers le pays. Nous ne disposons pas de données claires que nous pourrions utiliser pour modéliser l’impact, à l’échelle nationale, des contraintes politiques sur l’offre de logements.
Mais lorsque nous faisons notre travail, nous constatons qu’il existe d’autres facteurs, au-delà des variables macroéconomiques telles que les prix de l’immobilier, les salaires et la demande démographique, qui entrent en ligne de compte. Cela suggère que ces politiques ont un rôle à jouer dans ce domaine.
La sénatrice Wallin : Je vais rapidement demander quelques conseils à tous, alors que nous examinons les nouveaux calculs de M. Carney concernant le budget et la séparation des catégories, afin de savoir comment nous devons interpréter ce budget. Que devons-nous examiner en matière de combinaison des chiffres afin d’obtenir une image plus précise? Lorsque vous divisez la dette et les dépenses déficitaires, les différentes catégories, les dépenses et les investissements, avez-vous des conseils utiles à nous donner pour évaluer ce budget lorsque nous le consultons?
M. Jacques : Merci pour cette question. Je peux vous parler de ce que nous prévoyons de faire. Tout d’abord, je tiens à souligner que le gouvernement a promis de ne rien supprimer. Ainsi, les indicateurs financiers traditionnels que tout le monde connaît et apprécie, comme les mesures traditionnelles du déficit, le ratio dette/PIB, que je connais et apprécie moi-même, resteront en place, et nous y prêterons attention, bien entendu.
J’ai beaucoup lu, le soir et pendant les fins de semaine, sur d’autres juridictions, en particulier le Royaume-Uni, au sujet de leurs budgets de fonctionnement. C’est quelque chose qu’ils ont mis en place depuis le milieu des années 1990 en ce qui concerne ce qui entre dans les deux catégories distinctes, pourquoi cela entre dans les deux catégories distinctes, puis comment cela est combiné à nouveau.
Outre le Royaume-Uni, j’ai également passé beaucoup de temps à examiner les gouvernements provinciaux, car pratiquement tous les gouvernements provinciaux ont un budget de fonctionnement et un budget d’investissement. Le contenu du budget d’investissement varie d’une province à l’autre, mais il s’agit d’un élément qui existe déjà. Ce sont là des éléments que j’examine attentivement. Je pense qu’il y a de fortes chances que cela puisse être complémentaire.
J’ai mentionné hier soir que le gouvernement avait déjà indiqué qu’il s’engageait dans cette voie. C’est ainsi qu’il prend ses décisions en interne concernant l’allocation des ressources. Je pense que cela améliorerait la transparence si le gouvernement présentait au public la manière dont il prend ses décisions en interne, malgré la complexité supplémentaire que cela implique.
La sénatrice McBean : Je vous remercie. Les dépenses fédérales consacrées à l’accessibilité au logement ont augmenté, mais le nombre de ménages ayant des besoins impérieux en matière de logement devrait augmenter plutôt que diminuer. Quels leviers politiques, tels que les logements hors marché, les dépenses fiscales ou les mesures d’accessibilité dans les logements existants, seraient les plus efficaces pour inverser cette tendance?
M. Jacques : Il s’agit d’une excellente question. Je déteste devoir vous répondre ainsi, car cela ne vous sera pas particulièrement utile: les conseils en matière de politiques ne relèvent pas du mandat du directeur parlementaire du budget. Mais c’est une très bonne question. Je pense qu’il serait préférable de la poser au vérificateur général du Canada, qui se concentre davantage sur l’évaluation ex post et la comparaison des différents programmes du gouvernement fédéral.
La sénatrice McBean : Je vais mettre ce sujet de côté pour le moment, puis reposer ma question à d’autres témoins.
Le sénateur Varone essayait de calculer le coût qu’il y aurait à payer s’il n’y avait pas de remboursement de la TVH. Je me demande quel serait le coût pour le gouvernement fédéral s’il y avait un remboursement de la TVH. Il a cité l’exemple de 13 000 mises en chantier ou, si ce nombre passe à 60 000 ou 65 000 mises en chantier, ou encore, si l’on inclut l’ensemble des coopératives, à 135 000 mises en chantier. Avez-vous calculé les coûts associés à une telle mesure?
M. Jacques : À ma connaissance, nous n’avons rien publié sur notre site Web à l’heure actuelle concernant ces coûts, mais nous pouvons nous renseigner au bureau. Si le comité le souhaite ou s’il y a un intérêt à le faire, nous pouvons lui fournir ce type de données.
Nous sommes ravis d’effectuer ce travail, car c’est après tout notre raison d’être. Vous êtes nos clients, et nous pouvons vous aider à réaliser cette étude. Si vous avez besoin de comptables pour analyser des chiffres afin de vous les fournir et vous permettre de prendre de meilleures décisions politiques, nous serons très heureux de nous rendre utiles.
La sénatrice McBean : Merci, je vous en serais reconnaissante.
Le sénateur Yussuff : Je tiens d’abord à vous remercier d’être parmi nous. Nous serons aimables avec vous afin que vous ayez envie de revenir une seconde fois. J’en profite également pour vous remercier de votre rapport, dont la présentation intervient à un moment particulièrement opportun pour les travaux du comité.
La bonne nouvelle, c’est que dans certaines juridictions, le problème de l’accessibilité financière semble s’être atténué à certains endroits, mais pas dans tout le pays. La situation varie, et différents facteurs ont une incidence sur les régions du pays et autres.
Lorsque les Canadiens parlent de la crise du logement, il y a les locataires et les propriétaires, mais il y a aussi la question plus large de l’accessibilité financière et de la manière dont on peut accéder au marché immobilier. Les taux d’intérêt ont eu un impact considérable sur cette question dans l’ensemble, mais aussi sur ceux qui ont des prêts hypothécaires et ceux qui veulent accéder au marché. Bien entendu, les salaires jouent un rôle essentiel. D’après les indicateurs que nous observons, les salaires n’ont pas augmenté de manière significative. Ils essaient de suivre le rythme de l’inflation.
Dans votre évaluation de ce que vous avez pu observer dans ce microcosme particulier, y a-t-il quelque chose qui vous permettrait d’expliquer plus clairement pourquoi la situation s’est améliorée dans certaines juridictions et pas dans d’autres?
Louis Perrault, directeur des politiques, Bureau du directeur parlementaire du budget : Je pense que vous avez raison; si l’on considère la situation à l’échelle nationale, l’accessibilité semble meilleure en ce sens, ce qui masque l’hétérogénéité entre les différents marchés. Les mesures que nous utilisons, qu’il s’agisse du ratio du service de la dette ou du logement réellement abordable, sont également largement influencées par les taux d’intérêt. Ce n’est pas le seul facteur, mais celui-ci a un impact énorme, car il influe sur la capacité de paiement des ménages. Dans ce cas, si vous regardez les graphiques eux-mêmes, vous pouvez voir que, lorsque les taux d’intérêt ont augmenté, l’écart d’accessibilité semble s’être creusé, et lorsqu’ils ont commencé à baisser, il s’est réduit.
