LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES BANQUES, DU COMMERCE ET DE L’ÉCONOMIE
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le jeudi 23 octobre 2025
Le Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie se réunit aujourd’hui, à 10 h 30 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier, afin d’en faire rapport, la crise du logement au Canada et les défis auxquels sont actuellement confrontés les acheteurs d’habitations canadiens, en mettant particulièrement l’accent sur les taxes, les frais et les prélèvements gouvernementaux.
Le sénateur Clément Gignac (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Honorables sénatrices et sénateurs, je m’appelle Clément Gignac, je suis un sénateur du Québec et je suis président du Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie.
Je tiens à souhaiter la bienvenue aux gens avec nous aujourd’hui, ainsi qu’à celles et ceux qui nous écoutent à partir de notre site Web sencanada.ca.
Avant de continuer, je demanderais à mes collègues de bien vouloir se présenter.
[Traduction]
Le sénateur Varone : Toni Varone, de l’Ontario.
Le sénateur Fridhandler : Daryl Fridhandler, de l’Alberta.
Le sénateur Loffreda : Le sénateur Tony Loffreda, de Montréal, au Québec.
[Français]
La sénatrice Ringuette : Bonjour. Pierrette Ringuette, du Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
La sénatrice McBean : La sénatrice Marnie McBean, de l’Ontario.
[Français]
Le sénateur Dalphond : Bonjour. Pierre Dalphond, division De Lorimier, Québec.
[Traduction]
Le sénateur C. Deacon : Colin Deacon, de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Wallin : Pamela Wallin, de la Saskatchewan.
La sénatrice Martin : Yonah Martin, de la Colombie-Britannique.
Le président : Nous continuons aujourd’hui notre étude spéciale portant sur la crise du logement au Canada et les défis auxquels sont actuellement confrontés les acheteurs d’habitation canadiens, en mettant particulièrement l’accent sur les taxes, les frais et les prélèvements gouvernementaux, afin d’en faire rapport.
J’aimerais souhaiter la bienvenue au comité à notre premier invité qui se joint par vidéoconférence, M. Robert Howe, associé, Groupe de développement municipal et foncier, Goodmans LLP.
Je vous remercie d’avoir accepté notre invitation et vous souhaite la bienvenue au comité.
Comme vous comparaissez devant nous par vidéoconférence, si vous éprouvez des difficultés techniques ou des problèmes, veuillez nous le signaler, et nous interromprons temporairement notre séance, puis recommencerons.
Monsieur Howe, je crois comprendre que vous avez préparé une déclaration liminaire. Je vous encourage à la limiter à moins de cinq minutes afin de permettre aux membres du comité de poser des questions.
Robert Howe, associé, Groupe de développement municipal et foncier, Goodmans LLP : Bonjour, et merci de m’avoir invité à m’adresser aujourd’hui au comité.
Ma pratique de droit se consacre aux questions liées aux municipalités et à l’aménagement des terres en Ontario, en mettant l’accent sur les aspects financiers de l’aménagement des terres. En particulier, une grande partie de ma pratique repose sur le calcul et l’application des redevances d’aménagement, ainsi que sur les ententes entre les promoteurs et les municipalités liées au financement et à la construction d’infrastructures municipales requises pour les projets d’aménagement.
En guise de contexte, lorsque nous parlons de l’incidence des taxes, redevances et frais municipaux sur le coût du logement, il est important de comprendre que les municipalités n’ont que trois sources de financement : la première, les taxes foncières imposées à tous les propriétaires fonciers d’une municipalité; la deuxième, les frais et les redevances municipales imposés pour des objectifs particuliers, ce qui comprend les redevances d’aménagement; et enfin, la troisième source de financement provient de subventions et d’aides gouvernementales, qu’elles soient provinciales ou fédérales.
L’objectif des redevances d’aménagement est de payer pour les infrastructures requises afin de desservir les nouveaux aménagements, comme les nouvelles routes, les systèmes de transport en commun, les services d’aqueduc, les services de collecte et de traitement des eaux usées et les services de gestion des eaux pluviales. Il s’agit d’infrastructures matérielles essentielles aux projets d’aménagement et au maintien de la qualité de vie des collectivités.
Étant donné qu’il s’agit de frais ou de redevances et non pas d’une taxe, les municipalités sont légalement tenues d’imposer des redevances d’aménagement selon le principe strict du recouvrement des coûts. Les redevances d’aménagement doivent être calculées en fonction de ce qu’il en coûte réellement aux municipalités pour fournir les nouvelles infrastructures requises pour desservir les nouveaux aménagements. Cette restriction relative au recouvrement des coûts est enchâssée dans la loi sur les redevances d’aménagement de l’Ontario.
Les municipalités ne sont pas parfaites pour ce qui est de leur manière de calculer et de dépenser les redevances d’aménagement. Souvent, celles-ci sont trop élevées, et on peut améliorer la façon dont elles sont calculées et dépensées. Des discussions sont actuellement en cours à l’échelle provinciale à cet égard afin d’améliorer les méthodes employées.
Je signale également que je participe à de nombreux appels liés aux redevances d’aménagement devant le Tribunal ontarien d’aménagement du territoire, qui est l’entité administrative responsable d’examiner les règlements sur les redevances d’aménagement en Ontario. Toutefois, dans le contexte de ces appels, le Tribunal ontarien d’aménagement du territoire n’est pas autorisé à examiner les répercussions des redevances d’aménagement sur le prix du logement.
De manière générale, lorsqu’une exemption ou une réduction des redevances d’aménagement est offerte à un projet immobilier, le manque à gagner dans le fonds de réserve de la municipalité résultant de la non-perception du montant complet des redevances d’aménagement doit être compensé par d’autres sources. Les municipalités ont tout de même besoin des fonds pour construire ces infrastructures. Il est tout à fait compréhensible que les municipalités soient réticentes à compenser ces manques à gagner par une augmentation des taxes foncières.
Je propose la prise en considération de deux solutions potentielles pour réagir aux répercussions des redevances d’aménagement sur le prix du logement.
Premièrement, il faut augmenter la quantité des infrastructures matérielles financées par les paliers de gouvernement fédéral et provincial. Cependant, ce faisant, il est essentiel que la fourniture de subventions soit légalement associée à des engagements des municipalités à offrir des réductions correspondantes des redevances d’aménagement.
Deuxièmement, on doit envisager d’élaborer un modèle de rechange de frais et de redevances pour financer les grandes infrastructures matérielles, en particulier les infrastructures hydrauliques et les infrastructures d’aqueducs et d’égouts, qui représentent une partie importante des redevances d’aménagement.
Des sociétés de services municipaux ou des sociétés de services publics peuvent être mises en place pour emprunter les fonds afin de financer ces infrastructures à même les dettes ou les obligations. Ces dettes sont ensuite remboursées au fil du temps par les frais d’utilisation perçus auprès des propriétaires de maisons. Cela permet d’éviter que les propriétaires aient à payer d’emblée leur part des coûts liés aux infrastructures sous forme de redevances d’aménagement, qu’ils doivent généralement financer au moyen d’une hypothèque.
Il existe un moyen beaucoup plus efficace sur le plan financier pour financer les infrastructures, car il élimine la nécessité pour la municipalité de contracter une dette pour financer la construction de l’infrastructure, puis pour le propriétaire de contracter une dette, sur laquelle il paiera des intérêts, pour payer sa part des paiements applicables au capital et aux intérêts sur la dette contractée par la municipalité, en se procurant une hypothèque afin de payer des redevances d’aménagement.
Voilà qui termine ma déclaration liminaire. Merci de m’avoir permis de m’adresser au comité sur ce sujet important, et je serai très heureux de répondre aux questions des membres du comité qui relèvent de mon domaine de compétence.
[Français]
Le président : Je vous remercie de vos suggestions, monsieur Howe.
[Traduction]
Le sénateur Varone : Merci de nous avoir exprimé vos points de vue sur le régime des redevances d’aménagement de l’Ontario. Ma question concerne d’autres frais dans le cadre du processus d’aménagement des terres. Je fais référence à un article de Peter Norman, d’Altus, au sujet du « chaînon manquant », c’est-à-dire le logement qui est manquant, et qui concerne une certaine catégorie de logement, c’est-à-dire les très petites unités, les appartements d’une chambre à coucher ou les studios, alors que le marché réclame maintenant des unités de deux et trois chambres à coucher. Les promoteurs ont opté pour les gros projets immobiliers, car, dans une certaine mesure, ceux-ci étaient fondés sur les frais.
J’aimerais connaître vos commentaires concernant les coûts que les municipalités imposent pour une modification du plan officiel, qu’il s’agisse d’un projet de 400 unités ou d’un immeuble de 20 logements sans ascenseur, les deux nécessitant une telle modification, et concernant le type de régime mis en place dans les municipalités du Canada en ce qui a trait à ces types de frais, qui peuvent rendre un petit projet non rentable dès le départ.
M. Howe : Ce type de frais et de redevances peut poser de sérieux problèmes. Certaines municipalités de l’Ontario exigent, pour les grands projets, des millions de dollars pour ce genre de demandes, mais imposent aussi des frais et des redevances importants pour les demandes de moindre envergure.
Ces frais et ces redevances — encore une fois, puisqu’il s’agit de frais et non d’un impôt — sont censés servir uniquement au recouvrement des coûts. Or, dans certaines circonstances, les municipalités vont au-delà de ce principe. Cela pose problème.
La solution est que le gouvernement provincial établisse une réglementation plus stricte pour les municipalités lorsqu’elles mettent en place ces types de frais et de redevances.
Le sénateur Varone : Ma question complémentaire porte sur les petits projets résidentiels et les accords de subdivision, dans le cadre desquels les promoteurs doivent signer un accord de subdivision et, ce faisant, fournir une garantie ou une sûreté pour le réseau routier interne, les égouts sanitaires et les conduites d’eau principales. Aucun crédit de redevance d’aménagement n’est accordé à cet égard, puisque la redevance est considérée comme distincte.
Jadis, en Ontario, toute infrastructure construite qui générait des revenus pour la municipalité sous forme de frais pouvait se transformer en crédit de redevance d’aménagement. Il semble désormais que ce soit au constructeur ou au promoteur qu’incombe la responsabilité d’installer l’ensemble de ces infrastructures, tandis que la redevance d’aménagement ne couvre que des éléments extérieurs à cela.
Comment peut-on revenir à une situation plus raisonnable pour les constructeurs et les promoteurs dans ce secteur?
M. Howe : C’est un problème important. Nous participons à de nombreux appels liés à des règlements sur les redevances d’aménagement, où nous avons un litige avec la municipalité sur ce qui devrait être financé par les redevances d’aménagement et ce qui devrait être financé par les promoteurs en tant que service local.
De manière générale, du point de vue juridique, si le promoteur va construire un service local, celui-ci ne peut être inclus dans le calcul de la redevance d’aménagement.
Les règles existent aujourd’hui pour prévenir ce type de situation, où les promoteurs doivent construire des infrastructures dans le cadre de leur subdivision puis également payer une redevance d’aménagement qui comprend ce même coût.
Les règles existent aujourd’hui, sénateur Varone. Encore une fois, c’est une question d’application de la loi.
Le sénateur Varone : Y a-t-il une surveillance à l’échelle provinciale pour ce qui est de l’application de la loi?
M. Howe : Le problème est que la surveillance est entièrement entre les mains des promoteurs. C’est un défi majeur.
Les municipalités mettent en place des règlements sur les redevances d’aménagement en fonction des règles en vigueur. Si les municipalités ne respectent pas les règles, il appartient aux promoteurs de trouver les ressources leur permettant de faire appel des règlements sur les redevances d’aménagement devant le Tribunal ontarien de l’aménagement du territoire, ce qui est un problème important.
Il existe des circonstances, sénateur, où les municipalités ont obligé les promoteurs à construire des infrastructures censées être financées par la redevance d’aménagement. C’est un problème majeur, en particulier pour les projets d’envergure, comme les grandes artères qui traversent un plan de subdivisions. Les municipalités vont maintenant obliger les promoteurs à les construire, mais ne leur donneront pas en retour les crédits de redevance d’aménagement. C’est un problème particulier qui, selon moi, nécessiterait une solution législative de la part de la province de l’Ontario.
Le sénateur Fridhandler : En partant du principe du recouvrement strict des coûts, voyez-vous une divergence dans les pratiques à l’extérieur de la région du Grand Toronto, ou RGT? Existe-t-il des cas où les municipalités pourraient sous-facturer le recouvrement des coûts afin d’augmenter leur assiette fiscale annualisée, ce qui serait économiquement avantageux parce qu’elles essaient d’attirer plus de projets d’aménagement?
M. Howe : Eh bien, certaines municipalités sont plus disposées que d’autres à tenir compte des répercussions des redevances d’aménagement sur le logement et sur le taux d’aménagement au sein de leur municipalité.
Cependant, de manière générale, je ne vois pas de différence importante entre la manière dont les municipalités de la région du Grand Toronto et peut-être certaines régions à l’extérieur de la RGT aborderaient la manière dont elles imposent les redevances d’aménagement.
Le sénateur Fridhandler : Dans le même ordre d’idées, en ce qui concerne votre proposition de modèles de financement de rechange et l’utilisation de mécanismes financiers municipaux, comment percevez-vous l’écart entre le modèle de l’utilisateur-payeur et le principe de recouvrement des coûts propres au projet d’aménagement?
Souvent, les éléments des infrastructures qui sont mises en place profitent également aux projets d’aménagement qui existaient auparavant et qui sont améliorés dans le nouveau système. Est-ce un problème lorsqu’il s’agit de recouvrer les coûts directement auprès des bénéficiaires du nouveau projet d’aménagement?
M. Howe : Il y aurait un problème à établir, par l’intermédiaire des frais d’utilisation imposés par la société de services municipaux ou la société de services publics, le principe selon lequel les bénéficiaires d’un projet devraient en assumer les coûts. Il y a différentes façons de le faire. Ces frais peuvent être propres à un secteur donné, dans le cas d’un nouveau secteur en développement, ou s’appliquer à l’ensemble de la municipalité.
Les options pour trouver une manière équitable d’imposer ces frais d’utilisateur pour que tout le monde qui en profite les paie sont nombreuses. C’est une question qu’il faudrait clarifier. Je ne crois pas que cela empêche d’adopter cette approche. D’ailleurs, selon ce que nous comprenons, elle est utilisée avec beaucoup de succès aux États-Unis, par exemple. Je ne vois aucune raison de ne pas l’appliquer au Canada.
Le sénateur Loffreda : Merci, monsieur Howe, d’être ici avec nous ce matin.
Ma question concerne l’élimination de la TPS imposée aux acheteurs d’une première maison d’une valeur maximale de 1 million de dollars ou moins, comme le propose le projet de loi C-4, dont le Parlement est actuellement saisi. Certaines personnes ont soutenu que le seuil de 1 million de dollars est trop bas, en particulier sur les marchés de la région du Grand Toronto et de Vancouver, où les coûts sont élevés.
D’autres laissent entendre que l’exemption devrait également s’appliquer aux propriétaires actuels qui s’achètent de nouvelles constructions, étant donné que les nouveaux acheteurs d’une maison ne représentent qu’une toute petite portion des acheteurs de nouvelles maisons.
Que pensez-vous de ces deux points de vue? Appuieriez-vous l’idée d’élargir la portée de la politique? Y a-t-il des amendements en particulier que le Parlement devrait envisager d’apporter au projet de loi?
M. Howe : Oui. J’appuie absolument l’idée d’apporter des changements à ce qui est proposé à cet égard. Ce serait très bien d’accorder un répit aux nouveaux acheteurs d’une maison, mais, comme vous le dites, ils ne représentent que 20 % ou moins de l’ensemble de ce marché.
Prenez, par exemple, les personnes âgées qui réduisent la taille de leur propriété; ils achètent de nouveaux logements dans de nouveaux immeubles. Ils ne sont pas des acheteurs d’une première maison. Ils ne vont probablement pas profiter de l’avantage de ce remboursement si la nouvelle maison qu’ils s’achètent ne répond pas aux critères financiers.
C’est un problème. Le problème de l’abordabilité du logement ne concerne pas seulement l’aménagement à forte densité d’immeubles résidentiels de grande hauteur dans les centres urbains. C’est un problème qui touche l’ensemble du marché. Nous serions certes en faveur de l’idée d’élargir la portée de la réduction de la TPS, de sorte qu’elle ne se limite pas seulement aux acheteurs d’une première maison.
Vous pourriez envisager d’y imposer un délai si vous voulez vraiment encourager la construction de nouvelles maisons. Donc, vous pourriez, au départ, fixer un délai de trois ou quatre ans pour ce programme afin de stimuler de l’aménagement résidentiel. Je crois que ce serait logique d’en élargir la portée au-delà de ce qui est proposé.
Le sénateur Loffreda : Merci.
Plus tôt cette année, l’Institut C.D. Howe a publié un rapport indiquant que la croissance de nos petites villes pourrait permettre d’améliorer l’abordabilité du logement au Canada. Vous avez parlé du fait que les centres urbains des petites villes pourraient mieux faire concurrence aux grands centres urbains pour leurs résidants.
Le rapport fait valoir que le renforcement de ces petites collectivités pourrait leur permettre de bénéficier des répercussions de l’agglomération, des avantages économiques qui découlent du regroupement de personnes et d’industries dans les centres urbains et de l’approvisionnement en logement à un coût moindre.
Les auteurs du rapport préviennent que, si nous nous attachons strictement à augmenter l’offre dans nos grandes régions métropolitaines, nous risquons de voir ces gains être atténués par la migration d’entrée en provenance d’autres villes, et l’abordabilité du logement demeurera pratiquement inchangée.
Êtes-vous du même avis? À quel point est-il important que les petites villes attirent davantage de gens pour tenter de lutter de manière plus générale contre cette crise de l’abordabilité du logement?
M. Howe : Cela dépasse probablement le champ de mes compétences en tant qu’avocat. Selon ce que je constate du marché du logement, il est évident que la croissance de ces petits centres urbains présente des possibilités. Certes, dans la région du Grand Toronto, la croissance survient habituellement dans l’ensemble de la région, y compris dans nos petites municipalités urbaines.
Je ne peux probablement pas en dire davantage à ce sujet, monsieur.
La sénatrice Wallin : Pour faire suite, monsieur Howe, à ce que le sénateur Loffreda soulève, vous souhaitez qu’il y ait des incitatifs qui encourageraient les personnes âgées ou les baby-boomers à déménager de leurs maisons actuelles afin de créer de l’offre, peut-être pour les acheteurs d’une première maison. Nous pourrions changer les règlements concernant la question de la TPS à l’égard des acheteurs d’une première maison. Que pourriez-vous faire d’autre pour encourager cela?
M. Howe : Une fois de plus, en tant qu’avocat, je ne suis pas certain que je suis qualifié pour répondre à la question, madame la sénatrice.
La sénatrice Wallin : Nous verrons si nous pouvons donner d’autres réponses.
Nous nous sommes penchés sur le problème dans un rapport que nous avons produit il y a environ un an. Ce que nous avons souvent entendu dire — et vous l’avez dit encore une fois aujourd’hui —, c’est que, en ce qui concerne les redevances d’aménagement et la réglementation environnementale, il y a des incohérences dans les règles. Au sein même d’une municipalité, des règles différentes s’appliquent, littéralement d’un côté à l’autre d’une rue.
Quel obstacle le plus important faudrait-il éliminer, qu’il soit question de maisons à prix raisonnable, de maisons abordables ou de maisons à coût modique? Y a-t-il une chose que l’on pourrait faire et qui s’appliquerait à tout cela?
M. Howe : Oui. Une fois de plus, je crois qu’il s’agit de réduire les répercussions des redevances d’aménagement, qui imposent un lourd fardeau sur les coûts d’une maison. C’est très important. Les redevances d’aménagement augmentent chaque fois que nous examinons les règlements qui les concernent, soit habituellement tous les cinq ans. Je participe à bon nombre de ces examens. À chaque examen, les redevances d’aménagement augmentent de 20 % à 25 % tous les cinq ans. Ce sont des augmentations massives, qui sont insoutenables. Nous devons trouver une manière différente et meilleure de financer ces importantes infrastructures en particulier.
La sénatrice Wallin : Voilà le facteur majeur.
Nous avons mentionné un critère lié à l’âge, hier, à certains de nos témoins. Nous nous penchons sur la question des immeubles résidentiels à logements multiples, ou IRLM. Nous les avons déjà essayés dans le pays.
Selon vous, quelles leçons y avait-il à en tirer? Devrions-nous essayer de nouveau?
M. Howe : Le plus drôle, c’est que mon père a investi dans les IRLM et s’est retrouvé avec deux IRLM lorsque le programme a été démantelé.
Je ne connais pas bien les détails de son fonctionnement. D’après ce que j’ai lu à ce sujet, il s’agissait d’une approche innovatrice qui a permis de faire construire des logements. C’est ce que les statistiques indiquent; lorsque le programme a été mis en œuvre, il a permis de faire construire des logements. Je l’appuierais certainement.
La sénatrice Wallin : Quel type de logements? Seriez-vous d’accord pour dire que l’on a manifestement abusé du système à des fins fiscales?
M. Howe : C’était la nature même de cet incitatif, je croyais.
La sénatrice Wallin : À l’exception de l’abus.
Le président : Intéressant.
La sénatrice McBean : Merci. C’est toujours un problème lorsque votre tour vient après celui de personnes qui posent d’excellentes questions; elles marchent sur vos plates-bandes. Après l’intervention du sénateur Loffreda et avant celle de la sénatrice Wallin, qui a pris la parole tout juste au bon moment, je voulais vous questionner au sujet des changements qui pourraient être apportés aux programmes fédéraux de financement ou aux politiques fiscales pour permettre aux promoteurs d’offrir plus facilement de nouveaux logements. Vous dites qu’il faut diminuer les redevances d’aménagement. Si vous avez une réponse plus complète à donner à ce sujet, allez-y s’il vous plaît.
M. Howe : Du point de vue du gouvernement fédéral, les municipalités relèvent de toute évidence du gouvernement provincial. Le gouvernement fédéral est moins en mesure d’avoir une incidence directe sur les redevances d’aménagement.
La façon la plus simple pour le gouvernement fédéral de s’engager, c’est d’assumer une certaine part de la responsabilité du financement des infrastructures majeures, en particulier les infrastructures de transport en commun, d’approvisionnement en eau potable et de traitement des eaux usées et, peut-être, des routes et d’autres catégories importantes d’infrastructure. Ce faisant, il devrait s’assurer que les municipalités sont tenues par la loi de réduire les redevances d’aménagement en retour des subventions qu’elles reçoivent.
Dans le passé, nous avons vu des cas de municipalités qui avaient reçu des subventions, mais qui n’étaient pas tenues d’ajuster leurs redevances d’aménagement en conséquence. Je ne parle pas de subventions fédérales. Je parle de certaines subventions provinciales dont j’ai connaissance. C’est de toute évidence un problème.
Du point de vue du gouvernement fédéral, l’autre question dont nous avons parlé est celle de la TPS. C’est une taxe supplémentaire imposée aux propriétaires de nouvelles maisons. Il s’agit d’un aspect à l’égard duquel le gouvernement fédéral pourrait manifestement jouer un rôle.
La sénatrice McBean : Monsieur Howe, croyez-vous que le gouvernement fédéral devrait jouer un rôle dans la modernisation ou l’harmonisation des codes du bâtiment en vue d’améliorer la prévisibilité et de réduire les coûts assumés par les promoteurs immobiliers à l’échelle de la province? Nous avons reçu M. Norman l’autre jour, et il a parlé du fardeau réglementaire imposé aux promoteurs. Je siège à un autre comité où nous parlons des feux de forêt et du fait qu’on exige une augmentation de la réglementation et des règlements à l’égard de l’aménagement de maisons résistantes aux incendies et aux inondations.
Croyez-vous que le gouvernement fédéral devrait normaliser ce genre de choses? Serait-ce utile?
M. Howe : C’est compliqué. Je ne suis pas expert en code du bâtiment. Je n’ai pas d’expertise dans le genre de choses qui pourraient être améliorées grâce à l’harmonisation des codes du bâtiment à l’échelle du pays.
Je crois que, dans tous les cas où il est question des différents règlements de diverses administrations, il est toujours utile de tenter de les normaliser et les harmoniser. Dans la mesure où le gouvernement fédéral peut y jouer un rôle, ce serait utile. Une fois de plus, je n’ai pas d’expertise sur les questions liées au code du bâtiment.
La sénatrice Ringuette : Merci de votre présence. J’aimerais faire appel à votre vaste expertise dans le domaine juridique en ce qui concerne la Loi de 1997 sur les redevances d’aménagement de l’Ontario. J’en ai une partie sous les yeux. Vous avez soulevé deux points, qui, selon moi, témoignent de votre expérience dans le domaine. Vous avez dit, premièrement, qu’il y a un problème concernant l’application de la loi et, deuxièmement, que l’Ontario doit examiner la loi, à cet égard.
Pour ce qui est de l’application de la loi, comment pensez-vous que cela pourrait se faire? Pour ce qui est de l’examen de la loi, croyez-vous qu’on devrait prévoir un plafonnement des frais? Par exemple, il pourrait s’agir d’un pourcentage de la valeur du bâtiment ou de la résidence.
Pouvez-vous me dire que ce que vous pensez de ces deux éléments?
M. Howe : Bien sûr. Pour ce qui est de l’application de la loi, le système actuel permet que des appels soient interjetés au Tribunal ontarien de l’aménagement du territoire. Des améliorations pourraient être apportées à la loi. Le gouvernement provincial l’a examinée et y a apporté plusieurs modifications au cours des dernières années, ce qui a été utile. Le gouvernement envisage d’y apporter des modifications supplémentaires, ce qui serait également utile, puisque, plus les règles sont établies de manière claire et stricte dans la loi, plus il est facile pour les promoteurs de s’assurer que ce qui leur est imposé est raisonnable.
Le problème, c’est que la Loi de 1997 sur les redevances d’aménagement est établie d’une manière qui prévoit presque un cadre, une méthodologie de niveau très élevé pour le calcul des redevances d’aménagement. Le problème, c’est que nous ne sommes pas toujours en accord avec la municipalité lorsqu’il faut établir si elle a bien fait les calculs. Souvent, il s’agit de savoir si la municipalité a agi de manière raisonnable. La barre est placée très haut pour les promoteurs, et c’est également très coûteux.
L’autre problème auquel font face les promoteurs, c’est qu’ils sont financièrement encouragés à aller de l’avant, mais s’ils doivent se battre avec la municipalité en ce qui concerne des redevances d’aménagement, alors la municipalité ne voudra peut-être pas coopérer avec eux s’ils lui font d’autres demandes. Il ne s’agit que d’une considération d’ordre pratique.
Il n’y a pas de réponse parfaite à la question. J’aimerais vous dire que nous devrions demander au gouvernement provincial d’intervenir et d’appliquer la loi, mais ce n’est peut-être pas une approche réaliste.
La sénatrice Ringuette : Ma suggestion d’une limite de la valeur ne pourrait-elle pas faire partie de la solution?
M. Howe : Votre suggestion pourrait effectivement faire partie de la solution. Tout dépend de ce qu’est cette limite. Il faut être prudent pour deux raisons. La première, c’est que la province de l’Ontario a imposé une taxe séparée il y a trois ou quatre ans, que l’on appelle la redevance d’aménagement communautaire. On paie cette taxe en plus de la redevance d’aménagement, et initialement, elle devait remplacer un autre système désuet conçu pour fournir des services supplémentaires aux complexes résidentiels de haute densité, en particulier.