Cette situation est similaire dans la plupart des villes que nous avons examinées. La différence réside dans le fait que, dans certaines régions, les prix du marché immobilier se sont stabilisés. Certains ont baissé, d’autres sont restés stables. Si l’on prend l’exemple de Calgary et de Montréal, les prix semblent avoir continué d’augmenter. Dans l’ensemble, les marchés les plus dynamiques semblent avoir vu leur écart se réduire. Cela semble s’expliquer par la baisse des prix et des taux d’intérêt.
Dans ces cas, les ratios du service de la dette restent très élevés. L’accessibilité demeure donc un problème à Vancouver, à Toronto, ainsi que dans d’autres grandes villes. Mais cela s’explique à la fois par les taux d’intérêt et par le fait que les prix ont évolué de manière légèrement différente selon les régions métropolitaines de recensement, ou RMR.
Le sénateur Yussuff : Tout le monde s’est concentré sur la manière dont nous traitons certaines des mesures utilisées par le gouvernement pour taxer le secteur du logement: la TPS, la TVH, les frais dans les juridictions municipales et, dans une large mesure, les droits de mutation immobilière à l’échelle provinciale. Toutes ces mesures sont combinées et vous pouvez leur attribuer un pourcentage et dire : « Voici le coût total des prélèvements et des taxes du gouvernement. »
Au vu de cette situation et compte tenu de la crise que nous traversons, pouvez-vous replacer cela dans son contexte de manière à donner aux décideurs politiques une idée claire de ce qu’il faudrait faire, et où il serait le plus efficace d’agir pour faire évoluer les choses et rendre l’accès au marché beaucoup plus abordable pour les personnes qui souhaitent s’y lancer?
M. Jacques : Merci pour cette question. Pour répondre brièvement, et toujours du point de vue du directeur parlementaire du budget, il existe certaines lacunes dans les données. En ce qui concerne le coût global pour les promoteurs immobiliers de construire des logements ou de créer une offre supplémentaire de logements à travers le pays, ceux-ci connaissent certainement ces coûts. Je suis certain qu’ils disposent de tableaux détaillés qu’ils utilisent régulièrement avant de décider de procéder ou non à l’investissement. Il serait intéressant de disposer d’un ensemble de données officielles ou d’un suivi du gouvernement du Canada que nous pourrions utiliser pour répondre à ces questions.
Je vais également revenir sur le manque de données mentionné par ma collègue, Caroline Nicol, à savoir la nécessité de disposer d’une estimation cohérente des formalités administratives ou de la charge de conformité qui pèse sur les promoteurs immobiliers à travers le pays. De cette manière, nous allons pouvoir effectuer une mesure cohérente et, espérons-le, identifier les villes qui obtiennent de très bons résultats, et où la charge est en réalité moins importante que dans d’autres. Cela vous amènera immédiatement à vous demander: pourquoi est-elle moins importante? Est-ce que cela fonctionne? Pourriez-vous réellement mettre en œuvre de nouvelles politiques?
Il pourrait s’avérer utile d’avoir quelque chose de semblable aux lignes directrices du gouvernement du Canada sur les pratiques exemplaires en matière de réglementation et d’autres pratiques à l’échelle fédérale. Comme tout le monde le sait, le gouvernement fédéral verse des sommes considérables sous forme d’incitatifs fiscaux et de transferts partout au pays pour stimuler l’offre de logements.
Le sénateur Loffreda : Monsieur Jacques, je suis heureux de vous revoir. Votre bureau a publié ce matin une mise à jour du rapport sur l’évaluation du prix des propriétés, dont nous avons tous pris connaissance et dont nous discutons en ce moment. J’ai été particulièrement frappé par la section sur les ratios du service de la dette et la vulnérabilité financière des ménages. Nous savons déjà que le Canada a en fait l’un des taux d’endettement des ménages les plus élevés au monde; j’ai déjà soulevé des préoccupations à ce sujet. Votre rapport montre que, même si les ratios du service de la dette hypothécaire ont quelque peu diminué à l’échelle nationale, les ménages dans des villes comme Toronto, Vancouver et Victoria dépassent toujours leur capacité d’emprunt normale. Vous avez dit dès le départ que votre bureau fournissait des analyses impartiales et indépendantes. J’aimerais savoir à quel point nous devrions être préoccupés, à votre avis. Selon votre analyse, les Canadiens s’endettent-ils à des niveaux insoutenables simplement pour pouvoir accéder à la propriété? Dans quelle mesure cela rend-il notre pays vulnérable sur le plan financier?
M. Perrault : Je pense que l’objectif de ce rapport était de mettre en lumière l’évolution récente du prix des propriétés et des taux d’intérêt. Si vous tenez compte des indicateurs actuels de la SCHL et que vous examinez certains des marchés en très forte effervescence — entre autres, Toronto, Vancouver ou l’Ontario —, en prenant 2019 comme date ou période de référence, vous constaterez que, selon l’indicateur de l’abordabilité, qui est semblable dans notre cas au ratio du service de la dette, les niveaux à Vancouver et à Toronto demeurent plus élevés qu’en 2019. La situation s’améliore certes. Par exemple, à Vancouver, le ratio du service de la dette, en fonction d’un ratio prêt-valeur de 67 %, avait grimpé jusqu’à 43 %, mais il est redescendu à environ 33 ou 34 %. Il y a donc une amélioration, mais cela reste très élevé.
Je dirais que la situation est sans doute préoccupante. Du moins, ce n’est pas le cas dans la plupart des régions métropolitaines de recensement. Pour les périodes que nous avons examinées, soit de 2012 à 2014, les chiffres semblaient plus stables dans le temps, mais les niveaux actuels semblent très élevés.
Le sénateur Loffreda : Quand on examine les périodes, l’un des points saillants de votre rapport est que le prix des propriétés à l’échelle nationale reste bien inférieur au sommet atteint au début de 2022; c’est ce que vous soulignez ici. L’écart entre les prix moyens des propriétés et ce qu’un ménage moyen peut se permettre s’est réduit, comme vous l’avez mentionné, à Toronto et à Hamilton, mais on observe une détérioration de l’accessibilité du prix des propriétés à Calgary, à Québec et dans ma ville natale, Montréal.
Quelles sont les conséquences de ce changement pour les ménages qui ont acheté leur propriété au plus fort du marché immobilier ou aux alentours de cette période? Je pose la question parce que le consommateur demeure le véhicule ou le moteur de toute économie. Selon votre analyse indépendante et à la lumière des connaissances que nous avons acquises au fil du temps — parce que nous avons déjà vu cela dans les années 1980 —, cette situation risque-t-elle de provoquer une récession à l’avenir? Dans quelle mesure ces ménages courent-ils aujourd’hui le risque d’avoir une valeur nette négative ou de subir des pressions financières au moment du renouvellement, en particulier si le marché continue de se détériorer? Peut-on espérer que l’abordabilité devienne un jour une réalité au Canada, surtout si le marché continue de fléchir? Où en sommes-nous à cet égard?
M. Jacques : Je vais aborder ce point. En ce qui concerne le marché national de l’habitation, la semaine dernière, nous avons publié nos perspectives économiques et financières sur cinq ans. À l’échelle nationale, le marché de l’habitation continue de contribuer positivement à la croissance économique du Canada, mais la croissance et les prix ralentiront dans l’ensemble de l’économie au cours des prochaines années.