Selon le gouvernement provincial, il est possible d’imposer ce qu’on appelle des redevances pour avantages communautaires en plus des redevances d’aménagement, mais il faut mener une étude afin d’établir les besoins, et ces redevances ne doivent pas dépasser 4 % de la valeur du terrain. Donc, vous devez toujours mener l’étude, vous devez toujours justifier les redevances, et elles ne doivent pas dépasser 4 % de la valeur du terrain.
Je dirais que 95 % des municipalités en Ontario ont par la suite imposé des redevances pour avantages communautaires correspondant à 4 % de la valeur du terrain. Donc, la limite était de 4 %, et dans l’ensemble, toutes les municipalités ont simplement dit qu’elles allaient imposer cette limite. Elles ont produit une étude pour la justifier. À l’heure actuelle, il y a simplement une taxe de 4 % sur les complexes résidentiels de haute densité dans la plupart des municipalités, en plus des redevances d’aménagement. Donc, le fait d’établir une limite pose un défi. Je ne dis pas que c’est inutile.
Le deuxième problème, c’est que les municipalités ont besoin du financement. Le souci, lorsque vous établissez une limite trop basse, c’est que les municipalités risquent de ne pas avoir le financement nécessaire pour construire l’infrastructure. Le problème, c’est donc de trouver cet équilibre. Effectivement, s’il faut donner de l’expansion à une usine d’épuration et que la municipalité n’a pas les moyens de le faire, l’aménagement n’aura donc pas lieu. Cet équilibre est donc absolument nécessaire.
Le sénateur Dalphond : Ma question concerne un projet qui vient tout juste d’être approuvé en début de semaine. L’organisation Maisons Canada, ou MC, a annoncé qu’elle fournirait près de 300 millions de dollars pour améliorer le réseau d’égouts Black Creek. Pensez-vous que ce financement sera pris en considération dans les coûts d’aménagement attendus? Je pose la question, car selon l’agence, il s’agit d’un projet qui va rendre jusqu’à 63 000 nouveaux logements disponibles. J’imagine que l’infrastructure est propice à la construction de nouveaux logements. Avez-vous entendu quoi que ce soit indiquant si ce projet allait réduire les coûts d’aménagement pour les promoteurs?
M. Howe : Je ne connais pas ce projet en particulier, mais il s’agit d’un bon exemple qui illustre le fait que l’allocation de financement ou de subventions a une incidence sur les redevances d’aménagement. J’ignore ce qu’il en est des redevances d’aménagement de la Ville de Toronto, et si ce projet est inclus dans ses redevances, mais il se peut que ce soit le cas. Si c’est effectivement le cas, la Ville de Toronto devrait être tenue de réduire ainsi ses redevances d’aménagement afin de tenir compte du fait qu’elle dispose à présent d’une nouvelle source de financement.
La ville n’est pas tenue de mettre à jour son règlement concernant les redevances d’aménagement pour encore cinq ou six ans, comme le prévoit la loi. Donc, le problème, c’est que les promoteurs se retrouveraient à acquitter des redevances d’aménagement trop élevées pour les cinq ou six prochaines années, si la ville reçoit une autre source de financement pour ce projet.
Certaines municipalités font les choses de la bonne façon. La Ville de Barrie, par exemple, vient tout juste de recevoir quelques subventions du gouvernement provincial dans le cadre du programme de subvention pour l’eau potable et le traitement des eaux usées, que la province a mis en place afin d’encourager la construction de nouveaux logements. Lorsqu’elle a reçu ces subventions, la Ville de Barrie a immédiatement modifié son règlement concernant les redevances d’aménagement afin de tenir compte de ce financement supplémentaire qu’elle venait de recevoir. C’est la bonne manière de procéder, mais ce n’est pas toutes les municipalités qui le font. Selon mon expérience, dans le passé, le fait de recevoir ces subventions ne signifiait pas nécessairement que les redevances d’aménagement allaient être réduites, alors que ce devrait être le cas. Je n’insinue pas que ce projet réalisé dans la Ville de Toronto est inclus dans les redevances d’aménagement; je dis simplement que c’est généralement le cas.
Le sénateur Dalphond : Pour ce qui est de vos suggestions et propositions d’imposer des frais d’utilisation, quelle portion des redevances d’aménagement est allouée au réseau d’aqueduc et de traitement des eaux usées?
M. Howe : Dans la plupart des règlements concernant les redevances d’aménagement, le réseau d’aqueduc et de traitement des eaux usées peut recevoir 50 %, voire plus, des redevances d’aménagement. C’est considérable. Les trois plus grandes catégories sont généralement l’eau, les eaux usées, et les routes. Le transport en commun est souvent un autre élément assez important. Ce sont donc les quatre catégories principales. Les autres catégories, c’est ce qu’on appelle les services publics et récréatifs, comme les parcs, les bibliothèques, et ce genre de choses. Elles ne sont pas sans importance, mais elles ne revêtent pas la même importance que les autres.
Le sénateur Dalphond : Je m’excuse, je dois vous interrompre. Le temps commence à manquer. Pour revenir à ce que vous disiez, ces catégories comptent pour la moitié des redevances d’aménagement, ce qui constitue une part considérable, car selon ce qui nous a été dit, ces coûts peuvent s’élever jusqu’à 200 000 $. En moyenne, cela correspond à 82 000 $, si on en croit une étude de Altus, soit une réduction de 50 %.
Vous avez affirmé que ce système de frais d’utilisation est utilisé à grande échelle aux États-Unis, et que les municipalités allaient le financer en émettant des obligations, et que les obligations allaient ensuite être remboursées avec les frais d’utilisation.
M. Howe : Oui, c’est l’idée. Souvent, la municipalité va mettre sur pied une entreprise de service public ou un fournisseur de service séparé pour gérer ces affaires, mais de manière générale, c’est géré par l’entremise de la municipalité.
Le sénateur Dalphond : Merci.
Le sénateur C. Deacon : Merci beaucoup d’être avec nous aujourd’hui. Je me demande juste ce qu’il en est des disparités entre les générations qu’engendrent les redevances d’aménagement, de telle sorte que ce sont les nouveaux acheteurs qui financent la nouvelle infrastructure. M. Jon Love, lors d’une discussion avec nous, a laissé entendre que le fait de remplacer toutes les redevances d’aménagement à Toronto, par exemple, par des impôts fonciers causerait une augmentation générale des impôts fonciers de 1 %. Les nouveaux acheteurs de résidence sont donc touchés de manière disproportionnée, qu’il s’agisse d’un condo, d’une maison, et ainsi de suite.
Qu’en pensez-vous? Je pose la question, car c’est un sujet qui devrait susciter les préoccupations du gouvernement fédéral. En ce qui me concerne, j’estime que c’est une atteinte à notre démocratie, que ceux qui ont déjà un logement n’aident pas à rendre les logements plus abordables pour les autres.
Lorsque vous entendez dire qu’à Toronto, le coût d’un condo augmente de 50 % lorsqu’on y ajoute les redevances d’aménagement, il s’agit d’une disparité énorme.
M. Howe : Oui, je suis tout à fait d’accord avec vous. Il faut faire attention à l’incidence qu’il y aurait sur les taxes foncières. Je n’étais pas au courant du chiffre de 1 % dont vous venez de me faire part. Mais il ne me surprend pas nécessairement.
Il me semble que dans le cadre d’un témoignage au cours d’une session précédente, vous avez évoqué l’aspect des avantages pour les aménagements existants, ou le critère ou l’élément dont on tient compte au moment d’établir les redevances d’aménagement. En vertu de la loi, dans la mesure où la nouvelle infrastructure profite aux aménagements existants, la municipalité doit financer cette composante par l’entremise d’autres sources, généralement l’impôt foncier, car elle dispose de ressources limitées pour le faire.
Je dirais que notre plus grand ou plus important sujet de discorde avec les municipalités, quant à la manière dont elles calculent les redevances d’aménagement, c’est qu’elles ne considèrent pas suffisamment des services financés par l’entremise des redevances d’aménagement comme faisant partie de cette catégorie d’avantages pour les aménagements existants.
Le sénateur C. Deacon : Bon nombre de décisions arbitraires sont prises dans ce processus.
M. Howe : Absolument. Elles souhaitent veiller à ce que les impôts demeurent faibles, et dans le passé, elles avaient mentionné que les promoteurs pouvaient se permettre de payer, essentiellement, des redevances d’aménagement, mais il s’agit là d’un problème important. C’est un sujet sur lequel le gouvernement provincial se penche, à l’heure actuelle, afin d’établir de nouveaux règlements dans le cadre de la loi.
Le sénateur C. Deacon : C’est également quelque chose que le gouvernement fédéral peut dire : si nous devons fournir du financement, nous allons demander certains allègements.
M. Howe : Exactement.
Le sénateur C. Deacon : De ce que je comprends, la plupart des municipalités du pays, y compris Toronto, ont besoin de plus de voitures; il n’y en a tout simplement pas assez sur les routes à l’heure actuelle. Je me demande juste ce qu’il en est des mesures incitatives visant à augmenter les aménagements autour des installations de transport en commun pour que les gens puissent faire leurs courses, acheter leurs aliments, et pour que plus d’emplois soient générés dans ces régions, et ce qu’il en est également des mesures visant à s’assurer que les transports desservent les deux directions, pas seulement une. Assurément, lorsque j’ai commencé à travailler au début des années 1980, les transports en commun allaient tous dans une direction à un moment de la journée, et dans l’autre direction, à l’autre moment de la journée.
M. Howe : Exactement.
Le sénateur C. Deacon : Ces mesures incitatives visant à favoriser l’aménagement dans des zones où il est possible d’exploiter les transports en commun au maximum peuvent permettre aux familles d’économiser de 6 000 $ à 8 000 $ par an, dans la mesure où elles ne sont pas obligées d’avoir une voiture. Ces mesures règlent assez bien le problème d’abordabilité.
M. Howe : La province de l’Ontario essaie de régler ce problème. Les décideurs ont établi des règlements ou des règles au sujet de ce qu’ils appellent les zones majeures d’aménagement des installations de transport en commun, pour favoriser une forte densité et établir une densité minimale que les municipalités doivent autoriser dans ces zones. Il s’agit là de quelque chose de très important afin de veiller à ce que l’on construise des logements à haute densité dans des zones où les dépenses liées à l’infrastructure…
Le sénateur C. Deacon : Comment le gouvernement fédéral peut-il aider à encourager cela?
M. Howe : J’imagine que dans la mesure où le gouvernement fédéral fournit du financement, il pourrait établir des critères à ce propos. Je pense qu’il serait plus difficile pour le gouvernement fédéral de participer en s’attachant aux détails de ce projet, pour être honnête.
Juste pour que nous comprenions, vous avez des installations de transport en commun, mais elles font partie d’un réseau, que les gens n’utilisent pas, à moins que ce soit pratique pour eux de le faire. La raison pour laquelle, à l’époque, les transports ne desservaient qu’une direction était en partie qu’il n’y avait pas suffisamment de circulation vers d’autres directions, d’autres endroits où les gens souhaitaient se rendre. Il faut étendre ce réseau de transport en commun autant que possible, et le rendre assez pratique pour que les gens veuillent vraiment l’utiliser.
Le sénateur C. Deacon : Merci beaucoup.
La sénatrice Martin : Merci beaucoup de votre témoignage et de l’expertise que vous apportez à la table aujourd’hui.
Je connais un contremaître sur un site de construction qui affirme que chaque fois que la ville vient le voir, il préfère simplement accepter la pénalité ou les frais, plutôt que de prendre le temps de s’occuper de tout ce processus. Il faut tenir compte du temps, et de l’argent.
Si, comme vous l’affirmez, l’une des sources de revenus d’une municipalité sont les frais et les redevances d’aménagement, j’essaie simplement de comprendre comment nous pouvons réduire ces frais, sans, comme vous dites, opter pour une solution consistant à augmenter le nombre de subventions de la part des provinces.
Cela étant dit, je sais que vous avez comparu devant des tribunaux et des conseils dans des affaires ayant trait à l’utilisation du terrain, et que vous avez énormément de connaissances à ce propos. D’un point de vue d’urbanisme, et d’un point de vue juridique, quel processus lié aux redevances municipales non fiscales ou aux approbations réglementaires impose le coût financier non recouvrable le plus élevé en retardant la construction de logements?
M. Howe : Je pense que, pour ce qui est du coût, ce sont les redevances d’aménagement. Pour ce qui est des règlements qui retardent les choses, je ne pense pas que je puisse n’en souligner qu’un seul.
La sénatrice Martin : De quels règlements s’agit-il, lorsque vous dites que vous ne pouvez pas n’en mentionner qu’un seul? Quels sont certains de ces règlements?
M. Howe : Le plus grand défi que l’on rencontre lorsqu’on cherche à obtenir des approbations d’aménagement, c’est le traitement des demandes. Lorsque vous construisez un complexe résidentiel de haute densité, vous devez, en tout premier lieu, demander un rezonage du terrain, et vous aurez ensuite besoin de ce que l’on appelle une approbation du plan d’aménagement. Ces processus peuvent prendre des années, et c’est le plus grand problème. Du début à la fin, cela peut prendre de trois à quatre ans avant qu’un aménagement soit approuvé, et ensuite, une fois que vous avez cette approbation, vous devez faire approuver vos plans liés aux services publics. Cette étape peut prendre du temps supplémentaire. Elle dépend également de la nature du projet.
J’ai des projets d’aménagement en cours dans les municipalités de banlieue, dans la région du Grand Toronto, pour lesquels le dossier a été ouvert en 2010. Nous sommes en 2025, mais nous n’avons pas encore entamé la construction, car nous nous sommes littéralement battus avec la municipalité pendant les 15 dernières années. Nous avons comparu devant le Tribunal ontarien de l’aménagement du territoire, mais les responsables ne comprennent simplement pas. Ils ne voient pas que leur rôle, c’est de faciliter l’aménagement, et c’est problématique. Ils disent qu’ils ont besoin de toutes ces choses, mais chaque fois que vous vous retournez, il y a une autre couche de règlements que les municipalités tentent d’imposer. C’est un gros problème.
La sénatrice Martin : Il s’agit d’un immense problème. Il est tellement complexe.
M. Howe : Et il n’existe pas de solution simple pour le régler.
La sénatrice Martin : Non, mais Dieu merci pour le courage de l’industrie.
M. Howe : Vous ne pouvez pas dire qu’il n’y a qu’un seul problème.
La sénatrice Martin : Le fait que l’industrie continue à essayer de mener à bien des projets domiciliaires et de faire ce qu’elle fait est très courageux de sa part, alors heureusement que nous avons des promoteurs et constructeurs immobiliers qui travaillent très dur et qui progressent tant bien que mal pour se sortir de n’importe quelle situation.
Quelle serait la mesure fédérale la plus efficace pour encourager ou forcer les municipalités à accélérer ces procédures?
M. Howe : Davantage d’argent, à mon avis.
La sénatrice Martin : C’est ce que je me disais aussi.
M. Howe : Le gouvernement fédéral, constitutionnellement, ne participe pas directement à la régulation des municipalités. En toute honnêteté, je dirais que, dans la mesure où le gouvernement fédéral est prêt à octroyer des subventions ou du financement aux municipalités pour l’infrastructure dont elles ont besoin, cela doit être lié au rendement et à la réduction des frais et des redevances. Voilà les types d’éléments qui doivent être pris en considération.
La sénatrice Martin : Merci.
Le président : Ce serait une conversation intéressante à avoir avec le gouvernement québécois, si ce dernier souhaitait établir des liens avec des municipalités locales.
Le sénateur Yussuff : Monsieur Howe, merci d’être parmi nous et de faire part de vos opinions. Bien évidemment, il s’agit d’un problème très complexe avec différentes solutions potentielles pour différentes parties de l’écosystème, puisque les choses ne sont pas pareilles partout.
Bien que nous ayons de grands centres urbains et d’autres plus petits, il s’agit de reconnaître que tout le monde fait payer des frais d’aménagement qui sont, dans une large mesure, des revenus générés pour la municipalité. Dans certains cas, oui, il est question de bâtir des infrastructures; dans d’autres cas, il est plutôt question de génération de revenus.
Un projet majeur dans la grande partie du centre-ville de Toronto ou, là où j’habite, plus près de la région de High Park, il y a déjà des infrastructures. Tout ce qu’ils font, c’est de construire des condos. Le terrain, le métro, le réseau de transport en commun et le réseau d’égouts sont là. Toutefois, les redevances d’aménagement sont tout de même facturées au promoteur immobilier responsable du projet.
La seule manière raisonnable de voir les choses est de constater que la municipalité va générer des revenus en imposant cela, même s’il n’y a pas de nouvelle infrastructure qui est requise pour que cet établissement soit construit. Cependant, la municipalité se justifierait en disant que pour compenser, elle garderait le taux d’imposition bas pour d’autres contribuables de la ville.
Y a-t-il une quelconque manière d’avoir les mêmes indicateurs pour mesurer ces choses-là? Le pays est tellement complexe. Je comprends les communautés rurales où il n’y a pas de réseau d’égouts. Celles-ci tentent de trouver une manière de payer pour cela, et les coûts sont exorbitants. Dans d’autres endroits où il y a déjà les infrastructures, devrait-il y avoir une règle selon laquelle il ne devrait pas avoir de redevances d’aménagement qui sont facturées? Parce que tout ce que vous faites, c’est de forcer les acheteurs d’une première habitation à payer des frais supplémentaires, ce qui les éloigne du marché dès le départ.
M. Howe : Retirer les redevances d’aménagement ne peut être une solution que si vous arrivez à trouver une autre source de financement, car beaucoup de ces infrastructures sont nécessaires. Pour ce qui est des redevances d’aménagement comme source de revenus pour la municipalité, encore une fois, je ne suis pas d’avis que les municipalités sont sans défaut dans leur gestion de leur fonds de redevances d’aménagement. Toutefois, le règlement — en Ontario, du moins — est que les municipalités doivent verser l’argent qu’elles ont amassé dans un fonds de réserve spécial et l’utiliser uniquement pour les raisons pour lesquelles il a été amassé. Elles ne peuvent pas prendre les redevances d’aménagement et les utiliser pour couvrir des frais généraux de fonctionnement ou des dépenses en immobilisations qui n’ont pas de lien avec les besoins de l’expansion. Voilà le règlement. Peut-être que les municipalités ne l’ont pas toujours respecté, mais j’estime que, dans la majorité des cas, elles le respectent probablement.
Quant à l’exemple que vous avez donné de projets domiciliaires dans des zones pourvues de services, et ensuite de projets domiciliaires dans des zones qui n’en ont pas, les redevances d’aménagement fonctionnent selon des moyennes; il s’agit du coût moyen ou du prix moyen que tout le monde paie.
Le promoteur immobilier à High Park est en mesure de tirer profit d’infrastructures qui ont été payées par quelqu’un d’autre. Dans le cas où il y aurait un promoteur immobilier dans le secteur riverain de Toronto, où il n’y a pas d’infrastructure, cette infrastructure doit être construite.
La solution, si vous ne faites pas payer au promoteur immobilier à High Park des redevances d’aménagement, c’est de faire payer des redevances d’aménagement plus élevées à la personne du secteur riverain. Au lieu que la redevance d’aménagement ne coûte 175 000 $ par unité, elle correspondrait à 350 000 $ par unité. Pour les projets domiciliaires dans les zones où il n’y a aucune infrastructure, les coûts sont absolument prohibitifs.
Il y a une logique dans ce système, où, dans des zones de la municipalité qui ont les infrastructures, les promoteurs immobiliers paieront tout de même une redevance d’aménagement, car on calcule la moyenne du coût pour tous les projets domiciliaires. La vérité est qu’il tire parti d’infrastructures qui ont été payées par quelqu’un d’autre.
Le sénateur Yussuff : Existe-t-il une approche ou des pistes de solution à ce problème qui ont déjà été mises en œuvre ailleurs dans le monde et sur lesquelles vous vous êtes penchés qui, même si elles ne sont pas idéales, sont bien meilleures que la courtepointe d’approches que nous avons dans notre pays, où il y a des variations selon les administrations?
Y a-t-il un meilleur modèle ailleurs duquel nous pourrions nous inspirer en tant que pays, un modèle qui pourrait mener à dire que, si nous instaurions ce système, il pourrait certainement constituer une meilleure manière de gérer les redevances d’aménagement?
Nous avons beau mettre le problème en lumière, je ne sais pas si nous avons trouvé une solution — à moins que nous ne trouvions une façon de générer davantage de revenus — quant à la manière dont nous pourrions aider les municipalités à faire certaines des choses qu’elles souhaiteraient faire, qui sont importantes pour les projets domiciliaires.
M. Howe : Effectivement. Je n’ai pas étudié cela. Je m’en remettrai aux deux prochains témoins, que je connais bien. Je sais que ce sont des enjeux sur lesquels ils se sont penchés. Je m’en remettrai à eux quant aux façons de faire dans d’autres pays.
Le sénateur Yussuff : Merci.
Le président : Vous avez présenté deux solutions. La première était d’augmenter la portion payée par les gouvernements provinciaux ou fédéral pour les coûts d’aménagement. Pourriez-vous nous en dire davantage sur la deuxième solution présentée et les impacts qu’il y aurait sur le ratio d’endettement des villes ou des municipalités qui choisiraient cette solution-là?
M. Howe : L’idée est que la société de services qui fournit les services publics ne sera pas soumise aux mêmes ratios d’endettement que les municipalités. Les dettes contractées par ces entités ne sont pas prises en considération dans le ratio d’endettement de la municipalité. Celles-ci émettront des obligations. Il est possible que certaines garanties offertes par différents ordres de gouvernement puissent être requises pour faciliter ce financement. Cela va au-delà de mon champ d’expertise.
Je sais que M. Keleher, qui va bientôt témoigner, est un expert. Il est économiste. Il a étudié cet enjeu plus en profondeur.
Le président : Merci.
M. Howe : Il serait en mesure de répondre à ces questions.
Le président : Cela va être intéressant.
Le sénateur Loffreda : Monsieur Howe, nous avons abordé beaucoup de sujets. Y a-t-il quoi que ce soit d’autre dont vous souhaiteriez discuter davantage ou nous mentionner? Vous nous avez présenté deux solutions. À votre avis, quelles mesures, politiques ou réformes réglementaires auraient l’impact le plus immédiat sur le secteur, et pour quelles raisons?
M. Howe : Pour ce qui est de l’impact le plus immédiat sur le secteur, malheureusement, la solution évidente en est une qui est imparfaite, car il y a beaucoup de compétition pour les rares ressources, mais il s’agirait de demander aux ordres de gouvernement supérieurs de financer les infrastructures majeures dont les projets domiciliaires ont besoin. Au chapitre des redevances d’aménagement et de la fiscalité municipale, il s’agit de la solution la plus rapide et la plus efficace afin de voir de réels résultats.
Le gouvernement provincial en Ontario a fourni de l’aide. La Ville de Toronto a fourni de l’aide. Nous avons vu des projets, menés par nos propres clients promoteurs, qui tentent désormais de mener ces projets à bien. Des impacts se sont fait sentir.
Pour la forme, instaurer une réduction des redevances d’aménagement peut effectivement changer les choses. La seule façon de réduire les redevances d’aménagement serait de les remplacer par une autre forme de financement.
Le sénateur Loffreda : Merci.
Le sénateur Varone : Vous pouvez répondre à la question sous forme écrite si je vais trop loin et que c’est trop compliqué. La question porte sur le fardeau de la réglementation en Ontario.
Plus particulièrement, j’ai participé tout l’été à une table ronde de promoteurs et constructeurs immobiliers qui m’ont fait part des règles générales en vigueur à Houston, où ils exécutaient des projets domiciliaires. Ce sont des constructeurs nationaux. Du début à la fin, le tout durait huit mois, littéralement du moment où ils ont acheté la terre jusqu’au moment où ils ont obtenu le permis de construire. À Toronto, cela prend plus de huit ans. Vous avez fait allusion à ce qui se passe à Toronto. Ensuite, le commentaire était le suivant : il n’y a pas de différence notable quant au résultat final de la construction. Pourquoi y a-t-il un tel écart?
M. Howe : Oui, monsieur, j’entends cela de la part de mes propres clients tout le temps. Je ne peux pas prétendre avoir une réponse à cette question, car je n’en sais pas suffisamment sur l’expérience de ces promoteurs et constructeurs immobiliers à Houston.
J’ai de l’expérience majoritairement à Toronto et dans la région du Grand Toronto. Cela prend énormément de temps. Je ne sais pas ce qu’ils font différemment à Houston pour optimiser le processus. Peut-être ont-ils plus de personnel ou moins de règlements. J’imagine que la différence, c’est qu’ils n’essaient pas de microgérer chaque petite chose.
Le président : Merci, mesdames les sénatrices et messieurs les sénateurs, merci chers collègues, et merci à notre témoin, M. Howe, pour la discipline dont il a fait preuve ce matin.
Monsieur Howe, votre témoignage et votre contribution seront pris en considération par le comité lorsque nous ferons rapport sur cette étude au Sénat. Merci de votre temps.
[Français]
Honorables sénatrices et sénateurs, nous recevons maintenant notre second groupe de témoins du jour dans le contexte de notre étude sur la crise du logement.
Notre deuxième groupe comparaît également par vidéoconférence.
[Traduction]
Je souhaite la bienvenue à nos invités, M. David Wilkes, président-directeur général de l’Association de l’industrie du bâtiment et du développement foncier, et M. Daryl Keleher, directeur de Keleher Planning & Economic Consulting Inc. Merci à vous deux d’avoir accepté notre invitation. Bienvenue au comité.
Monsieur Wilkes, je crois comprendre que vous avez une déclaration liminaire. Celle-ci sera suivie par des questions. Vous disposez d’environ cinq minutes.
David Wilkes, président-directeur général de l’Association de l’industrie du bâtiment et du développement foncier : Merci beaucoup, monsieur le sénateur, et merci de présider ce comité. J’ai bien hâte de participer à la conversation.
Bonjour. Merci de m’avoir invité aujourd’hui pour faire part des opinions de notre organisation sur la crise du logement du Canada et aussi sur les défis que doivent relever les acheteurs de maisons canadiens.
Tandis que la plupart de mes commentaires vont être centrés sur les redevances d’aménagement, aujourd’hui, 25 % du coût d’une nouvelle maison type dans la RGT tiennent aux frais gouvernementaux et impôts gouvernementaux, donc je serais ravi de répondre à toute question portant sur les frais imposés par le gouvernement au chapitre de logement.
À titre d’information pour le sujet d’aujourd’hui, par l’entremise de notre groupe de recherche et conjointement avec certains des experts qui comparaissent devant le comité, nous avons mené des recherches exhaustives et avons documenté les redevances d’aménagement et leurs impacts sur l’offre de logement et l’abordabilité et avons cerné des solutions afin de réduire les coûts pour les nouveaux acheteurs de maisons.
Avant de faire part de notre point de vue quant aux solutions que le comité devrait envisager, je souhaiterais fournir trois points pour vous mettre en contexte.
Les redevances d’aménagement sont principalement utilisées dans deux provinces, soit l’Ontario et la Colombie-Britannique, où elles sont appelées droits d’aménagement. La Colombie-Britannique et l’Ontario ont également les plus hauts prix moyens pour les maisons, qu’elles soient neuves ou non. J’estime que ces deux facteurs sont liés.
Quant aux municipalités ontariennes, en date de 2025, elles ont amassé plus de 12 milliards de dollars de redevances d’aménagement non dépensées dans leurs réserves collectives de redevances d’aménagement. La vaste majorité a été accumulée dans la dernière décennie et pour l’essentiel dans les grandes municipalités urbaines au sein de la RGT, où l’on met grandement l’accent sur la croissance.