Les dépenses de consommation demeurent relativement élevées, ce qui signifie que les consommateurs tiennent encore bon. C’est ce que nous observons dans l’ensemble, à l’échelle macroéconomique. Cela dit, comme vous l’avez souligné, il existe des réalités très différentes d’un marché à l’autre dans tout le pays. Par conséquent, nos perspectives macroéconomiques portent sur l’ensemble du Canada. Or, les gens ne vivent pas vraiment dans l’ensemble du Canada; ils vivent dans des maisons situées dans des villes partout au pays. Ainsi, le prix des propriétés et la dynamique connexe sont largement déterminés à l’échelle locale.
Monsieur Perrault, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Perrault : Cela ne fait que souligner le fait qu’il y a 16 marchés différents au Canada. Avoir une vue d’ensemble nationale est certes intéressant, mais cela masque en grande partie l’hétérogénéité qui existe à l’échelle du pays.
La sénatrice Martin : Bonjour à tous. Mes collègues ont posé des questions semblables ou analogues aux miennes, mais je voulais faire le lien entre ce que nous avons entendu hier et ce que votre rapport d’aujourd’hui révèle sur le prix des propriétés.
Je viens de la Colombie-Britannique, et vous avez dit que Toronto, Vancouver et Victoria sont les plus vulnérables sur le plan financier. Ce qui m’inquiète, c’est que Vancouver ne figure pas parmi les six emplacements fédéraux retenus pour le programme Maisons Canada, même si cette ville est systématiquement citée comme l’une des moins abordables et l’une des plus exposées à la vulnérabilité financière.
Je voulais donc poser une question au sujet de Vancouver et de la Colombie-Britannique précisément parce que Vancouver et Victoria ont été mentionnées dans votre rapport aujourd’hui. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur ces préoccupations et sur la façon dont nous pouvons y remédier?
M. Jacques : Pour ce qui est de la deuxième partie de votre question, je rappelle que le mandat de notre bureau consiste à faire des calculs, que ce soit à l’aide d’un boulier, d’une calculatrice ou, à l’occasion, d’un tableau blanc. Nous ne donnons pas de conseils sur les politiques que le gouvernement devrait ou ne devrait pas adopter.
Dans les trois administrations, les trois villes que vous avez nommées, et plus précisément dans la vallée du bas Fraser en Colombie-Britannique, dans le cas de Vancouver et de Victoria, on observe une légère amélioration de l’abordabilité depuis 2022, mais les prix demeurent inabordables à ce stade-ci.
Chose certaine, lorsqu’on examine les écarts et l’abordabilité sur une plus longue période, on constate que ces villes finissent par être très coûteuses dans l’ensemble. Dans un tel contexte, peu importe les conditions économiques et les approches et interventions provinciales dans ces deux villes pour accroître l’offre ou soutenir l’accession à la propriété, si ces chiffres ne changent pas, c’est peut-être signe qu’il faut en faire plus. Je le répète, nous ne sommes pas des experts en matière de politiques, alors je vais en rester là.
La sénatrice Martin : J’espérais vous entendre dire que, compte tenu de ces disparités régionales, les efforts fédéraux en matière de logement devraient cibler ces marchés très vulnérables et que c’est ce qui s’impose, mais je respecte le rôle que joue votre bureau.
Je vais passer à un autre point. Dans votre analyse de l’écart de l’offre de logements, publiée en août 2025, vous prévoyez que le Canada aura besoin de 3,2 millions de nouveaux logements nets d’ici 2035, ce qui est nettement inférieur aux 5,3 millions estimés par la SCHL. Selon votre analyse, la révision à la baisse des cibles du gouvernement en matière d’immigration pourrait réduire la pénurie de logements de 534 000 unités d’ici 2030. Cependant, vous avez fait remarquer que ces projections comportent un risque important en raison des incertitudes liées au départ de résidents temporaires.
Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet? Y a-t-il eu, au cours des derniers mois, des faits nouveaux qui ont confirmé ou atténué vos préoccupations?
Mme Nicol : Nous avons soulevé cette question parce que l’entrée au pays est un peu plus certaine. On accorde un visa ou la résidence permanente aux gens qui entrent au pays. Lorsque le gouvernement fixe une cible qui précise, par exemple, que la proportion de résidents temporaires sera de 5 % d’ici telle ou telle date, il contrôle qui entre au pays, à quel moment et en quelle quantité.
Toutefois, en ce qui concerne les départs, il y a un peu moins de certitude. Je vous donne un exemple. Lorsqu’une personne détient un visa d’étudiant, elle peut, dans certains cas, prolonger son séjour en obtenant un visa d’études supérieures si elle répond aux critères. On parle ici de décisions humaines, de projets de vie, ce qui est plus difficile à prévoir.
Nous avons donc souligné le fait que lorsque le gouvernement fixe ces cibles en matière d’immigration, il y a un risque que les délais ou les objectifs ne soient pas respectés, car les gens pourraient adopter des comportements différents de ce qui est prévu. Il y a un risque, par exemple, qu’un plus grand nombre de personnes optent pour un visa d’études supérieures que par le passé.
La sénatrice Martin : Je vous remercie.
La sénatrice Ringuette : Je vous remercie de votre présence. J’ai quelques questions à vous poser. Premièrement, à la page 6 de votre rapport publié ce matin, vous écrivez : « L’écart d’accessibilité du prix des propriétés est défini comme la différence en pourcentage entre le prix réel et le prix abordable des propriétés. »
En ce qui concerne les prix abordables, quel est votre point de référence? S’agit-il des 30 % qui sont en place depuis la Seconde Guerre mondiale?
M. Perrault : Non. On pourrait qualifier cela de concept théorique.
La sénatrice Ringuette : D’accord. De quoi s’agit-il alors?
M. Perrault : Il s’agit de prendre le ratio du service de la dette pendant une période que nous jugeons très favorable — c’est un bon point de référence —, soit de 2012 à 2014. Nous y ajoutons la dette et le paiement mensuel nécessaire pour la rembourser. Puis, nous l’intégrons dans le calcul, et cela donne un prix que nous pourrions considérer comme abordable, en fonction de la période de 2012 à 2014. Nous tenons aussi compte du revenu durant la période visée. Nous obtenons ainsi un prix que nous jugeons abordable.
Ensuite, nous examinons le prix réel sur le marché et nous calculons la différence entre les deux. Enfin, nous déterminons s’il y a un écart entre les deux.
La sénatrice Ringuette : Est-ce la norme dans le domaine de l’économie, ou est-ce une pratique propre à votre bureau?
M. Perrault : C’est le troisième rapport que nous publions en utilisant cette méthodologie. Nous l’avons empruntée au Fonds monétaire international, à partir d’un rapport de 2019.
La sénatrice Ringuette : Deuxièmement, à la page 5 de votre rapport, la figure 2 est déroutante, car lorsqu’on examine l’écart entre le taux de la Banque du Canada et le taux hypothécaire de cinq ans offert par les institutions bancaires, on observe une certaine fluctuation. En 2016, c’était d’environ 2,5; en 2019, de 2; en 2021, de 2,5. En 2024, c’était aussi bas que 1,5. J’essaie de comprendre la tendance qui se dégage.