Les redevances d’aménagement ont augmenté beaucoup plus rapidement que le coût de construction et la valeur des propriétés. Par exemple, dans la Ville de Toronto, les redevances d’aménagement pour une maison unifamiliale sont passées de 14 000 $ en 2011 à 138 000 $ aujourd’hui, soit une augmentation de 885 %, ce qui a des conséquences évidentes sur l’abordabilité.
Je souhaiterais souligner que les redevances d’aménagement jouent effectivement un rôle vital dans le financement des services et de l’infrastructure nécessaires pour la croissance économique et la construction de nouveaux logements. Nous ne pouvons pas revenir en arrière et nous ne recommandons pas de revenir au système d’impôt sur les lotissements qui a précédé les redevances d’aménagement, mais nous devons — et cela est critique, et je souhaiterais attirer l’attention du comité là-dessus — trouver une manière d’arrêter de faire exploser à ce point les coûts pour les acheteurs de nouvelles maisons, comme le fait le système de redevances d’aménagement actuel. Cette façon de faire non seulement déséquilibre le marché du logement et érode l’abordabilité, mais elle crée également des obstacles à l’entrée dans les marchés...
À cet égard, j’aimerais soumettre quatre solutions pratiques à l’examen de votre comité, dont certaines ont déjà été abordées par le témoin précédent. Les infrastructures d’approvisionnement en eau et de traitement des eaux usées ne devraient pas être financées d’entrée de jeu au moyen des redevances d’aménagement payées au moment de l’obtention du permis de construire, elles devraient l’être tout au long du cycle de vie de la maison, selon le modèle des services publics. Comme M. Howe l’a dit, près de 50 % du montant d’une redevance d’aménagement typique est affecté aux infrastructures d’approvisionnement en eau et de traitement des eaux usées. Comme tout grand projet de génie civil, elles devraient être financées par emprunt. C’est comme ce qui se fait au Québec et dans de nombreuses régions des États-Unis.
Les municipalités devraient être tenues de réduire leurs réserves de redevances d’aménagement, qui atteignent le seuil des 12 milliards de dollars, dont j’ai parlé, pour les ramener à un niveau plus approprié et de dépenser immédiatement l’excédent qu’elles ont perçu dans des infrastructures de soutien au logement.
Les municipalités doivent s’assurer que les études sur les redevances d’aménagement — qui portent sur le mode de détermination de ces redevances — sont axées sur les seuls domaines nécessaires au soutien de la croissance. Il faudrait examiner l’utilisation des outils de financement de la croissance dans tout le Canada ainsi que les redevances qui sont considérées comme acceptables pour éclairer ce débat.
Enfin, il faut rendre les redevances d’aménagement beaucoup plus transparentes pour l’acheteur final, en les facturant séparément à l’acheteur d’une maison neuve, qui les paiera directement au moment de conclure l’achat. Le Globe and Maila récemment décrit les redevances d’aménagement comme étant la plus grosse taxe jamais perçue. Au Canada, les taxes sont transparentes pour une raison : elles éclairent le consommateur et favorisent la responsabilisation. Pourquoi en serait-il autrement pour les redevances d’aménagement?
Bien sûr, je comprends que les redevances d’aménagement sont au cœur de mes observations et d’une grande partie des discussions du comité; toutefois, je m’en voudrais de ne pas mentionner, pour conclure, la TPS sur les maisons neuves. Quand la TPS a été instaurée en 1991, elle comprenait une mesure visant à rembourser une partie de celle-ci pour qu’elle ne nuise pas à l’abordabilité. Au moment de l’instauration de la TPS, 95 % des acheteurs de maisons neuves auraient eu droit au remboursement; on s’assurait ainsi que cette mesure ne nuisait pas à l’abordabilité et ne créait pas les problèmes que nous finançons actuellement. Cette mesure était censée être indexée tous les deux ans pour refléter les conditions du marché, et nous attendons toujours que cette mesure d’indexation entre en vigueur, quelque 36 ans plus tard.
Dans le cadre du budget fédéral du 4 novembre, et cela reflète une grande partie de la discussion que j’ai entendue plus tôt, nous pensons que le gouvernement devrait apporter ces changements attendus depuis longtemps. En particulier, il faudrait accorder pendant au moins trois ans à tous les acheteurs de maisons neuves, et non pas seulement aux acheteurs d’une première propriété, une exemption de la TPS sur le premier million du prix d’une maison neuve.
L’objectif du programme n’a jamais été de faire une distinction entre les types d’acheteurs; il s’agissait plutôt d’avoir une application universelle et de s’assurer que l’abordabilité n’était pas touchée. Ce n’est certainement pas ce qui se passe aujourd’hui. Merci de m’avoir donné l’occasion de présenter ma déclaration préliminaire. J’ai hâte d’en discuter et de répondre aux questions sur ce sujet très important.
Le président : Merci, monsieur Wilkes.
Monsieur Keleher, je crois comprendre que vous aussi avez une déclaration préliminaire à présenter. Vous avez la parole.
Daryl Keleher, directeur, Keleher Planning & Economic Consulting Inc. : Oui, merci. Merci de m’accueillir ici aujourd’hui.
Je m’appelle Daryl Keleher. Je suis urbaniste et spécialiste de l’économie foncière et j’ai une pratique privée. Mon cabinet traite les questions économiques liées à l’urbanisme, mais se spécialise dans les finances municipales, en particulier les frais, les redevances et les taxes imposés sur les maisons neuves.
Au cours de ma carrière de près de 20 ans, j’ai travaillé sur des questions liées aux finances municipales dans près de 90 municipalités ontariennes et dans de nombreuses autres dans tout le Canada. Je suis un témoin expert souvent appelé devant le tribunal foncier de l’Ontario, et j’ai participé à de nombreux grands projets de réaménagement, pour aider mes clients à comprendre et à gérer les aspects financiers des infrastructures essentielles de leur projet d’aménagement.
Le système des redevances d’aménagement est certes un élément fondamental de la structure juridique qui sous-tend le système de planification de l’aménagement du territoire, en Ontario, mais j’ai en même temps été un témoin direct de la façon dont ces frais et ces redevances peuvent devenir un obstacle à la construction de nouveaux logements.
Plus tôt cette année, j’ai rédigé un document d’orientation pour l’Ontario Home Builders Association, l’OHDA, et la Building Industry and Land Development Association, la BILD, intitulé « The State of DCs in Ontario », soit l’état des redevances d’aménagement en Ontario. Dans mon rapport, j’ai analysé les facteurs à l’origine de la hausse continue du taux des redevances d’aménagement et j’ai formulé des recommandations sur la manière de simplifier, de normaliser et d’adapter les redevances d’aménagement, tant pour le calcul que pour l’application.
Même si la principale taxe imposée par le gouvernement sur les maisons neuves est la TVH, les redevances d’aménagement municipales sont le coût le plus élevé imposé par les municipalités sur la construction de nouveaux logements en Ontario. Le système des redevances d’aménagement en Ontario, et le code juridique qu’il prévoit, est le fondement sur lequel établir des modèles de financement et les accords connexes visant la réalisation des travaux d’immobilisation, ou, du côté municipal, le fondement sur lequel établir des modèles de mesures incitatives que les municipalités utilisent pour encourager et favoriser la croissance.
Les redevances d’aménagement financent les grands travaux nécessaires à la croissance dans près de 20 catégories de services, y compris les routes, le transport en commun, l’approvisionnement en eau, les égouts sanitaires, les égouts pluviaux, les loisirs, les bibliothèques, les garderies, le réacheminement des déchets, les études de planification, la santé publique, les soins de longue durée et l’application des règlements ainsi que la lutte contre les incendies, la police et les services paramédicaux.
C’est une longue liste, et les coûts en capital nécessaires pour fournir tous ces services peuvent être renversants. Dans la plupart des grandes municipalités, la plus grande partie des redevances d’aménagement est affectée aux grands travaux d’infrastructures massives, comme le transport, les routes, les services d’approvisionnement en eau et de traitement des eaux usées et les installations sanitaires. De la même façon que les municipalités offrent des réductions des redevances d’aménagement à titre d’incitatif pour encourager la construction de nouveaux logements, on s’attend à ce que la réduction des redevances d’aménagement, au moyen de changements structurels, stimule le développement et rende faisable un plus large éventail de projets de logements, qui ne l’auraient pas été autrement.
Même si j’ai dit, lors de nombreuses séances publiques, que les redevances d’aménagement sont souvent trop élevées, le système juridique est trop important et trop ancré dans le système de planification de l’Ontario pour être complètement éliminé. Il serait contre-productif de simplement réduire les redevances d’aménagement sans s’assurer que les infrastructures qui soutiennent le logement soient financées. En collaboration avec l’OHDA et la BILD, et avec le soutien de l’Association des municipalités de l’Ontario, j’ai contribué à orienter un processus collaboratif continu, réunissant à la fois les promoteurs et les experts municipaux, qui a abouti à des recommandations détaillées sur la façon de moderniser le système des redevances d’aménagement, présentées à la province de l’Ontario.
Ces recommandations détaillées prévoient divers changements: nous voudrions adapter les taux des redevances d’aménagement en nous assurant qu’elles se limitent à leur objectif de base, à fournir un modèle de recouvrement des coûts et normaliser et simplifier le processus d’établissement du taux de redevances d’aménagement; réduire les points de négociation et la subjectivité dans l’interprétation et l’application de la loi; et éliminer les effets inflationnistes que la hausse des valeurs foncières a eus sur les taux de redevances d’aménagement. Par ailleurs, cela permettrait de réorienter la manière dont les taux sont imposés sur certains services, comme les aqueducs et les égouts sanitaires, et de remplacer le modèle actuel de paiement initial des redevances d’aménagement par un modèle de paiement récurrent, comme il en existe dans de nombreuses administrations au Canada et en Amérique du Nord.
Selon le modèle des redevances d’aménagement actuel, le capital et les frais d’intérêt associés à la dette municipale servant à financer les travaux d’immobilisations sont intégrés dans les taux des redevances d’aménagement. Les constructeurs, au moyen du permis de construire, paient ensuite ces redevances d’aménagement, et ces coûts se répercutent sur les prix plus élevés des logements. Ces dispositions sont très inefficaces et ajoutent des risques inutiles à la fois aux budgets municipaux, qui utilisent une capacité d’emprunt limitée, et elles créent un fardeau si la croissance prévue ne se réalise pas... et aux hypothèques des particuliers également, en faisant en sorte que les titulaires d’hypothèque privés paient le capital et les frais d’intérêt afin de payer le capital et les frais d’intérêt des municipalités.
Au-delà des changements recommandés pour moderniser le système des redevances d’aménagement, il existe d’autres mesures qui, je crois, permettraient d’atteindre les objectifs qui s’imposent, à savoir la réduction des redevances d’aménagement et des coûts d’aménagement, tout en s’assurant que les travaux d’immobilisations sont financés. D’abord, il faut demander aux gouvernements fédéral et provinciaux d’assumer une plus grande part de responsabilité dans le financement des grandes infrastructures de transport nécessaires à l’édification des régions. Les redevances d’aménagement municipales sont la première source de financement des travaux, comme les nouvelles lignes de métro ou le prolongement de lignes de métro, les carrefours à niveau, le système léger sur rail et ainsi de suite. Pour une municipalité, il s’agit de projets très coûteux à financer, à construire, à exploiter et à maintenir.
Ensuite, il faut demander aux gouvernements fédéral et provinciaux de financer les travaux d’infrastructure pour l’approvisionnement en eau et le traitement des eaux usées et encourager l’adoption de modèles de recouvrement des coûts plus efficaces qui reposent sur des frais récurrents plutôt que sur des frais initiaux.
Ces changements permettraient de réduire le fardeau des municipalités et des acheteurs de maisons neuves, de réduire les contraintes sur l’offre de nouveaux logements et de créer des capacités de services et de transport pour que le Canada poursuive sa croissance.
Je vous remercie de m’avoir accordé l’honneur de comparaître devant votre comité aujourd’hui. Je suis heureux de répondre à vos questions.
[Français]
Le président : Merci, messieurs Keleher et Wilkes.
Chers collègues, pour le second groupe de témoins, je propose que nous limitions les questions à quatre minutes chacun et s’il reste du temps, nous ferons une seconde ronde de questions.
[Traduction]
Nous commencerons par le vice-président.
Le sénateur Varone : Ma première question s’adresse à M. Wilkes, et je veux parler d’un article écrit par Mark McQueen, qui a paru le 23 juillet dans le Toronto Star, et dans lequel vous avez été cité. Le titre de l’article est « Toronto’s housing crisis is more about greedy governments than ‘market failure.’ », c’est-à-dire la crise du logement à Toronto tient davantage de la cupidité des gouvernements qu’à une défaillance du marché.
M. McQueen passe en revue la genèse de la TVH sur les nouvelles maisons. Vous y avez fait allusion. L’article mentionne l’indexation qui devait être associée à ce plafond de 450 000 $. Quel aurait été ce plafond, aujourd’hui, selon vous, s’il avait été imposé en 1991?
M. Wilkes : Merci de me donner l’occasion de répondre, sénateur.
Vous avez raison : j’ai retrouvé la version originale du Document technique Taxes sur les produits et services que l’honorable Michael Wilson avait présenté. Il traitait du programme d’où nous tirons les chiffres. Comme je l’ai mentionné, il dit que le programme de ristourne de la TPS/TVH sur les logements neufs :
.... bénéficiera à plus de 95 pour cent des achats de logements neufs. Par conséquent, la TPS ne constituera pas un obstacle à l’accession à la propriété de logements neufs à prix abordables au Canada.
Je cite le document technique qui a été publié à l’époque.