Lorsque la Banque du Canada augmente son taux de financement à un jour, l’écart par rapport aux institutions financières diminue pour les prêts hypothécaires. Cela pose-t-il un problème de concurrence? Est-ce lié au programme d’assurance hypothécaire de la SCHL? J’essaie de comprendre l’écart. Une institution bancaire normale afficherait un écart constant entre son taux de prêt hypothécaire et le taux de la Banque du Canada, mais en l’occurrence, l’écart varie, et je trouve cela bizarre. Je cherche à savoir si vous avez une réponse à cette question.
M. Perrault : Nous n’avons pas cherché expressément à expliquer l’écart entre les deux. La variation de l’écart explique certainement une partie des fluctuations lorsque nous examinons l’écart d’abordabilité dans notre rapport. La concurrence pourrait être une explication, mais d’autres facteurs pourraient entrer en ligne de compte, notamment le risque. Y a-t-il un risque accru? Du point de vue des banques et de leur capacité de prêt, leurs attentes quant à la hausse ou à la baisse des prix auraient une incidence sur leur prime de risque. Leurs propres attentes quant à l’évolution des taux d’intérêt futurs pourraient également être en cause. Il y a beaucoup de facteurs qui pourraient expliquer cette situation. Je ne dirais pas que la concurrence est le principal facteur. Cela ne relève pas de mon expertise.
La sénatrice Ringuette : Essentiellement, vous n’avez pas examiné en profondeur les raisons. En ce qui a trait à l’avenir des prêts hypothécaires et aux problèmes d’abordabilité, selon moi, il est très important que les consommateurs comprennent ce à quoi ils feront face.
M. Perrault : Pour les besoins de ce rapport, les taux d’intérêt constituent un facteur important dans les indicateurs que nous utilisons. Dans notre rapport, nous avons utilisé le taux estimé de la Banque du Canada, c’est-à-dire celui qu’elle mesure, et le taux effectif, celui qui est réellement utilisé. Nous avons pris soin d’utiliser ce paramètre afin d’obtenir, selon nous, le bon profil pour nos indicateurs.
La sénatrice Ringuette : Je vous remercie.
[Français]
La sénatrice Henkel : Merci à vous d’être ici ce matin.
J’aurai deux questions. Ma première question concerne la non‑formation des ménages. Vos analyses montrent qu’en 2021, environ 631 000 ménages n’ont pas pu se former, faute de logements accessibles, et que ce chiffre pourrait atteindre 714 000 ménages d’ici 2035. Concrètement, quels effets économiques et sociaux anticipez-vous de cette non-formation de ménages, notamment pour les jeunes adultes, la mobilité de la main-d’œuvre et la croissance économique du pays?
Mme Nicol : Pour nous, il est important d’inclure cet aspect lorsqu’on calculait quelle était vraiment la demande totale pour le logement au Canada. On peut regarder historiquement. Ce qu’on utilise comme mesure est essentiellement la taille des ménages. Ce que l’on a vu, c’est que dans certaines juridictions, particulièrement en Ontario et en Colombie-Britannique, on voyait que pour certains groupes d’âge, particulièrement pour les jeunes adultes, la taille des ménages augmentait. Cela pouvait sous-entendre que les jeunes adultes restaient chez leurs parents plus longtemps, avaient beaucoup plus de colocataires qu’ils auraient voulu. Pour nous, il est clair qu’il y a certains obstacles pour certains individus de former leur propre ménage.
Quand le pays doit planifier la future offre en logements, il est important de non seulement regarder démographiquement basé sur les périodes historiques pour savoir combien de familles vont se former et combien de celles-ci auront besoin de logement, mais aussi d’être certains d’offrir un nombre suffisant de logements, qu’on puisse renverser cette tendance, et que tous ceux qui désirent former un ménage, déménager de chez leurs parents et de ne pas avoir de colocataires puissent le faire. Dans la planification, il est important de prendre cela en compte et de s’assurer que la demande complète soit considérée.
La sénatrice Henkel : Merci. Toutefois, j’aimerais savoir si vous aviez évalué les effets économiques et sociaux sur la non-formation de ces ménages. C’est surtout cela.
Mme Nicol : On n’a pas nécessairement étudié l’impact économique de cela. Il est certain qu’avec plus de ménages, il y aurait un effet multiplicateur, car ils auraient tous besoin d’un réfrigérateur, par exemple. Il y aurait donc une consommation supplémentaire. Notre étude a vraiment eu un focus sur l’impact que cela a sur la demande en logements. Cependant, c’est certain que oui, on pourrait avoir une demande de consommation supplémentaire si ces ménages étaient formés. C’est certain.
La sénatrice Henkel : Dans vos projections de l’offre de logements à l’horizon de 2035, avez-vous distingué la contribution de modèles alternatifs, comme les coopératives d’habitation? Si oui, quel rôle quantitatif peuvent-ils jouer pour réduire l’écart assumé de 3,2 millions de logements identifiés?
Mme Nicol : On n’a pas nécessairement été dans ce détail. Nous avons essayé d’avoir une hypothèse de base où le risque est balancé. On prend une approche un peu plus macroéconomique où on regarde vraiment les forces fondamentales du marché, et on essaie d’avoir une espèce de courbe où le risque est balancé. On ne regarde pas nécessairement les détails. La conclusion qu’on a dans notre rapport est qu’on a besoin d’une offre en logements supplémentaire pour répondre à la demande. On ne mentionne pas nécessairement les moyens. Toutefois, n’importe quel moyen d’avoir plus de logements, d’unités d’habitation serait une bonne chose pour ce marché, c’est certain.
La sénatrice Henkel : Dans vos projections de construction et d’évaluation de l’écart de logements, faites-vous une distinction entre les différents types de logements? Par exemple, le logement coopératif, le logement social et privé. Vous ne faites pas cela?
Mme Nicol : Non. Nous avons constaté une chose : il est toujours possible de tomber dans la complexité. Au moment où on a fait la première version en 2024, il y avait vraiment un manque dans l’univers économique du pays d’une espèce de chiffre fondamental. Si on regarde le nombre de familles qui vont se former au Canada et le nombre d’unités de logement, que ce soit un condo, une maison unifamiliale, une unité de coopérative, est-ce que ces deux chiffres sont balancés? Cette étude n’avait pas été faite. Nous voulions mettre cela de l’avant. On voulait vraiment une approche très fondamentale. On le mentionne dans le rapport que lorsqu’on parle de 3,2 millions d’unités, il est primordial que ces unités soient réparties régionalement de façon appropriée. On a parlé plus tôt des besoins dans différentes régions, que ces logements soient à la bonne place, répondent aux besoins de la population, dont le nombre de chambres, les prix, la qualité, etc. Le montant de 3,2 millions d’unités est le début de la réponse. Après, il faudra s’assurer que ces unités que l’on construit répondent totalement aux besoins de la population afin que la question soit réglée.
Le sénateur Dalphond : Au tableau 1, vous avez utilisé un indicateur qui n’est pas celui de la Banque Nationale ou Teranet. Vous avez plutôt utilisé celui de MLS. Est-ce qu’il s’agit du prix affiché ou le prix réel payé?
M. Perrault : En fait, c’est une construction aussi, comme un indice qui utilise une méthode statistique par régression pour avoir une idée d’une maison représentative dans chaque ville. C’est une mesure différente que justement celle de Teranet qui est basée sur une autre méthode statistique qui regarde seulement les ventes répétées. C’est celle que l’on a utilisée dans nos deux autres rapports. Cela semble aussi capturer ce qui se passe à Toronto également.
Le sénateur Dalphond : Est-ce que le prix utilisé par MLS est le prix affiché ou si c’est le prix de la transaction? J’ai remarqué qu’il y a de plus en plus de transactions qui se font en bas du prix affiché.
M. Perrault : C’est une excellente question. Je ne veux pas m’avancer sur le prix qu’ils ont utilisé dans leur régression. Je peux fouiller et vous revenir avec la réponse.
Le sénateur Dalphond : Parce que cela dépend des quartiers à l’intérieur d’une ville. J’habite un quartier où les prix continuent de monter, alors que dans les quartiers à côté, les prix baissent. Quand on gratte un peu, je remarque que quand on se met sur le marché, on ne met pas le prix le plus bas. On essaie de mettre le plus haut, et le courtier nous aide. J’ai remarqué que depuis un certain temps, plusieurs transactions se faisaient en bas du prix affiché. L’écart pourrait être un peu plus réduit en termes de ce qui est disponible versus ce qu’on est capable d’acheter. Parce que si on paie 50 000 $ de moins, j’imagine que cela réduit —
M. Perrault : J’ai l’impression que ce serait probablement le prix de vente, mais je vais vérifier avant de dire une fausseté.
Le sénateur Dalphond : Au mois d’août, dans l’étude que vous avez faite sur la disponibilité et la construction de maisons, vous avez estimé qu’en 2025, il y aura une chute drastique des mises en chantier, que cela allait se continuer en 2026, et que cela irait même encore plus bas. Est-ce que cette prémisse est réutilisée pour les calculs ici ou est-ce que ce n’est pas pertinent?
Mme Nicol : Est-ce qu’on parle de la figure 1 ou 2?
Le sénateur Dalphond : Celle du mois d’août. C’est la figure 1.
Mme Nicol : C’est la formation des ménages, la figure 1. Ce qu’on démontre ici, c’est l’aspect démographique. On a vu l’augmentation de l’immigration jusqu’en 2024 avec les nouvelles cibles d’immigration. Cela amène le taux de formation des ménages beaucoup plus bas. Toutefois, je peux répondre à votre question pour l’offre de logement. Ce qu’on voit en ce moment, c’est qu’on a quand même une mise en chantier soutenue régionalement. À Toronto, c’est particulièrement difficile. Pour le reste du pays, cela va un peu mieux. On prévoit pour les 10 prochaines années qu’une fois que cette demande démographique excessive aura été rencontrée, les mises en chantier et les achèvements de logements vont retourner vers une tendance plus historique.
Le sénateur Dalphond : C’est le tableau 2 du mois d’août?
Mme Nicol : Oui.
Le sénateur Dalphond : Cela veut donc dire que tous les programmes qu’on est en train de mettre en place pour stimuler la construction sont pris en considération malgré qu’il y a une chute des mises en chantier?
Mme Nicol : Pour ce qui est des politiques incluses dans ces projections, c’est jusqu’à l’énoncé économique de l’automne 2024, particulièrement le budget 2024, où il y avait beaucoup de mesures en logement. En publiant, on voulait donner une projection de base sachant qu’il y aura plusieurs mesures de logement. Cela nous donne quelque chose qui pourra être additif par la suite.
Ce qu’on voit comme étant la force de cette diminution et ce retour est démographique. L’aspect qu’on identifie comme étant ce qui pousse beaucoup l’offre en logement, c’est le ratio entre la population et le stock de logements. Quand on a une demande excédentaire, l’offre va rencontrer cela. Une fois que ce phénomène est moins fort, on retourne vers les tendances historiques.
Le sénateur Dalphond : Il y a une espèce de corrélation entre les mises en chantier et l’augmentation de la population?
Mme Nicol : Oui.
Le sénateur Dalphond : Les mesures prévues dans la nouvelle Loi visant à bâtir le Canada et tous les incitatifs fiscaux, réduction de taxes, etc., ne sont-ils pas vraiment considérés comme ayant un impact qui va faire de la distorsion par rapport à une courbe normale si l’immigration ou la population baisse? La mise en chantier va-t-elle baisser? Est-ce qu’on va pouvoir le mesurer plus tard, mais pas pour l’instant?
Mme Nicol : Oui. Ce n’est pas pris en compte ici, parce qu’on voulait faire une projection de base sur laquelle on pourra ajouter ces mesures par la suite au besoin.
La conclusion de notre rapport est que l’offre au cours des 10 prochaines années en format statu quo ne sera pas suffisante, particulièrement à cause de la non-formation des ménages qui est cette espèce de demande qui n’est pas observée en ce moment et qui pourrait apparaître une fois qu’on a plus de logements disponibles. C’est certain.
Le sénateur Dalphond : Si les programmes sont effectifs, cela veut-il dire qu’il va y avoir plus de mises en chantier que la prémisse? Cela veut-il dire que l’écart risquerait de se réduire?
Mme Nicol : Ce serait l’objectif.
Le sénateur Dalphond : D’accord, merci.
Le président : Cela termine la première ronde. Cependant, j’ai une question, et nous avons au moins six sénateurs pour la seconde ronde de questions. Pourriez-vous ajouter 20 minutes supplémentaires à votre disponibilité? Merci de votre flexibilité.
J’aimerais que vous m’éclairiez sur les chiffres, parce que plusieurs chiffres ont circulé. La SCHL parle de 3,5 millions d’unités qu’on doit ajouter pour les dix prochaines années. Cela voudrait dire presque 500 000 mises en chantier par année pour atteindre un niveau d’abordabilité, alors qu’on n’a jamais dépassé 275 000 mises en chantier par année au Canada. Dans vos commentaires, vous faites référence au mois d’août. Quand vous faites référence à l’étude de la SCHL, vous ajoutez la phrase suivante :
[...] atteindre les niveaux d’abordabilité visés par la SCHL nécessiterait une construction excessive et importante de nouveaux logements, de sorte qu’il y aurait des niveaux anormalement élevés de logements inoccupés ou de ménages disposant d’une résidence secondaire.
On octroie 5,3 millions à la SCHL pour une cible d’abordabilité. Vous dites qu’il manque 3,2 millions d’unités et qu’au fond, on devrait construire 290 000 mises en chantier par année, ce qui est beaucoup plus accessible que 500 000 mises en chantier. Pouvez-vous nous démêler cela et nous éclairer?
La première fois que j’ai entendu parler de 500 000 mises en chantier par année par la SCHL, je me suis dit qu’on n’y arrivera jamais. Toutefois, quand on parle d’un montant de 290 000, cela me semble beaucoup plus raisonnable, d’autant plus que vous avez dit que l’atteinte des niveaux d’abordabilité de la SCHL nécessitera une construction excessive, mais qu’elle créera plusieurs logements inoccupés par la suite.
Éclairez-nous, s’il vous plaît.