Quant à l’inflation du seuil de remboursement, qui est actuellement de 350 000 $, nous jugeons que le seuil d’un million de dollars que j’ai mentionné serait le seuil approprié pour le remboursement complet. Sénateur, nous vivons actuellement une époque particulière et une énorme crise du logement. Les ventes ont cessé; elles ont littéralement baissé de 85 % par rapport à la moyenne d’il y a 10 ans, dans la région du Grand Toronto. On observe des baisses similaires à Vancouver, et maintenant à Edmonton et à Calgary également. C’est pourquoi nous pensons que la recommandation que nous présentons au gouvernement, à savoir accorder une exemption de trois ans sur le premier million de dollars du coût d’achat d’une maison, serait la mesure nécessaire pour augmenter l’abordabilité et ramener de nouveau les gens sur le marché.
Sans cela — et je vais m’arrêter ici —, nous allons connaître une grave pénurie de logements; une pénurie croissante de logements abordables, puisqu’il n’y a rien à vendre sur le marché; des pertes d’emplois massives; et une baisse de l’activité économique. Nous recommandons un seuil de un million de dollars et une exemption complète pour trois ans.
Le sénateur Varone : Monsieur Keleher, j’ai lu votre rapport sur l’état des redevances d’aménagement en Ontario, que vous venez de mentionner. À la page 17, vous présenter votre point de vue avec une grande éloquence et avec diplomatie :
Il n’est pas inhabituel que les études sur les redevances d’aménagement municipales fournissent peu d’explications sur les affectations des avantages pour les aménagements existants pour chaque projet...
Pour vérifier cela, j’ai consulté le rapport Hemson. Je devais le lire bien éveillé; c’était un rapport difficile à lire, parce que je ne comprenais pas ce qu’il disait.
Pourriez-vous nous en dire plus sur les avantages pour les aménagements existants?
M. Keleher : Bien sûr.
J’avais raison dans le rapport : il n’y a pas beaucoup d’informations sur le contexte dans les études préliminaires. Habituellement, les études préliminaires font de 200 à 400 pages, selon la municipalité. Il y a beaucoup de détails, sauf qu’il en manque en général en ce qui concerne le partage essentiel des responsabilités au chapitre des coûts en capital entre les droits d’aménagement et le secteur de croissance et les contribuables existants. Habituellement, c’est un chiffre fourni dans un tableau, et il pourrait y avoir un petit préambule donnant les motifs généraux, mais on a généralement besoin de quelqu’un comme moi, un collègue vérificateur, qui pose les questions afin de savoir pourquoi on parle ici de 5 %, de 10 % ou de 50 %.
Puis, il y a souvent des différends quant à la philosophie générale à adopter au moment d’appliquer les avantages pour les aménagements existants. Il y a un différend philosophique fondamental entre certains consultants de l’industrie qui font ce travail où la croissance peut entraîner la réalisation d’un projet. S’il n’y avait pas eu cette croissance, ce projet aurait-il été nécessaire? Si la réponse est non, le projet n’aurait pas été réalisé s’il n’y avait pas eu de croissance. C’est elle l’élément déclencheur.
Est-ce que la croissance entraîne la réalisation du projet? C’est une question distincte. Selon ma compréhension du libellé de la loi, c’est une question distincte qui consiste à savoir si, même si le travail découle de la croissance, les aménagements existants en bénéficient. Prenez la ville de Brampton, par exemple. Dans les redevances d’aménagement du secteur des parcs et loisirs, il y a un stade de cricket. Ce n’est pas un simple terrain de criquet dans un parc qui pourrait devoir être agrandi pour suivre la croissance de la population, mais un stade de criquet qui attire des tournois internationaux et des choses du genre, c’est un genre d’attraction touristique. Cette information figure dans l’étude préliminaire de la ville de Brampton, qui prévoit 0 % d’allocation pour les aménagements au regard des avantages existants, donc il est entièrement financé par les redevances d’aménagement.
Le sénateur Loffreda : Merci à nos deux témoins d’être présents aujourd’hui.
Je vais maintenant vous donner un petit cours d’histoire. Nous avons déjà traversé des crises similaires dans le passé. Dans les années 1960, une maison unifamiliale moyenne à Toronto coûtait 20 000 $. À la fin des années 1970, elle en coûtait 70 000 $, et, à la fin des années 1980, 274 000 $.
Il y a déjà longtemps, le Canada a créé le programme des immeubles résidentiels à logements multiples, les IRLM, et je connais bien ce programme en tant que CPA. Dans les années 1980, quand j’étais comptable, de nombreux investisseurs étaient propriétaires de ce genre d’immeubles partout au Canada. On offrait des mesures incitatives fiscales aux investisseurs privés pour qu’ils construisent des logements locatifs, et cela a grandement augmenté l’offre, à l’époque. Comme vous le savez, ils se servaient de la dépréciation pour créer une perte locative et compenser d’autres sources de revenus. Il s’agissait d’une mesure incitative fiscale visant à attirer des capitaux dans le marché.
Ce que j’entends, c’est que nous avons suffisamment de capital, ces jours-ci. Voici ma question : même si on a finalement mis fin à ce programme en raison de préoccupations liées à la surutilisation des abris fiscaux, à l’époque, il a tout de même réussi à mobiliser le capital privé et à stimuler la construction, parce que l’on a besoin de mesures incitatives.
Compte tenu de la crise du logement actuelle et du besoin urgent de construire davantage d’unités locatives, devrions-nous envisager une version modifiée du programme des IRLM pour aider le Canada à remédier à la pénurie de logements? Sinon, selon vous, quelles autres mesures fiscales pourraient avoir le plus de répercussions immédiates?
M. Wilkes : Oui, nous sommes d’accord pour remettre sur pied un programme d’IRLM. Nous croyons qu’il s’agissait d’un outil efficace, comme vous l’avez dit, quand il a été mis sur pied la première fois, et nous croyons qu’il pourrait accélérer la construction de plus de logements locatifs. Nous sommes vraiment d’accord.
Monsieur le sénateur, si vous me le permettez, nous n’avons pas besoin d’un outil fiscal, mais plutôt de plus de capitaux sur le marché. On aura besoin de trillions de dollars pour construire le nombre de logements nécessaires à l’échelle du pays.
Voici une autre mesure qui n’est pas de nature fiscale que nous aimerions que le gouvernement examine, à savoir l’interdiction qui vise les acheteurs étrangers actuellement en vigueur. Évidemment, nous comprenons les raisons de son entrée en vigueur. Nous croyons que le modèle australien, lequel permet à des étrangers d’acheter une maison, s’ils s’en servent comme résidence principale, est une façon beaucoup plus élégante d’atteindre les objectifs du gouvernement. Nous examinerions aussi la possibilité de mettre à jour et de moderniser l’interdiction actuellement en vigueur et de relancer le programme des IRLM.
Le sénateur Loffreda : Merci. Monsieur Keleher, avez-vous des commentaires à faire en réponse à mes questions?
M. Keleher : Je n’ai pas grand-chose à ajouter. Je ne suis pas un expert du programme des immeubles résidentiels à logements multiples, mais je dirais que, en général, les mesures qui ciblent les coûts fonctionnent. Les municipalités offrent toute une gamme de programmes incitatifs conçus pour favoriser le développement et limiter les coûts. Les revenus sont plutôt fixés selon ce que le marché peut se permettre, donc, en général, les mesures incitatives qui fonctionnent le mieux sont celles qui ciblent les coûts, puisque cela permet d’emblée de développer davantage.
Le sénateur C. Deacon : Merci à nos témoins. Vous êtes tous deux convaincants quand vous dites qu’il faut du changement.
Quelles voix indépendantes sont en faveur du statu quo, la façon arbitraire de déterminer le montant des droits d’aménagement et l’absence complète de transparence, dans la mesure où l’acheteur ne sait rien de cette somme, il ne fait que payer pour acheter la maison? Quelles voix indépendantes sont en faveur de ce statu quo?
M. Wilkes : Je n’en connais aucune. Cela a été intéressant, sénateur. Je pense que le discours a bien changé et que l’on reconnaît qu’il faut un nouveau modèle, que les droits et taxes imposés par le gouvernement sur le logement sont insoutenables et que c’est eux qui ont mené aux enjeux d’abordabilité d’aujourd’hui. Les retards que nous avons mentionnés dans notre discussion avec M. Howe doivent être réglés, et les échéances doivent être raccourcies.
J’essaie d’être positif, et nous voyons des changements au sein du gouvernement de l’Ontario, dont nous avons parlé plus tôt. Nous voyons que le gouvernement fédéral se concentre sur la nécessité de construire plus de logements et cherche une façon de réduire les droits d’aménagement; nous voyons les changements recommandés quant à la TVH, même si selon nous, ces changements sont trop limités.
Je ne connais personne qui est en faveur du statu quo. Je l’ignore peut-être, tout simplement. Ce que je sais, c’est que l’on reconnaît qu’il faut changer les choses. Ce que nous encourageons aujourd’hui, compte tenu de la crise actuelle, qui est plus importante que celle du début des années 1990, c’est un gouvernement audacieux qui apporte des changements importants; autrement, nous serons dans une position difficile dans trois ou quatre ans. C’est l’heure d’apporter ces changements. Nous ne pouvons plus attendre.
Le sénateur C. Deacon : Aussi, puisque le gouvernement fédéral pourra décider du montant qu’il injectera dans le système, qu’en pensez-vous? Savez-vous si une voix indépendante est en faveur du statu quo?
M. Keleher : Je pense que les voix en faveur du statu quo ont diminué en nombre au fil du temps. Le projet de loi 23 adopté il y a quelques années en Ontario a grandement réduit les droits d’aménagement ou a introduit des exemptions sur certains droits d’aménagement pour certains types de développement, y compris les logements abordables. Je dirais que le secteur municipal s’est opposé aux coûts de ces mesures incitatives. Au bout du compte, il voulait être pleinement compensé pour le coût des infrastructures qu’il devait construire. Je pense que le ton a changé. Je pense que les municipalités se sont finalement laissées convaincre, ou du moins ont reconnu qu’il fallait une réforme et des changements et peut-être normaliser certains calculs intégrés aux taux des droits d’aménagement qui peuvent être aussi élevés qu’ils le sont.
La sénatrice McBean : Merci. Monsieur Keleher, nous avons entendu d’un précédent témoin dire que le gouvernement fédéral n’avait pas fait un bon travail en ce qui a trait à la collecte de statistiques et de données sur différents types de logements et sur la qualité à l’échelle du pays. Je me demandais si cela avait une quelconque incidence.
À la lumière de votre recherche et de vos modélisations économiques, quels facteurs structurels sont les plus responsables de la pénurie de logements au Canada? Dans quel secteur le fédéral peut-il intervenir pour avoir le plus de résultats? Aurions-nous dû voir venir la situation plus tôt et chercher à obtenir des résultats il y a cinq ou dix ans?
M. Keleher : Je vois cela tout le temps dans les petites municipalités de l’Ontario qui cherchent à croître. Il leur manque l’infrastructure de service et la capacité d’endettement qui leur permettrait de la financer par emprunt. Il existe des règles provinciales qui limitent la capacité d’emprunt d’une municipalité d’une certaine taille. Même les municipalités qui veulent croître doivent respecter ces règles qui limitent leur capacité d’emprunt.
Je pense que c’est là que le gouvernement peut vraiment apporter son aide. Cela inclut aussi, et surtout, le secteur du transport des grandes municipalités, mais il peut aider les petites municipalités à réunir suffisamment de fonds pour faire construire une grande usine de traitement des eaux usées, un système d’aqueduc, et ainsi de suite. Ces usines coûtent vraiment beaucoup d’argent, ce qui peut nuire à une municipalité qui veut croître, mais qui en est littéralement incapable. Elles ne peuvent pas se permettre de croître en raison du coût en capital trop élevé.
La sénatrice McBean : Peut-être que cela ne vous aide pas du tout, mais pensez-vous que, s’il avait recueilli de meilleures statistiques sur le logement et la collectivité, le gouvernement fédéral aurait pu voir les possibilités et savoir où il pouvait aider, et ainsi apporter son aide plus rapidement?
M. Keleher : Peut-être. En tant que chercheur en économie, j’ai toujours dit qu’il fallait plus de données. Plus de données peuvent aider à éclairer la conversation et ajouter des faits au dialogue.
Je ne sais pas si elles auraient été utiles pour régler les questions fondamentales du coût de service de la dette qui pourraient limiter, et qui limitait depuis longtemps, peut-être, la croissance à l’extérieur de la région du Grand Toronto. Il est évident que j’aimerais qu’il y ait plus de données, et elles ne peuvent qu’éclairer la conversation des universitaires et des chercheurs comme moi.
La sénatrice McBean : Monsieur Wilkes, j’ai aimé vous entendre dire que le seuil de 1 million de dollars actuellement établi pour le remboursement de la TPS aurait été une bonne idée s’il avait été indexé. Mais, partout au pays, il y a une grande fluctuation des prix des nouvelles maisons. Vous pouvez imaginer qu’une nouvelle maison à Charlottetown est loin de coûter la même chose qu’une nouvelle maison à Vancouver ou à Toronto.
Est-il convenable de conserver le 1 million de dollars, pour le gouvernement, ou devrions-nous prendre comme base de référence les prix dans différentes régions?
M. Wilkes : C’est une excellente question, sénatrice. Il n’existe aucun marché national du logement, comme vous venez de le souligner dans votre question. Il y a des différences géographiques. Nous croyons que le chiffre de base de 1 million de dollars a du sens. C’est pour cette raison que nous disons aussi que cela ne concerne pas les maisons de moins de 1 million de dollars, mais plutôt le premier million de dollars de l’achat. Donc, s’il s’agit d’une maison de 1,2 million de dollars, vous paieriez la TPS seulement sur 200 000 $. Cela refléterait l’indexation qui n’a pas eu lieu. Cela avantagerait la plupart des acheteurs du pays. Certains marchés plus dispendieux, comme Vancouver et Toronto, n’offriraient pas les mêmes avantages que d’autres endroits comme Charlottetown, mais, étant donné que la TPS est un programme national, c’est l’approche que nous soutiendrions.