Mme Nicol : L’exercice qu’ils font est un peu différent du nôtre. Ils ont un objectif d’abordabilité avec le prix des maisons et ils utilisent l’offre. Quelle offre devrions-nous avoir pour arriver à ce prix? C’est ce qui explique en bonne partie le plus gros chiffre auquel ils arrivent. En ce qui nous concerne, nous analysons la demande démographique et la non-formation des ménages. Voici l’offre et donc le déséquilibre.
Le point qu’on apporte dans notre rapport, c’est quand on amène leurs chiffres dans notre cadre en comparant l’offre et la demande, c’est que pour arriver à ces prix, cela crée une situation où l’offre en logement est telle que le taux d’inoccupation serait très élevé. C’est une question qu’on amène dans notre rapport : est-ce que le chiffre que la Société canadienne d’hypothèques et de logement apporte a pris cela en compte? Est-ce que c’est ce qu’on veut, en quelque sorte?
Le président : Merci de votre réponse. Vous dites que compte tenu de la demande qui vient avec l’immigration et tout, on a besoin d’environ 290 000 mises en chantier par année dans les prochaines années, alors que la SCHL nous dit que si on veut revenir à des prix d’abordabilité, on va passer d’une situation de pénurie de logements à une situation de surcapacité. En fait, cela créera un cycle d’expansion et de récession dans le secteur. C’est ce que je comprends. Merci de votre éclairage.
[Traduction]
Le sénateur Varone : Je ne suis pas économiste. Je vais m’en remettre à notre estimé président à cet égard, mais je vais essayer de présenter la théorie économique en ce qui concerne l’offre et la demande en matière de logement.
En matière de logement, il y a le coût des terrains et celui de la construction. Les deux sont à la fois dynamiques et soumis à la théorie de l’offre et de la demande — plus d’offre, moins de coûts, plus de concurrence. Il y a ensuite les frais gouvernementaux. C’est une couche supplémentaire, et qu’il s’agisse de la TVH, de la taxe sur le transfert des biens fonciers ou des droits d’aménagement, ces frais sont statiques. Ils n’évoluent pas avec le marché. Ils sont là, tout simplement.
Je suis curieux de savoir, parmi les 16 marchés que vous avez recensés au Canada et que vous surveillez, lesquels ont vu une amélioration des ventes par rapport aux frais gouvernementaux statiques ou inexistants. Dans les marchés en effervescence, où il y a une offre et une demande, cela ne favorise pas les transactions, et on se plaint que la nature statique des frais imposés par le gouvernement empêche le marché de fonctionner.
Est-ce là un aspect que vous comptez étudier ou que vous pouvez examiner, notamment en ce qui concerne la générosité de la fiscalité gouvernementale dans les marchés que vous avez cernés?
M. Jacques : Nous ne nous sommes pas penchés précisément sur le fardeau fiscal fédéral et, potentiellement, provincial sur les droits d’aménagement dans les 16 différents marchés. Encore une fois, grâce à une motion du comité, nous serons évidemment heureux d’examiner la question pour vous.
Le sénateur Varone : Je vous remercie.
La sénatrice Wallin : Je vais revenir brièvement à ma question précédente. Je pense qu’hier soir, vous avez comparé les dépenses fédérales à une conduite imprudente sur une route étroite, en espérant éviter un accident de voiture.
Pour revenir à la nouvelle façon d’évaluer les chiffres, le premier ministre Carney a dit qu’il aurait un budget de fonctionnement, qu’il équilibrerait dans trois ans, et un budget d’immobilisations, qui comporterait de petits déficits. Lorsque vous examinez la situation avec votre boulier en main, force est de constater que les dépenses se poursuivent, comme vous l’avez mentionné, mais il y a aussi la perte éventuelle de recettes fiscales à maints égards, entre autres sur le plan de la TPS. Selon vous, y a-t-il une réelle possibilité d’équilibrer un budget de fonctionnement en trois ans dans les circonstances actuelles?
M. Jacques : Je crois me souvenir de l’analogie avec la conduite automobile que j’ai formulée hier soir lorsque je faisais remarquer que, dans le contexte actuel, le défi pour le gouvernement fédéral consiste à appuyer sur le frein et sur l’accélérateur en même temps, tout en tenant fermement le volant pour garder le contrôle du véhicule.
Je dirais qu’en regard des 30 dernières années, la situation financière actuelle est particulièrement difficile et possiblement la plus difficile qu’un gouvernement ait eu à affronter, tous gouvernements confondus. Dans le passé, lorsque la situation économique se corsait, le gouvernement avait deux choix : appuyer sur le frein ou sur l’accélérateur. Dans les années 1990, comme il fallait rétablir l’équilibre, la solution était de réduire les dépenses ou de transférer les responsabilités aux provinces en réduisant les transferts.
En 2008, il s’agissait de déterminer combien d’argent il fallait dépenser et quels secteurs allaient être laissés à l’écart des interventions habituelles du gouvernement fédéral.
Aujourd’hui, le gouvernement fédéral et vous tous êtes confrontés à une situation où vous devez faire les deux en même temps, c’est-à-dire réduire les dépenses dans certains domaines et les augmenter dans d’autres, et ce, très rapidement. Cela rend la tâche extrêmement difficile.
En ce qui concerne la capacité du gouvernement fédéral à équilibrer le budget de fonctionnement, oui, il en a évidemment la capacité. Je reviens à une citation de M. Chrétien à propos de la situation à laquelle il a dû faire face dans les années 1990. Selon lui, la question n’était pas de savoir si l’on était capable de le faire, mais bien de savoir si l’on avait la volonté de le faire.
Encore une fois, il y a des compromis importants à faire, c’est pourquoi ces décisions sont prises à la Chambre et au Sénat.
La sénatrice Wallin : Dans le cadre de la recherche de cet équilibre, dans quelle mesure la perte de recettes fiscales vous préoccupe-t-elle?
M. Jacques : Les initiatives politiques mises en œuvre par le gouvernement au cours des six derniers mois environ — je pense en particulier à la réduction de 15 à 14 % du taux de base de l’impôt sur le revenu des particuliers, le premier taux, et à la suppression de la taxe sur les services numériques — rendent la tâche plus difficile pour le gouvernement, puisque ces deux mesures représentent une perte de recettes d’environ 7 à 8 milliards de dollars par an. Cela dit, je rappelle encore une fois que je suis celui qui fait les calculs et non celui qui donne des conseils stratégiques, et que l’économie est une chose complexe.
La sénatrice Wallin : Je vous remercie.
Le sénateur Yussuff : En ce qui concerne votre rapport et les problèmes auxquels nous sommes confrontés dans le secteur du logement, il y a certaines questions difficiles auxquelles nous ne pouvons pas vraiment répondre, car les données de référence ne sont pas uniformes. Elles varient considérablement d’une administration à l’autre.