Nous serions aussi d’avis qu’il convient d’offrir une exemption du même montant dans les provinces où l’on applique une TVP sur le logement — comme vous le savez, il ne s’agit pas de toutes les provinces — pour s’attaquer aux enjeux d’abordabilité auxquels on fait face.
La sénatrice McBean : Merci.
Le sénateur Fridhandler : Monsieur Wilkes, je crois que vous avez dit qu’une des priorités les plus importantes était de supprimer les taxes sur l’eau et sur les eaux usées des droits d’aménagement au profit d’un financement tout au long du cycle de vie. Comme c’est une partie très importante des droits d’aménagement, je pense que le gouvernement fédéral pourrait intervenir en maniant la carotte et le bâton.
Je crois que la Banque de l’infrastructure du Canada a déjà financé jusqu’à un certain point certains projets municipaux relatifs à l’eau, mais je n’en suis pas certain. Pouvez-vous nous en dire plus? C’est une partie importante de ce dont nous parlons en ce moment.
M. Wilkes : Je suis d’accord, monsieur le sénateur. C’est une occasion très intéressante. Je suis aussi d’accord pour dire que le gouvernement fédéral — et, je dirais même, avec l’aide des gouvernements provinciaux — pourrait avoir un important rôle à jouer dans ce projet. L’approvisionnement en eau et le traitement des eaux usées, comme il a été mentionné, représentent plus ou moins 50 % des droits d’aménagement, donc, si vous supprimez cela, vous pouvez immédiatement réduire le coût de construction, ce qui sera reflété dans le prix d’achat.
L’engagement du gouvernement fédéral à réduire de 50 % les droits d’aménagement s’inscrit dans la série d’engagements pris par le gouvernement actuel. Nous croyons que c’est là l’essentiel. Supprimer ce qui concerne l’approvisionnement en eau, le traitement des eaux usées et, dans certains cas, le transport en commun. Les gouvernements municipaux ne devraient pas avoir la responsabilité de financer tout cela par l’entremise des droits d’aménagement; la responsabilité devrait aller aux ordres supérieurs du gouvernement, et le financement pourrait se faire par emprunt — comme M. Keleher l’a souligné dans sa recherche —, comme aux États-Unis et d’autres régions du Canada.
Nous croyons que c’est une occasion formidable, mais elle doit s’accompagner — pour reprendre l’expression toute faite — d’une attente, voire d’une exigence, selon laquelle ces charges seront retirées des droits d’aménagement et que les municipalités réduiront les coûts. Ils ne peuvent pas simplement être détournés, et ils ne peuvent pas être réaffectés, si vous voulez, à d’autres types de financement.
La réponse courte est oui, et la réponse courte est qu’il doit y avoir des garde-fous.
Le sénateur Fridhandler : Nous n’essaierions pas de répartir ces charges dans de nouvelles activités. Nous allons simplement toutes les mettre dans le même bassin de services publics en essayant de ne pas jouer avec les différents segments de financement. Cela s’ajoute simplement aux frais de financement habituels des services publics, qui sont imposés à toute la population de la municipalité.
M. Wilkes : Si vous me le permettez, monsieur le sénateur, bien que M. Keleher pourrait avoir des réponses plus précises, le modèle des services publics serait appliqué à ceux qui profitent de l’infrastructure.
Si vous achetez une maison et que vous en êtes son propriétaire pendant cinq ans, vous payez pour cette part de l’investissement dans les aqueducs et le traitement des eaux usées. Le prochain propriétaire possède la maison pendant 10 ans, et paie ce montant, et ainsi de suite.
Nous croyons que cela devrait être lié à l’achat, comme dans les autres modèles de services publics, et que ce serait l’approche. Mais je demanderais l’avis de M. Keleher, qui a une plus grande expertise.
Le sénateur Fridhandler : Monsieur Keleher, auriez-vous quelque chose à ajouter?
M. Keleher : Oui. Pour revenir au point de M. Wilkes, nous pourrions calculer les droits d’aménagement comme nous le faisons aujourd’hui, peut-être avec un peu plus de rigueur en ce qui concerne les avantages pour les aménagements existants, ou les AAE. Cela nous donnerait le coût global par unité pour les infrastructures d’approvisionnement en eau et de traitement des eaux usées. Il s’agit ensuite de prendre ce montant et de l’amortir sur 25 ans, mais en plaçant ce fardeau seulement sur les nouveaux logements, fardeau qui sera payé sur 20 ou 25 ans, de façon que les logements existants ne soient pas affectés et que les propriétaires ne paient pas plus que ce que devrait être ou serait leur part nominale en tant que contribuables.
Cela nous permettrait aussi de corriger le tir au fil du temps pour les coûts réels. Présentement, avec le modèle du paiement initial, vous estimez les coûts sur une période de 20 ou 25 ans. Le modèle d’amortissement permet aux comptables et aux ingénieurs de savoir quels étaient les coûts actuels et de corriger en conséquence les droits imposés sur les nouveaux logements.
Je crois que cela se répercuterait également sur le prix, puisque l’acheteur devra prévoir, dans son hypothèque, la majoration des coûts récurrents des services d’aqueduc et de traitement des eaux usées.
La sénatrice Ringuette : Merci beaucoup. Votre témoignage m’éclaire.
J’ai observé depuis maintenant de nombreuses années, dans la région d’Ottawa, que les promoteurs de projets résidentiels prennent en charge les infrastructures locales. D’après ce que j’ai entendu, il semble que Toronto fait les choses différemment. Ai-je bien compris? Si le promoteur s’occupe — sous supervision, je présume — des infrastructures requises, où les frais doivent-ils être enregistrés ou facturés? Selon moi, ce n’est pas logique.
Monsieur Keleher, vous avez hoché la tête. Comprenez-vous ce que je dis?
M. Keleher : Oui, comme vous l’avez dit, je travaille énormément sur ce type de questions concernant les services locaux à Ottawa.
Il y a une différence fondamentale entre ce qui est fait à Ottawa et ce qui est fait ici et à Toronto. Il y a à Ottawa plus de nouveaux aménagements associés à des plans de lotissement. Les travaux généralement prévus dans le plan de lotissement seront ce que nous appelons les services locaux, et leur financement est la responsabilité du promoteur, en plus des droits d’aménagement. Les droits d’aménagement servent à financer les travaux hors site, en général, donc les grandes artères, le réseau de transport en commun, les centres récréatifs importants et des choses de ce genre.
Il n’y a pas de terrain vierge à Toronto. Il y a seulement des demandes individuelles et des sites intercalaires, et aucun mécanisme n’est prévu dans la Loi sur les redevances d’aménagement ou dans la Loi sur l’aménagement du territoire pour cela — tous ces travaux locaux doivent être acquis au moyen d’une condition de lotissement, conformément à l’article 51 de la Loi sur l’aménagement du territoire.
S’il ne s’agit pas d’un lotissement et que vous construisez sur une parcelle existante et réaménagez une parcelle existante, aucun mécanisme ne vous permettra de recouvrer ces services locaux. Ils n’existent pas vraiment à Toronto comme ils existent à Ottawa.
La sénatrice Ringuette : Exactement. Si vous construisez sur une parcelle du centre-ville de Toronto qui est déjà desservie par toutes les infrastructures nécessaires, pourquoi devrait-il y avoir des droits d’aménagement? S’il y en a, ils devraient être minimes.
Pourriez-vous nous en dire plus? Ou, M. Wilkes, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Wilkes : Je suis d’accord avec les propos de M. Keleher. Je ne veux pas répéter ce qui a déjà été dit, donc je n’ai rien à ajouter.
La sénatrice Ringuette : Merci.
Le sénateur Dalphond : Merci d’être ici avec nous ce matin.
J’ai lu avec beaucoup d’intérêt votre rapport publié en juillet, cette année, intitulé The Pathway for Rental Housing Stock. Je l’ai trouvé très intéressant. À la partie 3 de ce rapport, vous présentez une série de recommandations pour le gouvernement fédéral dont vous avez parlé aujourd’hui; pendant les rondes de questions et de réponses et pendant vos interventions, vous avez parlé de toutes ces recommandations.
Voici ma question : avez-vous eu une réponse du gouvernement sur ces recommandations?
M. Wilkes : De nombreuses recommandations de ce rapport traitent de la manière d’encourager le logement locatif et de faire fonctionner les pro forma. La principale recommandation, par exemple, était de réduire les taxes foncières et de rendre rétroactif le remboursement de la TVH pour stimuler les projets et permettre leur mise sur le marché. Nous n’avons pas encore eu de réponse précise, pour le moment. Nous attendons tous de voir ce que proposera le budget du 4 novembre, mais ces recommandations restent en suspens.
Le sénateur Dalphond : L’une de vos recommandations sous la rubrique « Stratégie d’attraction des capitaux » était de « Lever l’interdiction visant les acheteurs étrangers ».
Pourriez-vous nous en dire plus? Parce qu’il est également indiqué que, à Vancouver, le problème du logement est en partie causé par les acheteurs étrangers qui achètent des appartements et ne les utilisent pas; ils les gardent au cas où.
M. Wilkes : Comme je l’ai dit plus tôt en répondant à votre collègue, monsieur le sénateur, nous croyons qu’il est possible d’adopter une autre approche qui n’interdit pas complètement l’achat d’un logement à tous les étrangers, à savoir le modèle australien. D’après ce que nous avons compris, il fonctionne très bien, en Australie, et permet l’achat d’un logement en tant que résidence principale ou en tant que logement locatif. Elle a du sens.
Nous devons attirer sur le marché des billions de dollars en capitaux si nous voulons que les logements dont nous avons besoin soient construits. Nous croyons que l’interdiction actuelle est un instrument trop grossier, et nous devons le raffiner, comme nous l’avons recommandé.
Le sénateur Dalphond : Une autre recommandation était de « Repositionner l’initiative Maisons Canada ». Avez-vous discuté avec Maisons Canada? Parce que je crois que la nouvelle présidente-directrice générale vient de Toronto. Elle connaît très bien la ville de Toronto. Elle a été conseillère municipale pendant plus de 10 ans.
M. Wilkes : Elle siégeait au comité de l’urbanisme, et elle était d’ailleurs employée chez un de nos membres. Nous connaissons très bien Mme Bailão. Nous sommes ravis qu’elle occupe ce poste et nous croyons qu’elle va faire du très bon travail.
Notre principale préoccupation était de nous assurer que Maisons Canada était un modèle de partenariat et que le gouvernement ne s’occupait pas directement de la construction des logements, mais s’appuyait sur les experts de l’industrie possédant les compétences nécessaires pour faire ce travail. Et nous comprenons que c’est, en effet, l’engagement qui a été pris au nom de Maisons Canada.
Je dois aussi faire une mise en garde : Maisons Canada ne peut pas être la seule solution. Maisons Canada fera partie de la solution. L’organisation investira ce qu’elle doit investir — si ma mémoire est bonne, on parle de 13 milliards de dollars —, mais nous avons besoin de beaucoup plus d’investissements dans le marché du logement.
Nous ne pouvons pas nous laisser distraire de ce qui est, selon moi, le problème principal, soit le coût de la construction, le sujet des délibérations de votre comité. C’est pourquoi nous réclamons avec tant d’insistance et de constance des changements de la TVH; des changements significatifs des droits d’aménagement; et des changements significatifs du mode de calcul des coûts utilisé par les municipalités, qui s’appuieront sur des investissements du gouvernement fédéral et, je l’espère, des gouvernements provinciaux.
Donc, je crois qu’un partenariat avec Maisons Canada est une bonne façon de procéder, mais il s’agit seulement d’une partie de la solution.
Le sénateur Dalphond : Merci.
Le sénateur Yussuff : Merci à vous deux d’être ici. Vous formulez des recommandations très concrètes dans le contexte de la question de l’abordabilité. Compte tenu des conflits de compétence évidents auxquels nous faisons face, ici au Canada, et du travail que devront faire les provinces avec les municipalités pour, j’imagine, élaborer une approche améliorée et plus cohérente pour traiter certaines de ces questions et la crise dans laquelle nous nous retrouvons, dans le cadre de votre travail, quand vous essayez de fournir une orientation aux gouvernements provinciaux, qu’il s’agisse de l’Ontario ou d’autres provinces, avez-vous l’impression que vos recommandations ont fait l’objet d’un véritable examen visant à déterminer comment nous pouvons réellement faire une différence et réduire le coût du logement, surtout pour les jeunes? Mais aussi, d’un autre côté, comment pouvons-nous relancer ce marché, qui semble prendre la mauvaise direction, d’après les données dont nous disposons actuellement? La question s’adresse aux deux témoins, si vous le voulez bien, selon votre expertise.
M. Wilkes : Monsieur Keleher, voulez-vous répondre en premier?
M. Keleher : Je peux seulement parler des modifications législatives en Ontario. Récemment, l’Ontario a apporté de nombreux changements par l’entremise du projet de loi 17, en promettant d’autres changements réglementaires à venir. Je crois que certains de ces changements réglementaires font peut-être écho à ce qui se trouvait dans mon livre blanc, publié plus tôt cette année, concernant la normalisation des méthodes de calcul des avantages pour les contribuables et des avantages en termes de croissance et certaines des questions relatives aux services locaux soulevées par d’autres sénateurs, précédemment, sur le lotissement à Ottawa et les responsabilités de chacun et la clarification de ces responsabilités.
Souvent, ces deux éléments font l’objet de négociations intenses pendant le processus d’aménagement et le processus d’approbation de l’aménagement, au point où certains de mes clients présentent une demande d’approbation, et je les ai entendus dire qu’ils se sentaient obligés de payer eux-mêmes pour certaines de ces infrastructures plutôt que d’obtenir des crédits pour les droits d’aménagement par l’entremise de travaux de construction urbaine.