Si nous vous demandions, en tant que comité, de fournir une analyse afin de nous donner des données de référence uniformes qui nous permettraient à tout le moins de partir d’une base commune — nous ne comparons pas des pommes et des oranges, nous comparons des oranges et des oranges —, je pense qu’il serait plus facile d’entrevoir un horizon où il serait possible d’utiliser des outils stratégiques pour atteindre cet objectif. À vrai dire, nous essayons de mélanger tellement de choses, et chaque administration a ses propres règles. Je ne sais pas comment nous allons parvenir à ménager les consommateurs tout en essayant d’atteindre nos objectifs stratégiques. Si nous vous le demandions — et vous sembliez dire tout à l’heure que vous seriez disposé à le faire si tel était le souhait du comité —, seriez-vous prêt examiner ces questions pour nous?
Étant donné que nous examinons les recommandations que nous pourrions formuler dans notre étude à l’intention du gouvernement et compte tenu de la diversité des enjeux auxquels nous sommes confrontés, la dernière question que j’aimerais poser et qui pourrait être utile au comité est la suivante : y a-t-il selon vous une ou deux mesures que le gouvernement fédéral pourrait prendre qui pourrait avoir une incidence marquée sur l’accessibilité au logement?
C’est le véritable problème auquel notre pays doit faire face. Les gens travaillent d’arrache-pied. Ils veulent avoir un toit au‑dessus de leur tête, mais les conditions du marché changent constamment. Dans des marchés très actifs comme celui de Toronto, les choses sont vraiment difficiles. La situation peut être un peu plus aisée dans d’autres marchés qui n’ont pas les mêmes problèmes que celui de Toronto. Le marché de Toronto a ses problèmes particuliers. Il n’y a pas de place où construire et, comme notre espace est limité, la seule façon de donner plus de logements à la population est de construire en hauteur.
À la lumière de votre étude qui tombe à point nommé en ce moment et compte tenu des compétences du gouvernement fédéral, y a-t-il des politiques que vous pourriez recommander et qui seraient utiles pour améliorer les choses?
M. Jacques : Encore une fois, le mandat de mon bureau n’est pas de fournir des conseils stratégiques. Je ne donnerai pas de conseils sur des politiques qui pourraient être appliquées, mais je vais souligner deux des principaux déterminants économiques que nous mentionnons dans nos rapports quant à l’accessibilité au logement, facteurs dont vous pourrez constater la pertinence en examinant les chiffres.
Le premier élément déterminant est l’effet des taux d’intérêt, nommément de la disponibilité des prêts hypothécaires et du taux hypothécaire sur cinq ans. La variabilité de ce taux a une incidence significative sur l’accessibilité au logement et sur la probabilité que des gens puissent acheter une première maison.
Le deuxième élément est, bien entendu, les salaires. Des salaires élevés et une forte croissance des salaires dans l’ensemble de la population signifient que les gens ont plus d’argent dans leurs poches et que la part de leur revenu qu’ils peuvent consacrer au remboursement d’un prêt hypothécaire finit par être un peu plus élevée.
Le sénateur Yussuff : Je vous remercie.
Le sénateur Loffreda : L’accessibilité au logement est notre objectif principal et, comme vous le savez, c’est une préoccupation majeure dans tout le pays. C’est pour cette raison que nous l’étudions. Je vais continuer à me focaliser sur cette préoccupation.
Je suis heureux que vous ayez clarifié vos chiffres en réponse à la question de notre président concernant la SCHL. Donc, après ces clarifications, vous indiquez dans votre rapport du mois d’août, intitulé La formation de ménages et le stock de logements, que l’élimination de l’écart de l’offre de logements au Canada nécessiterait l’achèvement net de 3,2 millions de logements d’ici 2035, soit environ 290 000 logements achevés par an au cours de la prochaine décennie. Cela veut dire qu’il faudrait dépasser le chiffre record de 276 000 logements achevés en 2024 pendant 11 années de suite.
Mis à part la suppression des obstacles liés à l’offre — nous pourrions en discuter longuement —, dans quelle mesure êtes‑vous convaincu que ce rythme de construction se traduirait réellement par une amélioration de l’abordabilité, et quelles sont les hypothèses que vous avez formulées et qui risquent d’être remises en cause ou de ne pas se réaliser au cours de cette période?
Mme Nicol : En ce qui concerne l’abordabilité, notre rapport fait état de plusieurs éléments importants. Il n’est pas dit que la construction de ces 3,2 millions de logements résoudra absolument le problème de l’abordabilité. Ce n’est pas nécessairement notre point de vue. Cela permettrait toutefois d’éliminer l’effet de la demande excédentaire sur les prix, qui a été l’un des principaux problèmes à ce chapitre. Ce serait sans aucun doute une amélioration.
Quant à savoir si la construction de ces logements suffirait à résoudre le problème de l’accès au logement, nous devons considérer la question dans une perspective plus large. Comme je l’ai déjà dit, nous devons d’abord nous assurer que ces logements sont situés aux bons endroits et qu’ils correspondent au type de demande, mais d’autres facteurs tels que les revenus et les taux d’intérêt ont aussi une incidence sur l’accès au logement.
Le sénateur Loffreda : Mais lorsque vous avez publié l’analyse, quel scénario avez-vous formulé concernant les revenus et les taux d’intérêt à venir?
Mme Nicol : Il s’appuyait sur une base de référence économique actualisée de nos projections économiques. Il ressemblait beaucoup aux perspectives économiques et budgétaires que nous avons publiées la semaine dernière. Il est peut-être un peu plus positif, car nous n’avons pas pris en compte tous les effets de la situation commerciale actuelle, mais il s’agit d’une hypothèse de base concernant ces facteurs. L’utilisation de nos nouvelles projections donnerait probablement une image plus sombre du manque de logements, car nous avons, par exemple, révisé les revenus à la baisse.
Un risque économique ou une augmentation des coûts d’approvisionnement constitueraient des menaces pour les perspectives que nous présentons et aggraveraient la situation.
Nos perspectives de base sont inférieures aux 290 000 unités que nous estimons suffisantes pour combler le manque de logements. Au-delà de nos perspectives de base et du statu quo que nous présentons, des efforts supplémentaires sont nécessaires pour combler ce manque. Quoi qu’il en soit, pour remédier au manque de logements, il faut avant tout augmenter l’offre.
La sénatrice McBean : Je vais essayer de m’en tenir à une question comptable plutôt qu’à une question politique.
Disons d’entrée de jeu que les constructeurs ne construisent pas si les gens n’achètent pas. Je m’inspire d’un article écrit par Mike Moffatt dans le Hub, où l’on examine la nouvelle mesure consistant à rembourser la TPS sur le logement. Il a estimé qu’en 2024, plus de 6 milliards de dollars ont été perçus au titre de la TPS pour la construction de logements neufs et qu’environ 300 millions de dollars ont été remboursés, soit un taux inférieur à 5 %.
Lorsque le gouvernement Mulroney a conçu la TPS, il a reconnu que cela pourrait nuire à l’accessibilité au logement, et il a conçu le système de remboursement afin d’assurer que le système de TVH/TPS ne soit pas un obstacle à l’accessibilité au logement au Canada. Cependant, les limites pour les maisons à 350 000 et 450 000 $ pour lesquelles les remboursements s’élèveraient à 36 % n’ont pas changé. Puis-je donc demander à votre bureau — et peut-être pourriez-vous nous indiquer comment procéder, car je vous ai entendu dire que nous devions présenter une motion —, bref, puis-je demander à votre bureau de calculer la différence que représenteraient les remboursements de la TVH si vous calculiez le remboursement sur la base des prix actuels des logements plutôt que sur la base des prix des logements compris entre 350 000 et 450 000 $? Pourriez-vous également le calculer si, au lieu d’une moyenne nationale des prix de l’immobilier, vous utilisiez la moyenne des prix de l’immobilier pour chacune des 16 régions que vous examinez?
M. Jacques : La réponse courte est oui, mais je ne sais pas comment nous pourrions le faire pour les 16 régions, comme ça, à brûle-pourpoint.
La sénatrice McBean : Avez-vous un coût moyen de l’immobilier pour chacune des régions? Le coût moyen du logement dans la région de Toronto est différent de celui de Winnipeg.
M. Jacques : Ma seule hésitation, sans connaître les chiffres, comme toute personne qui s’est déjà occupée de cette question — moins les comptables, mais certainement les économistes —, c’est que nous pouvons certainement vous fournir des chiffres, mais je veux avoir l’assurance que ce sont des chiffres utiles. Si le comité en fait la demande, nous pouvons assurément examiner cela.
Encore une fois, je tiens à vous féliciter de la qualité de votre recherche. Je dispose également du rapport sur les dépenses fiscales du gouvernement du Canada et cette page particulière sur le remboursement pour les logements neufs a été mise en place comme objectif stratégique afin d’assurer que la nouvelle TPS ne constitue pas un obstacle à l’abordabilité des logements neufs. Nous pourrions assurément examiner cela, tout en tenant compte, encore une fois, de la nouvelle mesure qui a été mise en place, c’est-à-dire ce nouveau remboursement de la TPS.
La sénatrice McBean : Si vous disposez de cette information, pouvez-vous me dire quel était le pourcentage initial du remboursement?
M. Jacques : Pour ce qui est du pourcentage initial du remboursement, le plafond a fini par être un peu plus bas. Il était donc effectivement de 100 %. Vous finissiez donc par obtenir un remboursement complet ou l’avantage dans son entier à 350 000 $, puis il a été supprimé progressivement jusqu’à 450 000 $. Comme vous l’avez souligné, il n’était pas indexé. Lorsqu’il a été mis en place, quand vous achetiez une maison au début des années 1990, 350 000 $ représentaient une somme importante, ce qui n’est plus nécessairement le cas qu’aujourd’hui. C’est le caractère pernicieux de l’inflation. Trente ans plus tard, ce remboursement qui s’appliquait à 350 000 $ n’a plus la même valeur qu’avant.
La sénatrice McBean : Merci beaucoup.
M. Jacques : Je vous en prie.
La sénatrice Ringuette : Je vais essayer d’être aussi brève que possible. Actuellement, un prêt hypothécaire est d’une durée comprise entre 20 et 25 ans. Ceux qui s’échelonnent sur 30 ans sont plus rares, il y en a très peu. Or, si l’on considère une jeune personne de 25 ans qui entre sur le marché du travail et veut fonder un foyer, et que l’âge de la retraite est de 65 ans — il pourrait augmenter —, on se rend compte qu’un ménage devra payer pendant 40 ans pour avoir un toit au-dessus de sa tête.
Quelle incidence un prêt hypothécaire s’échelonnant sur 40 ans pourrait-il avoir sur l’abordabilité? Aussi, quel effet ce scénario pourrait-il avoir sur la question de la dette des ménages par rapport à leur patrimoine immobilier? Pouvez-vous analyser ce scénario?
M. Jacques : Sous réserve d’une motion du comité, nous pouvons assurément le faire. Avec une période d’amortissement plus longue, vous pourrez évidemment emprunter davantage. Vos liquidités augmenteront. Vous contracterez davantage de dettes et paierez donc plus d’intérêts au cours de votre vie.
La sénatrice Ringuette : Sauf que vous serez en mesure de constituer un patrimoine immobilier.
M. Jacques : Vous constituerez assurément un patrimoine immobilier. Dans l’optique de l’offre et de la demande, l’un des principaux problèmes — et nous le soulignons dans notre rapport —, c’est l’offre. Si l’on permet aux gens d’amortir leur prêt hypothécaire sur une période plus longue, disons 40 ans ou plus, cela stimulera la demande. Cela ne résoudra peut-être pas le problème de la pénurie de logements sur le marché et celui de l’insuffisance de l’offre actuelle.
Pour en revenir au rapport que nous avons publié ce matin, l’autre aspect à considérer, c’est que nous effectuons nos calculs à l’échelle nationale. Au Canada, il existe 16 grands marchés immobiliers distincts, et la mise en œuvre d’une politique nationale pancanadienne n’est pas nécessairement la solution la mieux adaptée à tous les marchés régionaux. Il existe en effet des particularités locales ou propres à certaines villes ayant trait aux droits d’aménagement, aux permis, etc., qui viennent changer la donne.
Nous pouvons assurément examiner les projections à cet égard. Ce qui m’a frappé au sujet du logement, c’est qu’il s’agit d’une question très locale. Donc, au risque de me répéter, nous pouvons vous fournir des scénarios chiffrés, mais je ne sais pas dans quelle mesure les chiffres nationaux aideront à résoudre la crise nationale du logement, qui est, je le rappelle, un ensemble de problèmes et de défis locaux.
La sénatrice Ringuette : Nous nous intéressons à l’abordabilité à long terme pour les propriétaires. C’est vraiment la prémisse de cet exercice.
M. Perrault : Dans notre rapport, nous partons du principe qu’il s’agit d’un prêt hypothécaire sur 25 ans. C’est en fonction de cela que nous calculons les mensualités. Techniquement, si l’on opte pour un prêt sur 40 ans, il ne fait aucun doute que le prix qu’un ménage pourra se permettre de payer augmentera.
En outre, cela se répercutera sur le ratio du service de la dette, qui baissera. Bien que ce soit vrai, cela ne tient pas compte de la valeur nette. Cela ne tient pas compte de l’impact futur d’un endettement encore plus important des Canadiens. Il reste que si vous vous contentez de comparer cela aux indicateurs de ce rapport, il semble qu’effectivement, cela serait plus favorable.
La sénatrice Ringuette : En partant du principe qu’il faut payer pour un toit, soit vous payez et vous constituez un avoir propre, soit vous payez et vous constituez un avoir propre pour une tierce partie. C’est le scénario dont il est question.
[Français]
Le président : Merci au directeur parlementaire du budget par intérim d’avoir été avec nous ce matin.
Hier soir, vous étiez avec le Comité sénatorial permanent des finances nationales. Merci à vous. On a pris bonne note et on tiendra compte de votre témoignage. C’était très éclairant et apprécié.
Chers collègues, avant de suspendre la séance pour passer à la portion à huis clos, j’aimerais prendre un instant pour exprimer ma gratitude en votre nom à toute l’équipe qui nous soutient pour tenir ces réunions : notre greffier, nos analystes de la Bibliothèque du Parlement, nos interprètes, notre personnel de soutien, l’équipe de la télévision ainsi que toute personne impliquée dans la rédaction des procès-verbaux. Je vous remercie.
Cela dit, nous allons maintenant suspendre la réunion , puis passer à la portion à huis clos.
(La séance se poursuit à huis clos.)