J’espère que la province envisage certains changements réglementaires à des fins de simplification et de normalisation, espérons-le, et qu’elle rendra certaines de ces approches beaucoup plus objectives que subjectives, comme elles le sont souvent aujourd’hui.
M. Wilkes : Monsieur le sénateur, j’aimerais ajouter aux remarques de M. Keleher que nous constatons du changement. Et, comme je l’ai dit plus tôt, le discours a vraiment changé; nous devons réduire les coûts de construction. Moi aussi, je suis limité par mon expérience à la province de l’Ontario.
J’aimerais ajouter à ce qu’a dit M. Keleher : nous voyons des municipalités le reconnaître elles aussi. Nous avons vu des villes comme Mississauga et Vaughan réduire leurs droits d’aménagement, car elles reconnaissent que le régime actuel n’est pas viable. Elles ont pu le faire grâce au soutien du gouvernement provincial, qui a investi pour s’assurer que les infrastructures nécessaires seraient construites.
De plus, comme l’a dit M. Keleher, nous avons vu la province de l’Ontario, par le truchement d’une série de mesures législatives, essayer de rationaliser ce qui est admissible dans le cadre d’un régime de droits d’aménagement, s’il s’agit d’avantages pour les aménagements existants, en examinant le modèle des services publics, l’eau et les eaux usées ou d’autres choses.
Donc, nous voyons des progrès. Mais il faut en faire plus. Vous avez souligné avec justesse que nous sommes dans une crise extrême, d’une ampleur que nous n’avons pas vue depuis plus de 40 ans. Et nous ne pouvons pas rater — et j’utiliserai probablement mal ce mot — cette chance de créer le changement nécessaire concernant la manière dont nous taxons et réglementons le logement.
Le président : Avant de passer au deuxième tour, je dois dire que je trouve intéressant que nos deux témoins présents, et même M. Howe du groupe précédent, ont la même recommandation, selon laquelle les infrastructures d’approvisionnement en eau et de traitement des eaux usées ne devraient peut-être pas être financées dès le départ, mais tout au long de leur cycle de vie, selon le modèle des services publics.
Je viens du Québec. Je suis également un ancien conseiller municipal. Pourriez-vous expliquer pourquoi les autres provinces ne se sont pas inspirées de ce modèle puisqu’il fonctionne au Québec? D’ailleurs, les droits d’aménagement y sont bien moins importants qu’en Ontario et en Colombie-Britannique. Est-ce légal? Est-ce parce qu’il s’agit d’une société distincte? Qu’est-ce qui explique cela?
M. Keleher : C’est une grande question, et les chercheurs l’ont étudiée très longtemps. Je crois qu’en Ontario, d’après ce que je sais de l’histoire, les taxes de lotissement étaient le système en vigueur avant les droits d’aménagement. Elles étaient informelles et négociées au cas par cas. Cela a conduit à un système formel dans lequel les gens paient à l’avance. Je crois que lorsque les droits d’aménagement ont été instaurés en Ontario en 1989, puis en 1997 avec la mise à jour de la loi, ils s’élevaient à 4 000 $ et à 5 000 $ l’unité. Ils ne représentaient peut-être pas un fardeau aussi lourd qu’aujourd’hui, où ils peuvent atteindre 137 000 $ l’unité dans certains cas. Ce n’était peut-être pas un aspect à prendre en considération jusqu’à ces cinq ou dix dernières années, lorsque les droits d’aménagement ont brutalement augmenté, et je crois que les gens se rendent compte que ce modèle ne fonctionne pas.
J’ignore pourquoi on n’a pas examiné certains autres modèles comme ceux du Québec, du Texas ou de la Floride, car il me semble très évident en tant qu’économiste qu’il s’agit de la solution préférable, la plus efficace. Je suis certain que nombre d’universitaires seraient d’accord avec moi là-dessus — peut-être pas tous, mais c’est le consensus général auquel les économistes aboutiraient.
Le président : Monsieur Wilkes, nous pouvons expliquer qu’en fait, c’est garanti par le gouvernement du Québec, car sinon, chaque municipalité aurait un coût d’emprunt beaucoup plus élevé, selon les cas. Essentiellement, c’est un fonds commun.
M. Wilkes : C’est là où je crois que le gouvernement fédéral a la possibilité, par son engagement, monsieur le sénateur et monsieur le président, de réduire les droits d’aménagement comme il l’a fait, en fournissant des fonds pour les infrastructures, en offrant cette occasion de financement du développement, tout comme pour les autres grands projets de génie civil. Le modèle doit absolument changer. M. Keleher a rédigé un article qui défendait cet argument de manière très convaincante.
Encore une fois, pour être positif, je constate que l’on reconnaît la nécessité d’étudier différentes manières de financer tout ce qui concerne l’eau, les eaux usées et le transport en commun. Cependant, nous devons agir avec le sentiment d’urgence dont nous avons parlé.
Le président : Merci. Avant de passer au deuxième tour, je dois présenter mes excuses à mes collègues, à Ottawa. Je crois que vous avez une question.
La sénatrice Wallin : Je suis peut-être un peu en retard sur la question. Je sais que vous vous êtes surtout concentré sur Toronto et l’Ontario, votre domaine de spécialité, mais mon collègue, le sénateur Deacon, a soulevé la question hier pendant nos discussions : nous savons que les petites villes subissent beaucoup de pressions. Je le vois dans l’Ouest canadien quand j’observe les flux d’immigration. Les immigrants se déplacent vers l’ouest parce que les villes ne peuvent plus les accueillir. Il y a vraiment des problèmes fondamentaux en matière d’offres de logement, des problèmes fondamentaux en matière d’infrastructure — littéralement, les canalisations souterraines qui acheminent l’eau. Ce problème existait déjà et maintenant, il est exacerbé. Voyons-nous cela dans le contexte des discussions selon lesquelles nous devons examiner cette question dans une optique nationale?
M. Wilkes : Si vous me le permettez, madame la sénatrice, je crois que nous avons besoin d’investissements et d’infrastructures partout au pays. Je suis certainement d’accord. Mais je répondrais à votre question d’une autre manière, et je crois qu’une part des pressions exercées sur les petites collectivités, les collectivités où la valeur des terres est légèrement inférieure à celle des grands centres urbains, où 50 % des constructions sont... on ne peut régler un problème sans régler l’autre. Je crois que l’occasion fondamentale qui nous est offerte, de mon point de vue et d’après mes connaissances, c’est de régler les problèmes d’abordabilité qui poussent les gens à quitter nos grands centres urbains. Cela a pour conséquence non seulement l’impossibilité d’accéder à la propriété, mais aussi un ralentissement de l’économie nationale, puisque les gens sont contraints de chercher ailleurs des logements abordables.
Je crois donc que les deux éléments vont de pair. Nous ne pouvons pas résoudre un problème sans résoudre l’autre si l’on veut s’attaquer à l’enjeu de l’abordabilité auxquels nous faisons face dans les grands centres urbains.
La sénatrice Wallin : Avez-vous quelque chose à ajouter, monsieur Keleher?
M. Keleher : Je voudrais me faire l’écho de certaines remarques de M. Wilkes, qui a dit qu’une part importante de la migration vers des régions telles que l’Alberta, la Saskatchewan et les provinces de l’Ouest provient de l’Ontario, où la crise de l’abordabilité est très grave, car nous ne sommes pas en mesure de répondre à la demande avec une offre adéquate.
Donc, je crois que si l’on règle les problèmes en Ontario, et qui sait, peut-être même à Vancouver, une partie du problème est atténué, car les gens continueront à vivre là où ils habitent plutôt que de chercher un logement et un emploi dans des endroits où le coût du logement serait moins élevé.
Le président : Chers collègues, il nous reste 10 minutes. J’ai deux sénateurs qui aimeraient prendre la parole au deuxième tour. D’accord, alors disons donc quatre minutes chacun.
Le sénateur Loffreda : Monsieur Keleher, j’ai une question à vous poser. Vous avez beaucoup écrit au sujet des droits d’aménagement en Ontario dans votre rapport publié plus tôt cette année, et vous en avez parlé avec passion aujourd’hui. Bon nombre de vos recommandations devront être examinées au niveau provincial, comme vous le savez. À votre avis, quel rôle peut jouer le gouvernement fédéral dans la taxation de certains de ces droits d’aménagement? Pourriez-vous en dire plus à ce sujet?
Et comment devrions-nous concilier le fait que de nombreuses municipalités comptent sur ces droits, qui sont une source importante de revenu? Je veux dire, ce serait une forte baisse de revenus pour beaucoup de ces municipalités, et nous savons que c’est un problème. Comment trace-t-on la ligne? Et, M. Wilkes, si vous voulez également répondre à cette question, n’hésitez pas à le faire.
M. Keleher : Pour revenir sur une des réponses de M. Howe, au bout du compte, tout se résume à une question d’argent pour le gouvernement fédéral. Ainsi, cela aura un effet maximal sur les droits d’aménagement et l’offre de logement.
À titre d’exemple, 42 % des droits d’aménagement dans la ville de Toronto sont affectés au transport en commun, au prolongement du métro, au matériel roulant des tramways et à tous les éléments relevant de son budget pour les transports en commun. C’est 32 % à Ottawa et 22 % dans la région de York.
Alors, dans ces grandes municipalités urbaines où la province dit vouloir favoriser la croissance, c’est là que les droits d’aménagement sont les plus élevés. Les raisons sont nombreuses, mais la principale reste le coût de construction du réseau de transport en commun.
Ce serait l’effet le plus important qui pourrait se produire aujourd’hui. Les municipalités sont toujours la principale source de financement, et les droits d’aménagement et l’assiette fiscale foncière sont toujours la source principale de financement de l’expansion du réseau de transport en commun de l’Ontario, et cela représente un lourd fardeau pour les municipalités, compte tenu de leurs sources de revenus limitées.
Le sénateur Loffreda : Monsieur Wilkes, aimeriez-vous ajouter quelque chose?
M. Wilkes : Je crois que le modèle de financement est mauvais, si je puis me permettre. Nous mettons trop de responsabilités sur les épaules des nouveaux propriétaires avec les droits d’aménagement facturés par les municipalités.
En ce qui concerne l’occasion dont M. Keleher, moi-même et, plus tôt, M. Howe avons parlé, nous devons redéfinir qui paie pour quoi et à qui revient la responsabilité pour des choses comme le transport en commun, comme vient de le dire M. Keleher, et les services d’aqueduc et de traitement des eaux usées. À mon avis, c’est la solution. Et la manière de soulager les municipalités de coûts qu’elles ne peuvent pas absorber consiste à supprimer ces coûts et à les faire payer par différents ordres de gouvernement.
Le sénateur Varone : Ma question, et je parle maintenant du marché résidentiel locatif du secteur privé... Nous sommes manifestement en pleine crise du logement, mais je vois sur des immeubles résidentiels locatifs nouvellement construits dans le marché privé des panneaux « à louer ». Ils ne sont pas loués, et il y a surabondance de logements locatifs sur ce marché.
Pourriez-vous me dire quelles sont les répercussions de la TVH et des droits d’aménagement sur le côté privé du marché locatif? Maisons Canada n’a pas à assumer la charge de la TVH et des droits d’aménagement, mais le marché privé le doit, et, maintenant que ces bâtiments sont construits, ils sont vides. Quelles sont vos opinions à ce sujet?
M. Wilkes : Je crois qu’il y a plusieurs choses à dire au sujet du marché locatif, et un de mes collègues en a parlé plus tôt dans le document de recherche qu’il a rédigé. La TVH a été supprimée sur les nouveaux immeubles locatifs, ce qui a constitué un incitatif important. Les analyses pro forma ne fonctionnent toujours pas pour les incitatifs à la construction d’immeubles locatifs, en raison de la structure des coûts dont nous avons parlé. Supprimer les taxes foncières ou les traiter différemment est un élément clé que nous recommandons.
Cependant, monsieur le sénateur, vous avez aussi raison, le marché locatif secondaire était souvent facilité par la copropriété, et c’était une source importante de logements locatifs que nous ne devrions pas et que nous ne pouvons pas ignorer.
Donc, envisager une structure différente pour la TVH sur ces immeubles en copropriété, envisager de réformer l’exemption pour les acheteurs étrangers, envisager de réduire les frais liés aux droits d’aménagement, tout cela s’inscrit dans un écosystème. Nous ne pouvons isoler aucun élément si nous voulons construire les 500 000 logements dont le gouvernement fédéral estime que nous aurons besoin au cours des dix prochaines années.
Je suggérerais alors l’exonération de la TVH — il y a justement une occasion qui s’offre concernant les unités en stock construites mais invendues. Une autre possibilité serait peut-être de supprimer temporairement la TVH sur ces unités, si elles sont mises sur le marché locatif, et de ne faire payer la TVH que lorsqu’elles sont effectivement vendues, pour les libérer.
Il faut également examiner attentivement les formulaires pro forma, la taxe foncière et l’effet que celle-ci aurait sur les logements locatifs. Cette réponse est un peu décousue, mais il y a plusieurs solutions à envisager pour assurer la viabilité du marché locatif.
De plus, si je puis me permettre, je crois vraiment qu’il est essentiel, si les infrastructures ne relèvent plus de la responsabilité des municipalités, de veiller à ce que ces coûts ne fassent plus partie des études préliminaires sur les droits d’aménagement. Il y a deux occasions essentielles, et nous pensons que celle-ci en est une, l’autre étant la TVH.
Le sénateur Varone : Merci.
Le président : Merci à nos deux témoins. La séance de ce matin a été très instructive. Je suis ravi. J’aime le fait que nous ayons différents modèles d’affaires au Canada, d’un bout à l’autre du pays. Cela inspirera sans doute notre rapport.
[Français]
Avant de lever la séance, j’aimerais prendre un instant pour remercier notre personnel, soit les interprètes, les sténographes, l’équipe de télédiffusion et, évidemment, nos analystes et notre greffier.
Notre prochaine réunion aura lieu mercredi prochain, à 16 h 30.
(La séance est levée.)